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Le traitement de l'ironie chez des enfants de 6 et 7 ans. Le cas du connecteur pragmatique causal "puisque"

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Le traitement de l'ironie chez des enfants de 6 et 7 ans. Le cas du connecteur pragmatique causal "puisque"

ZUFFEREY, Anaïs

Abstract

Cette recherche expérimentale, de nature exploratoire, porte sur le traitement de l'ironie par des enfants de 6 et 7 ans. Deux grandes composantes de ce traitement sont étudiées dans ce travail. La première est d'ordre linguistique. Elle s'attache au traitement du connecteur pragmatique causal puisque, quand celui-ci est intégré dans un contexte ironique. Ce connecteur est particulièrement intéressant d'un point de vue linguistique, en raison des caractéristiques qu'il partage avec l'ironie. La seconde composante est relative à la théorie de l'esprit, dont les facultés sont nécessaires pour traiter et inférer les intentions d'autrui. Deux questions empiriques font l'objet de ce travail. La première est de savoir si la présence du connecteur puisque facilite la compréhension d'un énoncé ironique, comparativement au connecteur parce que et à l'absence de connecteur. La deuxième interroge l'existence d'une corrélation positive entre les compétences avancées en théorie de l'esprit et le traitement de l'ironie. Pour répondre à ces questions, deux tests ont été soumis à des enfants de 6 et 7 ans.

[...]

ZUFFEREY, Anaïs. Le traitement de l'ironie chez des enfants de 6 et 7 ans. Le cas du connecteur pragmatique causal "puisque". Master : Univ. Genève, 2008

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:1421

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Anaïs Zufferey

Le traitement de l’ironie chez des enfants de 6 et 7 ans. Le cas du connecteur pragmatique causal puisque.

Mémoire de Master en logopédie

UNIVERSITEDE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’EDUCATION SECTION DE PSYCHOLOGIE

Directrice de recherche : Mme Julie Franck

Jurés : Mme Julie Franck, Mme Viviane Monney & M. Frauenfelder Collaboratrice de recherche : Mme Sandrine Zufferey

Août 2008

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SOMMAIRE

Résumé………...………... p. 3

1. Introduction………. p. 4

1.1 Définition de l’ironie………. p. 5 1.2 Le traitement de l’ironie………..…………. p. 6 1.2.1 Les facteurs influençant le traitement linguistique………. p. 7 1.2.2 Les facteurs influençant la théorie de l’esprit……… p. 8 1.3 Le développement de l’ironie………..……….…. p. 11 1.4 Le connecteur pragmatique « puisque »……….. p. 12 1.5 Objectifs de la recherche……….. p. 14

2. Méthode………...p. 15

2.1 Participants………...……… p. 15 2.2 Matériel………. p. 15 2.3 Procédure………...………... p. 21 2.4 Critères de codage des réponses………...……… p. 23

3. Résultats...p. 25

3.1 Effet de la variable linguistique au sein de chaque groupe d’âge...…. p. 27 3.2 Effet de l’âge : comparaison des groupes d’âge pour chaque condition…….. p. 29 3.3 Corrélation entre performances aux tests...……….. p. 29

4. Discussion……….….. p. 31

4.1 Principaux résultats………...………… p. 31 4.2 Analyse critique…...……….. p. 39

5. Conclusion………...p. 43 Bibliographie………... p. 45 Remerciements………....p. 49

Annexes………... p. 50

Annexe I : Protocole complet……….………..……..…..p. 51 Annexe II : Tableau des scores par question………... p. 56

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Résumé

Cette recherche expérimentale, de nature exploratoire, porte sur le traitement de l’ironie par des enfants de 6 et 7 ans. Deux grandes composantes de ce traitement sont étudiées dans ce travail. La première est d’ordre linguistique. Elle s’attache au traitement du connecteur pragmatique causal puisque, quand celui-ci est intégré dans un contexte ironique. Ce connecteur est particulièrement intéressant d’un point de vue linguistique, en raison des caractéristiques qu’il partage avec l’ironie. La seconde composante est relative à la théorie de l’esprit, dont les facultés sont nécessaires pour traiter et inférer les intentions d’autrui.

Deux questions empiriques font l’objet de ce travail. La première est de savoir si la présence du connecteur puisque facilite la compréhension d’un énoncé ironique, comparativement au connecteur parce que et à l’absence de connecteur. La deuxième interroge l’existence d’une corrélation positive entre les compétences avancées en théorie de l’esprit et le traitement de l’ironie. Pour répondre à ces questions, deux tests ont été soumis à des enfants de 6 et 7 ans. Le premier porte sur le rôle des connecteurs (puisque et parce que) dans le traitement de la valence ironique. Il comporte trois conditions expérimentales (énoncés ironiques sans connecteur, avec puisque, avec parce que). Le second test évalue le niveau de compétences en théorie de l’esprit (croyances de premier et de second ordre). Ces deux tests sont réalisés sur la base d’histoires à écouter et à regarder. Les enfants répondent ensuite oralement à une série de questions visant à déterminer leur niveau de traitement de l’ironie et leur niveau de compétences en théorie de l’esprit.

Les principaux résultats montrent que les réponses données dans seulement deux conditions diffèrent significativement du hasard. Il s’agit de la condition parce que chez les enfants de 6 ans et de la condition sans connecteur chez les enfants de 7 ans. Dans le premier cas, les enfants de 6 ans se trompent systématiquement dans le traitement de l’énoncé ironique avec parce que. Ils ne saisissent pas l’ironie. Dans le deuxième cas, les enfants de 7 ans obtiennent significativement de bonnes performances pour traiter l’ironie en l’absence de connecteur. Concernant les questions qui font l’objet de ce travail, l’effet facilitateur supposé par la présence du connecteur puisque sur le traitement d’un énoncé ironique n’a pas été observé. Dans cette étude, les enfants de 6 ans ne comprennent simplement pas l’ironie, qu’elle soit présentée avec ou sans connecteur. Quant aux enfants de 7 ans, ils l’identifient uniquement en l’absence de connecteur. De plus, à cet âge, aucune différence n’est constatée entre la présence du connecteur puisque ou parce que dans le traitement de l’ironie. Les spécificités linguistiques de puisque en lien à l’ironie ne sont donc pas constatées. En revanche, ce travail a permis de mettre en évidence un lien entre les compétences avancées en théorie de l’esprit (croyance de second ordre) et la compréhension de l’ironie. En effet, la présence de corrélations entre ces deux compétences est relevée chez les enfants de 7 ans. A 6 ans, aucune corrélation n’est présente entre le test de théorie de l’esprit et les différentes conditions du test du le traitement des connecteurs en contexte ironique, car, ni la compréhension de l’ironie, ni les compétences avancées en théorie de l’esprit ne sont acquises.

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1. Introduction

Contrairement à certains apprentissages, l’acquisition du langage ne repose pas sur une transmission explicite de savoirs. L’enfant développe le langage de façon naturelle, grâce à une exposition régulière à des conduites conversationnelles adaptées et à la mise en œuvre de divers mécanismes cognitifs. Plus il grandit, plus les moyens linguistiques et cognitifs qu’il acquiert lui offrent des outils perfectionnés, lui permettant d’aborder le langage dans sa dimension pragmatique. L’enfant devient ainsi capable de traiter les énoncés au-delà de leurs formes littérales et de tenir compte plus particulièrement de leurs significations d’un point de vue des situations de communication. Avec l’âge, l’enfant devient donc pleinement capable de saisir les « subtilités » langagières et le sens qu’elles traduisent sur un plan communicationnel. Le fait que les enfants soient confrontés dès leur plus jeune âge à des figures langagières dont le sens n’est pas transparent explique en partie le développement des compétences pragmatiques. Le style ironique est un exemple de figure qui peut fréquemment être rencontré par des enfants de tous âges. En effet, l’ironie se retrouve dans le discours d’un bon nombre d’adultes, qu’ils soient parents ou enseignants, ou encore dans les dessins animés.

Une recherche antérieure à laquelle j’ai participé dans le cadre de mon travail de licence en psychologie (Monbaron et Berthoud, 2005 ; Ardin, Gisin & Zufferey, 2006), s’intéressait à la capacité de reformulation d’énoncés ironiques chez des enfants de 4 à 8 ans, en situation de communication. Afin d’obtenir davantage d’informations concernant plus directement la compréhension de l’ironie chez les enfants, nous avons à nouveau décidé de me pencher sur cette faculté dans le présent travail, en voulant cette fois vérifier si le traitement d’énoncés ironiques pouvait être facilité par certaines informations linguistiques. Les informations linguistiques que véhicule le connecteur pragmatique causal puisque dans certains contextes langagiers ont été utilisées pour examiner ce point. Ce connecteur se révèle en effet très intéressant pour différentes raisons. D’une part, il possède des caractéristiques linguistiques communes avec l’ironie qui lui confèrent, dans certains cas, un sens ironique (voir 1.4 Le connecteur pragmatique puisque). L’utilisation de puisque est donc particulièrement appropriée pour être associée à des propos ironiques. D’autre part, l’aspect ironique de ce connecteur n’a encore jamais été abordé en psycholinguistique, à notre connaissance.

Une expérience mesurant le traitement du connecteur pragmatique puisque en contexte ironique a donc été construite. Elle vise à acquérir à la fois des informations sur la

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compréhension de l’ironie et des informations sur l’interprétation des spécificités linguistiques du connecteur pragmatique causal puisque. L’expérience comprend également un test qui permet d’obtenir des données sur le niveau de compétences en théorie de l’esprit des participants. Nous pensons en effet qu’un certain niveau de ces compétences est requis dans le traitement de l’ironie et dans le traitement du connecteur puisque, étant donné le degré de métareprésentation qu’impliquent ces traitements. Je précise que cette étude exploratoire et transversale découle d’un important travail théorique et empirique, plus largement mené dans le domaine de la linguistique (Zufferey, 2007).

1.1 Définition de l’ironie

L’ironie est définie comme une « raillerie consistant à ne pas donner aux mots leur valeur réelle ou complète, ou à faire entendre le contraire de ce qu’on dit » (Larousse, 2001). Cette définition met en évidence l’aspect de non transparence propre à l’ironie, son caractère non littéral et ambigu. D’un point de vue conversationnel, cet aspect peut entraver les principes qui sous-tendent une communication efficace. Si l’on se réfère aux maximes de Grice (1975), l’ironie transgresse la maxime de manière, laquelle s’attache à la structure formelle de l’énoncé. Cependant, Bernicot (2001) souligne à ce propos qu’il arrive parfois que la signification d’un énoncé ne corresponde pas toujours à ce qui pourrait être déduit de sa forme. Toujours selon cet auteur, dès qu’il existe un décalage entre forme et sens, des capacités pragmatiques doivent être mises en œuvre afin de saisir le sens véritable d’un énoncé (Bernicot, 2000). Reconsidérant les maximes de Grice (1975), la théorie pragmatique actuelle met l’accent sur un seul principe : la pertinence (Sperber & Wilson, 1989). Selon cette théorie, l’analyse pragmatique d’un énoncé serait en partie guidée par des processus cognitifs qui présupposent des stratégies d’interprétation rationnelles des échanges conversationnels (Reboul & Moeschler, 1998). Sperber et Wilson (1986) confirment cette idée en avançant que le but de tout système cognitif est de construire une représentation du monde qui soit la plus exacte possible.

L’analyse théorique de l’ironie avancée par Sperber et Wilson (1978 ; 1986) semble particulièrement intéressante pour ce travail. Ces auteurs proposent que l’ironie soit analysée par les interlocuteurs comme un usage échoïque du langage, tacitement dissociatif. En d’autres termes, selon eux, un énoncé ironique fait écho à des propos mentionnés antérieurement, ne venant pas directement du locuteur lui-même. Ce dernier ne chercherait

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qu’impliquent ces contenus, en vue d’exprimer une attitude hostile à leur égard (Winner &

Leekman, 1991). En effet, comme il a été défini précédemment, l’effet généré par un énoncé ironique est de l’ordre de la raillerie. Il y a bien, comme l’évoquent Sperber et Wilson (op.

cit.), une dissociation entre les propos et les pensées du locuteur, puisque ce dernier utilise des contenus auxquels il n’adhère pas en réalité. A travers l’écho que supposent des propos ironiques, l’interlocuteur est censé comprendre que l’attitude qui se dégage de l’énoncé est plus informative que les propos même de l’énoncé. Il doit pour ce faire mettre en œuvre des compétences pragmatiques qui lui permettent de reconnaître à la fois le caractère échoïque de l’énoncé (sa forme) et l’attitude qui s’en libère (ou sa fonction). La prise en compte simulatnée des paramètres de forme et de fonction est donc déterminante pour saisir l’ironie.

Ces paramètres peuvent par ailleurs être mis en relation avec deux processus extralinguistiques décrits par Ackerman (1983, 1986) concernant la compréhension de l’ironie : la détection et l’inférence. Dans l’analyse de l’ironie, il s’agit en effet de pouvoir détecter le caractère non littéral des propos du locuteur (leur forme), en reliant la forme de l’énoncé à son sens véritable. Cette détection est fortement facilitée par la reconnaissance de l’écho que génèrent des propos ironiques. Une fois le caractère non littéral de l’énoncé détecté, l’interlocuteur est amené à inférer le véritable message que souhaite transmettre le locuteur via son attitude (sa fonction). En d’autres termes, l’interlocuteur est amené à inférer l’intention du locuteur. Selon Ackerman (1983, 1986), toute l’interprétation de l’ironie découle de ce double traitement.

1.2 Le traitement de l’ironie

Le traitement de l’ironie relève d’un traitement général, qui est celui du langage non littéral. L’ironie peut effectivement être envisagée sous deux angles langagiers. Elle comprend à la fois un sens littéral et un sens non littéral ou figuré. Pour accéder au sens figuré d’un énoncé ironique, c'est-à-dire son sens réel, l’enfant (ou l’adulte) peut se baser sur deux types de processus. Le premier, d’ordre linguistique, repose sur des facteurs tels que le contexte, l’intonation, la familiarité avec certains types de tournures langagières ou encore la présence d’occurrences sémantiques comme les connecteurs. Le second type de processus relève de la théorie de l’esprit. Il est donc d’ordre cognitif. Concernant le traitement de l’ironie, la mise en œuvre de mécanismes en théorie de l’esprit reposerait sur des facteurs comme la détection d’attitudes et l’inférence d’intentions.

Dans son analyse de l’ironie, l’enfant peut utiliser à choix l’un ou l’autre de ces processus, ou les combiner. Cette dernière possibilité est certainement la plus probable, car, comme nous

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le verrons, ces deux types de processus sont en partie interdépendants (tout comme le sont de manière plus générale le langage et la théorie de l’esprit).

1.2.1 Les facteurs influençant le traitement linguistique

Nous avons énuméré plus haut un certain nombre de facteurs linguistiques pouvant influencer la compréhension de l’ironie (contexte, intonation, familiarité avec certains types de tournures langagières, présence d’occurrences sémantiques comme les connecteurs).

L’influence de chacun de ces facteurs sera brièvement exposée dans ce sous-chapitre, en référence à des données de littérature s’intéressant à la compréhension du langage non littéral.

Etant donné que les études développementales qui se rapportent au rôle de chacun de ces facteurs sur la compréhension du langage non littéral donnent lieu à des interprétations contradictoires, elles ne seront pas exposées ci-après de manière exhaustive.

Concernant le rôle du contexte, c’est-à-dire les éléments situationnels qui précèdent et ancrent un énoncé ironique, certains auteurs (Ackerman, 1986 ; Laval 2003) avancent que l’enfant interprète le langage non littéral en se basant principalement sur le contexte. Ces auteurs ont constaté qu’avant l’âge de 10 ans, les enfants ont beaucoup plus de mal à interpréter le sens figuratif d’expressions non littérales lorsque qu’elles sont présentées hors contexte, que lorsqu’elles le sont.

En revanche d’autres auteurs (Carol, Capelli, Nakagawa & Madden, 1990) accordent davantage d’importance à l’intonation qui accompagne les énoncés ironiques qu’au contexte.

En effet, ces auteurs supposent que l’intonation joue un rôle particulièrement accru dans la compréhension du langage non littéral. Leurs recherches montrent que les enfants de 8 à 12 ans interprètent correctement un énoncé sarcastique dans n’importe quel contexte de production, à condition que le locuteur adopte une intonation sarcastique.

Afin d’obtenir des données comparatives fournissant des informations sur le rôle des connaissances linguistiques, de l’expérience sociale et de l’expérience culturelle, Ervin-Tripp et Mitchell-Kernan (1997) ont comparé les performances d’enfants de langues maternelles différentes dans la compréhension d’interdictions, sous forme de sarcasme (ex : Une mère s’adresse à son enfant en utilisant la formule « Allez-y continuez ! » pour lui signifier d’arrêter). Leurs résultats indiquent que la compréhension de ce type de formule non littérale

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Enfin, une recherche (Ardin & al., 2006) montre que des indices sémantiques, tels que les interjections « Eh ben » ou « Eh dis donc…. ! », sont traités comme des marques d’ironie à partir de 6 ans, quand elles sont insérées dans un contexte qui se veut potentiellement ironique.

Dans la présente recherche, nous supposons que le connecteur pragmatique causal puisque peut également constituer un indicateur sémantique ayant une valence ironique, lorsqu’il est inséré dans un contexte ironique.

1.2.2 Les facteurs influençant la théorie de l’esprit

Avant d’exposer les facteurs influençant la théorie de l’esprit, je commencerai par rappeler la définition de cette faculté. La théorie de l’esprit est l’aptitude cognitive à se représenter les états mentaux d’autrui et à faire des inférences sur le monde interne de celui- ci, indépendamment de ses propres croyances et de la réalité. Il s’agit en fait de posséder des compétences de métareprésentation. Ces dernières consistent à pouvoir se représenter ce que les autres se représentent et de pouvoir y réfléchir. En d’autres termes, ces compétences permettent donc, entre autres, d’accéder aux intentions d’autrui.

Les facultés en théorie de l’esprit se développent aux âges de 4 et 5 ans environ, quand les enfants sont en mesure de comprendre les conflits engendrés par les représentations mentales (Farrar, Ashwell & Maag, 2005). Elle est communément mise en évidence par des tâches de fausses croyances telles que Max et le chocolat (Perner & Wimmer, 1983) et le rocher-éponge (Flavell, Flavell & Green, 1983). La première épreuve est réalisée à l’aide d’une histoire, dans laquelle intervient un transfert inattendu (unexpected transfer en anglais), à savoir le déplacement d’un objet. Pour réussir cette tâche, l'enfant doit prédire qu'une personne, ignorant le déplacement d'un objet, cherchera celui-ci là où elle croit qu'il se trouve et non là où il est en réalité. Il doit donc attribuer à cette personne une fausse croyance concernant l’emplacement de l’objet. L’épreuve du rocher-éponge vérifie, quant à elle, la présence d’une dissociation entre les notions d’apparence et de réalité. Elle est testée au moyen d’une éponge ressemblant à un rocher. Les jeunes enfants ont tendance à entretenir une fausse croyance au sujet de cet objet, pensant à tort qu’il s’agit uniquement d’un rocher, confondant les notions d’apparence et de réalité. Cependant, un changement cognitif s’opère vers l’âge de 4 ans et il permet aux enfants de cet âge de faire la différence entre ces deux notions. Ainsi, les enfants plus âgés comprennent qu’un même objet peut être présenté de

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différentes manières. Ces deux épreuves rendent compte d’un premier niveau de théorie de l’esprit, à savoir « X croit que Y ».

Il existe pourtant un second niveau de théorie de l’esprit qui consiste à pouvoir se représenter que « X croit que Y croit que Z ». En d’autres termes, il s’agit de pouvoir se représenter que quelqu’un entretient une fausse croyance au sujet d’une croyance. Cette capacité complexe de représentation est testée par un test dit « avancé » de fausse croyance, dans lequel plusieurs états mentaux sont à considérer : John pense que Marie pense que...

(Perner & Wimmer, 1985). Etant donné qu’il demande un traitement syntaxique supplémentaire (relatif au nombre d’enchaînements syntaxiques), ce test est généralement réussi à un âge plus tardif, à savoir vers 6-7 ans.

La théorie de l’esprit n’est cependant pas constituée uniquement de deux niveaux. En effet, cette faculté possède encore bien d’autres niveaux de complexité. A priori, il n’y a pas de limite supérieure aux niveaux de théorie de l’esprit : chaque enchâssement syntaxique ajoute simplement un niveau supplémentaire. Selon Sperber et Wilson (1995), les humains sont capables de traiter jusqu’à quatre niveaux de métareprésentation comme dans : [X pense que [Y pense que [Z pense B]]]]. Dans ce travail, nous en resterons à l’étude des compétences en théorie de l’esprit de premier et de second niveau. Celles de second niveau sont considérées comme étant des compétences « avancées » en théorie de l’esprit.

Enfin, je rappelle également que, de manière générale, le développement de la théorie de l’esprit et celui du langage sont intimement liés. Plusieurs travaux ont mis en évidence les liens que tissent ces deux compétences. Au niveau général, Bloom (2000) a par exemple relevé l’importance des facultés de mentalisation du jeune enfant pour son développement lexical. Bartsch et Wellmann (1995) ont conclu que l’acquisition du sens de certains mots, comme par exemple les verbes d’états mentaux, requérait nécessairement une théorie de l’esprit fonctionnelle. Une étude menée par Zufferey (2007) sur le connecteur pragmatique causal parce que montre qu’il en est de même pour les connecteurs pragmatiques. Cet auteur met par ailleurs en évidence une cooccurrence de l’acquisition du connecteur parce que et du développement des capacités en théorie de l’esprit. Pour ce faire, elle s’appuie sur les catégories de Sweester (1990) qui répertorient les différentes façons de lier divers types de propositions. Selon Sweester, (1990) les relations qu’entretiennent deux propositions liées par

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Prenons l’exemple du connecteur parce que pour illustrer ces trois catégories. Quand l’utilisation de ce connecteur décrit une simple relation causale entre deux événements, il fait référence au domaine du contenu, encore appelé celui du monde réel. Le connecteur parce que traduit une caractérisation sociale et physique du monde (ex : « Jean est tombé, parce que Pierre l’a poussé. »). Lorsqu’il est utilisé pour lier une proposition à un acte illocutoire impliquant un raisonnement sur la communication, on parle d’acte de langage (ex : « Tu es prêt? Parce qu’on est en retard. »). Enfin, quand il marque une relation causale qui implique une inférence entre une croyance et une conclusion, il s’agit du domaine épistémique (ex :

« Jean est malade, parce que je ne l’ai pas vu de la journée. »). Ce dernier domaine implique un raisonnement sur les croyances, qui demande des capacités métareprésentatives relevant d’un premier niveau de théorie de l’esprit.

La mise en œuvre de compétences en théorie de l’esprit est également requise dans la compréhension de l’ironie (Happé, 1993). Les facteurs susceptibles d’influencer ces compétences dans le traitement de l’ironie reposent sur l’inférence d’attitudes et d’intentions de communication.

Comme nous l’avons évoqué précédemment (1.1 Définition de l’ironie), la compréhension de l’ironie demande la réalisation d’inférences sur les propos du locuteur (Ackerman 1983, 1986). Ces inférences sont facilitées par des indices intrinsèques à la définition même de l’ironie. Etant donné que cette figure est définie comme « une raillerie consistant à ne pas donner aux mots leur valeur réelle… » (Larousse, 2001), le locuteur adopte une attitude tacitement dissociative vis-à-vis des propos qu’il émet. Cette attitude est transmise intentionnellement, au moyen de facteurs linguistiques et extralinguistiques, tels que la nature échoïque des propos ou l’intonation. Grâce à de tels indices, le locuteur invite l’interlocuteur à inférer l’attitude tacitement dissociative qui émane de ses propos. Ainsi, le locuteur incite également l’interlocuteur à remettre en question la véracité des propos émis et à dépasser une analyse strictement littérale de ceux-ci. Le locuteur espère donc que, grâce aux indices linguistiques et extralinguistiques, l’interlocuteur puisse inférer le sens figuré de ses propos et inférer ainsi la sa véritable intention de communication.

En résumé, dans un énoncé ironique, l’intention première du locuteur, c’est-à-dire celle qui correspond à une analyse littérale de ses propos, ne reflète en effet pas son intention véritable. Le locuteur possède en réalité une intention « cachée » (véritable), dite de second ordre (Dews & al. 1996), qui ne correspond pas littéralement à son intention première, ou

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explicite. Cette absence de correspondance entre intention littérale et intention véritable, s’apparente à la notion de dissociation qu’ont souligné Sperber et Wilson dans leur analyse de l’ironie (1978 ; 1986). Même si, dans la définition de l’ironie, cette dissociation d’intention se veut tacite, le locuteur vise à la rendre explicite au moyen d’indices linguistiques et extralinguistiques qu’il transmet intentionnellement via son énoncé. Je rappelle ici que, selon Dews et al. (1996), la capacité de saisir l’intentionnalité d’autrui n’apparaît pas avant 6 ans et qu’elle détermine fortement la compréhension de l’ironie.

1.3 Le développement de l’ironie

Au vu du nombre de processus cognitifs complexes à mettre en œuvre dans le traitement de l’ironie (attribuer, détecter, inférer, etc.), il n’est pas étonnant que cette compétence s’acquière à un âge relativement tardif. En effet, même si la littérature développementale ne fournit pas de consensus formel quant à l’âge de l’acquisition de l’ironie, la majorité des auteurs s’accordent à dire que cette compétence n’est pas maîtrisée avant l’âge de 6 ans. Selon Demorest, Meyer, Phelps, Gardner et Winner (1984), elle ne peut même pas être envisagée de manière fiable avant l’âge de 13 ans.

Une étude de Monbaron et Berthoud (2005) conclut à des résultats en terme de performances qualitatives. Ces auteurs ont cherché à évaluer la compréhension d’énoncés ironiques chez des enfants de 4 à 8 ans. Pour ce faire, ils ont utilisé des dialogues simulés entre deux poupeés-locuteurs, qui aboutissaient à un énoncé ironique de la part de l’un des protagonistes. Afin d’explorer la capacité des enfants à expliciter l’écart qui existe entre le sens littéral et le sens figuré de l’énoncé, les enfants ont d’une part dû expliquer l’énoncé ironique et le reformuler d’autre part. Ces auteurs ont mis en évidence différentes conduites développementales, montrant une acquisition progressive de cette compétence. En effet, en fonction de leur âge, les enfants expliquent différemment la compréhension qu’ils ont d’un énoncé ironique.

A 4-5 ans, les enfants ne comprennent pas l’ironie. Ils utilisent des conduites élémentaires qui reposent principalement sur des explications littérales de l’énoncé cible. Ils se contentent par exemple de répéter l’énoncé ironique qu’on leur a proposé pour l’expliquer.

A 6 ans, émergent des conduites intermédiaires dont les explications tentent de concilier le sens littéral et le contexte (c’est-à-dire les prémisses induites par un certain nombre d’informations pouvant servir d’indices à une interprétation non littérale de l’énoncé

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ironique). Les enfants combinent par exemple les informations fournies par le contexte et celles fournies par l’énoncé, en introduisant des éléments supplémentaires.

Enfin, à 7-8 ans, les enfants comprennent pleinement l’ironie. Ils font preuve de conduites élaborées, qui les rendent capables d’expliciter l’opposition entre le sens littéral d’un énoncé ironique et son sens figuré. Ils recourent par exemple fréquemment à la mention de l’intention du locuteur pour expliquer l’opposition entre le sens littéral de l’énoncé et son sens figuré.

Rappelons encore que, selon Dews et al. (1996), la capacité à saisir l’intentionnalité d’autrui détermine fortement la compréhension de l’ironie.

1.4 Le connecteur pragmatique « puisque »

Afin d’obtenir de plus amples données sur les mécanismes de traitement qui conditionnent la compréhension de l’ironie, nous trouvons intéressant de nous pencher sur un connecteur qui a encore peu été étudié, le puisque. D’un point de vue développemental, l’utilisation du connecteur puisque apparaît plus tardivement dans les productions langagières des enfants que le connecteur parce que (dont l’acquisition a déjà fait l’objet de diverses études). Concernant le connecteur parce que, les occurrences sont en effet déjà nombreuses vers 2 ans, alors que les premières occurrences de puisque ne sont relevées que vers 4;6-5 ans (Zufferey, 2007).

Par ailleurs, les occurrences de puisque relevées dans le corpus de Plunkett (2002) montrent que ce connecteur n’est parfois pas toujours utilisé à bon escient. Sa valence échoïque (voir ci-dessous) n’est en effet pas toujours respectée. Il est possible qu’à un certain âge et dans certaines situations, puisque soit simplement employé comme un synonyme de parce que.

Le Groupe lambda-l (1975) propose une analyse de ce connecteur en le distinguant des connecteurs pragmatiques causaux car et parce que. En raison du nombre de pages qui me sont imparties dans ce travail, le connecteur puisque sera surtout comparé au connecteur parce que. Les auteurs notent d’une part que, d’un point de vue linguistique, le connecteur puisque ne s’utilise adéquatement que dans les domaines épistémique (ex : « Il doit faire beau en montagne puisque les voisins sont partis. ») et actes de langage (ex : « En es-tu sûr ? Puisque tu le dis… ») décrits par Sweester (1990). Il ne peut pas être utilisé de façon correcte dans le domaine du monde réel, car, contrairement au connecteur parce que, il ne possède pas un statut dit d’« opérateur ». Le Groupe lambda-l (1975) définit ce statut comme « une relation intellectuelle ayant pour propriété d’engendrer un contenu nouveau lorsqu’elle est appliquée à des contenus plus élémentaires ». Ce n’est pas le cas du connecteur puisque, étant donné que son utilisation fait toujours référence à des propos déjà connus ou partagés (voir ci-

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dessous). Puisque, contrairement à parce que, ne sert donc non pas à relier deux contenus, mais deux actes de parole.

Dans son analyse, le Groupe lambda-l (1975) relève, d’autre part, qu’une autre particularité du connecteur puisque réside dans la nature du segment qui le suit. Ce segment est toujours échoïque. En d’autre terme, il fait toujours référence à des propos ou des idées émis antérieurement. Ces propos ou ces idées sont donc connus ou partagés, tant par le locuteur que par l’interlocuteur. Une série d’exemples tend à le montrer : « Je n’ai pas pris ma clé de maison, puisque tu m’as dit que tu rentrais avant moi. », « Nous n’irons pas au cinéma, puisque tu n’as pas été sage. », « Je ne te propose pas de rester manger, puisque tu va partir. », etc. Tous les segments qui suivent le connecteur puisque font en effet référence à des propos ou à des faits vraisemblablement déjà évoqués par le locuteur et son interlocuteur.

Par ailleurs, le caractère échoïque du connecteur puisque peut parfois véhiculer une attitude tacitement dissociative de la part du locuteur. Deux cas de figure en rendent compte.

Dans le premier cas, le segment qui suit puisque fait référence à des connaissances du monde.

L’exemple ci-après l’illustre : « Il est nul en math, puisque 2 et 2 font 4 et pas 5. ». Dans ce cas, le caractère échoïque du segment véhicule une attitude tacitement dissociative, servant à communiquer un fait incontestable. C’est ce que Ducrot (1975) appelle une argumentation par autorité. Dans le deuxième cas de figure, le segment qui suit puisque se réfère à des propos émis antérieurement. L’exemple suivant le montre: « Donne moi la réponse, puisque tu sais tout.». Le caractère échoïque du segment véhicule lui aussi une attitude tacitement dissociative, mais qui vise, cette fois-ci, à communiquer un fait jugé erroné. Nous retrouvons ici le cas de l’ironie. En effet, analysés d’un point de vue littéral, les propos du locuteur ne correspondent donc pas à sa véritable intention de communication. De plus, ils font écho à une croyance qui est intentionnellement contraire à celle du locuteur.

En résumé, le traitement de puisque implique une démarche réflexive plus exigeante en termes métalinguistique et cognitif que celui de parce que. Elle demande en effet de pouvoir relier mentalement deux actes de parole, et non deux simples phrases de contenu. Elle repose par ailleurs sur des compétences inférencielles plus élaborées que celles requises pour la compréhension de parce que, étant donné que la compréhension de l’usage échoïque de puisque implique la dissociation des propos du locuteur de ses intentions de communication.

(15)

Enfin, le connecteur puisque possède, dans certains cas, des caractéristiques linguistiques communes à l’ironie (propos échoïques et tacitement dissociatifs). Comme ces caractéristiques ne sont pas transparentes, elles ne sont pas directement détectables. Pour être reconnues à juste titre, ces caractéristiques nécessitent, elles aussi, des inférences élaborées et des compétences avancées en théorie de l’esprit.

1.5 Objectifs de la recherche

Au vu des éléments théoriques rapportés jusqu’ici, il semble particulièrement intéressant de mener un travail qui vise la récolte d’informations empiriques sur le traitement du connecteur puisque en contexte ironique, chez des enfants de 6 et 7 ans. Par ailleurs, étant donné le rôle conjoint du traitement linguistique et du traitement en théorie de l’esprit dans le traitement d’énoncés ironiques avec puisque, un tel objectif permet également d’obtenir des informations sur la compréhension de l’ironie (condition sans connecteur) et sur les liens que la compréhension de cette figure entretient avec le niveau de compétences en théorie de l’esprit. Deux questions font l’objet de mon interrogation ; elles sont formulées ci-dessous en des termes empiriques, étant donné le caractère exploratoire de la recherche.

1) La présence du connecteur pragmatique causal puisque facilite-t-elle le traitement de l’ironie comparativement à l’absence de connecteur ? Et comparativement au connecteur causal parce que, qui ne véhicule pas de valence ironique ? Les spécificités linguistiques du connecteur pragmatique causal puisque suscitent-elles un effet différent sur l’interprétation de l’ironie par rapport à un autre connecteur pragmatique causal (à savoir le parce que)? En d’autres termes, l’hypothèse d’une spécificité linguistique concernant le connecteur puisque en lien à l’ironie est-elle validée sur le plan psycholinguistique ?

2) La capacité à attribuer un état mental à autrui (théorie de l’esprit) facilite-t-elle de l’identification de l’ironie ? Autrement dit, trouve-t-on une corrélation positive entre les compétences en théorie de l’esprit et le traitement de l’ironie ?

Afin d’obtenir des éléments de réponses à ces deux questions, deux tests ont été élaborés.

Ces derniers sont exposés dans le chapitre suivant.

(16)

2. Méthode

2.1 Participants

Les données de cette expérience ont été récoltées auprès de deux groupes de sujets différents. Le premier groupe était formé de 15 enfants de première année primaire, âgés de 6;9 ans en moyenne (variation de 6;4 à 7;3), scolarisés dans une classe ordinaire de la ville de Genève. Le deuxième groupe comprenait 15 enfants de deuxième année primaire, âgés de 7;10 en moyenne (variation de 7;4 à 8;2), scolarisés dans deux classes ordinaires différentes de la ville de Genève. Bien que ces enfants provenaient d’écoles distinctes, ils habitaient dans le même quartier et appartenaient à un milieu socioculturel relativement homogène. Pour des raisons pratiques, nous avons décidé de catégoriser les deux groupes d’enfants sous l’étiquette des « enfants de 6 ans » (premier groupe) et des « enfants de 7 ans » (deuxième groupe). Ces termes seront repris dans la suite du travail et serviront de référence à ces groupes.

2.2 Matériel

- un classeur contenant les histoires des différentes conditions expérimentales - un lecteur numérique, avec six phrases préenregistrées (LN)

- deux haut-parleurs

L'expérience qui fait l’objet de cette étude comportait deux tests expérimentaux différents.

Le premier avait pour but d’évaluer l’interprétation pragmatique que font les enfants de deux connecteurs causaux (puisque et parce que) lorsque ces derniers étaient insérés dans un contexte ironique. Le deuxième visait l’évaluation des compétences avancées en théorie de l’esprit. Les deux tests se présentaient sous la forme d’histoires que les enfants devaient écouter et regarder. Le premier test faisait pour sa part intervenir un stimulus auditif à la fin de chaque histoire.

• Premier test : traitement des connecteurs en contexte ironique

Ce test comprenait trois conditions expérimentales, chacune évaluée par deux histoires différentes, afin de contrôler un éventuel biais lié aux histoires. Les trois conditions sont listées ci-dessous et font référence à des mots clé qui permettront dorénavant de s’y référer.

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1. Condition sans connecteur

Ces histoires s’inscrivaient dans un contexte ironique. Elles se terminaient par une phrase préenregistrée avec une intonation ouvertement ironique, ne contenant pas de connecteur pragmatique. Cette condition sur la compréhension de l’ironie sans connecteur était une mesure de contrôle par rapport aux autres conditions (2. et 3.) de ce premier test. Les deux histoires qui mettaient en scène un énoncé sans connecteur ont été adaptées à partir de tests formatés par Happé (1993, 1994). Les deux premières questions visaient à évaluer la compréhension de l’ironie et la troisième question était une question contrôle qui vérifiait la compréhension du scénario. Voici un exemple de scénario utilisé pour tester cette condition (pour l’entièreté des scénarios voir l’annexe I) :

David et le café

David est en train de travailler. Son amie Claire lui amène une tasse de café à son bureau. Mais, en le posant sur la table, Claire renverse tout le café sur les feuilles de David. David lui dit :

« Bravo Claire, c’est vraiment malin ce que tu as fait ! » (LN, intonation ironique) 1. Pourquoi est-ce que David dit ça à Claire ?

2. Est-ce que David pense que Claire a fait quelque chose de malin ou de stupide ? 3. Est-ce que Claire a abîmé les feuilles de David ?

2. Condition puisque

Ces histoires s’inscrivaient dans un contexte ironique et se terminaient par une phrase contenant le connecteur pragmatique puisque. Cette phrase était préenregistrée avec une intonation ouvertement ironique. Etant donné que nous voulions mesurer la compréhension spécifique du sens ironique véhiculé par puisque, nous avons établi une condition identique à celle de puisque, comprenant cependant un autre connecteur. Pour ce faire, nous avons choisi de comparer le sens ironique du connecteur puisque au sens causal du connecteur parce que.

Cette condition avec parce que (voir ci-dessous) fait donc office de mesure contrôle pour la condition puisque. Cependant, comme les scénarios devaient rester identiques, nous avons jugé qu’il était pertinent de multiplier les histoires afin de prévenir un biais lié à un scénario particulier. Quatre histoires différentes ont donc été élaborées par nos soins pour réaliser à la fois les conditions puisque et parce que (voir annexe I). Chaque histoire a été créée de manière à ce qu’elle puisse se terminer par une phrase pouvant, soit contenir une occurrence

(18)

de puisque, soit une occurrence de parce que. Les deux connecteurs ont été aléatoirement associés à chaque histoire, à nouveau dans le but de minimiser le risque d’un biais lié à un scénario particulier. Chaque sujet a entendu deux histoires se terminant par une phrase avec puisque et deux histoires se terminant par une phrase avec parce que, soit quatre histoires différentes.

Chaque histoire mettait en scène deux personnages. Le premier personnage possédait une qualité spécifique (ex : le fait d’être fort, courageux, etc.), que le deuxième personnage ne possédait pas. En dépit de cette vertu, le premier personnage échouait à la tâche qu’il devait accomplir. Le deuxième personnage lui reprochait cette faiblesse et prétendait être capable de faire mieux. Cette effronterie poussait le premier personnage à mettre son interlocuteur au défi, en s’adressant à lui par un énoncé ironique. Un exemple de l’une des quatre histoires figure ci-dessous (pour l’entièreté des scénarios voir annexe I) :

Alice et le calcul

Alice doit faire un exercice de calcul. Elle est très forte en calcul mais cet exercice est très difficile et elle ne trouve pas la solution. Jeanne est dans la même classe qu’Alice.

Elle est beaucoup moins forte qu’Alice en calcul mais elle veut toujours avoir l’avoir plus intelligente que les autres. Jeanne dit à Alice que ce calcul a l’air très facile et qu’elle trouverait la solution sans problème. Alice lui répond :

« Alors c’est toi qui me donnes la solution, puisque tu es la plus intelligente » (LN, intonation ironique).

À l’issue de l’histoire, nous avons posé aux sujets les six questions suivantes (indépendamment du connecteur que contenait la phrase-stimulus) :

1. Est-ce qu’Alice croit que Jeanne pourra lui donner la solution ?

2. Pourquoi est-ce qu’Alice demande à Jeanne de lui donner la solution si elle ne croit pas qu’elle pourra la lui donner ? [posée uniquement si la réponse à 1 est négative]

3. Est-ce qu’Alice croit que Jeanne veut faire croire aux autres qu’elle est très intelligente ? 4. Est-ce qu’Alice croit que Jeanne est très intelligente ?

5. Est-ce que Jeanne prétend qu’elle est très intelligente ? 6. Est-ce que Jeanne connaît vraiment la bonne réponse ?

(19)

Les trois premières questions visaient à évaluer la compréhension du sens ironique de puisque et requéraient des compétences avancées en théories de l’esprit. La première question était une question de compréhension, suivie d’une question de justification (2), qui vérifiait que l’enfant ne réponde pas au hasard à la première. Cette question était uniquement posée si l’enfant avait répondu correctement à la question 1. La troisième question de compréhension portait explicitement sur les croyances de deuxième ordre, alors que les questions 4 et 5 visaient à évaluer la compréhension des croyances de premier ordre de chacun des personnages1. Enfin, la question 6 était une question contrôle, qui mesurait la compréhension des éléments logiques de l’histoire (à savoir : a) Jeanne est beaucoup moins forte qu’Alice, b) Alice ne trouve pas la solution de l’exercice).

Même si toutes les histoires du premier test s’inséraient dans un contexte ironique, nous n’avons pas choisi d’utiliser les mêmes scénarios pour la condition sans connecteur et celle des conditions puisque et parce que (voir ci-dessous). Cette pratique aurait en effet pu engendrer un éventuel effet d’apprentissage, lié à la répétition excessive du scénario. A force d’être confrontés aux mêmes éléments contextuels, les participants auraient pu appliquer un schéma réflexif identique pour la condition sans connecteur et la condition puisque, de manière quasi automatique. Ils n’auraient ainsi pas nécessairement été amenés à entreprendre une analyse spécifique de chaque condition.

3. Condition parce que

Afin que le connecteur parce que serve de mesure contrôle aux spécificités linguistiques du connecteur puisque, les scénarios des histoires ironiques de cette condition étaient identiques à ceux de puisque. La seule différence entre ces deux conditions se trouvait dans le stimulus auditif final qui terminait le scénario. Ce dernier ne contenait plus le connecteur puisque mais le connecteur parce que. Par ailleurs, dans le cas de parce que la phrase stimulus était cette fois préenregistrée avec une intonation neutre (pour l’entièreté des scénarios voir l’annexe I).

Cela revenait à dire qu’à la fin du scénario (voir Alice et le calcul ci-dessus), la phrase que les sujets entendaient était :

1Dans le groupe de 6 ans, le verbe prétendre n’était pas systématiquement compris par les enfants. Dans ce cas, il était reformulé par la tournure « aimerait bien faire croire que X ».

(20)

« Alors c’est toi qui me donnes la solution, parce que tu es la plus intelligente » (LN, intonation neutre).

À l’issue de l’histoire, les mêmes six questions exposées antérieurement dans la condition puisque étaient posées aux sujets.

Un résumé des différentes conditions expérimentales figure dans le tableau I ci-dessous.

Tableau I. Premier test : traitement des connecteurs en contexte ironique

Indices d’ironie dans les trois conditions expérimentales

prosodique lexical contextuel

Condition puisque + + +

Condition sans connecteur + - +

Condition parce que - - +

• Deuxième test : compétences avancées en théorie de l’esprit

Ce deuxième test était lui aussi évalué par deux histoires différentes, dans le but de diminuer un éventuel biais lié aux histoires. Ce test a été crée afin de mettre en relation les compétences des enfants dans le traitement des connecteurs en contexte ironique (voir 2.2.

premier test : traitement des connecteurs) avec leur niveau de compétences en théorie de l’esprit.

Les deux histoires de cette condition visaient à mesurer les compétences en théorie de l’esprit des participants. L’objectif principal de ce test était plus exactement de vérifier la présence de compétences avancées dans ce domaine (croyances de deuxième ordre). Les histoires utilisées dans ce test ont été construites sur la base de l’étude de Coull et al. (2006).

Les scénarios ont été limités à deux personnages et ils respectaient une même unité de temps et de lieu. L’une des histoires de notre test est reproduite ci-dessous à titre d’exemple (pour l’entièreté des scénarios voir l’annexe I) :

(21)

Paul et le coquillage

Paul vient de rentrer de vacances. Il montre à Marie le coquillage qu’il a rapporté.

Ensuite, Paul range son coquillage dans une boîte rouge fermée et quitte la pièce.

Durant son absence, Marie décide de lui jouer un tour. Elle sort le coquillage de la boîte rouge et le range dans une autre boîte de couleur verte. Pendant que Marie déplace le coquillage dans l’autre boîte, Paul passe devant la fenêtre et voit Marie en train de cacher le coquillage. Mais Marie ne voit pas Paul qui la regarde cacher le coquillage par la fenêtre. Elle ne le voit pas ! Paul retourne ensuite dans la pièce. Il va chercher son coquillage.

L’histoire était suivie des six questions ci-dessous, également formatées sur le modèle de Coull et al (2006). Les trois premières questions portaient sur les compétences avancées en théorie de l’esprit et les trois dernières étaient des questions contrôle. Cependant, ces dernières pouvaient également faire intervenir un premier niveau de théorie de l’esprit (ex : 4.

et 5.).

1. Où est-ce que Marie croit que Paul va chercher son coquillage ?

2. Pourquoi est-ce que Marie croit que Paul va chercher son coquillage _______ ? (fonction de la réponse donnée en 1)

3. Est-ce que Marie croit que Paul croit que son coquillage est dans la boîte rouge ? 4. Est-ce que Paul sait que le coquillage est dans la boîte verte ?

5. Est-ce que Marie sait que Paul l’a vue cacher le coquillage ? 6. Où est-ce que Paul va vraiment chercher le coquillage ?

Contrairement aux trois premières conditions, le test de théorie de l’esprit, ne faisait pas intervenir de stimuli auditifs.

Afin de faciliter la compréhension des histoires que comprenaient les tests, un support visuel était disponible pour chaque histoire. Les différents scénarios étaient accompagnés de photographies illustratives qui faisaient intervenir des personnages réels, qui avaient pour consigne de mimer le scénario propre à chaque histoire. Une, voire deux phrases écrite(s) correspondant à l’histoire étaient placées en dessous de chaque photographie. Un exemple de deux photographies correspondant au début d’une histoire du test de théorie de l’esprit a été

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reproduit en miniature dans la figure 1 ci-dessous. L’ensemble des photographies des histoires est disponible dans le travail de Zufferey (2007), duquel découle cette étude.

Paul vient de rentrer de vacances.

Il montre à Marie le coquillage qu’il a rapporté.

Ensuite, Paul range son coquillage dans une boîte rouge fermée.

Figure 1: Exemple de photographies illustrant la condition théorie de l’esprit (Zufferey, 2007)

2.3 Procédure

L’expérimentateur lisait le texte reproduit sous chaque photographie et pointait au fur et à mesure de sa lecture les personnages et objets dont il était question, afin que l’enfant puisse bien les identifier. Les histoires étaient présentées dans un classeur, que l’expérimentateur feuilletait en fonction de ses propos. Ce dispositif permettait aux enfants de revenir en arrière pour vérifier, au besoin, d’éventuels éléments de l’histoire. Les enfants ont, par ailleurs, également bénéficié d’un support auditif dans les trois conditions du premier test. Il correspondait à l’écoute de phrases, préalablement enregistrées, donc uniformisées. Le test de théorie de l’esprit n’a en revanche pas donné lieu à l’ajout d’un support auditif, car les histoires de cette condition ne faisaient pas intervenir de remarques de la part d’un des personnages. Il n’y avait donc pas de paramètre lié à l’intonation dans ce test. Les enfants ont entendu des voix différentes pour chaque histoire, avec une prosodie ouvertement ironique pour les conditions sans connecteur et puisque, alors que pour la condition parce que la prosodie était neutre. Le fait d’entendre les stimuli donnait ainsi accès à des informations supplémentaires liées à la prosodie.

(23)

Les réponses rapportées par les enfants ont été récoltées sur la base d’interviews.

L’ensemble des élèves entendait huit histoires différentes et répondait à l’ensemble des questions qui suivaient chacune d’elle. Chaque enfant a été interrogé individuellement pendant un peu moins d’une demie heure, sans pour autant qu’une limite de temps n’ait été posée. L’expérience se déroulait dans une salle de classe de leur école, calme, prévue à cet effet. Comme l’expérience ne prévoyait pas d’histoire d’entraînement, nous commencions par mettre l’enfant à l’aise en lui posant quelques questions informelles, qui nous permettaient également de vérifier qu’il était en condition pour répondre aux questions de l’expérimentateur. La tâche était ensuite présentée aux enfants de la manière suivante : « Je vais te raconter quelques histoires. Ecoute bien parce qu’après chaque histoire tu vas devoir m’aider à répondre à quelques questions. Arrête-moi s’il y a un mot que tu ne comprends pas et je te l’expliquerai. ». Le stimulus auditif que contenaient certaines histoires à la fin de leurs scénarios, a été présenté deux fois à chaque enfant. Il était cependant possible de le réécouter, autant de fois que l’enfant le souhaitait. Toutes les histoires ont été lues à voix haute par l’expérimentateur laissant à l’enfant la possibilité de suivre le texte s’il le désirait. Les photographies ont pu être regardées aussi longtemps que l’enfant le souhaitait et le classeur pouvait être parcouru au moment de répondre aux questions, afin de réduire l’influence de la mémorisation sur les réponses. Aucun commentaire n’a été fourni sur les réponses apportées, hormis des renforcements positifs. L’expérimentateur notait brièvement les réponses de l’enfant sur le protocole correspondant (version papier) qu’il avait à disposition.

Chaque sujet a participé à l’ensemble de l’expérience mais a pris connaissance des histoires dans un ordre aléatoire. Toutefois, nous avons veillé à ne jamais placer deux histoires correspondant à la même condition immédiatement l’une à la suite de l’autre. Deux protocoles d’ordre d’histoire sont reproduits ci-dessous à titre d’exemple.

Tableau II. Exemple de protocole expérimental :

Protocole 1 Protocole 2

1 Histoire 1 : théorie de l’esprit Histoire 7 : ironie

2 Histoire 3 : puisque Histoire 2 : théorie de l’esprit 3 Histoire 4 : parce que Histoire 5 : puisque

4 Histoire 7 : ironie Histoire 6 : parce que 5 Histoire 2 : théorie de l’esprit Histoire 8 : ironie 6 Histoire 5 : parce que Histoire 4 : parce que 7 Histoire 6 : puisque Histoire 3 : puisque

8 Histoire 8 : ironie Histoire 1 : théorie de l’esprit

(24)

2.4 Critères de codage des réponses

Nous avons décidé de transcoder toutes les questions en terme d’échec ou de réussite (résultat binaire, 0 ou 1). Les nombreuses questions qui ne requéraient que la réponse oui/non (est-ce que… ?), ont été considérées comme réussies si le sujet fournissait la réponse attendue.

Il en a été de même pour la question à choix forcé de la condition sans connecteur (question 2.). En revanche, les questions de justification (pourquoi ?) ont été appréciées sur la base des critères suivants :

Dans le cas des histoires ironiques se terminant par puisque, la justification était considérée comme correcte dans la mesure où la réponse rendait explicite la notion de dissociation du locuteur par rapport à la croyance de l’autre personnage (voir ci-dessous 1. et 2.). En revanche, les explications qui ne faisaient intervenir que des croyances de premier niveau (voir ci-dessous 3.) ou des éléments de l’histoire non pertinents (voir ci-dessous 4.) ont été jugées comme insuffisantes. Les exemples correspondent à l’histoire présentée ci-dessus (Alice et le calcul) et ont été produits par les enfants de cette étude. La question de justification était formulée ainsi : « Pourquoi est-ce qu’Alice demande à Jeanne de lui donner la solution si elle ne croit pas qu’elle pourra la lui donner ? »

1. Parce qu’elle (Alice) se croit la meilleure, alors elle veut la (Jeanne) mettre au défi, pour voir si elle (Jeanne) sait vraiment.

2. Pour se moquer, parce qu’elle a dit qu’elle (Jeanne) est très forte.

3. Parce qu’elle (Jeanne) est la plus intelligente.

4. Pour savoir la réponse.

Le scénario et la question de justification des histoires se terminant par parce que étant identiques à ceux de la condition puisque, les mêmes critères de cotation ont été appliqués pour ces deux conditions.

Pour la condition sans connecteur, les justifications ont été acceptées dans la mesure où elles faisaient intervenir l’état mental du locuteur qui prononçait l’énoncé et qu’elles ne reposaient pas uniquement sur une répétition des faits de l’histoire. Deux exemples de justifications acceptées (voir ci-dessous 1. et 2.) et deux exemples de justifications rejetées (voir ci-dessous 3. et 4.) sont reproduits ci-après comme modèle. Ces exemples se réfèrent à l’histoire présentée ci-dessus (David et le café). La question de justification était formulée ainsi : « Pourquoi est-ce que David dit ça à Claire ? »

(25)

1. Parce qu’il n’est pas content.

2. Parce qu’il est embêté qu’elle a abîmé ses feuilles.

3. Parce qu’elle a renversé la tasse.

4. Parce qu’elle l’a fait exprès.

Dans le cas du test de théorie de l’esprit, la justification a été considérée comme correcte dans la mesure où le sujet fournissait une explication adéquate des événements, formulée en termes d’états mentaux. En revanche, l’explication a été rejetée si elle ne portait pas sur les croyances du personnage dont il était question, ou si elle se limitait à une simple description des événements relatés dans l’histoire. Deux exemples de justifications acceptées (voir ci- dessous 1. et 2.) et deux exemples de justifications rejetées (voir ci-dessous 3. et 4.) pour le scénario susmentionné (Paul et le coquillage) sont reproduits ci-après. Chacune de ces justifications a été produite par des enfants de notre étude. Pour mémoire, la question de justification était formulée ainsi : « Pourquoi Marie pense-t-elle que Paul ira chercher son coquillage à [réponse à la question 1] ?»

1. Parce qu’elle ne sait pas que Paul l’a vue par la fenêtre.

2. Parce qu’elle pense que Paul ne l’a pas vu cacher le coquillage.

3. Parce que Paul l’a vue par la fenêtre.

4. Parce que Paul ne sait pas.

Le détail des scores obtenus par l’ensemble des participants aux questions des différentes conditions est disponible à la fin de ce document (voir l’annexe II). En revanche, toutes les réponses littérales des enfants n’ont pas été lisiblement retranscrites. Elles peuvent cependant être obtenues auprès de l’auteur à l’initiative de cette expérience, à savoir Sandrine Zufferey.

(26)

3. Résultats

Ce chapitre est consacré à la présentation des résultats obtenus aux différents tests par le groupe des enfants de 6 ans et par le groupe des enfants de 7 ans. Leurs résultats seront néanmoins parfois mis en relation avec des résultats obtenus par un troisième groupe, constitué d’adultes, ne faisant pas directement partie de cette étude. Les résultats de cette population sont tirés de l’étude de Zufferey (2007), dont ce travail est inspiré. La présence de ces résultats au sein de ce chapitre me semble intéressante et justifiée, dans la mesure où les scores des adultes font office de mesure contrôle.

De manière générale, toutes les histoires ont bien été comprises par l’ensemble des sujets.

En effet, le taux de bonnes réponses pour les questions contrôles est très élevé pour l’ensemble des conditions.

Concernant le test relatif au traitement des connecteurs en contexte ironique, les enfants de 6 et 7 ans réussissent les questions contrôles à 100% pour les deux histoires de la condition sans connecteur, alors que les adultes réussissent à 97% la première histoire et à 100% la deuxième. Les chiffres sont en revanche légèrement inférieurs dans le cas des histoires contenant puisque et parce que, mais ils restent néanmoins largement satisfaisants. Dans le cas des histoires se terminant par puisque, les enfants de 6 ans obtiennent un taux moyen de bonnes réponses de 80% à la première histoire et de 93% à la seconde. Les résultats des enfants de 7 ans sont également de 80% à la première histoire et de 93% à la seconde. Pour les adultes, le taux moyen de bonnes réponses est de 93% à la première histoire et de 100% à la seconde. En ce qui concerne les histoires se terminant par parce que, les enfants de 6 ans obtiennent 87% de bonnes réponses à la première histoire et 93% à la deuxième. Les scores des enfants de 7 ans sont un peu moins bons, 80% à la première histoire et 87% à la deuxième. En revanche, chez les adultes, le taux moyen de bonnes réponses est de 100% pour les deux histoires. Ces résultats ne permettent pas de conclure que l’une des histoires de ces deux dernières conditions était plus difficile que l’autre. En effet, l’ordre dans lequel elles ont été présentées ainsi que le connecteur qui leur était associé, variait pour chaque enfant.

Pour le test de théorie de l’esprit, les taux de bonnes réponses aux questions contrôle sont de 100% chez les enfants de 6 et 7 ans pour les deux histoires. Chez les adultes, ils sont de

(27)

En plus des questions contrôles, chaque histoire contenait deux questions qui évaluaient particulièrement les compétences qui font l’objet de cette étude2, c’est-à-dire les compétences avancées en théorie de l’esprit, le traitement de l’ironie sans connecteur (ou l’ironie

« simple »), le traitement de l’ironie avec puisque, le traitement de l’ironie avec parce que. La moyenne du nombre de bonnes réponses fournies par condition expérimentale et par groupe d’âge est résumée dans le tableau III ci-dessous. Ce score est calculé sur la base de quatre questions par condition expérimentale, deux questions à choix forcé et deux questions de justification (question 1 et 2 de chaque tâche). Je rappelle que le calcul du score est basé sur deux questions à choix forcé et deux questions de justification, car chaque condition expérimentale comprenait deux histoires différentes, donc deux questions de type différent.

Ainsi le score obtenu peut varier entre 0 et 4 point, car un point est attribué par réponse correcte (cf. 2.4 critères de codage des réponses).

Tableau III : Moyenne des scores obtenus par condition expérimentale et par groupe d'âge (pourcentage moyen de bonnes réponses)

Test : traitement des connecteurs en contexte ironique

Test : théorie de l’esprit sans connecteur puisque parce que

Groupe 6 ans 1.6 (40%) 2.3 (57,5%) 1.5 (37,5%) 1.5 (37,5%)

Groupe 7 ans 2.6 (65%) 2.7 (67,5%) 2.4 (60%) 3.4 (85%)

Groupe adultes 3.96 (99%) 3.95 (99%) 3.88 (97%) 3.85 (96%)

Nous constatons que, chez les enfants de 6 ans, les moyennes des scores obtenus ne sont pas particulièrement élevées pour l’ensemble des conditions. Les enfants de 6 ans présentent également des performances plus hétérogènes que les deux autres populations. Le groupe des enfants de 7 ans montre une progression relativement homogène avec un taux moyen de

2Les histoires de théorie de l’esprit ainsi que des histoires avec parce que et puisque contenaient également une question portant explicitement sur les croyances de deuxième ordre (est-ce que X croit que Y croit que Z). Ces questions se sont révélées syntaxiquement et conceptuellement trop difficiles à comprendre pour les enfants.

C’est pourquoi elles n’ont pas été prises en compte dans le calcul des scores.

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bonnes réponses entre 60 et 70%, à l’exception du test de compétences avancées en théorie de l’esprit, où le taux dépasse les 80%. Enfin, le groupe des adultes obtient des performances proches du maximum, aucune tâche ne montre un taux moyen de bonnes réponses inférieur à de 90%.

Afin de faciliter la lecture des résultats, ces derniers seront abordés en fonction de trois axes, traduits par trois sous-chapitres.

3.1 Effet de la variable linguistique au sein de chaque groupe d’âge

Concernant le test du traitement des connecteurs, nous avons mesuré, pour chaque groupe d’âge, le caractère statistiquement significatif des moyennes des scores observées dans chaque condition. Pour ce faire, nous avons utilisé le test de Student (ou t-test). Rappelons qu’une différence observée est généralement considérée comme significative si la probabilité p estimée est inférieure à 0.05. Les résultats du test de Student sont résumés, pour chaque tâche et chaque groupe d’âge, dans le tableau IV ci-dessous. Les différences statistiquement significatives sont indiquées en gras.

Tableau IV : P-valeurs des différences statistiques observées au sein des scores moyens de chaque condition du premier test, par groupe d’âge (t-test de Student)

Test : traitement des connecteurs en contexte ironique

sans connecteur puisque parce que

Groupe 6 ans 0.43 0.30 <0.05

Groupe 7 ans <0.05 0.14 0.38

Nous constatons que seules les réponses données dans deux conditions sont significativement différentes du niveau du hasard. Il s’agit de la condition parce que pour les enfants de 6 ans et de la condition sans connecteur pour les enfants de 7 ans. A 6 ans, les performances des enfants sont mauvaises pour la condition parce que ; les enfants tendent à se

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