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Grand Prix en addictologie - 3e lauréat - Le midazolam accroît la létalité aiguë de la buprénorphine chez la souris

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Le Courrier des addictions (18) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2016 34

3 e laur é at

Le midazolam accroît la létalité aiguë de la buprénorphine chez la souris

Midazolam increases acute lethality of buprenorphine in mice

L.L. Ma*,**, J. Bourgine*, B. Philoxène**, R. Morello***, A. Coquerel*,**

L’

addiction aux opioïdes majeurs, dont l’héroïne, demeure une préoccupation dans le monde entier.

Dans les pays occidentaux il est proposé des médicaments de substitution aux opiacés (MSO) pour éviter la désinsertion sociale et le risque de décès par surdose (“overdose”). Si ces MSO et les prises en charge psychologique et sociale ont une indéniable effi cacité, on constate malheureusement aussi qu’un certain nombre de décès est dû aux mésusages et détournements

des MSO (1-4). Les médicaments les plus couramment prescrits comme MSO sont la méthadone et la buprénorphine (BPN) haut dosage. Cette dernière est encore largement majoritaire en France du fait qu’elle peut être facilement prescrite par tout médecin depuis 1996. Initialement, ce sont les caractéristiques pharmacologiques de la BPN qui l’on fait sélectionner comme un MSO plus sûr que la méthadone, dont la puissance d’action pouvait faire craindre de forts risques de surdose si elle était mal prescrite ou mal surveillée. Le résumé des caractéristiques du produit (RCP) de la BPN rappelle ses propriétés pharmaco cinétiques particulières telle la demi-vie terminale qui est de l’ordre de 20-25 heures, ce qui en fait un MSO adapté. Sur le plan pharmaco dynamique, la BPN est également très particulière : c’est un agoniste partiel du récepteur opioïde μ pour

lequel elle a une forte affi nité ; en revanche, elle est antagoniste des récepteurs δ et κ , ce dont les eff ets sont mal connus dans l’addiction.

Ces propriétés particulières confèrent à la BPN des avantages par rapport à la méthadone pour la pratique clinique tels que des posologies plus faibles que celles d’opiacés agonistes complets (conséquence de la haute affi nité µ) et un risque nettement minoré de dépression respiratoire (du fait de l’eff et plafond) [5]. En revanche, sa faible biodisponibilité p.o. impose que la BPN soit administrée par voie sublinguale.

Malheureusement, pour augmenter l’effet positif de la BPN, certains toxicomanes l’utilisent en injection i.v., en l’associant généralement à d’autres médicaments psychotropes, notamment des benzodiazépines (BZD), lesquelles potentialisent les effets sédatifs et euphorisants, mais aussi le risque

* Service de pharmacologie et Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance/addictovigilance (CEIP-A), centre hospitalier universitaire de Caen.

** Unité mixte de recherche, université de Caen-Normandie, Inserm U 1075, Caen Cedex.

*** Unité de biostatistique et recherche clinique, CHU de Caen.

La buprénorphine (BPN) haut dosage est un traitement de substitution pour les patients dépendants des opiacés, qui fait l’objet de nombreux abus et mésusages, en particulier par association avec de fortes doses de benzodiazépines (BZD).

Dans ce travail, nous avons mesuré des doses létales 50 % (DL

50

) chez la souris Swiss après injection aiguë intrapéritonéale (IP) de BPN, seule ou associée à doses croissantes à une BZD d’action rapide : le midazolam (MDZ). Dans un premier temps, nous avons déterminé les courbes de mortalité aiguë due à la BPN (à 0, 25, 50, 100 et 200 mg/kg) et au MDZ (à 0, 100, 200, 300, 500 et 1 000 mg/kg). Nous avons recherché une éventuelle synergie en associant différentes doses intermédiaires inférieures à la DL

50

.

Nos résultats ont montré que la DL

50

de la BPN est 150 mg/kg, avec une mortalité qui passe de 0 à 100 % en accroissant la dose de 100 à 200 mg/kg. La DL

50

de MDZ est de 285 mg/kg dans nos conditions. Nous observons que l’ajout de BZD abaisse la pente de la courbe de létalité, avec, dans certains cas, des décès plus tardifs . La surmortalité liée à la BPN en présence de MDZ est dose-dépendante. En outre, grâce à la courbe d’isobolographie, on observe un effet synergique du MDZ avec la BPN. Au fi nal, bien que la BPN soit un agoniste partiel des récepteurs opiacés μ, l’association avec une BZD puissante entraîne une forte augmentation de la létalité aiguë par effet synergique.

Mots-clés : Buprénorphine, midazolam, dose létale 50 %, potentialisation, isobolographique, analyse

Keywords: Buprenorphine, midazolam, lethal dose 50%, potentiation,

isobolographic, analysis

High dose of buprenorphine (BPN) is an opiate substitution therapy for opioid addicts (OTS), which is widely abused and misused specially in combination with high doses of benzodiazepines (BZD). In this study we measured the lethal dose 50% (LD50) in

’Swiss’ mice after acute intraperitoneal (IP) injection of BPN, alone or combined with a fast acting BZD : midazolam (MDZ).

We determined the BPN acute mortality curve (0, 25, 50, 100, 200 mg/kg) and the MDZ curve (0, 100, 200, 300, 500, 1.000 mg/ kg).

Then we tried to give evidence of a synergy by combining different intermediate dosages lower than the LD50 of each drug. Our results showed that:

• BPN LD50 is 150 mg/kg with a mortality rate which climb from 0 to 100% by increasing the dose from 100 to 200 mg/kg. The MDZ LD50 is 285 mg/kg in our conditions ;

• the addition of MDZ to BPN decreased the slope of the lethality curve and in some cases delayed the death. The excess in BPN mortality by association to MDZ is dose dependent.

In addition with the isobolographic curve we observed a synergistic between MDZ and BPN. Finally, although BPN is a partial µ opiate receptor agonist its association with a powerful BZD causes a sharp increase in acute lethality by a synergistic effect.

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35 d’apnée, du fait de l’effet sédatif des BZD,

agonistes GABAA sur ce récepteur  (6).

Une conséquence du détournement de cette association BPN + BZD est d’accroître la toxicité aiguë et d’induire une surdose potentiellement mortelle  (2-4). Quant à la pulsion de consommation de l’association BPN + BZD, elle fait appel à de nombreuses modifications pharmacologiques et comportementales qu’il ne serait pas éthique d’étudier chez l’Homme, ce qui nous contraint à des expériences chez le rongeur. Notre équipe a montré que, chez des rats traités en aigu ou en chronique par de la BPN, seule ou associée à du clorazépate (CRZ), on observait des modifications importantes des récepteurs opioïdes  µ (sous-type impliqué dans la nociception et la dépendance) et que l’association CRZ + BPN contribuait au maintien d’une certaine disponibilité des récepteurs µ (effet maximal conférant une bonne efficacité) mais aux dépens d’une désensibilisation persistante de ces récepteurs µ (7). Ces changements d’affinité et de nombre de récepteurs n’étaient pas retrouvés avec les récepteurs δ et κ (8), ce qui concordait avec les données théoriques d’antagonisme de la BPN pour ces 2 sous- types de récepteurs. Si les modifications des récepteurs µ ont contribué à expliquer au niveau théorique le risque de pulsion de consommation et le recours au détournement conjoint d’une BZD avec la BPN, il restait à établir chez le rongeur que l’association avait un certain intérêt comportemental. Au moyen de plusieurs tests chez la souris (dont ceux de la boîte noire et blanche, et de l’évitement passif), notre équipe a pu établir que la BPN seule entraînait un comportement anxieux alors que les agonistes complets et non sélectifs comme la morphine induisent des effets anxiolytiques qui contribuent au risque de dépendance à cette classe pharmacologique.

Comme attendu, cette propriété anxiogène de la BPN était inversée par l’ajout de CRZ, ce qui permettait de passer du comportement anxieux à un effet anxiolytique de type désinhibiteur avec de faibles doses de CRZ ou à une totale indifférence à plus forte dose, du fait de la sédation induite par cette BZD à longue durée d’action (9). Enfin, avec le test de préférence de place, nous avons montré, pour la première fois, des effets sur le comportement de récompense et de recherche de produit chez les souris soumises à l’association de BPN et BZD (10) : la BPN seule à doses faibles et modérées (jusqu’à 3 mg/kg) n’induit pas de préférence de place alors que, dès qu’elle est associée à une BZD, cet effet comportemental apparaît.

Dans le présent travail, nous avons voulu étudier si l’association de BPN et BZD modifiait la toxicité aiguë de la BPN et, en cas d’interaction, évaluer si celle-ci était du type de la potentialisation.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Les expériences ont été réalisées sur des souris mâles Swiss de 25 à 35 g. Elles sont conditionnées dans de grandes cages (environ 10 souris par cage), dans lesquelles elles ont accès à l’eau et à la nourriture ad libitum.

L’environnement est thermostaté à 23 ± 1 °C, selon un cycle jour/nuit de 12 heures sur 12.

Les animaux ont été traités selon la directive (86/609/EEC) de la Communauté européenne : leur nombre et leur souffrance ont été minimisés.

Les substances ont été injectées par voie intra- péritonéale (IP), ce qui est un mode facile et rapide d’injection. Cela était d’autant plus nécessaire que nous avons eu recours à de très fortes posologies (> 200 mg/kg). Or certaines BZD sont assez peu solubles en solution aqueuse, ce qui implique des volumes assez conséquents sans toutefois dépasser 3 % du poids total de la souris. Les doses ont été choisies en fonction des doses létales 50 % (DL50) publiées antérieurement ou mention- nées dans les dossiers d’Autorisation de mise sur le marché (AMM). Nous avons employé soit des solutions commerciales tamponnées quand leur concentration était suffisante, soit des poudres pures dissoutes dans une solution aqueuse tamponnée (pH à 7,4 ± 0,1). En cas de nécessité, nous avons ajouté du DMSO (dimé- thylsulfoxyde) pour permettre la solubilisation.

Dans ce cas, les animaux témoins recevaient la même dose de DMSO. Les posologies employées ont étés : pour la BPN, 0, 1, 3, 10, 25, 50 et 100 mg/kg) ; pour le midazolam (MDZ), 0, 10, 50, 100, 200, 300, 500 et 1 000 mg/kg).

Les injections ont été faites aux animaux en début d’après-midi.

Protocole d’injections

Toutes les injections ont été faites par voie IP.

Les associations étaient injectées de manière indépendante et quasi simultanée. Pour chaque dose, les souris étaient réparties en groupes de 5 animaux par lot (5/lot) au minimum ou de 8/lot pour les études de synergie. Pour que les conditions soient les plus homogènes possible, nous avons choisi de faire les injections en début d’après-midi.

ΣPremier protocole : détermination de la DL50

Les espèces, la saison, les horaires d’injection pouvant fluctuer sensiblement, nous avons étudié la DL50 de la BPN et du MDZ avant d’en- treprendre les études d’interaction. Les poso- logies employées étaient pour la BPN de 0, 25, 50, 100 et 200 mg/kg, et pour le MDZ, de 0, 100, 200, 300 et 1 000 mg/kg. En cas d’association, les posologies étaient les mêmes. Pour les souris témoins, nous avons associé des souris ayant reçu du NaCl (0,9 %) avec et sans DMSO. Toutes

les solutions ont eu un pH ajusté à 7,4 ± 0,2 avant de pratiquer les injections.

ΣDeuxième protocole

Les administrations de BPN et MDZ étaient faites par voie IP. Les études d’interaction ont été faites soit avec une dose fixe de MDZ et une dose croissante de BPN, soit avec une dose fixe de BPN et une dose croissante de MDZ.

Enfin, grâce à la technique de l’isobolographie, nous avons recherché un effet synergique lié à une interaction entre la BPN et le MDZ (11).

Sommairement, l’isobolographie consiste à déterminer une droite théorique qui relie la DL50 d’un produit toxique “A” avec la DL50 d’un produit toxique “B” administrés isolément.

La droite qui relie ces 2 points représente la DL50 de l’association théorique d’additivité de

“A” + “B” à des doses variables, chacune d’entre elles inférieure à leurs DL50 respectives. Si la DL50 d’additivité est situé en dessous de cette courbe, celle-ci signe la synergie, si elle est située au-dessus, elle signe l’infra-additivité.

RÉSULTATS

Après les injections, toutes les souris sont tombées dans un sommeil plus ou moins profond (ou un coma peu stimulable) selon la dose. Au-delà de ce stade initial, on observe un coma plus profond qui aboutit à une mort par apnée. À noter que les souris ayant reçu une injection comprenant du DMSO n’ont présenté qu’un léger ralentissement moteur pendant environ 1 heure sans aucun autre signe de toxi- cité durant les 24 heures suivantes ni à l’examen autopsique macroscopique.

En ce qui concerne les doses létale de BPN, nous observons une mortalité nulle jusqu’à la dose de 100 mg/kg et une mortalité aiguë de 100 % avec la dose de 200 mg. Trois animaux sur 5 sont décédés dans les minutes qui suivaient l’injection. Les 2 autres ont eu une mort différée, précédée de quelques heures par un coma calme avec cyanose. La DL50 de BPN est donc de 150  mg/kg. Pour le MDZ, la DL50 calculée est de 285 mg/kg, dans nos conditions.

Résultats des études d’interaction Les études d’interaction BPN + MDZ sont effec- tuées avec une dose fixe d’un des 2 médicaments et une dose variable de l’autre (figures 1 et 2, p. 36).

Nous avons étudié le MDZ à 200 mg/kg (dose inférieure à la DL50) avec ajout de doses crois- santes de BPN (de 0 à 100 mg/kg) ; de même, avec la dose de 100 mg de BPN et des doses croissantes de MDZ (100, 200 et 300 mg/kg).

Les résultats montrent que la mortalité s’accroît de manière dose-dépendante quand on associe MDZ et BPN. Nous synthétisons les résultats dans les figures 1 et 2.

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Figure 1. Test de mortalité aiguë chez les souris (injection IP ; n = 5/dose) : sous l’influence d’une dose fixe de midazolam 200 mg/kg, on observe une mortalité dépendant de la dose de buprénorphine (mg/kg).

Figure 2. Test de mortalité aiguë chez les souris (injection IP ; n = 5/dose) : sous l’influence d’une dose fixe de buprénorphine 100 mg/kg, on observe une mortalité dépendant de la dose de midazolam de 0 à 300 mg/kg.

Figure 3. Variations de la DL50 observée avec l’association de buprénorphine et de midazolam par rapport à l’isobologramme (de [BPN 0 + MDZ 285] à [BPN 185 + MDZ 0]). Doses en mg/kg injectées simultanément par voie IP chez la souris Swiss (n = 8/lot).

0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1

0 Buprénorphine

0 Buprénorphine

25

Midazolam 200 mg/kg

Mortalité (%)

Buprénorphine

50 Buprénorphine

100

0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1

0 Midazolam

0 Midazolam

100

Buprénorphine 100 mg/kg

Mortalité (%)

Midazolam

200 Midazolam

300

300 250 200 150 100 50 0

Dose de midazolam (mg/kg)

Dose de buprénorphine (mg/kg)

0 50 100 150 200

Recherche d’une potentialisation de la mortalité induite

par la buprénorphine par ajout de midazolam

Nous avons étudié des DL50 associant des doses de BPN et de MDZ dont la somme devait repré- senter une mortalité équivalente à celle causée par chacun des médicaments administrés isolé- ment (isobolographie).

Nous représentons sous forme graphique le résultat de cette étude d’interaction (figure 3).

DISCUSSION

Limitations liées

à nos conditions d’études

Avec la BPN seule, injectée en IP, nous observons une mortalité nulle à 100 mg/kg et une mortalité aiguë de 100 % avec la dose de 200 mg. Dans ce contexte, la DL50 peut être estimée à 150 mg/kg, mais on peut supposer que de larges fluctuations sont possibles si l’on change quelque peu les conditions de l’expérience. Retenons néanmoins une courbe qui apparaît comme un mur quasi vertical, puisqu’un simple doublement de dose fait passer la mortalité de “nulle” à “constante”.

Si ce type de constatation n’est pas exceptionnel avec les opiacés majeurs, qui sont des agonistes complets des récepteurs µ, une telle observation avec un agoniste partiel à forte affinité est plutôt inattendue. D’autres restrictions générales sont à mentionner :

➣toutes les souris étaient du même sexe (mâles), du même âge et d’une seule souche ;

➣nous devons également prendre en compte la toxicité du solvant (DMSO) pour des doses injectées > 200 mg/kg. Néanmoins, dans nos conditions, la mortalité du groupe DMSO seul s’est toutefois avérée nulle.

Pour l’étude de la DL50 de BPN, les doses ont été choisies en fonction des données de la litté- rature (c’est-à-dire 94 mg/ kg pour cette lignée de souris [12]). Dans nos expériences, cette DL50 s’est avérée sensiblement supérieure (150 mg/

kg). La mortalité sous BPN a une particularité : nulle jusqu’à 100 mg/kg, elle est de 100 % pour une dose de 200 mg/kg.

L’association de BPN + MDZ utilisés à dose infralétale aggrave la létalité aiguë induite par la BPN (figures 1 et 2). Nous notons dans ce cas une augmentation de la mortalité, donc l’équivalent d’une baisse de la DL50 pour la BPN lorsqu’on l’associe au MDZ.

Étude d’interaction

buprénorphine + midazolam

L’étude que nous avons réalisée nous a permis de montrer que les 3 doses faibles (1, 3 et 10 mg/ kg) de BPN ont modifié la létalité aiguë induite par le MDZ. L’analyse isobolographique montre que

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37 la BPN associée au MDZ, à doses infralétales, a

un eff et synergique dans la mesure où la morta- lité observée est supérieure à celle que prédit la droite d’isobolographie.

Dans une étude plus étendue, non rapportée ici, nous avons aussi retrouvé l’interaction positive d’une dose de morphine avec l’une ou l’autre des 3 BZD étudiées (MDZ, diazépam, CRZ) ; pour chacune de ces BZD, l’augmentation de la mortalité pouvait être inversée par naloxone de manière dose-dépendante. Cette protection contre l’apnée existe aussi en cas d’utilisation des BZD à forte dose, ce qui confi rme des données anciennes faisant état d’intoxications par de fortes doses de BZP traitées par naloxone (13, 14). En pratique, en cas d’intoxication mixte, il a été recommandé d’associer 0,2 ou 1,0  mg de flumazénil, (antagoniste du récepteur GABAA avec une structure chimique de type BZD) à de faibles doses de naloxone (0,4-0,8 mg). En réanimation médicale, cette association a permis d’améliorer ou d’accélérer la récupération intellectuelle chez les patients qui avaient été en surdosage de BPN + BZD (15). Néanmoins, on doit être prudent dans l’utilisation du flumazénil en raison du risque de convulsions. La naloxone, sans exposer à un risque élevé de convulsions, peut servir comme traitement antidote en cas de surdosage de BZD associées à des opiacés.

Inversement, le fl umazénil a permis de traiter des surdoses d’opiacés de type héroïne , en s’opposant au risque létal d’apnée sans créer de syndrome aigu de sevrage opioïde (16). L’association de la BPN et d’une BZD agit sur diff érents maillons des contrôles neurovégétatifs et induit par cette voie la surmortalité observée (6).

CONCLUSION

Ces études de létalité aiguë chez les souris Swiss ont montré plusieurs informations intéressantes au niveau de la sécurité de l’usage de la BPN et en cas d’association avec les BZD. Lorsque la BPN est injectée seule à dose toxique, la létalité aiguë est particulière, puisque, après injection IP chez la souris, nous observons une mortalité nulle avec 100 mg/kg et une mortalité de 100 % à la dose de 200 mg. Cet écart très faible entre la dose inframortelle (No Observable Adverse Eff ect Level [NOAEL]) et une mortalité maximale est connu avec les opiacés majeurs, mais restait probablement sous-estimé pour cet agoniste partiel du récepteur µ. De plus, l’ajout de BZD diminue la pente de la courbe de létalité, ce qui ne doit aucunement rassurer, puisque c’est en décalant les valeurs minimales à des seuils beaucoup plus bas. En fait, la dangerosité de l’association BPN + BZD est majeure, puisqu’on constate que l’association est synergique quand on recourt à une analyse isobolographique.

Rappelons aussi qu’une fraction des décès est retardée et que ceux-ci sont facilement inversés

par l’administration de naloxone. Dans ce contexte, il paraîtrait intéressant que des études cliniques tentent de confi rmer chez l’Homme que la demande de BZD est favorisée par les eff ets pharmacologiques de la BPN et qu’elle provoque alors de nouveaux risques toxiques. En attendant d’éventuelles confi rmations cliniques, les résultats actuels des données expérimentales

suggèrent de préconiser une modération des prescriptions de BZD, tant en posologie qu’en durée de prescription.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

L.L. Ma a bénéficié d’un financement de doctorat d’univer- sité par un contrat de recherche de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et d’un cofinancement par la région Basse-Normandie.

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(200 mg d’emtricitabine et 245 mg de fuma- rate de ténofovir disoproxil), en 1 comprimé par jour, pour son utilisation en prophy- laxie préexposition (PrEP) au VIH chez les adultes à haut risque de contamination. C’est le premier traitement antirétroviral autorisé en Europe pour réduire le risque d’infection par le VIH-1 par voie sexuelle chez les adultes à haut risque de contamination. Le labora- toire Gilead précise que la recommandation temporaire d’utilisation (RTU), actuellement en cours dans cette indication, se poursuit

jusqu’à ce que l’Agence nationale de sécu- rité du médicament et des produits de santé (ANSM) décide l’application de cette exten- sion. De plus, Gilead va déposer un dossier de demande de remboursement dans ce cadre.

Rappelons que le médicament a été autorisé par l’Agence européenne du médicament (EMA) en 2005, en association avec d’autres antirétroviraux, pour le traitement de l’in- fection à VIH-1 chez l’adulte âgé de 18 ans et plus, et qu’il est aujourd’hui le traitement antirétroviral le plus prescrit en Europe, en multithérapie. Son AMM est valide dans les 28 États membres de l’Union européenne.

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