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Les troubles du langage dans l'autisme. Quelle comorbidité avec les troubles spécifiques du langage ?

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Master

Reference

Les troubles du langage dans l'autisme. Quelle comorbidité avec les troubles spécifiques du langage ?

CARVALHO, Sofia

Abstract

Notre étude a pour but d'analyser dans quelle mesure les profils morphosyntaxiques de 20 enfants présentant un trouble du spectre autistique (ASD) convergent avec ceux de 14 enfants ayant un trouble spécifique du langage oral (G-SLI). Pour ce faire, nous avons tout d'abord sélectionné les enfants ASD ayant des difficultés syntaxiques grâce à une épreuve de répétition de phrases ; nous avons nommé ce groupe G-ASD (N = 13, M = 9;5 ans). Les enfants ASD n'ayant pas de difficultés morphosyntaxiques ont quant à eux été attribués au groupe NG-ASD (N = 7, M = 9;3 ans). Par la suite, nous avons évalué les performances de tous les enfants sur des tâches connues pour être difficiles chez les enfants avec un trouble spécifique du langage : la compréhension de structures syntaxiquement complexes (phrases passives), la compréhension morphosyntaxique grâce à une tâche standardisée (N-EEL) et la répétition de non-mots...

CARVALHO, Sofia. Les troubles du langage dans l'autisme. Quelle comorbidité avec les troubles spécifiques du langage ?. Master : Univ. Genève, 2015

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:76157

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MAITRISE UNIVERSITAIRE EN LOGOPEDIE

Section de Psychologie

Mémoire réalisé par Sofia Carvalho

Septembre 2015

Rédigé sous la direction du Docteur Hélène Delage et du Docteur Stéphanie Durrleman-Tame Jury : Docteur Hélène Delage, Docteur Stéphanie Durrleman-Tame et Professeur Pascal Zesiger

LES TROUBLES DU LANGAGE DANS L’AUTISME

Quelle comorbidité avec les troubles spécifiques du langage ?

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Remerciements

Tout d’abord, je tiens à remercier sincèrement le Docteur Hélène Delage et le Docteur Stéphanie Durrleman-Tame pour leur encadrement au cours de ces deux dernières années, pour leur disponibilité, leurs nombreux conseils et encouragements lors de la réalisation de cette recherche.

Je remercie également toutes les personnes sans qui ce mémoire n’aurait pu se réaliser : Monsieur Philippe Prévost et Madame Laurie Tuller pour les nombreuses données qui nous

ont permis de compléter notre recherche ainsi que Madame Sandrine Ferré pour sa disponibilité, ses conseils et ses corrections dans la cotation de nos tâches.

Les étudiantes Alice Gex, Elise Boos et Estelle Moyne-Picard qui ont créé la tâche d’évaluation de la Théorie de l’esprit et qui ont effectué un grand nombre de passations pour nos groupes contrôles.

Les logopédistes indépendants, les directeurs et enseignants d’écoles primaires, le Réseau Dys ainsi que l’association Autisme Suisse Romande qui nous ont permis d’entrer en contact avec les parents intéressés par notre projet.

Un immense merci aux enfants pour leur participation et leur enthousiasme dans la réalisation de nos tâches. Je remercie également leurs parents pour leur accueil et leur disponibilité.

A mes chères collègues de mémoire, Elia Lopes et Camille Prod’homme, merci pour votre collaboration, votre disponibilité et votre soutien au cours de ce travail. Ce fut un véritable plaisir de faire votre rencontre.

Merci à Marielle Lacroix pour ses nombreux encouragements, pour sa relecture et ses conseils enrichissants.

Enfin, je tiens particulièrement à remercier ma famille et mes proches qui m’ont énormément soutenue tout au long de ces études, qui ont su me remotiver dans les moments de doutes, m’épauler dans les moments de faiblesses, et m’accompagner dans les moments de joie. Merci pour votre patience.

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Résumé

Notre étude a pour but d’analyser dans quelle mesure les profils morphosyntaxiques de 20 enfants présentant un trouble du spectre autistique (ASD) convergent avec ceux de 14 enfants ayant un trouble spécifique du langage oral (G-SLI). Pour ce faire, nous avons tout d’abord sélectionné les enfants ASD ayant des difficultés syntaxiques grâce à une épreuve de répétition de phrases ; nous avons nommé ce groupe G-ASD (N = 13, M = 9;5 ans). Les enfants ASD n’ayant pas de difficultés morphosyntaxiques ont quant à eux été attribués au groupe NG-ASD (N = 7, M = 9;3 ans). Par la suite, nous avons évalué les performances de tous les enfants sur des tâches connues pour être difficiles chez les enfants avec un trouble spécifique du langage : la compréhension de structures syntaxiquement complexes (phrases passives), la compréhension morphosyntaxique grâce à une tâche standardisée (N-EEL) et la répétition de non-mots. Cette dernière évalue la mémoire de travail phonologique ; des difficultés dans ce domaine sont reconnues comme étant un marqueur clinique de troubles spécifiques du langage.

Parallèlement à ces tâches, nous avons évalué le niveau cognitif non-verbal afin d’évaluer le lien entre ces compétences et les capacités langagières. L’analyse des résultats démontre que les NG-ASD se sont comportés, pour l’ensemble des épreuves langagières, comme les enfants contrôles. En revanche, les G-ASD ont présenté des performances significativement inférieures à celles de leur groupe contrôle pour toutes les tâches langagières, y compris pour la tâche de répétition de non-mots (marqueur clinique de troubles langagiers). Leurs performances sont d’ailleurs équivalentes à celles des G-SLI et leurs difficultés se situent sur les mêmes types d’items, c’est-à-dire sur les items les plus complexes sur le plan syntaxique. De plus, leurs difficultés langagières ne sont pas corrélées avec leurs capacités de raisonnement non-verbal, tout comme chez les enfants SLI. Ces résultats sont donc en faveur d’un chevauchement entre le trouble du spectre autistique et le trouble spécifique du langage oral. Sur le plan clinique, ces données s’avèrent essentielles afin d’améliorer la prise en charge des difficultés langagières des enfants ASD. En effet, il est important de travailler également sur les troubles morphosyntaxiques et non plus seulement sur les troubles pragmatiques, connus pour être déficitaires chez cette population.

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Table des matières

Liste des abréviations ... 6

Introduction... 7

I. Partie théorique ... 8

1.1 Les troubles spécifiques du langage ... 8

1.1.1 Définition ... 8

1.1.2 Hypothèses explicatives ... 9

1.1.3 Les difficultés langagières ... 10

1.1.3.1 Morphosyntaxe ... 10

1.1.3.2 Phonologie ... 13

1.2 L’autisme ... 15

1.2.1 Définition ... 15

1.2.2 Hypothèses explicatives ... 16

1.2.3 Difficultés langagières ... 16

1.2.3.1 Morphosyntaxe ... 17

1.2.3.2 Phonologie ... 19

1.3 Les phrases passives ... 20

1.3.1 Définition et propriétés ... 20

1.3.2 Données dans le développement typique ... 20

1.3.3 Difficultés pour les SLI ... 22

1.3.4 Difficultés pour les ASD... 24

1.4 Comparaison des SLI et ASD ... 25

1.5 Problématique et hypothèses théoriques ... 27

II.Partie Méthodologie ... 29

2.1 Participants ... 29

2.1.1 Enfants atteints d’un trouble autistique (ASD) ... 29

2.1.2 Enfants atteints d’un Trouble Spécifique du Langage (SLI)... 30

2.2 Matériel et procédure ... 31

2.2.1 Evaluation de la mémoire de travail phonologique ... 31

2.2.2 Evaluation de la morphosyntaxe ... 32

2.2.2.1 Versant production ... 32

2.2.2.2 Versant réception ... 34

2.2.2.2.1 Les passives ... 34

2.2.2.2.2 Les passives psychologiques ... 35

2.2.2.2.3 Tâche standardisée ... 37

(6)

2.2.3 Evaluation du raisonnement non-verbal ... 37

2.3 Hypothèses opérationnelles ... 38

III. Résultats ... 40

3.1 Analyses statistiques ... 40

3.2 Variable contrôlée ... 41

3.3 Hypothèses HA... 41

3.3.1 Hypothèse HA1 ... 41

3.3.2 Hypothèse HA2 ... 44

3.3.3 Hypothèse HA3 ... 47

3.3.4 Hypothèse HA4 ... 50

3.4 Hypothèses HB ... 52

3.4.1 Hypothèse HB1 ... 52

3.4.2 Hypothèse HB2 ... 53

3.4.3 Hypothèse HB3 ... 55

3.5 Hypothèse HC ... 56

IV. Discussion ... 57

4.1 Tableau récapitulatif des résultats ... 57

4.2 Hypothèse HA ... 58

4.2.1 Hypothèses HA1 et HA2 ... 58

4.2.2 Hypothèses HA3 et HA4 ... 61

4.3 Hypothèse HB ... 63

4.3.1 Hypothèse HB1 ... 63

4.3.2 Hypothèse HB2 ... 63

4.3.3 Hypothèse HB3 ... 65

4.4 Hypothèse HC ... 65

4.5 Conclusion générale... 66

Bibliographie ... 68

Annexes... 75

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Liste des abréviations

ASD : « Autism Spectrum Disorder » = Trouble du Spectre Autistique G-ASD : Enfants sur le spectre autistique ayant des déficits morphosyntaxiques

NG-ASD : Enfants sur le spectre autistique ayant des capacités morphosyntaxiques intactes SLI : « Specific Language Impairment » = Trouble Spécifique du Langage

G-SLI : Enfants SLI ayant des déficits morphosyntaxiques avérés TD : Enfants ayant un développement langagier typique ET : Écart-type

M : Moyenne

N : Nombre d’enfants

QI : Quotient intellectuel RO : Relatives Objet RS : Relatives Sujet

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Introduction

Les enfants ayant un trouble spécifique du langage (SLI) présentent des déficits avérés en morphosyntaxe (Leonard, 1998 ; Parisse & Maillart, 2004), en phonologie (Schelstraete, 2011) ainsi qu’en mémoire de travail phonologique (Weismer, Tomblin, Zhang, Buckwalter, Chynoweth & Jones, 2000). Les récentes études sur les enfants présentant un trouble du spectre autistique (ASD) ont mis en évidence des difficultés dans le traitement de structures morphosyntaxiques complexes et ces dernières perdurent à l’âge adulte (Durrleman, Hippolyte, Zufferey, Iglesias et Hadjikhani, 2015). En 2001, Kjelgaard et Tager-Flusberg avaient également décelé des déficits syntaxiques chez certains ASD et ces auteurs indiquaient même que les profils langagiers de cette population étaient similaires à ceux des enfants SLI. Plusieurs hypothèses concernant le lien existant entre ces populations ont alors émergé. Alors que les critères de diagnostic de la CIM-10 considèrent ces deux troubles comme mutuellement exclusifs, certains auteurs s’interrogent sur l’existence d’un continuum entre ces deux pathologies (Bishop, 2003) et d’autres considèrent qu’il existerait même un chevauchement entre les ASD et les SLI (Bishop, 2010). Notre étude a donc pour but d’analyser les profils langagiers d’enfants SLI et ASD afin de déterminer s’ils convergent et, si oui, de quelle manière. Pour cela, nous avons évalué les compétences langagières de nos populations à travers des tâches standardisées et expérimentales. Pour les ASD, nous avons approfondi leur profil en évaluant leurs performances de compréhension de phrases passives. En effet, ce type de structures n’a jamais été évalué chez des enfants ASD francophones et pourrait constituer un élément essentiel dans la comparaison de leurs troubles langagiers avec ceux des SLI. Dans un premier temps, nous définirons les deux pathologies étudiées ainsi que les différentes connaissances théoriques concernant leurs compétences langagières, puis nous développerons les caractéristiques de phrases passives ainsi que les difficultés particulières rencontrées par les ASD et les SLI. Par la suite, nous expliciterons la méthodologie de notre recherche et exposerons nos hypothèses expérimentales. Enfin, nous récapitulerons les divers résultats obtenus afin de les interpréter dans notre dernière partie.

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I. Partie théorique

1.1 Les troubles spécifiques du langage Définition

Selon la CIM-10 (Organisation Mondiale de la Santé, 1996), les troubles spécifiques du langage oral (SLI1) peuvent être établis lorsque « les modalités normales d’acquisition du langage sont altérées dès les premiers stades du développement. Ces troubles ne sont pas directement attribuables à des anomalies neurologiques, des anomalies de l’appareil phonatoire, des troubles sensoriels, un retard mental ou des facteurs d’environnement. ». Cette définition étant vaste, il est parfois difficile de distinguer un SLI d’une variation normale du développement. C’est pourquoi la CIM-10 définit plusieurs critères d’inclusion et d’exclusion, afin de permettre de déceler un trouble spécifique. L’un d’eux est le critère de sévérité : les difficultés doivent se situer en-dessous de deux écarts-types de la norme. Cependant, comme le relèvent Tomblin, Records, Bzckwalter, Zhang, Smith et O’Brien (1997), ce critère est sujet à plusieurs variations. Dans leur étude, Tomblin et al. ont posé un diagnostic de SLI lorsque les enfants présentaient au minimum deux scores composites inférieurs à -1.25 ET dans des tâches évaluant différents domaines du langage (lexique, morphosyntaxe et phonologie). Les auteurs de la CIM-10 rappellent toutefois qu’il est essentiel d’évaluer l’évolution des difficultés, principalement chez les enfants plus âgés. En effet, le degré de sévérité observé à un certain moment du développement ne reflète pas nécessairement le véritable trouble, une amélioration pouvant être due à une prise en charge ou à l’évolution naturelle. Aussi, il est important d’analyser la symptomatologie. Si les erreurs commises par les SLI sont

« anormales » (c’est-à-dire qu’on ne les retrouve pas chez les enfants plus jeunes) le trouble est probablement significatif. Enfin, la CIM-10 exclut un retard mental ou un retard global du développement. En effet, les compétences langagières de l’enfant doivent se situer en dessous du niveau attendu alors que le quotient intellectuel (QI) non-verbal, lui, doit se situer dans la norme, c’est-à-dire supérieur à 80. Tomblin et al. (1997) ont évalué la prévalence du SLI chez des enfants entre 5 et 6 ans, monolingues anglais. Celle-ci a été estimée à environ 7%. Ils mentionnent également que les garçons sont plus touchés que les filles, ayant trouvé un ratio de 1.33:1. D’autres auteurs, tels que Leonard (1998), mentionnent un ratio moyen de 2.8:1.

1 Abréviation de « Specific Language Impairment », traduction anglaise de « Troubles Spécifiques du Langage ».

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Hypothèses explicatives

Les SLI sont caractérisés par une grande variabilité tant au niveau des difficultés langagières qu’au niveau des troubles associés. Il est alors difficile d’évoquer une seule hypothèse explicative satisfaisante pour des profils si hétérogènes. Plusieurs causes psychologiques et psycholinguistiques ont été évoquées par différents auteurs (comme Gillam, Cowan & Marler, 1998). Les diverses hypothèses ne sont pas mutuellement exclusives, cependant elles ont été amenées et discutées séparément dans la littérature. Dans ce qui suit, nous présentons quelques une de ces hypothèses. Par exemple, Gathercole et Baddeley (1990) ont évalué 6 enfants SLI anglophones âgés de 7;2 à 8;10 ans sur une tâche de répétition de non-mots et une tâche de rappel de mots non-organisés. Les résultats indiquent que les performances des SLI se situent en deçà de celles des TD appariés en âge et de celles des TD appariés en fonction du niveau langagier. Les SLI présentent donc un déficit en mémoire de travail phonologique qui serait la cause de leurs difficultés. Gillam et al. (1998) concluent également que les enfants SLI peuvent avoir des difficultés à retenir les codes phonologiques préalablement formés au cours de plusieurs opérations mentales ou qu’ils ne créent pas de représentations phonologiques spontanément. Ces difficultés dans la mémoire de travail phonologique expliqueraient les déficits dans la rétention et l’utilisation de codes phonologiques des enfants ayant un SLI. Selon Van der Lely (1996), en revanche, il existe une population d’enfants SLI qui présente des difficultés plus sévères en grammaire qu’en phonologie. Ce groupe d’enfants a été nommé « Grammatical SLI » (G-SLI) par l’auteure.

Selon elle, ces difficultés pourraient être expliquées par un déficit dans les relations structurelles de dépendance (« Representational Deficit for Dependent Relationships » (RDDR)). En effet, elle considère que le cerveau contient des systèmes spécifiques à chaque domaine et que chacun peut être atteint indépendamment de l’autre. Un déficit des RDDR implique donc des difficultés dans l’accord sujet-verbe ainsi que dans l’attribution des rôles thématiques et anaphoriques dans les phrases complexes.

Parallèlement à ces hypothèses, les récentes recherches s’intéressent aux composantes génétiques des SLI ainsi qu’aux liens possibles entre les troubles spécifiques du langage et les caractéristiques neurophysiologiques des enfants. Majerus et Zesiger (2009) récapitulent les études ayant investigué ces aspects. Ils concluent qu’il existe une influence génétique certaine dans le développement des SLI. Toutefois, celle-ci devrait plutôt être considérée comme un facteur de risque et non comme une cause directe. Enfin, en ce qui concerne les anomalies cérébrales fonctionnelles et structurales retrouvées chez les SLI (voir Majerus & Zesiger,

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2009), il est pour l’heure difficile de savoir si celles-ci sont une cause ou une conséquence des difficultés langagières. En résumé, les recherches concernant les causes des SLI sont encore en cours, toutefois les causes génétiques et neurophysiologiques semblent primer.

Les difficultés langagières

Les enfants avec un SLI présentent des profils linguistiques très variables. En effet, les critères de diagnostic ne spécifient pas les domaines du langage qui doivent être altérés.

Toutefois, l’analyse des compétences de divers enfants SLI ont permis de déterminer les difficultés les plus récurrentes. La morphosyntaxe et la phonologie sont ainsi les deux domaines les plus sévèrement touchés (Leonard, 1998 ; Majerus & Zesiger, 2009).

Morphosyntaxe

La morphosyntaxe regroupe l’étude de la forme des mots d’une langue (morphologie) ainsi que celle de l’organisation des unités morphologiques dans une phrase (syntaxe). Selon Parisse et Maillart (2004), c’est à partir de l’âge de 4 ans que la différence entre les enfants SLI et ceux ayant un développement typique (TD2) se marque davantage au niveau de la morphosyntaxe. En effet, c’est à cette période que les enfants TD commencent à maîtriser les structures complexes de leur langue maternelle (tant en compréhension qu’en production). Ils utilisent alors tous les morphèmes fonctionnels3. Ces éléments sont essentiels pour évaluer la présence d’un éventuel trouble du langage car, quelle que soit la langue maternelle, les enfants SLI présentent des difficultés dans leur utilisation. Les erreurs les plus fréquentes sont l’omission et parfois la substitution de ces morphèmes grammaticaux, qui tendent à rendre les productions plus simples. Par exemple, en français et en anglais, les enfants SLI produisent préférentiellement la forme la plus courte du verbe et omettent donc la terminaison (par exemple « chante » au lieu de « chantons » ou « chantera »). Rice, Wexler et Hershberger (1998) ont mené une étude longitudinale sur une période de trois ans et demi pour suivre le développement morphosyntaxique d’enfants SLI anglophones (N = 21) âgés de 4;5 à 8;9 ans en comparaison à celui d’enfants TD (N = 43) âgés de 2;6 à 8;9 ans. Les auteurs ont analysé l’utilisation des flexions verbales de temps. Les résultats démontrent que les enfants SLI présentent une courbe de croissance identique à celle des enfants TD, mais que celle-ci est décalée dans le temps. De plus, malgré une augmentation significative des performances chez

2 Abréviation de « Typical Development », traduction anglaise de « Développement Typique »

3 C’est-à-dire les déterminants, les accords, les pronoms, les prépositions, etc.

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les enfants SLI (89%), ces derniers n’atteignent pas l’effet plafond (100%) observé chez les enfants TD après 8 ans. Cela signifie que les enfants SLI anglais utilisent des formes verbales infinitives à un âge avancé.

A l’inverse de l’anglais, le recours à des formes verbales non marquées ne semble pas être un marqueur spécifique de troubles langagiers en français (Parisse & Maillart, 2004). Les enfants SLI francophones ont principalement des difficultés à utiliser des formes verbales composées (passé composé, par exemple). Jakubowicz (2003, citée par Parisse & Maillart, 2004) a comparé les performances d’enfants TD évalués à 3;3 ans, 4;4 ans et 5;6 ans à celles d’enfants SLI évalués à 6;4 ans, 7;8 ans et 9;1 ans. L’auteure s’est intéressée à l’utilisation et la compréhension des flexions temporelles du présent et du passé. Les deux groupes ne se différencient pas pour la production et la compréhension du présent. Cependant, la production des flexions du passé est significativement plus faible pour les enfants SLI, ces derniers omettant principalement l’auxiliaire (par exemple : « i tout bu. » pour « il a tout bu. »).

Toutefois, bien que ces difficultés soient avérées, elles ne sont pas spécifiques aux enfants SLI car de faibles performances dans l’utilisation des flexions temporelles du passé ont également été retrouvées chez les enfants apprenant le français en seconde langue (Paradis & Crago, 2000). Enfin, bien que la compréhension des formes verbales au passé atteigne des scores plafonds chez les deux groupes d’enfants, les SLI accèdent à ce niveau de performance avec un décalage important au niveau de l’âge : 7;8 ans pour les SLI et 4;6 ans pour les enfants TD (Jakubowicz, 2003, citée par Parisse & Maillart, 2004).

Les SLI présentent également des déficits dans le traitement de phrases complexes, telles que les phrases passives, les relatives objets ou les questions « qu- ». Toutes ces structures impliquent un ou plusieurs mouvements syntaxiques qui modifient l’ordre canonique de la phrase. En français, la structure attendue d’un énoncé est la suivante : sujet-verbe-objet. Une question « qu- » peut présenter plusieurs niveaux de complexité syntaxique, en fonction du nombre de mouvements syntaxiques impliqués (voir exemple [1]).

[1] Illustration des trois niveaux de complexité des questions « qu- »

a) Zéro mouvement : [SUJET Tu] [VERBE pousses] [OBJET qui] ?

b) Un mouvement : [OBJET Qui] [SUJET tu] [VERBE pousses] ?

c) Deux mouvements : [OBJET Qui] [VERBE pousses] - [SUJET tu] ?

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Jakubowicz (2011) a évalué les compétences de 20 enfants SLI de 6;11 à 14;0 ans sur une tâche de production induite de questions « qu- ». Les résultats indiquent que cette population utilise préférentiellement des constructions qui n’impliquent pas de mouvement syntaxique, telles que les questions « qu- » in situ (a). De même, Riches, Loucas, Baird, Charman et Simonoff (2010) ont démontré que les SLI (N = 14, M = 15;3 ans) présentent un taux d’erreurs élevé lors d’une tâche de répétition de phrases relatives (les relatives objets4 étant moins bien réussies que les relatives sujets5). En effet, les phrases relatives objets modifient la structure canonique attendue, plaçant l’objet en position initiale. L’ensemble des données de la littérature soutient donc que les SLI présentent des déficits dans le traitement des structures morphosyntaxiques complexes.

Le marqueur clinique en morphosyntaxe

Un marqueur clinique permet de distinguer de façon sensible les enfants SLI de ceux ne présentant pas cette pathologie. L’analyse des productions de pronoms clitiques accusatifs en est un. Les pronoms clitiques peuvent avoir plusieurs fonctions en français : ils peuvent être nominaux, accusatifs, datifs ou réfléchis. Les pronoms clitiques accusatifs, qui pronominalisent l’objet direct, présentent une complexité morphosyntaxique certaine, complexité induite par la position préverbale du pronom en français. Cela ne correspond pas à la position canonique attendue (Jakubowicz, Nash, Rigaut & Gerard, 1998). Un exemple est donné en [2].

[2] Illustration du mouvement syntaxique lors de la pronominalisation a) [SUJET Jean] [VERBE connaît] [OBJET Marie].

b) [SUJET Jean] [OBJET la] [VERBE connaît].

De plus, Tuller, Delage, Monjauze et Piller (2011) suggèrent que l’utilisation de pronoms clitiques accusatifs requiert d’importantes ressources en mémoire de travail car ces pronoms se réfèrent à un élément non présent dans l’énoncé. Jakubowicz et al. (1998) avaient mené une étude sur la production induite et la compréhension de pronoms clitiques sujets, accusatifs et réflexifs en français. Les enfants SLI (N = 13, M = 8;11 ans) ont obtenu des performances significativement plus faibles que les enfants TD (N = 20, M = 5;7 ans) pour la

4 Exemple de relative objet : « Le prince [que la princesse a secouru] porte une couronne dorée. »

5 Exemple de relative sujet : « Le monstre [qui a tué le prince] porte un manteau vert. »

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production de pronoms clitiques, les accusatifs étant d’autant plus faibles que les clitiques sujets et réflexifs. En revanche, en compréhension (tâche de désignation d’image), les SLI ont des performances similaires à celles des enfants TD. Tuller et al. (2011) ont analysé les performances d’adolescents SLI (N = 37, M = 14;8 ans), toujours sur la maîtrise des pronoms clitiques (en production). Les adolescents SLI présentent un pourcentage de réponses correctes significativement plus faible pour les pronoms clitiques accusatifs (49.7%) par rapport aux autres types de pronoms (nominaux (86.6%) et réflexifs (93.6%)). Ces performances sont également en deçà de celles des enfants TD plus jeunes (N = 12, M = 11;4 ans) qui ont obtenu 97.9%. Ces études suggèrent donc que la présence d’une fragilité dans l’utilisation des pronoms clitiques accusatifs est un indice robuste d’un trouble du langage.

Phonologie

Les capacités à analyser et manipuler les sons de la langue, indépendamment du sens des mots, sont essentielles dans le développement du langage. Lors de l’acquisition du langage oral, tous les enfants produisent des erreurs telles que des omissions et des substitutions de phonèmes (Schelstraete, 2011). Ce n’est qu’à partir de 3 ou 4 ans que les enfants TD maîtrisent la production de tous les phonèmes. En revanche, chez les enfants SLI, les erreurs vont persister au-delà de cet âge, elles seront nombreuses et parfois même atypiques (par exemple, des ajouts de phonèmes). Leonard (1998) soutient également que les enfants présentant des déficits en morphosyntaxe ainsi que de faibles compétences lexicales démontrent presque invariablement des faiblesses en phonologie. Ces difficultés touchent la production mais également la perception, car ce sont les représentations phonologiques qui seraient atteintes. Maillart, Schelstraete et Hupet (2004) ont mené une étude sur 75 enfants francophones (25 SLI et 50 TD) qui devaient déterminer si un mot entendu faisait partie, ou non, de la langue française (tâche de décision lexicale). Les enfants SLI, appariés aux TD au niveau du stock lexical, démontrent des performances significativement plus faibles en ce qui concerne la détection des erreurs phonologiques. Les SLI sont également significativement déficitaires lorsqu’ils doivent détecter des modifications par substitution d’un phonème proche, c’est-à-dire ne différant que par un trait distinctif. Les auteures soutiennent donc, elles aussi, que se sont effectivement les représentations phonologiques des enfants SLI qui sont atteintes.

Le marqueur clinique en phonologie

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Comme le soulignent Weismer et al. (2000), plusieurs études se sont intéressées aux performances d’enfants tout-venant et SLI dans des tâches de répétition de non-mots afin d’analyser les processus cognitifs qui sous-tendent l’acquisition du langage. Les conclusions de ces différentes études indiquent toujours que les enfants SLI présentent des performances significativement plus faibles que les enfants TD dans ce type de tâche. Afin d’approfondir ces résultats, Weismer et al. (2000) ont étendu la recherche à un large échantillon d’enfants monolingues anglophones (N = 581, M = 7;11 ans). Ces participants ont été divisés en quatre groupes : les NL (enfants ayant un développement langagier dans la norme), les SLI (enfants ayant un trouble spécifique du langage), les NLI (enfants ayant un trouble du langage non-spécifique (QI entre 70 et 84)) et les LC (enfants ayant de faibles compétences cognitives non-verbales et des scores de langage dans la norme). La tâche consistait à répéter 16 non-mots composés d’une à quatre syllabes. Les résultats indiquent que les SLI présentent effectivement des déficits dans cette tâche, conjointement aux enfants NLI qui ont également présenté des résultats déficitaires par rapport aux deux autres groupes d’enfants (NL et LC). Ainsi, le même profil a été retrouvé pour les enfants SLI et NLI suivis en logopédie. La tâche de répétition de non-mots a donc permis de discriminer les enfants ayant un trouble du langage de ceux n’en ayant pas. Conti-Ramsden, Botting et Faragher (2001) ont aussi analysé les marqueurs cliniques permettant de mettre en évidence les troubles spécifiques du langage. Dans leur étude, 160 enfants SLI de 11 ans (M = 10;9 ans) ainsi que 100 enfants TD (M = 10;9 ans) ont été évalués sur 4 tâches en anglais : une tâche de complétion de phrases au passé, une tâche de complétion de phrases à la troisième personne du présent, une tâche de répétition de non-mots ainsi qu’une tâche de répétition de phrases. Les mesures de spécificité et de sensibilité ont permis de déterminer que les tâches de répétition de phrases et de non-mots sont celles qui discriminent le plus les enfants SLI des TD. Les auteurs concluent donc que ces tâches sont effectivement un marqueur sensible pour déceler un trouble du langage.

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1.2 L’autisme Définition

Comme le relèvent Gotham, Bishop et Lord (2011), la définition de l’autisme a beaucoup évolué depuis sa première description en 1943 par Kanner. A cette époque, l’autisme était uniquement caractérisé par un intérêt social limité ainsi qu’une communication altérée ou absente. Malgré les travaux de Kanner et d’Asperger (1944), les enfants présentant ce type de troubles étaient diagnostiqués comme présentant une schizophrénie infantile. Ce n’est qu’à partir des années 1970, grâce aux travaux de Rutter et Kolvin, que l’autisme est définitivement différencié de la schizophrénie infantile. En 1980, le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders III (DSM-III, American Psychological Association) inclut l’« autisme infantile » dans le diagnostic des Troubles Envahissants du Développement.

Après plusieurs révisions, la cinquième édition du DSM (2013) a rassemblé sous le terme de « Trouble du Spectre Autistique », ou « Autism Spectrum Disorder » (ASD) en anglais, un ensemble de troubles distingués auparavant (l’autisme, le syndrome d’Asperger, les troubles désintégratifs de l’enfance et le trouble envahissant du développement non spécifié).

Il existe alors cinq critères diagnostics cumulatifs. Le critère A stipule qu’il doit y avoir des

« déficits persistants de la communication sociale et des interactions sociales dans plusieurs contextes » tels que la réciprocité socio-affective, la communication non-verbale ou encore dans les relations sociales. Le critère B indique qu’il doit y avoir des « patrons de comportements, d'intérêts et d'activités restreints et répétitifs dans au moins deux de quatre domaines cités » (stéréotypies, routines, intérêts restreints, spécifiques et intenses, et hypo- ou hyperréactivité à un input sensoriel). Le critère C précise que « les symptômes doivent être présents dans la petite enfance (mais peuvent ne pas être complètement manifestes tant que la demande sociale n'excède pas les capacités limitées, ou peuvent être masqués par des stratégies de compensation apprises précocement) ». Le critère D exige que « les symptômes entraînent des altérations cliniquement significatives dans le domaine social, celui des occupations ou d'autres sphères importantes du fonctionnement dans la vie quotidienne ». Enfin, le critère E relève que « ces difficultés ne peuvent pas être mieux expliquées par la déficience intellectuelle ou un grave retard de développement. Comme il y a fréquemment une cooccurrence de l’autisme et d’une déficience intellectuelle, pour pouvoir effectuer un diagnostic de comorbidité, il faut que la communication sociale soit sous le niveau attendu compte tenu du niveau général de développement ».

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En 2009, Fombonne a effectué une méta-analyse de 43 études étudiant la prévalence de divers troubles, tels que l’autisme, le syndrome d’Asperger, les troubles désintégratifs de l’enfance ainsi que les troubles envahissants du développement non spécifiés. Selon cette analyse, la prévalence de tous ces troubles combinés, correspondant actuellement au terme ASD, est de 63.7 pour 10'000 enfants.

Hypothèses explicatives

Comme relevé dans le paragraphe précédent, les critères de diagnostic de l’autisme ont passablement évolué au cours des dernières années. Lors des premières définitions, dans les années 1940, l’origine de l’autisme était attribuée aux attitudes et comportements des parents dans leur relation avec l’enfant. Ces hypothèses ont maintenant été abandonnées et les recherches privilégient actuellement les causalités génétiques et neurobiologiques. En effet, les études sur des familles et des jumeaux ont permis d’identifier entre 3 et 12 gènes qui, agissant en synergie, sont susceptibles d’induire un ASD (Rutter, 2005). D’autres recherches s’intéressent également à l’origine neurobiologique de l’autisme. Courchesne et al. (2001) ont analysé le volume cérébral de 60 enfants autistes et 52 enfants TD âgés de 2 à 16 ans. Les résultats démontrent une régulation anormale de la croissance du cerveau des jeunes enfants ASD. L’origine des ASD semble donc être multifactorielle et les investigations se poursuivent pour déterminer l’étiologie exacte de ces troubles.

Difficultés langagières

Avant l’introduction du diagnostic « ASD », l’identification d’un retard langagier ou une absence totale de langage était requise pour poser un diagnostic d’autisme. Cette condition a été supprimée dans la nouvelle définition apportée par le DSM-V, car les capacités langagières sont en réalité très hétérogènes au sein des ASD (Grzadzinski, Huerta & Lord, 2013). Selon une étude de Lord, Risi, DiLavore, Shulman, Thurm et Pickles (2006), seuls 15%

des enfants autistes sont complètement non-verbaux, les autres présentant des capacités langagières très variables. Toutefois, tous les enfants ASD présentent des déficits dans l’utilisation pragmatique de la langue. En effet, la compréhension et l’interaction avec l’environnement social de ces personnes sont clairement affectées par leur trouble.

Baron-Cohen, Leslie et Frith (1985) ont analysé les compétences en théorie de l’esprit6 de 20

6 Aptitude à attribuer des états mentaux (croyances, émotions, intentions) à autrui.

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enfants autistes de 6;1 à 16;6 ans en comparaison avec 27 enfants TD (M = 4;5 ans). 80% des participants ASD7 ont échoué à la tâche nécessitant une compréhension des croyances d’autrui contre seulement 15% des TD. Les auteurs concluent que les enfants ASD ne sont donc pas conscients de la différence entre leurs propres connaissances et celle des autres.

Jusqu’à récemment, les recherches sur le langage dans l’autisme se sont principalement intéressées aux déficits pragmatiques. En effet, certains auteurs affirmaient que si les enfants autistes étaient appariés en âge mental aux enfants TD, ceux-ci ne différaient pas dans leurs compétences grammaticales (Tager-Flusberg et al., 1990). Cependant, les récentes études ont démontré que les déficits morphosyntaxiques peuvent être indépendants des compétences cognitives et que les enfants ASD ont des difficultés langagières avérées (Zebib, Tuller, Prévost & Morin, 2013).

Morphosyntaxe

Kjelgaard et Tager-Flusberg (2001) ont analysé les profils linguistiques de 89 enfants autistes anglophones de 4 à 14 ans. Les résultats aux différents tests standardisés de langage (évaluant les représentations et productions phonologiques, le lexique, les capacités sémantiques, et les compétences en grammaire) confirment qu’il existe plusieurs profils de langage chez les enfants ASD : ceux ayant des performances langagières dans la norme, ceux ayant des performances à la limite du score pathologique (se situant entre un et deux écarts-types inférieurs à la moyenne) et ceux ayant un déficit langagier (se situant à plus de deux écarts-types). Parmi les enfants ayant un déficit langagier, la modalité la plus atteinte est la morphosyntaxe. Park, Yelland, Taffe et Gray (2012) ont comparé 17 enfants ASD à 7 enfants avec un retard de développement global ainsi qu’à 19 enfants TD (âgés de 3;6 à 5;11 ans). Dans cette recherche, les auteurs démontrent que les ASD, à l’inverse des deux autres groupes de participants, présentent des déficits dans l’utilisation des flexions verbales dans une tâche d’élicitation portant sur des pseudo-mots en anglais8. Ce déficit avait également été retrouvé par Roberts, Rice et Tager-Flusberg (2004) dans une tâche comportant des verbes réguliers et irréguliers. Les enfants ASD anglophones (N = 62) âgés de 5 à 15 ans ont démontré un taux important d’omissions des terminaisons verbales. Les auteurs relèvent que ces difficultés sont

7 Les auteurs estiment que les 20% restant mériteraient des analyses approfondies. Ils émettent toutefois l’hypothèse que bien que ces enfants aient des déficits dans les relations sociales, ces difficultés présenteraient un pattern différent de celui des enfants autistes ayant échoué à la tâche.

8 L’enfant voit l’image d’un personnage qui fait une action et l’examinateur lui dit : « Cet homme aime pacher. Il pache tous les jours. Regarde aujourd’hui il pache et hier il … ». L’enfant doit alors compléter la phrase.

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similaires à celles d’enfants SLI d’âge équivalent. Toutefois, les ASD présentent aussi des erreurs atypiques, telles que des écholalies et des persévérations.

Le traitement de phrases impliquant un mouvement syntaxique est aussi altéré chez les ASD. Durrleman et al. (2015) ont analysé les compétences de 28 adolescents et adultes francophones ayant un ASD (M = 21;8 ans). Dans cette étude, la compréhension de phrases relatives objet (RO) a été comparée à celle de phrases relatives sujet (RS), grâce à une tâche d’appariement phrase-image. Les ASD ont démontré un déficit dans la compréhension globale des phrases relatives par rapport au groupe contrôle. De plus, les ASD présentent des performances significativement plus faibles pour les RO que pour les RS. Ceci peut s’expliquer par le fait que les RO ne suivent pas l’ordre canonique du français. Dans une tâche de répétition de phrases, Riches et al. (2010) avaient également découvert des performances plus faibles pour les RO chez les ASD (N = 16, M = 14;8 ans) comparativement aux TD (N = 17, M = 14;4 ans). Cela en est de même pour d’autres structures qui ne suivent pas l’ordre canonique, telles que les questions « qu- » ou les phrases comprenant des pronoms clitiques.

La production et la compréhension des questions « qu- » ont été évaluées par Prévost (2012) : les enfants ASD (N = 20, M = 8;7 ans) ont présenté des résultats déficitaires tant dans la tâche de compréhension que dans celle de production. Dans cette dernière, les ASD ont généralement produit des questions syntaxiquement plus simples (n’impliquant aucun9 ou un seul10 mouvement). En ce qui concerne les pronoms clitiques, Delage et Durrleman (2013) ont administré une tâche de jugement ainsi qu’une tâche de production de pronoms clitiques accusatifs en français à 17 enfants ASD (M = 9;6 ans). Les résultats de ce groupe clinique sont significativement plus faibles que ceux des enfants TD tant dans la tâche de jugement (N = 43, M = 9;0 ans) que dans celle de production (N = 51, M = 8;3 ans). En effet, les pronoms clitiques accusatifs sont syntaxiquement complexes et ne suivent pas l’ordre canonique. Enfin, Perovic, Modyanova et Wexler (2013) ont évalué les performances de 18 ASD anglophones (M = 11;6 ans) pour les pronoms réfléchis11 qui sont syntaxiquement plus complexes que les pronoms non-réfléchis12. Les auteurs ont pour cela utilisé une tâche de sélection d’image. Le pourcentage de réponses correctes des ASD est significativement plus faible que celui des TD appariés par rapport au niveau cognitif pour les pronoms réfléchis. De plus, les difficultés sont plus marquées pour ces derniers que pour les pronoms non-réfléchis. Ce pattern de difficulté

9 Exemple : « Tu pousses qui ? »

10 Exemple : « Qui tu pousses ? »

11 Exemple : « Bart’s dad is washing himself. »

12 Exemple : « Bart’s dad is washing him. »

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est inverse à celui retrouvé chez des TD plus jeunes. Cela semble indiquer que les ASD avec un trouble du langage présentent une déviance au niveau grammatical. En synthèse, l’ensemble de ces données indique donc que certains enfants ASD présentent des déficits en production et en compréhension des structures complexes de la langue, caractérisées notamment par la présence d’un mouvement syntaxique. Ces difficultés font écho à celles retrouvées chez les enfants SLI (Prévost, 2012).

Phonologie

Les compétences phonologiques des enfants ASD sont encore sujettes à de nombreuses controverses. Certains auteurs estiment que ces capacités sont préservées alors que d’autres trouvent des déficits phonologiques chez des enfants ASD. Par exemple, Kjelgaard et Tager-Flusberg (2001) ont évalué 79 enfants ASD âgés de 4 à 14 ans dans une tâche de production phonologique. Les résultats indiquaient que 100% des sujets présentaient des performances dans les normes. En revanche, en 2009, Rapin, Dunn, Allen, Stevens et Fein ont administré un test d’évaluation des performances phonologiques en expression à 62 enfants ASD d’âge scolaire (M = 8;6 ans). Les résultats révélaient alors que 24% des enfants ASD ont des déficits phonologiques sévères, les 76% restant se situant dans la norme.

En ce qui concerne la mémoire de travail phonologique, celle-ci semble être atteinte chez les enfants ASD ayant des difficultés langagières. Dans leur étude de 2001, Kjelgaard et Tager-Flusberg ont administré une tâche de répétition de non-mots ainsi que des tâches standardisées permettant de mesurer le niveau langagier global du participant. 40 enfants ASD (M = 6;9 ans) ont pu compléter la tâche de répétition de non-mots et les résultats révèlent des performances significativement plus faibles chez les ASD ayant des troubles du langage comparativement à ceux ayant des compétences langagières préservées. De plus, Roberts et al.

(2004) trouvent une corrélation significative entre les résultats à la tâche de répétition de non-mots et les performances dans l’utilisation des flexions verbales de 62 enfants ASD (M = 9 ans). Certains ASD présentent donc des déficits dans la mémoire de travail phonologique. Ces conclusions rappellent là encore celles relevées pour les enfants SLI (cf.

section 1.1.3.2.).

Jusqu’à présent, nous avons donc décrit les différents profils linguistiques des enfants ASD et SLI. Nous retrouvons, entre autres, des déficits dans le traitement des structures morphosyntaxiques complexes chez nos deux populations cibles. Dans ce qui suit, nous allons

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développer les propriétés syntaxiques des phrases passives afin de pouvoir, par la suite, comparer les performances des enfants ASD et SLI sur ce type de structures complexes.

1.3 Les phrases passives Définition et propriétés

Dans une langue, les phrases peuvent être à la voix active ou à la voix passive. Dans un énoncé à la voix active, la plus couramment utilisée, le sujet de la phrase est celui qui fait l’action et il se situe en position préverbale. On le nomme alors « agent ». L’objet, lui, se situe juste après le verbe et il subit l’action. Celui-ci est nommé « patient » (ou « thème »). C’est ce qu’on appelle l’ordre canonique (sujet-verbe-objet). Dans une phrase à la voix passive, en revanche, les éléments sont déplacés. En effet, le sujet de la phrase n’est plus celui qui fait l’action, mais celui qui la subit. C’est le patient du verbe. L’agent se situe après le verbe et il est introduit par la préposition « par ». L’ordre canonique n’est donc plus respecté. Un exemple est donné en [3].

[3] Passage de la voix active à la voix passive a) Voix active :

[AGENT La maman] [VERBE coiffe] [PATIENT la mamie].

b) Voix passive :

[PATIENT La mamie] [VERBE est coiffée] par [AGENT la maman].

Il existe deux types de phrases passives : les longues et les courtes. Un exemple de phrase passive longue est illustré ci-dessus (3b). Elle comporte un patient et un agent introduit par la préposition « par ». Certaines phrases passives contiennent uniquement un patient et un verbe, c’est ce qu’on appelle les phrases passives courtes, par exemple : « Le petit garçon est porté. ».

Données dans le développement typique

Les recherches menées dans plusieurs langues indiquent que les enfants comprennent les phrases passives plus tardivement que les phrases actives (Armon-Lotem et al., 2015).

Maratsos, Fox, Becker et Chalkley (1985) ont évalué 80 enfants TD âgés de 4 à 11 ans.

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L’objectif de leur étude était de déterminer l’âge à partir duquel les enfants comprennent les phrases passives, tout en considérant l’impact de la nature des différents verbes utilisés. Pour cela, ils ont utilisé une tâche de désignation d’image, incluant 6 phrases passives contenant des verbes actionnels (tels que laver, embrasser, pousser) et 6 comportant des verbes mentaux ou

« psychologiques » (tels que détester, aimer, voir). Les résultats de cette recherche indiquent que 85% des enfants de 4 ans comprennent les phrases passives ayant un verbe actionnel, alors que seul 34% des enfants de cet âge comprennent les phrases passives psychologiques. En effet, les enfants ont tendance à traiter ces énoncés dans leur forme active13. Cette difficulté persiste dans le développement et ce n’est qu’à partir de 9 ans que les compétences de compréhension des phrases passives mentales se stabilisent.

Plusieurs théories ont alors émergé afin d’expliquer ces difficultés de compréhension des phrases passives et principalement celles contenant un verbe « psychologique ». En 1987, Borer et Wexler (cités par Heshmati, 2013) ont émis l’hypothèse selon laquelle les difficultés d’interprétation des phrases passives proviennent d’un déficit dans la création de la chaîne d’argument (« The A-Chain Deficit Hypothesis »). En effet, le verbe fournit les rôles thématiques (par exemple, agent ou patient) aux éléments qui l’entourent. Dans une phrase passive, le patient se situe en position préverbale (voir illustration [3]). Les enfants n’arriveraient pas à construire les liens entre la position de cet élément (qui est à la place de l’agent habituellement) et son rôle thématique, ils interprètent alors le patient comme un agent du verbe (phrase active). Cette capacité à créer les liens entre les arguments est soumise à la maturation biologique et ne se développerait qu’aux alentours de 5 ans. Selon ces auteurs, les phrases passives courtes, en revanche, ne sont pas forcément soumises à la création de la chaîne d’argument. Effectivement, en anglais, le participe passé du verbe peut être interprété comme un adjectif, ce qui facilite sa compréhension. Cela expliquerait également pourquoi les phrases passives psychologiques seraient moins bien réussies, car ces dernières ne peuvent pas être imaginables et interprétées comme des phrases adjectivales (voir exemple [4]).

[4] Exemple de l’interprétation adjectivale

a) Phrase passive courte, actionnelle : « La fille est maquillée. » Le verbe « maquillée » peut être ici interprété comme un adjectif qui décrit l’état (statique) de la fille.

13 Par exemple, pour la phrase « Donald est aimé par Batman. » les enfants pointaient majoritairement l’image

« Donald aime Batman. ».

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b) Phrase passive courte, psychologique : « La fille est adorée. » Ici, le verbe

« adorée » ne peut pas être interprété comme un adjectif qui décrirait un état statique imaginable.

Fox et Grodzinsky (1998) rejettent cependant cette hypothèse. Selon eux, les enfants de 4 à 5 ans comprennent la construction morphosyntaxique des phrases passives, à l’exception des passives psychologiques qui contiennent la préposition « par ». De fait, la stratégie adoptée par les enfants est d’appliquer le rôle d’agent à l’élément qui se trouve après le « par ». Avec un verbe actionnel, cette stratégie est correcte, c’est pourquoi la compréhension est facilitée.

En revanche, lors d’une phrase passive psychologique, la transmission du rôle thématique est erronée. L’élément qui suit le verbe est en effet un expérimentateur et non l’agent du verbe.

Fox et Grodzinsky (1998) émettent donc l’hypothèse qu’il existe un déficit dans la transmission du rôle thématique. Toutefois, une étude menée sur des enfants grecs (N = 40) de 3;6 à 6;6 ans réfute cette supposition (Driva et Terzi, 2007). Les résultats indiquent que les enfants ont démontré de bonnes performances malgré la présence de phrases passives psychologiques contenant la préposition « par ». En résumé, les enfants TD présentent un délai dans l’acquisition des phrases passives par rapport aux phrases actives. Toutefois les passives courtes sont plus rapidement acquises que les longues étant donné l’interprétation adjectivale possible, sauf pour celles contenant un verbe psychologique. Ces difficultés semblent provenir d’un déficit dans la création de la chaîne d’arguments.

Difficultés pour les SLI

Différentes études soulignent les difficultés de traitement des phrases passives chez les enfants SLI. Dans sa présentation de 2009, Armon-Lotem résume les différents résultats constatés jusqu’à présent : les SLI ont tendance à interpréter les phrases passives réversibles comme des phrases actives et ils ont de meilleures performances pour les passives courtes que pour les passives longues. Armon-Lotem (2009) présente notamment les résultats d’une étude de Rice, Wexler et Francois (2001). Ces derniers ont analysé les compétences en compréhension de phrases passives longues d’enfants SLI âgés de 5 ans (N = 17) et de 10 ans (N = 19). Les participants les plus âgés ont démontré des performances équivalentes aux TD de leur âge, alors que ceux de 5 ans ont un pourcentage de réponses correctes significativement inférieur à celui des TD de même âge. Selon Armon-Lotem, les SLI de 5 ans n’auraient donc pas acquis les connaissances nécessaires pour comprendre les mouvements syntaxiques

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inhérents aux structures passives (hypothèse de la chaîne d’argument). Van der Lely (1996) a également évalué les compétences de 15 enfants SLI âgés de 9;3 à 12;10 ans en comparaison à celles d’enfants TD de 5;5 à 8;9 ans. Dans cette étude, six verbes actionnels ont été utilisés dans différents types de phrases : phrases actives, phrases passives longues, phrases passives progressives (le verbe étant au présent continu) et phrases passives courtes (permettant une interprétation adjectivale). Les enfants devaient pointer l’image correspondant à la phrase entendue (parmi quatre). En ce qui concerne les phrases actives, les SLI ont démontré des performances similaires aux TD. Pour les passives longues et les passives progressives, en revanche, les enfants SLI ont présenté un pourcentage de réponses correctes significativement plus faible que tous les enfants TD. Cela démontre que les performances dépendent effectivement de la structure syntaxique des phrases, les plus complexes étant moins bien réussies. Lors de la présentation des phrases passives courtes, les enfants SLI ont préférentiellement choisi l’image qui représentait une interprétation adjectivale de la phrase, c’est-à-dire que seul l’agent était dessiné dans une position statique (73%). Cela signifie que cette population a tendance à analyser le verbe comme étant un adjectif, ce qui rend la phrase syntaxiquement moins complexe. Les TD ont, eux aussi, produit une majorité de réponses adjectivales (51 à 62%), toutefois ce taux, moins élevés que celui des SLI, démontre que les contrôles ont été sensibles à l’ambiguïté des phrases passives courtes. De plus, selon les résultats de cette recherche, les enfants SLI peuvent également interpréter les verbes des phrases passives longues comme étant des adjectifs, alors que cela est erroné. Ces données soutiennent l’hypothèse de Borer et Wexler (1987) concernant la nécessité de développer les compétences à créer des liens entre les arguments d’une phrase pour pouvoir interpréter une phrase passive longue. Selon Van der Lely, les enfants SLI ne possèdent pas cette compétence, c’est pourquoi ils répondraient de façon erronée aux phrases passives longues. Enfin, Marinis et Saddy (2013) ont évalué la compréhension de phrases actives et passives de 23 enfants SLI (M = 7;0 ans) et 28 enfants TD (M = 7;4 ans). Les SLI ont présenté des performances significativement inférieures à celles des TD tant pour les phrases passives que pour les phrases actives. Les faiblesses grammaticales des enfants SLI semblent également affecter la compréhension des structures plus simples, cependant ces difficultés sont moins prononcées que pour les structures complexes. En synthèse, les recherches antérieures indiquent donc toutes que les enfants SLI présentent des difficultés avérées dans le traitement des phrases passives.

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Difficultés pour les ASD

Il existe actuellement très peu de recherches qui se sont intéressées à la compréhension des phrases passives chez les enfants ASD. Toutefois, les quelques études existantes soulignent les difficultés présentées par cette population avec ce type de structure. Une étude non publiée de Perovic, Modyanova, Hanson, Nelson & Wexler (2007) a évalué les performances d’enfants autistes anglophones (N = 11, M = 11 ans) sur une tâche de désignation d’images. Les items étaient constitués de phrases actives et de phrases passives longues et courtes. Deux types de verbes ont été sélectionnés : des verbes actionnels et des verbes psychologiques. Les ASD ont démontré des résultats significativement inférieurs à ceux des TD qu’ils soient appariés sur leurs performances verbales (M = 6 ans) ou non-verbales (M = 5 ans), et cela, pour tous les types de passives ainsi que tous les types de verbes. Les ASD ont donc, selon Perovic et ses collaborateurs, des déficits spécifiques en grammaire. Terzi, Marinis, Kotsopoulou et Francis (2014) se sont intéressés aux performances grammaticales d’enfants ASD grecs de haut niveau (QI non-verbal supérieur à 80) afin de déterminer si les déficits grammaticaux retrouvés par Perovic et al. (2007) sont bien spécifiques à l’autisme et non dus à un retard intellectuel existant chez certains ASD. Cette étude incluait 20 enfants ASD âgés de 5 à 8 ans (M = 6;8 ans) et 20 enfants TD appariés en âge chronologique, évalués sur leur performances morphosyntaxiques grâce à une tâche de désignation d’image. Cette tâche évaluait, entre autre, l’interprétation de phrases passives courtes. Les résultats de cette recherche indiquent que les ASD se situent au même niveau que les enfants TD dans l’interprétation des phrases passives courtes. Le déficit révélé par Perovic et ses collaborateurs (2007) n’a donc pas été retrouvé dans cette étude. Afin de poursuivre cette recherche, Heshmati (2013) s’est intéressée à la compréhension de phrases passives en langue perse chez des ASD de haut niveau (HN) (N = 5, M = 8;6 ans) et de bas niveau (BN) (N = 5, M = 9;1 ans). 10 TD âgés de 5 à 6 ans (M = 6;2 ans) ont également été inclus dans cette étude. Pour évaluer leurs compétences, Heshmati a adapté une tâche de désignation d’image provenant du programme COST Action 33. Celle-ci contient des phrases passives longues et courtes ainsi que des phrases actives (seuls des verbes actionnels ont été utilisés). En ce qui concerne les ASD HN, ceux-ci ont présenté de très bonnes performances pour les phrases passives courtes et longues (avec des scores similaires à ceux des TD). En revanche, les ASD BN ont démontré des performances significativement plus faibles que les deux autres groupes pour les phrases passives longues et courtes, ces dernières étant d’autant plus faibles. Les ASD de bas niveau présentent donc des déficits dans la compréhension de phrases passives (tel que cela avait été proposé par Perovic et al., 2007 pour tous les ASD)

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alors que les ASD de haut niveau se comportent comme les enfants TD de 6 ans. Toutefois, d’autres recherches sont nécessaires afin d’approfondir ces conclusions.

1.4 Comparaison des SLI et ASD

Les critères de diagnostic des SLI et ASD sont mutuellement exclusifs. Toutefois, cela ne semble pas refléter la réalité clinique. En effet, comme nous l’avons détaillé jusqu’ici, plusieurs auteurs se sont intéressés aux profils linguistiques d’enfants ASD et SLI et ont relevé de nombreuses similarités. Tout d’abord, les enfants SLI présentent des difficultés à acquérir les structures morphosyntaxiques complexes de la langue (Parisse et Maillart, 2004) tout comme cela est le cas pour certains enfants ASD (Kjelgaard et Tager-Flusberg, 2001).

Différentes études ont ainsi souligné des déficits dans l’utilisation des flexions verbales chez les enfants SLI anglophones (Rice et al., 1998) ainsi que chez un groupe d’enfants ASD de même langue (Roberts et al., 2004). Roberts et ses collaborateurs relèvent toutefois des différences dans les erreurs produites par ces deux populations. Toutes deux ont tendance à omettre les terminaisons, cependant les ASD présentent en plus des écholalies et des persévérations. La compréhension des phrases passives est également déficitaire chez les jeunes SLI (Van der Lely, 1996) et chez un sous-groupe d’enfants ASD (Perovic et al., 2007).

Enfin, la production des pronoms clitiques accusatifs, marqueur clinique de déficits langagiers, est déficitaire pour les SLI (Jakubowicz et al. 1998 ; Tuller et al., 2011a) tout comme pour certains ASD (Delage & Durrleman, 2013). Afin de comparer ces deux populations en français, Tuller, Prévost, Morin et Zebib (2011b) ont comparé les performances de 20 ASD (M = 8;7 ans) avec celles de 20 SLI (M = 8;7 ans) grâce à des tâches standardisées de langage. Les ASD et SLI ont tous deux démontré des performances déficitaires en morphosyntaxe et en phonologie. Les performances dans cette dernière modalité étaient par ailleurs corrélées avec les scores de morphosyntaxe pour les deux populations. Les profils syntaxiques des ASD et SLI semblaient donc similaires. En ce qui concerne la mémoire de travail phonologique, la répétition de non-mots a été identifiée comme étant déficitaire chez un groupe d’enfants ASD (Kjelgaard et Tager-Flusberg, 2001). Des déficits en mémoire de travail sont d’ailleurs un marqueur clinique des troubles SLI (Conti-Ramsden et al., 2001).

Les profils langagiers des enfants SLI et de certains enfants ASD étant similaires, les critères de diagnostic existants posent alors question. En effet, la CIM-10 (1996) stipule qu’un ASD (anciennement « trouble envahissant du développement ») est à exclure pour pouvoir

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poser le diagnostic de SLI. Cette classification considère alors que ces troubles sont totalement distincts. Cette position est illustrée en Figure 1.

Cette hypothèse peut cependant être rejetée, car comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, certains enfants ASD présentent des difficultés morphosyntaxiques identiques à celles des SLI ainsi qu’une faible mémoire de travail phonologique (= critère diagnostique des SLI). En 2003, Bishop suggérait l’existence d’un continuum entre les SLI et les ASD. En effet, comme il a été décrit précédemment, ces deux populations démontrent des difficultés langagières similaires, toutefois les ASD présentent des difficultés additionnelles, telles que des déficits d’ordre pragmatique. L’auteure proposait alors de considérer les enfants autistes comme des « SLI + » c’est-à-dire qu’ils auraient un SLI couplé à des difficultés supplémentaires spécifiques à l’autisme. Toutefois, comme l’indique l’étude de Kjelgaard et Tager-Flusberg (2001), il existe également des enfants ASD qui ne présentent aucun déficit dans les domaines de la morphosyntaxe et de la phonologie. De plus, Osman, Shohdi et Aziz (2011) ont retrouvé des difficultés pragmatiques chez un groupe d’enfants SLI âgés de 4 à 6 ans. Ces difficultés ne s’avèrent donc plus spécifiques à l’autisme et l’idée de considérer les ASD comme des « SLI + » n’est plus valable. L’hypothèse du continuum semble donc invalide.

Enfin, Bishop (2010) a réalisé une étude pour évaluer les facteurs de risques communs aux deux pathologies. Les résultats de sa recherche indiquent que les SLI et les ASD possèdent chacun leurs propres facteurs génétiques et facteurs de risques. Toutefois, il existe également des facteurs de risque communs aux deux pathologies. Cette auteure propose alors l’existence d’un chevauchement entre les deux troubles : certains enfants ASD auraient donc, en plus de leur symptomatologie autistique, un SLI surajouté. Cette hypothèse est illustrée en Figure 2.

SLI ASD

A

Figure 1. Illustration des deux troubles distincts.

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Les données de la littérature actuelle semblent converger dans le sens de cette dernière hypothèse : certains ASD présenteraient des difficultés en langage formel comparables à celles des enfants SLI.

1.5 Problématique et hypothèses théoriques

Comme discuté dans les points précédents, différentes recherches ont mis en évidence des difficultés morphosyntaxiques chez certains enfants ASD et celles-ci sont similaires aux déficits retrouvés chez les enfants SLI (Kjelgaard et Tager-Flusberg, 2001 ; Roberts et al., 2004). Ainsi les structures morphosyntaxiques complexes, telles que les phrases relatives (SLI : Riches et al., 2010 ; ASD : Durrleman et al., 2015), les questions « qu- » (SLI : Jakubowicz, 2011 ; ASD : Prévost, 2012) et les pronoms clitiques (SLI : Tuller et al., 2011 ; ASD : Perovic et al., 2013) posent des difficultés aux enfants SLI ainsi qu’à certains ASD.

L’hypothèse d’un chevauchement entre ces deux troubles nous semble alors évidente c’est pourquoi nous émettons l’hypothèse principale « HA » selon laquelle un sous-groupe d’enfants ASD présente des difficultés grammaticales sur des structures complexes, et que celles-ci sont similaires à celles rencontrées par les enfants SLI. De fait, ce sous-groupe d’enfants ASD devra présenter des performances inférieures à celles des TD (« HA1 ») alors que ces dernières ne seront pas différentes des SLI tant au niveau quantitatif que qualitatif14 (« HA2 »). Enfin, le sous-groupe d’enfants ASD ne présentant pas de difficultés grammaticales aura des

14 C’est-à-dire que les difficultés seront présentes pour les mêmes items.

SLI ASD

A

Figure 2. Illustration de l’hypothèse de chevauchement.

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performances équivalentes à celles des TD dans les tâches langagières (« HA3 ») et ces performances seront supérieures à celles des SLI (« HA4 »).

Par ailleurs, les phrases passives possèdent une structure morphosyntaxique complexe et leur compréhension a été évaluée comme étant déficitaire chez les SLI (Van der Lely, 1996) et également chez certains ASD (Heshmati, 2013). Nous émettons alors l’hypothèse selon laquelle les enfants ASD ayant des difficultés grammaticales présenteront des performances d’autant plus déficitaires sur les items les plus complexes de la tâches des passives (« HB »).

En effet, les enfants SLI démontrent des difficultés dans la compréhension de phrases passives alors que les phrases actives sont acquises (Van der Lely, 1996). Les actives devraient alors être mieux comprises que les phrases passives par les enfants ASD présentant des difficultés grammaticales (« HB1 »). En ce qui concerne les passives courtes et les passives longues, la compréhension de ces dernières a également été soulignée comme étant déficitaire chez les enfants SLI. C’est pourquoi, nous pensons qu’un profil similaire sera retrouvé chez les enfants ASD ayant des difficultés langagières (« HB2 »). Enfin, les enfants SLI ont démontré qu’ils interprétaient préférentiellement les phrases passives comme étant des phrases adjectivales afin de diminuer leur complexité syntaxique (Van der Lely, 1996). Les enfants ASD ayant des difficultés grammaticales devraient adopter une stratégie similaire ; c’est la raison pour laquelle nous prédisons que les verbes psychologiques (ne permettant pas une interprétation adjectivale) seront plus échoués que les verbes non psychologiques dans cette population (« HB3 »).

Pour finir, l’un des critères pour poser un diagnostic de SLI requiert l’absence d’une corrélation entre les difficultés langagières des enfants et leur QI non-verbal. Afin d’admettre que les troubles langagiers sont effectivement similaires entre les SLI et les ASD, nous prévoyons que les difficultés langagières de ces derniers n’auront pas de lien avec leur performances non-verbales (« HC »).

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