Université de Rennes 1 Année 2020/2021 Algèbre commutative et géométrie algébrique
À rendre pour le 30 avril 2021
On pourra utiliser librement tous les résultats obtenus en cours, y compris ceux laissés en exercice. On pourra utiliser à volonté un logiciel de calcul formel à condition de bien indiquer les commandes utilisées. On désigne par k un corps algébriquement clos et on discutera selon la caractéristique de k.
Bon courage.
1. On considère les deux cubiquesC et Dd’équations respectives
X3+Y3−2XY = 0 et 2X3−4X2Y + 3XY2+Y3−2Y2 = 0.
(a) Déterminer leurs composantes irréductibles.
Solution: Si Car(k) = 2, les équations deviennent
(X+Y)(X+jY)(X+j2Y) = 0 et (X+Y + 1)Y2 = 0.
On voit donc que C est composée des trois droites d’équations Y = X, Y = jX et Y = j2X et que D est composée des deux droites d’équations Y =X+1 etY = 0, la seconde étant de multiplicité deux. On va maintenant montrer que C et D sont irréductibles lorsque Car(k) 6= 2. Si le polynôme X3+Y3−2XY n’était pas irréductible, alorsX3+Y3 et−2XY auraient un facteur commun qui serait nécessairementX ouY. Contradiction. De même pour l’autre : s’il n’était pas irréductible, alors ses composantes homogènes 2X3 −4X2Y + 3XY2 +Y3 et −Y2 auraient un facteur commun qui serait nécessairement Y et on aurait Y |2X3. Contradiction encore.
(b) Déterminer les points singuliers de C et de D ainsi que leur multiplicité.
Solution: Si Car(k) = 2, ce sont les points d’intersection des droites. Pour C, on trouve uniquement l’origine de multiplicité 3. Pour D, on trouve le point (1,0) de multiplicité 3 ainsi que tous les autres points de l’axe des X de mulitplicité 2. On suppose maintenant que Car(k) 6= 2. Il résulte du théorème de Bézout qu’une cubique irréductible a au plus un point double (corollaire 5.5.8 du cours). Dans les deux cas, on voit immédiatement que l’origine est un point double (la partie homogène de plus bas degré est de degré 2). C’est donc le seul point singulier et il est double.
(c) Déterminer les équations des tangentes à C et à D en un point P = (a, b).
Solution: Supposons pour l’instant que Car(k) = 2. Les tangentes en un point de C (resp. D) sont exactement les composantes passant par ce point.
Plus précisément, les tangentes à l’origine dans C (resp. au pointP = (1,0) dans D) sont les droites d’équations Y = X, Y = jX et Y = j2X (resp.
Y =X+1 etY = 0). Sinon, c’est à chaque fois l’unique droite passant par ce point. Lorsque Car(k)6= 2, les tangentes à l’origine sont les axes d’équations X = 0 et Y = 0 pour C et l’axe Y = 0 pour D (tangente double). Enfin, si P = (a, b) est un point non-singulier de C (resp. D), il y a une unique tangente d’équation
(3a2−2b)(X−a) + (3b2−2a)(Y −b) = 0 (resp.
(6a2−8ab+ 3b2)(X−a) + (−4a2+ 6ab+ 3b2−4b)(Y −b) = 0).
(d) On suppose que Car(k) = 0. Quelle est la multiplicité d’intersection de C et D à l’origine1?
Solution: Dans sagemath, on entre def intersection_number(F,G):
if F(0,0)!=0 or G(0,0)!=0:
return 0
f=F(x,0);r=f.degree(x) g=G(x,0);s=g.degree(x) if s < r :
F,G,f,g,r,s = G,F,g,f,s,r if F==0:
return Infinity if r==-1:
F=F.quo_rem(y)[0]
v=g.univariate_polynomial().valuation() return intersection_number(F,G) + v a=f.lc();b=g.lc()
G=a*G-b*x^(s-r)*F
return intersection_number(F,G) R.<x,y>=PolynomialRing(QQ)
F=x^3+y^3-2*x*y;G=2*x^3-4*x^2*y+3*x*y^2+y^3-2*y^2 intersection_number(F,G)
On trouve que (C·D)O = 5.
(e) On suppose toujours que Car(k) = 0. Déterminer tous les points d’intersection de C et D ainsi que la multiplicité d’intersection en ces points2.
1. Il est fortement recommandé d’utiliser un logiciel de calcul formel.
2. Idem.
Solution: Dans sagemath, on entre def intersection_points(F,G):
Rx=F.resultant(G,x)
Or=Rx.univariate_polynomial().roots(multiplicities=false) Ry=F.resultant(G,y)
Ab=Ry.univariate_polynomial().roots(multiplicities=false) In =[]
for a in Ab:
for b in Or:
if F(a,b)==0 and G(a,b) == 0:
In = In + [(a,b)]
return In
R.<x,y>=PolynomialRing(QQ)
F=x^3 + y^3-2*x*y;G=2*x^3-4*x^2*y+3*x*y^2+y^3-2*y^2 intersection_points(F,G)
On trouve ainsi trois points d’intersection O = (0,0), P = (1,1) et Q:= (4/7,−8/7)à coefficients rationnelsmais il pourrait y en avoir d’autres à coefficients irrationnels. On entre ensuite dans sagemath
R.<x,y>=PolynomialRing(QQ)
F=x^3+y^3-2*x*y;G=2*x^3-4*x^2*y+3*x*y^2+y^3-2*y^2 F=F(x+1,y+1);G=G(x+1,y+1)
intersection_number(F,G)
On voit donc que (C·D)P = 3. Or on a (C ·D)O = 5, (C· D)P = 3 et (C·D)Q ≥1 et le théorème de Bézout nous assure que
(C·D)O+ (C·D)P + (C·D)Q ≤deg(c) deg(D) = 9.
On en déduit qu’il n’y a pas d’autres points d’intersection et que (C·D)Q = 1.
(f) On suppose toujours que Car(k) = 0. Donner les équations des tangentes àC et à D aux différents points d’intersection.
Solution: Au pointO= (0,0), on trouve les deux droites d’équationsX = 0 etY = 0. Au point P = (1,1), on trouve la droite d’équationX+Y −2 = 0 (tangente aux deux courbes). Pour le point Q= (4/7,−8/7), on peut entrer dans sagemath
R.<x,y>=PolynomialRing(QQ)
F=x^3 + y^3-2*x*y;G=2*x^3-4*x^2*y+3*x*y^2+y^3-2*y^2 Q=(4/7,-8/7)
print diff(F,x)(Q), diff(F,y)(Q), diff(G,x)(Q), diff(G,y)(Q) Ce qui nous donne
FX0 (Q) = 160
49, FY0 (Q) = 136
49 , G0X(Q) = 544
49 , G0Y(Q) = 160 49.
et donc les équations 160
49 (X−4/7) + 136
49 (Y + 8/7) = 0
et 544
49(X−4/7) + 160
49 (Y + 8/7) = 0.
Après simplification, on trouve
20X+ 17Y + 8 = 0 et 17X+ 5Y −4 = 0.
2. SoientP1, . . . , P6 six points distincts situés sur une même conique irréductible C3 (a) Pour i= 1, . . . ,6, on pose Di := (PiPi+1) modulo 6. Montrer que si i6=j, alors
Di 6=Dj.
Solution: Si Di = Dj, alors {Pi, Pi+1, Pj, Pj+1} ⊂ C∩Di et si j 6= i, cet ensemble est constitué d’au moins 3 points distincts. Comme deg(C) = 2 et deg(Di) = 1, il résulte du théorème de Bézout que C et Di ont une composante irréductible en commun, ce qui est impossible car C etDi sont eux mêmes irréductibles et distinct (de degrés différents).
(b) Pour i = 1,2,3, on suppose que Di et Di+3 ne sont pas parallèles et on pose P6+i =Di∩Di+3. Montrer que P6+i ∈/ C.
Solution: Sinon, on aurait
P6+i ∈Di∩Di+3∩C = (Di∩C)∩(Di+3∩C) = {Pi, Pi+1} ∩ {Pi+3, Pi+4}=∅ (c’est Pi+4 modulo 6 ici).
(c) On pose C1 = D1 ∪D3 ∪D5 et C2 = D2 ∪D4 ∪D6. Montrer que C1 ∩C2 = {P1, . . . , P9} et que C1∩C2∩C={P1, . . . , P6}.
Solution: On a
C1∩C2 = (D1∩D2)∪(D1∩D4)∪(D1∩D6)∪(D3∩D2)
∪(D3∩D4)∪(D3∩D6)∪(D5∩D2)∪(D5∩D4)∪(D5∩D6)
={P2, P7, P6, P3, P4, P9, P8, P5, P6}.
La dernière assertion résulte donc de la question précédente.
(d) On écrit I(C) = (F) et pouri= 1,2, I(Ci) = (Fi). SoitP0 ∈C\{P1, . . . , P6}. On poseF0 :=F2(P0)F1−F1(P0)F2 etC0 := V(F0). Montrer que{P0, P1, . . . , P9} ⊂ C0.
Solution: On a bien F0(P0) = F2(P0)F1(P0)−F1(P0)F2(P0) = 0. D’autre part, on sait que pour i = 1, . . . ,9, on a F1(Pi) = F2(Pi) = 0 si bien que F0(Pi) =F2(P0)F1(Pi)−F1(P0)F2(Pi) = 0.
(e) Montrer que C0 est une courbe de degré au plus 3 (et en particulier queF0 6= 0).
Solution: Si F0 = 0, alors F2(P0)F1 = F1(P0)F2. Supposons que F1(P0) = F2(P0) = 0. Alors, P0 ∈C1∩C2 et commeP0 ∈C, on a P0 ∈C1∩C2∩C = {P1, . . . , P6}. Contradiction. On a donc (F1) = (F2) si bien que C1 = C2. Contradiction encore puisque C1∩C2 est fini. D’autre part, il est clair que deg(F0)≤3.
(f) En déduire que que C0 =C∪D ouD est une droite non contenue dans C.
Solution: Puisque deg(C) = 2, deg(C0) ≤ 3 et C∩C0 ⊃ {P0, . . . , P6} est constitué de 7 points distincts, il résulte du théorème de Bézout que C et C0 ont une composante irréductible en commun. CommeC est irréductible, cela veut dire que C ⊂C0. De plus, C (C0 car P7 ∈C0 mais P7 ∈/C. On a donc C0 =C∪D avec D6⊂C si bien que deg(C0) = 3 et deg(D) = 1.
(g) En déduire que P7, P8 et P9 sont alignés (théorème mystique de Pascal).
Solution: Pouri ∈ {1,2,3}, on sait que P6+i ⊂C0 mais que P6+i ∈/ C. On a donc {P7, P8, P9} ⊂D.
3. On dit qu’une application polynomiale ϕ : W → V est finie si le morphisme d’anneaux ϕ∗ :k[V]→k[W] est fini.
(a) Montrer qu’un morphisme d’anneaux surjectif est fini.
Solution: Si u : A B est un morphisme d’anneaux surjectifs et g ∈ B, alors il existe f ∈A tel que u(f) = g, c’est à direg =f1B.
(b) i. Montrer qu’un isomorphisme d’ensembles algébriques est fini.
ii. Montrer que l’inclusion d’un sous-ensemble algébrique dans un autre est fini.
Solution: On sait que siϕ:W 'V est un isomorphisme, alorsϕ∗ est aussi un isomorphisme et donc en particulier qu’il est surjectif et donc fini.
Si i : W ,→ V est l’inclusion d’un sous-ensemble algébrique, alors i∗ : K[W] → k[V] est l’application de restriction qui est bien sûr surjective et donc un morphisme fini.
(c) Soientu:A→B etv :B →C deux morphismes d’anneaux avecufini. Montrer que v est fini si et seulement si v◦u est fini4.
Solution: Par définition, il existe g1, . . . , gr ∈ B tels que tout g ∈ B s’écrive sous la forme g = Pri=1aigi avec a1, . . . , ar ∈ A. Supposons que v soit fini. Alors, il existe h1, . . . , hs ∈ C tels que tout h ∈ C s’écrive sous la forme h = Psj=1bjhj avec b1, . . . , bs ∈ B. Donc, si h ∈ C, on peut écrire h = Psj=1bjhj avec b1, . . . , bs ∈ B. Ensuite, on peut écrire pour tout j = 1, . . . , s,bj =Pri=1ai,jgi avec a1,j, . . . , ar,j ∈A. On en déduit que
h=
s
X
j=1
bjhj =
s
X
j=1 s
X
i=r
ai,jgihj = X
1≤i≤r,1≤j≤s
aij(gihj).
Réciproquement, si c’est v ◦u qui est fini, alors il existe h1, . . . , hs ∈C tels que tout h ∈ C s’écrive sous la forme h =Psj=1ajhj avec a1, . . . , as ∈ A et on a donc aussi h =Psj=1(aj1B)hj.
(d) i. Soient ϕ : W → V et ψ : Z → W deux applications polynomiales avec ϕ finie. Montrer que ψ est finie si et seulement si ϕ◦ψ est finie.
ii. Montrer qu’une immersion fermée est finie.
Solution: On sait que (ϕ◦ψ)∗ = ψ∗ ◦ϕ∗. On voit donc que ψ est finie si et seulement ψ∗ est finie si et seulement si ψ∗◦ϕ∗ est fini si et seulement si ϕ◦ψ est finie.
Par définition, une immersion fermée est la composée d’un isomorphisme et de l’inclusion d’un sous-ensemble algébrique. L’assertion résulte donc des résultats précédents.
(e) Montrer que siu:k →B est un morphisme d’anneaux fini et queB est intègre, alors B est un corps. En déduire que u est en fait un isomorphisme.
Solution: Sif ∈B est non nul, alors la multiplication B →B, g 7→f g est une application linéaire injective puisque B est intègre. Comme B est une algèbre finie surk, c’est un espace vectoriel de dimension finie et l’application linéaire est donc bijective. Cela signifie que B est un corps et c’est donc une extension finie de k. Puisque k est algébriquement clos on a nécessairement un isomorphisme k 'B.
(f) Soitϕ:W →V une application polynomiale avec W irréductible et V réduit à un point. Montrer que ϕest finie si et seulement si ϕest un isomorphisme si et seulement si W est réduit à un point.
Solution: Supposons queϕ:W →V est fini. On ak[V] =k et, puisqueW est irréductible, k[W] est un anneau intègre. L’applicationϕ∗ :k[V]→k[W] est donc un isomorphisme et il suit que ϕ est aussi un isomorphisme. On continue : si ϕ est un isomorphisme, il est bijectif etW et donc réduit à un point. Enfin, siV etW sont tous les deux réduits à un point, alorsϕest une immersion fermée et donc finie.
(g) On suppose queV est réduit à un point. Montrer qu’une application polynomiale ϕ:W →V est finie si et seulement siW est un ensemble fini.
Solution: Soient W1, . . . , Wn les composantes irréductibles de W. Sup- posons que ϕ est finie. Par composition, l’application Wi ,→ W → V est aussi finie et Wi est donc réduit à un point Qi. Réciproquement, si W = {Q1, . . . , Qn} est fini, alors k[W] ⊂ kn (on a même égalité) est de dimension finie et donc fini.
(h) Montrer que si ϕ:W →V est un morphisme fini et P ∈ V, alors Z :=ϕ−1(P) est un ensemble fini.
Solution: L’application polynomiale composée Z ,→ W → V est finie comme composée d’application polynomiales finies. Or c’est la même chose que l’application composée Z → {P} ,→ V et comme l’inclusion {P},→ V est finie, l’application Z → {P} est finie. Il suit que Z est un ensemble fini.
(i) i. La projectionpde la courbe C d’équation Y2 =X3−X sur l’axe desX est est-elle un morphisme fini ?
ii. Même question avec la courbeC d’équation XY = 0.
iii. Même question avec la courbeC d’équation XY = 1.
Solution: Dans le premier cas, on considère le morphisme d’anneaux k[X]→k[C]'k[X, Y]/(Y2 −X3 +X).
Il résulte de la division euclidienne que tout f ∈ k[C] s’écrit (de manière unique) sous la forme F(x) +G(x)y avec F, G ∈k[X] (ou x et y désignent les restrictions deX etY à la courbe). On voit donc quepest un morphisme fini.
Dans le second cas, p−1(O) est l’axe des Y qui est un ensemble infini. Il suit que p n’est pas fini.
Le dernier cas est un peu plus difficile. On considère maintenant le morphisme d’anneaux
k[X]→k[C]'k[X, Y]/(XY −1).
On remarque tout d’abord que celui-ci est injectif : en effet, si F ∈k[X] et (XY −1) | F(X) alors F = 0. Maintenant, on se donne g1, . . . , gr ∈ k[C].
On peut écrire pour tout i = 1, . . . , r, gi = Pdj=0Gij(x)yj avec Gij ∈ k[X]
(et d suffisamment grand). Alors, je prétends qu’on ne peut pas écrire yd+1 = Pri=1Fi(x)gi avec Fi ∈ k[X]. En effet, en remarquant que xy = 1 dans k[C], on a d’une part
xd+1yd+1= (xy)d+1= 1 et on aurait d’autre part
xd+1yd+1 =xd+1
r
X
i=1
Fi(x)
d
X
j=0
Gij(x)yj
=
d
X
j=0 r
X
i=1
Fi(x)Gij(x)xd−j+1.
Puisque le morphisme k[X]→k[C] est injectif, on aurait aussi
d
X
j=0 r
X
i=1
Fi(X)Gij(X)Xd−j+1 = 1.
Contradiction (car le polynôme n’a pas de terme constant).