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L'effet de la loi fédérale sur l'égalité sur le droit de la fonction publique

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L'effet de la loi fédérale sur l'égalité sur le droit de la fonction publique

LEMPEN, Karine

LEMPEN, Karine. L'effet de la loi fédérale sur l'égalité sur le droit de la fonction publique. In: T.

Tanquerel/F. Bellanger. Les réformes de la fonction publique. Genève : Schulthess, 2012.

p. 83-102

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:75081

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L’effet de la loi fédérale sur l’égalité sur le droit de la fonction publique

Karine Lempen

Docteure en droit, juriste au Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes, chargée de cours à l’Université de Genève

I. Introduction

L’année 2011 a été marquée par la célébration de plusieurs anniversaires importants pour l’histoire de l’égalité entre femmes et hommes. Au pro- gramme des festivités figuraient les trente ans de la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes du 18 décembre 19791, les trente ans de l’alinéa relatif à l’égalité entre femmes et hommes dans la Constitution fédérale2 et les quinze ans de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 19953.

Invoquant ces textes de loi, divers partis politiques, organisations et individus ont récemment recouru au Tribunal fédéral contre la déci- sion du canton de Zoug de supprimer sa commission de l’égalité des chances entre femmes et hommes4. Dans un arrêt du 21 novembre 20115, le Tribunal fédéral rappelle que l’article 8, alinéa 3, 2e phrase, Cst. et l’article  2, lettre  a, CEDEF donnent aux cantons le mandat de prendre des mesures en vue de réaliser une égalité de fait entre les

1 CEDEF – RS 0.108. Entrée en vigueur le 3 septembre 1981, la Convention a été ratifiée par la Suisse le 26 avril 1997.

2 Introduit suite à la votation du 14 juin 1981, le texte de l’al.  2 de l’art.  4 de l’ancienne Constitution fédérale du 29 mai 1874 se trouve à présent à l’al. 3 de l’art.  8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101).

3 LEg – RS 151.1. La loi est entrée en vigueur le 1er juillet 1996.

4 Vote final du 28 octobre 2010 (matin) ; voir le procès-verbal de cette séance sur le site du Grand Conseil du canton de Zoug : www.zug.ch/behoerden/kantonsrat/

kantonsratsvorlagen_geschaefte/protokolle/20101028a/at_download/file_pdf, p. 2751-2753. Etat des liens internet de cette contribution au 19 juillet 2012.

5 ATF 137/2011 I 305, Alternative – die Grünen Kanton Zug und Mitb.

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sexes6. La question de savoir comment ce mandat doit être concrétisé relève cependant de l’appréciation des cantons7. Selon le Tribunal fédé- ral, en effet, ni la CEDEF, ni la Constitution fédérale, ni la LEg n’obli- gent ces derniers à créer une commission de l’égalité entre femmes et hommes8. Les cantons qui décident de supprimer une telle structure ont, toutefois, l’obligation de mettre en place des mesures de remplacement propres à réaliser une véritable égalité entre femmes et hommes et à lutter contre les stéréotypes liés au sexe dans tous les domaines de la vie9. La LEg a pour but de promouvoir l’égalité de fait entre femmes et hommes dans la vie professionnelle (art. 1). Afin d’identifier les effets de cette loi sur le droit de la fonction publique, la deuxième partie de cette contribution en présente brièvement le contenu et les constats faits suite à l’évaluation de son efficacité, plus particulièrement dans le cadre des rapports de travail de droit public. Une troisième partie passe en revue différents arrêts du Tribunal fédéral propres à influencer la pratique des collectivités publiques en matière d’égalité entre les sexes.

II. La loi sur l’égalité : quel bilan tirer après quinze ans de vie ?

A. Aperçu des principales dispositions 1. Le champ d’application (article 2)

La LEg contient des règles de fond impératives qui s’imposent dans une même mesure aux employeurs et employeuses des secteurs privé et pu-

6 Id., 317-319, c. 3

7 Id., 320-323, c. 4, 5.

8 Id., 323, 326-327, c. 5, 6.6, 7.

9 Id., 317, 323, 326-327, c. 3.1, 5.5, 7. Pour un commentaire détaillé de cet ar- rêt, voir : Regula Kägi-Diener, « Bemerkungen zum Urteil des Bundesgerichts betreffend Gleichstellungskommission Zug (Urteil der I. Öffentlich-rechtlichen Abteilung 1C_549/2010 vom 21.11.2011) », Recht 1/2012 p. 30 ss ; Regula Kägi- Diener, « Pflicht der Kantone zur Schaffung angemessener Gleichstellungsinstitu- tionen auf kantonaler Ebene ? Art. 8 Abs. 3 Satz 2 BV ; § 5 Abs. 2 KV Zug ; Art. 2 lit. a des UNO-Übereinkommens zur Beseitigung jeder Form der Diskriminierung der Frau (SR 0.108 ; CEDAW) », PJA 3/2012 p. 400 ss ; Gabriela Medici, « Ver- pflichtung der Kantone, eine wirksame Gleichstellungspolitik zu betreiben. Be- sprechung des Bundesgerichtsentscheids 1C_549/2010 vom 21. November 2011 », Jusletter 2 avril 2012.

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blic. Les législateurs fédéral, cantonaux ou communaux, de même que les établissements de droit public, ne sauraient y déroger10.

2. L’interdiction de discriminer en raison du sexe (article 3) Contrairement aux directives européennes relatives à l’égalité de trai- tement entre femmes et hommes11, l’article 3, alinéa 1, LEg interdit les discriminations directes et indirectes en raison du sexe sans définir ces notions. On entend par discrimination directe en raison du sexe une différence de traitement qui se fonde explicitement sur le critère du sexe ou de la grossesse. Une telle différence n’est, en principe, jamais justi- fiée, sauf lorsque des motifs biologiques excluent un traitement égal ou lorsque le critère du sexe représente un facteur déterminant pour l’exé- cution du travail12. Constitue une discrimination indirecte en raison du sexe une différence de traitement qui se fonde sur un critère neutre au premier abord (p. ex. l’état civil, la situation familiale, l’ancienneté, le temps partiel), mais qui a pour effet de désavantager une propor- tion considérablement plus élevée de personnes d’un sexe par rapport à l’autre, sans que cette différence soit justifiée objectivement13.

L’alinéa 2 de l’article  3 LEg précise que l’interdiction de discriminer s’applique à l’ensemble de la relation d’emploi, de l’embauche à la rési- liation des rapports de travail.

L’alinéa 3 de cette disposition réserve la possibilité pour les employeurs et employeuses de prendre des mesures positives, qui ont pour objectif la réalisation de l’égalité de fait entre femmes et hommes et qui sont conformes au principe de la proportionnalité. Nous reviendrons plus loin sur la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant l’adoption de mesures positives dans le secteur public14.

10 Gabriel Aubert, « Article 2 LEg », in : Aubert / Lempen (éd.), Commentaire de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes, Genève 2011, p. 27.

11 Cf. notamment l’art.  2 de la directive 2006/54 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, JO L 204 du 26.7.2006.

12 Karine Lempen, « Article 3 LEg », in : Commentaire (n. 10) p. 37-38, avec les références.

13 Lempen (n. 12) p. 38-42.

14 Cf. infra III, C.

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3. Le harcèlement sexuel (article 4)

La LEg interdit une forme particulière de discrimination basée sur le sexe : le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. L’article 4 LEg le définit comme un comportement importun, de caractère sexuel ou fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail. Cet article mentionne, à titre d’exemple, des com- portements intentionnels relevant du chantage sexuel. La jurisprudence rendue en lien avec des rapports de travail de droit privé a précisé que des comportements qui n’ont pas nécessairement pour but d’obtenir des faveurs sexuelles, mais qui contribuent à créer un environnement de tra- vail hostile pour un sexe, comme des remarques et plaisanteries sexistes, entrent dans la définition du harcèlement sexuel15.

4. Les droits des travailleuses et travailleurs (article 5) a. Aperçu des prétentions

Les droits dont peuvent se prévaloir les personnes qui se sentent discri- minées en raison de leur sexe sont énumérés à l’article 5 LEg. L’alinéa 1 de cette disposition mentionne tout d’abord trois actions inspirées du droit de la protection de la personnalité, à savoir l’action en interdiction (let. a), l’action en cessation (let. b) et l’action en constatation de l’at- teinte (let. c). Ce premier alinéa mentionne aussi l’action en paiement du salaire (let. d), qui permet de demander rétroactivement, sur une période de cinq ans, la différence entre le salaire touché et le salaire jugé non-discriminatoire16.

L’article 5, alinéas 2 à 4, LEg prévoit le versement d’indemnités spé- ciales, de nature à la fois punitive et réparatrice17, en cas de harcèlement sexuel, de refus d’embauche, de résiliation ou de non-réengagement dis- criminatoire. En cas de refus d’embauche discriminatoire, seul le verse- ment d’une indemnité peut être demandé. Dans le secteur public comme

15 ATF 126/2000 III 395, dame A., 397 ; Arrêt TF 4C.187/2000 du 6 avril 2001, c. 2b ; Arrêt TF 4C.289/2006 du 5 février 2007, c. 3.2. Le Tribunal administratif fédéral se réfère aux deux premiers arrêts dans un arrêt du 25 octobre 2010 (arrêt du TAF A-6910/2009 du 25 octobre 2010) résumé infra III, B. 1.

16 Au sujet de l’action en paiement du salaire : Aubert, « Article 5 », in : Commen- taire (n. 10) p. 131-133.

17 ATF 131/2005 II 361, Balmelli, 368-369.

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dans le secteur privé, les actions en interdiction et en cessation de l’at- teinte prévues à l’article 5, alinéa 1, LEg ne sont pas ouvertes18.

L’article 5, alinéa 5, LEg réserve la possibilité de demander, cumula- tivement aux indemnités monétaires susmentionnées, le versement de dommages-intérêts et la réparation du tort moral lorsque la gravité de l’atteinte le justifie19.

b. L’action en cessation de l’atteinte

Dans le cadre de rapports de travail de droit public, l’action en cessation de l’atteinte prévue par l’article 5, alinéa 1, lettre b, LEg permet de re- quérir l’annulation d’une décision discriminatoire de non-promotion, de résiliation ou de non-réengagement20. Une décision discriminatoire de résilier les rapports de travail de droit public peut être annulée et donner lieu à la réintégration de la personne discriminée sur son lieu de travail, même lorsque la législation cantonale ne prévoit pas cette possibilité21. La réintégration est prévue à l’article 14, alinéa 3, lettre b, de la loi fédé- rale sur le personnel de la Confédération du 24 mars 200022. Le projet de LPers modifiée prévoit, dans un nouvel article 34c, alinéa 1 :

« L’employeur propose à l’employé de le réintégrer dans l’emploi qu’il oc- cupait jusqu’alors ou, si cela est impossible, lui propose un autre travail pouvant raisonnablement être exigé de lui lorsque l’instance de recours a admis le recours contre une décision de résiliation des rapports de travail parce que la résiliation : […] d. était discriminatoire en vertu des art. 3 ou 4 de la loi du 24 mars 1995 sur l’égalité »23.

Lorsque la discrimination porte sur la résiliation de rapports de travail régis par le CO24, en revanche, la personne lésée ne peut prétendre qu’au

18 Cf. art. 5, al. 2, LEg, auquel renvoie l’art. 13, al. 2, LEg.

19 A titre d’illustration : Arrêt TF 4A_330/2007 du 17 janvier 2008, c. 4.1.

20 Message LEg, FF 1993 I 1228 ; Kathrin Arioli, Felicitas Furrer Iseli, L’application de la loi sur l’égalité aux rapports de travail de droit public, Bâle/

Genève/Munich 2000, p. 75 et 86.

21 Kathrin Arioli, « Artikel 13 GlG », in : Kaufmann / Steiger-Sackmann (éd.), Kommentar zum Gleichstellungsgesetz, Bâle 2009, p. 418.

22 LPers – RS 172.220.1.

23 FF 2011 6201, 6209.

24 Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (Livre cinquième : Droit des obligations) (CO – RS 220).

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versement d’une indemnité (art. 5, al. 2, LEg). Une réintégration sur le lieu de travail n’est possible que lorsque le licenciement a été signifié à titre de représailles au sens de l’article 10 LEg, parce que la personne employée a invoqué une violation de la LEg.

5. L’allègement du fardeau de la preuve (article 6)

Le principe de la maxime inquisitoire impose aux autorités et juri- dictions administratives d’établir d’office les faits, en administrant les preuves nécessaires (art. 12 de la loi fédérale sur la procédure adminis- trative du 20 décembre 196825). Lorsque les preuves font défaut ou si l’on ne peut raisonnablement exiger des autorités qu’elles les recueillent, l’article 8 CC26, selon lequel chaque partie doit prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit, s’applique par analogie27.

La LEg prévoit, à son article 6, un allègement du fardeau de la preuve, qui s’applique tant aux rapports de travail régis par le CO que dans le secteur public fédéral, cantonal et communal28. Ainsi, il suffit à une personne qui estime être discriminée en raison du sexe, dans le secteur public ou privé, de rendre cette discrimination vraisemblable. Si elle y parvient, le fardeau de la preuve est renversé et il appartient à la partie employeuse de fournir la preuve complète de l’absence de différence de traitement ou du caractère objectivement justifié de cette différence29. L’allègement du fardeau de la preuve vaut pour toutes les discriminations interdites par la LEg, à l’exception de la discrimination à l’embauche et du harcèlement sexuel. Dans ces domaines, toutefois, l’autorité admi- nistrative ou judiciaire ne pourra faire application du principe général inscrit à l’article 8 CC que lorsque les preuves font objectivement dé- faut ou si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille30.

25 PA – RS 172.021.

26 Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC – RS 210).

27 Christian Bruchez, « Article 13 LEg », in Commentaire (n. 10) p. 286, avec les références.

28 Rémy Wyler, « Article 6 LEg », in Commentaire (n. 10) p. 148 ; Bruchez (n. 27) p. 286-287.

29 Message LEg, FF 1993 I 1215-1216 ; ATF 125/1999 III 368, S., 372-373.

30 Bruchez (n. 27) p. 287.

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6. Le droit d’agir des organisations (article 7)

Enfin, l’article 7 LEg prévoit que les organisations constituées depuis deux ans au moins, qui ont pour tâche de promouvoir l’égalité ou de défendre les intérêts des travailleurs et travailleuses, ont qualité pour agir en leur propre nom, en vue de faire constater une discrimination, lorsqu’il paraît vraisemblable que l’issue du procès affectera un nombre considérable de rapports de travail. Nous verrons plus loin deux cas d’application de cette disposition dans le secteur public31.

B. Evaluation de l’efficacité de la loi

Selon le rapport du Conseil fédéral relatif à l’évaluation de l’efficacité de la loi sur l’égalité du 15 février 2006, les tribunaux de droit public et les tribunaux civils suisses ont rendu, entre 1996 et 2004, près de 270 juge- ments sur la base de cette loi32. Plus de la moitié (54%) concernaient des rapports de travail de droit public. Dans 32 cas seulement, les plaintes avaient été déposées par des organisations. A deux exceptions près, ces plaintes fondées sur l’article 7 LEg concernaient exclusivement des rap- ports de travail régis par le droit public33.

Dans le secteur public, les actions ont concerné majoritairement des cas de discrimination salariale (80%). Viennent ensuite le licenciement dis- criminatoire (8%) et le harcèlement sexuel (4%). Dans le secteur privé, en revanche, le harcèlement sexuel apparaît comme la discrimination la plus fréquemment invoquée (40%)34.

Au moment de la notification du jugement, entre la moitié et les deux tiers des rapports de travail avaient été résiliés (45% dans le secteur public et 84% dans le secteur privé)35. Le taux de résiliation s’est révélé

31 Cf. infra III, A.

32 FF 2006 3061, 3069.

33 FF 2006 3061, 3070. Une motion Prisca Birrer-Heimo 11.3977 « Plaintes col- lectives. Simplification des procédures judiciaires » demande au Conseil fédéral de présenter un projet de loi simplifiant les conditions permettant à un grand nombre de personnes lésées au même titre de faire valoir collectivement leurs prétentions devant un tribunal.

34 FF 2006 3061, 3070.

35 FF 2006 3061, 3081.

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particulièrement élevé (90%) lors de procès pour harcèlement sexuel, indépendamment de la nature des rapports de travail36.

Le Conseil fédéral arrive néanmoins à la conclusion qu’un renforcement de la protection contre les congés n’est pas nécessaire. L’évaluation de la loi n’a pas mis en évidence de défauts majeurs auxquels il conviendrait de remédier de toute urgence. En revanche, le Conseil fédéral reconnaît que la loi demeure trop peu connue et qu’il y a lieu, en priorité, d’amé- liorer l’information, la sensibilisation du public et la formation continue des milieux professionnels concernés37.

Quinze ans après l’entrée en vigueur de la LEg, deux motions déposées au Conseil national le 14 juin 2011 insistent sur la nécessité de prévoir une large campagne d’information sur cette loi et sur la discrimination indirecte, qui reste particulièrement difficile à identifier et à combattre en entreprise38. Dans le domaine de l’égalité salariale, diverses interven- tions ont récemment été faites au Parlement fédéral pour demander une transparence salariale et un contrôle étatique accrus, notamment par le biais d’une modification de la LEg39.

III. La jurisprudence relative aux rapports de travail de droit public

A. Discrimination salariale

Depuis l’entrée en vigueur de la LEg, l’écart salarial entre femmes et hommes ne s’est pas réduit de manière significative40. Pourtant, comme

36 FF 2006 3061, 3077.

37 FF 2006 3061, 3089-3090.

38 Motion Josiane Aubert 11.3514 « Loi sur l’égalité. Large campagne d’infor- mation », motion Corrado Pardini 11.3516 « Combattre les discriminations indirectes ».

39 Voir, par exemple, la motion Silvia Schenker 11.3517 « Pour la transparence des salaires », l’initiative parlementaire du Groupe des Verts 11.404 « Création d’une commission indépendante chargée de réaliser l’égalité salariale » et l’initiative par- lementaire du Groupe socialiste 11.445 « Egalité salariale. Création d’une autorité habilitée à investiguer et à intenter une action ».

40 En 2010, l’écart calculé par l’Office fédéral de la statistique, sur la base du sa- laire mensuel brut standardisé (médiane), était de 18.4% dans le secteur privé, de 16.4% dans le secteur public cantonal et de 12.1% dans le secteur public fédéral.

Voir : www.equality-stat.admin.ch.

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le note le Conseil fédéral, la LEg a permis de relever sensiblement la ré- munération de métiers « typiquement féminins » dans le secteur public41. De nombreux cantons ont dû revoir leur système salarial en lien avec des arrêts du Tribunal fédéral concluant à l’existence d’une discrimina- tion salariale au détriment de professions traditionnellement féminines.

1. La classification salariale des professions dans la fonction publique (ATF 136 II 393)

Le canton de Saint-Gall s’est engagé à améliorer la classification des professions d’infirmière-infirmier et de sage-femme suite à une plainte pour discrimination salariale déposée par diverses associations profes- sionnelles et par treize personnes actives dans le secteur de la santé42. La plainte avait donné lieu à un arrêt du 31 août 201043, dans lequel le Tribunal fédéral précise qu’une discrimination salariale entre femmes et hommes au sens des articles 8, alinéa 3, Cst. et 3 LEg peut exister même lorsque l’entité employeuse procède à des différences de traitement in- justifiées entre personnes du même sexe44.

En l’espèce, l’expertise mandatée par le Tribunal administratif du can- ton de Saint-Gall avait établi que les professions « typiquement fémi- nines » d’infirmière-infirmier et de sage-femme étaient rémunérées de façon trop basse, non seulement par rapport à la profession « typique- ment masculine » de policière-policier, mais aussi par rapport à d’autres professions « typiquement féminines » et à une profession « neutre ». La question se posait dès lors de savoir dans quelle mesure les inégalités constatées violaient véritablement le principe d’égalité entre femmes et hommes (art. 8, al. 3, Cst. et 3 LEg) ou étaient uniquement contraires au principe général d’égalité (art. 8, al. 1, Cst.)45.

41 FF 2006 3061, 3088.

42 Cf. les communiqués de presse de l’Association suisse des infirmières et infirmiers ASI/SBK (section St-Gall, Thurgovie, Appenzell) du 17 août 2011 (www.sbk- asi.ch/webseiten/deutsch/0default/pdf/Lohnklage%20SG_ Stellungnahme%20 Sektion.pdf) et du 1er décembre 2011 (www.sbk-sg.ch/webseiten/1weiterenews/

pdf/2011%2012%2001%20Medienmitteilung%20Lohnfeststellungsklage.pdf).

43 ATF 136/2010 II 393, Schweizer Berufsverband der Pflegefachfrauen und Pflege- fachmänner (SBK) und Mitb.

44 Id., 398, c. 11.3.

45 Id., 395.

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Le Tribunal fédéral se prononce en faveur de l’application du principe d’égalité entre femmes et hommes. En effet, lorsque, comme dans le cas d’espèce, une discrimination salariale entre les sexes a été rendue vraisemblable, la partie employeuse ne peut renverser la présomption de discrimination en se limitant à prouver que, pour d’autres types d’emplois « typiquement féminins » ou « neutres », elle alloue un salaire non-discriminatoire46. Si tel était le cas, il lui suffirait de pratiquer des différences de traitement injustifiées entre personnes du même sexe pour échapper à tout reproche de discrimination fondée sur le sexe47.

2. Le droit d’action des organisations (ATF 138/2012 II 1, A.) La plupart des procès pour discrimination salariale qui ont donné lieu à la revalorisation de groupes professionnels entiers ont été intentés par des organisations sur la base de l’article 7 LEg48. Dans ce type de litiges, qui s’étend souvent sur de nombreuses années, la question se pose de savoir dans quelle mesure l’action en constatation intentée par une or- ganisation peut avoir pour effet d’interrompre le délai de prescription de cinq ans (art. 128, ch. 3, CO, par analogie) d’une action individuelle en paiement du salaire, au sens de l’article 5, alinéa 1, lettre d, LEg49. Le Tribunal fédéral a répondu pour la première fois à cette question dans un arrêt du 18 octobre 201150. Les juges fédéraux ont confirmé un arrêt rendu par le Tribunal administratif du canton de Zurich le 4 mars 2011, selon lequel une procédure menée par une organisation sur la base de l’article 7 LEg, n’a pas pour effet d’interrompre la pres- cription d’une action individuelle51. Si la personne concernée souhaite attendre les résultats de la procédure collective, sans pour autant renon- cer à l’éventualité d’une plainte individuelle, il lui suffit d’interrompre la prescription au moyen d’un commandement de payer (art. 135, ch. 2, CO, par analogie)52. Selon le Tribunal fédéral, le fait que la LEg ne règle

46 Id., 398, c. 11.3.1.

47 Id., 398, c. 11.3.

48 Cf. supra II, A, 6 ; II, B.

49 Cf. supra II. A. 4, a.

50 ATF 138/2012 II 1, A.

51 PB.2010.00008.

52 Id., c. 3.4.

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pas spécifiquement la question de l’effet interruptif de prescription des actions intentées sur la base de l’article 7 LEg ne peut être perçu comme une lacune, dont le comblement incomberait au Tribunal, mais doit bien plutôt être considéré comme un silence qualifié du législateur53.

B. Harcèlement sexuel sur le lieu de travail

1. La définition ; le devoir de mettre fin au harcèlement sexuel (ATAF du 25 octobre 2010)54

La définition du harcèlement sexuel a surtout été précisée par des arrêts portant sur des rapports de travail de droit privé55. Un arrêt rendu par le Tribunal administratif fédéral le 25 octobre 2010 représente à cet égard une notable exception. Le Tribunal y reconnaît un collaborateur de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) coupable d’avoir eu à l’égard d’une assistante-doctorante un comportement relevant du harcèlement sexuel au sens de l’article 4 LEg56.

Le Tribunal explique que la définition du harcèlement sexuel « vaut pour les relations de travail fondées tant sur le droit privé que sur le droit public ». Elle « n’exige pas que le harcèlement sexuel se produise effectivement sur le lieu de travail, mais simplement qu’il puisse avoir un effet sur les relations de travail »57. En l’espèce, le collaborateur avait fait des déclarations amoureuses à l’assistante-doctorante et s’était mon- tré insistant à son égard, notamment lors d’une dispute qui avait eu lieu un soir au domicile de cette dernière58. Le Tribunal administratif fédéral qualifie cette attitude d’importune, au sens de l’article 4 LEg.

En effet, « il n’est pas nécessaire que l’intimé ait voulu obtenir des fa- veurs sexuelles pour que son comportement soit inclus dans la défini- tion du harcèlement sexuel ». Le fait que ce dernier « n’ait pas voulu

53 ATF 138/2012 II 1, A, c. 4.

54 Arrêt du TAF A-6910/2009 du 25 octobre 2010.

55 Cf. supra II, A, 3.

56 Arrêt TAF A-6910/2009 du 25 octobre 2010. Cet arrêt a été en partie annulé par un arrêt TF 8C_983/2010 du 9 novembre 2011 en tant qu’il constatait que l’intimé n’avait pas à rembourser les salaires perçus durant la durée de la procédure à la place de la réintégration provisoire.

57 Arrêt du TAF A-6910/2009 du 25 octobre 2010, c. 6.1.

58 Id., c. 9.

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empoisonner les rapports de travail, ni même envisagé un tel résultat » n’est pas davantage déterminant59.

Saisi d’une plainte de l’assistante-doctorante, l’EPFL avait ouvert une enquête disciplinaire à l’encontre de l’employé mis en cause. A l’issue de cette enquête, l’EPFL avait prononcé un blâme contre ce dernier puis lui avait adressé un avertissement. Par la suite, l’employé avait déposé une plainte pénale pour diffamation contre la jeune femme et s’était de nouveau comporté de façon inadéquate à l’égard de celle-ci. Pour ces motifs, l’EPFL avait résilié le contrat de travail qui la liait à l’intimé. Le Tribunal administratif fédéral arrive à la conclusion que la résiliation ne viole pas l’article 12, alinéa 6, LPers et n’est donc pas nulle au sens de l’article 14 de cette loi60.

2. Le devoir de mettre fin au harcèlement sexuel ;

l’enquête administrative (Arrêt TF du 1er novembre 2010)61 a. Résumé

Un employé de la ville de Zurich est licencié pour avoir, notamment, harcelé sexuellement des collègues et une cliente. L’Office employeur avait mandaté une avocate indépendante, spécialiste de la LEg, pour mener une enquête administrative62. Le rapport d’enquête concluait à l’existence d’un harcèlement sexuel et recommandait de mettre fin aux rapports de travail avec la personne mise en cause, ce que l’employeur fit.

L’employé recourt contre cette décision au Bezirksrat Zürich. L’autorité qualifie les résultats de l’enquête de non fiables. En effet, en conseillant à l’employeur de prononcer à l’encontre de la personne mise en cause une interdiction de prendre contact avec les trois femmes concernées63 et en

59 Id., c. 9.3.

60 Id., c. 9.4-9.5.

61 Arrêt TF 8C_690/2010.

62 Telle que prévue par l’art. 96 des Ausführungsbestimmungen zur Verordnung über das Arbeitsverhältnis des städtischen Personals du 27 mars 2002 (AB PR – AS [recueil officiel de la Ville de Zurich] 177.101).

63 Bezirksrat Zurich, décision du 21 janvier 2010 (GE.2009.88), c. 3.3.2. L’enquê- trice externe n’était pas habilitée à prononcer une interdiction de prendre contact sur la base du § 6 de la Verwaltungsrechtspflegegesetz (VRG – RS/ZH 175.2). En l’espèce, l’art. 5, al. 1, LEg ne permettait pas non plus de fonder une telle mesure.

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64 Bezirksrat Zurich, décision du 21 janvier 2010 (GE.2009.88), c. 3.3.2. L’avocate de la personne mise en cause a toutefois été autorisée à assister à deux des trois auditions.

65 Au sens des art. 7 ss VRG. Bezirksrat Zurich, décision du 21 janvier 2010 (GE.2009.88), c. 3.3.2.

66 Arrêt du Tribunal administratif du canton de Zurich du 16 juin 2010 (PB.2010.00007), c. 3.6, 11.5.

67 Id., c. 4.9.

68 Id., c. 7.1.

69 Id., c. 7.2.

70 Cf. Personalrecht Verordnung über das Arbeitsverhältnis des städtischen Perso- nals du 6 février 2002 (PR – AS 177.100), art. 18.

71 Arrêt du Tribunal administratif du canton de Zurich du 16 juin 2010 (PB.2010.00007), c. 8.

72 Id., c. 9.

73 Arrêt TF 8C_690/2010, c. 4.

refusant que la première assiste à l’audition des secondes64, l’enquêtrice aurait fait preuve de partialité et violé le droit d’être entendu de la per- sonne accusée65. Amené à son tour à se prononcer, le Tribunal adminis- tratif du canton de Zurich ne prend pas position sur les reproches for- mulés à l’encontre de l’avocate chargée de conduire l’enquête66. Les juges cantonaux se limitent à constater que le harcèlement sexuel n’a pas pu être prouvé67 et que ce motif n’entre donc pas en ligne de compte pour justifier un licenciement68. D’autres manquements reprochés à l’employé suffisent, en revanche, à justifier sur le fond la résiliation des rapports de travail69. Toutefois, le délai de sursis de trois mois prévu par le droit du personnel de la ville de Zurich70 n’ayant pas été respecté, le Tribunal estime que la décision de licenciement est entachée d’un vice de forme71 et condamne la partie employeuse au versement d’une indemnité de trois mois de salaire72. La décision du Tribunal cantonal a été confirmée par un arrêt du Tribunal fédéral du 1er novembre 201073.

b. Commentaire

L’avocate mandatée pour conduire l’enquête a refusé que la personne mise en cause assiste à l’audition des trois femmes se plaignant de har- cèlement sexuel, afin de protéger leur droit à ne pas être confrontées à la personne accusée, cette dernière ayant la possibilité de consulter, par

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la suite, les procès-verbaux d’audition et de prendre position sur chaque accusation. Les reproches qui lui ont été faits par les autorités zurichoises montrent que le droit d’être entendu dont jouissent les personnes mises en cause dans une procédure administrative entre parfois en contradic- tion avec les droits dont peuvent se prévaloir les victimes d’infractions à l’intégrité sexuelle dans le cadre d’une procédure pénale74.

Afin d’éviter que les décisions prises par la partie employeuse pour mettre fin à un harcèlement sexuel ne soient ensuite invalidées par un tribunal en raison de défauts formels75, celle-ci à intérêt à se doter de règles internes qui définissent de manière précise les garanties procé- durales. Un règlement peut prévoir par exemple que, lorsqu’un intérêt prépondérant l’exige, l’audition de la personne qui se plaint de harcè- lement sexuel peut, à sa demande, avoir lieu en l’absence de la per- sonne mise en cause. En pareille hypothèse, la personne accusée doit toutefois avoir la possibilité de se faire représenter par son conseil ju- ridique76. Quelle que soit la solution retenue, lorsque les actes de har- cèlement invoqués sont constitutifs d’infractions pénales, la partie em- ployeuse devrait se poser la question de savoir s’il se justifie d’éclaircir les faits par le biais d’une enquête interne ou s’il n’est pas préférable de laisser cette tâche aux autorités de poursuite pénale, qui disposent de possibilités d’investigation accrues et agissent sur la base de règles procédurales claires77.

74 Le Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP – RS 312.0) pré- voit qu’une « confrontation avec le prévenu ne peut être ordonnée contre la vo- lonté de la victime que si le droit du prévenu d’être entendu ne peut être garanti autrement » (art. 153, al. 2).

75 Pour un autre exemple concernant la ville de Zurich, voir un arrêt du Tribunal administratif du canton de Zurich du 21 juillet 2010 (PB.2010.00012). Voir aussi un arrêt de la Cour d’appel des prud’hommes de Genève du 9 août 2010 (CAPH/138/2010), c. 3, relatif aux défauts d’une enquête diligentée par une banque et ayant donné lieu à un arrêt TF 4A_510/2010 du 1er décembre 2010.

76 Comme prévu par le Reglement zum Schutz vor sexueller Belästigung an der Uni- versität Zürich du 1er mars 2007 (RS/ZH 415.116), § 23, al. 3.

77 A ce sujet, à propos du secteur privé : Thomas Geiser, « Interne Untersuchungen des Arbeitgebers : Konsequenzen und Schranken », PJA 8/2011 p. 1047 ss.

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C. Discrimination à l’embauche

1. Les quotas en matière d’accès à l’enseignement universitaire (ATF 131 II 361, Balmelli)

Le célèbre arrêt Balmelli du 14 mars 200578 fait partie des rares juris- prudences traitant de la discrimination à l’embauche en raison du sexe79. En effet, l’allègement du fardeau de la preuve consacré à l’article 6 LEg ne s’appliquant pas à ce type de discrimination80, les personnes concer- nées hésitent à porter plainte, dans le secteur public comme dans le secteur privé81.

Il n’est pas nécessaire d’entrer ici dans les détails de l’arrêt Balmelli, qui a déjà été abondamment commenté par la doctrine82. Rappelons simplement que, si cette affaire a fait couler tant d’encre, c’est parce qu’elle posait la question de savoir si un quota rigide, en vertu duquel les candidatures féminines doivent être, automatiquement, préférées aux candidatures masculines, est conforme au principe d’égalité inscrit à l’article 8, alinéa 3, Cst.

En l’espèce, le Tribunal fédéral a répondu par la négative. En effet, même si on admettait qu’un quota rigide adopté par une université dans le cadre d’un programme fédéral visant à pallier la sous-représentation des femmes au sein du corps professoral répond aux exigences de la pro- portionnalité, la mesure, pour être conforme au principe constitutionnel

78 ATF 131/2005 II 361, Balmelli.

79 Pour d’autres exemples, voir Lempen (n. 12) p. 43 et 47.

80 Cf. supra II, A, 5.

81 Comme en témoignent les chiffres mentionnés supra II, B.

82 Voir, parmi d’autres : Yvo Hangartner, « Art. 8 Abs. 3 BV ; Art. 3 des Gleich- stellungsgesetzes. Frauenförderungsmassnahme in Form einer starren Quotenre- gelung (BGE 131 II 361) », PJA 11/2005 p. 1414 ss ; Yvo Hangartner, « Art. 8 Abs. 3 BV ; Art. 3 des Gleichstellungsgesetzes. Frauenförderungsmassnahme in Form einer starren Quotenregelung (BGE 131 II 361) », PJA 5/2006 p. 597 ss ; Regula Kägi-Diener, « Zum Urteil des Bundesgerichts betreffend Erwerbs- quoten (BGE  131 II 361) i. S. Balmelli und zu dessen Besprechung durch Yvo Hangartner in AJP/PJA 2005, 1414 », PJA 1/2006 p. 107 ss ; Christa Tobler,

« Quoten zum Dritten : Gesetzliche Grundlagen für Frauenförderungsmassnah- men und Entschädigungen für Diskriminierungen. Zur Entscheidung des Bundes- gerichtes vom 14. März 2005 in der Rechtssache Tiziano Balmelli gegen Rekurs- kommission der Universität Freiburg im Üchtland », Recht 6/2005 p. 220 ss.

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d’égalité, aurait dû être prévue dans une loi au sens formel du terme83. Le Tribunal précise que l’article 3, alinéa 3, LEg, selon lequel « ne consti- tuent pas une discrimination les mesures appropriées visant à promou- voir dans les faits l’égalité entre femmes et hommes », ne représente pas une base légale suffisante84.

Force est de constater que l’exigence d’une base légale formelle, autre que l’article 3, alinéa 3, LEg, complique considérablement l’adoption de quotas rigides dans le secteur public. Les universités tendent désormais à privilégier des formules moins contraignantes, en vertu desquelles elles s’engagent à encourager une représentation équilibrée des sexes au sein du corps professoral85.

2. La procédure de nomination du corps enseignant universitaire (Arrêt TF du 19 janvier 2006)86

Le Tribunal fédéral a rendu le 19  janvier 2006 un arrêt en lien avec la procédure de nomination du corps professoral de l’Université de Genève. A l’époque, la loi sur l’université87 contenait un article  26A, en vertu duquel « à qualifications scientifiques et pédagogiques équi- valentes, la préférence est donnée à la personne qui appartient au sexe sous-représenté ».

Le Dr X pose sa candidature pour occuper un poste de professeur mis au concours par la Faculté de médecine de l’Université. La Faculté lui explique que la Commission de nomination a décidé de ne pas proposer son nom au Rectorat et lui remet, à titre d’information, le règlement relatif à la procédure de plainte pour violation de la règle de préférence prévue à l’article 26A de la loi sur l’université. Le candidat évincé porte

83 ATF 131/2005 II 361, Balmelli, 383, c. 6.7, 7.1.

84 Id., 387, c. 7.5.

85 Voir, par exemple, l’art.  3, al.  2, de la loi genevoise sur l’université du 13 juin 2008 (LU-GE – RS/GE C 1 30). La Convention d’objectifs entre l’Etat de Ge- nève et l’Université pour les années 2008 à 2011 (disponible sur : www.ge.ch/

grandconseil/data/loisvotee/L10421.pdf) fixe à 30% la part de femmes devant être nouvellement nommées au sein du corps professoral (objectif 5.1).

86 Arrêt TF 2P.277/2004, 2A.637/2004.

87 Loi du 26 mai 1973 remplacée par la loi du 13 juin 2008 mentionnée supra (n. 85).

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plainte pour violation de cette règle de préférence. Le Rectorat de l’uni- versité puis le Tribunal administratif du canton de Genève jugent sa plainte irrecevable, notamment au motif que son auteur, qui n’appar- tient pas au groupe de personnes sous-représentées au sein du corps professoral, ne dispose pas de la qualité pour agir. Le Dr X intente alors un recours au Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral rappelle que, en cas de discrimination à l’embauche, la personne lésée peut prétendre au versement d’une indemnité sur la base de l’article 5, alinéas 2 et 4, LEg88. La LEg ne précise ni les délais ni les formes permettant de faire valoir cette prétention. S’agissant de la fonction publique cantonale, le recourant doit d’abord épuiser les voies de recours que le droit cantonal met à sa disposition89. Les moyens de droit cantonaux doivent êtres aménagés de manière à permettre aux personnes et organisations légitimées de se prévaloir efficacement des droits mentionnés à l’article 5 LEg90.

En l’espèce, l’ouverture de la voie de plainte à toutes les personnes, femmes et hommes, qui s’estiment directement touchées par une viola- tion de la règle de préférence « constitue une exigence de la loi sur l’éga- lité qui l’emporte sur l’autonomie procédurale des cantons ». En confé- rant à la procédure de plainte prévue par le règlement de l’université une portée asymétrique, « le Tribunal administratif perd de vue que la règle de préférence suppose d’abord une comparaison de la qualification scientifique et pédagogique des candidats quel que soit leur sexe. Ce n’est qu’après cette appréciation que préférence peut et doit être donnée aux personnes du sexe sous-représenté, à qualifications équivalentes ».

Ainsi, « le recourant doit pouvoir invoquer efficacement les droits confé- rés par l’article 5 LEg, quand bien même il ne fait pas partie du groupe historiquement minoritaire »91. Le Tribunal fédéral conclut donc à l’ad- mission du recours de droit administratif.

88 Cf. supra II, A, 4, a.

89 Arrêt TF 2P.277/2004 du 19 janvier 2006, c. 3.3.

90 Id., c. 3.3 in fine, 4.3, auquel renvoie un ATF 133/2007 II 257, X., 262, portant sur la même affaire.

91 Id., c. 4.3.

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IV. Conclusion

Depuis l’entrée en vigueur de la LEg, la quasi-totalité des employeurs et employeuses de droit public s’est dotée de règles visant à réaliser l’égalité entre femmes et hommes92. Les administrations fédérale, can- tonales et communales prévoient généralement des mesures encoura- geant la conciliation entre vie professionnelle et vie privée, comme le travail à domicile93, la participation aux frais de crèche94 ou les congés parentaux95.

Par ailleurs, la LEg donne lieu à un nombre croissant de jugements. La jurisprudence rendue en matière d’égalité salariale oblige les collectivités publiques à revoir leurs grilles salariales à la lumière du principe « sa- laire égal pour un travail de valeur égale » ou les incite à le faire sur une base volontaire96.

Les arrêts rendus en matière de harcèlement sexuel et, plus précisément, en lien avec l’obligation de mettre fin à un harcèlement, poussent les employeuses et employeurs publics à se doter de procédures internes pour lutter contre ce phénomène97. Nul ne conteste plus la nécessité de prendre au sérieux les plaintes pour harcèlement sexuel et de prononcer des sanctions le cas échéant. Au vu de la jurisprudence récente du Tri-

92 Voir, par exemple, les instructions du Conseil fédéral pour la réalisation de l’éga- lité des chances dans l’administration fédérale du 22 janvier 2003, FF 2003 1332.

93 Voir, par exemple, les instructions mentionnées supra (n. 92), ch. 431-432.

94 Voir, par exemple, le nouvel art. 51a, al. 2, de l’Ordonnance du Département fédé- ral des finances du 6 décembre 2001 concernant l’ordonnance sur le personnel de la Confédération (O-OPers – RS 172.220.111.31), qui prévoit un soutien financier des départements à l’accueil extrafamilial des enfants.

95 Voir l’art. 17, al. 2, du projet de loi sur le personnel de la Confédération, FF 2011 6201, mentionné supra II, A, 4, b.

96 Voir la « Convention entre l’Administration fédérale et les associations du per- sonnel fédéral » du 19 novembre 2010, dans laquelle l’Administration s’engage à examiner si le personnel de la Confédération subit des discriminations salariales fondées sur le sexe. Cette convention a été conclue dans le cadre du projet « Dia- logue sur l’égalité des salaires », auquel participent notamment aussi la Poste suisse et les Chemins de fer fédéraux suisses, www.dialogue-egalite-salaires.ch.

97 Voir, parmi d’autres, la procédure prévue par le règlement relatif à la protec- tion de la personnalité à l’Etat de Genève du 18 juin 2008 (RPPers-GE – RS/GE B 5 05.10).

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bunal fédéral, les entités employeuses auront toutefois intérêt à s’assurer que les dispositifs mis sur pied respectent les principes généraux de pro- cédure administrative, notamment le droit d’être entendu.

Enfin, la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral en matière de mesures positives dans le secteur public semble avoir freiné – momen- tanément pour le moins  – les tentatives d’instaurer des systèmes de quotas rigides à l’embauche. Les administrations optent désormais de préférence pour des quotas dits « souples »98, jugés conformes au prin- cipe de la proportionnalité et non soumis à l’exigence d’une base légale formelle.

98 Voir, par exemple, le ch. 421 des instructions mentionnées supra (n. 92).

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