Les Séquelles de brûlure du membre inférieur
Dr Mahrouch El Mehdi
Service de chirurgie réparatrice, plastique et brulé CHU Mohammed VI, Marrakech
17 décembre 2020
Introduction
On définit les séquelles de brulure comme étant la conséquence d’une destruction liée à la brulure et qui persiste après six mois d’évolution pouvant être d’origine proliférative ou directe par destruction tissulaire
On distingue les séquelles conjonctives et épithéliales.
Le Tableau clinique est variable allant de la bride localisée au placard cicatriciel majeur. Les circonstances de la brûlure, la profondeur, la localisation et le traitement initial conditionnent les séquelles.
L’intérêt de la question est que :
- Elles restent malheureusement fréquentes
- Elles entrainent un retentissement fonctionnel lorsqu’elles touchent les articulations
- Les méthodes de traitement sont nombreuses et le choix dicté par classification clinique ++
- La rééducation du brulé fait partie intégrante du traitement
- La prévention restera le moyen le plus efficace pour lutter contre ces séquelles.
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I. Introduction
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II. Généralités et rappel 1. Histologie de la peau
2. Physiopathologie et constitution des séquelles 3. Anatomie
4. Etiopathogénie
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III. Etude clinique 1. Examen clinique (TDD) 2. Etude Paraclinique
3. Formes cliniques
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IV. Traitement 1. But et principes 2. Moyens
3. Indications
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V. Rééducation fonctionnelle
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VI. Prévention
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VII. Conclusion
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II. Généralités et rappel 1. Histologie de la peau
Figure 1 : Histologie de la peau
• Les Brûlures superficielles
= Respect de la couche basale ; réépithélialisation harmonieuse et régulière par les kératinocytes de la MB ---> Cicatrisation < 15 jours par le fond de la brûlure = Séquelles minime
• Brûlure Profonde= Destruction du derme et épiderme ; Cicatrisation
possible par les berges (durée augmentée et bourgeon) = Séquelles variable/ spectaculaire parfois ++
2. Physiopathologie et constitution des séquelles
La séquelle de nature conjonctive se crée par l’intermédiaire du tissu de
granulation, ou bourgeon pathologique qui est composé d’une matrice de
fibres de collagène désorganisée.
Figure 2 : Constitution de la séquelle majeure
Figure 3 : Evolution de la cicatrisation
On distingue une phase proliférative : 6 mois ; une phase de maturation : 6mois - 2 ans ++ : Pas synonyme de guérison !! = Arrêt de l’inflammation + stabilité ++ ; elle survient en moyenne à 18 mois. Evaluation = souplesse / absence d’érythème.
Plusieurs facteurs de risques sont incriminés dans la survenue des séquelles de brulures :
- Sexe : Masculin ++
- Brûlures profondes (2
e/3
e) : destruction total dermo-epidermique =
Fibrose ++
- Environnement sous tension : la traction sur une zone fonctionnelle =va favoriser la Rétraction
- Terrain prédisposé ++ (Phototype)
- Cicatrisation dirigée > 12 j = Risque d’hypertrophie important - Cicatrisation dirigée > 21j = incontournable
- Le traitement initial ++ = Avulsion jusqu’à l’aponévrose !! Greffe de peau mince ;
2. Particularité anatomique de chaque région du membre inférieur
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La cuisse :
Elle est limitée par = région inguinale en haut - Périnée en haut et en dedans
La peau de la cuisse est mobile dans les 3 dimensions, elle possède un tissu cellulaire sous cutané qui contient les nerfs sensitifs provenant du nerf génito- crural. La cuisse est constituée de loge musculaire et cette organisation fait qu’une séquelle circulaire du membre peut entrainer un conflit entre contenant et contenu et provoquer au maximum un syndrome de loge qu’il faudra guetter.
Ø
Le genou :
Sa peau est fine en pré patellaire et en postérieur
- Le plan tendineux : tendon biceps fémoral, tendon ischiojambier, 2 gastrocnémien en bas
- Recouvert de l’aponévrose postérieur : double lame fine sous laquelle chemine le pédicule vasculo-nerveux
Ø
La jambe :
La peau est fine en antérieur, sur le relief osseux - Aponévrose jambière
- Loge musculaire inextensible : Syndrome de loge si séquelle circulaire !
Ø
Cheville/Pied :
Peau : mince ++ direct sur le relief osseux/tendineux
Pied : Déformation variable selon importance de la rétraction
Plan tendineux : long extenseur des orteils + hallux = chemine sous le retinaculum des extenseurs en avant
- Tendon d’achille ++ en postérieur 3. Anatomie fonctionnelle
- Rôle : station debout, marche, accroupissement, port de charge - Grande mobilité cutané dans les 3D
- Peau du membre inférieur = sollicité par les mouvements en
« irradiation » (racine des membres)
- Placard cicatriciel rétractile ---
àMobilité articulaire = Croissance compromis
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A la Jambe : - séquelle circulaire = compression : Syndrome de loge !!
Une séquelle autour de la tête fibulaire peut parfois provoquer une paralysie de la sciatique poplitée externe ++
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A la Cheville/Pied : La rétraction et l’équin du pied vont entrainer un retentissement sur la marche
- Hyperextension+ griffe des orteils
Chez l’enfant en croissance, la peau est plus fine et plus élastique que chez l’adulte. Les séquelles de brulures peuvent entrainer un retard de croissance osseuse ; déformation articulaire ; rétraction en flexion (Genou) ; voire une asymétrie du bassin. L’objectif chez lui sera de toujours apporter précocement un tissu cutané de bonne qualité ++
4. Etiopathogénie - Etiologies :
Fréquente dans notre contexte, le plus souvent au cours d’un accident domestique
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Adulte : Flamme de butane ; Contact solide : Chute bain maure (postérieur) ; Electrique : Vraie +++
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Enfant : Ebouillantement prédomine ++
- Classification des SDB :
Figure 4 : Classification des séquelles de brulure
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III. Etude clinique
1- TDD = « Bride rétractile du creux poplité chez l’enfant »
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Interrogatoire : il va préciser - Age
- Antécédents : Vasculaire (HTA, Diabète), Epilepsie, Traumatisme du membre inférieur mode de vie (sportif ?), psychiatrique
- Brulure initiale : Date, mécanisme, profondeur
- TTT initial +++ = Excision/ Avulsion aponévrotique +=, délai de cicatrisation
> 21j ; surinfection ? greffe cutanée ? rééducation ?
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Examen de la séquelle :
- Apprécie : Bride isolé ou placard rétractile ++ ; attitude antalgique, déplacement des repères anatomiques, état des plis naturels blanchiment
; aspect inflammatoire ; Ulcération,
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Palpation ++ = Cordon dure/ Souple ? induration ;
- Étirement cicatriciel direct / divergent / torsion
- « Palper-rouler » = manœuvre de décollement des plans profonds (adhérence)
- Structure : aspect en résille (greffe) ; surface inhomogène - Pigmentation : dyschromie ; hyperkératose
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Examen du membre complet :
- Cuisse : qualité peau, laxité ++ ; Genou : ulcération chronique ? Creux poplité : bride localisé (latéral ou non), placard ; Cheville : tendon d’achille
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Examen fonctionnel complet ++
Le bilan lésionnel doit répondre à 3 questions :
- S’agit-il d’une composante cutanée seul ? - Atteinte tendineuse ou osseuse associée ? - Quand opérer ?
2- Bilans paracliniques :
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Radio standard : Genou/ cheville = tendons ? Articulation
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TDM / IRM : articulation
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Préopératoire : CPA/ VPA - Bilan biologique complet - Groupage : Saignement ++
3- Formes cliniques :
vSelon la localisation
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Cuisses : localisé, antérieur ou post / circulaire, ou en « coup de hache »
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Jambes : brides antérieur/ post, étendu d’une zone fonctionnelle à une
autre ++
Figure 5 : Séquelle en coup de hache a la cuisse ; séquelle de la face antérieure de la jambe allant du genou a la cheville
¡ Cheville :
- Raccourcissement tendineux (rare)
- Tendon d’achille exposé ? anticiper la couverture
¡ Pied :
- Bride dorsal = hyperextension des métatarso-phalangiennes - Bride plantaire : Hyperflexion des orteils
- 5e doigt
Ces séquelles du pied sont responsable à long terme de déformations variables = Equin ; Varus, Valgus, Equino Varus
Figure 6 : Principales déformations du pied après séquelles de brulures : Equin,Varus,Valgus,Equino Varus
v
Séquelles majeurs :
• Cicatrices hypertrophiques et chéloïdes :
- cicatrisation de brulures profondes « négligées » - rôle du terrain racial et individuel
- hypertrophie = plus fréquentes
- les chéloïdes vraies = rares, évolution non limitée dans le temps - récidives très fréquentes +++
• Rétractions :
- Formes spectaculaires = Flexion complète jambe/Pied
- Aggravées par les rétractions capsulo-ligamentaires et tendineuses
• Atteintes tendineuses :
- destruction directe lors de la brûlure ou souvent secondaire aux adhérences fibreuses avec le tissu péritendineux
- Déformation = en flexion si creux poplité ; Raccourcissement du tendon d’achille
• Atteintes osseuses / articulaires : destruction directe avec ouverture articulaire ou une ankylose par rétraction de l’appareil capsulo-ligamentaire
Figure 7 : Séquelle de brulure majeur du membre inférieur avec atteinte tendineuse en flexion du genou
• Amputations :
- carbonisation ou ostéoarthrite chronique secondaire - problèmes fonctionnels et surtout esthétique ++
• Dégénérescence : « Ulcère de Marjolin » : 0,5 à 2% des épidermoïdes se développent sur des cicatrices de brûlures. Le membre inférieur est le lieu de préférence des ulcères de marjolin !! Toujours penser à faire une biopsie devant une ulcération chronique ++
v Séquelles mineurs : on distingue =
• Prurit : 1ers mois +++, lésions de grattage
• Hypersensibilité au chaud et au froid : amélioration avec le temps
• Dyschromie : hypochromie/hyperchromie plus visible sur les peaux noires v Selon le terrain :
- Sujet âgé +++ ; Tabagisme chronique : impact sur la cicatrisation ; AVP : lésion associée ? (Polytraumatisme) ; Neurologique : - Paraplégie
- Epilepsie : Brulure contact ++
- Psychiatrique : conditionne le traitement et la gestion post opératoire
IV. Traitement 1. But et principes
- Rétablir une fonction normale
-Relâcher la tension/ rétraction + apporter une peau saine - Permettre un développement normal chez l’enfant
-Permettre une bonne rééducation fonctionnelle + réinsertion social
Il faudra toujours essayer de respecter 6 principes fondamentaux dans le traitement des séquelles de brulures du membre inférieur :
- 1- Attendre la maturation cicatricielle (12-24 mois) - 2- Priorité : Plastie locale (si capital cutané)
- 3- Enfant : Apport cutané avant le développement
- 4- Anticiper une exposition de structure noble (post débridement)
- 5 - Si association : Intégrer chaque geste dans un Planning de reconstruction ++
- 6- Penser à l’ulcère de marjolin : si ulcération chronique !!
2- Moyens :
Non chirurgicaux :
- Objectif : réduire les symptômes associés aux séquelles
- Avant la chirurgie si séquelle mineur / après la chirurgie pour consolider un résultat +++
- Préssothérapie : Rigide/ Elastique (Vêtement compressif) ; Corticothérapie locale : injection intra cicatriciel ++ ; Silicone : plaque (surface limité) ou Gel ; Crénothérapie : au stade initial de la cicatrice ; Soin cosmétologique : Laser, relissage cutanée - Injection : PRP, cellule souche….
Chirurgicaux :
- Plastie locales :
Elles sont basées sur le plexus dermique et nécessite une réserve cutanée transversale. Leur rapport longueur/ Largeur ne doit pas dépasser < 1,5. Le décollement est cutanéo-graisseux.
- Plastie en Z/ Trident / VW
- Lambeau en IC : utile pour pied, creux poplité ++
¡ Avantages : simple, texture cutanée identique ; pas de dissection pédiculaire.
¡ Inconvénients : Nécessite capital cutané intact
Figure 8 : Placard cicatriciel du creux poplité : Lambeau en IC
- Expansion cutanée
Une prothèse est placée sous une large zone de peau saine, le plus souvent à la cuisse : loin du pli de flexion de la hanche. Le cycle opératoire est long en moyenne 2-3 mois.
Le remplissage est hebdomadaire et il permet à terme d’effectuer un lambeau d’avancement expansé = Cuisse ++
¡ Avantages : Apport de peau saine + grande surface (enfant++) ;
- Excision/Greffe
Dans le cas ou le sous sol bien vascularisé + Absence d’exposition d’éléments nobles, soit :
¡ Greffe peau totale = Résultat fonctionnel plus stable ; Bon aspect esthétique ; Difficultés de prise sur le sous-sol ; Faible capital cutané prélevé ; embrochage si pied
¡ Greffe peau mince = Excellente prise ; Rétraction secondaire, finesse et fragilité ; Immobilisation en position de capacité cutanée maximale
Figure 9 : Libération et greffe de peau totale pour bride rétractile avant pied
- Derme Artificiel
C’est une membrane bicomposite avec couche dermique poreuse tridimensionnelle. Elle apporte un néoderme souple, élastique. Son intégration au sous sol se fait en 3 semaines puis greffe de peau mince
¡ Pour qui ? : Placard étendu ++ / lorsque capital cutané insuffisant
¡ Avantages : simple, évite le sacrifice d’un lambeau
¡ Inconvénient : 2 temps opératoires (3 semaines) ; coûteux +++/ risque infectieux ++
- Lipofilling
Devant une dépression cicatricielle ; Aspirer excèdent + injecter pour combler
¡ Quand ? Placard souple / bride « en coup de hache »
¡ Améliore trophicité locale ++
- Lambeau fascio-cutané de jambes Ø Lambeau Saphène interne
- Basé sur les perforantes musculo-cutané du pédicule tibial postérieur. Il emporte la veine G saphène et le nerf sural. Ce lambeau est indiqué devant une exposition tendineuse ou vsx-nerveuse du creux poplité ou de la rotule.
Ø Lambeau saphène externe
Figure 10 : Bride rétractile du creux poplité : Lambeau saphène externe
- Lambeau jumeau interne
¡ Musculaire (type III) / Chef médial
¡ Ulcération chronique prépatellaire ++
¡ Exposition 1/3 sup tibia ; 1/3 moyen de la jambe
- Autres lambeaux régionaux : Droit fémoral ; Vaste externe = PDS genou importante - Lambeau perforant de cuisse
3. Indications
Cuisse
Genou/Creux poplité/Jambes
¡ Ulcération chronique : PRP, Cellule souche, Graisse
¡ Ulcère de marjolin : exérèse avec marges emportant une barrière anatomique saine +/- curage ganglionnaire si N+
¡ Hypertrophie localisé : Injection corticoïde locale ++/Compression +++
¡ Dyschromie/ Dysesthésie : résection itérative / Laser Planning thérapeutique =
- Attendre la maturation cicatricielle (sauf retentissement majeur) - Si association de séquelle : privilégier les zones fonctionnelles +++
- Traiter en priorité les séquelles avec retentissement fonctionnel ++
¡ V. Rééducation fonctionnelle
¡ Objectif = Rétablir une mobilité articulaire adéquate ; Prévenir / Consolider un traitement chirurgical ; Permettre une réinsertion socio-professionnelle du patient ++
Ø Cuisse : - Compression manuelle difficile (forme conique vers le bas) - pression élastique (vêtement sur mesure) ++
Ø Genou: - sport --à étirement maximum: souvent impossible - séquelle circulaire : risque thrombogène ++
- vêtement compressif + surélévation œdème Ø Jambe : - Massif osseux saillant
- compression doit être suffisante sans excès +
Pied/Cheville
Ø Cheville / pied : - difficile à traiter
- orthèse : comprime le tendon tricipital + éviter les contraintes sur l’avant pied
¡ VI. Prévention primaire
¡ Celle de la brulure !
¡ Sécurité bombonne de gaz
¡ Education famille : liquide chaud ++
¡ Campagne de prévention ++
¡ VI. Prévention secondaire
¡ Excision initiale : Econome ++++ préserver les tissu sains (Aponévrose) ++
¡ Pas de traction intempestive sur bride en constitution
¡ Court-circuiter le bourgeonnement ++ = Excision/greffe précoce
¡ Immobilisation : Attelle/ orthèse ++
¡ Installation posturale + verticalisation : éviter l’ankylose
¡ VI. Prévention tertiaire
¡ Préssothérapie : Réduire l’apport métabolique aux fibroblastes et limiter son évolution= Rigide/ Elastique (Vêtement compressif)
¡ Corticothérapie locale : injection intracicatriciel ++
¡ Silicone : plaque (surface limité) ou Gel
¡ Douche filiforme ++
¡ Crénothérapie : au stade initial de la cicatrice
¡ Soin cosmétologique : Laser, relissage cutané
¡ Protection solaire ++
Conclusion : A RETENIR
- Demande de traitement : lié aux problèmes fonctionnels (articulaires) - Prendre en compte la croissance chez l’enfant
- Planning thérapeutique
- TTT initial conditionne les séquelles = Respectez les principes ++
- Avant de traiter la séquelle : tjrs penser à l’ulcère de Marjolin - Prévention primaire : prévenir la brulure !