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Y voir avec les aveugles
Janick Cochet, Claudine Cochet
To cite this version:
Janick Cochet, Claudine Cochet. Y voir avec les aveugles. [Rapport de recherche] 389/86, Ministère de l’urbanisme et du logement / Bureau de la recherche architecturale (BRA); Atelier de travail et de recherche sur l’espace (ATRE). 1986. �hal-01900987�
L ' A T E L i E R D E T R A V A I L E T D E R E C H E R C H E S U R L E S P A C E
" Y VOIR AVEC LES AVEUGLES "
MEMOIRE
A L»INTENTION DU BUREAU DE RECHERCHE ARCHITECTURALE
MINISTERE DE L rURBA-
DOSSIER I NI SME ET DU LOGEMENT
AV. PARC DE PASSY
OCTOBRE 1986 75016 PARIS
Ce dossier a été constitué par :
Claudine et Janick COCHET ,animateurs de l'ATRE (Atelier de Travail et de Recheche sur l'Espace 13 rue de la friperie 34000 Montpellier ) .
Montpellier,le 30 octobre 1986
A T R E
" LES HOMMES SONT DEVANT LES IDEES SIMPLES COMME LES CHAUVES-SOURIS DEVANT LA LUMIERE ILS SONT AVEUGLES " .
SOMMAIRE
INTRODUCTION
ELEMENTS POUR UNE RECHERCHE FONDAMENTALE :
- démarche et méthodologie .
- objectif général et questions suggérées par la première phase de la Recherche . - situation sociologique succinte des
non-voyants •
réflexions théoriques à portée générale
EN MARCHE VERS UNE RECHERCHE APPLIQUEE :
" LE JARDIN DES SENTEURS »
- un projet en voie de réalisation . - réactions socio-politiques autour de
l'initiative .
REALISER UN FILM ?
- déroulement de la réflexion . - un premier scénario .
- un deuxième scénario .
- démarches institutionnelles et recherche de moyens .
CONCLUSION
DOSSIER II :
correspondance reçue à propos de la Recherche entreprise .
L'intention de cette Recherche et ses hypothèses apparaissent semble-t-il de manière claire dans le paragraphe destiné à l'objectif général •
Ce qui est certain",c'est que l'élaboration des ques tions qui sont posées , fait partie intégrante de cette amorce de Recherche ,qui n'est qu'une première étape • Elle doit être considérée comme telle ,c'est à dire comme une introduction générale à un travail ambitieux qui se poursuit et qui ,nous l'espérons ,sortira du ca<* dre géographique restreint dans lequel il a été engagé .
C'est en 1982-1983 que ce projet a germé et a commencé à prendre consistance , dans des entretiens fréquents et réguliers avec les non-voyants adhérents de l'Union des
Aveugles de Montpellier et de sa Région .
(cf.lettre ci-jointe de Monsieur QRAVIE ,Président de cette association ,à Monsieur Qeorges FRECHE ,Député Maire de Montpellier )
11 est né d'un constat :
1° La vue est avant tout privilégiée vis
à vis des autres sens : le goût ,1'odorat ,1'ouie ,1s toucher .
A cet égard ,il lui est confié ,dans la société occiden tale contemporaine ,des fonctions que l'on peut qualifier de rentabilité ,de jugement ,d'appréciation technique , qui édulcorent celles de l'admiration ,de la contempla tion ,de la découverte ,disons de la caresse sensible du champ visible .
Par ailleurs ,1a multiplicité d'appareils optiques et audio-visuels ,établit entre l'oeil ,1'espace intérieur de l'individu et ce qui l'entoure ,une opacité qui relève
presque de l'assistanat que peut apporter une prothèse . Les voyants ne deviendraient-ils pas des malades de la vue ?
Ce qui expliquerait peut-être l'excessive montée sociale d'un voyeurisme .accentué par les médias • Il suffit de considérer le phénomène tourisme / photographie : l'oeil ne jouit plus ,mais par l'intermédiaire de mécaniques ,
tepte de faire mémoire . L'oeil (1) n'est plus le complice
des souvenirs ,mais s'aliène au service de principes de conservation et d'étiquetage .
2° La priorité étant accordée à la vue , malgré elle sublimée par un processus , disons technolo gique et économique , cela met en arrière plan les autres sens qui , du môme coup ,apparaissent secondaires . On soi gne bien l'oreille qui vient juste après l'oeil ;les lunet tes et les "lentilles" passant avant les appareillages acoustiques «Mais il semblerait que de l'odorat , du goût et du toucher ,1a médecine officielle ne puise queo peu- de préoccupations .
Ce qui est très intéressant , comme ça ,c'est que cela démontre parfaitement comment le principe de réalité veut à tout prix l'emporter sur le principe de plaisir .
Ceux-ci étant eux-mêmes principes économiques ,ils déter minent ,dans un rapport de force mené par la recherche du profit ,une censure du plaisir ,de la sensualité tout court . C'est la fameuse transhumance de l'énergie libre en éner gie liée .
En effet ,qui contredirait que l'odorat ,1e goût et le toucher ont été de tout temps ,dans le système anthropi-
•quë humain (3) ,les conducteurs principaux du plaisir ?
Epicure et quelques autres nous en livrent de bons témoi gnages .
On pourrait déduire qu'au niveau socio-économique ,une
censure s'exerce au bénéfice de la vue ,et que ,de ce fait, s'exerce un contrôle des manifestations jouissives •
Cette répression larvée ,sous-jacente ,non dite ,ne peut que mener à certains effets : ceux d'une société devenue perverse ,pour laquelle la vue ,et secondairement l'ouïe (2) conduisent à un voyeurisme permanent ,1e domaine "phallique" étant absorbé par le regard "porté sur" .
Pour ces raisons et d'autres ,si la vue est sensée fournir une information globale ,il n'en est pas moins vrai que chacun d'entre nous est incapable de percevoir globalement le lieu où il se trouve .
Le but poursuivi dans ce travail avec les non-voyants , est donc de recevoir des messages de leur part ,puisque par excellence et nécessité vitale ,ils ont tendance à rendre la part qui leur revient aux quatre autres sens , lesquels chez la plupart d'entre nous ,se trouvent atrophiés.
Il semblerait que cela puisse nous permettre d'accéder à une nouvelle lecture de l'espace ,et puisse participer à l'amélioration de notre environnement ,en changeant éventuellement les dispositifs symboliques qui parcourent la ville ,drainent les cheminements ,trament les zones et les quartiers ,afin d'eij faire bénéficier voyants et non-voyants en dehors de tout rapport d'assistance .
Il va évidemment de soi que l'usage des informations que nous apportent les aveugles doit aller dans le sens d'amé nagements urbains ou ruraux à leur échelle : en effet , les équipements pour handicapés sont surtout pensés pour les handicapés moteurs ,les aveugles étant souvent oubliés •
Si nous intégrons dans le cadre de ce document de recherche les projets en cours et en voie de réalisation ,c'est d'a bord parce qu'il est nécessaire avec les non-voyants de concrétiser matériellement ,pour poursuivre la recherche , et ensuite parce que leurs réactions à propos d'un "jardin des senteurs" ,ou durant la réalisation d'un film avec eux seront riches en informations •
(1) Une revue spécialisée de photographie s'appelle
d'ailleurs L'OEIL " .
(2) Il faudrait analyser aussi comment on est attentif à l'ouïe , celle-ci sollicitant souvent la vue pour se mettre à son service \ et également comment le monde ,"sourd comme un pot" pourrait-il écouter les discours politiques 1
Ce qui nous a amenés à entreprendre cette recherche est une réflexion pragmatique :
Pourquoi et comment ,alors que les registres de la perception humaine sont multiples ,les représentations spatiales qui en sont issues favorisent de manière extrêmement privilégiée les perceptions visuelles ? Comment et pourquoi ce processus conduit au reflux progressif de l'usage des autres sens ,en particulier pour ce qui concerne l'approche de l'espace et sa représentation , de la rue à la maison , du rural à l'urbain ?
Comment le phénomène social et culturel international de,,l'audio-vi8uel-informatique’* procède pour réduire de plus en plus les sens perceptifs à celui de la vue?
Sur ce plan ,un immense travail ethnologique devrait être réalisé ;de même que toute une réflexion socio- logique devrait être engagée sur les influences mutuel les de la technique et de l'idéologie ,à l'égard des mutations provoquées sur les facultés perceptives , et donc sur le corps humain .
Nous nous sommes donc tout naturellement dirigés vers les aveugles pour en tirer un enseignement .
Il va de soi que ce travail énorme en est à ses pré misses ;que c'est un travail de recherche ,non con- fondable avec une étude apportant des conclusions • Nous avons tenu à manifester ici nos doutes ,nos hé sitations ,nos changements de direction ,et aussi les différents errements que cette réflexion nous suggérait. Nous croyons cependant ,dans une première phase , avoir accédé à un premier tremplin .
Nous agissons dans la touffeurrid'une jungle dont nous découvrons l'épaisseur ; c'est pourquoi nous demande rons au lecteur son indulgence pour l'incongruité et la variété des réflexions qui tissent ce texte .
Il s'en est fallu de peu pour que nous ne tombions dans le piège ! : regretter pieusement que certains n'aient pas la vue - ou la perdent - en continuant de panser que le regard a le privilège d'exciter
l'intelligence , et à la fois que celle-ci le façonne • L'autre piège étant son corrollaire : nous mettre à glorifier la nécessité de fermer les yeux , pour mieux percevoir ce qui nous entoure .
Il s'en est fallu de peu aussi que l'on ne parle uni quement qu'en " voyants " ,de la perception ....
Ce qui est venu petit à petit , c'est que ce qui est perçu est toujours accompagné par un récit , et que souvent une histoire nous entraîne sur des sentiers de la perception qui sont très divers ,sinon éloignés pour chacun d'entre nous .
Le handicap ,souvent ,fascine autant qu'il horrifie . D'autres fois ,il devient un objet d'investigation scientifique et désincarnée . Souvent ,il ne^flevient plus que prétexte à l'exercice d'une charité suspecte , d'un assistanant à portée politique •
Si les aveugles sont souvent dans le colimateur ,c'est que "ne pas y voir" est associé à "ne rien voir" ,ce qui apparaît presque comme une impossibilité dèaxercer une activité responsable et durable dans notre société . Les aveugles ne s'y trompant pas ,utilisent d'ailleurs fréquemment le mot "voir" :
" tu vois ce que je veux dire ...tu vois où je veux en venir ...tu vois où nous allons ... as-tu vu untelï" etc...
Il ne peut semble-t-il être question d'une thérapeu tique par le traitement de l'espace , pour ceux qui n'y voient pas .Pourtant ,1'espace ,quand il est malade est parfaitement distingué par les aveugles ; et certainement nous avons à être instruits par eux ,
car parmi bien d'autres spécialistes ,ils font partie eux aussi des thérapeutes de l'espace .
Il nous faut passer par un bref historique ,pour témoigner de notre démarche qui a été boitillante , et le reste d'ailleurs encore I
notre réflexion ne portait pas directement sur l'objet brut et spécifique ,couramment pratiqué , de l'aména gement urbain et rural pour le "mieux vivre" des han dicapés .
Notre question était :
Comment ,par la force de l'habitude ,nous ne voyons plus ce qui nous entoure et ce qué nous construisons , tandis que d'autres ,qui nous côtoient et que nous ne savons pas "voir" ,s'en rendent compte mais n'ont pas
le s moyens et la force d'en témoigner ,bousculés par
des éxigences plus immédiates ,et également privés de
leur parole dans des domaines comme l'architecture
ou l'urbanisme - où le droit d'expression est surtout accordé à ceux qui savent porter "un regard objectif"?..
Les annexes de ce rapport , qui en font d'ailleurs intégralement partie ,manifestent notre effort de
sensibilisation auprès des pouvoirs publics et de différents organismes •
Dans le genre ,il n'y a semble-t-il pas de héros qui seraient nos assistants sociaux modernes . Thésée , le faux héros ,n'a-t-il pas accueilli Oedipe ,1e héros déchu ?
La compréhension de l'espace ,comme de ceux qui le composent ,devient dés lors dénuée d'intentions . Ceci est notre première hypothèse .
Le film de Willem BENKER ,en 1966 , intitulé : " l'enfant aveugle" ,décrit cet aspect .
L'agressivité transmise par le jeune aveugle Herman (qui dit de lui-môme qu'il'est "une forme" : laquelle pour lui ? Comment la saisir ? Comment la compare -t-
il aux autrea formes qui constituent son univers ?...) se forge dans un rapport à l'espace qui est identifié au bruit . Il aime ce qui est tonitruant (la télévi
sion à fond ,1a course automobile avec ses trépida
Son plan d'aménagement à lui s'éclaircit peu à peu . Cet espace sonore ,c'est la matière à partir de la quelle il va construire un nouvel espace sonore ,mais dont cette fois-ci il est le maître : il devient un
génial"bruiteur Voilà son métier .
C 'est son accessibilité à l'espace sonore qui ,lui permettant de décrypter des lieux ,1'oriente par lui-même vers une situation professionnelle •
Ce qui là est prodigieux ,c'est que si nous partons des catégories socio-professionnelles traditionnel lement ouvertes aux aveugles ( de la vannerie au stan dard téléphonique ,en passant par l'accordeur de pianos) nous nous rendons compte que ,môme à partir de ces
catégories tréslimitées ,il peut y avoir'pour chacune d'elles de nombreuses voies de dérivation (par exemple dans le domaine de la musique :1e bruitage) .
Il va de soi que si des aveugles intervenaient sur l'espace conçu par les "voyants" ,au niveau du son , de la matière ,des odeurs et des cheminements , cela modifierait sensiblement les espaces de rencontre et de communication .Et pourquoi les priverait-on de ce
droit moral d'accéder à l'appropriation de l'espace et de son parcours ?
Il est empiriquement prouvé que la non-voyance ,comme simple handicap tpeut se transformer en inadaptation
si on y réduit la personne ,en ne lui donnant pas
les occasions de s’épanouir sur d'autres registres qui sont les siens . De toutes façons , elle ne peut en aucun cas et jamais être assimilée à une incapacité .
Nous avons donc beaucoup parlé avec des aveugles ,ce qui nous a petit à petit dégagé de toute commisération ou tentative de glorification ( ce qui est parfois assez voisin) .
Ce qui est certain ,c'est que les aveugles ne sont jamais pris ici comme un prétexte , et que la recon naissance de leur infirmité nous interdit ,à travers cette itecherahe, de les affliger ou de les protéger .
Notre première démarche était restreinte et relati
vement unilatérale . Pour la caricaturer^ tout
passe par la vue . Qu'advient-il des autres sens de perception de l'espace ? Les aveugles doivent le savoir
et nous'enseigner .
Il en était tout autrement du point de vue des non- voyants , qui eux-mêmes ne proposaient une perspective de travail que dans un cadre fondamental ,mais aussi limitatif : leur préoccupation n'était pas de "sentir" la ville ,mais seulement d'arriver à sortir dans la rue , et une fois cette étape franchie ,de transformer les mentalités à leur égard . Car c'est bien "dehors" (hors du cocon/ habitacle) ,dans la ville ,qu'ils ont compris l'étau dans lequel ils s'étaient mis : d'un côté la pitié grandiloquente ,de l'autre l'indifférence majestueuse .
C'est de cette confrontation ,que ,longtemps après , un déclic s'est produit ,et un court-circuit dans nos réseaux distincts de pensée .
Deux handicaps différents ,sur deux pistes différentes , s'étaient donné rendez-vous ;mais chacun voulait mener à bon terme sa propre caravane . Un jour , les deux bandes de nomades qui se croisaient à contre-courant se retrouvèrent nez à nez ,oeil pour oeil ,dent pour dent . ..
C'est pour dire que ce travail est formidablement long , et pris dans une trajectoire sans fin .
Nous pensons en effet ,qu'elle témoigne d'une révolu tion de l'esprit en cette période contemporaine . Nous poursuivrons cette réflexion un peu plus loin dans ce document .
Par ailleurs ,les non-voyants ,relatant leur vécu et leur sensibilité à cet "autre monde" qui est le nôtre "autrement" ,soulèvent une question fondamentale : celle de l'apport de sciences distinctes ,selon leurs orientations ,à la formation des architectes ,des ur banistes et de toutes les activités professionnelles qui s'ensuivent .
Le mouvement des sciences renvoie bien aux perceptions que nous pouvons avoir de l'espace "en miettes" ,en constitution permanente et en mouvance .
Ce travail avec les non-voyants manifeste la co-exis- tence de nombreux phénomènes individuels et sociaux qui se trouvent mêlés par des infiltrations sinueuses : des aspects scientifiques de tous bords ,de la physique à la biologie ,jusqu'à la psychanalyse . Peut-être
pourrions-nous reprendre sur ce sujet le terme de "phénoménologie" ?
Cette imbrication est si évidente ,que si nous axiali- sions le problème de la non-voyance vers une catégorie particulière ,1e problème serait tout aussitôt spécia lisé et réduit à une seule de ses expressions .
Par exemple ,s'adresser exclusivement à la médecine
rétrécirait le champ au^schème^médical ; à son opposé vouloir "infiltrer" une thérapeutique psychanalytique auprès des aveugles ramènerait à des études de cas ,et risquerait d'éteindre toute donnée appartenant à la réalité ,au sens ethnologique du terme ;une simple étude sociologique nous ferait négliger;les facteurs psychologiques etc...
Toutes les perspectives présentées dans ce mémoire sont loin d'être achevées . Les dimensions que nous essayons de donner réclament un travail de longue ha leine avec une équipe ,ce qui nécessite un minimum de financement vital «compte tenu du caractère épineux du sujet .
Jusqu'ici ,à des degrés très variables d'investisse ment sont intervenues 5 personnes :
une éducatrice en stage à l'ATRE qui a suivi le dossier sur "le jardin des senteurs" ;
deux spécialistes en réalisation audio-visuelle ; un architecte ;
et les principaux coordinateurs de l'ATRE (spécialiste en communication ; psychothérapeute ; philosophe • sociologue) .
Il est vrai qu'il est compliqué ,dans l'état actuel des choses ,de travailler sans crédit avec une équipe dont la vacation ne peut dés lors que fluctuer .
Nous pensons que la méthodologie doit apparaître assez clairement à travers ce texte de présentation et qu'il est inutile de rappeler que les premières données apportées ici ont été acquises sans la moindre méthode directive .
Synthétiquement ,nous pouvons rappeler que la recher che décrite dans ce document s'organise autour de thèmes principaux :
1° Se penser comme corps dans la ville et non comme regard qui balaie le paysage et sélectionne des images visuelles .
2° Approche quantitative et qualitative de l'espace urbain à partir de ce que l'on ressent du toucher , de l'ouie ,de l'odora£ et du goût .
3° Déterminer les interférences entre les perceptions ressenties comme imaginaires ou symboliques .
4° Signifier des cheminements et expliquer leur tracé à partir de phénomènes sensitifs associés aux phéno mènes de "plaisir" ou "d'interdit" ,de "possible" ou de "dangereux" (• - )
3° Mesurer l'obsolescence des aménagements spatiaux selon des critères exclusifs de rapports soci o - p oli- tiques et de privilèges urbanistiques .
6° Une première approximation de la description de l'espace urbain vécu à partir de données simples et paradoxales pour en formuler le ressenti :par exemple dedans/dehors ; vide/plein ;haut/bas ; monter/descendre; chaud/froid ;mou/dur ; rugueux/doux etc...
Cette recherche s'est déroulée dialectiquement ,à travers quatre phases qui peuvent se définir succin- teraent comme suit :
1) Phase d^observation et d'investigation . 2) Phase d'analyse .
3) Phase de synthèse et de conceptualisa tion ,débouchant sur une recherche appliquée .
4) Elaborationd'un premier document résu mant notre travail jusqu'ici .
OBJECTIF GENERAL ET QUESTIONS SUGGEREES PAR LA PREMIERE PHASE
-L'objectif de la recherche entreprise jusqu'ici s'est constitué :
- diachroniquement , avec des phases évolutives dans le temps ,au fur et à mesure du dialogue entrepris avec les aveugles .
- synchroniquement ,autour des termes qui surgissent à travers nos échanges .
C'est pourquoi la présentation qui est faite ici de l'objectif global est :
- porteuse d'hypothèses et de questionnements qui doivent totalement être intégrés à la recherche pro prement dite ,et à la démarche qu'elle suppose .
- une trame progressive de la réflexion qui a conduit jusqu'ici à deux projets en cours pour une recher che appliquée .
Ce qui est donc noté dans ce chapitre peut aussi être considéré :
- comme un programme d'action à venir et très probablement encore inachevé .
- comme une problématique globale pouvant in tégrer des "concrétisations" ,telles que celles décrites plus loin ( "le Jardin des Senteurs" dt " Réalisation d'un film").
PROPOSITION
Toutes les sciences et les techniques concernant l'aménagement spatial, l'urbanisme et l'architecture favorisent la vue.
Les privilèges accordés à ce sens qui passe pour le plus nécessaire, orga
nisent la perception et l'orientent unilatéralement vers des représenta
tions concrètes de l'espace vécu, habité et parcouru. C'est par exemple,
presque exclusivement le graphisme qui définit les projets d'urbanisme et d'architecture.
Si toùt le monde s'entend pour reconnaître aux non-voyants des capacités
accrues à l'égard de l'exercice des autres sens, la cécité reste pourtant
marquée par des valeurs négatives. Des expressions du langage usuel en
témoignent : "s'aveugler", "juger en aveugle", "la justice aveugle", jus
qu'à des slogans préventifs mais néanmoins ségrégatifs comme : "la vue c'est la vie".
Accorder à la vision une place impérialiste vis à vis des autres sens c'est
faire en sorte de ne jamais consulter les non-voyants en ce qui concerne
les équipements urbains et de ne structurer ceux-ci pour l'essentiel qu'à partir du regard.
Le projet est donc de mettre en place un travail commun à des'Voyants"et
des "non-voyants", de manière à ce que ces derniers proposent d'autres pis
tes de perception et formes de décodage de l'espace, donc des modes nouveaux de représentation pouvant déboucher sur d'autres types d'aménagement.
Si la vue est sensée fournir une information globale, il n'en est pas moins
vrai que le citadin en tant que tel est incapable de percevoir globalement
le lieu urbain, et qu'il ne peut se référer qu'à des repères particuliers, non seulement objectifs mais subjectifs.
Le but poursuivi est donc de recevoir des messages qui dépendent d'autres
sens pour participer à l'amélioration de notre environnement et à changer
éventuellement les dispositifs symboliques qui parcourent la ville, drai
nent les cheminements, trament les zones et les quartiers, afin d'en faire
Nous pourrions paradoxalement dire que la vue comme système perceptif
dominant peut nous tromper et que les non-voyants auraient par contre des
yeux partout. Cette hégémonie de la vue sur d'autres sens laisse penser
que le voyant est supposé tout avoir et que cela devient l'unique moyen
de l'aménageur pour intervenir. C'est aussi oublier que "le manque" de
l'autre ne vient que souligner nos "propres manques".
Ce travail collectif permettrait donc également une autre appoche de la
cécité déclarée comme handicap, et de sortir du trinôme "pitié/ indifféren ce/ sur-protection", dans lequel on enferme les non-voyants.
Méthode et contenu :
A partir d'une équipe de chercheurs de l'ATRE (urbaniste, architecte, psy
cho-sociologue, plasticien...) et de non-voyants regroupés ou non en asso ciation :
1° - Etablir une grille qualitative et quantitative de connaissance de
l'espace urbain à partir du toucher, de l'ouie, de l'odorat et du goût.
2° - Recenser l'importance accordée I la vue dans le langage parlé et en
analyser les conséquences concrètes sur les représentations spatiales.
3° ~ Trier et saisir les interférences entre les perceptions ressenties comme imaginaires ou comme symboliques.
4° - Se penser comme corps dans la ville et non comme regard qui balaie
le paysage et sélectionne des images visuelles .
5° - Décrire l'espace urbain à partir de données simples et contraires
pour en formuler le ressenti : par exemple : Dedans/ Dehors; Vide/Plein;
Haut/Bas; Monter/Descendre; Chaud/Froid; Mou/Dur; Rugueux/Doux; etc...
6 - Questionner des éléments conceptuels tels que la perspective, l'ali
gnement, la lumière, l'obstacle, le trajet...
7° - Déterminer des cheminements et expliquer leur tracé à partir de phénc mènes sensitifs.
Association loi 1901, l'ATRE est avant tout un atelier de recherche sur
l'élaboration et les "mouvances" de l'espace (bâti ou à construire, indi
viduel ou collectif, restreint ou étendu, urbain ou rural) et des rapports
humains qui y sont entretenus dans le quotidien.
Jusqu'ici l'ATRE a réalisé quelques actions de formation des expositions, des animations et plusieurs études. Les perspectives de l'équipe de tra
vail se dirigent de plus en plus vers ce qui se manifeste entre la percep
tion de l'espace vécu et les différentes représentations qui lui sont at tribuées.
En ce sens, un important projet nous mobilise actuellement concernant les non si mal-voyants.
L'objectif de cette recherche porte sur un plan de trois ans avec trois
chercheurs et quelques intervenants à la vacation. Le budget est établi
sur la première année expérimentale et au titre de mise au point méthodo logique.
Un tel projet n est pas ne dans l'intention de les "soigner" ou de traiter
ce handicap , mais dans le but de mieux comprendre et saisir ce qui ë—
chappe aux "bons-voyants" par leur accoutumance à voir ce qui les environ
ne tous les jours. C'est donc à travers tout un travail en collaboration
avec des 'non et mal voyants" que sera mise en question notre observation, notre regard, notre jugement.
Il faut signaler une initiative qui va dans cette direction : l'exposition
organisée par les musees nationaux à l'intention des aveugles, ouverte
jusqu'en octobre 1982 et inaugurée en mai par Mr. Jack LANG, Ministre de
la Culture. Celle-ci, intitulée "visages de l'homme", a été conçue pour que
les visiteurs puissent toucher les sculptures et les lire avec leurs mains.
Dans le cadre de notre proposition, nous comptons confronter les "aveugles"
au domaine plastique ainsi qu'à l'approche des autres formes d'art et d'expression (de la peinture au cinéma).
Notre hypothèse de base et notre démarche est dialectique et à double entrée :
1 D'abord recevoir comme "voyants" des informations sur "leur" per
ception de l'espace, pour bénéficier de "sens" que nous négligeons souvent
au profit de la vue. Pour les "voyants" la vue apparaît indispensable, mais
il est sûr qu'elle ne l'est pas pour ceux qui n'en disposent pas. Peut-on désirer quelque chose qu'il est difficile sinon impossible d'imaginer ?
A 1 inverse^il nous semble que celui qui a le moyen de voir, voit tout et
à la fois rien. On en mesure les conséquences à tous les niveaux : sociaux,
culturels , médicaux; en effet cela signifierait que le regard, dans la
perception et les représentations qui en découlent, est totalement impéria
liste quant aux moyens mis en oeuvre pour "mieux vivre".
Notre démarche implique donc un renversement d'attitude radical à l'égard
de ce qui est considéré comme "handicap ". A cette lumière, le cas parti culier de l'aveugle pourrait probablement être généralisé à d'autres
formes de privation de sens. Il ne s'agit plus ici d'en faire un phénomène
réducteur et donc d'y appliquer des modèles pédagogiques d'assistance pour
rectifier ce qui apparaît comme "vice de forme" du point de vue de la mor
phologie. Comment un "manque", le plus souvent cruel à vivre, peut nous
apporter, en nous démontrant que nous sommes des "handicapés" de la faci
lité et de l'habitude, lorsque nous faisons reposer la transformation du monde presque exclusivement sur l'oeil.
2 Présenter, puis manifester de nouvelles possibilités d'accès à la
vie sociale et par là des moyens d'autonomisation personelle et profession
nelle pour les "nonet mal-voyants", ce qui ouvre globalement sur ce qui
est appelé "monde des handicapés". La question de la formation nous appa
raît à ce niveau très importante. Par exemple dans la situation précise
du conditionnement où est placé 'l'aveugle" s'il n'acquiert pas la "valeur -
j
mesure" des couleurs, il "se verra" toujours destiné à être "habillé" par !autrui. '
De même,si les centres d'accueil pour "aveugles" sont centralisés (dans le
Midi par exemple à Toulouse, et non à Montpellier) ils les assujetissent
à leur "banalisation". Le réseau de circulation et donc les possibilités
d autonomie se trouvent limitées pour ceux qui, dit-on, n'y voient rien
( les non-voyants, on dirait qu'on ne veut pas les voir !"). En conséquen ce, 1 aveugle est conduit à se déplacer de moins en moins.
Or insertion sociale, puis professionnelle veut dire non ségrégation
et libre circulation, c'est à dire formation et apprentissage de l'accès à sa propre liberté et à son autonomie propre.
A cet égard, il serait souhaitable que les commissions d'accessibilité
s'ouvrent à des jeunes, pour ne pas confiner l'Administration dans le
point de vue des personnes âgées qui à la fois participantes sont trop souvent du côté du "mal être".
Notre étude tient à s'associer à toutes les initiatives prises en cours
qui vont dans le sens du "mieux vivre", de la démystification posée sur
1 'handicapé, et de la recherche phénoménologique des faits accordés aux
sens de la perception. Il est important de constater que si les "voyants"
mettent une confiance éperdue dans le regard, les "aveugles" en contrepar tie ne croient souvent qu'à ce qu'ils touchent.
A partir de ces deux supports de réflexion, plusieurs axes de recherche peuvent commencer à se formuler :
1. sociologiques
2. architecturaux et urbanistiques
3. linguistiques et sémiologiques
4. culturels et de loisirs
5. pédagogiques et éducatifs
6. de formation et de débouchés économiques
7. d'insertion et de "dé-ségrégation" sociale.
Le champ d'exploration dépasse largement le cadre socio-médical et socio
culturel, ainsi que la volonté d'intégration des non-voyants au corps soci
al , ce qui souvent a pour effet, en insistant sur le "handicap" de le rendre encore plus effectif et manifeste.
C est pourquoi, il s'agit bien ici d'une recherche qui, sans exclure des
résultats concrets à mettre en oeuvre dans l'espace social, " re-pause" neanmoins au point de départ :
— ce que cela veut dire de "ne pas y voir"
ce que l'absence d'un sens perceptif dévoile des autres, plus ou moins exacerbés
ce qu'implique comme éventuellement occultant "être en possession de tous ses sens".
S'interroger sur ces thèmes questionne l'agencement de toute la société
et la structuration non seulement des "services d'aide" mais aussi de la
répartition en "couches", "classes", "espèces". Cela peut faire totalement
diverger les notions de nomenclature et de classement sur lesquelles l'or
ganisation sociale repose. Le risque de la démarche est là.
Si les "non-voyants" attirent particulièrement notre attention, c'est par
ce qu'il nous apparaît que dans le champ socio-politique et économique,
l ’aménagement de l'espace est déterminant et que, la vue y est privilégiée
Le langage en témoigne à tous les degrés : "l'oeil perçant", "lire dans
les yeux", "trompe l'oeil", "pièce aveugle", "la vue c'est la vie" etc... Il ne faut négliger ni le voyeurisme dominant, ni les conclusions psycho
logiques hâtives qui sont faites à propos du regard ("regard faux", "re
garder de travers","regard franc", "droit dans les yeux") et n'oublions
pas tout ce qui tourne autour du port de lunettes noires ("se protéger
les yeux", "se cacher derrière", "se déguiser") qui est souvent associé
à quelques fourberies. La morale et la vue semblent là intimement liées.
Si cela intéresse le langage verbal, dans la manière d'employer les mots,
toute notre attention est retenue par deux problèmes théoriques / pratique:
1. la nature sémiologique des sens réceptifs pris non
seulement comme "langage (s)" mais comme phénomènes de traduction des
transformations, et de changement de l'espace humain.
2. la trace , puis les effets d'une épistémologie des
sens perceptifs, matérialisée et désormais participante au fonctionnement de la société.
Seront alors forcément pris en compte les trois paramètres de l'imaginaire
du symbolisme, et du réel qui entourent les "non-voyants" et la vue en général dans :
1- leur sentiment de l'espace (qu'est-ce que le sens de l'orientation ?
rapport entre intérieur/extérieur, haut/bas, devant/derrière,obscurité/
lumière, volume et dimension
2- 1 'appropriation de l'espace (insertion urbaine, saison, jour/nuit, dif
férences d'échelle, mesure des niveaux, reliefs, l'attachement ou le
3- la connaissance de l'environnement (l'événementiel, le singulier, le
global; le palper, le dur, le mou, le rugueux et le doux, l'odeur, la
mer, la montagne, la ville et la campagne...)
4- les rapports surface-volume (vide/plein, vertige, image/couleurs, distan
ces, mesure du pas, sensibilité du pied et de la main...)
5- le parcours de l'espace au sol (errance, trajets directionnels, modes
et moyens de reconnaissance, lieux de repli ou d'exubérance, espaces ré siduels et interstitiels....)
6- 1 'abstraction de l'espace physique et de ses jeux optiques -(l'horizon,
la perspective, la lumière, l'ombre, le rêve, le miroir, processus de mé
morisation et processus de sélection....)
7~1'intériorisation de l'espace sonore ("entendre sa voix", se repérer
au bruit, l'évaluation hertzienne, la localisation du son, la répartition
des sons selon leur diversité et leur variété, la mesure des décibelles... )
8-1'appréhension du corps individuel (pratiques médicales, sexualité, le toucher du corps de l'autre, l'enfance, l'age adulte...)
9~1 appréhension du corps social (la place d'assisté, l'engagement politi
que, handicap et lutte de classe, le statut de la femme aveugle, le rap
port à la famille, l'école, le métier, l'information par la presse, le
loisir, la répartition horaire, richesse/pauvreté...)
10-modalités d'approche et accès à un "socius" spécialisé pour les voyants
(éducation, formation, le métier, le déplacement journalier et l'accessi
bilité, le regard des autres : 'Jîitié / indifférence" "surprotection"; la solitude, la convivialité...)
i acceptation ou le refus de sa "non—voyance" (aveugles de naissance ou
par accident, causes de la cécité, la mal voyance serait—elle plus grave que la non-voyance ?...)
On peut supposer que, peu distraits par la sollicitation des multiples
choses extérieurs qui se prêtent à voir, les non-voyants aient "des yeux
partout", des yeux que les "voyants" en général n'exploiteraient plus,
compte-tenu que la mentalité générale suppose que l'"handicap" de l'autre
est toujours pire que le sien.
METHODOLOGIE :
Elle repose fondamentalement pour la première tranche de l'étude sur les
paramètres décrits ci-dessus et le recensement systématique des données
à partir des orientations directionnelles proposées par les trois cher
cheurs dont on trouvera le descriptif ci-après.
Ces modules de recherche agiront comme vases communicants des uns aux au
tres, non seulement par le fait de la cohésion de l'équipe mais aussi par
les renvois réciproques des hypothèses et des conclusions.
Issue d'une idée générale (cf. annexe), l'étude repose sur une première
analyse et un rapport de pré-étude réalisé par une éducatrice dans le ca
dre d'une formation accueillie par l'ATRE.
A partir et en cours de ce "défrichement", de nombreux contacts ont été
établis tant au niveau personnel qu'institutionnel, surtout avec les
"non et mal voyants". L'étude ne pourra se réaliser qu'en collaboration
avec eux, d'oü un recensement des associations et fédérations qui les re
groupent, le plus souvent à leur initiative.
Le travail de recherche s'exerce ra au fur et à mesure des expérimentations
et des résultats partiels, conjointement avec des démarches visant à ren
dre l'étude opérationnelle. La concrétisation portera essentiellement sur
des propositions d'aménagement, de modification de l'espace existant, de
formation et de transformation de certains modèles éducatifs et d'accès
socio-professionnel.
Ce projet a volontairement une inscription régionale qui peut-être consi
dérée comme le Sud-Ouest de la France, par l'implantation de l'ATRE, et
Compte tenu que les trois approches sont complémentaires et qu'elles sont
tramées par une observation de terrain, des entretiens semi-directifs et
non-directifs, un travail théorique et la mise en jeu de divers scénarios,
seront ponctuellement annexés à l'étude les spécialistes nécessaires.
Les travaux seront régulièrement soumis à la critique des"non et mal-voyant!'
collaborant à la recherche, ainsi qu'aux diverses partie-prenantes de son
financement. Des rencontres espacées mais régulières faciliteront des syn
thèses et la matérialisation des objectifs recherchés.
L'équipe est contituée par (C.V. en annexe) :
Madame Elisabeth HOUDEAU : éducatrice spécialisée
Madame Claudine MORICEAU : linguiste, technicienne des langages corpo
rels
Monsieur Luc NEPLES : architecte D.P.L.G.
Elle est coordonnée par Monsieur Janick COCHET : psycho-sociologue et Pré
sident de l'ATRE, comme responsable de recherche.
Il est à noter que ces trois personnes, malgré leurs capacités personnel les et leur importante expérience sont actuellement au chômage. Elles ont
été pressenties pour un recrutement dans le cadre de l'Association sur
leurs motivations, leurs pratiques et leur sérieux professionnel antérieur.
Il s'agit donc de créationsd'emploi et en aucun cas de cumulsde postes.
PROJET D'INTERVENTION :
Etudier, analyser et répertorier les différentes manifesta
tions qui se produisent auprès et autour des "non et mal
voyants", dans les domaines :
- familial
- éducatif
- administratif - culturel
- social
Comparer ces phénomènes à d'autres modèles et en profiter
pour s'interroger sur l'éventuel aveuglement du "travail social".
CONTENU :
Quels sont les modes de relations et de communication entre
"bien" et "non ou mal voyants", compte-tenu de la priorité
accordée à la vue ?
Quels sont les attitudes et les comportements distincts à
l'égard des "aveugles" de naissance et ceux qui le sont deve
nus par accident, entre "non" et "mal" voyants ?
Les sentiments à propos de mêmes espaces sont-ils alors dif
férents, contradictoires ?
Comment sont-ils perçus et peuvent-ils être décrits ?
Comment alors préciser puis définir ce qui sert de repères ?
Peut-on développer des points forts dans le cadre de l'aména
gement spatial à partir d'indications dont la "vue" serait
absente, et circonscrire d'autres cheminements ?
Parler de "droit à la différence" et "d'insertion sociale"
est-il un bienfait et un progrès ou cela entérine-t-il au con
traire des comportements stéréotypés qui se figeraient dans le temps ?
A propos des "non et mal voyants" où cerner les limites
tre inégalité et différence ?
en-MODALITES
L'autonomisation de chacun implique-t-elle de partager, de se
renforcer comme entité individuelle ou d'ignorer volontairement
la "case manquante" de tout un chacun représentant la singula rité des personnalités ?
Faut-il travailler sur le "socius" tel qu'il est ou lui attri
buer de nouveaux modes d'évolution historiquement situés ? En
quoi cela modifierait-il quelque chose aux nombreuses dynamir-
ques d'insertion sociale et professionnelle ? Peut-on inventer
et prospecter des processus et des lieux d'insertion profession
nelle autres que ceux ordinairement pratiqués?
Auniveau des mentalités, comment se vivent réciproquement les
réactions entre "bien" voyants et "non et mal" voyants, entre "non" et "mal" voyants ?
Si l'aveugle" se situe comme corps entier dans l'espace, quel
en est son "ressenti" ? Quelle perception a-t-il des informa
tions qui l'entourent ? Est-elle globale, partielle ? Quelles
sont les conséquences sur les messages et les rôles couramment
accordés aux émetteurs/récepteurs ? A travers les notions ap-
parement antinomiques de "normal" et "d'anormal", quelles sont
les images mutuellement renvoyées et reçues ?
Les réponses aux questions posées devraient permettre d'y voir
plus clair sur tous les problèmes qui entourent "l'insertion
sociale et professionnelle" des "aveugles" en particulier et par extension d'autres "handicaps". Des débouchés concrets seront proposés.
A dimension spatiale ce travail d'étude en contact direct a-
vec des "non et mal" voyants aura des incidences sur les plans
des villes, leur aménagement et les plans de circulation.
Enfin sera tout le temps mené de pair, en collaboration avec
des Associations "d'aveugles", une information auprès du public
et de diverses instances, en vue de pratiques à venir et de
PROJET D'INTERVENTION :
Proposition de création d'un atelier de travail et de recherche avec les non-voyants sur :
Espace et corps
Espace et mouvement Espace et son
Espace et communication
CONTENU :
Espace et corps : approfondissement de la notion d'identité
par des exercices de respiration (1er lieu des échanges entre 1 espace intérieur et l'espace extérieur)
- des exercices de sensation (perceptions intérieurs., circula
tion et projection de l'énergie vitale à partir du centre du
corps, notion d'équilibre, axe, poids du corps)
- développement de l'attention à la qualité des perceptions en
fonction de l'environnement (perceptions de l'espace, des ma tériaux, des formes, des couleurs "chaudes" ou "froides", des bruits, des odeurs, des vibrations...)
exploration par le toucher de soi-même, puis de l'autre et de
ce qui nous entoure, avec exploration de tous les possibles de
cette rencontre (choc, attirance, moindre résistance, force, appui--- )
- favoriser l'intégration et la relativisation du facteur émotif
lié à toute approche de ce qui est "autre", grâce à une per
ception plus consciente des différents facteurs intervenants dans cette découverte.
Espace et mouvement : à partir des exercices précédents, débou
cher sur une mise en mouvement du corps dans l'espace (dynamique
provoquée par une pulsion interne : aller vers, ou par une pul
sion externe : provocation, choc, appel; , jeux d'équilibre/désé-
quilibre, repérages, rythmes lent/rapide, chutes/rebondissements. . • •)
enchainer sur un travail du mouvement collectif pouvant donner lieu à des déplacements "dansés" .
OBJECTIF
intégration de la sensation, de la perception de l'espace et des autres, de l'enjotion, du désir •
Espace et son :
- le son comme repère-information sur ce qui nous entoure (dif
férentes qualités sonores, puissance, localisation dans l'es pace, rythmes...)
intégrer peu à peu la polyphonie du quotidien, comme un chef
d'orchestre qui entend simultanément et distinctement toutes
les partitions d'une musique symphonique .
le son comme moyen de communication et d'expression : fabrica
tion de sons et des rythmes pour dire aux autres ce que l'on
vit et ressent. Reprise à son propre compte et transformation
poétique du matériel sonore qui nous entoure quotidiennement.
Les "bruits" reçus et subits par l'oreille et le corps devien
nent le tremplin d'une expression créatrice personnelle oû cha cun apporte son propre rythme et sa propre émotion.
Là aussi, possibilité de déboucher sur un dialogue collectif, où le langage parlé , son et rythmes peuvent être total ement inté grés les uns aux autres.
Espace et communication : si le désir s'en trouve manifesté, à
la suite de cette progression, on pourrait tout à fait déboucher
sur une expérience originale qui serait la création d ’un "spec
tacle de non-voyants" (ou de toute autre manifestation publique d'ailleurs) dans le but 4 :
1 de sensibiliser le public à la réalité sensible et émotive du "non-voyant” ;
2° de valoriser le "non-voyant?', en lui permettant de se présenter
aux autres dans sa spécificité, vécue dès lors comme "qualité"
et non plus comme diminution, comme "pouvoir" et non plus comme objet de plainte ou de pitié.
Toutes les expériences abordées au cours des ateliers présentés
ci-dessus, doivent permettre un enrichissement des échanges des
non-voyants avec leur environnement, favorisant ainsi leur inté
passer de l'attitude mentale d'individu assisté à celle d'indi
vidu "privilégié" ayant une perception différente du réel et pou
vant faire bénéficier les autres de cette "originalité".
Autonomie - Ouverture- Mobilité - Créativité - Dialogue.
Tels sont les grands objectifs de ce travail.
MODALITES :
L'organisation de ces ateliers de recherche sera faite et réali sée avec la participation éventuellee de personnes extérieures
(musiciens, sculpteurs, comédiens, dan seurs, psychologues...)
Deux formules peuvent être proposées :
1° d'une part, un travail suivi sur toute l'année, dans les lo
caux de l'ATRE, et ouvert indistinctement à toute personne
"non-voyante" intéressée, quel que soit son âge, son origine et sa situation sociale
2 la possibilité de déplacements à la demande des institutions
déjà en place, pour organiser soit des séances ponctuelles de
sensibilisation, soit des cycles ou des stages plus longs,
avec les non-voyants en institution.
La participation financière sera à étudier en fonction de la formule adoptée.
PROJET D'INTERVENTION :
En compagnie et à l'écoute de non-voyants, faire une lecture
de l'espace et en particulier de la ville.
Explorer les fondements de la rationnalité des "aménageurs", compte-tenu de la vision comme outil et méthode privilégiée.
S'interroger concrètement sur ce que serait l'espace habité
si d'autres sens perceptifs intervenaient avec autant d'impor
tance que la vue, misant caricaturalement au départ que celle-ci
n'ait plus lieu d'être.
- Etudier le rapport au monde , au réel, aux autres qu'entre
tiennent les non-voyants.
- Faire apparaître toute la spécificité de la vue dans ces
"rapports à" et prendre en retour la mesure d'une différence plus que d'un manque.
- Brouiller les évidences qui accordent à chaque sens une part
de nos capacités et les envisager les uns en rapport aux autres.
- Les aveugles de naissance sont par rapport aux voyants dans
la situation d'un "terrien" façe à un "martien" pourvu d'un sens qui nous serait inconnu; le langage seul nous reste alors pour
naviguer des "rapport à" de l'un aux "rapports à" de l'autre.
La différence suffit à détruire nos évidences respectives et
le décalage qu'elle introduit entre le langage et le vécu ou
vre la perspective d'une anthropologie réciproque.
OBJECTIF :
Comprendre pour mieux connaître l'espace vécu et quotidien, en particulier urbain, à partir de données nouvelles; ceci afin
de rompre avec la réduction qu'impose l'usage presqu'exclusif de l'oeil (de la perception à la représentation).
CONTENU
Valoriser "l'observation" et la transformation de l'environne
ment par la revalorisation d'autres sens parceptifs tels que l'ouie, l'odorat, le toucher.
Prendre pleinement conscience de notre différence irréductible et de nos connivences pourtant possibles.
Sous l'évidence de nos sens retrouver les rapports qui les font se former .
S'informer les uns les autres.
- Se méfier et s'abandonner au langage; éviter ses évidences
trompeuses et écouter ce qu'il nous en dit quand même.
Forts de notre rapport au monde, aux choses, aux autres globa
lement semblable et point par point incomparable; forts de cet
te différence de point de vue par delà la commune vision, peut
jaillir une autre dimension telle le relief, notion inimagina ble s'il en est.
- Communiquer par ce qui nous est commun.
Echapper aux évidences par ce qui nous différencie. Nous éclairer les uns les autres.
Etudier les relations du langage entre vécu et réel. Com prendre à quel point nous ne pourrons jamais le faire.
Se respecter de se connaître différent et, de cet égoïsme sans
lequel il n'y a pas de vie sociale, goûter chacun plus à fond ce que 1 autre a révélé de particulier en nous..
Un premier ensemble d'approches sc
à un développement théorique sur ]
réalité et sur la spécificité de révélés.
envisagées parallèlement
rapports du langage à la
"rapports à" réciproquement nos
Dans un premier temps un dialogue avec "non-voyants" devrait
permettre de tester les premières hypothèses, de rectifier
en conséquence leur probable abus et les prolongations qu'il
engendre. L 'invraissemblable et le réalisme seront confrontés
et mèneront à préciser les conditions des rencontres, leur ex
ploitation, leur approfondissement et les multiples expériences
extérieures que le débat ne manquera pas de susciter. Sera alors
mis en place une problèmatique d'où déboucheront des scénarios :
1° - Les sens seront étudiés en situation dans les "rapports à"
suivant ce qu'ils apportent au besoin global de communication,
de perception, de réflexion et de déplacement; dans leurs rap ports aux autres sens. Seront étudiés par exemple le son ou com
ment le fait de ne pas voir (et non pas "ne pas y voir clair")...
influe sur ce qu'on entend (et non pas comment ce qui est enten
du est amplifié par "ne pas voir"). Les rapports à la radio, la
télévision; le cinéma; le théâtre et la musique peuvent être ré
vélateurs. Le bruit, selon les situations n'est-il pas signifi
ant des ambiances colportées à travers l'espace humain?
2° - Peut-on, compte-tenu de la définition de ces ambiances, dé
terminer des zones homogènes ou non ? Par exemple : les notions
de quartier, de centre ville, ZUP, centre commercial, rues, ave nues, périphérie, village...
Des tentatives seront faites pour déterminer les critères impor
tants auxquels on ne fait plus attention (sensation sous les pi
eds, rapport entre le corps, les bruits et les odeurs). Egale
ment, non plus en référence à l'espace comme tel mais vis à vis
des fréquentations humaines, individuelles, collectives ou de
foule, que se manifeste-t-il quand on est aveugle ? Pour cela,
il faudra nécessairement parcourir les espaces, errer, se per dre et se retrouver.
3 - Si tous les hommes étaient aveugles, comment vivraient-ils ?
(fiction, utopie). Comment serait aménagé l'espace ? A comparer
changerait. Comment ? Pourquoi la faveur accordée à l'oeil
induit-elle l'idéologie dominante ?
4° - Les aveugles sont dépossédés de la vue. Ils se cons
truisent probablement une conception du monde par ce qu'il leur
en est dit de la part des "voyants". Cette représentation fa
briquée n'exprime-t-elle pas d'une façon trompeuse, lorsqu'elle est formulée hors du "réel" des voyants, une autre apparence,
c'est à dire, leur propre idée imaginative ? Le réel peut-il
être relativement autre que l'image que 1' on s'en donne? L'es
pace réel existe mais se manifeste différemment et apparaît der
rière les filtres de chacun. Ici, ce ne serait plus la valeur
des sens perceptifs en tant que tels qui seraient interrogés ma i s plutôt leur relation des uns aux autres, c'est à dire : voir
sans entendre, voir en entendant etc... et apprécier quelle mo
dification ceux-ci subissent suivant leurs relations réciproques.
Le réel ne présuppose aucun sens à priori, mais est fait du rap port culturel qui le soutient.
5 — De quoi est faite la relation de nos sens perceptifs avec
la perception du réel et comment cela évolue-t-il? Si les aveu
gles sont privés de couleur et de l'appréciation globale for
melle de ce qui les entoure, ils doivent exploiter toutes les
ressources de leurs autres sens, y compris peut-être para-sen
soriels. Comment les espaces sont-ils ressentis ? En particulier, comment pensent-ils par le corps ?
6° - Un effort particulier sera porté sur le dialogue et le lan
gage avec les non—voyants. En effet, il ne semble pas évident
que de parler en termes de "voyants" pour décrire "notre"espa-
ce soit forcément la meilleure aide, mais plutôt une forme de
conditionnement paternaliste. Nous avons ici un terrain qui nous
offre les moyens d'une réhabilitation de nos sens à partir d'une
réhabilitation du "senti" de l'aveugle. Il s'agit donc d'un échan
ge de langage perceptif et non plus d'une entr'aide médico-socia
le ou d adaptation architecturale du "handicap" au monde traves ti par la vue.
Il s'agira donc essentiellement d'une réflexion sur les mé
taphores et les métonymies, et non pas un ressassement entre le "voir" et le "non-voir".
7° - C'est du rapport aux pratiques et au vécu auquel il est
fait allusion. Si, pour les aveugles, il y a un monde qui leur
est inaccessible, il existe pourtant. Or, les mots sont là pour
leur transmettre quelque chose qui peut posséder une autre con-
sonnance, et faire passer dans leur monde ce qui révèle d'un au
tre. Le questionnement est alors plus précis. On peut essayer
d'approcher 1 'impossibilité pour un "aveugle de naissance" de
décrire ce que signifie la vision, même s'il s'en fait une idée.
Néanmoins, la façon dont il la formulera aura ses propres valeurs
selon ses sensations, s'il ne se contente pas de répéter les for
mules écoutées. Et si les aveugles parlent à partir de leur ex
périence propre, nous n'ignorerons plus ce qu'ils veulent dire.
8° - Le but est de lever un quiproquo coexistant entre la pitié
(pour le handicap) et l'ignorance du monde qui peut nous appren
dre la manière dont nous estropions notre espace quotidien à vi
vre. Tous les cheminements et dérives seront alors mis en place
pour retirer le maximum d'éléments dans une pratique au jour le jour.
MODALITES :
Le dialogue sera recherché avec des "non et mal voyants" essen
tiellement sur le "terrain" à titre individuel ou dans les asso ciations qui les regroupent.
Le thème d'une perception spatiale "autrement" sera dominant.
Pour l'approfondir il nécessitera une fréquentation journalière
des aveugles et de leurs propres lieux.
Il doit en découler de nouvelles formules et de nouvelles appro
ches pour définir "l'architecture" en ne la limitant plus à ses concepts traditionnels.
ff l.op. pj r n o f / j
SITUATION SOCIOLOGIQUE SUCCINTE DES NON-VOYANTS
Il est signifiant de décoder la définition donnée de la cécité ,selon les pays :
*• En France : " Est aveugle toute personne dont l'acui té visuelle est égale ou inférieure à un vingtième
- En Angleterre: " Est considérée comme aveugle toute personne qui ne peut gagner sa vie avec l'aide de sa vue
- En Allemagne : " Est aveugle toute personne atteinte de mal-voyance ,qui ne peut se conduire dans un endroit qu'elle ne connaît pas ."
C'est la définition française qui paraît être la plus restrictive pour deux raisons • (C'est à partir de cette définition qu'est attribuée la carte d'invalidité donnant droit à des pensions ,allocations simples ou compensa trices , et exonérations d'impôts ).
- D'une part , parce que les mal-voyants ou personnes dites amblyopes (dont l'acuité visuelle est égale ou inférieure à 4/10 au meilleur oeil corrigé) n'ont aucune couverture sociale ,alors que leur champ visuel peut être inférieur à 10# et que dans ce cas là ,1a per sonne est atteinte d'une cécité pratique • C'est à dire que les amblyopes peuvent avoir les mômes problèmes que les aveugles ,sans pour autant bénéficier d'aides sociales* ( Dés lors ,en France ,ce né^sont plus 45 000 personnes qui sont atteintes de non-voyance ,mais environ 500 000 , selon les autres critères •)
A Montpellier ,on estime à une cinquantaine le nombre d'enfants handicapés de la vue ,et environ quatre cents adultes )•
- D'autre part ,cette carte d'invalidité peut restreindre la personne aveugle dans l'acquisition de son autonomie et de son indépendance • En effet ,elle n'encourage en rien la personne handicapée au plus haut
degré à prendre une part active dans la société ,eçi l'installant dans un rôle de rémunération passive et définitive .