Nous allons supposer qu’il existe trois agents dans notre modèle. Le premier ce sont les investisseurs en titres de dette souveraine. Ils ne peuvent s’informer sur le risque des titres qu’en encourant un C0. Ce coût est cependant trop élevé par rapport à la capacité limitée des ressources dont ils disposent (même condition que dans le modèle de Diamond, 1984). Le deuxième agent ce sont les banques, dont la position est celle de
«Delegated Monitor ». Les banques sont divisées en banques à haute réputation (HR) et celles dont la réputation est faible ou inexistante (nouvelles banques) (LR). Chaque banque doit encourir un coût initial C0 lorsqu’elle souhaite connaître la qualité de l’emprunteur (le troisième agent). Ce coût initial constitue un sunk cost et donc, la décision d’encourir ce coût va dépendre des profits provenant du nombre de transactions qu’il espère réaliser dans le futur. Dans chaque période, elle doit faire un monitoring avec un coût Ct avant de décider de réaliser une nouvelle émission.
Les bénéfices des banques seraient donc : π0 = f(C0, E(VpFT))
πt = f(Ft, Ct)
où VpFT est la valeur présente des commissions chargées par les banques au pays (voir plus bas) pendant la durée (T) de la relation entre la banque et le pays. Nous considérons plusieurs périodes. Dans la première période, les banques peuvent choisir entre encourir le coût C0 pour les nouveaux emprunteurs (ou Ct pour les emprunteurs déjà présents sur le marché) et ne pas encourir le coût. En choisissant d’encourir les coûts, les bénéfices d’une banque diminuent, mais la banque est certaine de maintenir sa réputation (ou bien, de l’améliorer dans les cas des banques LR). Si la banque choisit la deuxième option (ne pas faire le monitoring) elle prend le risque de voir sa réputation diminuer (une banque pourrait passer de HR à LR) ou de rester classée comme banque LR. Nous représentons cela comme le coût de réputation CR. Cependant, en choisissant cette option elle peut avoir des bénéfices plus élevés. Une banque qui fait le monitoring et trouve que le pays est un mauvais emprunteur va refuser d’offrir ses services (car elle n’obtiendrait pas des bénéfices en cas de défaut, et sa réputation diminuerait). Nous aurions donc :
πt = f(Ft,CR) π =
π’t = f(Ft, C)
Le mécanisme par lequel les investisseurs développent une perception favorable lorsqu’une banque HR émet les titres d’un pays est analogue aux travaux existant dans la littérature, tels ceux de Billett et al, et de Chemmantur et Fulgheri présentés plus haut.
Les investisseurs ont la certitude que les banques à haute réputation encourent les coûts
nécessaires au monitoring, tandis qu’ils ignorent si les banques LR le font. Ils vont donc distinguer entre les titres émis par les banques avec une haute réputation et les banques à faible réputation. Pour les titres émis par les banques LR, ils vont charger une prime plus élevée pour le risque encouru. Ceci est représenté dans l’illustration 1, qui montre le choix de l’investisseur. Pour les titres émis par une banque HR, il demandera R1, et pour les titres de LR il demandera R2, où R2 > R1. Nous allons supposer que les investisseurs sont insensibles au risque et qu’il n’existe pas de barrières d’arbitrage
Illustration 1
Les commissions que les banques chargent aux pays pour leurs services sont donc représentées par F (fees). Nous supposons que les valeurs de F sont comprises entre Fmin et Fmax. Le troisième agent, le pays, aura donc intérêt à faire 2 choses : tout d’abord, à payer le moins possible de commissions (Fmin) ; ensuite à avoir l’espérance la plus élevée de prix d’émission de ses titres (obtenir que la prime à payer diminue).
Nous aurions donc l’utilité du pays i ent fonction de deux facteurs : Ut(i) = f(E(pe), F)
Un prix d’émission élevé est assuré lorsqu’une banque à haute réputation est la responsable de l’émission. Nous supposons qu’il existe deux types de pays : les bons emprunteurs et les mauvais emprunteurs. Les bons emprunteurs sont ceux qui ont une
« bonne réputation » dans le sens de Tomsz (2001), c’est à dire ceux qui sont déjà établis dans le marché et qui n’ont pas fait défaut depuis un certain temps. Les mauvais emprunteurs sont les pays nouvellement arrivés et ceux qui ont fait défaut dans des périodes précédentes.
Illustration 2
Bon Emprunteur Mauvais Emprunteur
Banque HR Commissions min E(P) élevée
Commissions max E(P) élevée Banque LR Commissions min
E(P) élevée
Commissions moyennes E(P) bas Titres émis par des banques HR, R1 HR
Investisseur LR
Titres émis par des banques LR, R2
Chaque pays aura une demande d’endettement Dt à chaque période. Supposons d’abord qu’un pays ne peut emprunter qu’une seule fois à chaque période (l’émission sera donc égale à Dt). Prenons le cas d’un nouvel emprunteur qui a choisi d’émettre ses titres avec une banque HR. Il ne sait pas si la banque a encouru C0, mais il a payé des commissions maximales et obtenu un prix élevé pour son émission. Dans la période suivante, il pourra choisir d’émettre ses titres avec la même banque en payant à nouveau des commissions maximales (mais en espérant obtenir un prix d’émission élevé) ou de changer à une banque LR et payer moins de commissions ( F entre Fmin et Fmax). Le pays n’a pas intérêt à passer d’une banque HR à une autre, car les commissions à payer seront les mêmes. Après plusieurs périodes, si le pays ne fait pas défaut, il aura montré qu’il est un bon emprunteur et pourra exiger des commissions minimales.
Nous aurions donc comme résultat dans ce cas : Cas 1 : Une seule émission par période
t = 0 π0 = C0 t = 1
π1 = D*Fmax – C1
π’1 = D*Fmax
U(i)1 = pe*D – Fmax*D
Nous supposons maintenant qu’un pays peut réaliser plusieurs émissions à chaque période. Pour la première émission, la banque ayant encouru le coût C0 (que nous appelons la « banque leader ») reste dans une situation de monopole. A priori, elle pourrait charger des commissions maximales (Fmax) et avoir le choix entre supporter le coût de monitoring et obtenir πt, ou renoncer à ce coût et avoir π’t, mais en risquant de voir sa réputation diminuer (CR).
Nous aurions donc :
Cas 2 : Plusieurs émissions par période t = 0
π0 = C0 t = 1
πBL1 = qBL*Fmax – C1 π’BL1 = qBL*Fmax CR πBS1 = qBS*F’
U(i)1 = qBL*pemax – qBL*Fmax + qBS*pemax – qBSF’
Lors de la deuxième émission, le pays aura le « seal of approval » de la banque leader (dans le cas où la banque leader est une HR) 297 . Les investisseurs chargeront R1 car ils savent que c’est d’un bon emprunteur dont il s’agit. Pour son émission, le pays a donc le
297 Si l’emprunteur avait d’abord choisi un LR il se retrouverait dans la situation initiale (il n’aurait pas le
“seal of approval”).
choix entre sa banque et une banque concurrente. Il sait qu’il obtiendra E(P1) car il est maintenant considéré comme un bon emprunteur. Il aura donc intérêt à choisir la banque qui propose les commissions les moins élevées. Cependant, s’il ne choisit pas la banque leader, il prendrait le risque de voir cette banque refuser d’émettre ses titres dans le futur (coût que nous appelons CF).
Illustration 3
Les banques sont en concurrence pour les nouvelles émissions. Puisqu’elles savent qu’elles n’encourent aucun risque (car elles supposent que la banque leader a fait le monitoring) 298 , elles auront des incitations à diminuer le montant des commissions pour gagner le client. En fonction du degré de concurrence, le pays pourrait s’approcher de Fmin. Ceci aura des conséquences sur le comportement de la banque leader lors de la première émission. Le pays, sachant que dans d’autres émissions il pourrait avoir des commissions moins élevées, aura intérêt à ce que le montant de la première émission soit le moins élevé possible. Si la banque leader charge donc Fmax, elle perdra une partie de sa demande, que nous représentons par 299 q. Pour maintenir ses profits, elle
298 Le modèle considère donc qu’il existe une asymétrie d’information entre la banque leader et les autres banques, qui ne peuvent pas regarder les activités de l’autre. Ceci est analogue au modèle de Grossman et Stiglitz (1981), qui montre que les investisseurs non informés vont avoir comme point de référence les activités des investisseurs informés.
299 En situation de monopole nous aurions q = 1.
R1 HR
Investisseur LR
R2
E(P1),Fmax
HR Pays
LR E(P2),F
π, CR
Banque leader
π’, 0
Première émission
R1 HR
Investisseur LR
R1
E(P1),Fmax
BL Pays
Autres
E(P1),F,CF
πBS Banques
0
Deuxième émission
pourrait faire deux choses : soit elle diminue F, soit elle n’encourt plus le coût Ct. Le choix dépendra de l’intensité de la concurrence.