EFFET DU NOMBRE DE SPERMATOZOÏDES MOBILES
UTILISÉS PAR INSÉMINATION, SUR LE POUVOIR
FÉCONDANT DU SPERME CONGELÉ DE TAUREAUX
M. GOFFAUX J. C. TOURNEUR,
Laboratoire de la
Physiologie
de laReprod C tction,
Centre national de Recherches zootechniques,
Jouy-en-Josas (Seine-et-Oise)
SOMMAIRE
Seize
éjaculats
provenant de 9 taureaux Charolais ont été dilués dans un milieu lait écrémé-glycérol
etcongelés
selon unprocédé classique
au moyen d’un bain d’alcool refroidi à l’aide deglace carbonique. Chaque
éjaculat a été divisé en 3 fractions d’égal volume contenantrespectivement
2¢, 3c et 40millions de
spermatozoïdes
mobiles par millilitre avant congélation, nombres réduits à II,O 14,2et 18,3millionsaprès congélation.
Huit cent soixante-dix doses
(ampoules)
en moyenne ont étéemployées
pour chacun des traitements. Les pourcentages de non-retours à 00-120jours
ont été respectivement de 6i,6--6z,c!- 66,5
. Seule la différence entre les résultats obtenus avec ii,o et 18,3 millions de spermatozoïdes
mobiles
après congélation
estsignificative
(P < 0,05). La tendanceindiquée
montre quel’emploi
du sperme
congelé
en insémination bovinerequiert
la présence, au moment de l’intervention, d’unnombre de
spermatozoïdes
mobiles par dose sensiblementsupérieur
à la valeur minimum recom-mandée
lorsque
le sperme est utilisé à l’état frais.INTRODUCTION
Il est connu
depuis longtemps qu’on peut
réduire le nombre total de sperma- tozoïdes de taureau utilisés à l’état frais à moins de 20 millions par insémination(S AW s B U R y
, ig6i)
et récemment FOOTE etD UNN , ( 19 6 2 )
ont obtenu des pourcen-tages
de non-retourségalement
élevés avec des doses de semence conservées pen- dant 3jours
etcontenant
5 ou io millions despermatozoïdes
mobiles au condi-tionnement.
On
peut
se demander s’il estpossible
degénéraliser
ces conclusions à l’utili- sation du spermecongelé, compte
tenu du seul nombre despermatozoïdes
mobilespar dose au moment de
l’insémination, puisque
ni lalongévité,
ni l’activité méta-bolique
duspermatozoïde
mobileaprès congélation
ne sontéquivalentes
à celles deson
homologue
noncongelé (O’D»!,!,
etA LMQU IST, y 58 ;
SULLIVANet MIXNER,19 6 3 ).
E RIC
xsox et GRAHAM
(ig5g)
constatent que des doses de semence renfermant 30 millions despermatozoïdes
mobiles avantcongélation
montrent unpouvoir
fécondant
significativement supérieur
à cellesqui
n’en contiennent que 10 millions.Cependant,
EMMENS et MARTIN( 19 6 1 )
n’observent aucune différence dans lepouvoir
fécondant de dosesapportant
13,3- 20ou 30 millions despermatozoïdes
totaux par insémination.
L’expérimentation rapportée
ici a été réalisée pouréprouver
l’effet de 3 concen- trations despermatozoïdes
mobiles avantcongélation,
voisines du maximum( 30
mil-lions)
cité dans labibliographie.
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Le dilueur
employé
est le même que celui décrit précédemment(G OFFAUX ,
r964). La compo- sition finalecomprend,
pour ioo ml : lait (écrémé reconstitué contenant iog de
matière sèche pour go gd’eau),
go ml ;glycérol,
10ml ; fructose, 1,25 g ;pénicilline,
45.00o UI ;dihydrostreptomycine
45 ing.
Après
sélection, 16éjaculats
provenant de 9taureaux de race Char,,laise ont été utilisés, cha-cun résultant le
plus
souvent dumélange
de 2 échantillons de semence. Seuls ont été retenus pour lacongélation
leséjaculats
montrant un pourcentage despermatozoïdes
mobilesaprès glycéroli-
sation égal ou supérieur à 50p. 100et apportant au minimum 6 milliards de spermatozoïdes totaux.
Les
éjaculats
montrant moins de 20 p. 100 de spermatozoïdes mobilesaprès
congélation ont étééliminés ainsi que ceux pour
lesquels plus
des 2/3 desspermatozoïdes
ont été inactivés au coursde
l’opération.
Chaque éjaculat
utilisé a étépartagé,
i heure 3oaprès glycérolisation,
en 3 fractionsd’égal
volume contenant
respectivement
z4, 31 et 4o millions despermatozoïdes
mobiles par milli- litre, et conditionné enampoules
par doses de i millilitre. Le tempsd’équilibration
a été fixé à 4 heures. Lescongélations
ont été réalisées au moyen d’un bain d’alcool refroidi à l’aide deglace carbonique
à raison de iOC/mn entre -!- 4°C et - r5oC et de5 O C/inn
entre - 150C et - 7oOC.Les doses ont été conservées à - 196°C
pendant
3 à 8 mois.Quatre
inséminateurs,préalablernent
entraînés à la
manipulation
de sperme congelé, ont reçu, à 6 ampoulesprès,
le même nombrede doses à inséminer pour
chaque
récolte etchaque
traitement. Poursimplifier
leur travail, l’en-semble de la semence congelée a été divisée en
3 lots
utilisés successivement,chaque
lot corres-pondant
aux doses relatives à 3 taureaux. La tenue àjour
d’un état de la semence en stock apermis
l’utilisation
quasi
simultanée des doses des3 traitetnents
pourchaque
taureau, évitant toute erreur dûe à d’éventuelles interactions entre traitement etpériode
d’utilisation ou entre traitement, tau- reau etpériode
d’utilisation.RÉSULTATS
La
qualité
du sperme inséminé estprésentée
dans le tableau i et le tableau 2indique
les données relatives aupouvoir
fécou3ant de la semence pour chacune des 3 concentrations despermatozoïdes
mobiles étudiées.Malgré
la sélection exercée avant etaprès congélation (sur
50 échantillons de semencerécoltés,
35 ont étécongelés
et 30ont été finalement retenus en vue del’insémination)
leséjaculats
utilisés montrent une chute dupourcentage
de sper- matozoïdes mobilessupérieure
à celle habituellement constatée au cours del’opération.
Le
pourcentage
de non-retours à 90-120jours
varie trèssignificativement
selonles taureaux
( X 2
= 25,7pour 8 DI,)
et s’élèvelorsqu’on augmente
le nombre despermatozoïdes
mobiles par dose avantcongélation : 6 1 ,6
p. 100 pour 24 millions62,
9
p. 100pour 31millions, 66,5
p. 100pour 4o millions.Cependant, d’après
la valeur trouvée pour la sommedes X 2 particuliers
àchaque
taureau,
la classification des inséminations selon les 3 traitements neparaît
pascontredire
l’hypothèse
del’homogénéité
dupouvoir
fécondant des doses utilisées(tabl. 31 ).
Un outre, la valeurde x 2
calculée sur les totaux montre que les pour-centages
de non-retours relatifs aux inséminationscorrespondant
aux 3 traitementsne diffèrent pas
significativement. L’hétérogénéité
normaleindique
que les doses de semenceparaissent
avoir étéemployées
dans des conditions satisfaisantes.Toutefois, lorsqu’on
ne considère que les inséminations réalisées àpartir
desdoses contenant 24 ou 40 millions de
spermatozoïdes
mobiles avantcongélation
(tabl. 32 ),
la nouvelle valeur de!2
calculée sur les totaux montre que les 2 traite- mentsopposés
ont des effetssignificativement
différents(P
<0 , 05 ).
La
répartition
deséjaculats
en 3classes, d’après
lepourcentage
moyen de non-retours pour chacun
d’eux,
nepermet
pas d’affirmer que les traitements ont uneffet
plus marqué
sur leséjaculats
montrant unpouvoir
fécondant inférieur à unecertaine limite.
En
revanche, malgré
lepetit
nombre d’inséminations par groupe, la classifi- cation deséjaculats
selon lepourcentage
de réanimation( 1 ) paraît indiquer
que l’effet du nombre despermatozoïdes
mobilesaprès congélation
n’est sensiblequ’au-dessous
d’un
plafond
situé entre 10et 15 millions(tabl. 3!).
COXCLUSIOX
Les 3 nombres
despermatozoïdes
mobiles avantcongélation comparés
danscet essai ont été choisis de telle sorte que l’un d’eux soit nettement
supérieur
aunombre de 30 millions par
millilitre,
maximuméprouvé
dansl’expérimentation
d’Eni
CKSON et GuAHAM
(y 5 < 3 )
et nombregénéralement
considéré commeoptimum.
Toutefois,
en raison de la chute anormalementimportante
dupourcentage
de sper- matozoïdes mobiles au cours descongélations
réalisées dansl’expérimentation pré-
sentée
ici,
les 3 traitementsessayés
se retrouvent exactement dans la zone étudiée par ces auteurslorsqu’on
lesdistingue
par le nombre despermatozoïdes
mobilespar millilitre
après congélation. Afin
d’éviter touteambiguïté
dans l’énoncé desrésultats,
ce dernier caractère semble donc devoir être retenu depréférence
aunombre total de
spermatozoïdes
ou au nombre despermatozoïdes
mobiles par mil- lilitre de semence avantcongélation.
La
grande dispersion
du nombre despermatozoïdes
mobilesaprès congélation
dans les doses relatives à un traitement donné et le
large entpiètement réciproque
des 3
populations
d’inséminationqui
en résulte(tabl. r) paraissent
avoir eu 2 consé-quences
opposées
contrariant la détermination des effets des traitements :I)’une
part
le chevauchement despopulations
d’inséminations estcapable d’expliquer
l’absence de différencesignificative
entre les 3 traitements considérés dans leur ensemble.Mais d’autre
part,
cettedispersion
s’est traduite par l’abaissement du nombre despermatozoïdes
mobilesaprès congélation
au-dessous de 10 millions pour le tiers des doses du traitement le moinsfavorable ;
l’examen du tableau 3suggère
quece seul fait a pu
entraîner
la constatation d’une différencesignificative
entre les2 traitements extrêmes.
I,e mode de classification des
éjaculats
selon lepourcentage
de réanimation semble reposer sur un critèreambigu,
à la foisqualitatif (aptitude
à subir lacongé- lation)
etquantitatif (nombre
despermatozoïdes
mobilesaprès congélation).
Toutefois, lorsque
le nombre despermatozoïdes
mobiles par dosedépasse
10à 15 millionsaprès congélation,
l’examen du tableau 3:, montre que lepouvoir
(i) Pourcentage de réanimation : Rapport du nombre de spermatozoïdes mobiles après congélation au
nombre de spe!matozo,des rn.!biles avant congélation.
fécondant est assez peu lié:au
pourcentage
de réanimation et quel’aspect quanti-
tatif du critère est déterminant dans cette
expérimentation.
L’ensemble de ces résultats
paraît
confirmer ceux d’ERicxsorr et GRAHAMmontrant une différence presque
significative
entre lepouvoir
fécondant des doses contenant 7ou 14 millions mais pas de différence entre les doses contenant y ou21 millions de
spermatozoïdes
mobilesaprès congélation.
Il demeure toutefois que le nombre minimum de
spermatozoïdes
par dose de spermecongelé
se situe assez nettement au-dessus du nombre de 5 millionsindiqué
par FOOTE et DurrN
( 19 6 2 )
pour le sperme frais dilué en C. U. E. Cesrésultats,
s’ilsse
confirment,
montrent doncqu’il
est nécessaire de compenser parl’apport
d’uneplus grande quantité
decellules,
laqualité
inférieure desspermatozoïdes
mobilesaprès congélation.
Reçu pour
publicatiora
enjuillet
1965.REMERCIEMENTS
Ce travail a pu être effectué
grâce
à un fonds de concours de l’U·N.C.E.LA. et à l’aimable collaboration de l’administration et dupersonnel
de laCoopérative d’Élevage
et d’Insémination de la Loire(Montrond-les-Bains), organismes auquels je
tiens àexprimer
mesplus
vifs remerciements, SUMMARY
EFFECTS uF MOTILE INSEMINATED SPERM NUMBER ON THE FERTII,IZING ABILITY OF FROZEN BULL SPERM
Sixteen
ejaculates
from 9 Charolais bulls were diluted in askimmilk-fructose-glycerol
extenderand
classicaly
frozen by means of an alcool-bath and crusheddry-ice.
I3eforeampulling,
each ejaculatewas divided into 3
portions
ofequal
volume containingrespectively
24, 31 and 40 millions motile sperms per milliliter. The inseminations were doneby
four technicians, each of themreceiving
the same number of racks for each
ejaculate
and each treatment.Of the overall nurnber of 2602 first services, 866 were made with 24million, 848 with 3r mil-
lions, 888 with 40 millions motile sperms before
freezing.
Thecorresponding
non-return rate for go-rzodays
were 61.6-62.9and 66.5respectively. Only
the difference between the 24 million and the 40 million lots wassignificant (1’
<o. 05 ).
Because of the
deep
fall in the percentage of motile spermsduring
thefreezing
process,possibly owing
to the fact that no selection onfreezability
had beenpreliminarily
made, the 3 treatmentsexpressed
in terms of numbers of motile sperms afterfreezing,
come down to 11.0 ; 14.2 and 18-3.The trend indicated
by
theexperiment
agrees with theprevious
report of ERICKSON and GRA-HAM
( 1959 )
and shows that the minimum sperm numberrequired
for an insemination isdefinitely higher
when frozen semen is used ascompared
with fresh semen.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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