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Lorsque le leader suit la foule: la crise Baring dans une perspective microéconomique, 1880-1890

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Thesis

Reference

Lorsque le leader suit la foule: la crise Baring dans une perspective microéconomique, 1880-1890

FLORES ZENDEJAS, Juan

Abstract

Cette thèse fait une analyse microéconomique sur les années 1880 qui ont précédé la crise Baring en Argentine. Les théories jusqu'ici développées, ayant pour la plupart observé l'aspect macroéconomique de la crise, ont laissé des questions ouvertes principalement concernant le « timing » de l'événement. Notre hypothèse est que la concurrence entre les intermédiaires financiers provoqua des distorsions qui ont fait basculer l'Argentine vers la crise, bien que cette dernière ait été prévue depuis au moins trois ans auparavant.

FLORES ZENDEJAS, Juan. Lorsque le leader suit la foule: la crise Baring dans une perspective microéconomique, 1880-1890. Thèse de doctorat : Sciences Po Paris, 2004

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:154037

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THESE 

Pour l’obtention du titre de 

DOCTEUR EN SCIENCES ECONOMIQUES 

LORSQUE LE LEADER SUIT LA FOULE. 

La cr ise Bar ing dans une per spective micr oéconomique, 1880­1890 

Par 

J uan Huitzilihuitl F LORES ZENDEJ AS 

Thèse soutenue à l’IEP de Paris en septembre 2004 

Dirigée par M. Marc FLANDREAU  Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris 

Membres du Jury 

Rapporteur :  M. Pablo MARTÍN ACEÑA  Professeur à l’Université d’Alcala  Rapporteur :  M. J érôme SGARD 

Economiste Senior, CEPII  M. Michael BORDO 

Professeur à Rutgers Univesity, New Jersey  M. Gerardo della PAOLERA 

Président de l’American University de Paris  M. Marc FLANDREAU 

Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris

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Je  souhaite  en  tout  premier  lieu  exprimer  mon  infinie  gratitude  envers  M.  Flandreau,  dont  les  connaissances,  le  temps,  la  patience  et  l’amitié m’ont  accompagné  pendant  la  totalité  de  mes  études  de  doctorat.  Alors  que  ma  productivité  et  mon  inspiration  économique  connaissaient  des  hauts  et  des  bas  pendant  ces  années,  son  attention,  elle, est  toujours restée intacte. Grâce à ses exigences et à son soutien permanent j’ai pu  progresser dans mon travail et dans mes idées. Son enthousiasme a également contribué  à  ce  que  je  me  sois  plongé,  avec  un  énorme  plaisir,  dans  le  passionnant  univers  de  l’histoire  économique,  domaine  auquel  j’espère  avoir  pu  contribuer  avec  ce  travail  et  continuer à y contribuer avec d’autres travaux dans les  années à suivre. 

Cette thèse constitue donc le début de ma carrière dans le domaine de la recherche. Le  lecteur  y  trouvera  sûrement  des  aspects  à  améliorer,  ce  que  je  tâcherai  de  faire  à  l’avenir.  Les  erreurs  que  ce  travail  pourrait  contenir  relèvent  de  mon  entière  responsabilité. 

Mon  séjour  en  France  a  été  extrêmement  enrichissant  pour  mon  développement  intellectuel  et  personnel.  Toutefois,  cette  expérience  n’aurait  pas  été  possible  sans  le  financement de CONACYT et de mes parents, qui m’ont soutenu  dans un contexte de  dépréciation  du  dollar  par  rapport  à  l’euro  (ma  bourse,  en  effet,  était  en    dollars).  Le  soutien de la SFERE m’a également aidé à couvrir certaines dépenses occasionnées par  des déplacements que j’ai dû faire principalement sur Londres. 

Par  ailleurs,  dès  mes  débuts  en  1999,  j’ai  eu  le  soutien  de  plusieurs  maîtres  de  conférence  à  Sciences­Po,  tels  que  Javier  Santiso  et  Paolo  Giordano  qui  m’ont  encouragé  à  réaliser  mes  études  dans  cette  institution.  Je  ne  le  regrette  pas,    bien  au  contraire,  je  leur  en  suis  très  reconnaissant.  Cette  gratitude  s’adresse  également  à  Virginie Robert et  David Garibay, qui  m’ont fait  découvrir  les opportunités d’études à  Sciences Po lorsque j’étais encore étudiant au Mexique. 

Je  dois  également  mes  remerciements  aux  archivistes  des  banques  que  j’ai  visitées. 

Anne  Thérèse  Michèle  des  archives  de  Paribas ;  Moira  Lovegrove  et  Jane  Waller  de  ING  Baring;  Elaine  Penne  des  archives  de  Rothschild;  Rober  Nougaret  et  Béatrice  Letellier des archives du Crédit Lyonnais. Sans toute l’information que, grâce à eux, j’ai  pu réunir, je n’aurais pas réussi à mener à bien mes recherches et à conclure ce travail. 

J’ai aussi bénéficié des commentaires et suggestions de plusieurs personnes tout au long  de  mes  études.  Les  suggestions  du  professeur  Carlos  Marichal,  d’Andres  Regalsky  et  d’Albert  Broder  m’ont,  à  ce  titre,  été  précieuses.  Mes  conversations  avec  Yann  Doornbos, André Villela, Anders Örgen, et Domingo Garcia  m’ont été particulièrement  utiles.  Je  remercie  également  les  participants  de  l’EHESS  Summer  School  2002  à  Montpellier  pour  leur  précieux  commentaires,  ainsi  qu’aux  participants  du  congrès  d’histoire économique en 2003 à Madrid.

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Khoudour­Castéras,  Norbert  Gaillard  et  Ignacio  Briones  m’ont  également  soutenu  pendant ces années.  Leurs  suggestions dans  le cadre du séminaire  « Petits Doutes » et  lors  de  discussions  diverses  se  sont  avérées  particulièrement  utiles.  Les  professeurs  visiteurs  à  Sciences  Po  tels  que  David  Jestaz,  John  Nye,  Pablo  Martín  Aceña  m’ont  également  fait des remarques et critiques très constructives. 

Je tiens de plus à remercier Marie­Annick Payen, Manuel Morales, Marion Gautreau et  tous  ceux  qui  m’ont  aidé  à  résoudre,  dans  la  mesure  du  possible,  mes  limites  linguistiques.  Grâce  à  eux  j’ai  essayé  de  réduire  au  maximum  les  erreurs  de  français. 

Les démarches administratives de mon arrivée m’ont été simplifiées par  Annick Lorne  et Nicole Ennuyer, je leur en suis très reconnaissant. 

Finalement, je remercie  ma  famille d’accueil,  M. et Mme Robert, d’avoir  facilité  mon  arrivée en France ; Vanessa et Valérie Défournier, Clément Guinamard, Martin Binder,  Lina Kee, Lorena Alvardo, Javier Esguevillas, Tonatiuh Gonzalez, Mayra Munguia, qui  ont été comme des sœurs et des frères pour moi pendant ces années. Gloria Solans fut  une  compagne  d’une  valeur  inestimable,  je  lui  en  serai  toujours  extrêmement  reconnaissant.

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Introduction ...8  

I. Le contexte ...8  

II. La crise ...12  

III. Structure de la thèse ...14  

Références ...19 

Chapitre I...21 

1. Chronique d’une crise annoncée. ...21  

Introduction ... 21 

I. La crise... 22 

II. Les pré­conditions de la crise... 23 

III. L’effondrement... 42 

Conclusions ... 43

 

2. Les théories existantes ...44  

Introduction ... 44 

I. Les explications se penchant sur la demande... 45 

II. Le côté de l’offre ... 53 

III. Les questions ouvertes... 61 

Conclusions ... 64 

Références... 65

 

Chapitre II...68 

Le mécanisme d’émission de  titres  de  dette  souveraine  à  la  fin  du XIXe siècle. ...68  

Introduction ... 68 

I.  Le  mécanisme  d’émission  et  les  contrats  latino­américains :  1880­  1890... 69 

II. Les contrats argentins avant la crise de Baring... 76 

III. Les cas du Brésil et du Chili... 88 

IV. Les fondamentaux économiques comme pouvoir de négociation ... 92

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Conclusions ... 95 

Références... 96

 

Chapitre III ...98 

1.  Les  communications  avec  l’Amérique  latine :  le  développement technologique dans les flux d’information. ...98  

Introduction ... 98 

I. Littérature... 98 

II. Les navires et les routes vers l’Amérique du Sud  ... 101 

III. Histoire du télégraphe liant l’Europe avec l’ Amérique du Sud. ... 103 

Conclusions ... 109

 

2. L’information accessible aux investisseurs européens ...117  

Introduction ... 117 

I. Information des investisseurs... 118 

II. Information des Banques ... 133 

Conclusions ... 140

 

3. La crise Baring en perspective:  qui a fait le meilleur pari?141   Introduction ... 141 

I. Les négociations  de  l’emprunt de  1890 : l’échec du retour à l’accord  Pellegrini ... 142 

II.  L’investisseur  face  aux  Memorias :  quelques  anticipations  incohérentes... 144 

III. Le meilleur pari ... 149 

Conclusions ... 159 

Références... 160

 

Chapitre IV ...164 

1.  La  théorie  de  l’Intermédiation  Financière  et  la  crise  Baring  ...164  

Introduction ... 164 

I. Revue de la littérature ... 165 

II. Le modèle : un cas typique de free riding ... 174 

III. Une première approche à l’évidence empirique ... 178 

Conclusions ... 183

 

2. Les problèmes de l’aléa moral et du free riding dans l’accord 

de 1885 ...185

(8)

I. La littérature secondaire. Les effets pervers de l’accord de 1885 .... 186 

II. Les incitations des banques et les emprunts étrangers... 188 

III. Les années précédant le contrat 1881­1884 ... 191 

IV. La crise et l’accord de 1885 ... 193 

V. Les effets de l’accord ... 196 

Conclusions ... 200 

Références... 203

 

Chapitre V. L’analyse microéconomique...209 

1. Les marchés financiers et la dette souveraine argentine 1880­  1890. Une représentation graphique...209  

Introduction ... 209 

I. La construction de la boîte ... 210 

II. L’évidence empirique ... 213 

III. A titre de comparaison : le Brésil et le Chili entre 1880 et 1890 ... 217 

Conclusions ... 220

 

2. Une analyse complémentaire : Le lien entre la concurrence et  l’underwriting ...221  

Introduction ... 221 

II.  Le  modèle  de  Mandelker  et  Raviv :  une  version  simplifiée  appliquée  aux emprunts souverains dans un contexte de concurrence... 224 

III. L’évidence empirique ... 230 

Conclusions ... 235 

Références... 236

 

Conclusions Générales...238 

Bibliographie Générale ...242 

Annexes ...254

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« Les  expériences  faites  par  une  génération  sont  généralement  inutiles  pour  la  suivante :  et  c’est  pourquoi  les  événements  historiques  invoqués  comme  éléments  de  démonstration  ne  sauraient  servir.  Leur  seule  utilité  est  de  prouver  à  quel  point  les  expériences  doivent  être  répétées  d’âge  en  âge  pour  exercer  quelque  influence,  et  réussir à ébranler une erreur solidement implantée ». Gustave Le Bon, Psychologie des  foules, 1895. 

I. Le contexte 

Un  des  débats  philosophiques  qui  s’est  étendu  à  presque  tous  les  domaines  du  savoir  scientifique  porte  sur  la  question  du  progrès  de  la  connaissance.  Selon  Thomas  Kuhn,  dont  l’ouvrage,  The  Structure  of  Scientific  Revolutions,  servit  de  point  de  départ  à  ce  débat,  la  recherche  scientifique  est  définie  par  des  paradigmes  ou  regards  conceptuels  sur  le  monde,  qui consistent en théories  formelles, expériences classiques et  méthodes  établies.  Les  scientifiques  adhérant  à  ces  paradigmes  chercheraient  à  étendre  leur  domaine,  à  affiner  leurs  théories,  à  expliquer  des  données  confuses,  et  à  établir  des  mesures  plus  précises  sur  certains  phénomènes.  A  un  certain  moment,  ces  efforts  pourraient  connaître  des  difficultés  théoriques  insolubles  ou  des  anomalies  expérimentales,  ce  qui  démontrerait  l’imperfection  du  paradigme,  ou  bien,  le  contredirait. 

Kuhn  s’opposa  au  concept  traditionnel  du  progrès  scientifique,  celui  de  l’acquisition  graduelle  de  connaissance  par  des  structures  expérimentales  choisies  rationnellement. 

Pour ce physicien, un paradigme substitue celui qui le précède, mettant une fin abrupte à  chaque étape scientifique. Alors que Kuhn s’est surtout occupé des sciences naturelles,  notamment la physique,  son analyse a été plus généralement adoptée par l’histoire des  sciences. En économie,  le cas classique de changement de paradigme fut la montée du  keynésianisme  après  la  Grande  Dépression.  D’autres  cas  s’étendent  à  plusieurs  domaines  de  l’histoire  de  la  pensée  économique.  Adam  Smith,  Malthus  et  David  Ricardo  élaborèrent  un  paradigme  qui  devait  durer  pendant  plus  de  cent  ans,  et  qui  concernait  le progrès naturel de  la  croissance économique. Ce paradigme  fut défié par  Alexander Hamilton, J.­A. Chaptal, Friedrich List et Christian Rother au XIXe siècle et,  plus tardivement, par les économistes du développement de la deuxième moitié du XXe  siècle .  En  économie  politique,  des  paradigmes  ont  été  présents  dans  des  questions  comme  celle  de  la    meilleure  intervention  de  l’Etat ou  celle  des  meilleurs  régimes  du  taux de change. Sur ces dernières, l’Argentine a peut­être marqué la fin du privilège des  taux de change  fixes, alors qu’il  y a encore quelques années, ce pays était cité par  des  économistes  comme  l’exemple  à  suivre ,  reléguant  ainsi  la  question  du 

« meilleur régime absolu de taux de change » au plan secondaire. Dans le domaine de la 

Voir LANDES, D. S. Why are we so rich and they so poor ? American Economic Review, 1990, v.80,  n.2, p. 1­13. 

Voir  DORNBUSCH,  R.  Fewer  Monnies,  Better  Monnies.  American  Economic  Review,  Paper  and  Proceedings,  v.  91,  p.238­242.  Pour  une  vision  contraire  voir  DE  LA  TORRE,  A.  et  al.  Beyond  the  Bipolar View: The Rise and Fall of Argentinas’ Currency Board. 2002,mimeo.

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finance  internationale,  pourrions­nous  dire  que  nous  sommes  en  train  de  voir  l’écroulement d’un ou de plusieurs paradigmes ? Sous le paradigme du début des années  1990, la libéralisation des capitaux ­ leur permettant de circuler  librement  à travers les  pays  ­  devait  multiplier  les  possibilités  du  bien­être  et  du  développement  mondial. 

L’augmentation  d’opportunités  d’investissement  en  dette  souveraine,  grâce  à  la  restructuration de la dette par le plan Brady en 1989, renforça ce sentiment et, une fois  les  gouvernements  rétablis,  ils  ont  saisi  les  nouvelles  opportunités  de  financement  offertes par les marchés boursiers. Paradoxe de l’histoire, le Mexique, premier pays qui  marqua  le  début  d’une  longue  crise  de  la  dette  des  années  1980  pour  plusieurs  pays  émergents,  fut  également  le  premier  pays  à  mettre  en  évidence  les  fragilités  sous­ 

jacentes  de  la  nouvelle  architecture  financière  internationale  des  années  1990.  La  violence et la rapidité des événements rappelèrent que la mobilisation de capitaux ne se  font pas sans coût. 

Certes,  le  paradigme  sur  les  flux  de  capitaux  n’est  pas  nouveau.  Eichengreen  (2003)  remarque que  l’instabilité provoquée par  la  liberté de  leurs  mouvements avait déjà été  notée par Nurske dans les années 1920 ou Keynes et White après la Deuxième Guerre  Mondiale.  A  aucun  moment,  cependant,  ces  économistes  n’ont  nié  les  vertus  de  la  mobilité  des  capitaux  qui  ne  sont  plus  remises  en  question  aujourd’hui.  Le  débat  se  tourne vers la gestion inhérente pour garantir une certaine stabilité dans l’ordre financier  international.  Quelle  est  l’interprétation  des  crises  financières  actuelles ?  Quelles  sont  les  implications  pour  la  réforme  du  système  international  ou  pour  les  politiques  économiques  à  réaliser ?  Il  nous  semble  que  les  cercles  académiques  et  politiques  apprennent  pour  la  première  fois  à  vivre  dans  un  contexte  globalisé.  Les  nouvelles  opportunités des marchés peuvent, malgré tout, s’avérer dangereuses. 

Dans  cette  dynamique,  la  direction  des  flux  des  fonds  financiers,  leur  redressement  et  leurs  possibles  « surréactions »  dépendent  de  plusieurs  facteurs.  Qui  dirige  ces  mouvements ? Qui se trouve à la tête des « foules » de milliers d’investisseurs à travers  le monde ? Quel est le rôle de chaque agent, des organismes internationaux, des agences  de rating, des fonds d’investissement, des hedge funds ou des investisseurs individuels ?  Une des réponses à ces questions proviendrait de  la perception générale sur  les profits  potentiels de capitaux :  les  investisseurs chercheraient  les endroits  les plus rentables et  également  à  éviter  les  risques.  Les  perceptions  des  agents,  qui  constituent  donc  un  élément important lors de la recherche des réponses, pourraient évoluer selon plusieurs  variables. Ainsi, certaines théories développent le côté psychologique du comportement  des  marchés  financiers .  D’autres  théories  cherchent  à  trouver  des  variables  macroéconomiques,  structurelles  ou  institutionnelles  pertinentes  dans  l’esprit  des  investisseurs.  D’autres  encore  s’interrogent  sur  les  causes  de  la  formation  des  perceptions dans les croyances et les considérations sur les meilleures pratiques, ce qui  rendrait les investissements plus sûrs. Finalement, certaines théories prennent en compte  le rôle de l’information comme clé dans le fonctionnement de l’édifice financier. 

Sur le rôle de la psychologie dans la finance voir la révision faite par SHEFRIN, H. Beyond Greed and  Fear : Understanding Behavioural Finance and the Psychology of Investing. Boston : Harvard Business  School  Press,  2002,  368  p.  ou  SHLEIFER,  A.  Inefficient  Markets:  An  Introduction  to  Behavioural  Finance. Oxford: Oxford University Press, 2000, 216 p.

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Pour  la plupart de ces questions (ou bien, revenant un pas en arrière, en cherchant  les  questions pertinentes à se poser), les réponses ne sont pas encore définitives. Comment  prévoir  les  réactions  des  investisseurs ?  Quelle  est  l’importance  de  chaque  variable  analysée ?  Quel  poids  les  éléments  irrationnels  ont­ils  dans  le  mouvement  des  capitaux ? Qui dirige, enfin, les vents du marché ? 

Notre  travail  tente  d’apporter  des  réponses  à  ces  questions.  Il  s’occupe  du  fonctionnement (ou dysfonctionnement) des marchés financiers. L’histoire récente, dans  les  années  1980  et  surtout  les  années  1990,  avait  poussé  les  économistes  vers  la  recherche  de  nouveaux  éléments  pour  faire  face  aux  défis  actuels  de  la  finance  internationale, au fur et à mesure que la libération des marchés financiers et les avances  technologiques permettaient, de  manière croissante,  le recours au  financement « arm’s  length » des pays. De notre point de vue, nous avons constaté que les crises mexicaine  et asiatique ont fait chuter  un paradigme pour en  voir émerger  un autre (ou d’autres) ;  nous avons également constaté que le point d’inflexion que nous vivons aujourd’hui est  accompagné  par  la  mise  en  question  des  structures  avec  lesquelles  les  institutions  supranationales  telles  que  le  FMI  ou  la  Banque  Mondiale  travaillent,  contribuant  à  l’accélération  de  leur  évolution.  D’autres  symptômes  sur  le  changement  de  paradigme  sont : l’ambiguïté des objectifs de ces institutions, qui, selon Tirole (2002), continuent à  être floues, vagues, et leurs modèles économiques affaiblis ou mis en question, la chute  des  consensus  (tel  celui  de  Washington)  et  l’émergence  de  nouveaux  débats  (ou  de  nouveaux consensus, tel que celui de Beijing ). Notre compréhension sur des sujets tels  que la contagion ou l’aléa moral est au mieux imprécise, et alors que des centaines de  nouveaux  articles  sont  publiés  tous  les  jours,  la  vérité  c’est  que  personne  ne  serait  capable d’anticiper tel ou tel comportement financier  face à tel ou tel événement (sauf  peut­être  les  cas  géopolitiques,  qui,  eux  introduisent  presque  toujours  de  l’incertitude  dans les marchés financiers) 

Cette  thèse  épouse  le  nouveau  paradigme,  en  cherchant  des  failles  dans  les  marchés  internationaux de capitaux à la suite des asymétries d’information entre les participants. 

Le  terme  d’ « asymétries  d’information »  est  très  vaste  et  traditionnel  de  la  théorie  économique ;  il  apparaît  même  comme  une  des  causes  à  l’origine  des  intermédiaires  financiers,  dont  l’histoire  remonte  à  plusieurs  centaines  de  siècles.  Néanmoins,  cette  affirmation  ne  veut  pas  dire  que  nous  connaissons  la  meilleure  façon  d’affronter  les  problèmes liés à l’asymétrie d’information. Par exemple, le FMI a été accusé à plusieurs  reprises  d’être  à  l’origine  de  l’aléa  moral,  remettant  son  existence  en  cause  sur  l’argument  qu’il  provoquait  les  problèmes  qu’il  était  censé  résoudre.  Les  agences  de 

Par la voie des émissions des titres de dette. 

COOPER RAMO, J. The Beijing Consensus : Notes on the new physics of chinese power. London : The  Foreign Policy Centre, mai 2004, p.74. 

La littérature sur le sujet n’offre pas une définition unique du terme « contagion ». Des économistes tels  que Rudiger Dornbusch ont avoué qu’il existait encore beaucoup à apprendre sur ce phénomène. Voir :  DORNBUSCH  et  al.  Contagion :  Understanding  How  it  Spreads.  The  World  Bank  Research  Observer,  2000,  v.  15,  n.2,  pp.  177­197.  Alan  Greenspan  expliqua  plus  généralement:  “  We  do  not  as  yet  fully  understand  the  new  system's  dynamics.  We  are  learning  fast,  and  need  to  update  and  modify  our  institutions and practices to reduce the risks inherent in the new regime. Meanwhile, we have to confront  the current crisis with the institutions and techniques we have.” Discours devant le Sénat des Etats Unis  sur la crise Asiatique le 3 mars 1998. 

André ORLEANS écrit en fait que la finance moderne essaie d’anticiper le comportement des autres.

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rating  sont  à  leur  tour  mises  en  cause  pour  ne  pas  pouvoir  prévenir  à  temps  les  investisseurs  des  risques  dans  certains  pays,  comme  ce  fut  le  cas  pour  le  Mexique  ou  pour  certains  pays  d’Asie  à  la  veille  de  leurs  crises  respectives.  En  général,  les  gouvernements accusent  les  marchés d’introduire de  l’instabilité dans  leurs économies  (alors que les gouvernements essaient de fortifier leurs fondamentaux économiques) et  d’affecter leur développement en punissant l’appareil productif de leur pays. 

La  question  de  l’information  n’est  donc  pas  nouvelle.  Krugman  expliquait  qu’une  des  raisons pour  lesquelles  les  investisseurs étrangers avaient décidé de retirer  leur  capital  du  Mexique  en  1995  était  que  les  autorités  mexicaines  avaient  privilégié  les  investisseurs  locaux  en  les  prévenant    de  l’imminente  dévaluation  du  peso.  Les  investisseurs  s’étaient  trouvés  démunis,  non  seulement  face  au  gouvernement,  mais  également vis­à­vis des agences de rating qui continuaient de conseiller à investir dans  le  pays  encore  quelques  jours  avant  la  dévaluation  du  peso.  Bien  que  le  débat  sur  la  prévisibilité  de  la  crise  ne  soit  pas  terminé,  la  crise  mexicaine  mit  en  évidence  le  potentiel  du  conflit  d’intérêts  entre  les  agents.  A  partir  de  ce  moment,  le  modèle  d’information  des  investisseurs  devint  fragile.  Dans  un  premier  temps,  ces  capitaux  avaient  trouvé  refuge  dans  des  titres  d’autres  pays,  voire  d’autres  régions.  Plus  tard,  avec  la  crise  asiatique  et  la  crise  russe,  la  viabilité  du  système  global  fut  remise  en  question. 

Ainsi  donc,  l’état  actuel  de  l’architecture  financière  globale  impose  un  nouveau  défi  pour la théorie économique. Nous sommes en train d’apprendre à habiter dans ce nouvel  édifice, et à mieux gérer les inconvénients implicites. Apprendre voudrait peut­être dire  également  ne  pas  oublier.  Une  façon  d’apprendre  serait  donc  de  nous  retourner  vers  l’histoire économique. La fin du XIXe siècle et le début  du XXe s’avèrent une période  riche  en  leçons,  comme  le  confirme  le  nombre  croissant  d’études  sur  la  période .  En  effet, certains travaux montrent que l’intégration financière la plus importante au niveau  historique  fut atteinte pendant cette période (Quinn, 2003, Flandreau  et Zumer, 2004). 

D’autres  auteurs  soutiennent  que  l’exportation  de  capitaux,  en  proportion  du  PIB,  n’a  jamais été aussi élevée qu’à la fin du XIXe siècle (Stone, 2002, Edelstein,1976, 1982). 

Cette  époque  dorée  de  l’étalon­or  et  de  l’intégration  internationale  financière  n’a  pas  échappé aux accidents ni aux événements violents d’instabilité globale. De fortes crises  ont  eu  lieu  à  plusieurs  reprises,  notamment  en  1873  (défaut  de  paiement  de  l’Empire  ottoman, de l’Etat péruvien) en 1890 (la crise Baring) ou en 1907 (crise aux Etats­Unis). 

Chaque  fois,  les  crises  ont  eu  un  impact  international  et  des  mobilisations  de  fonds  furent  nécessaires  pour  stopper  les  effets  dominos.  Les  idées  de  « contagion »,  « bail­ 

out » existaient déjà dans la tête des économistes d’alors. Néanmoins, à la différence de  notre  époque,  l’architecture  d’autrefois  devait  gérer  ces  problèmes  sans  l’aide  des  institutions  supranationales.  Alors  que  des  organismes  privés  se  sont  formés  pour  défendre  les  intérêts  des  investisseurs  (comme  le  Council  of  Foreign  Bondholders  anglais  ou  l’Association  de  détenteurs  de  titres  étrangers  français),  aucune  institution  officielle  n’existait  pour  légitimer  une  action  multilatérale  face  aux  menaces  de 

Lorsqu’on introduit  les  termes  « Economic  History  Financial » dans la  base  Econlit,  plus de  60% des  231 résultats, entre 1995 et 2004 renvoient directement ou indirectement à la période qui va 1870 et 1913. 

Lorsqu’on introduit le terme « financial globalization » entre 1995 et 2004, les trois études historiques des  42 résultats utilisent la période de 1870 à 1913 comme point de comparaison avec le présent.

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l’intégration  financière.  Le  contexte  semble  donc  nous  inviter  à  mieux  comprendre  le  monde d’il y a plus de cent ans. 

II. La cr ise 

Ce travail se concentre sur un de ces épisodes. La crise Baring constitue une illustration  parfaite  du  changement  de  paradigmes.  Elle  est  importante  car  elle  a  été  étudiée  sous  plusieurs  perspectives  dans  les  cent  dernières  années,  accompagnant  l’évolution  des  débats de la théorie économique du XXe siècle. Elle occupe une place privilégiée dans  l’historiographie  financière  argentine  et  anglaise,  mettant  en  évidence  un  cas  où  les  problèmes économiques d’un pays de la « périphérie » pouvaient à leur tour affecter les  pays  du  « centre ».  Pour  la  première  fois,  la  situation  nécessita  l’intervention  de  la  Banque  d’Angleterre,  comme  agent  en  dernier  ressort  (tel  que  nous  le  connaissons  aujourd’hui), afin d’éviter la chute du système bancaire anglais. Enfin, et dans l’objet de  notre  thèse,  la  crise  Baring  constitue  un  cas  particulier  qui  nous  montre  comment  la  finance  du  XIXe  siècle  formait  ses  perceptions,  ses  anticipations  et  comment  les  investisseurs réagissaient face à des risques qu’ils ne pouvaient pas maîtriser. 

Plus  récemment,  les  économistes  se  sont  penchés  sur  cet  épisode  de  l’histoire  financière.  Eichengreen  (1997)  prend  l’exemple    de  la  crise  Baring  pour  montrer  les  similitudes avec la crise mexicaine de 1994, argumentant que cette dernière pouvait être  classée  comme  la  dernière  du  XIXe  siècle.  Par  exemple,  le  Mexique  était,  dans  les  années  1990,  comme  l’Argentine  dans  les  années  1880  (la  crise  Baring  a  eu  lieu  en  1890), le pays préféré des investisseurs dans les pays émergents. Ainsi, l’Argentine était  la  principale  destination  des  capitaux  anglais  après  les  Etats­Unis  et  l’Empire  britannique. Les prêts dans les deux périodes ont été encouragés par  le développement  économique  et  les  réformes  économiques  mises  en  place  par  les  gouvernements  respectifs,  ainsi  que  par  des  taux  d’intérêt  bas  dans  les  pays  d’origine  (Angleterre  au  XIXe  siècle,  Etats­Unis  au  XXe).  Lors  de  la  crise,  les  effets  sur  les  finances  internationales  se  sont  propagés  par  l’effet  Tequila  en  1995  et  par  l’arrêt  des  exportations  de  capitaux  en  1890  à  d’autres  pays  émergents  tels  que  la  Turquie  ou  l’Australie.  Ceci est lié aux conclusions d’autres travaux qui ont tenté de démontrer que  la crise Baring était un exemple du phénomène de contagion. Triner (2002), Sussman et  al.  (2000)  ou  Eichengreen  et  Bordo  (2002)  testent,  avec  des  mesures  actuelles,  l’existence de contagion après la crise Baring. 

En termes généraux, la crise Baring constitue un bon exemple de l’évolution des débats  de  théorie  économique  qui  ont  eu  lieu  pendant  toutes  ces  années.  En  particulier,  nous  avons pu constater que les études ont traité des aspects macroéconomiques de la crise. 

Les  mécanismes  par  lesquels  la  crise  s’est  développée  en  Argentine  ont  été  souvent  étudiés, et apparemment, nos connaissances sur la crise Baring étaient complètes. Nous  considérons  que  ceci  est  loin  d’être  le  cas.  Au  contraire,  la  rédecouverte  de  la  fin  du  XIXe  siècle  comme  source  de  leçons  pour  l’époque  contemporaine  nous  ouvre  de  nouvelles  perspectives.  En  particulier,  le  recul  du  temps  nous  permet  d’obtenir  des  informations  sur  les  agents  participants  que  nous,  chercheurs,  aurions  du  mal  à  avoir  pour  les  cas  actuels.  Ainsi,  cette thèse  « raconte »  une  histoire  depuis  une  perspective  microéconomique.  Elle  se  distingue  des  théories  existantes  qui  se  sont  occupées  des  aspects  macroéconomiques  de  la  crise  (notamment  le  débat  entre  monétaristes  et

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partisans  de  la  vision  de  la  balance  des  paiements),  et  privilégie  quelques  nouvelles  questions,  celles  qui  n’ont  pas  été  abordées  et  qui  restent  ouvertes.  Comme  nous  le  verrons, divers auteurs, tels que Kindleberger, Joslin ou Flandreau, lancèrent des pistes  sur  certains  éléments  qui  restent  en  suspens,  notamment  l’aspect  individuel,  le  fonctionnement microéconomique et l’analyse temporelle de la crise. La crise constitua­ 

t­elle  un  événement  non­prévu  par  les  marchés ?  A  en  croire  la  courbe  du  taux  de  rendement des titres de dette argentine, la réponse serait oui. A la lecture de la presse de  l’époque et à la recension des documents des banques nous serions tentés de dire non. 

Nous  attachons  une  importance  particulière  à  la  question  de  l’information,  et  aux  problèmes d’aléa moral, free riding, et aux effets de la concurrence entre « moniteurs ». 

Elle  fournit  une  nouvelle  explication  à  la  crise,  un  nouveau  paradigme.  Comme  nous  l’avons  mentionné  plus  haut,  les  explications  données  jusqu’ici  ont  accompagné  l’évolution de la pensée économique, et notre étude n’est pas l’exception, car elle ajoute  des  éléments  non  pris  en  compte  auparavant,  éléments  de  haute  importance  dans  le  contexte actuel. En termes généraux, elle essaie de répondre à deux questions centrales. 

En  premier  lieu,  qui  savait  quoi  avant  la  crise ?  Quelles  conséquences  les  failles  du  marché  ont­elles  eu  dans  la  crise ?  En  ce  qui  concerne  la  première  question,  nous  considérons  nécessaire  de  souligner  l’existence  de  différents  agents  dans  la  période  précédant  la  crise  de  1890 :  les  mêmes  agents  que  ceux  chargés  des  flux  de  capitaux  aujourd’hui, à savoir, les emprunteurs, les intermédiaires financiers et les investisseurs. 

Les  principaux  emprunteurs  de  l’époque  furent  les  gouvernements  (nationaux,  provinciaux ou municipaux), qui, en Argentine,  furent responsables de plus de 60% de  l’investissement de portefeuille dans les années 1880. Le deuxième agent était constitué  par  les  intermédiaires  financiers.  Leur  rôle  étant  multiple,  nous  nous  concentrons  sur  leurs  activités  de  « monitoring »  et  d’émetteurs  de  titres  de  dette  souveraine. 

Finalement,  les  investisseurs  qui  placent  leur  argent  dans  des  actifs  différents  constituent  le  dernier  type  d’agent.  Dans  tout  ce  processus,  les  contrats  occupent  une  place déterminante, car ils contiennent des informations qui n’avaient pas été prises en  compte  par  des  études  antérieures.  Alors  que  ceci  a  impliqué  beaucoup  de  travail  d’archives, la saisie de cette nouvelle base de données peut nous apporter de nouvelles  pistes pour des recherches futures. Ainsi, pour l’analyse économique que nous réalisons  dans  cette  thèse,  les  contrats  occupent  une  place  centrale.  Ils  ont  servi  de  point  de  comparaison entre la situation argentine par rapport à d’autres pays latino­américains, et  ont  mis  en  évidence  des  relations  de  pouvoir  entre  les  intermédiaires  financiers  et  les  gouvernements. 

L’argument de la thèse est direct et simple : en l’absence d’organismes internationaux,  les  banques  d’affaires  étaient  responsables  du  « bon  comportement »  des  pays  concernant  la  demande  et  les  croyances  de  « bonnes  politiques  économiques »  des  marchés  financiers.  Les  banques  d’affaires  étaient  chargées  de  l’émission  de  titres  de  dette souveraine. Pour qu’un pays puisse avoir accès aux marchés de capitaux, il devait  donc  passer  par  l’une  de  ces  banques.  Alors  que  certains  pays  développaient  des  relations à long terme avec les banques, d’autres changeaient d’intermédiaire financier,  afin de profiter de la concurrence qui pouvait émerger entre elles. Enfin, d’autres pays  avec une histoire de crédit conflictuelle pouvaient rentrer dans les marchés de capitaux  par l’intermédiaire d’une banque prête à prendre des risques plus importants.

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L’Argentine  avait  eu,  depuis  son  indépendance,  une  relation  privilégiée  avec  une  des  banques les plus prestigieuses de la City, la maison Baring. Certes, Baring ne fut pas la  seule  à  réaliser  des  transactions  financières  avec  le  pays ;  d’autres  banques,  telles  que  Murrieta  ou  Morgan,  développèrent  des  relations  importantes,  la  première  concernant  des  avances  à  court  terme,  et  Morgan  participant  à  des  émissions  de  titres  de  dette  argentine à Londres. Néanmoins, nous avons des raisons d’affirmer que la relation avec  Baring fut spéciale. Cette banque fut la première grande maison bancaire à émettre des  titres argentins ; tout au long du XIXe siècle, elle fut la seule à défendre les intérêts des  investisseurs face aux défauts du gouvernement argentin, et à trouver des solutions avec  lui. La banque avait des agents sur place à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle,  récoltant  de  l’information  sur  la  situation  économique  du  pays  et  sur  l’utilisation  des  fonds  des  emprunts.  Aucune  banque  n’avait  une  relation  pareille.  Et,  comme  nous  le  démontrerons dans cette thèse, le marché semble avoir compris cela. 

Les  années  1880  ont  été  particulièrement  importantes  en  termes  de  croissance  économique pour l’Argentine. La récupération après la crise du milieu des années 1870,  et  les  réformes  faites  au  début  des  années  1880  ont  attiré  les  investisseurs  vers  ce  nouveau « Etats­Unis de l’Amérique du Sud ». Baring ne fut plus en position dominante  dans  l’affaire.  Soudainement,  d’autres  banques  anglaises  mais  également  des  banques  françaises et allemandes,  s’intéressaient à  l’Argentine. Cette concurrence pour émettre  les  titres  de  dette  argentine  s’est  étendue  aux  provinces,  municipalités  et  à  toute  entreprise  liée  au  pays :  chemins  de  fer,  public  utilities,  etc.    La  relation  spéciale  de  Baring  avec  l’Argentine  continua,  mais  n’assurait  plus  à  Baring  une  position  de  monopole. Ceci l’obligea à prendre des positions de plus en plus risquées, au point que  la dernière émission qu’elle a voulu placer sur le marché de Londres fut un échec total :  Baring  se  trouva  avec  plus  de  £5  millions  de  titres  argentins  invendables,  fait  qui  contribua à sa faillite en novembre 1890. 

L’histoire  de  la  crise  de  1890  démontre  que  le  jeu  du  marché  peut  déboucher  sur  des  résultats non souhaitables. L’Argentine profita de coûts moindres pour ses émissions en  laissant jouer la concurrence. La banque Baring (le « moniteur ») fut débordée par cette  concurrence, de telle façon qu’elle aurait peut être négligé ses activités de monitoring et  qu’elle prit des positions à haut risque. Nous argumentons que, alors que l’information  sur  le  risque  était  dans  les  mains  de  Baring,  sa  position  de  banque  dominante,  considérablement affaiblie, ne lui servit plus à remettre les affaires en ordre. C’est ceci  que nous essaierons de démontrer dans ce travail. 

III. Str uctur e de la thèse 

D’un  certain  point  de  vue,  cette thèse  suit  la  même  structure  que  l’article  de  Edwards  (1997) sur la crise mexicaine de 1994. En effet, quelques une de ces questions sont liés  à celles de cette étude : 

« […] I also ask a number of questions regarding the predictability of the crisis: Should  Wall Street analysts have known that things were getting out of hand? And if they did,  why didn’t they alert their clients? (…) And, what was the role of the media?» 

Grosso  modo,  nous  commençons  par  présenter  le  rôle  des  médias  et  de  l’information  disponible  au  public  européen  sur  la  situation  argentine.  Nous  présentons  ensuite  les

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éléments  nécessaires  pour  comprendre  la  façon  dont  les  marchés  financiers  européens  fonctionnaient.  Avec  ce  background,  nous  pouvons  faire  la  distinction  entre  les  différents  agents  du  marché,  et  l’information  précise  dont  chaque  agent  disposait. 

Finalement,  nous  utilisons  un  cadre  théorique  pour  démontrer  que  ce  système  pouvait  déboucher sur des résultats non­souhaitables. 

La structure de la thèse est la suivante : elle comprend cinq chapitres. Chaque chapitre  est  divisé  à  la  fois  en  sections  ou  sous­chapitres  (deux  sections  par  chapitre,  sauf  les  chapitres deux et trois). Les deux premiers chapitres forment la base qui servira de point  de  départ  pour  la  suite  de  l’analyse.  Le  chapitre  I  présente  dans  la  section  1  les  événements conduisant à la crise. Puisque des travaux historiques précédents ont réalisé  d’excellents  exposés  sur  l’événement,  et  puisque  ce  travail  étudie  les  aspects  de  l’information, nous avons choisi la recension de la presse anglaise pour montrer le point  de  vue  de  l’investisseur  (ici  anglais)  lors  de  la  gestation  de  la  crise  en  Argentine.  Les  conclusions de cette section sont plutôt incomplètes, mais elles présentent deux aspects  intéressants :  d’une  part,  nous  allons  nous  plonger  dans  les  événements  précédant  la  crise, en présentant le ton du marché et les perceptions qu’un lecteur hypothétique de la  presse  anglaise  pouvait  se  former.  Nous  montrons  que  ce  ton  était  plutôt  négatif  déjà  trois  ans  avant  l’éclatement  de  la  crise.  D’autre  part,  nous  allons  démontrer  que  cette  perspective  risquait  d’être  biaisée  et  incomplète,  (comme  nous  le  prouvons  dans  le  chapitre  III).  La  deuxième  section  du  premier  chapitre  passe  en  revue  les  principales  théories existant dans  la  littérature.  Ces théories sont divisées en deux groupes :  d’une  part,  les  théories  émanant  de  la  demande,  c’est­à­dire  les  théories  qui  s’occupent  des  mécanismes  intérieurs  (dans  ce  cas  argentins)  pour  expliquer  la  crise.  Elles  ont  été  prédominantes dans l’historiographie de la crise. Le débat divise les monétaristes et les  partisans  de  la  balance  des  paiements.  La  différence  fondamentale  entre  ces  deux  visions  provient  de  la  cause  principale  de  la  crise :  alors  que  les  monétaristes  soutiennent que les excessives émissions  monétaires ont  été à l’origine des problèmes,  les  partisans  de  la  balance  des  paiements  avancent  qu’elles  furent  plutôt  une  réponse  aux  déficits  de  la  balance  des  paiements.  D’autre  part,  nous  présentons  les  théories  provenant de l’offre, c’est­à­dire, celles qui prennent en compte les éléments extérieurs  au  pays,  tel  que  le  comportement  des  investisseurs  comme  élément  important  pour  expliquer la crise. Pour la plupart, elles incorporent un élément d’irrationalité de la part  des  investisseurs  et  d’imprudence  dans  leur  choix  d’investissement.  Nous  consacrons  une  partie  spéciale  à  la  recension  de  quelques  travaux  se  concentrant  sur  le  rôle  des  finances  publiques  argentines  dans  la  progression  vers  la  crise.  Ils  semblent  conclure  que  l’état  des  finances  publiques  argentines  était  particulièrement  défavorable,  surtout  vers la fin des années 1880. Nous finissons ce chapitre en nous posant les questions qui  à  notre  avis  restent ouvertes,  et  mettons  en  cause  les  analyses  sur  le  rôle  des  finances  publiques  dans  les  études  récentes.  La  méthode  que  nous  proposons  sera  différente,  comme nous le montrerons dans le chapitre 3. 

Le  deuxième  chapitre  explique  le  mécanisme  d’émission  de  titres  de  dette  souveraine  dans  les  marchés  financiers  européens.  Alors  que  la  plupart  des  travaux  présentant  ce  mécanisme  se  concentrent  sur  Londres,  nous  avons  essayé  d’étendre  l’échantillon  à  d’autres  places  financières  telles  que  Paris  ou  Berlin.  Nous  avons  porté  une  attention  particulière  au  rôle  des  intermédiaires  financiers  et  aux  pays  latino­américains,  et

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montrons  comment  les  fondamentaux  économiques  pourraient  être  un  facteur  déterminant dans la suite de ce processus. 

En  termes  généraux,  ce  mécanisme  impliquait  la  signature  d’un  contrat  entre  un  intermédiaire financier (ou un syndicat d’intermédiaires financiers) et un gouvernement. 

L’intermédiaire  pouvait  ensuite  émettre  les  titres  dans  les  marchés,  ayant  comme  seul  source  de  profits  les  commissions  payées  par  le  gouvernement  pour  les  services  de  placement, de prise de souscriptions et des paiements d’amortissement et de paiements  de coupons. Il pouvait également acheter les titres en ferme et recourir à des émetteurs  tiers  (ou  le  faire  lui­même)  qui  plaçaient  ensuite  les  titres.  Le  mode  d’émission  dépendait des préférences des banques et des gouvernements, ainsi que de leur position  respective  pour  négocier.    Le  montant  des  commissions,  les  risques  encourus  par  les  intermédiaires  et  les  conditions  générales  de  chaque  emprunt  sont  résumés  dans  ces  contrats de dette. Ils  nous ont servi à connaître  les conditions générales d’endettement  de l’Argentine dans les années 1880. Nous avons pu constater que ces conditions se sont  améliorées en termes de risque encouru par les banques et par le montant plus faible des  commissions.  Pour  mettre  un  benchmark  dans  l’analyse,  nous  avons  comparé  la  situation argentine avec celles du Brésil et du Chili. Comme hypothèse pour ceci, nous  argumentons que les fondamentaux économiques constituent un élément important pour  que  les  pays  aient  de  meilleures  conditions  dans  leurs  contrats.  Ainsi,  en  regardant  le  montant  des  commissions,  le  Chili,  qui  avait  les  fondamentaux  économiques  les  plus  solides,  avait  aussi  les  commissions  les  plus  basses.  Cependant,  la  situation  de  l’Argentine  s’améliora  pendant  la  décennie  de  1880,  alors  que  ses  fondamentaux  empiraient. 

Avant  d’aborder  la  question  de  la  concurrence,  nous  nous  sommes  demandés  si  les  investisseurs disposaient d’information  sur  la  situation  économique de  l’Argentine.  Le  troisième  chapitre  présente  une  analyse  sur  les  flux  d’information  de  l’époque.  Il  est  divisé  en  trois  sections.  La  première  section  présente  l’état  de  la  technologie  des  communications  à  la  fin  du  XIXe  siècle.  Nous  y  faisons  une  description  du  progrès  technologique  en  termes  de  transport  maritime  transatlantique  et  de  réseau  de  télégraphie,  voies  de  communication  reliant  l’Europe  à  l’Amérique  du  Sud.  Cette  section  montre  l’intégration  des  marchés  financiers  qui  se  produisit  entre  les  deux  continents. Elle établit que la télégraphie commença à être utilisée massivement à partir  du milieu des années 1870, permettant la transmission des informations en seulement 11  minutes à travers  l’Atlantique.  Le transport  maritime passa de plus d’un  mois dans  les  années  1870  à  moins  de  deux  semaines  vers  1913.  Les  services  postaux  devinrent  de  plus en plus rapides. 

La  deuxième  section  présente  les  sources  d’information  disponibles  pour  les  investisseurs  européens,  et  elle  explique  que  l’information  publiquement  disponible  permettait  de  se  faire  une  idée  de  la  situation  économique  argentine.  Pour  un  investisseur, les informations provenaient des publications officielles, de la presse (nous  ajoutons certains éléments sur la presse anglaise, française et allemande que nous avions  laissés  de  coté  dans  le  premier  chapitre)  et  de  publications  d’intelligence  économique  telles  que  le  Statesman  Yearbook  ou  les  rapports  du  Council  of  Foreign  Bondholders.  Nous mettons l’accent sur la distinction entre l’information publiquement disponible et  celle  disponible  seulement  pour  les  banques,  en  particulier  pour  la  Baring.  Nous

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expliquons  que  cette  banque  avait  une  position  avantageuse,  non  seulement  parce  qu’une  partie  de  l’information  qui  arrivait  au  public  provenait  de  Baring  même  (fournissant  des  services  analogues  à  ceux  d’une  agence  de  presse),  mais  également  parce que les agents de Baring à Buenos Aires lui permettaient d’avoir des informations  privilégiées en raison de leur relation avec le gouvernement et à cause de la diminution  des  délais  d’information.  La  troisième  section  confirme  ceci,  pour  une  variable  en  particulier, le déficit public. Nous décrivons le processus de vote au parlement. Selon la  trajectoire de ce processus, les investisseurs, au vu des années précédentes, constataient  une  différence  entre  le  déficit  annoncé  par  le  gouvernement  au  début  d’année  et  le  déficit  effectivement  réalisé  en  fin  d’année.  Ils  pouvaient  donc  établir  à  tout  moment,  avec  l’information disponible,  des estimations  sur  les déficits  finaux. Nous  faisons, en  prenant  en  compte  les  délais  de  transmission  des  informations  aux  banques  et  aux  investisseurs, une estimation du « best guess ». Comme prévu, le pari le plus proche est  celui qui est fait par les banques. 

Le  quatrième  chapitre  propose  un  nouveau  cadre  analytique  à  partir  de  la  théorie  de  l’intermédiation  financière,  et  l’applique  à  la  période  de  la  fin  du  XIXe  siècle,  en  particulier à la crise Baring. Nous utilisons des termes tels que « relationship banking »,  la  « reputation » et  le  « delegated  monitor ». Ce chapitre commence par  une recension  de la littérature autour de ces concepts, et développe un nouvel argument, illustré par un  modèle simple. Nous allons nous concentrer sur une des caractéristiques principales du  fonctionnement des marchés financiers de la fin du XIXe siècle, à savoir le rôle joué par  la réputation de l’emprunteur et par celle du moniteur comme incitation à repayer leurs  dettes pour le premier et à faire le monitoring pour le deuxième. Cependant, ce scénario  peut  rencontrer  des  difficultés  en  cas  de  concurrence,  car  cette  situation  diminue  les  bénéfices provenant des activités du monitoring. 

Ce  modèle  prend  en  compte  trois  types  d’agents :  d’abord,  des  investisseurs  non­ 

informés  sur  la  qualité  des  emprunteurs ;  ensuite,  des  banques  divisées  entre  celles  jouissant  d’une  bonne  réputation  et  les  autres ;  finalement,  des  pays  emprunteurs  qui  sont de bons ou de mauvais emprunteurs, mais qui ne peuvent le prouver autrement que  par  le  monitoring  fait  par  une  banque  et  par  l’histoire  de  non­défaut  après  un  certain  temps (analogue à l’argument de Tomsz, 2001).  Un pays qui veut accéder aux marchés  de capitaux (et donc, faire émettre ses titres par un intermédiaire financier) peut choisir  entre une banque à haute réputation et payer des commissions élevées, ou bien prendre  une autre banque et payer des commissions moindres. En choisissant la banque à haute  réputation,  le  gouvernement  emprunteur    aura  un  prix  élevé  pour  ses  titres,  car  les  investisseurs  seront  sûrs  que  la  banque  aura  fait  le  monitoring ;  autrement  ils  demanderont  une  « prime  additionnelle  de  risque ».  Finalement,  chaque  banque  aura  intérêt  à  assumer  les  coûts  du  monitoring  seulement  si  elle  peut  récupérer  cet  investissement  sous  forme  de  commissions.  Ceci  est  assuré  lors  d’une  situation  de  monopole,  dans  laquelle  la  totalité  de  la  demande  de  financement  d’un  pays  est  complètement  prise  en  charge  par  la  banque  moniteur.  Dans  une  situation  où  l’on  permet  l’entrée  de  la  concurrence,  dès  que  la  banque  moniteur  (que  nous  appelons 

« banque leader ») fait une première émission, les banques profitent de ce fait et peuvent  entrer sur le marché. Les pays bénéficient de commissions plus basses et de prix élevés  (les  investisseurs  sont  également  rassurés  sur  la  qualité  de  l’emprunteur).  C’est

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pourquoi les pays ont intérêt à ce que la banque leader émette la quantité la plus réduite  possible. 

Le cinquième chapitre est divisé en deux sections. Il constitue une nouvelle approche de  l’histoire de  la crise,  argumentant que la concurrence entre les  banques  fut un élément  important  dans  la  progression  vers  la  crise.  La  première  section  présente  une  analyse  graphique utilisant  la théorie  microéconomique standard  pour montrer  que  l’Argentine  profita  de  meilleures  conditions  dans  ses  contrats  dans  les  années  1880.  A  partir  de  l’information  disponible  dans  les  contrats,  nous  réduisons  les  multiples  clauses  de  chaque  document  à  deux  axes,  ce  qui  nous  permet  de  construire  la  boite  Edgeworth. 

Nous  représentons  ces  deux  axes  comme  deux  biens.  Les  deux  agents  seraient  les  banques  et  les gouvernements, qui ont des  intérêts opposés. Nous avons ainsi tous  les  éléments constitutifs de la boîte Edgeworth. Le premier  bien est le prix à payer par  les  banques pour les titres d’un gouvernement étranger.  Plus le prix à payer est bas mieux  c’est  pour  les  banques.  A  contrario,  la  situation  pour  le  gouvernement  est  exactement  inverse.  Le  deuxième  bien  est  le  « partage  du  risque  d’émission  des  titres ».  Le  gouvernement  voudrait  vendre  la  totalité  de  l’emprunt  aux  banques  (le  risque  serait  donc  assumé  complètement  par  les  banques).  En  revanche,  les  banques  voudraient  éviter toute prise de risque. 

L’analyse  reprend  le  fait  que  les  fondamentaux  économiques  de  l’Argentine  se  sont  détériorés dans les années 1880. Nous devrions donc nous attendre à ce que les termes  des  contrats  deviennent  moins  favorables  pour  l’Argentine,  mais  à  partir  de  la  représentation des contrats dans la boite Edgeworth, nous verrons que ceci ne fut pas le  cas. Au contraire, les banques ont dû céder, laissant la question ouverte pour reprendre  l’argument  de  la  concurrence.  Nous  montrons  à  la  fin  de  cette  section  que  le  seul  emprunt  qui  fut  favorable  aux  banques  fut  celui  de  Baring  en  1890,  laissant  entrevoir  que  la  concurrence  aurait  pu  jouer  un  rôle  déterminant  dans  la  disponibilité  de  fonds  pour l’Argentine. 

La  deuxième  section  est  une  analyse  complémentaire  par  rapport  à  la  représentation  graphique  faite  dans  la  première  section.  Elle  présente  la  littérature  sur  les  Offres  Publiques Initiales et utilise un modèle théorique où chaque agent cherche à maximiser  les profits de chaque opération de crédit réalisée.

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Référ ences Intr oduction 

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1. Chr onique d’une cr ise annoncée 

Intr oduction 

Cette étude prend comme sujet d’analyse la crise argentine de 1890, également appelée  crise  « Baring ».  Bien  que  souvent  cité  dans  les  travaux  économiques  actuels 10 ,  cet  épisode  de  l’histoire  financière  possède  une  forte  tradition  historiographique  depuis  la  fin  du  XIXe  siècle.  Ce  chapitre  est  divisé  en  deux  sections.  Dans  la  première,  nous  faisons  une  révision  des  faits  menant  à  la  crise.  La  deuxième  présente  un  résumé  des  principales théories qui se sont développées dès la fin de la crise, et qui fournissent des  explications différentes, souvent contradictoires, tout au long du XXe siècle. 

La crise de Baring possède plusieurs particularités. D’abord, il faudrait éclaircir le nom  utilisé. Tel que Della Paolera (2001) le remarque au début de son chapitre consacré à la  crise  de  1890,  Baring  est  l’une  des  principales  maisons  bancaires  anglaises  du  XIXe  siècle. En raison des problèmes économiques en Argentine, qui causaient la chute de la  valeur  de  ses  titres  dans  le  marché  de  Londres,  la  Banque  d’Angleterre  fut  obligée  d’orchestrer un « bail­out » avec l’aide de la communauté financière de Londres afin de  sauver Baring de la faillite (en raison de la grande quantité de titres argentins dans son  portefeuille). 

Nous considérons  indispensable de  faire un classement des  études concernant  la  crise. 

Du  point  de  vue  anglais,  la  crise  peut  être  définie  comme  une  crise  bancaire :  Baring,  risquant de faire  faillite (ce qu’elle a  fait cent ans plus tard, en 1994­1995), mettait en  péril  l’ensemble  du  système  bancaire  anglais.  La  Banque  d’Angleterre  joua  le  rôle  de 

« prêteur en dernier ressort », anticipant des événements probables (panique bancaire). 

Titre inspiré du livreChronique d’une mort annoncée  de Gabriel Garcia Marquez. Ce titre est repris par  Javier  SANTISO,  dans  son  article :  Wall  Street  face  à  la  crise  mexicaine :  Une  analyse  temporelle  des  marchés émergents. Les Etudes du CERI, décembre 1997, n° 34, 42 p., pour décrire la montée et le déclin  avant  et  après  la  crise  mexicaine  de  1994.  Puisque  d’autres  études  font  des  analogies  entre  la  crise  mexicaine  et  celle  de  Baring,  nous  nous  sommes  permis  d’emprunter  la  métaphore  pour  notre  étude. 

Voir :  EICHENGREEN,  Barry.  The  Baring  Crisis  in  a  Mexican  mirror.  International  Political  Science  Review, 1999, vol. 20, n.3, p.249­270. 

10 Par  exemple  DELARGY,  P.J.R.  et  GOODHART,  C.  Financial  Crises :  Plus  ça  change,  plus  c’est  la  même  chose.  LSE  Financial  Markets  Group  and  ESRC  Research  Centre.  Special  Paper  Series,  1999,  Special  Paper  n.108;  BORDO,  Michael  et  EICHENGREEN,  Barry,  Is  our  International  Economic  Environment  Unusually  Crisis  Prone?  Reserve  Bank  of  Australia  Conference  on  Private  Capital  Flows,1999, Sydney, Australia.

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Du point de vue argentin, cette crise peut être considérée comme «triple » 11 : une crise  de change qui a engendré une crise bancaire et une crise de dette. 

Finalement,  la  crise Baring sert de référence pour  les  crises actuelles. D’une part, elle  réunit à la fois les causes externes (contexte économique défavorable, taux d’intérêt bas  dans les pays exportateurs de capitaux, enthousiasme des investisseurs étrangers dans le  pays)  et  internes  (facteurs  monétaires,  déficit  des  balances  de  paiement,  déficits  budgétaires,  endettement  excessif).  D’autre  part,  elle  nous  rappelle  certaines  des  conséquences  dans  le  pays  (chute  de  l’activité  réelle,  mise  à  l’écart  des  marchés  de  capitaux)  et  à  l’étranger  (chute  des  exportations  de  capitaux,  contagion),  ainsi  que  les  conséquences sur  l’architecture financière  internationale :  négociation de  la dette, bail­ 

out, absence d’organismes internationaux, et aléa moral. 

De  nombreuses  études  d’histoire  économique  fournissent  d’excellents  exposés  sur  la  trajectoire  et  le  déroulement  de  la  crise 12 .  Dans  cette  section  nous  présentons  « la  matière  brute  des  faits ».  Puisque  nous  nous  occupons  des  problèmes  d’information,  nous  avons  réalisé  une  révision  de  la  presse  anglaise,  jour  après  jour,  dans  les  années  préalables à la crise. Cette section aurait pu s’appeler « la crise Baring vue par la presse  anglaise »,  mais  nous  avons  ajouté  des  explications  pour  mieux  comprendre  les  événements.  Notre  but  est  de  montrer  que  la  crise  en  Argentine  était  attendue  depuis  plusieurs  années,  sans  que  ceci  se  reflète  pour  autant  dans  des  variables  telles  que  les  yields ou le nombre d’émissions de titres de dette argentine placés en Europe 

I. La cr ise 

La  crise  de  1890  commença  par  des  pressions  inflationnistes  et  une  forte  dépréciation  du taux de change, déjà visibles dans les deux années précédentes. Un système bancaire  fragilisé par cette situation connut une première  ruée  en avril 1890, lorsque la Banque  Nationale de Montevideo (capitale du pays voisin, l’Uruguay) décréta la suspension des  paiements en or. 

En  mai,  la  Banque  Nationale  d’Argentine  annonça  la  suspension  du  paiement  des  dividendes.  Les  circonstances  internes  en  Argentine  ont  provoqué  une  crise  politique  menant  à  la  « révolution  de  juillet » 13 ,  forçant  le  président  Juarez  Celman  à 

11 Ceci est différent de ce qu’on lit dans la littérature. Pour la plupart des études, la crise Baring est une  crise jumelle. Tel que nous le verrons, la crise de change engendra une crise bancaire et une crise de dette. 

Le problème de la dette fut résolu par un « funding loan » (actuellement appelé bail­out) de la part des  banques anglaises. 

12 Voir :  MARICHAL,  Carlos.  A  century  of  Debt  Crises  in  Latin  America :  from  independence  to  the  Great Depression. Princeton, N.J. : Princeton University Press, 1989, 283 p.  ZIEGLER, Philip. The Sixth  great power: Barings, 1762­1929. London: Collins, 1988, 430 p. CLAPHAM, John Harold. The Bank of  England:  a  history.  2,  1797­1914.  Cambridge :  The  University  Press  New  York :  Macmillan,  1945,  2  vol., 460 p. FERNS, Henri Stanley. Britain and Argentina in the nineteenth century. Oxford : Clarendon  press, 1960, 517 p. ainsi que les études que nous présentons dans la section suivante. 

13 Certains  groupes  sociaux  dont  les  revenus  étaient  fixés  en  monnaie  locale  avaient  perdu  en  pouvoir  d’achat, et réclamaient depuis 1887 leurs salaires en or. Leur mouvement renforça les groupes politiques  opposés  au  gouvernement,  notamment  Unión  Cívica.  Des  forts  affrontements  militaires  ont  eu  lieu  à  partir  du  26  juillet  1890,  et  ne  cessèrent  que  plusieurs  semaines  plus  tard.  Voir  GALLO,  Ezequiel,  CORTES  CONDE,  Roberto.  La  República  Conservadora.  Buenos  Aires :  Hyspamérica  Ediciones  Argentina, 1986, 238 p.

Références

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