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CAS PARTICULIER : ACCIDENT AVEC UN VÉHICULE NON ASSURÉ

83. Éventualité rare. Au vu des mécanismes de contrôle du respect de l’obligation d’assurance, les sinistres impliquant un véhicule suisse non assuré sont rares.149 Le cas peut toutefois se présenter et mérite examen dans la présente recherche, puisqu’une étude de l’obligation d’assurance ne saurait être complète sans mention des situations d’accidents où l’assurance fait défaut.

84. Deux hypothèses. Le législateur a envisagé deux hypothèses pour les cas d’accidents avec un véhicule non assuré. Celles-ci se différencient par l’existence ou non d’une responsabilité d’un canton et sont traitées aux art. 76 al. 2 lit. a et 77 al. 1 LCR.

A. SYSTÈME DE L’ART. 76 LCR

85. Conditions d’application. Pour que le mécanisme de l’art. 76 al. 2 lit. a LCR trouve application, il faut qu’un véhicule cause des dommages en Suisse, qu’il ne soit pas couvert par une assurance RC – alors même que la LCR le soumet à une obligation d’assurance – et qu’une responsabilité ne puisse pas être imputée à un canton en vertu de l’art. 77 LCR.150 La couverture instituée par l’art. 76 LCR est donc subsidiaire à celle mise en place par l’art. 77 LCR.

86. Exemple de situations régies par l’art. 76 LCR. Les conditions d’application de l’art.

76 LCR sont remplies lorsque, par exemple, un véhicule est mis en circulation sans que le canton n’ait délivré de plaques ou lorsqu’un véhicule continue à circuler bien que les plaques et le permis de circulation aient été retirés.151

87. Indemnisation par le Fonds national de garantie. En cas d’accident entrant dans le champ d’application de l’art. 76 LCR, le législateur a prévu que le dommage provoqué par un véhicule non assuré est réparé par le Fonds national de garantie. Ce Fonds est une association regroupant les institutions d’assurance autorisées à exercer en Suisse dans le domaine de l’assurance RC pour véhicules automobiles (art. 76 al. 1 LCR et art. 13 LSA).152 Il est financé par les contributions annuelles que les détenteurs de véhicules automobiles versent à leur assureur RC parallèlement à leur prime (art. 76a al. 1 et 3 LCR).

88. Etendue de la couverture et droit de recours. Dans la mesure où le Fonds national de garantie ne couvre la responsabilité civile des véhicules non assurés que dans le cadre de l’obligation d’assurance prévue par la LCR (art. 76 al. 2 lit. a in fine LCR), il faut en déduire que la couverture maximale correspond aux montants fixés par l’art. 3 OAV en application de l’art. 64 LCR.153

149 Brochure d’information du Fonds national de garantie, p. 2 :

Le Fonds ne couvrira toutefois que la part du dommage pour laquelle le lésé n’a pas pu être indemnisé auprès d’une

assurance-<http://www.nbingf.ch/pdf/Brochure_FNG_%2810.2008%29.pdf>, consulté le 2 avril 2010.

150 BUSSY/RUSCONI, art. 76 LCR, n. 3.1.

151 V. pour d’autres exemples : BUSSY/RUSCONI, art. 76 LCR, n. 3.3.

152 Statuts du Fonds national de garantie adoptés le 27 juin 2003, art. 1 al. 1 :

<http://www.nbingf.ch/pdf/statuten_ngf.pdf>, consulté le 2 avril 2010.

153 Message concernant la modification de la loi fédérale sur la circulation routière et de la loi sur la surveillance des assurances du 10 avril 2002, FF 2002, p. 4108 ; v. supra n. 56.

dommages ou d’une assurance sociale (art. 76 al. 4 LCR).154 En indemnisant le lésé, le Fonds est subrogé à celui-ci dans ses droits pour les dommages qu’il a couverts (art.

76 al. 6 LCR).

B. APPLICATION DE L’ART. 77 LCR

89. Conditions d’application. L’art. 77 LCR traite d’un cas particulier de véhicules non assurés. L’al 1 de cet article vise les situations où un canton délivre un permis de circulation et des plaques de contrôle à un véhicule pour lequel l’assurance RC obligatoire n’a pas été conclue. Il vise aussi les cas où un canton omet de retirer le permis et les plaques dans les soixante jours suivant l’avis de l’assureur de l’art. 68 LCR ou l’avis à l’autorité par le détenteur de la mise hors circulation définitive de son véhicule (art. 74 al. 5 OAC). Si un véhicule se trouvant dans l’une de ces hypothèses est impliqué dans un accident, le canton ayant manqué à son devoir assume la réparation des dommages causés par ce véhicule.

90. Rôle de la faute. La notion de faute ne joue pas de rôle dans l’application de l’art. 77 LCR. En effet, dès le moment où un canton délivre un permis de circulation et des plaques de contrôle sans qu’une assurance RC n’ait été conclue ou omet de les retirer, il répond du dommage causé par le véhicule non assuré. Ainsi, le canton doit indemniser le lésé même dans les cas où la délivrance du permis et des plaques a été faite sur la base d’une attestation d’assurance falsifiée.155

91. Etendue de la réparation. La réparation du dommage par le canton s’effectue dans la limite des montants minimaux d’assurance prévus par la loi (art. 77 al. 1 LCR). Ceci nous renvoie aux montants définis par le Conseil fédéral à l’art. 3 OAV en application de l’art. 64 LCR, soit cinq, dix ou vingt millions de francs suisses selon le type de véhicule impliqué.156 En cas de dommage supérieur à l’assurance minimale, le lésé peut réclamer la différence au canton si la législation cantonale sur la responsabilité de l’Etat le lui permet.157

92. Droit de recours. L’art. 77 al. 2 LCR prévoit que le canton, ou son éventuel assureur, dispose d’un droit de recours contre le détenteur, sauf si dernier pouvait admettre de bonne foi qu’il était assuré.

93. Exception à l’application de l’art. 77 LCR. La responsabilité du canton n’est pas engagée dans les cas où il ne peut objectivement pas procéder au retrait du permis de circulation et des plaques de contrôle.158 Lorsque pareille situation se présente, l’art.

76 LCR régit alors l’indemnisation du lésé.

94. Responsabilité de la Confédération. Le régime de l’art. 77 LCR est applicable par analogie aux cas où la Confédération délivrerait à tort ou omettrait de retirer le permis de circulation et les plaques de contrôle d’un véhicule automobile non assuré (art. 77

154 Message concernant la modification de la loi fédérale sur la circulation routière et de la loi sur la surveillance des assurances du 10 avril 2002, FF 2002, p. 4108.

155 KELLER,p. 280 ; BUSSY/RUSCONI, art. 77 LCR, n. 2.2.

156 V. supra n. 56.

157 DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 88.

158 Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la circulation routière du 24 juin 1955,FF 1955 II, p.64.

al. 3 LCR). Toutefois, cet article ne trouve pas application, car la Confédération ne délivre pas de plaques de contrôle sauf à ses propres véhicules qui ne sont pas soumis à l’obligation d’assurance (art. 73 LCR).159

V. CONCLUSION

95. Synthèse en quatre points. Quatre éléments nous paraissent ressortir au terme de cette étude de l’obligation d’assurance des véhicules automobiles.

96. Lien entre responsabilité causale et obligation d’assurance. Tout d’abord, force est de constater que cette obligation ne peut s’analyser en dehors du contexte dans lequel elle s’inscrit, soit le système de responsabilité civile des art. 58 ss LCR. En effet, l’obligation d’assurance est inextricablement liée à la responsabilité causale aggravée du détenteur, dont elle permet la concrétisation sur le plan pratique. Si la responsabilité objective aggravée du détenteur n’était pas assortie de l’obligation d’assurance, le lésé, confronté à un préjudice souvent considérable dans le cadre d’accidents de la route et à des responsables aux moyens financiers limités, n’obtiendrait que rarement réparation de l’intégralité de son dommage. Ainsi, l’obligation d’assurance peut en quelque sorte être qualifiée de corollaire nécessaire au système de responsabilité civile de la LCR.

97. Champ d’application vaste. Un autre élément marquant dans le cadre de cette étude est l’étendue du champ d’application de l’assurance obligatoire. Sont, en fait, couverts tous les cas de responsabilité civile prévus à l’art. 58 LCR, conséquence logique du lien existant entre l’obligation d’assurance et la responsabilité causale aggravée, et cela jusqu’à concurrence de sommes toujours plus conséquentes. Les possibilités d’exclusions de prétentions, opposables aux lésés, sont en revanche très rares. Il s’agit donc d’une situation plutôt confortable pour les lésés.

98. Importance du respect de l’obligation d’assurance. Il faut aussi souligner l’importance accordée par le législateur au respect de l’obligation d’assurance. Ceci est la conséquence directe du rôle considérable que l’assurance obligatoire revêt dans l’indemnisation des lésés. L’arsenal de moyens de police et de sanctions prévus dans la loi pour veiller à la bonne mise en œuvre de l’obligation de l’art. 63 LCR démontre qu’il s’agit d’une obligation ne devant pas être prise à la légère.

99. Obligation d’assurance et lésés. Pour clore cette synthèse, revenons enfin sur le poids de l’assurance obligatoire pour les lésés. Alors même que la fonction première d’une assurance RC est la protection du patrimoine du détenteur contre les prétentions de tiers, la LCR – en rendant l’assurance obligatoire, en accordant au lésé une action directe contre l’assureur et en prévoyant l’inopposabilité à son égard des exceptions découlant du contrat d’assurance et de la LCA – a mis sur pied un système de protection au final plus centré sur la protection du lésé lui-même que sur celle du patrimoine du responsable.

159 V. supra n. 32 ; DESCHENAUX/TERCIER, § 15, n. 88.

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