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Responsabilité civile LCR : l'obligation d'assurance

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Master

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Responsabilité civile LCR : l'obligation d'assurance

PICOT, Caerellia

Abstract

Pas moins de 63'245 accidents de la route, avec dommages corporels ou matériels, ont été enregistrés en Suisse en 2007. Ce nombre important d'accidents génère des frais considérables pour la société. Les coûts s'élèvent à plus de 5 milliards de francs suisses par an. Dans ce contexte, la problématique de la réparation des dommages engendrés s'avère cruciale. Fort de ce constat, le législateur a instauré un régime spécial de responsabilité civile en matière de circulation routière et a introduit le principe d'une obligation d'assurance. Ce dernier principe est au coeur de notre recherche. La fonction de l'obligation d'assurance, la nature juridique de l'assurance RC obligatoire, son champ d'application, l'identité du preneur d'assurance ainsi que celle des personnes couvertes, l'étendue de la couverture obligatoire et les possibilités d'exclusion de certains dommages ou encore la mise en pratique et le contrôle du respect de cette obligation seront notamment évoqués. Les conséquences d'une éventuelle violation de l'obligation d'assurance LCR seront également examinées. Auprès de qui le [...]

PICOT, Caerellia. Responsabilité civile LCR : l'obligation d'assurance. Master : Univ.

Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:16858

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SÉMINAIRE DE DROIT DES OBLIGATIONS

« RESPONSABILITÉS LCR »

Sous la direction du Prof. Sylvain Marchand

L’OBLIGATION D’ASSURANCE

CAERELLIA PICOT

caerellia.picot (at) gmail.com

Année académique 2009-2010

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TABLE DES MATIÈRES

I. Introduction 4

II. Généralités 5

A. Législation applicable 5

B. Responsabilité civile et obligation d’assurance 5

C. Historique de l’obligation d’assurance 6

III. Obligation d’assurance 7

A. Principe de l’obligation d’assurance et preneur d’assurance 7

a. Base légale 7

b. Nature juridique de l’assurance RC obligatoire 7

c. Preneur d’assurance 8

B. Étendue de l’obligation d’assurance 9

a. Véhicules visés par l’obligation d’assurance 9

aa. Notion générale 9

ab. Trolleybus 10

ac. Véhicules et courses de vitesse 10

ad. Dispenses de l’obligation d’assurance 11 ae. Véhicules des cantons et de la Confédération 11 b. Personnes couvertes par l’assurance RC obligatoire 11

ba. Détenteur 11

bb. Conducteur 12

bc. Auxiliaires 13

bd. Passagers 13

c. Dommages couverts par l’assurance RC obligatoire 14

ca. Dommage corporel et matériel 14

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cb. Dommage économique 15

cc. Tort moral 16

cd. Autres postes dédommagés 16

ce. Montants couverts 17

d. Limitation de couverture et exclusions de prétentions 18

da. Exclusions de l’art. 63 al. 3 LCR 19

db. Autres exclusions contractuelles 21

C. Aspects organisationnels et mise en pratique de l’obligation d’assurance 22

a. Assureurs 22

b. Contrôle du respect de l’obligation d’assurance 22 c. Non-respect de l’obligation d’assurance et sanctions pénales 23 IV. Cas particulier : accident avec un véhicule non assuré 25

A. Système de l’art. 76 LCR 25

B. Application de l’art. 77 LCR 26

V. Conclusion 27

VI. Table des abréviations 28

VII. Bibliographie 29

***

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I. INTRODUCTION

1. Rappel statistique. 20'736. Ce chiffre, crûment jeté en amorce de ce mémoire, correspond au nombre d’accidents de la circulation routière ayant occasionné des dommages corporels en 2008.1 Les données statistiques nous apprennent également qu’en 2007 pas moins de 63'245 accidents de la route ont été enregistrés par la police en Suisse et ont causé des dommages corporels ou matériels.2

2. Coûts des accidents de la route. Ce nombre impressionnant d’accidents génère des frais considérables pour la société. La facture des coûts matériels se monte à plus de 5 milliards de francs suisses chaque année.3 La question qui se pose à la vue de l’étendue des dommages engendrés est celle de leur réparation. Le lésé désire sans nul doute que le préjudice subi soit pris en charge par le responsable de l’accident.

3. Instauration d’une assurance RC obligatoire. Afin de régler cette problématique de la réparation du dommage provoqué par un véhicule automobile, le législateur a prévu un système de responsabilité civile particulier et a introduit une obligation d’assurance en matière de circulation routière. C’est précisément cette obligation d’assurance qui se trouve au cœur de notre recherche.

4. Questions soulevées par l’obligation d’assurance. Le principe de l’assurance obligatoire appelle, en effet, quelques développements. Diverses interrogations viennent communément à l’esprit. La fonction de l’obligation d’assurance, la nature juridique de l’assurance RC obligatoire, son champ d’application, l’identité du preneur d’assurance et celle des personnes couvertes, l’étendue de la couverture obligatoire et les possibilités d’exclusion de certains dommages ou encore la mise en pratique et le contrôle du respect de cette obligation en constituent quelques exemples. Il s’avère également intéressant de se pencher sur les conséquences d’un éventuel non-respect de l’obligation d’assurance. Auprès de qui le lésé peut-il obtenir réparation de son préjudice dans pareil cas ?

5. Délimitation de la matière traitée. La richesse du sujet examiné nous impose d’effectuer des choix. Nous limiterons notre étude aux situations n’impliquant que des véhicules suisses et des sinistres sur le territoire national. Bien qu’il soit intimement lié à l’obligation d’assurance, nous ne mentionnerons, en outre, que ponctuellement le principe de l’action directe du lésé contre l’assureur. Enfin, il ne sera pas traité dans ce mémoire de l’action récursoire de l’assureur contre l’assuré et de la subrogation de l’assurance au droit de l’assuré contre des tiers.

1 Données figurant sur le site internet de l’Office fédéral de la statistique :

<http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/11/06/blank/key/01/aktuel.html>, consulté le 26 mars 2010.

2 LES ACCIDENTS EN SUISSE : STATISTIQUE 2008 DU BPA, p. 10 :

<http://www.bfu.ch/french/statspdfs/2008/bfu08_f.pdf>, consulté le 26 mars 2010.

3 RAPPORT SINUS 2009 DU BPA : NIVEAU DE SÉCURITÉ ET ACCIDENTS DANS LA CIRCULATION ROUTIÈRE EN 2008, p. 6 : < http://www.bfu.ch/PDFLib/1318_74.pdf>, consulté le 26 mars 2010.

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II. GÉNÉRALITÉS

A. LÉGISLATION APPLICABLE

6. Bases constitutionnelles. La compétence et le mandat de légiférer en matière de circulation routière sont attribués à la Confédération par l’art. 82 al. 1 de la Constitution fédérale4. C’est également à la Confédération que revient la compétence de légiférer en matière de droit civil et de procédure civile (art. 122 al. 1 Cst.).

L’assurance RC obligatoire du détenteur d’un véhicule automobile relève de ces domaines et est ainsi principalement régie par des normes de rang fédéral.

7. Lois fédérales. Le système de responsabilité civile du détenteur d’un véhicule automobile et le mécanisme d’assurance obligatoire sont essentiellement développés au titre quatrième de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 19585, soit aux art. 58 à 89 de cette loi. Relevons que la loi fédérale sur le contrat d’assurance du 2 avril 19086 est applicable, dans une certaine mesure, au contrat d’assurance RC du détenteur.

8. Ordonnances fédérales. D’importantes précisions sont apportées au titre quatrième de la LCR et au principe d’assurance obligatoire par l’ordonnance sur l’assurance des véhicules du 20 novembre 19597. Des dispositions pertinentes se trouvent aussi dans l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 19768.

B. RESPONSABILITÉ CIVILE ET OBLIGATION D’ASSURANCE

9. Conception de la responsabilité du détenteur de véhicule automobile. En matière de circulation routière, la préférence du législateur suisse est allée en direction d’un système de responsabilité civile objective aggravée du détenteur d’un véhicule automobile. Par responsabilité objective aggravée, il faut comprendre que le détenteur est tenu pour responsable du préjudice provoqué par l’emploi de son véhicule et ceci indépendamment de l’existence ou non d’une faute, d’un manquement ou encore d’un défaut du véhicule.9 Le préjudice causé par le fait d’autrui ou par cas fortuit doit aussi être assumé par le détenteur.10

10. Justification de la vision du législateur. Ce choix, par le législateur, d’une responsabilité objective aggravée émane d’un constat simple. Employer un véhicule automobile est une activité dangereuse, elle représente un risque pour les tiers. Ce risque spécial généré par l’emploi d’un véhicule justifie, dès lors, que le détenteur de véhicule automobile soit soumis à un régime de responsabilité plus sévère que celui de la responsabilité aquilienne et puisse être considéré responsable même en l’absence d’une faute de sa part.11

4 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.), RS 101.

5 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR), RS 741.01.

6 Loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d’assurance (LCA), RS 221.229.1.

7 Ordonnance du 20 novembre 1959 sur l’assurance des véhicules (OAV), RS 741.31.

8 Ordonnance du 27 octobre 1976 réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière (OAC), RS 741.51.

9 BREHM, RESPONSABILITÉ, n. 5.

10 DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 15.

11 BREHM,RESPONSABILITÉ, n. 6 ; WERRO,ANIMAL, p. 4.

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11. Relation entre responsabilité objective aggravée et obligation d’assurance. Le mécanisme de responsabilité objective aggravée permet à la personne subissant un dommage dû à l’emploi d’un véhicule automobile d’avoir, en principe, face à elle un responsable sans devoir démontrer la présence d’une faute. L’intérêt de pouvoir déterminer le responsable est évidemment, pour le lésé, de savoir à qui s’adresser pour obtenir réparation de son préjudice, mais encore faut-il que ce responsable soit à même de le dédommager. C’est ici qu’intervient le principe d’assurance obligatoire. Grâce à ce mécanisme, le lésé ne risque pas d’être confronté à un responsable insolvable qui s’avèrerait incapable de payer pour les dégâts entraînés par l’emploi de son véhicule.12 En effet, l’art. 63 al. 1 LCR empêche la mise en circulation d’un véhicule automobile sur la voie publique si aucune assurance RC n’a été conclue. Comme le relève WERRO13, sans cette obligation pour le détenteur de s’assurer, l’existence d’un régime de responsabilité objective aggravée n’atteindrait tout simplement pas son but en pratique.

12. Fonction de l’obligation d’assurance. L’assurance RC obligatoire prévue par la LCR traduit donc la préoccupation du législateur de parer aux situations où le détenteur ne parviendrait pas à supporter les coûts du préjudice causé. A l’origine, l’obligation d’assurance était conçue comme une protection pour le détenteur contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité et protégeait en même temps le lésé contre le risque d’insolvabilité du détenteur.14 Avec l’ampleur croissante des dommages causés, cette dernière fonction a gagné en importance et prévaut de nos jours.15

C. HISTORIQUE DE L’OBLIGATION D’ASSURANCE

13. Introduction de l’obligation d’assurance. L’obligation d’assurance RC a fait son apparition en 1914 dans le cadre d’un concordat intercantonal.16 La démarche des cantons suisses marquait, alors, une première en Europe, aucun Etat n’ayant encore adopté de protection aussi élevée à cette époque.17

14. Réception du concordat. Bien qu’il ait fait preuve d’innovation sur le plan de l’assurance RC, le concordat intercantonal de 1914 n’a eu, en définitive, qu’un impact pratique limité pour diverses raisons. Tout d’abord, il n’a pas apporté de modification au régime de responsabilité civile des détenteurs de véhicule, objet intégrant le champ du droit civil fédéral. De plus, tous les cantons n’ont pas adhéré au concordat et enfin son application était régulièrement aléatoire.18

12 DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 20.

13 WERRO, RC, n. 916.

14 REY, n. 1335.

15 DESCHENAUX/TERCIER, § 37, n. 7 et 23 ; WERRO, RC, n. 916.

16 Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la circulation routière du 24 juin 1955,FF 1955 II, p.1.

17 DESCHENAUX/TERCIER, § 37, n. 14.

18 Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la circulation routière du 24 juin 1955,FF 1955 II, p.1.

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15. Première législation fédérale. Le législateur fédéral a acquis en 1921 la compétence de régler la circulation automobile dans son ensemble.19 Usant de cette nouvelle faculté, il a adopté, en 1932, la loi fédérale sur la circulation des véhicules à moteur et des cycles.20 Cette loi a marqué l’introduction au niveau fédéral de l’obligation d’assurance RC et des mécanismes généraux de responsabilité civile automobile.21 16. Adoption de la LCR. Le système de la loi de 1932 a dans son ensemble donné

satisfaction, mais comptait des lacunes de par sa nature de loi-cadre.22 La nécessité d’une révision a peu à peu été ressentie et a débouché, en 1958, sur l’adoption de la LCR qui est encore en vigueur de nos jours. Pour cette nouvelle loi, le législateur fédéral a conservé les grandes lignes de la responsabilité civile et de l’obligation d’assurance qu’il avait tracées en 1932.23

III. OBLIGATION D’ASSURANCE

A. PRINCIPE DE L’OBLIGATION D’ASSURANCE ET PRENEUR D’ASSURANCE

a. Base légale

17. Art. 63 LCR. La disposition fondamentale traitant de l’obligation d’assurance est l’art.

63 LCR, comme le confirme par ailleurs le contenu de sa note marginale : « Assurance obligatoire ». Le principe de l’obligation d’assurance est formulé plus précisément à l’al. 1 de ce même article. Selon cet alinéa, un véhicule automobile ne doit pas être mis en circulation sur la voie publique avant qu’une assurance RC conforme aux dispositions légales applicables n’ait été conclue.

b. Nature juridique de l’assurance RC obligatoire

18. Catégorisation de l’assurance. L’obligation d’assurance de l’art. 63 al. 1 LCR porte sur la conclusion d’un contrat d’assurance RC. Il s’agit d’une assurance privée, les parties sont liées par la manifestation réciproque et concordante de leur volonté et l’assureur n’est, ainsi, pas soumis à une obligation de contracter.24 La fonction première de ce type d’assurance est de protéger l’assuré des conséquences financières de la responsabilité qu’il assume envers les tiers.25 L’objet qui est assuré est donc le patrimoine de la personne désignée comme responsable par la LCR. De ce fait et comme l’indique la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’assurance RC obligatoire doit être qualifiée d’assurance de patrimoine, une catégorie d’assurance contre les dommages (art. 48 ss LCA)26

19 Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la circulation routière du 24 juin 1955, FF 1955 II, p. 2 ; DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 4.

:

20 Loi fédérale du 15 mars 1932 sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles (LA) (abrogée le 1er janvier 1963), RO 48 525 ; DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 5.

21 BREHM,RESPONSABILITÉ, n. 3.

22 Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la circulation routière du 24 juin 1955, FF 1955 II, p. 3, 5 et 6.

23 DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 6.

24 BREHM,CONTRAT, n. 140 ss ; BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 1.10.

25 V. supra n. 12 ; BREHM,CONTRAT, n. 3 ; DESCHENAUX/TERCIER,§ 37, n. 2.

26 BREHM,CONTRAT, n. 8.

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Diese Art der Versicherung soll den Versicherten gegen die Folgen seiner Haftpflicht, also gegen die ihm daraus erwachsende Beeinträchtigung seines Vermögensstandes, schützen. Es handelt sich um eine Vermögensversicherung als Unterart der Schadensversicherung.27

Ce genre d’assurance doit protéger l’assuré contre les suites de sa responsabilité, soit contre l’atteinte qui en résulte à sa situation de fortune. Il s’agit d’une assurance du patrimoine qui est un sous-genre de l’assurance contre le dommage.

19. Nature juridique de l’assurance (art. 16 LCA). L’assurance RC obligatoire doit couvrir la responsabilité civile du détenteur du véhicule automobile et des personnes dont il est responsable (art. 63 al. 2 LCR). Cette assurance RC obligatoire a donc une double nature. Lorsqu’elle est conclue par le détenteur, elle est, en effet, à la fois une assurance pour le propre compte du détenteur et une assurance pour le compte d’autrui, les personnes dont il est responsable (art. 16 al. 1 LCA).28 Si la police d’assurance est conclue par une autre personne que le détenteur, il s’agit d’une assurance pour le compte d’autrui.29 Le contrat d’assurance n’est en revanche pas conclu pour le compte du lésé.30

c. Preneur d’assurance

20. Identité du preneur d’assurance. La LCR ne contient pas d’indication sur l’identité du preneur d’assurance. L’essentiel est qu’une assurance couvrant la responsabilité civile du détenteur et des personnes dont il répond soit conclue pour tout véhicule qui est mis en circulation (art. 63 al. 1 LCR). Ainsi, celui qui met en circulation un véhicule doit veiller à ce qu’une assurance RC soit conclue.31

21. Cas de dichotomie entre preneur d’assurance et assuré. Très souvent, détenteur du véhicule et preneur d’assurance ne forment qu’une seule et même personne.32 Il arrive toutefois que cela ne soit pas le cas, par exemple lorsque l’assurance est conclue par le propriétaire non détenteur du véhicule ou par un tiers. Tel pourrait notamment être le cas lorsque les parents d’un étudiant achètent une voiture, concluent l’assurance prescrite par la LCR et laissent ensuite l’usage principal du véhicule à leur fils, le détenteur in casu. La conclusion de cette assurance pour le compte d’autrui33 revêt la forme d’une stipulation pour autrui au sens de l’art. 112 al. 2 CO et confère dès lors au tiers, l’étudiant dans notre exemple, un droit propre à réclamer l’exécution du contrat.34

27 ATF 91 II 226 = JT 1966 I 49, cons. 2b.

Il faut souligner que l’existence d’une dichotomie entre le preneur d’assurance et l’assuré n’a en définitive pas d’influence sur l’étendue de la garantie, l’assureur doit en effet couvrir la responsabilité civile du détenteur réel et de ses

28 BREHM,CONTRAT, n. 3 et 145.

29 OFTINGER/STARK, § 26, n. 18.

30 BREHM,CONTRAT, n. 3.

31 BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 1.2.

32 DESCHENAUX/TERCIER, § 37, n. 20.

33 V. supra n. 19.

34 CARRÉ, art. 16 LCA, p. 196.

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auxiliaires en application de l’art. 63 LCR quelque soit la personne ayant contracté l’assurance.35

B. ÉTENDUE DE L’OBLIGATION D’ASSURANCE

a. Véhicules visés par l’obligation d’assurance aa. Notion générale

22. Définition positive de la notion de véhicule automobile. Aucun véhicule automobile ne doit être mis en circulation sans qu’une assurance RC n’ait été conclue (art. 63 al. 1 LCR). La notion de « véhicule automobile » appelle des précisions et est définie positivement à l’art. 7 LCR.36 Selon cet article, tout véhicule pourvu d’un propre dispositif de propulsion, qui lui permet de circuler sur terre sans devoir suivre une voie ferrée, doit être réputé véhicule automobile. Ainsi que le constate BREHM, il s’agit là d’une définition large qui englobe tous les véhicules dont le moteur suffit à les mettre en mouvement.37

23. Délimitations négatives. Lu a contrario, l’art. 7 LCR permet l’exclusion du champ de l’obligation d’assurance de l’art. 63 LCR d’un certain nombre de véhicules. D’une part, l’art. 63 LCR ne s’applique pas aux véhicules sans dispositif propre de propulsion, par exemple les cycles, les trottinettes ou encore les attelages. D’autre part, il ne vise naturellement ni les véhicules tractés par câble qui ne circulent par sur terre (i.e. les téléphériques et ascenseurs), ni les trains et tramways qui requièrent une voie ferrée pour fonctionner.38 En raison de la loi spéciale qui leur est consacrée, les aéronefs n’entrent pas non plus dans le cadre de l’art. 63 LCR.39 Le régime de responsabilité civile découlant de l’usage de ces différents moyens de locomotion et les éventuelles obligations d’assurance liées sont réglés par d’autres articles de la LCR (citons par exemple l’art. 70 LCR qui instaure une obligation d’assurance propre aux cycles), par des lois spéciales ou par les dispositions du CO.40

24. Véhicules automobiles assimilés à des cycles. Se fondant sur l’art. 89 al. 1 LCR, le Conseil fédéral a partiellement modifié les régimes de responsabilité civile et d’assurance applicables à certains engins, pourtant considérés comme véhicules automobiles au regard de l’art. 7 LCR. Les art. 37 et 38 OAV listent, en conséquence, une série de véhicules automobiles assimilés aux cycles en ce qui concerne la responsabilité civile et l’assurance. Il s’agit de véhicules de faible puissance, de vitesse restreinte ou n’empruntant que rarement la voie publique (art. 89 al. 1 OAV). Figurent, entre autres, dans cette liste, les voitures à bras équipées d’un moteur (art. 37 al. 1 lit. a OAV), les cyclomoteurs légers (art. 37 al. 1 lit. c OAV) et les cyclomoteurs (art. 38 OAV). L’obligation de l’art. 63 LCR ne s’applique pas à ces véhicules, leur assurance étant réglée par l’art. 70 al. 2 LCR et par les dispositions de l’OAV et de l’OAC.41

35 GIGER, art. 63 LCR, n. 2 ; à noter qu’absence d’influence de cette dichotomie sur la couverture d’assurance ne signifie pas absence de tout changement quant aux règles générales applicables, v. par exemple l’art. 18 al. 2 LCA sur le paiement des primes, cf. KUHN/MÜLLER-STUDER/ECKERT,p. 197.

36 BREHM,RESPONSABILITÉ, n. 112 ss.

37 BREHM,RESPONSABILITÉ, n. 112.

38 BREHM,RESPONSABILITÉ, n. 118 et 119 ; DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 35.

39 V. art. 70 de la loi fédérale sur l’aviation du 21 décembre 1948, RS 748.0 ; REY,n. 1336.

40 BREHM,RESPONSABILITÉ, n. 119 et 120.

41 V. art. 37 et 38 OAV et 90 ss OAC.

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ab. Trolleybus

25. Cas des trolleybus. Les trolleybus entrent dans le champ de la définition des véhicules automobiles qui figure dans la LCR, puisqu’ils comportent un dispositif propre de propulsion. L’art. 7 al. 2 LCR dispose d’ailleurs que les trolleybus et véhicules analogues sont soumis à la LCR dans la mesure prévue par la législation sur les entreprises de trolleybus. La loi fédérale du 29 mars 1950 sur les entreprises de trolleybus42 soumet l’entreprise de trolleybus au régime de responsabilité de la LCR en cas de dommage corporel ou matériel (art. 15 al. 1 LTro). Quid de l’obligation d’assurance de l’art. 63 LCR ? S’applique-t-elle également aux trolleybus ? La LTro comporte, en fait, une obligation d’assurance propre à son art. 16 al. 1 qui présente, cependant, des similarités avec le système de la LCR. Les montants assurés minimaux doivent notamment respecter les seuils fixés par le Conseil fédéral dans l’OAV.43 ac. Véhicules et courses de vitesse

26. Principe et définition. Les véhicules automobiles impliqués dans des courses de vitesse sont soumis à un régime de responsabilité civile particulier et à une obligation d’assurance spéciale (art. 72 LCR). Les courses de vitesse sont définies comme des manifestations sportives automobiles ou de cycles, dont le classement se fait principalement d’après la vitesse maximum atteinte ou au cours desquelles est exigée une vitesse moyenne supérieure à 50 km/h (art. 72 al. 1 LCR). L’art. 30 OAV vient compléter cette définition.

27. Obligation d’assurance. Concernant l’obligation d’assurance, la loi impose à l’organisateur de la course de conclure une assurance RC couvrant les dommages causés à des tiers par des participants, des auxiliaires ou les organisateurs eux-mêmes (art. 72 al. 4 LCR), ceci en raison de la responsabilité spéciale assumée par les organisateurs du fait du danger accru des courses de vitesse.44 Ainsi, les conséquences financières du dommage créé par les véhicules des participants et des suiveurs ou par tout autre véhicule utilisé au service de la manifestation sont assurées non sur la base de l’obligation générale de l’art. 63 LCR, mais sur la base de l’art. 72 LCR.

28. Place de l’assurance RC du détenteur. L’assurance obligatoire du détenteur peut, toutefois, jouer un rôle si une course est organisée sans autorisation (art. 72 al. 5 LCR), mais l’assureur ordinaire dispose alors d’un recours contre les responsables qui savaient ou auraient dû savoir qu’une assurance spéciale devait être conclue.45 La question du rôle subsidiaire de l’assurance RC obligatoire du détenteur se pose pour les situations où la couverture d’assurance des organisateurs est insuffisante et où ces derniers sont insolvables. La doctrine apparaît divisée sur ce sujet.46

42 Loi fédérale du 29 mars 1950 sur les entreprises de trolleybus (LTro), RS 744.21.

BUSSY et RUSCONI, tout comme DESCHENAUX et TERCIER, estiment qu’en l’absence d’une base légale l’excluant spécifiquement, il faut considérer que la responsabilité civile du détenteur conserve un rôle subsidiaire à celle de l’organisateur de la course et que, partant, il n’est pas à exclure que l’assurance RC obligatoire du détenteur puisse être

43 V. infra n. 56.

44 DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 77.

45 BUSSY/RUSCONI, art. 72 LCR, n. 5.

46 REY,n. 1318.

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sollicitée.47 OFTINGER et STARK soutiennent en revanche l’opinion inverse sur la base de l’avant-projet de la LCR et des débats de la commission d’experts qui a examiné et remanié l’avant-projet au début des années cinquante.48 A notre sens, le maintien d’une responsabilité civile subsidiaire du détenteur doit être privilégié sur la base d’une interprétation téléologique de la loi. En effet, l’un des buts du législateur lorsqu’il a instauré les principes de responsabilité civile objective aggravée du détenteur et d’obligation d’assurance était de permettre au lésé d’être indemnisé de son dommage aussi complètement que possible.49 Or, la vision d’OFTINGER et de STARK

apparaît comme difficile à concilier avec cet objectif.

29. Dommage propre des coureurs, des passagers et des véhicules. La question d’un éventuel rôle de l’assurance RC obligatoire de l’art. 63 LCR ne se pose pas pour le dommage subi par les coureurs, leurs passagers et les véhicules au service de la manifestation. En effet, l’art. 72 al. 3 LCR précise que la responsabilité civile n’est pas régie par la LCR dans ces cas.50

ad. Dispenses de l’obligation d’assurance

30. Machines pour la construction des routes. L’art. 32 OAV, lu a contrario, prévoit que les véhicules automobiles affectés à des travaux sur les routes sont dispensés de l’obligation d’assurance de l’art. 63 LCR lorsque la circulation est complètement arrêtée.51

31. Véhicules affectés au trafic interne d’une entreprise. De manière similaire, l’art. 33 OAV a contrario dispense de l’obligation d’assurance RC les véhicules affectés au trafic interne d’une entreprise lorsqu’ils n’empruntent pas la voie publique.52

ae. Véhicules des cantons et de la Confédération

32. Absence d’obligation d’assurance. L’obligation d’assurance de l’art. 63 LCR ne s’applique pas aux véhicules de la Confédération et des cantons, car ces collectivités publiques ne présentent a priori pas de risque d’insolvabilité (art. 73 al. 1 LCR).53 33. Véhicules et Confédération en tant qu’assureur. L’obligation d’assurance ne

s’impose pas non plus aux véhicules automobiles pour lesquels la Confédération garantit comme un assureur la réparation des dommages causés (art. 73 al. 1 in fine LCR). Les cas d’application de cette disposition sont limités.54

b. Personnes couvertes par l’assurance RC obligatoire ba. Détenteur

47 BUSSY/RUSCONI, art. 72 LCR, n. 3.7 ; DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 79.

48 OFTINGER/STARK, §25, n. 179.

49 V. supra n. 10 à 12.

50 Arrêt du Tribunal cantonal du Valais du 22 septembre 1971, résumé au JT 1973 I 455.

51 BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 1.6.

52 BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 1.6.

53 BUSSY/RUSCONI, art. 73 LCR, n. 1.5.

54 V. pour des exemples : message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la circulation routière du 24 juin 1955, FF 1955 II, p. 61.

(13)

34. Notion de détenteur. L’assurance RC obligatoire doit couvrir la responsabilité civile du détenteur du véhicule (art. 63 al. 2 LCR ab initio). Cette notion correspond à celle de l’art. 58 LCR, car le législateur a voulu que la personne désignée responsable soit également la personne assurée.55 La LCR ne comporte pas de définition du détenteur, c’est donc la jurisprudence qui précise cette notion. Le Tribunal fédéral a rappelé sa définition dans un arrêt récent :

Nach konstanter Rechtsprechung gilt als Halter im Sinne des SVG nicht der Eigentümer des Fahrzeugs oder wer formell im Fahrzeugausweis eingetragen ist, sondern derjenige, auf dessen eigene Rechnung und Gefahr der Betrieb des Fahrzeugs erfolgt und der zugleich über dieses und allenfalls über die zum Betrieb erforderlichen Personen die tatsächliche, unmittelbare Verfügung besitzt […]. Diesem Halterbegriff, der auf die gesamten Umstände der tatsächlichen Verhältnisse abstellt, stimmt die herrschende Lehre grundsätzlich zu […].56

D'après la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le détenteur, au sens de la LCR, n'est pas le propriétaire du véhicule ou la personne qui est inscrite dans le permis de circulation, mais celle qui l'utilise à ses frais et à ses risques et qui en dispose réellement et directement […]. Cette notion de détenteur, qui découle de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, est en principe approuvée par la doctrine dominante […].

35. Cas de codétention. Plusieurs personnes peuvent avoir la maîtrise effective d’un véhicule et un intérêt prépondérant à son emploi. En cas de codétention avérée, l’assurance RC obligatoire couvre les responsabilités civiles des codétenteurs de la même manière qu’elle couvre un détenteur unique.57 En raison des conséquences que peut avoir la notion de codétention sur le régime de responsabilité et le rôle de l’assurance obligatoire, la jurisprudence n’admet l’existence d’une codétention que dans les cas indiscutables.58

36. Importance de la notion de détenteur. Pour le lésé, tant que le dommage n’excède pas la somme assurée, la notion de détenteur n’a qu’une importance relative une fois l’assureur compétent identifié, puisque ce dernier couvre la responsabilité civile de tout détenteur du véhicule et de ses auxiliaires.59 En revanche, la notion de détenteur a plus d’importance aux yeux de l’assureur, car elle lui permet de refuser des prestations à un lésé qui serait en réalité détenteur ou codétenteur du véhicule et joue également un rôle dans l’exclusion des prétentions de certains lésés.60

bb. Conducteur

55 BREHM,CONTRAT, n. 36.

56 ATF 129 III 102 = JT 2003 I 500, cons. 2.1.

57 BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 1.2 ; ATF 99 II 315 = JT 1974 I 458, cons. 4.

58 WERRO,RC,n. 868 à 870 ; DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 73 ; ATF 117 II 609 = JT 1992 I 727, cons.

3b.

59 REY,n. 1314 ; WERRO,RC,n. 876 à 879.

60 V. infra n. 64 et 65.

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37. Notion. L’assurance obligatoire de l’art. 63 LCR doit couvrir la responsabilité civile des personnes dont le détenteur répond (art. 63 al. 2 LCR). Le conducteur est l’une de ces personnes (art. 58 al. 4 LCR). Il est celui qui pilote le véhicule automobile.

L’assurance obligatoire couvre donc les dommages causés lors d’un accident même si une autre personne que le détenteur se trouvait au volant ou au guidon au moment des faits.61

38. Place de la faute. Le texte de l’art. 58 al. 4 LCR mentionne la faute du conducteur.

Toutefois, le détenteur répond à l’égard des tiers des actes du conducteur qu’ils soient fautifs ou non puisqu’il s’agit d’un système de responsabilité civile objective aggravée.62 L’assureur RC du détenteur devra donc indemniser le lésé même si le conducteur était fautif, ce qui ne préjuge pas de la question d’un éventuel recours ultérieur contre ce conducteur.63

39. Conducteurs autorisés et non autorisés. Les conducteurs autorisés sont ceux qui font usage du véhicule avec la permission du détenteur, qu’elle soit expresse ou tacite. Le détenteur répond de ces conducteurs et leur responsabilité civile est couverte par l’assurance obligatoire (art. 63 al. 2 LCR). Concernant les conducteurs non autorisés (cas du voleur et des conducteurs conscients du vol ou ayant dû l’être de l’art. 75 LCR), le détenteur répond à l’égard des tiers du dommage qu’ils causent.64

L’assurance conclue sur la base de l’art. 63 LCR couvre donc les prétentions de lésés même lorsque le dommage a été causé par des conducteurs non autorisés.

bc. Auxiliaires

40. Notion. Les auxiliaires au service du véhicule font partie des personnes dont le détenteur répond dans le système de la LCR (art. 58 al. 4 LCR). Il s’agit des individus qui, sans être au volant, exercent une activité contribuant à l’usage du véhicule, par exemple en assistant le conducteur par des signes de main lors d’une manœuvre.65 41. Assurance obligatoire. La responsabilité civile des auxiliaires est couverte par

l’assurance RC obligatoire de l’art. 63 LCR.66 Ainsi, si un auxiliaire du véhicule contribue à la survenance d’un accident, le lésé pourra s’adresser à l’assureur pour obtenir indemnisation de son dommage (art. 63 al. 2 et 65 al. 1 LCR).

bd. Passagers

42. Responsabilité civile des passagers. Lorsqu’un passager agit comme conducteur (en donnant un coup de volant par exemple) ou comme auxiliaire au service du véhicule (en donnant des instructions au pilote pour une manœuvre par exemple), sa responsabilité civile sera assurée en application de l’art. 63 al. 2 LCR.67

61 DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 89 et 92.

En revanche, les dommages provoqués par un passager lors d’actes n’étant pas au service du

62 BUSSY/RUSCONI, art. 58 LCR, n. 3.1.

63 Pour rappel ce recours ne fait pas partie du champ de notre recherche, v. supra n. 5.

64 BREHM,CONTRAT,n. 146 ; DESCHENAUX/TERCIER,§ 15, n. 92.

65 DESCHENAUX/TERCIER,§ 15, n. 95 et 96.

66 GIGER, art. 63 LCR, n. 2.

67 BREHM,CONTRAT,n. 52.

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véhicule n’entrent pas dans le champ de l’obligation d’assurance, mais la question reste toutefois controversée.68

c. Dommages couverts par l’assurance RC obligatoire69

43. Etendue de la couverture en général. L’assurance RC obligatoire couvre la responsabilité civile du détenteur et celle des personnes dont il est responsable au sens de la LCR (art. 63 al. 2 LCR). Ceci fait référence au régime de responsabilité civile instauré par l’art. 58 LCR. Ainsi, en pratique, les dommages corporels et matériels causés par des personnes civilement responsables en vertu de l’art. 58 LCR sont couverts par l’obligation d’assurance.70 La notion de dommage mérite cependant des précisions.

ca. Dommage corporel et matériel

44. Notion de dommage corporel et matériel. De manière synthétique, le dommage corporel se définit comme un préjudice économique découlant d’une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la vie du lésé.71 Le dommage corporel est donc celui qui résulte du décès ou de blessures d’une personne. Le dommage matériel, quant à lui, consiste en un préjudice économique engendré par des dégâts (destruction, détérioration, perte) à des choses mobilières ou immobilières.72

45. Place dans la LCR. Les dommages corporels et matériels entrent dans le champ des dommages réparables en application du système de responsabilité civile de la LCR (art. 58 al. 1 LCR). L’obligation d’assurance s’applique donc à ces dommages, ils sont compris dans la couverture de l’assurance obligatoire.73

46. Dommage corporel et matériel des proches du détenteur. Depuis une modification de la LCR en 1975, le dommage corporel des proches du détenteur ne peut plus être exclu de la couverture fournie par l’assurance obligatoire (art. 63 al. 3 lit. b LCR a contrario).74 L’assurance RC du détenteur doit donc indemniser les proches du détenteur pour leur dommage corporel, comme elle le ferait pour un tiers. Le dommage matériel des proches du détenteur peut, quant à lui, être couvert par l’obligation d’assurance pour autant que le contrat d’assurance ne l’ait pas exclu, mais en pratique ce dommage le sera toujours par les conditions générales d’assurance.75 47. Dommage corporel du détenteur. Avant le 1er janvier 1996, le dommage corporel du

détenteur pouvait être exclu de la couverture de l’assurance RC obligatoire.76

68 DESCHENAUX/TERCIER,§15, n. 96 ; BREHM,CONTRAT,n. 52 et réf. ; BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n.

1.7.1.

69 Cette section se veut généraliste dans son approche de la notion de dommage et ne traite pas des exclusions possibles en vertu de l’art. 63 al. 3 LCR et des limitations de la couverture du contrat d’assurance. Celles-ci seront examinées ultérieurement, v. infra n. 60 ss.

70 BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 1.7.1.

71 DESCHENAUX/TERCIER, § 3, n. 19.

72 ATF 118 II 176 = JT 1994 I 554, cons. 4b.

73 BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 1.7.2 et art. 58, n. 1.6.

74 GIGER, art. 63 LCR, n. 4.

75 V. infra n. 63.

76 Message concernant la modification de la loi sur la circulation routière et de la loi sur la surveillance des assurances du 19 octobre 1994, FF 1995 I, p. 56.

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Toutefois, dans un souci d’harmonisation avec le droit européen, cette possibilité d’exclusion a été supprimée et le dommage corporel du détenteur fait désormais partie des risques couverts par l’assurance RC obligatoire, du moins pour les prétentions que le détenteur a à l’égard des personnes dont il est responsable au sens de la LCR (art. 63 al. 3 lit. a LCR a contrario).77 Concrètement, cela peut être le cas lorsqu’il est passager à bord de son véhicule et que le conducteur dont il répond cause un accident.

Ce choix du législateur a suscité des commentaires au sein de la doctrine quant à la logique du système : la réunion en une seule et même personne du responsable et du lésé va, en vérité, à l’encontre du but de protection du patrimoine du détenteur contre les prétentions de tiers qu’a l’assurance RC.78

48. Cas du dommage causé par une remorque. Sans entrer dans le détail de la législation et des controverses doctrinales liées à cette problématique79, il s’avère utile de préciser que le dommage matériel et corporel provoqué par une remorque ou un véhicule remorqué est normalement couvert par l’assurance RC obligatoire du détenteur du véhicule tracteur (art. 69 al. 2 LCR).80 Il est plus précisément question des dommages causés par la remorque (art. 69 al. 2 lit. a LCR), par le véhicule automobile remorqué que personne ne conduit (art. 69 al. 2 lit. b LCR) ou par le véhicule automobile remorqué conduit par une personne lorsque ce second véhicule n’est pas assuré (art. 69 al. 2 lit. c LCR).

cb. Dommage économique

49. Notion. Le dommage purement économique est défini de la manière suivante par le Tribunal fédéral :

Reiner Vermögensschaden liegt demgegenüber vor, wenn eine Vermögenseinbusse eintritt, ohne dass eine Person verletzt oder getötet oder eine Sache beschädigt oder zerstört worden, beziehungsweise verlorengegangen ist.81

Par opposition à cela, on a affaire à un dommage patrimonial pur lorsqu'une diminution de patrimoine a lieu sans qu'une personne ait été blessée ou tuée ni qu'une chose ait été respectivement endommagée, détruite ou perdue.

50. Place dans la LCR. Le dommage purement économique, ne découlant pas d’une lésion corporelle ou d’un dégât matériel82, n’entre pas dans le champ du dommage réparable en vertu de la LCR (art. 58 al. 1 LCR)83, une situation par ailleurs critiquée au sein de la doctrine.84

77 BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 2.3.4 ; BREHM,CONTRAT, n. 276.

Dès lors, l’obligation d’assurance ne s’étend pas à ce type de dommage, il n’est donc pas inclus dans la couverture d’assurance imposée par la

78 V. supra n. 12 et 18 ; BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 2.3.4 ; BREHM,CONTRAT, n. 276.

79 V. pour un exposé détaillé : BREHM,RESPONSABILITÉ, n. 173 à 193.

80 DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 38 ; BUSSY/RUSCONI, art. 69 LCR, n. 1.5.

81 ATF 118 II 176 = JT 1994 I 554, cons. 4b.

82 V. pour des exemples de dommages purement économiques liés à la LCR : BREHM, RESPONSABILITÉ, n.

216

83 ATF 106 II 75 = JT 1980 I 435, cons. 2 ; WERRO,RC,n. 840 ss ; DESCHENAUX/TERCIER,§ 3, n. 21 et 22 ; REY,n. 1272.

84 REY, n. 1273 ; v. aussi OFTINGER/STARK, § 25, n. 298 à 300.

(17)

LCR.85 En revanche, un dommage résultant d’une lésion corporelle (tort moral par exemple) ou d’un dégât matériel (frais de location d’un véhicule de remplacement par exemple) n’est pas considéré comme un dommage purement économique et reste, de la sorte, dans le champ de la responsabilité civile de l’art. 58 LCR et de l’assurance obligatoire de l’art. 63 LCR.86

cc. Tort moral

51. Situation générale. Le dommage dont il est question à l’art. 58 al. 1 LCR englobe le tort moral qui se détermine en application de l’art. 62 LCR et des dispositions du CO.87 Du fait de son inclusion dans le champ des dommages indemnisables de l’art.

58 LCR, le tort moral est normalement couvert par l’assurance RC obligatoire.88

52. Cas particuliers. Des prétentions en tort moral peuvent surgir dans diverses configurations complexes : tort moral des proches du détenteur en cas de décès de ce dernier alors qu’il était passager de son véhicule ou alors qu’il était conducteur, tort moral des proches du détenteur pour les blessures ou le décès causés par ce dernier à un membre de la famille (cas du tort moral entre familiers) pour ne citer que quelques exemples. Les diverses hypothèses mentionnées font l’objet d’abondants commentaires et controverses doctrinales quant à la question de savoir si des indemnités pour tort moral doivent être assumées par l’assureur dans ces cas ou s’il peut les exclure en application de l’art. 63 al. 3 LCR.89 En raison de l’approche généraliste de ce mémoire, le détail de ces cas particuliers ne sera pas davantage développé. Mentionnons seulement que, parmi les cas cités, seul le scénario du tort moral entre familiers fait l’objet d’un certain consensus au sein de la doctrine : son indemnisation est couverte par l’assurance obligatoire mais son octroi doit être fait avec une grande retenue sous peine de dénaturer la notion de tort moral.90

cd. Autres postes dédommagés

53. Intérêts. Entre l’accident et le versement au lésé de l’indemnité réparant le dommage qu’il a subi, un certain laps de temps peut s’écouler. Or, le système de responsabilité civile veut que le lésé soit placé dans la situation où il se trouverait s’il avait été indemnisé immédiatement après l’accident.91 La victime a donc droit aux intérêts de l’indemnité qui lui est due, car ces intérêts compensatoires constituent un élément du dommage et sont couverts par l’assureur RC.92 Ce dernier devra aussi verser des intérêts moratoires sur l’indemnité totale allouée (capital et intérêts compensatoires) s’il est en demeure, mais sans que ces intérêts moratoires ne soient considérés comme part intégrante du dommage dont répond le détenteur.93

85 BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 1.7.2.

86 OFTINGER/STARK, § 25, n. 300 ; BREHM,RESPONSABILITÉ,n. 218 ; BREHM,CONTRAT,n. 224.

87 WERRO,ANIMAL, p. 5.

88 BUSSY/RUSCONI, art. 64 LCR, n. 3.1.

89 V. sur la question : DESCHENAUX/TERCIER, § 37, n. 26 ; BREHM, CONTRAT, n.303 ss et 401 ss ; BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 2.4 ss.

90 BREHM,CONTRAT, n. 401 et 402, BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 2.4.9.

91 DESCHENAUX/TERCIER, § 23, n. 38.

92 BUSSY/RUSCONI, art. 64 LCR, n. 2.2.

93 DESCHENAUX/TERCIER, § 37, n. 40.

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54. Frais de justice. Tout comme les intérêts moratoires, les frais découlant de l’action contre l’assureur ne constituent pas véritablement un élément du dommage causé par le véhicule assuré.94 L’assureur RC du véhicule doit toutefois les verser au lésé et cela en plus de la couverture d’assurance.95 En revanche, dans ses rapports avec le preneur d’assurance, il est possible pour l’assureur de prévoir qu’il ne supportera les frais de procès que dans les limites des sommes assurées, laissant le preneur d’assurance assumer les frais de justice excédant le montant couvert.96

ce. Montants couverts

55. Système d’origine de la LCR. A son adoption en 1958, le texte de la LCR comportait, à son art. 64, les montants minimaux que l’assurance RC obligatoire devait garantir.97 Le législateur se rendit vite compte que les sommes fixées dans la loi ne suffisaient pas à couvrir les dommages survenant lors d’accidents toujours plus coûteux.98 Lors de la modification de la LCR du 20 mars 1975, le système fut changé afin de faire preuve de plus de flexibilité.99 La mention chiffrée de montants fut supprimée de l’art.

64 LCR et ce dernier prit alors la forme qu’il revêt encore actuellement.

56. Système actuel. L’art. 64 LCR, tel que modifié en 1975, attribue au Conseil fédéral la tâche de fixer les montants jusqu’à hauteur desquels l’assurance RC doit indemniser les lésés. Le Gouvernement fédéral a défini ces montants par le biais de l’OAV. L’art.

3 OAV dispose aujourd’hui que l’assurance RC doit couvrir l’ensemble des dommages corporels et matériels jusqu’à concurrence de cinq millions de francs suisses par événement (art. 3 al. 1 OAV). La couverture minimale s’élève à dix millions de francs suisses pour les voitures automobiles et trains routiers aménagés pour dix à cinquante personnes et à vingt millions de francs suisses si le véhicule est aménagé pour plus de cinquante personnes (art. 3 al. 2 OAV). Ces montants ont été introduits par une modification de l’OAV de 2004 et sont applicables à tous les sinistres qui se sont produits dès le 1er janvier 2005.100

57. Vers une couverture illimitée ? Avant le passage à une couverture minimale de cinq millions de francs en 2005, le minimum légal a connu diverses modifications : il se montait à un million de francs en 1976, puis à trois millions dès 1987.101 En raison de ces augmentations successives, la doctrine a supposé que le Conseil fédéral finirait par introduire une garantie illimitée.102 Il ne l’a pas encore décidé, mais la question reste ouverte. BUSSY et RUSCONI estiment d’ailleurs que cettedémarche serait compatible avec le texte de l’art. 64 LCR, bien que celui-ci ne mentionne qu’une compétence du Conseil fédéral de fixer des « montants ».103

94 BUSSY/RUSCONI, art. 64 LCR, n. 3.3.

Assurément, rien n’empêcherait le pouvoir exécutif de prévoir à défaut une couverture minimale de plusieurs milliards de

95 OFTINGER/STARK, § 26, n. 178.

96 BREHM,CONTRAT, n. 506 ; BUSSY/BUSCONI, art. 64 LCR, n. 3.3.

97 Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, FF 1958 II, p. 1705 : art. 64 LCR.

98 BUSSY/RUSCONI, art. 64 LCR, n. 1.1 ; BREHM,CONTRAT, n. 140.

99 Modification du 20 mars 1975 de la loi fédérale sur la circulation routière, FF 1975 I, p 1139 : art. 64 LCR ; GIGER,art. 64 LCR, n. 1.

100 Modification du 14 janvier 2004 de l’ordonnance sur l’assurance des véhicules, RO 2004 651 : al. 1 des dispositions finales.

101 BREHM,CONTRAT, n. 140.

102 DESCHENAUX/TERCIER, § 37, n. 23 ; BUSSY/RUSCONI, art. 64 LCR, n. 1.3.

103 BUSSY/RUSCONI, art. 64 LCR, n. 1.3.

(19)

francs, une garantie minimale chiffrée qui équivaudrait dans les faits à accorder une couverture illimitée.

58. Minimum légal et contrat d’assurance RC. Le contenu du contrat d’assurance est fixé par les parties.104 Celles-ci doivent respecter le cadre légal et les minimums de l’art. 3 OAV. Elles peuvent, toutefois, convenir d’un montant de couverture plus élevé que le minimum fixé par le Conseil fédéral.105 Dans pareil cas, le lésé conserve son droit d’action directe contre l’assureur pour les dommages supérieurs à l’assurance minimale (art. 65 al. 1 LCR) et les exceptions découlant du contrat ou de la LCA ne lui sont pas opposables (art. 65 al. 2 LCR).106 En cas de modification de la couverture légale minimale, les contrats prévoyant des montants insuffisants doivent être adaptés : un assureur qui n’adapterait pas le contrat d’assurance serait tenu d’indemniser un éventuel lésé jusqu’à concurrence de la somme prévue par le Conseil fédéral.107 Ceci illustre l’importance qu’a l’obligation d’assurance.

59. Dommage dépassant le montant assuré. Le montant du dommage couvert en vertu de l’obligation d’assurance correspond au minimum de l’art. 3 OAV ou à toute somme plus conséquente prévue par le contrat d’assurance RC. En l’absence d’une couverture illimitée, il arrive, certes rarement, que le dommage subi dépasse le montant assuré.

Dans ces situations, l’assurance RC obligatoire ne dédommagera les lésés que jusqu’à hauteur de la somme maximale stipulée dans le contrat.108 Pour le surplus, les lésés feront valoir leurs prétentions auprès du détenteur qui supportera personnellement le dommage ou encore auprès des autres personnes impliquées dans l’accident pour autant qu’elles puissent être tenues pour responsables.109

d. Limitation de couverture et exclusions de prétentions

60. Intérêt de la limitation de couverture et des exclusions de prétentions. La lecture des pages précédentes laisse entrevoir la variété et le nombre conséquent de situations couvertes par l’obligation d’assurance. Pour réduire l’ampleur de son engagement, l’assureur peut être tenté de limiter la couverture du contrat d’assurance en prévoyant de n’assurer, par exemple, que la responsabilité civile du détenteur et non celles des personnes dont le détenteur répond ou encore un seul type de dommage. L’assureur peut aussi chercher à introduire dans le contrat d’assurance RC des exclusions au sens de l’art. 33 LCA, c’est-à-dire exclure du risque assuré certains événements d’une manière précise et non équivoque.110

61. Cas d’une couverture plus restrictive. Si un contrat d’assurance RC automobile était conclu avec une couverture plus restrictive que celle prévue à l’art. 63 LCR, ces restrictions seraient inopposables au lésé.111

62. Cas des exclusions. Le système est plus complexe dans le cas des exclusions. En effet, deux sortes d’exclusions se retrouvent dans le cadre de l’assurance RC automobile

104 V. supra n. 18.

105 BUSSY/RUSCONI, art. 64 LCR, n. 2.3 ; DESCHENAUX/TERCIER, § 37, n. 23.

106 REY,n. 1339.

107 BREHM,CONTRAT, n. 140 et 141.

108 BUSSY/RUSCONI, art. 58 LCR, n. 2.2.

109 DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 63, 64 et 117, § 37, n. 22.

110 BREHM,CONTRAT, n. 221 et 282 ; BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 2.1.

111 BUSSY/RUSCONI, art. 63 LCR, n. 1.7.1 ; ATF 97 II 161 = JT 1972 I 446, cons. 1.

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