• Aucun résultat trouvé

Complementarite de l'action charitable et etatique : l'exemple des fondations hospitalieres

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Complementarite de l'action charitable et etatique : l'exemple des fondations hospitalieres"

Copied!
135
0
0

Texte intégral

(1)

INFORMATION TO USERS

This manuscript has been reproduced from the microfilm master_ UMI films the text direetly tram the original or copy submitted. Thus. sorne thesis and dissertation copies are in typewriter face, while others may be trom any type of computer printer.

The quality of this reproduction is dependent upon the quality of the

copy submitted. Broken or indistinct print. colored or poor quality illustrations and phctographst print bleedthrough, substandard margins. and improper alignment can adversely affect reproduction.

ln the unlikely event that the author did not send UMI a complete manuscript and there are missing pages. these will be noted. Also, if unauthorized copyright malerial had ta be removed. a note will indicate the deletion.

Oversize materials (e.g., mapst drawings, charts) are reproduced by seetioning the original. beginning at the upper left-hand corner and continuing tram left: to right in equal sections with small overtaps.

PreQuest Intonnation and Leaming

300 North Zeeb Raad. Ann Amor, MI 481Q6.1346 USA 800-521-0600

(2)
(3)

Complémentarité de l'action ebaritable et étatique:

l'exemple des rondations bospitalières

Vincent Laroche

Comparative

Law,

Biomedical Ethics specialisation

McGill University, Montreal

March2001

A thesœsubmitted to the Faculty ofGraduate Studies

and

R.esearch inpartial fulfilment oftherequirements ofthedegreeofLLM

(4)

ationalUbrary 'Canada :quisitionsand ibliographic Services 6 WeIIIngIanStr_ ra_ON K1A0N4-anada Bibliothèque nationale ·duCllnacla Acquilitiona et services bibliographiques 315..rueW.-ngIon 0IIawaON K1A0N4

e.-a

author

bas

granted

a

non-lSive licence aIlowing the

Jnal Library

of

Canada

ta

)duce, Joan, distribute or

sen

~s

ofthis thesis

in

microform,

r or electronic formats.

author retains ownersbip ofthe

right

in

this thesis. Neither the

s nor substantial extracts from it

be

printed or otherwise

>duced without the autbor' s

lÏssion.

L'auteur a accordé une licence non

exclusive pennettant à la

Bibliothèque nationale du Canada

de

reproduire,

prêter,

distnbuer ou

vendre

des

copies

de

cette thèse sous

la

forme

de

microfichel~

de

reproduction sur papier ou sur format

électronique.

L'auteur conserve la

propriété

du

droit d'auteur, qui

protège cette thèse.

Ni

la

thèse

Di

des

extraits

substantiels

de celle-ci

ne

doivent

être

imprimés

ou autrement reproduits sans son

autorisation.

(5)

Résumé

La présence des fondations hospitalières soulève la question de rexistence d'une action charitable véritable derrière les activités de ces fondations et l'imputabilité de cette action charitable en regard du système étatique. Une action charitable est une action fondée sur le don. Le donest le mode d'échange privilégié des liens sociaux fondés sur le partage et la responsabilité mutuelle plutôt que sur l'intérêt commun. Entre proches parents ou amis~ le don témoigne de liens afféctüS vivants et forts. Dans lasociété modeme~le don se déroule aussi entre inconnus. Il témoigne d'une implication communautaire et sociale beaucoup plus importante. Le secteur charitable, incluant les fondations hospitalières, est undes principaux lieux du don entre inconnus et révèle la présence de liens communautaires forts chez ceux qui y participent. L'action charitable vient compléter l'action étatiquequis'applique indépendamment de laprésence de liens communautaires mais celle-ci demeure essentieUe car l'action charitable est étrangère aux concepts de justice et d'équité.

Abstract

Thepresenceofbospital foundations insidea public hea1thcaresystem raises the question ofwhether theyarecharitable organisations doing charitable acts and how they diflèr from state institutions. A charitable actisbased on the notion of gift. A gift relationship, compared to

a

commercial relationship, isfounded on sharingandmutual responsibility ratherthancommoninterests. Amongfriends

andrelatives, giving revealsstrong and lively relationships. Inmodem society, giving

aIso

takesplacebetween strangers.

It

reveals strong communityties. The charitable sector,including hospitalfoundatio~is themostcommonfonn of giving among strangers. Thosewbpparticipateinthis sector showabighlevelof involvementinmanysectorsofsociety and have strong communitytÎeS.. State action takes place irrespective ofthe quality ofcommunitylies,althoughit ultimately dePends onil. Charitable action complements state action. However, state action remainsessentialsince charityisaIientotheconceptsofjustice and equity•

(6)

Remerciements

Je tiensà remercier mon superviseur, profèsseur Roderick A. Macdonald pour sa grande patience et ses conseils. Je remercie égaIement mes parents, Denise et François Larochepourleur soutien important. Je remercie Mme IsabelleBriand pourson aideà dactylographier une partie de ce texte. Je dois remercier les Ors Louis Couture et Michel Normandquiont été successivement le directeur du programme de résidence en médecine interneà ['université Laval etquim'ont permis de compléter ce mémoire pendant ma résidence. Je veux aussi remercier le professeur Guy Rocher de L'université de Montréal pour ses conseils et suggestions de lecturesurles travaux de Mauss.

Finalement, j'accordeun.merci tout spécialàAnnie pour son support moral, sa patienceàmon égard, sa confiance et surtout pour le fils qu'elle vient de me donner, Charles-Olivier.

(7)

Table des matières

IN:TR.ODUCfION 1

CHAPrrRE 1- LE OON: FONDEMEN"I'S THEORlQVES•••••••••••_ __ _•••_ 14

L ÉCONOMIEErDON ••_ _ 15

A. Le donà["intérieur du libéralisme économique 15

B. L "exemple du don

œ

S01Jg 17

C. L"approchejOrmalisle...•.•.__ _.__•••••..••....•...•...•23

(1) Basesméthodologiques .•_ 25

(2) Lesprésuppositions moralesderapproche formaliste .•...•.•••••.••••••••••.••.••••28

(3) L·Homo oeconomicusen.tantque donataire _ 34

D. Sommairedelànalyse économiquedudon 36

U. ANTHROPOLOGIE. SOCIOLOOIEErOON 37

Â. Le dondœrsles sociétés archafq'UeS 38

( 1) Ledon..LDlfàitsocialtotal 38

(2) Leparadoxedelacontrainte 40

(3) Leparadoxedelaréciprocîté _ •.•._ 42

B. Lesinterprétations «classiques»du

œn

archaIque 44 (1) L'intc:rprétatiOllboliste du dœ _ 44

(2) L'interprétatÎOIl structuralistedu. dm. 46 (3) Ledon selon Péconomie politique __ .47 C. Ledondtmslessociétés modernes _ __••.••48

(1) Sphère domestique ..••.•_ _ _ _..__ 49

(2) 1Jl sphèreétati~ 51

(3) l.a.sphère COIIlIDerciale 53

D. LasigniflCtlliondu don modeme••_ _ _ 55

(1) L'espritdu. ckJIl _ _ _ ...55

(2) L'économie du dœ _ _ _...•.._ 60

E.. Sommairedel é'maÔ'seanthropologique etsociologiqueduœn ._•.••••••••.•••••.•_ 63 CHAPITRE%- CBA1UTE PRIVEE ET JUSTICE SOCIALE..•. 11111 65"

1. LACIfARITE PRIVEE _ ••_ •••_ _ _ _ _ _ 66

A.. Leslimitesdela charitéprivée. •.._ _ 69

(1) L'eftHtementdulien sociaL _ _ 75

(2) L'inégalité du don _ _ _ _ 78

(3) Lesdangers du don. . . _ _ 80

B. Leslimitesde

ritat

providence . ._••_.... ...__.. 81 (1) Une nonnativitéextérieureauliensociaL _ _.__•.••_ _ 83 (2) Production de biens et production de service_ _ _ __ 85

(3) Destructiœ du lien _. • .._ •••86

(8)

-ï-•

[1- LAJUSTICE SOCIALE__._._•••••••••••_ •••_ ••_ ••••__••••__._._•••_•••••_••_••••_ __••_ •••_ ••89

A. La naturedulien de citoyenneté __•.._ _....•..._ _ _91

B. Communauté de proches - communauté de don _ _ 94

C. Communauté de citoyens-communautédedroiL.._ _ 96

B.

[)()N.. CHARITEEr BIENFAISANCE _._._ 100

A. La pratiquedela charité _ _..•...•...••..•._ 101

1. Les donsen.argent ou.en.biens _..• __ _.__ 101

a) Dons en argent _ _...•• 102

b) Lebénévolat __ _._...•....•.••.._.•._._ 103

c) Autres formes decharité •__ _ _ 104

2. Pratique charitable ou profitable ? _ __.•..._....•105

a) La motivation _ _ _ __._.••..••.•••105

b) Les obstacles au donetau bénévolat.. 106

c) Façons de faire des dons ou du bénévolat 106

d) La motivation. religieuse __ _ 107

e) Lecréditd~impôt_ _ __ _ 107

Pratiquedelacharité etconceptdudonmoderne .•..._ _ 108

a) Déductionsfiscales 112

b) Sollicitation _ _ _ 113

fi. CHARITE REELLEouACTION ETATIQUE INDIRECTE? _ 113

m.

[)c)N MODERNEErLIEN"COMMUNAtrrAiRE 115

CHAPITRE 3 - LA PRATIQUE DU DON MODERNE••_ _ 99

L

CONCLUSION _ 118

BIBUC:X:;üPB:IE •••••••••...•.•••.•.1 • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • I l 'I l ' • _125

(9)

-•

Introduction

Ce mémoire est issu d~une réflexion sur un aspect bien précis de la réfonne dela Loi sur les services de santé et les services sociauxl_ Dans le projet

de loi 1202 présenté en 1990~ nous retrouvions aux articles 192 et suivants des dispositions concernant le pouvoir des établissements de santé de solliciter~

recevoir et administrer des dODS~des legs ou des subventions. À l'article 195~ les fondations hospitalières se voyaient reconnaître le droit de recevoir et

d~administrerdes transferts de fonds constitués de dons reçus parl~hôpitaLDans ce cas~eUes étaient soumises aux règles s~appliquantaux sociétés en fiducie. Les fundations hospitalières pouvaient également recevoir des dons à leurs noms

qu~eUesn'étaientpas réputées détenir en fiducie.

En tant que corporations sans but lucratit: les fondations hospitalières doivent agir en conformité avec leur statut d'incorporation. EUes ont ainsi l'autonomie d'une corporation privée qui agit en vertu de la mission qu~ene­

même s'est fixée. Or, le projet de loi 120 prévoyait qu'un établissement pouvait requérir l'aidefinancière d'une fondation pour certaines

fins3 :

10

l'achat, laconstruction, la rénovation, l'amélioration, l'agrandissementoul'aménagement de biens immobilierspour les tinsde l'établissement ;

2° l'achat, l'installation,l'amélioration oule remplacement de l'ameublement, de l'équipementoude l'outillage de l'établissement ;

3°lesactivitésde recherchede['établissement; 4° l'amélioration

ou

laconsolidationdelasituation financière del'établissement.

Cet article a suscité chez certaines personnes impliquées au sein de fondations hospitalières des inquiétudes importantes car ilouvrait la porte à des demandes d~aide financière de la part des régies régionales pour couvrir le

tLoiSIIT[es servicesdesanté el servicessoci~LR.Q. c.s-4~art..271-277 [Ci-aprèsLSSQI• [[s~agitde la sectïon concernant (es fondations hospitalières.

2P.L 120.. Loisur [esservices de santé et [es services sociaurelmodifiant diverses dispositions [égislatives.. IR:sess.~34t:r~Québec.-1990.. art- [95-200.

:; Ibid....art.. 196.

(10)

-1-•

fonctionnement usuel des services de santé4• La possibilité qu~une fondation

puisse servir de soutien financier pour des activités du centre hospitalier ou de la régie régionale qui incomberaient nonnaIement à rÉtat en vertu du régime

d~assurance sociale et d~assurancemaladie allait directement à rencontre de la mission même d~une fondation hospitalière. En généra4 la mission d~une

fondation hospitalière est de recevoir et gérer les dons ou legs faits à elle-même ou au centre hospitalier auquel elleest rattachée etàjouerunrôle d~appointdans son financement5~au-delà de la responsabilité étatigue qui doit veiller à fournir à tous les citoyens des services de santé adéquats et selon les limitations prévues à laloisurles services de santé et les services sociaux6•

Du point de vue des fondations hospitalières~

r

article 196 soulève un questionnement au sujet de leur rôle précis dans le financement du système de santé. L'enjeu financier est majeur'. Dans les provinces anglophones~ où la présence de fondations hospitalières est un phénomène beaucoup plus ancien qu'auQue'bec, cette ambiguïtéavaitdéjà provoqué quelques conflits. En 1985, la Fondationdel'HôpitalpourEnfantsmaladesdeToronto recevait unedemande de subvention de$ 1 635 563 delapart de l'Hôpital afin de comblerlaperterésultant des coupures budgétaires imposées par le gouvernement ontarien. Le conseil d'administration dela Fondation a motivé son refus delafàçon suivantel :

4À titred'"exemplCt voici un extrait d'une lettre adressée au ministre de la santé en février 1991

parle Président delaFondationdel'Hôpital du Saint-Sac:rementàQuébec suiteàl'étude des article 193et suivantsduProjetdeloi 120 :

«En analysant le mot requérirdel~article196,ilnous apparaîtqu'onpourrait

fàcilementl'interprétercomme ayant unc:arac:tère coercitif (.-_) [CJequi pourraitnous amener à conclure qu'"aux termesdel'article 196,.notre Fondation peut n"avoir aucune alternative que de donner suiteàune

réquisition d"aide financière destinéeà runeou.Pautre destinsyénumérées, cequi est inacceptabledansle contexteoùnotre Fondationaété crééeeta toujoursœuvré..»

5À

ra

revision des objets de plusieurs fondations (Fondation. de l'Hôtel-Dieu de Montréal,

Fondation de l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal" FondationRenaud-Lemi~Fondation du Centre Hospitalier-Paul-Gil~Fondation du Centre Hospitalier de Granby" Fondation. du Centre Hospitalier RégionaL de Lanaudière,. Fondation de ["Hôtel-Dieu de Sorel),. le rôle de financement d"appoint n"est pas toujours clairement stipulé.. Laformulation plus fréquenteestceUe de«venir en aide»à['hôpitaL

6LSSQ,.art-4_

7En 1993.onestimaiti $2S3millions l"objectiftotalvisé parles campagnes de souscriptionsdes 40 plus gros hôpitaux. de la province de Québec:.

IlJ_C_ Kiger..éd...International Encyclopedia ofFoundations.. Greenwoodp~New York.. p_43_

(11)

-2-•

«The boardisconcemed that making a grant to meet this request wouldhetantamount to cbanneLling Foundation income and gifts to under funded patient care programs and services for which the funding responsibilitybas been assumed by government under the [universal heaLthcare system}. The Board declined to make agran~and urges that alternative means hefound to enable the Hospital to obtain the operating funds required to provide optimum quaIity leveLs ofcare to its patients (letter dated September20~ 1985).»

Du point de vue du système étatique~ la seule existence des fondations hospitalières semble problématique. La participation des fondations dans le financement de lasanté, que ce soit pour les soins, L'enseignement ou Larecherche à unhôpital donné, peut avoir un impact majeur. EUe donneà L'établissement une autonomie en regard des objectifs poursuivis par le système de santé lui

permettan~ le cas échéant, de poursuivre des activités ne tàisant pas partie des priorités du système de santé. Dans un système où les décisions d'allocation de ressources sont majoritairement centralisées au niveau du gouvernement et découlent en théorie de choix cohérents visant l'amélioration de la santé de la population, une plus grande autonomie decertainsétablissements ouvre laporteà des détournements de ressources vers des interventions moins prioritaires du point de vue gouvernemental

Or, cette autonomie potentielle desétablissements ne s'accompagne pas, en contrepartie, d'une imputabilité ni d'une responsabilité publique. Dans les provinces anglophones, où les fondations hospitalières sont beaucoup plus hDres dans l'attnDution des fonds amassés, il semble que la question de responsabilité publique des fondations soit l'enjeu majeur'. L'importance grandissante du rôle des fondations hospitalières, jumelée à un certain désengagement de l'Étatdans le secteur de la santé est quelque peu paradoxal. D'une part, il semble que les contnouables soient prêtsà consacrer davantage d'argent à lasanté que ce qu'ilsy consacrent déjàparl~entremise de leur impôt, et ce enréclamantde plus en plus desbaissesd~impôt. D'autrepart,les contnbuabIes obtiennent moins de garanties en ce qui concerne la façon dont l'argent

sera

dépensé et ils n'ont pas autant de

9P.P.Mor~LH.. Cohen. Hospital Foundatioos Raise Large AmountsofMoney9But AlsoRaise

Sorne Troublesomerssues..Can MedAssacl 1993 Mar 3;148(S):7CJ6..80 L

(12)

-3-•

pouvoir sur les administrateurs des fondations et des hôpitaux qu"ils n"en ont sur les députés et les ministres.

Ceci ne veut pas dire qu"il n"y a aucun contrôle de ("activité des fondations. Outre les règles découlant de leur statut de société en fiducie ou de corporation à but non lucratit: les fondations sont encadrées par rÉtat dans certaines situations1o• De façon générale" les projets impliquant d'importantes immobilisations et ceux nécessitant des coûts d'opération à long terme sont habituellement soumis pour approbation par l'instance administrative en charge. De plus, ("approbation par l'instance administrative est parfois volontairement recherchée afin de favoriserlaréalisation des projets. Malgrétout, la cohabitation entre fondations et organismes publics ne sefiùtpas toujours sans heurtsIl •

En somme, il existe une opposition apparente entre l'action des fondations hospitaIières et celle de l'État dans le financement des établissements de santé. Du point de vue de l'État, les fondations lui font davantage compétition qu'eUes lui viennent en aide, tels que le suggèrent leurs statuts ou objets. En effet, eUes constituent

une

source de financement parallèle pour les établissements avec l'avantage d'être, pourcertains projets, beaucoup plus filcilement accessible. Du point de vue des fondations, on ne prétend pas &irecompétition à l'Étatmaisbien lui suppléer pour le

fiDancement

des tâches excMant sa responsabilité. Cependant, dans plusieurs situations, il ne semble pas exister de ligne de démarcation claire entre ce qui revientàl'Étatet ce qui ne lui revient pas.

10LSSQ»art.27let 272..

IlPar exemple. la FœdatiOll de l'HôpitalpourEntànts malades de Toronto mentionnée ci-haut a

également dû clarifier les objectifS de ses interventions de financement auprès d'organismes subventionnaires de la recherche scientifiquedansle domaine de lasanté. Certainsmembres de ces organismes subventionnaires avaient considéré réserver les subventions aux chercheurs provenantd~institutionsmoins bien pourvues en ressources financières. Osétaient égaiement prêoa:upésparle fiùt que les priorités établies pour le finanœmentdelaredlercbe auCanada puissent être contournées par[~entremisede ces fondations. La Fondation justifia ses interventions en indiquant qu"elle ne finançait pas les projets des chercheurs directement. EUe donnaità

L'Hôpitalcertainsmontants devant servirà payer des frais liés à

e

organisation de larecherch~par exemple ['électricitéet le chauftàgedu laboratoire ou les coûtsd~opérationdeI~animalerie. Ainsi~

[es chercheurs n~étaient pas indûment avantagés par les activités de la Fondationet celle-ci ne finançait pas des travauxnon-prioritair~confonnément aux objectifS des organismes

subventionnant la recherche au Canada: voir J.C_ Kiger,Supranote 8.. à [a page 44.

(13)

-4-•

Ainsi, la question principale que nous posons dans ce mémoire est de préciser ce qui distingue l'action d'organismes charitables, telles les fondations, de l'action de l'État. Nous désirons connaître les raisons qui expliquent pourquoi il apparaît inconcevable que leurs actions se chevauchent. Dans ['exemple mentionné ci·baut et mettant en cause des subventions de recherche attribuées par la Fondation de L'Hôpital pour Enfants malades de Toronto, nous voyons que, derrière l'hésitation des membres des organismes subventionnaires, se trouvait une préoccupation d'équité et de justice face aux institutions qui n'auraient pu bénéficier du soutien d'une fondation comparable. Mais est·celaseule raison? Si c'était le cas, il suffirait par exemple de centraliser l'ensemble des décisions de financement et d'abolir l'autonomie des fondations. Ceci assurerait un traitement égal pour tous les établissements et le débat se concentrerait sur les principes d'allocation. Il y aurait à la base une justice procédurale. Il faut toutefois se demanders'ilne s'agit que d'une question de procédure. En d'autres termes, ya-t·il une différence de nature entre le financement par l'État et le financement par les fondations?

D'un premier abord, les actions des organismes charitables sont plus difficiles à comprendre. Quelle est leur justification? Nous connaissons assez bien le fonctionnement du système du hOéra1isme économique dans lequel nous vivons. Nous comprenons les grandes lignes de laloi del'offie et de la demande, les variations de prix qui en découlent et les décisions que prennent les femmes et les hommesdans leurs transactions quotidiennes. Nous sommes même conscients des préceptes moraux: sous·jacents, en ['occurrence l'utilitarisme, qui envahit notre pensée bien au·delà de la sphère économique. Finalement, nous sommes également conscients, mais à moindre degré peut-être, des présuppositions de ce système économique sur lanature humaine, c'est·à·dire

r

homo sapiensdevenant ['homo oeconomicus obsédé par la. poursuite de ses intérêts personneIs~ De la même fàçon, nous sommes fàmiliers avec (es principes de fonctionnement de rÉtat providence et tout le système d~assistance sociale qu'il sous-tend. Peu importe l'opinion que chacun de nous ait sur le rôle que devrait adopter rÉtat (plus socialiste ou plus capitaliste, par exemple), il nous est possible de situer

(14)

-5-•

l'intervention étatique actuelle à rintérieurd~unede ces orientations et justement de suivre L"évolution des idéologies aufildes changements de gouvernement.

Mais qu'en est-il de l'action charitable? Quel est son véritable statut? Est-eUe seulement une façon déguisée de poursuivre ses intérêts personnels, et donc une action relevant de la morale utilitariste entièrement explicable par les théories économiques? Est-elle essentiellement un dogme religieux? Ou encore, est-ce une façon archaïque d'échanger des biens, n'étant plus adaptée à l'époque moderne? Doit-eUe être assimilée à un acte économique ou plutôt intégrée à l'intervention étatique?

À première vue, l'action charitable ne s'bannonise pas bien avec l'action étatique. Le cas des fondations hospitalières illustre bien comment l'action charitable s'immisce dans lechamp d'activité de l'Étatsanstoutefois tomber sous son contrôle. Et la tentative de prise de contrôle que constituait le Projet de loi 120 nous suggère uneincompatibilité entre l'aetÎonétatiqueet l'action charitable. Aux yeux de plusieurs personnes impliquées dans les fondations hospitalières, la possibilité qu'ils puissent servir de support aux actions relevant de l'État proprement dit impliquait la fin de leur œuvre charitable. L'action étatique et l'action charitable leur apparaissaient mutuellement exclusives. Or, n'est-il pas légitime de se demander s'il De serait pas préférable de regrouper toutes les ressources impliquéesdans l'assistance sociale

ou

dans les soinsde santé,àlafois privée, étatique et philanthropiques, afin de produire de meilleurs résultats pouvantbénéficierà toutes ettous nos concitoyens? Aprèstout, l'objectifultime n'est-il pas le même, c'est-à-dire aiderles gens malades et démunis, combattre la souffiance ?

D~aiDeurs~ le statut

fiscal

privilégié des organismes de charité de même que eoctroid~unedéductionfiscale pour-Iesdons quileur- sontfàits vient obscurcirla. distinction entre eaction étatique et charitable. Plusieurs théories ont été

(15)

-•

élaborées pour justifier ces mesures fiscales[!~ La résultante est une participation indirecte de rÉtat au financement des différents organismes.. sociétés ou compagnies à but non-lucratif qui en bénéficient- L"ïmpact de cette mesure sur

leurs revenus est non-négligeablel3• L~importance de la participation étatique dans le financement des organismes charitables nous confronteàla pOSSIbilité que l'"action charitable ne soit qu~un épiphénomène face à un État providence

omniprésent~ même dans des sphères d~activité s~afficbant comme distinctes et différentes de l'État. Nous ne serions pas justifiés de considérer l'action charitable comme différente et en compétition avec l'État si elle bénéficie de façon significative d'un statut fiscal avantageux ou dépend essentiellement de dons faits en raison de la déduction fiscale pourdons de charité. Il ne s'agirait que d'une forme particulière d'intervention étatique décentralisée.

Mais l'idée que nous défendons dans ce mémoire est que ces deux. types d'actions fonctionnent selon des principes distincts ayant trait à des fonnes d'allocation de biens anthropologiquement et économiquement différentes. Ceci permettrait d'expliquer pourquoi, d'une ~ l'action charitable se déroulant à l'intérieur de l'intervention étatique ne peut s'yassimiler complètement, même si les ressources relèvent essentiellement de l'État. D'autre part, cecipeut servir-de justification pour l'existence d'un système d'aIlocation basé sur des principes charitables fonctioDDaDt enparallèleausystèmeétatiqueet au marché.

À la. base, le concept d'assistance sociale est issu d'une volonté de bientàisance. Ce n'est certes pas à ce niveau qu'ü est possible de distinguer l'action charitable de l'action étatique. Vouloir fàire le bien est une chose; comment le 1àire en est une autre

r

L'aetÎon étatique, à l'intérieur d'un état démocratique, se déroule dans un cadre de justice égalitaire accordant aux. citoyennes et citoyens certaines garanties tendant plus ou moins vers une forme

12OntarioLawRefonnCommissi~ReponsontheLawofCharitïes..voL 1.... Toronto.. Attorney

General ofOntario. [996 (Project Director: ProL David Stevens)..pp245-247. NOlISen rediscuteronsdansle troisième chapitre•

n D.Sh~A Portrait ofCanaaas Charities: The Sée. Scope ana Financing ofRegisterea Charitïes...Toronto. Canadian Centre for Philanthropy... 1994... dans OntarioLawReform Commissfon.../bid....à lap~127~

(16)

-7-•

universelle d~assistance sociale (incluant les soins de santé)~ L"actÎon charitable est étrangèreà cetypede justice et ne donne aucune garantie. Par contre,. eUe est beaucoup plus personnalisée et peut révéIer~ autant chez le donateur que chez le

donataire~ les meilleures qualités humaines~ Elle peut aussicontnbuerà créer des liens relevant du plus grand humanisme et lutter contre les plus grandesÙ\Ïustices~

Mais penser eassistance sociale en terme d~action charitable est pour le moins

incongru~ Associée au concept de charité~ nous retrouvons un geste altruiste,. gratuit,. spontané et hbre; un mouvement de l'âme vers autrui. L'idée d"une charité organisée et érigée en système d"allocation de ressource ou de redistnoution de la richesse s~éloigne passablement d'une telle conception de la charité au point de ne plus y correspondre et de provoquer plus de tort que de biea

Dans une critique du système d'allocation de soins de santé basé sur le donl4, Feücia Ackerman identifie les problèmes majeurs qu'une telle forme d'assistance sociale créerait. Premièrement, elle met en évidence lawlnérabiIité

de la personne qui se retrouve en position de besoin et qui doit demander la charité, de mêmeque lawlnérabilité associée aufàitderecevoir~ EDey voitune atteinteà ladignitéde lapersonne due à lareconnaissancedont doit &irepreuve la personne qui reçoit et due à lasituation

«

d'endettement» quisecrée lors du don. Dans l'histoire qu'elle utilise

pout

illustrer les effèts pervers de lacharité,

ene

donne l'exemple de la mère d'une petite fille atteinte de leucémie qui doit chercher elle-mêmedesdonneursdesang bénévolespour sa

fiI1e

15:

« Ailer severa[ tumdowns, sile fiDds a woman who agrees to donate. But

ailer

donaring, thewomanseetœ to expectsomething inretum - ftiendsbip andconcem from the already be1eaguered Anne.. Lois, the donor, feels uplifted byber day's foray ÎDto the experience of being charitable~ "l'm gIad 1 gave," sile murmms before dri:fting offto sleep ontheride home,. secure in

the gIow ofher ownbenevolence.. But Anneis angry..

She knows that the single donation that sut1ices to gratifY Lois will not suffice to meet ber daughter's

r4 F_ Ackerman.«Whatis the properrole fur CharityinHealthcare» ([996) 5 Cambridge Quanerly ofHealthcare Ethics,. pp 425-43 [.

r.s Supranote14~à

ra

p~425_

(17)

-8-i

e.

ongoing ~ and that the next moming she will again he ''''[waIking]down another road looking forblood:~

Dans le système de santé actuel. ilest peu probable de voir une telle situation se présenter. Néanmoins, des situations comparables s'observent couramment de nos jours. Bien au-delà de l'aumône, l'implication bénévole d'une personne dans

un

hôpital ou une résidence pour personnes âgées et

même

les contnoutions financières aux fondations hospitalières ou à d'autres œuvres charitables sont souvent bien suffisantes poUf satisfàire la ou le bien1àiteur mais bien insuffisant pour répondre aux besoins.

Deuxièmement, Felicia Ackennan identifie l'aspect peu démocratique d'un système basé sur la charité. Un organisme de charité n'est pas tenu de pourvoirà tous les types de besoins. Une personne est libre de donner ou de ne pas donner pour la cause qu'elle trouve importante ou non. Certains besoins, certaines causes peu populaires dans une communauté donnée pourraient se

retrouver sans ressources, laissant certaines personnes à l'écart. Troisièmement, elle mentionne le manque de ressources des organismes de charité privés indiquant qu'aux États-Unis, globalement, 30% des fonds provenaient du gouvernement et que, pour certains organismes, plus de 75% du budget provenait du gouvernement.

Cette critique d'une forme d'assistance sociale basée sur le don ou la charité nous permet d'introduire des objections significatives à toute approche cherchant à bonifier le rôle de la charité privéedansl'assistance sociale. On note ainsi le caractère potentiellement arbitraire, incertain. voire injuste de la charité privée sans compterlacréation de situations fàvorisant la discrimination et l'abus de pouvoir. De même, la contnoution financière significative du gouvernement au financement des organismes de charité privée suggèrequeceux-ci ne puissent fonctionner des seules contributions privées pour accomplir leur mission. Ceci nous interroge donc à la.fois sur les li:mitesd~uneapProche fondée sur la.charité mais aussi sur le bien-fondé de pennettre un plus grand rôle à la charité privée. Par aiIleurs~ il.

mut

également rappeler que bien des secteurs de l~assistance

(18)

-9-•

sociale et de la santé pris en charge par- rÉtat ne pourraient fonctionner sans raide bénévole des familles ou de personnes volontaires. Ceci nous interroge sur la limite. si elle existe<t au·delà de IaqueUe toute forme de charité privée devient injuste et celle en deçà de laqueUe toute intervention étatique est incomplète ou inhumaine. La critique d"Ackerman a donc elle aussi ses limites" qui sont celles de ["action étatique.

Structure etobjectifsdu mémoire

Offiir une nouvelle conceptualisation de

r

assistance sociale est évidemment un objectifbeaucoup trop important pour pouvoir être atteintdans le présent ouvrage. Voilà pourquoi nous parlons plutôt d'une amorce de conceptualisation qui ne reprendrait pas l'ensemble des concepts liés à l'assistance sociale mais plutôt une analyse centrée sur le don tel qu'il. peut s'appliquer dans les rapPOrts interindividuels et individu-collectivité de l'assistance sociale. Ce tàisan~ nous cherchons à préserver une approche pluridisciplinaire tout en tenant compte de nos propres limites dans lesdisciplines auxquelles nous aurons recours.

Dans le premier chapitre, nous allons aborder ell tout premier lieu le concept de don en utilisant ses définitions économiques, anthropologiques et

sociologiques. Nous allons voir que l'analyse économique du don mène

en

quelque sorte à une impasse: ou l'existence du donest niée, ou son existence repose surlavolontédu donateur dedonœrplutôtquevendreetcettevolontéest difficilement explicable en terme utilitariste. L'élément central de ce chapitre nous est foumi par l'analyse anthropologique qui présente le don comme la manifestation et le ciment des liens sociaux non commerciaux et non professionnels.

Dans le deuxième chapitre't nous réviserons les grandes tendances de ['tévolution de l'tassistance sociale au Québec afin de comprendre les raisons principales de ['t'échec de la charité privée et rémergence de rÉtat providence.

(19)

-LQ-•

Nous comparerons les principes qui sous-tendent rassistance sociale et les soins de santé dans un système basé sur la charité privée et à l'intérieur de l'État providence. Nous verrons comment L'incompétence de la charité privée est davantage reliée à l'évolution des liens sociaux fàmiliaux et communautaires qu'aux limites de la charité privée elle-même. De plus, nous tenterons de démontrer comment, sur le plan des principes, la charité privée peut être aussi bénéfique à L'assistance sociale dans un système d'état providence que celui-ci a pu

r

êtrepour pallier aux failles delacharité privée.

Dans le troisième chapitre, nous mettronsà l'épreuve laconception du don que nous avons développée au cours des deux premiers chapitre par l'entremise des récentes études sur le secteur caritatif au Canada- Nous reviendrons par la suite à l'exemple des fondations hospitalières. Nous verrons que la pratique du don n'est pas un comportementisolé: elle témoigne souvent d'une implication et d'un attachement à

sa

communauté ou aux institutions de son pays qui nous suggère que les vertus du don s'étendent au-delà des relations fàmmales ou amicales oùilsdemeure très actif:

Dans ce mémoire, nous adoptons comme persPeCtive initiale l'hypothèse que les changements socio-économiques en cours, dans la foulée du post-modernisme et de la dominance du libéralismeéconomique, nous entraînent vers unmonde où la solidarité etlacohésion sociale seront de moins en moins solides. Nous partageons de moins en moins. Nous valorisons plutôt l'entreprise privée, les morales individuelles, les croyances individuelles. Nous relativisons presque tout. Nous cherchons sans cesse le dénominateur COIDD1UIL Presque tout s'équivaut. Nous partageons de moins en moins les notions de Bien et de

MaL À

chacun son opinion.. Et nous voulons exorciser toute wlnérabilité, toute dépendance, au nom de l~autonomie. Mais ce tàisan~ nous créons des barrières artificielles. Nous nous bâtissons l'illusionqueles succès et les bonheurs desuns

n~ont pratiquement aucun lien à la misère et les malheurs des autres. Nous retirons tout fondement à ridée qu'il filut parfois tendre la ~ à ridée qu'il

(20)

-11-•

filut parfois donner de son temps à d'autres que soi-même et ceux: que nous considérons les nôtres.

Mais croire quelamisère des uns n'a rienà voir aveclaréussite des autres, c'est nier toute forme d'abus, toute forme de dominance à l'intérieur delasociété. C'est croire que nous ne sommes en aucune façon responsable de ('échec de certains et que, surtout, nous ne pouvons rieny faire. Nous sommes entièrement responsables de notre destin. dit-on. fiest difficile de croire que cette affirmation puisse s'appliquerà autre qu'à une communauté dans son entier. Ce serait croire que la dépendance n'existe pas ou qu'elle n'existe qu'à l'intérieur des liens d'amitié ou des liens

familiaux-Lorsqu'il existe un solide système de redistnoution des richesses à l'intérieur d'une société, nous pouvons nous permettre de croireà une autonomie aussi puissante. Mais lorsque ce système s'effrite, que reste-t-il pour justifier une redistnoution des richesses si ce n'est l'exposition au grand jour des liens qui unissent les membres d'une communauté et d'une société? Le regain d'importance de lacharité privée est à notre avis une manifestation qu'il y en a qui croient que ces liens existent. Et c'est pourquoi nous croyons que le démantèlement de l'État-Providence incitera celles et ceux qui croient à l'existence de ces liens à prendre une partie de larelève, et ce, indépendamment du retour en force du secteur privé commercial dans certains champs de l'assistance sociale tel la santé. Qui plus est, nous pensons que l'importance grandissante de la philanthropie et de la charité privée peut servir de base à une nouvelle forme de partage des richesses.

Par ailIe~comme l'exemple de Mme Felicia Akerman l'illustre bie~ la simple existence d'un système d'assistance basésur le don oulacharité n'estpas un gage de solidarité sociale, au contraire. Poury arriver, ilfilut d'abord établir les bomes d'une telle approche!t tel que nous avons prévu de le tàire dans ce mémoire. Mais l'objectifultime (qui dépasse les limites de ce mémoiret) est de jeter les bases d'une éthique de la philanthropie qui viendrait en quelque sorte

(21)

[2-•

encadrer le rôle delacharité privée dans

r

assistance sociale et assurer un partage de valeurs ou de principe d~action pouvant offrir un nouveau fondement extra-étatiqueàlasolidaritésociale.

(22)

-•

Chapitre 1 -

be dan: fandem,o"

théoriques

Le don est un concept controversé. Son existence mêmeestcontestée; sa catégorisation disputée. En tout premier lieu, c'est la définition du don qui doit être précisée. Voit-on dans le don un idéal d'altruisme qui n'a malheureusement qu'une emprise triviale sur laréalité des relations sociales? Y voit-on plutôt une

forme déguisée de marchandage? Serait-ce un mode primitif d'échange, maintenant désuet ou s'agit-il d'une action fréquemment employée dans nos relations interpersonneUes teUes que nos conversations usuelles le laissent entendre? Est-ce que lesvraiscadeauxexistent?

A premièrevue, le don estun geste fréquemment observé. Nous n'avons qu'à penser aux anniversaires, aux différentes tètes qui meublent nos calendriers.. A un autre niveau, on peut penser aux multiples organismes de charité qui vivent à même les dons de particuliers ou d'entreprises. Si plusieurs acceptent que les cadeaux échangés à Noël sont des dons véritables, d'aucun diront que les dons fàits aux organismes de charité sont très loin socialeme~ moralement et

économiquement des dons entreamisouà l'intérieur dela

tàmille..

Nous pouvons même nous demandersil'appellation «doo» s'applique pour des échangesfàits en dehors du cadre interindividuel tels les dons corporatifS.

Ceci

est basé

principalementsurlefàitqueledon doitêtreungestegratuitetdésintéressé. Or, nous dit-on, nous n'obtenons

rien pour rien;

il n'y

a rien

degratuit. Et

on

réagit. souvent à une générosité inattendue par un questionnement sur la motivation réelle dumécèœ.

Mais mis à part lecynismeou le trop grand réalisme de notre époque qui nous pousse à chercher l'opportunisme et l'égoïsme derrière chaque geste dit «charitable»16, plusieurs domaines de co~ ont étudié le donà partirde leur méthodologie propre et ont tenté d'en fiûre ressortir les caractéristiques essentielles. Nous allons revoir ici ces caractéristiques essentielles en examinant l'approche économique!t anthropologique et sociale..

(23)

T4-•

1. Économieet don

Nous débutons par l~analyseéconomique du don car réconomie repose sur la philosophie dominante de notre époque: l'utilitarisme. De plusot cette position

philosophique met en doute l'existence même du don en tant que geste gratuit et désintéressé. Au mie~ le phénomène du don sera considéré, dans sa forme

institutionnalisée~ commeunmarchéspécialiséoù s~échangentle respect social, la notoriété, le prestige et autres éléments du même genre contre de l'argent et où peut s'immiscer - sans que ce soit un élément essentiel - de la satisfaction personnelle delapartdu donateur.17

Un des postulats de l'utilitarisme, tel qu'il est appliqué enéconomie, est que l'individu est égoiste. fi cherche à maximiser son utilité, que ce soit son plaisir ou son argent ou autre. En d'autres mots, l'homo oeconomicusagitselon son intérêt personne~et ce peu importe le langage ou la forme d'action choisis pour justifier cette action. La réalité, cachée ou non, nous montre que nous agissons tous par intérêt personnel Compte tenu du caractère envahissant du discours et de l'analyse éœnomique dans la société actuelle, les termes «homo oeconomÎcus» et «homo sapie1lS) deviennent pratiquement interchangeables. Alors comment expliquer le don et les autres phénomènes connexes tels

la

générosité, l'altruisme, la charité. Ne serait-ce, comme Godbout s'interroge, qu'une simulation dont «(...) on a toujours le droit d'en rêverdans l'intimité ou dansl'obscurité d'unesallede cinéma» limaisqui n'existepas réellement?

A- Ledonà l'intérieurdu h"béra1isme écooomigye

À L'appui d'une interprétation dite «économique» du don se trouve une perspective particulière de l~économie,elle-même inspirée d'une conception bien

16Voiràcet effet J.T. Godbout.L "Esprit dutkJn'tMOIltréal'tBoréal~ 1995 aux pp IO-15~pourune

aitique de('tespritmoderneet en particulier sa déterminationànepasse

ner

aux apparences.

170.8.Johnson't«The Charity Market:Theoryand Praeticc» dansA.Se(don, dir..The Economies

ofCharicy: Essays on the Comparative Economies and Ethics ofGiving and Se/Ting. with Applications to Blood , Lond~Institute ofEconomieAflàirs~ 1973~ pp9 [·95.

"J.T. Godbout,.Supra 16..à lap9_

(24)

15-•

précise- de la nature humaine et de L'évaluation morale des actions. La théorie dominante en macroéconomie est~ nul doute, celle du libéralisme économique. Cette théorie véhicule une conception utilitariste de l'être humain et conséquemment une morale utilitariste agissant à la fois comme normativité et comme modèle d'interprétation des actions humaines. Le postulat principal du hDéralisme économique est quela prospérité et le bien-être d'wte société seront atteints par un système quilaisse la nature suivre son cours et interœre le moins avec celle-ci.19 En termes concrets, il s'agit d'un système qui laisse à chaque individu la hbertéde poursuivre ses propres intérêts tout en respectant les lois et règles commandées par lajustice. Ceci implique la libre circulation des biens et services et la hôre compétition. Moins il est nécessaire de réglementer le commercede l'argent, des biens, des services etde lamaind'œuvre, plusefficace serale systèmepourpromouvoir le bien dela société.

Cette théorie de l'échange commercial place en son centre l'individu à l'intérieur de la sphère commerciale: on attend de l'individu qu'il cherche à promouvoir ses propres intérêts. Ceci est pour son bien personnel, mais aussi poutle bien delasociété. Donc, autantdupoint de we de l'individu que du point de we de lasociété, il devient souhaitable que chacun cherche à poursuivreses propres intérêts.

Parallèlement à cette théorie économique, l'on doit juxtaposer l'utilitarisme de Bentham et surtout Hume qui tlorissaità la même époque et qui véhiculait une conception égocentrique de la nature humaine. Cette théorie morale, issue de l'empirisme anglajs, postulaitqu'une action devait

être

jugée en fonction des conséquences qu'elle générait. Ces conséquences pouvaient être quantifiées en nombre d~utilités, l'action générant le

maximum.

d'utilités étant la plus recommandable. L'avantage de cette théorie est de créer un dénominateur commun à partir duquel il est poSSIble de comparer toutes les actions.. Ce dénominateur peut être de l'argen~bien sûr, mais peut également être du plaisir

[9Voir-à.ceteffet A.. Smith. An lnquiry inla che Nature andCauses ofthe Wealth ofNations.

1re-éd..par- E_ Cannan. Chicago, University ofChicagoPress.1976; voir-aussi A.. Smith.The Theoryof Moral Sentiments.New YorIe. A.M.. KeUeyPublishers.1966_

(25)

(6-•

ou autres bénéfices. Le principal désavantage de cette théorie est qu'elle ne permet pas de détenniner parmi les différents types d'utilités possibles celles qui doivent être priorisées. Ondoit donc faire appelà une conception non-utilitariste des biens à rechercher et des mauxà éviter pour pouvoir utiliser cette théorie.20 De plus, onne peutsavoir précisément comment vaut une unité d'utilité.

Néanmoins, l'asPeCt cOl1lPOsite de ces cOur"œ1ts de pensées a été l'établissement d'un impératifà la fois pratique et moral visant la poursuite par chacun de leurs intérêts individuels. Par glissement, il devient aisé de conclure à une nature égoïste et égocentrique de l'être humain, évacuant du coup tout espoir de charité ou d'altruisme. La réalité dit-on, réside dans le tàit que l'altruisme n'est qu'un mirage. Derrière lui, on retrouve une personne quiagitpremièrement dans le butde promouvoir ses propres intérêts, ce qui se traduit secondairement par un effet bénéfique sur autrui.

B. L'exempledudondesang

En tennes économiques, le problème de philanthropie, ou celui de la charité, peut s'expliquer de différentes fàçons, malgré que le principe de base demeure celuiénoncé dans le paragraphe précédent. Onpropose ainsi quelques modèles pouvantrendrecompte du phénomène delaphilanthropie.

Au début des années 1970, la publication du livre «The Gift

Relationship)21 parle professeurR. Titmuss a tàit émerger un débat surla fàçon de rendre compte et d'évaluer les systèmes d'échange de biens par le don ou la charité, particulièrement en rapport avec l'échange des biens par le marché. 22 Titmuss comparait le système de distnDutiondes produits sanguinsdansdifférents pays mais, de fàçon plus détaillée, celui des Etats-Unis et de laGrande-Bretagne. Il avait une approche pluridisciplinaire, soit économique, médicale,sociologique,

20H.T. Engelhardt jr,.TheFoundations ofBioethics,.2eéd.,.New-York, Oxford University Press,. [996,.pp4547_

2tR.M. Tibnuss,.Thegift relalionship: from human hlood10socialpolicy,.Londres, George Allen &.UnwinLt~ 1970.

22.A.. Sefdon.. dir_The: Economies ofCharity: Essayson I/leComparalive Economies andEthicsof

GivingandSellin~withApplicationslo Slootl,London.. fnstitute ofEconomieAflàirs..[973_

(26)

-•

anthropologique et éthique. Quoique ['approche économique soit la plus étoffée, c'est davantage du point de vue éthique que L'ouvrage semble être imprégné. Titmuss établit comme idée principale que le don de sang est un acte moralement bon alors que le commerce du sang est un acte moralement mauvais. Son étude économique des systèmes de distnbution du sang vise à démontrer la véracité de cette idée. Pour ce faire, ilévalue l'ùnportance des coûts de chaque système, le gaspillage (soit la quantité d'unités de sang prélevées et non transfusées), la dispombilité du sang

et

le risque de transmission de

maladie

par voie transfusionneUe. En comparant les données recueillies sur chacun des éléments sus-mentionnés pour chaque système de distnoution, il en arrive à la conclusion qu'à l'intérieur du système américain, où la commercialisation du sang est la règle, le coût par unité de sang transfusé est plus élevé; la quantité de sang gaspillée est beaucoup plus importante; les périodes de pénurie de sang sont plus fréquentes et le taux de maladies

transmises

par transfusion est plus élevé. fi conclut donc que le système anglais de

collecte de

distribution du sang est plus efficient.

Par ailleurs, une analyse sociale du système

américain

vient mettre en évidence d'autres éléments Défàstes de la

commercialisation

du sang. Titmuss décrit les groupes dedonneurs etidentifiepremièrementune forme

d'exploitation

des

groupes

économiquement détàvorisés.

n

noteentreautres la Jocalisatjondes

centres de

prélèvements qui

se

situaient dans les quartiers défàvorisés afin d'attirer par la rémunération les geus pauvres. De plus, Ü cite des données montrant qu'un pourcentage significatifde personnes dé1àvorisées

utilisant

leur

sang

comme moyen d'obtenir

plus

d'argent se

présentaient aux centres de prélèvementsà une fréquence plus élevée que ceDe recommandéeparles autorités médicales pour prévenir l'anémie secondaireàdes transfusions trop fréquentes.

Comme autre élément nétàste, Titmuss indique de quelle &çon les tensions ethniques entre Noirs et Blancs aux États-Unis

se

reflétaient dans le système de distnbution du sang et suggère en quelque sorte que ce système entretenait les tensions ethniques. En effet, ['acheteur des produits sanguins étant

(27)

[8-•

ultimement le transfusé. celui·ci pouvait dicter ses préférences. A ce titre. il agissait comme n·importe quel autre consommateur. sans égard à la nature du bien en cause. C~estainsi que le sang était non seulement identifié en fonction du groupe ~ maiségalement en fonction de lacouleur de lapeau du donneur. Desurcroit~dans son utilisation. le sang provenant d·un donneur noir était moins valorisé. Ceci se traduisait, par exemple. par une affectation de ces réserves de sang uniquement aux hôpitaux réservés aux Noirs ou pour les situations désespérées.

La conclusion de Titmussse résume donc en trois énoncés principaux: 1) le système de distribution des produits sanguins aux Etats·Unis est moins efficient qu'en Grande·Bretagne; 2) il constitue une forme d'exploitation sociale; 3) il entretient les inégalités sociales. D'une manière contrastante, un système public de distnbution des produits sanguins basé sur le don de sang était, pour Titmuss, non seulement plus efficient mais l'analyse de la provenance du sang démontrait que le système ne reposait pas sur un groupe désigné, défàvorisé, pour alimenter les réserves de sang. De plus, le système étant public, il n'était pas solllDi; aux caprices destransfusésetentretenait moins les inégalités sociales.

L 'hypothèse de Titmuss pour expliquer cette situation était, d'une part,

que le don en soi apportait au système certaiDes qualités telles une forme de préoccupation sociale et une forme de salidarité etde soutienà a~ de même qu'il pouvaitcréer un sentiment d'accomplissement et de satistàction personnelle chez le donneur. D'autre part, il conférait au sang un caractère quasi-sacré le rendant

non

réifàble. Lesang

ne

pouvaitdonc,

selon

lui, être

commercialisable

et

il n'tétait pas non plus possible de créer des donneurs professionnels ou de fâcto institutionnalisés par une situation les rendant vulnérables et donc enclins à donner. À ses yeux, recevoir du sang était pratiquement une grâce et celle-ci ne pouvait être issue que d9

une action hbœ9 spontanée et émanantd'undésird'aider

autrui.. De là19uhîmeconclusion de Titmuss9 à savoir que le don de sang est un

geste moralement bon alors que la commercialisation du sang est un geste moralement mauvais.

(28)

-•

Évidemmen4 une telle position a fait l'objet de critiques. Certes, le don de sang est incontestablement un gesteàencourager pour plusieurs raisons évidentes. Généraliserà partir de cette affirmation et conclure qu'un systèmebasé sur le don plus ou moins spontané, résultant de L'altruisme des individus, est moralement et économiquement supérieur à un système de n1al'ché (lorsque l'instauration d'un système dit «de charité» est possible) est devenue une position beaucoup plus vivement critiquée!

MichaelH. Cooper avait publié, avec Anthony J. Culyer un essai sur les principes de L'échange commercial et charitable en utilisant le sang comme objet d'analyse.23 Cet essai avait été publié avant le livre deTitmuss.

Dans

leuressai, Cooper et Culyer avaient envisagé la possibilité d'un système mixte de collecte et de distribution du sang, c'est-à...dire un système principalement fondé sur le don volontaire etunsystème parallèle de dons desangcontrerémunération ou de dons de sang avec incitatifs, financiers ou autres. Leur analyse avait comme point de départ l'étude d'un cas de pénurie desangen Grande-Bretagne.

Avec sonlivre, Titmuss cherchaità invaliderlathèsede CooperetCulyer. CooperetCWyer ont eux-mêmes réponduà lacritiquedeTitm~4. Enpremier

lieu, ils

mettaient en doute l'affirmation de Titmuss qu'n n'y avait pas à cette époque de pénurie de sang en Grande-Bretagne. Pour ce, ils se basaient de nouveau sur le cas qui avait donné naissance à leur essai de 1968, soit le tàit qu'un sondage postal à des chirurgiens avait révélé que 6% des répondants trouvaient inadéquate la banque de sang de leur hôpital et que 36% devaient parfois remettre des chirurgies parmanquede sang. Dececas, Cooperet Culyer coniuent qu'il n'est pas du tout évident qu'il n'yavait

pas

de pénurie de sangà cette époque et que des études supplémentaires étaient requises. Le problème principal demeurant toutefoÎ$y selon e~ celui de définir les termes «besoins» et

n M.fLCooperet AJ. Culyer.ThePrice ofBlood: an econom;c study ofthe charitableand commercialprinciple.H~paper41~fnstituteof Economie Aftàirs.. 1968_

24 M_fL CooperetA-1_ Culyer, «The Economies ofGiving and Selling Blood)} dansA-Seldon..

dir~TheEconomies ofCharity: Essayson lhe Comparative EconomiesandEthiaofGivingand

Sellfng, wilh Applfcalions to Blood.,.London.fnstituteofEconomicAftàiB. 1973. 107.

(29)

-20-•

«pénuries» dans leur application à la collecte et la distnbution du sang. Ce que 1"on considère comme un besoin de sang.. une pénurie de sang et.,. plus largement.. du gaspillage de sang exprime déjà un choix qui détermine notre jugementd~un

système de collecte et distnbution du sang. Par exemple~ si ron choisit de conserver des réserves de sang suffisamment grandes pour prévoir pour des catastrophes éventuelles.. on doit s'tattendre à devoir jeter des produits sanguins inutilisés davantage que sion ne répond qu"aux besoins ponctuels. Or.. le fuit de désigner ces produits sanguins inutilisés comme gaspillage plutôt que comme des pertes inhérentes au système découlant des objectifs visés est une définition qui comporte un jugement sur le système en soL CooPer et Culyer répondent à Titmuss denepas avoir offertnijustifié de définitions précises de ces concepts.

Deuxièmement, ils critiquent le postulat de Titmuss, selon lequel le sang avait un caractère quasi-sacré, le rendant inaccesSIble par le marché. Cooper et Culyer écrivent quelathéorie de Titmuss repose surbeaucoup de superstitions au sujet du sang, cela leur étant suggéré par les sources sur lesquelles Titmuss s'appuie pour invoquer un caractère spécial au sang. Ils indiquent que les superstitions sont inadéquates pour une société évoluée du fàit: que leur rôle de maintien du tissu social est assuré par d'autres conventions sociales telle la. charité. Depl~ CooperetCulyercritiquentlapositiolldeTitmuss voulant que le caractère spécial dusangjustifie que l'homme soit hèrede donner ou non son sang et que cette hDerté est mise en péril par la commercialisation du sang. Cooperet Culyer répondent que lacommercialisation du sang s'ajoute au don du sang. En conséquence, ils'agit d'une option supplémentaire qui n'empêchepasle don de sang. De ce ~ ils considèrent que lahbertéde donner ou non sonsang

demeure~ et est même amplifiée car une option supplémentaire

s'y

ajoute: cene de le vendre.

Troisièmement, CooPer et Culyer accusent Titmuss de mélanger des énoncés à visée morale avec des énoncés à visée politique (et sociale).D~une p~ écrivent-i1s~irtmusstented~élaborerune vision d"un système idéal de distn"bution de sang basé sur des valeurs d~altruisrneet de solidarité. D~autre part,. rrtmuss

(30)

-•

offre une analyse très critique du système américain de distribution du sang en étalant ses fwblesses. Cette critique ne mène pas~ selon Cooper et CuIyer~à un

système idéal de distnbution du sang mais plutôt à la présentation de besoins imminents de changement dans les politiques sociales sous-jacentes. Pour e~ il n'tya pas de relation de causalité entre le caractère commercial de la distnbution du sang aux Etats-Unis et les injustices ou les imperfections de ce système.

Par la suite~ Cooper et Culyer présentent des objections plus spécifiques aux arguments de Titmuss. Ils démontrent que les imperfections du système américain. relevées par Titmuss soulèvent davantage de questions que celles envisagées par Titmuss et que~ conséquemment~ de nombreuses autres conclusions ou hypothèses de conclusion sont poSSIbles en plus de celles auxquelles Titmuss aboutit_ Par exemple, ils reprennent certaines allégations de Titmuss au sujet du gaspillage du sang aux Êtats·Unis.. Cooper et Culyer indiquent que la définition de «gaspillage» doit être élaborée en fonction des priorités de la société en question. Supposons, comme eux, une société qui accorde une très grande valeurà lasanté des individus et qui a comme priorité de pouvoir répondre en tout tempsà tous les besoins en produits sanguins.. Ceci avait comme conséquence qu'il.y avait en général beaucoup plus de culots en banque que de culots transfusés et que bon nombre des culots en banque ne seraient jamais transfusés avant de devenir périmés. Avant de conclure, nous écrivent Cooper et Culyer,qu'un tel gaspillage rend un système inadéquat, ilfilutconnaître les objectifS poursuivis par

ce

système. Dans cet exemple-ci, le gaspillage doit être interprété en fonction d'une accesstbilité primordiale et un tel système pourraittrèsbienêtre très efficient dans sa distribution du sang. CooperetCulyer reprochent donc à Titmuss de ne pas avoir analysé en profondeur les concepts utilisés_

Ils poursuivent en prenant rexemple du risque de transmission de ehépatite par les transfusions sanguines. Ils insistent tout d'tabord pour indiquer que le risque accru d7

hépatite transfusionnelle dans le système américain de distnbution et de collecte de sangn~estpas rattaché en soià la nature commerciale

(31)

-22-•

du système. Il est possible d"élaborer des mécanismes qui" pour un prix donné~

pourront réduire ce risque. Comme illustration d"un de ces mécanismes.. ils mentionnent le paiement qui seraitlimitéaux personnes appartenant à des groupes sociaux moins à risque d"être porteur de rhépatite. L'tautre mécanisme, plus efficace mais qui venait de faire son apparition au moment de la publication de ces textes., est celui du dépistage du sang par des sérologies virales.

Pour Cooper et Culyer, ce dont ilest véritablement question dans la thèse de Titmuss de même queclans leur essai., c"est un choix ou un débat de société sur les ressources que celle-ci désire ou doit consacrer à la vie et à la santé des individus. Plus spécifiquement., ils'agit de l'allocation de produits sanguins. Les principes d'allocation sont ceux de la valeur de la vie des individus en relation avec le principe de justice interindividuelle et de justice intergénérationneUe. La question de choisir un système d'al1ocation fondé sur la charité plutôt qu'un système fondé sur le marché découle d'un choix préalable sur

r

allocation des ressources. L'objectif doit être selon eux d'élaborer un système qui générera les ressources voulues à un coût que la société sera consentante à payer. Il serait inhabituel qu'une société ne choisisse qu'un seul système. Plusieurs méthodes d'allocation coexistent auseind'une même société. Quant auxqualitéset défàuts d'un système en particulier, Cooper et Culyer nous suggèrent qu'ils ne doivent pas obscurcieledébatdefond sur l'allocation des ressources. En cequiconcerne le don de sang, ilsreconnaissent lesvertus inhérentes à l'altruisme qu'implique un tel système. Toutefois, ilssoulèventla.question suivante:Est-ce quelesvertus de raltruisme doivent avoir préséance sur la vie des individus lorsque celle-ci nécessite l!tapport de sang? Selon eux., iln!ty a pas de vérités morales pouvant dicter uneméthodeparticulière d'allouer tel ou tel bien.. Tout dépend du choix de lasociété en question..

c.

L!tap,procheformaliste

L~exemple du don de sang nous permet de voir l!tapplication concrète

d~une analyse économique rigoureuse du phénomène du don q~ jusque-~

(32)

-•

s"expliquait mal en termes utilitaristes. Nous allons maintenant appro fondir cette analyse.

L~argumentation développée par Titmuss n'est pas nécessairement erronée. Ce que Cooper et Culyer indiquent, c'est qu'il utilise simultanément plusieurs points de vue différents pour bâtir son argumentation et les conclusions de son analyse économique des systèmes américain et anglais de distribution du sang ne découlent pas nécessairement des hypothèses qu'il propose. Ily a donc lieu d'examiner d'autres hypothèses potentielles. Cooper et Culyer prétendent qu'il faut poser le problème en deux niveaux distincts: les moyens et la fin. Sur les moyens,. ils nous indiquent que la théorie économique traditionelle peut très bien tenir compte du don de sang (et du don en général) et qu'il n'ya pas lieu d'avoir recoursàd'autres disciplines teUe l'anthropologie.

Sur

lafinà rechercher, ils nous indiquent clairement qu'il s'agitd'unchoix de société duquel découlera le ou les moyens à prendre. Cooper et Culyer sont d'avis que le choix du ou des moyens n'est pas un choix moral mais un choix économiquebasé sur des critères d'efficience. fi ne devrait pas Y avoir d'objections

a priori

sur l'utilisation d'un moyen en particulier. Ceux-ci émettent même l'hypothèse qu'un système efficient impüque probablement ['utilisation de plusieurs moyens.

(33)

-•

(1) Bases méthodologiques

L~élémentpremier que la théorie économique doit tenter d'texpliquer est le simple don d'tun individu à un autre. Dans réchange marchan~ il y a un mouvement bilatéral des biens qui circulent. Un objet passe d'tun individu A à un individu B~ qui remet en contrepartie un autre objet ou de rargent pour une valeur équivalente à rindividu A.

Dans

le do~ le mouvement des biens est't à première vue., unilatéral Iln'ty a pas de contrepartie. Bien sûr., un économiste s'tempressera d~ajouter que rabsence de contrepartie n'test qu'tun mirage. Il se crée un sentiment d'tendettement et le donateur finira par devenir lui-même donataire; ou le don sert à accroîtrelavisibilité du donateur't sa notoriété publique voire même à accroître son «capitab> politique. De même't certaines idées plus ésotériques situent la contrepartie dans reffet de gratification personnelle qui seraittransmis du donataire au donateur.

Malgré tout, des économistes moins cyniques admettent l'existence de gestes gra~2S issus de la générosité d'tun individu envers un autre, sans

toutefois avoir la naïveté de croire que tout ce qui est étiqueté comme geste de charité esttàit sans qu'tiln'y aitde contrepartie. Et pour autant que lagénérosité et raltruisme existen~ ils méritent l'attention des économistes étant donné leur apparente incongruité avec la théorie utilitariste que sous--teod la science économique. De surcroît., certains postulent que des gestes de charité sont identifiables parfois mêmejusque dans la sphère du marché't royaume incontesté delascience économique26•

La définition économique du don est l'offie d~unbien à un prix moindre que celui du marché27• Un don gratuit est un bien offert à un prix nul Une des

caractéristiques essentienes de cette offie est que le donataire ne peut revendre le

2SVoir notamment CooperetCulyer,.Supranote 24,. et Cu[yerseuldansAJ.Culya-,.«Qui.

withoutQuos-APraxeological Approadt»dansft..Seld~dir.,.TheEconomies ofCharity: Essays on the Comparative Economies and Ethies ofGiving andSelling~withApplicalions to Blood~

Londo~lnstituteofEconomieAftàirs. 1913,. 33. De plus.. voirK.E_Bouldïng,«Noteson aTheory

ofPhilanthropy>}dans f.G. Dickinson,. dir.,. Philanlhropy andPublic Po[icy .. NewYork.,.National Bureau ofEconOOlic~1962,. 57.

26VoirK.E Bourding,.Supra note 25..à

ra

p.58.

rrSupranote24..à lapage125_

(34)

-•

bien offert. La somme de la résultante en argent et du gain. en nature du don pour le donataire correspond à son bénéfice net. La somme du coût en nature et en argent du don pour le donateur correspond quantà elle à laperte nette du don pour le donateur28•

À rintérieur de la théorie économique traditionnelle~la perte nette du don pour le donateur peut difficilement s~expliquer. Elle ne correspond à aucun gain net équivalent pour le donateur. En fait~ eUe ne peut s'expliquer, nous disent Cooper et Culyer~ que par le choix fait par le donateur de donner. Pour le

donateur~la valeur de cette perte nette nous indique la valeur intrinsègue du don. Unpoint intéressant à souUgner dans cette schématisation économique du donest que la valeur intrinsèque du don pour le donateur est plus grande que le bénéfice net du donataire, étant donné que le bien donné est oftèrtà un prix moindre que sa valeur marchande. En d'autres termes't si le donataire alIait vendre le bien reçu sur le marché, il augmenterait son bénéfice sans préjudice au coût du donateur. Ainsi, pour le donataire, le don implique une perte de valeur qu'il ne peut toutefois récupérer w rimpossibilité par convention de revendre le bien donné.. Si par contre't il pouvait revendre le bien donné't alors il n'y aurait plus de différence aux. yeux. du donataire avec le bien ou son équivalent en argent. Le donateur, qwmt à lui, pourrait s'épargnerla perte en nature du don en donnant directement l'équivalent en argent.

21Lecalculdela valeur du don estschématisé dela fiIçon suivanteparCooperetCulyer : 1- LemaniantquelecIoaaIeurauraitpayépourle bïmoflitts"U ne ("avait pasreçuCIldon..

2- Led tdu doIl ... 1ecIoaIIaire(épii zérosic.".uadonpalUd). 3- LawleurlDlalcdudon..-le-...n-..

4- La valeurlOIaIecielapropuniun dubic:nqueledonaIairc-avaitobIcnuCIliJncIiondulIIODIUtqg"iIaurait voulupayé(énorK:ë1).

5- La valeur totale du donparle donateur_

6- Lavaleurmarcllanckdudon..

A partir de cesénorK:és..ilestpossibled~obtenir (cs valeurs suivantes :

• (1-2)= résullllnieCIl~dardon pour ledonataire..Cdtc résullanle peutëtrc:ungain ou. une perteselon ce que le donataircauraitdé

prêtlipayer pour le donreçu...

• (3-4)=résultanteen !!!!!!!!!Ëdudon pourle donataire.. Cette résultante

est..par définition.IDUjours ungain(en nature) • (4-5)=coùtCIl!!!!!!!!;du don. par ledonaleUr • (6-2)= coùtCIl!!Œ!:!!!.dudonpar le donaleUr

(35)

-•

Ces remarques soulèvent pour Cooper et Culyer deux questions essentielles. Premièrement" pourquoi ne pas donner tout simplement de rargent ? Le principe résiderait dans le fait qu"il est primordial pour le donateur que le donataire reçoive le bien en particulier. De cette façon.. nous disent-ils" il est possible d"obtenir la valeur intrinsèque du don en nature (par opposition à en argent) pour le donateur en calculant la différence entre la perte pour le donateur d"effectuer un don en argent et le gain additionnel du don en argent pour le donataire. Deuxièmement" ne pourrait-on pas considérer le don comme un mécanisme inefficace de transfert de bien étant donné les pertes qu'il engendre? Selon Cooper et Culyer" l"existence d'une valeur intrinsèque du don en nature explique en partie la raison pour laquelle le don demeure un phénomène observable malgré son apparente inefficience. En effet, le don étant issu de la volonté seule du donateur" la valeur intrinsèque du don en nature correspondà un gain. pour le donateur de donner un bien et non de l'argent, et ce gain s'ajouteà la valeur intrinsèque du don en soi. Cooper et Culyer complètent leur réponse en indiquant qu'on peut également voirdans le don une valeur intrinsèque de nature sociale celle-là. qui excéderait la valeur économique du don. Toutefois, ils nuancent cette position en firisant remarquer qu'en contrepartie, le don encourage la dépendance, le paternalisme, les liens d'obligation, etc... A sa valeur intrinsèque sociale s'ajoute un coût social.

Lapertinencede développer un tel modèle pour expliquer le don dépassait, aux yeux de Cooper et Culyer, le seul intérêt scientifique d'expliquer un phénomène afin. de valider l'application de la théorie utilitariste. Ceux-ci voulaient enfiût montrer que rajout d'une rémunération monétaire aux dons de sang pourrait augmenter la quantité des dons et pallierà d'éventuelles pénuries. Dans leur essai initiaI, ils avaient plutôt postulé que l'ajout d'un système «commercial)} au système volontaire existant pourrait avoir un effet dissuasif pour les donneurs volontaires. A partir du nouveau modèle décrit ci-baut, ils affirmèrent qu'en réalité, ['ajout d'une rémunération contnbuerait à diminuer- le coût net pour les donneurs e4 qu'en conséquence, ceux-ci donneraient davantage.

Références

Documents relatifs

[r]

[r]

The study focuses on phonological, orthographical, lexical, syntactical, semantic, pragmatic and tex- tual aspects and reveals the overwhelming influence of French, English and

[r]

Un joueur qui dit &#34;je ne sais pas&#34; indique que toutes les formes présentes une seule fois dans son tableau quant à son paramètre personnel ne conviennent pas (car sinon,

On doit donc avoir 13 premiers distincts (ou une de leurs puissances), dont on prend les 13 qui minimisent l'écart entre le plus petit et le

[r]

[r]