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Quand le passé refait surface : caractérisation des apports en phosphore au lac Nairne, Charlevoix , Québec

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Quand le passé refait surface :

Caractérisation des apports en phosphore au lac Nairne,

Charlevoix, Québec

Mémoire

Valérie Labrecque

Maîtrise en sciences géographiques

Maître en sciences géographiques (M.Sc.Géogr.)

Québec, Canada

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Résumé

L’objectif de ce mémoire de maîtrise est de dresser un portrait complet des apports actuels et historiques de phosphore au lac Nairne afin de permettre aux acteurs locaux de poser des actions ciblées et efficaces en vue de l’amélioration de la qualité de l’eau du lac. La charge interne, qui représente le tiers de la charge annuelle totale de phosphore du lac Nairne, a été quantifiée. Puis, l’évolution de la charge externe a été estimée. La modélisation a démontré que la masse de phosphore exportée vers le lac Nairne a diminué de 55 % depuis 1950, mais qu’elle est toujours bien au-dessus de la charge naturelle. Pour améliorer cette situation, des pistes de solutions sont proposées. Cette étude permet de mieux comprendre l’impact de l’occupation du territoire sur la qualité de l’eau des lacs. De plus, la méthodologie détaillée pourra être appliquée sur des bassins qui rencontrent des problématiques semblables.

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Abstract

This master’s thesis aims to provide a comprehensive picture of current and historical phosphorus inputs to Lake Nairne to allow local stakeholders to target their actions to achieve lake restoration. The internal load, which represents one-third of the total annual phosphorus load has been estimated. Inputs from the watershed were also estimated using a mass-balance model. The results show that the external phosphorus load has declined by 55 % since 1950, but is still well above the natural load. To improve this situation, possible solutions are proposed in the last section. This study provides a better understanding of the impact of land use evolution on lake water quality. In addition, the methods can be applied to other watersheds facing similar problems in order to improve sustainable lake restoration.

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Remerciements

L’accomplissement de cette maîtrise a été rendu possible grâce au professionnalisme, à la rigueur et à la patience de ma directrice, Marie-Hélène Vandersmissen et de mon co-directeur Reinhard Pienitz. Je les remercie infiniment pour l’accompagnement précieux tout au long de mes études supérieures. Merci aussi à Manuel Rodriguez-Pinzon pour sa collaboration au comité d’évaluation.

Je remercie Roxane Tremblay qui s’est avérée devenir une personne très significative dans ma vie et un modèle sur le plan professionnel. Son caractère fonceur, son optimisme et sa vivacité d’esprit m’inspirent dans ma nouvelle carrière.

Je remercie sincèrement Ann-Julie Roy, avec qui j’ai eu l’honneur et le plaisir de partager cette aventure. Je remercie tous les collègues du Laboratoire de paléoécologie aquatique (LPA) : Fred, Martin, Beth et Thomas qui apportent un brin de folie au moment opportun. Plusieurs personnes ont contribué significativement à ce projet par leur aide sur le terrain ou par leur support intellectuel : Gertrud Nürnberg, Céline Meunier, Vanessa Richard, Carole Picard, Vicky Caron, Poupou, Anne Beaudoin, Claudia Zimmermann, et Nicolas Rolland.

La précieuse collaboration de la municipalité de Saint-Aimé-des-Lacs et de l’Association pour la protection de l’environnement du lac Nairne (APELN) a été indispensable tout au long de ce projet. Je les remercie pour leur support financier, technique et pour toutes les informations partagées. La municipalité régionale de comté (MRC) de Charlevoix-Est, les municipalités de Notre-Dame-des-Monts et de la Malbaie, Daniel Blais, Louis Roy et Sébastien Bourget du ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), ainsi que la Société d’histoire de Charlevoix ont aussi fourni de précieuses informations et données essentielles à la réussite de ce projet.

Le soutien financier du Fonds de recherche sur la société et la culture du gouvernement du Québec (FRQSC) m’a permis de mener à terme cette maîtrise. La firme Cima+ a été un partenaire majeur, merci d’oser investir dans la recherche et merci pour la confiance. D’autres partenaires financiers ne peuvent être passés sous silence : le Laboratoire de paléoécologie aquatique, le Centre d’études nordiques, et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada par l’entremise du financement octroyé à Reinhard Pienitz.

Sur un plan plus personnel, je tiens à remercier de tout cœur Vicky, mes parents et mon frère pour leurs encouragements, leur soutien et leur amour.

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Finalement, merci à tous les citoyens du bassin versant du lac Nairne et aux membres de l’APELN. Votre implication et votre volonté de préserver le majestueux lac Nairne ont rendu cette recherche possible.

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Avant-propos

Le chapitre 3 de ce mémoire de maîtrise est une version légèrement modifiée d’un article scientifique qui a été publié en 2012 dans la Revue des sciences de l’eau (volume 25, numéro 1). L’article est intitulé : « Caractérisation de la charge interne de phosphore du lac Nairne, Charlevoix (Québec) ». L’auteure principale est Valérie Labrecque et l’article a été publié au cours de sa maîtrise. Celle-ci a procédé aux relevés terrain, à l’analyse et à l’interprétation des résultats ainsi qu’à la rédaction de l’article. Trois co-auteurs ont collaboré à l’article :

Gertrud Nürnberg est détentrice d’un doctorat de l’université McGill et a plus de 30 ans d’expérience en sciences environnementales, principalement en limnologie. Elle nous a conseillés sur les méthodes à utiliser et a collaboré au traitement des données et à l’interprétation des résultats.

Roxane Tremblay détient une maîtrise en biologie et est candidate au doctorat en géographie. Elle a contribué à la campagne de terrain, à l’interprétation des résultats et à la révision.

Reinhard Pienitz est détenteur d’un doctorat de l’Université Queen’s. Ses champs d’expertise sont principalement la limnologie, la paléolimnologie et la biogéographie. Il est professeur titulaire au département de géographie de l’Université Laval et il dirige le laboratoire de paléoécologie aquatique. Il a contribué à la campagne de terrain, à la révision et il s’est assuré que la rigueur scientifique soit maintenue tout au long du processus.

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À mes parents et mon frère. Depuis les

leçons de vocabulaire plutôt

inspirantes, les séjours au bord du lac

à la Truite et tous les inoubliables

moments passés en famille votre

support et votre amour m’ont permis de

m’accomplir et de vivre pleinement mes

rêves. Merci!

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Remerciements ... vii

Avant-propos ... ix

Table des matières ... xiii

Liste des tableaux ... xv

Liste des figures ... xvii

Liste des abréviations et sigles ... xix

1 Introduction ... 1

1.1 Eutrophisation et phosphore ... 1

1.2 Sources de phosphore ... 2

1.3 Problématique... 3

1.4 Partenariat Cima+ et Université Laval ... 5

1.5 Objectifs ... 6

1.5.1 Objectif général ... 6

1.5.2 Objectifs spécifiques ... 6

1.6 Retombées et aspects novateurs ... 6

2 Site d’étude ... 9

2.1 Historique du peuplement ... 10

3 Caractérisation de la charge interne ... 13

3.1 Introduction ... 13

3.2 Méthodologie ... 14

3.2.1 Analyses physico-chimiques ... 14

3.2.2 Bathymétrie ... 15

3.2.3 Échantillonnage et analyse des sédiments ... 15

3.2.4 Méthodes sélectionnées pour calculer la charge interne ... 16

3.3 Résultats et discussion ... 18

3.3.1 Physico-chimie ... 18

3.3.2 Composition des sédiments ... 24

3.3.3 Calcul de la charge interne... 26

3.3.4 Impact de la charge interne ... 28

3.4 Conclusion ... 29

4 Caractérisation et évolution des apports de phosphore ... 31

4.1 Introduction ... 31

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4.2.1 Types de modèles utilisés pour prédire la concentration en phosphore d’un lac ... 32

4.2.2 Présentation du modèle utilisé ... 33

4.2.3 Principes et fonctionnement du modèle utilisé... 36

4.3 Résultats et discussion ... 44

4.3.1 Concentration naturelle de phosphore du lac Nairne ... 44

4.3.2 Capacité de support... 46

4.3.3 Évolution des apports de phosphore au lac Nairne ... 46

4.3.4 Portrait incluant la charge interne de phosphore ... 51

4.3.5 Validation ... 52

4.3.6 Comparaison de l’impact de la villégiature et de l’agriculture ... 54

4.3.7 Stratégies de réduction des apports en phosphore ... 56

4.4 Conclusion ... 63

5 Reconstitution de l’évolution du lac Nairne en lien avec l’étude paléolimnologique ... 65

6 Pistes de solution ... 69

6.1 Réduction de la charge externe ... 69

6.1.1 Validation terrain ... 69

6.1.2 Amélioration des pratiques agricoles ... 69

6.1.3 Lutte à l’érosion et rétention des sédiments ... 70

6.1.4 Installations septiques ... 70

6.2 Réduction de la charge interne ... 70

6.2.1 Intervention sur les sédiments ... 71

6.2.2 Intervention sur l’hypolimnion ... 73

6.2.3 Prudence, patience et précaution ... 75

7 Conclusion ... 77

Bibliographie ... 79

Annexe 1. Photo aériennes et cartes utilisées pour la caractérisation du bassin versant ... 87

Annexe 2. Caractéristiques hydrologiques et morphologiques du lac Nairne ... 89

Annexe 3. Concentrations de phosphore total mesurées à la fosse principale ... 91

Annexe 4. Données utilisées pour calculer la charge interne avec la méthode in situ ... 93

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Liste des tableaux

Tableau 1. Caractéristiques limnologiques du lac Nairne (moyenne ± écart type). ... 10 Tableau 2. Équations de régression utilisées pour calculer le taux de libération de phosphore des

sédiments du lac Nairne ... 16 Tableau 3. Composition des sédiments aux trois stations d'échantillonnage du lac Nairne à l’été 2010.

... 25 Tableau 4. Taux de libération du phosphore, charge interne et masse de phosphore libérée par les

sédiments du lac Nairne selon les deux méthodes employées dans cette étude. ... 26 Tableau 5. Coefficients d'exportation de phosphore utilisés dans cette étude ... 38 Tableau 6. Informations nécessaires pour dresser le portrait des sources ponctuelles sanitaires de

phosphore ... 39 Tableau 7. Paramètres utilisés pour le calcul des apports ponctuels de phosphore. ... 40 Tableau 8. Coefficient d'émission de phosphore selon le type d'équipement de traitement des eaux

usées. ... 40 Tableau 9. Coefficient d'émission de phosphore selon le type de sol dans lequel est logé l’équipement

de traitement des eaux usées. ... 41 Tableau 10. Coefficient d'atténuation relié à la distance de la source ponctuelle sanitaire par rapport au

réseau hydrographique. ... 41 Tableau 11. Coefficients de rétention du phosphore utilisés dans le cadre de cette étude. ... 44 Tableau 12. Évolution des apports externes en phosphore au lac Nairne de 1950 à 2010 selon certains

paramètres ... 51 Tableau 13. Principales sources de phosphore pour le lac Nairne en 2010. ... 52 Tableau 14. Comparaison des concentrations de phosphore mesurées et modélisées au lac Nairne en

2010. ... 53 Tableau 15. Classement des sous-bassins selon la quantité de phosphore exportée par mètre carré. 58 Tableau 16. Apports de phosphore pour chaque municipalité du bassin versant du lac Nairne. ... 62

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Liste des figures

Figure 1. Localisation du bassin versant et bathymétrie du lac Nairne. ... 9

Figure 2. Stations d'échantillonnage sur le lac Nairne à l'été 2010. ... 14

Figure 3. Variation de la température de l'eau selon la profondeur et la date d’échantillonnage à la fosse principale en 2010. ... 19

Figure 4. Variation de la concentration d'oxygène dissous de l'eau selon la profondeur et la date d’échantillonnage à la fosse principale en 2010. ... 20

Figure 5. Variation du pH de l'eau selon la profondeur et la date d’échantillonnage à la fosse principale en 2010. ... 20

Figure 6. Variation de la conductivité de l'eau selon la profondeur et la date d’échantillonnage à la fosse principale en 2010. ... 21

Figure 7. Évolution des concentrations de phosphore total (PT) et d’oxygène dissous à 8,5 m (a) et à 11 m (b) de profondeur à la fosse principale de juin à octobre 2010. ... 22

Figure 8. Évolution des concentrations de phosphore total (PT) pour les profondeurs 0,5 - 3 m et 6 m à la fosse principale de juin à octobre 2010. ... 23

Figure 9. Mesures de la transparence de l’eau et de la concentration de chlorophylle a à la surface pour l’été 2010. ... 24

Figure 10. Évolution de la concentration de phosphore total au lac Nairne entre 1950 et 2010 selon les résultats obtenus par la modélisation. ... 47

Figure 11. Portrait de l'occupation du sol du bassin versant du lac Nairne pour les quatre années étudiées. ... 48

Figure 12. Évolution de la concentration de phosphore du lac Nairne de 1950 à 2010 en incluant la charge interne. ... 52

Figure 13. Masse de phosphore qui atteint le lac Nairne annuellement selon la provenance et masse de phosphore émise dans l’environnement par les installations septiques des résidences. ... 54

Figure 14. Localisation des sous-bassins et occupation du sol en 2010. ... 57

Figure 15. Taux d’exportation de phosphore par sous-bassin en 2010. ... 59

Figure 16. Localisation de l'étang artificiel à l'extrémité aval du sous-bassin T2. ... 61

Figure 17. Occupation du sol en 2010 et territoire occupé par chacune des trois municipalités du bassin versant du lac Nairne. ... 62

Figure 18. Reconstitution de la concentration moyenne de phosphore dans la colonne d’eau du lac Nairne selon la profondeur dans la séquence sédimentaire. ... 66

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Liste des abréviations et sigles

APEL : Association pour la protection de l’environnement du lac Saint-Charles et des marais du Nord APELN : Association pour la protection de l’environnement du lac Nairne

CEAEQ : Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec CUBF : Code d’utilisation des biens-fonds

FA : Facteur anoxique Fe-P : Phosphore lié au fer

GRIL : Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie et en environnement aquatique LCM : Lakeshore Capacity Model

LOI : Loss-on-ignition (perte-au-feu)

LPA : Laboratoire de paléoécologie aquatique (Université Laval)

MDDEFP : Ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs du Québec

MRC : Municipalité régionale de comté OBV : Organisme de bassin versant PT : Phosphore total

s-P : Phosphore soluble

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1 Introduction

L’impact des activités humaines sur les écosystèmes lacustres a été démontré à maintes reprises, notamment par des études paléolimnologiques. Par exemple, l’industrialisation progressive de la ville de Québec et l’occupation de plus en plus intensive du bassin versant du lac Saint-Augustin, en banlieue de Québec, ont entraîné une augmentation significative des concentrations de métaux et de phosphore entre 1670 et 2002 (Pienitz et al., 2006). La concentration en phosphore du lac Saint-Charles, au nord de la ville de Québec a, quant à elle, connu une légère diminution avec le temps. En contrepartie, une augmentation de la pollution, qui se traduit par l’augmentation de la concentration de métaux, est survenue au cours du vingtième siècle (Tremblay et al., 2001). Une sévère dégradation de la qualité de l’eau du lac Dauriat (Québec, Canada) a été notée suite à l’exploitation intensive d’une mine de fer en périphérie du lac et à l’implantation de la ville minière de Schefferville. Une augmentation de la concentration de plusieurs éléments (As, Ca, Co, Cu, Fe, Hg total, La, Mn, Sr et Zn) a été observée et une eutrophisation accélérée a été causée par le rejet des eaux usées non-traitées de Schefferville dans le lac (Laperrière et al., 2009). Les activités humaines, principalement l’agriculture et le rejet d’eaux usées non-traitées dans l’affluent du lac Pasqua (Saskatchewan, Canada), ont contribué à détériorer la qualité de l’eau en causant des floraisons récurrentes de cyanobactéries toxiques et une anoxie en profondeur (Hall et al., 1999). Ces auteurs ont par ailleurs noté que l’impact des activités humaines sur le lac Pasqua était beaucoup plus marqué que l’impact des variations naturelles du climat. Même l’occupation du bassin versant par les autochtones entre 1268 et 1486 AD a provoqué une augmentation de la concentration de phosphore au lac Crawford (Ontario, Canada) (Ekdahl et al., 2007). Une comparaison des conditions actuelles de 257 lacs du nord-est des États-Unis avec celles qui prévalaient avant l’occupation humaine du bassin versant a démontré qu’une détérioration générale de la qualité de l’eau est survenue dans la majorité des lacs. Celle-ci s’est notamment manifestée par une augmentation des concentrations de phosphore et de chlore ainsi que des modifications du pH (Dixit et al., 1999). Ces études démontrent que de façon générale, la réponse des milieux aquatiques au développement du territoire est une eutrophisation accélérée. Dans les lacs des zones tempérées, la principale cause de cette eutrophisation accélérée est une augmentation des apports en phosphore (Pienitz et Vincent, 2003; Schindler, 1974).

1.1 Eutrophisation et phosphore

L’eutrophisation est le processus d’enrichissement des plans d’eau par des nutriments, principalement le phosphore (P), l’azote (N) et le carbone (C) qui sont des nutriments essentiels à la croissance des plantes et à la survie des écosystèmes aquatiques (Smol, 2008). Toutefois, lorsque ceux-ci sont en

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surabondance dans un lac, il devient surfertilisé, ce qui entraîne la prolifération du phytoplancton, du périphyton et des macrophytes aquatiques. Lorsque cette surabondance de nutriments est due aux activités humaines, ce qui est généralement le cas, on parle d’eutrophisation culturelle (Smol, 2008) ou de vieillissement prématuré. De lourdes conséquences découlent de l’eutrophisation, notamment des éclosions massives de cyanobactéries, des déficits d’oxygène dans l’hypolimnion, une diminution de la lumière dans la colonne d’eau et la prolifération de plantes aquatiques (Smol, 2008). Ces perturbations peuvent entraîner des pertes d’usages (pêche, baignade, nautisme, alimentation en eau, survie des écosystèmes aquatiques, etc.) qui s’avèrent néfastes pour la vitalité de certaines municipalités dont les activités économiques sont axées autour des lacs et des activités de villégiature.

Si les scientifiques s’entendent sur le processus d’eutrophisation, des incertitudes sont apparues à partir des années 1960 quant au nutriment responsable de ce phénomène. La loi du minimum de Justus Von Liebig (1840) statue que dans un environnement en équilibre, la croissance d’un organisme sera tributaire de l’élément essentiel le moins disponible, c’est l’élément limitant d’un système (Wetzel, 2001). Schindler (1971, 1977, 1980) a consacré une partie de ses recherches à cibler l’élément limitant la productivité des écosystèmes lacustres et a produit le travail le plus déterminant en la matière. Ses travaux ont débuté vers 1970 dans la région des lacs expérimentaux du Nord-Ouest ontarien. Ils visaient à déterminer quel élément était responsable de l’eutrophisation. Pour ce faire, son équipe a séparé artificiellement un lac oligotrophe (lac 226) en deux parties distinctes. La première a été fertilisée avec une combinaison de P-C-N et la seconde avec une combinaison de C-N. La partie fertilisée avec le phosphore a subi des floraisons massives de cyanobactéries et a montré tous les signes d’eutrophisation alors que l’autre est demeurée oligotrophe (Schindler, 1971, 1977, 1980). Ces résultats se sont ajoutés à ceux d’autres chercheurs (Hutchinson, 1957, 1967 ; Vollenweider, 1968) pour démontrer que le phosphore est généralement l’élément limitant de la productivité des lacs en zone tempérée et, par le fait même, le principal responsable de leur eutrophisation. Même si cette assertion a été remise en cause à quelques reprises (Lewis et Wurtsbaugh, 2008; Sterner, 2008), elle n’a jamais été réfutée et de récentes publications l’appuient toujours (Correll, 1998; Wetzel, 2001; Pienitz et Vincent, 2003; Schindler, 2006; Smol, 2008; Welch, 2009). Cette importance du rôle du phosphore dans l’eutrophisation des lacs en fait le sujet principal de cette étude.

1.2 Sources de phosphore

La source des problèmes d’eutrophisation étant clairement établie, il a fallu déterminer la provenance du phosphore qui enrichissait les lacs. Une partie de ce phosphore provient de sources naturelles : les dépôts atmosphériques, l’écoulement de surface et les apports par les affluents (Dillon et al., 1991;

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apports en phosphore est d’origine anthropique, les sources principales étant les déversements d’eaux usées domestiques ou industrielles, le ruissellement provenant des terres agricoles ou des zones urbaines (Daniel et al., 1998; Hall et al., 1999; Thornton, 1999; Beaudin, 2008), la déforestation, les installations septiques, l’érosion des rives (Hutchinson, 2002) et les rejets des piscicultures (Hakanson

et al., 1998). Un des ouvrages les plus importants en la matière est celui de Dillon et al. (1986) qui

détaille l’ensemble des sources potentielles de phosphore dans les lacs de villégiature du Bouclier canadien. On y mentionne que les installations septiques représentent la principale source de phosphore anthropique pour la plupart des lacs de villégiature du Bouclier canadien où l’agriculture est absente du basin versant.

Afin de réduire les problèmes liés au vieillissement prématuré des lacs, la principale solution est de réduire les apports en phosphore. Pour ce faire, il s’avère pertinent de localiser et de quantifier les sources de phosphore sur l’ensemble du bassin versant. Ces opérations permettent d’élaborer un bilan de masse de phosphore, c’est-à-dire la masse totale de phosphore par unité de surface de provenance naturelle et anthropique qui est exportée annuellement vers le lac depuis son bassin versant.

Un aspect supplémentaire à intégrer dans un bilan de masse est la charge interne de phosphore qui est libérée par les sédiments. En effet, dans le cas de plusieurs lacs, des stratégies de réduction des apports externes en phosphore ont déjà été entreprises. Cependant, les réductions de la charge externe peuvent tarder à produire des résultats perceptibles en termes d’amélioration de la qualité de l’eau et de récupération des usages. Après des réductions importantes de leur charge externe, la majorité des 35 lacs d’Europe et d’Amérique du Nord analysés par Jeppesen et al. (2005) ont connu des délais de 10 à 15 ans avant qu’une réduction de la concentration moyenne annuelle de phosphore ne soit observée. D’autre part, les activités humaines génératrices de phosphore dans le bassin versant ne semblent pas toujours suffisantes pour expliquer en totalité les concentrations élevées de phosphore dans certains lacs (Smolders et al., 2006 ; Perrone et al., 2008). La charge interne de phosphore peut alors fournir une partie des explications. En effet, la quantité de phosphore libérée par les sédiments figure parfois parmi les principaux apports en phosphore d’un lac et contribue grandement à la détérioration de la qualité de l’eau (Nürnberg, 2009). Ainsi, une charge interne de phosphore élevée peut diminuer ou retarder les effets positifs des efforts de réduction des apports externes de phosphore (Golterman, 2004).

1.3 Problématique

Une étude de 2005 avait justement révélé que le lac Nairne, dans la région de Charlevoix, au Québec, était possiblement enrichi par des apports significatifs de phosphore en provenance des sédiments

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(Tremblay, 2005). En effet, les fortes concentrations de phosphore total (jusqu’à 246 µg·L-1) mesurées

dans l’hypolimnion à l’été 2005 ainsi que le bilan de phosphore négatif (plus de phosphore évacué par l’émissaire que de phosphore apporté par l’ensemble des tributaires) indiquaient la présence d’une charge interne de phosphore.

Cette étude avait été commandée par l’APELN dans le cadre d’une démarche entamée quelques années auparavant en réponse à des signes alarmants d’eutrophisation observés au lac Nairne. À la fin de l’été 2001, une éclosion majeure de cyanobactéries est survenue. Selon le journal local, « tout le lac est devenu vert pendant trois semaines » (Maltais, 2002). Puis, en 2002, la situation a dégénéré et le choc a été brutal pour les riverains. Un important épisode de mortalité de truites a perduré pendant près d’un mois au lac Nairne. Cet événement a mené les autorités provinciales à pratiquer des autopsies sur les poissons morts afin de connaître les causes de cette mortalité massive. Les analyses ont révélé que les truites étaient mortes en raison d’un manque d’oxygène dans l’hypolimnion. Des mesures prises sur le terrain sont venues confirmer l’anoxie de l’hypolimnion. Une quinzaine d’années auparavant, une mortalité de truites était aussi survenue au lac Nairne. Cependant, les analyses avaient démontré que les poissons étaient morts en raison d’un épisode de chaleur d’une durée de deux jours et non pas en raison de l’anoxie de l’hypolimnion qui était alors bien oxygéné (Maltais, 2002). Pour terminer cet été malheureux, les éclosions de cyanobactéries se sont reproduites, comme ce fut le cas à chaque année depuis.

Ces épisodes récurrents de floraisons de cyanobactéries ont des impacts néfastes pour les riverains, pour la municipalité de Saint-Aimé-des-Lacs et pour l’ensemble des personnes qui fréquentent le lac. Si, lors de ces épisodes, des avis de non-utilisation et de non-consommation des eaux du lac Nairne sont émis par la Direction régionale de la santé publique, les usagers doivent éviter d’utiliser l’eau du lac pour la baignade ou pour l’approvisionnement domestique. Le lac étant moins attrayant, l’intérêt pour les activités nautiques et la fréquentation par les touristes diminuent. À long terme, les inconvénients liés à la présence de cyanobactéries et à la détérioration de la qualité d’eau peuvent entraîner une diminution de la valeur des propriétés riveraines et, par le fait même, des pertes de revenus fonciers pour la municipalité. Le succès de pêche peut aussi être affecté, car l’hypolimnion devient anoxique à chaque été et la température élevée de l’eau de surface ne convient pas aux salmonidés. L’habitat devient moins favorable pour les espèces les plus recherchées par les pêcheurs comme l’omble de fontaine et l’omble chevalier (Salvelinus alpinus) (Arvisais et al., 2005).

Les événements de 2001-2002 et les inconvénients qui y sont liés ont poussé l’APELN à élaborer un plan d’action pour améliorer la qualité de l’eau du lac et récupérer les usages perdus. Ce plan a été

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présenté au conseil municipal de Saint-Aimé-des-Lacs et les actions n’ont pas tardé à se mettre en branle. La caractérisation des installations septiques du bassin versant a débuté en 2002 et après plusieurs années de mise aux normes, la plupart sont maintenant conformes au Règlement sur

l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (chapitre Q-2, r.22). Un guide de

renaturalisation des rives a été distribué par l’APELN en 2003 et plus de 2 500 $ ont été investis par 123 riverains pour planter 18 000 arbustes sur les rives. Des dispositions visant la renaturalisation obligatoire des rives, l’interdiction des pesticides et engrais et le contrôle de l’abattage des arbres ont été intégrées au Règlement de zonage (numéro 260) de Saint-Aimé-des-Lacs. Un règlement municipal (numéro 244) a été adopté pour instaurer la vidange périodique des installations septiques des résidences situées autour du lac Nairne. Une taxe spéciale de secteur pour la lutte à l’eutrophisation a été introduite pour financer une partie de ces actions ainsi que plusieurs études visant à mieux connaître le bassin versant, ses principaux lacs et leurs tributaires. En parallèle, la plupart des lieux d’entreposage de déjections animales qui n’étaient pas conformes au Règlement sur les exploitations

agricoles (chapitre Q-2, r.26) ont été mis aux normes. Malgré toutes ces actions et des investissements

de près de 700 000 $, la situation du lac Nairne était encore préoccupante en 2008 (Couture, 2008; Municipalité de Saint-Aimé-des-Lacs).

1.4 Partenariat Cima+ et Université Laval

Une nouvelle étape visant la réhabilitation du lac Nairne a été franchie en 2008 avec un projet de recherche né d’un partenariat entre la firme de génie-conseil Cima+ et l’Université Laval (LPA). L’étude présentée dans ce mémoire s’insère dans ce projet de recherche novateur. Un volet global du projet vise à développer de nouveaux outils de gestion pour les lacs du Québec. Des modèles d’inférence des concentrations de phosphore et de sodium adaptés au Québec méridional ont été développés à partir des assemblages diatomifères d’une soixantaine de lacs (Tremblay, Pienitz et Legendre, soumis). Le volet spécifique au lac Nairne vise à acquérir une meilleure connaissance de l’évolution trophique du lac afin de faciliter la prise de décisions relatives à sa restauration. Pour ce faire, un diagnostic paléolimnologique a été réalisé (Roy, 2012). Les diatomées et les pigments fossilisés dans les sédiments du lac Nairne ainsi que des indicateurs géochimiques ont été utilisés pour retracer son évolution trophique depuis l’an 780 BC. L’étude qui fait l’objet de ce mémoire permettra quant à elle de connaître les principales sources de phosphore actuelles et historiques et dans quelle mesure les apports doivent être réduits pour que le lac retrouve une qualité d’eau qui ne compromettrait pas les usages (baignade, pêche, navigation, survie des écosystèmes aquatiques, etc.). Le diagnostic paléolimnologique jumelé à la caractérisation des apports de phosphore fournissent une multitude

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d’informations qui permettront aux acteurs locaux de prendre des décisions éclairées afin d’en arriver à une amélioration significative de la qualité de l’eau du lac Nairne.

1.5 Objectifs

1.5.1 Objectif général

L’objectif général de ce projet de maîtrise est de localiser et de quantifier les sources de phosphore actuelles et passées du lac Nairne afin de permettre aux acteurs locaux d’entreprendre des actions ciblées visant l’amélioration de la qualité de l’eau du lac. Le tout, en utilisant une méthodologie qui pourra être exportée à d’autres bassins versants.

1.5.2 Objectifs spécifiques

1. Quantifier la charge interne en phosphore du lac Nairne

2. Caractériser l’évolution de la charge externe de phosphore du lac Nairne 3. Dresser le portrait actuel des principales sources de phosphore du lac Nairne.

Considérant l’importance du phénomène de libération du phosphore par les sédiments, le chapitre 3 de ce mémoire y sera consacré. Le chapitre 4 traitera de la charge externe, c'est-à-dire celle qui provient du bassin versant. Par la suite, le chapitre 5 permettra de faire le lien avec l’étude paléolimnologique de Roy (2012) réalisée au lac Nairne. Finalement, des pistes de solutions pour l’amélioration de la qualité de l’eau du lac Nairne seront proposées au chapitre 6.

1.6 Retombées et aspects novateurs

Jusqu’à présent, peu d’attention a été accordée à la charge interne de phosphore des lacs au Québec malgré le fait qu’elle surpasse parfois les apports de phosphore en provenance du bassin versant (Nürnberg, 2009). La quantification de la charge interne du lac Nairne permettra de développer une expertise québécoise en la matière qui s’avérera très utile, car il est fort probable que cette dynamique interne de libération du phosphore s’applique à d’autres lacs québécois. De plus, la méthodologie nécessaire à la quantification de la charge interne qui est actuellement répartie dans plusieurs articles scientifiques de langue anglaise sera rassemblée dans un seul document en français. La connaissance des apports internes est indispensable pour orienter la stratégie de restauration du lac Nairne, car la charge interne peut retarder significativement les résultats des efforts de réduction des apports en provenance du bassin versant (Golterman, 2004). Ainsi, en connaissant la proportion des apports de phosphore qui est générée par les sédiments lacustres, les gestionnaires du bassin versant pourront établir des cibles de concentration à atteindre qui seront plus réalistes.

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Le fait de reconstituer le passé du lac Nairne par le diagnostic paléolimnologique (Roy, 2012) et d’y ajouter l’évolution de l’occupation humaine du bassin versant est un aspect novateur qui permettra de repérer les événements qui ont entraîné des perturbations dans le régime trophique du lac. Une reconstitution quantitative des apports historiques en phosphore permettra donc une connaissance accrue des impacts des activités humaines sur le lac Nairne. Les modèles de bilan de masse de phosphore ont rarement été combinés avec une étude paléolimnologique pour comparer les concentrations en phosphore inférées par les deux méthodes. La validation, à l’aide d’une approche paléolimnologique, des concentrations de phosphore obtenues par les bilans de masse est un aspect novateur de ce projet, car la combinaison des deux méthodes n’a, à notre connaissance, jamais été utilisée au Québec.

De plus, une partie des résultats de ce projet de recherche pourra être intégrée à la démarche d’élaboration d’outils de lutte contre l’eutrophisation des lacs du MDDEFP ce qui assurerait la pérennité des retombées scientifiques et environnementales.

(28)
(29)

2 Site d’étude

Le lac Nairne (47°41' N, 70°21' O) est situé dans la MRC de Charlevoix-Est à environ 15 km à l’ouest de La Malbaie. Son bassin versant est réparti sur le territoire de trois municipalités : Saint-Aimé-des-Lacs, La Malbaie et Notre-Dame-des-Monts (figure 1). Le bassin versant, qui est un sous-bassin de la rivière Malbaie, comporte un seul autre lac, le lac Brûlé (0,17 km2). La superficie du lac Nairne est de

2,43 km2 et celle de son bassin versant est de 28,95 km2.

Figure 1. Localisation du bassin versant et bathymétrie du lac Nairne.

La température moyenne annuelle de la région est de 2,5 °C et les précipitations moyennes annuelles atteignent 1000 mm (MDDEP, 2010). La température moyenne à la station météorologique la plus près (Saint-Hilarion, altitude : 411,5 m) pour la période étudiée (entre juin et septembre) est de 15 °C

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(Environnement Canada, 2011). Le bassin versant est principalement composé de roches métamorphiques précambriennes de la province géologique de Grenville, plus spécifiquement, des gneiss charnockitiques (Gouvernement du Québec, 1980). Le lac occupe une dépression composée de dépôts fluvio-glaciaires de plaine d’épandage qui forment une bande large de 100 à 700 m autour du lac (Gouvernement du Québec, 1990). Les sols du bassin versant sont majoritairement des podzols sableux ou limoneux (Carrier, 1981). L’altitude du lac Nairne est de 218 m tandis que l’altitude maximale de son bassin versant est de 570 m. Le lac Nairne compte 16 petits affluents et 1 effluent (Grenier et Tremblay, 2011). Il est dimictique et mésotrophe. Selon l’échelle de classification de stade trophique utilisée par le MDDEFP, le lac Nairne est au stade mésotrophe. Cette échelle est basée sur trois critères : les concentrations moyennes estivales de phosphore total et de chlorophylle a en surface ainsi que la transparence de l’eau. Quelques caractéristiques physico-chimiques sont résumées au tableau 1.

Tableau 1. Caractéristiques limnologiques du lac Nairne (moyenne ± écart type).

Profondeur maximale 12,4 m

Profondeur moyenne 5,7 m

Temps de résidence de l’eau 346 jours

Transparence (disque de Secchi) (été 2010) 3,1 ± 1,2 m

Chlorophylle a (été 2010)1,2 7,9 ± 2,3 µg·L-1

Carbone organique dissous (été 2009)1 5,7 ± 0,4 mg·L-1 Phosphore total à la surface (été 2010) 15,1 ± 3,6 µg·L-1

pH à la surface (été 2010) 8,03 ± 0,19

Alcalinité (été 2010)1 43 ± 2 mg·L-1 de CaCO3

1 R. Tremblay, données non-publiées

2 Une concentration de chlorophylle a de 24 µg·L-1a été mesurée le 22 septembre 2010 lors d’une floraison de cyanobactéries. Cette valeur a

été exclue de la moyenne estivale.

2.1 Historique du peuplement

Comme il est situé dans l’arrière-pays, le peuplement autour du lac Nairne a débuté seulement au début du 19e siècle. Avant 1800, le lac était parfois fréquenté par les autochtones (Innus et

Hurons-Wendats) qui venaient y chasser et y pêcher. Les premiers habitants permanents se sont établis dans les rangs autour du lac vers 1807 (Harvey, 2005). Ceux-ci étaient davantage attirés par les ressources forestières que par le potentiel agricole, car les sols étaient de mauvaise qualité. La pratique de l’agriculture a tout de même débuté vers 1820 et s’en suivit une croissance démographique qui a ralenti lorsque les terres les plus accessibles eurent trouvé preneur, soit autour de 1865 (Perron et Gauthier, 2000). L’agriculture était d’abord orientée vers la culture du blé et une transition vers la production laitière a débuté dans la deuxième moitié du 19e siècle (Perron, 2002).

(31)

Après l’apogée atteint vers 1930-1940, le déclin de l’agriculture dans l’arrière-pays et dans le secteur du lac Nairne a débuté vers 1950. Entre 1951 et 1971, le nombre de fermes a diminué du tiers (Perron et Gauthier, 2000). Cette diminution ne s’explique pas uniquement par la concentration des fermes comme c’est le cas dans les secteurs plus fertiles de la vallée du Saint-Laurent, mais surtout par un abandon progressif de terres peu productives et non-rentables. En 2007, il restait 8 producteurs agricoles actifs répartis entre deux entreprises de production de bovins de boucherie, une entreprise de production porcine et des entreprises de production végétale (fourrage, pâturage, céréales et petits fruits). La production animale se résume à environ 288 unités animales de porcs et 22 de bovins de boucherie (Carrier et Langlois, 2007 ; Carrier, 2009).

Pendant que l’agriculture était en déclin, la villégiature était en plein essor. Les premiers villégiateurs se sont installés au lac Nairne vers 1910. Ils achètent des anciennes maisons d’agriculteurs pour les utiliser comme chalet et des lots pour y faire du camping. À cette époque, les villégiateurs privilégient la détente et valorisent le pittoresque. Ils séjournent au lac Nairne surtout les fins de semaine et ils pratiquent des activités comme la baignade, la pêche et le canotage. La construction de chalets a débuté vers 1930. Les terrains étaient alors laissés dans un état assez naturel (Société d’histoire de Charlevoix, 2005).

À partir de 1950, la villégiature devient plus intensive. Les rives sont de plus en plus occupées par des chalets. Les terrains de camping font leur apparition et plusieurs activités dont des festivals et des régates s’organisent au lac Nairne. Le calme et le pittoresque des années 1930 fait place à la pelouse minutieusement coupée et aux embarcations motorisées. Le lac devient si populaire qu’en 1975, il ne reste plus de terrains disponibles sur ses rives. La plupart des 144 chalets sont munis de puisards, mais certains déversent leurs eaux usées directement dans le lac (Société d’histoire de Charlevoix, 2005). Comme les rives sont densément occupées, la construction de nouveaux chalets ralentit et on retrouve, en 2010, environ 200 résidences autour du lac dont 70% sont des résidences saisonnières. La grande majorité de ces résidences sont munies d’installations septiques conformes au Règlement

sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (chapitre Q-2, r.22) (MRC de

Charlevoix-Est, 2010).

Le bassin versant ne compte pas de noyau villageois ni de zone urbaine. Le cœur du village de Saint-Aimé-des-Lacs se situe en aval du lac et les autres noyaux villageois sont aussi à l’extérieur du bassin versant. Des résidences dispersées se retrouvent le long des principaux axes routiers.

Le lac Nairne occupe aujourd’hui une place majeure dans l’économie de Saint-Aimé-des-Lacs en plus d’être un site réputé au niveau régional. La municipalité retire des revenus fonciers des 200 chalets

(32)

situés autour du lac. Plus d’un millier de villégiateurs fréquentent le lac Nairne annuellement pour profiter des activités nautiques et du cadre enchanteur. Trois terrains de camping et deux gîtes touristiques sont situés autour du lac Nairne. De plus, la municipalité tient un triathlon annuel qui a accueilli quelques 250 participants en 2011. L’activité touristique de Saint-Aimé-des-Lacs est intimement liée au lac Nairne, c’est pourquoi il est primordial de conserver une qualité d’eau qui permette la baignade, la pêche, le nautisme et la conservation de ce précieux écosystème.

L’historique du peuplement du bassin versant et le mode actuel d’occupation du territoire influencent inévitablement l’état trophique du lac Nairne et la qualité de son eau. Les prochaines sections permettront de comprendre l’impact de l’évolution du territoire sur la qualité de l’eau et les changements trophiques du lac Nairne.

(33)

3 Caractérisation de la charge interne

3.1 Introduction

Le rôle des sédiments dans le cycle des nutriments est crucial et leur impact sur le processus d’eutrophisation des lacs peut être considérable (Golterman, 2004). En effet, comparativement au phosphore en provenance du bassin versant qui est sous forme dissoute et particulaire, le phosphore libéré par les sédiments est sous forme dissoute (phosphates) (Nürnberg, 2009). Il est donc totalement assimilable par les organismes vivants comme le phytoplancton. Cet apport de phosphates peut stimuler de façon importante la productivité primaire d’un lac. Le phosphore présent dans les sédiments provient du bassin versant et de l’activité biologique qui se déroule dans le lac. Il s’accumule au fil des ans et est libéré lorsque les conditions le permettent. Ce phénomène de libération de phosphore par les sédiments est aussi appelé relargage. L’anoxie de l’interface eau – sédiments joue un rôle majeur dans le relargage du phosphore dans les lacs stratifiés. Lorsque l’eau qui recouvre les sédiments contient de l’oxygène, les échanges de phosphore sont généralement unidirectionnels de l’eau vers les sédiments (Wetzel, 2001). Cependant, les conditions anoxiques modifient la nature des échanges chimiques et de l’activité biologique à l’interface eau – sédiments. La diminution du potentiel d’oxydoréduction (Mortimer, 1971) et la décomposition anaérobique de la matière organique (Boström

et al., 1988) qui découlent de cette anoxie favorisent la remise en circulation du phosphore contenu

dans les sédiments. D’autres variables chimiques et biologiques contribuent à la libération du phosphore, notamment les variations de pH et de température, les concentrations de nitrates et de sulfure d’hydrogène, l’activité bactériologique et la bioturbation (De Montigny et Prairie, 1993; Wetzel, 2001; Golterman, 2004; Hupfer et Lewandowski, 2008). Cette combinaison de facteurs fait en sorte que les sédiments ne sont pas uniquement considérés comme un lieu d’accumulation du phosphore, mais comme une partie intégrante d’un système complexe, aux multiples interactions et dans lequel le phosphore peut être recyclé à maintes reprises. Il est donc impératif de tenir compte des sources internes de phosphore dans la gestion des lacs afin d’adapter les programmes de restauration à cette réalité.

Ce chapitre vise à quantifier les apports de phosphore provenant des sédiments du lac Nairne. La méthodologie détaillée rend possible la reproduction de cette expérience à d’autres lacs. Un grand nombre de données physico-chimiques sont aussi présentées dans ce chapitre. Elles permettent une meilleure compréhension de la dynamique limnologique de cet écosystème.

(34)

3.2 Méthodologie

3.2.1 Analyses physico-chimiques

Des profils physico-chimiques ont été réalisés toutes les deux semaines à trois stations sur le lac (figure 2) entre le 2 juin et le 6 octobre 2010. Une sonde multiparamétrique Hydrolab Quanta® a été

utilisée pour mesurer la température (précision ± 0,2 °C), la concentration en oxygène dissous (± 0,2 mg·L-1), le pH (± 0,2) et la conductivité (mS·cm-1± 1 %) à chaque mètre de la colonne d’eau. La

transparence de l’eau a aussi été mesurée à chaque visite à l’aide d’un disque de Secchi de 20 cm de diamètre. Pour obtenir un profil des concentrations de phosphore total à la fosse principale, quatre échantillons d’eau par visite ont été prélevés à différentes profondeurs. Une bouteille de Kemmerer de 2,2 litres a été utilisée pour échantillonner l’eau à 6 m, 8,5 m et 11 m de profondeur. Un échantillon intégré d’eau de surface (0,5 – 3m) a aussi été prélevé à chaque visite. Les échantillons d’eau ont été transférés dans des bouteilles en plastique de 140 ml. Ces bouteilles contenaient 0,5 ml de H2SO4 8 N

pour permettre la conservation de l’échantillon avant l’analyse. La concentration en phosphore total de tous les échantillons d’eau a été mesurée par le Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec (CEAEQ) à l’aide de la méthode d’analyse 303-P 5.0. La limite de détection de cette méthode est de 2 µg·L-1 (CEAEQ, 2008).

Figure 2. Stations d'échantillonnage sur le lac Nairne à l'été 2010.

(35)

La période d’échantillonnage a été limitée à l’été, car en hiver la basse température de l’hypolimnion entraîne la réduction de la consommation d’oxygène et de la libération de phosphore par les sédiments (Nürnberg, 2009). Même si l’hypolimnion devient anoxique en hiver au lac Nairne, les faibles concentrations de phosphore total (< 5 µg·L-1) mesurées dans l’hypolimnion lors de la stratification

hivernale et du brassage printanier de 2004 (Tremblay, 2005) indiquent que le relargage a surtout lieu en été.

3.2.2 Bathymétrie

Dans le but d’élaborer une carte permettant de calculer le volume de diverses couches d’eau du lac, un relevé bathymétrique a été effectué à l’aide d’un échosondeur LMS-525C DF de Lowrance Electronics®

muni d’un système de localisation GPS. La carte bathymétrique a été réalisée à l’aide du module 3D Analyst du logiciel ArcGIS® qui permet l’extrapolation des profondeurs entre les points de profondeur

connue.

3.2.3 Échantillonnage et analyse des sédiments

Les carottes de sédiments ont été prélevées aux mêmes stations que les profils physico-chimiques (figure 2). Un carottier à gravité d’Aquatic Research Instruments® a été utilisé pour prélever 3 carottes

par site le 2 juin 2010 et 4 carottes supplémentaires à la fosse principale le 10 août 2010. Chaque carotte a été sous-échantillonnée sur le terrain, quelques heures après le prélèvement. Les niveaux 0 – 5 cm et 5 – 10 cm ont été extraits et conservés au frais dans des sacs Whirl-Pak®. Pour chaque site,

les niveaux de même profondeur ont été mélangés pour obtenir un échantillon composite. Les échantillons ont été conservés au noir et au frais (4°C) jusqu’à leur expédition au laboratoire Spectrum Analytical au Massachussetts (États-Unis) où les concentrations de phosphore total, de phosphore soluble (s-P) et de phosphore lié au fer (Fe-P) des sédiments ont été mesurées. Les délais maximums de conservation des échantillons ont été respectés : 6 mois pour le phosphore total (Environnement Canada, 2002) et environ 40 jours pour le Fe-P (Lukkari et al., 2007b). La concentration de phosphore total a été déterminée à l’aide de la méthode standard SW 846-6010B de la United States

Environmental Protection Agency. Les concentrations de s-P et de Fe-P ont été mesurées par

extraction séquentielle selon une méthode décrite dans Lukkari et al. (2007a). Tous les résultats ont été reportés en poids sec (mg·g-1). Ces fractions de phosphore ont été sélectionnées pour l’analyse,

car elles sont les plus susceptibles de contribuer à la charge interne (Nürnberg, 1988). Le s-P est la fraction qui est soluble dans l’eau et qui peut être libérée en présence ou en absence d’oxygène. Le s-P constitue généralement une faible proportion (< 1%) du phosphore des sédiments, car il est très labile (Pourriot et Meybeck, 1995). Pour obtenir une mesure précise de cette fraction, il est préférable de maintenir l’anoxie des sédiments jusqu’au moment de l’analyse (Lukkari et al., 2007b). Ces

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conditions idéales n’ont pu être rencontrées dans le contexte de cette étude. Le Fe-P est la fraction sensible à la diminution du potentiel redox, donc susceptible d’être libérée suite à l’anoxie de l’eau sus-jacente (Christophoridis et Fytianos, 2006).

Une portion des sédiments a été utilisée pour déterminer la teneur en eau par lyophilisation et la teneur en matière organique par perte-au-feu selon la méthode décrite par Heiri et al. (2001). Ces deux dernières analyses ont été réalisées au LPA de l’Université Laval, Québec, Canada.

3.2.4 Méthodes sélectionnées pour calculer la charge interne

Certaines difficultés et incertitudes subsistent encore dans l’estimation de la charge interne d’un lac. Par exemple, les résultats peuvent différer selon la fraction de phosphore utilisée pour quantifier la charge interne, car certaines fractions, comme les orthophosphates qui sont très réactifs, peuvent changer de forme en entrant en contact avec l’oxygène. Il peut aussi y avoir une certaine confusion entre l’estimation de la charge brute, partielle ou nette (Voir section 3.3.3.3) (Nürnberg, 2009). Pour ces raisons, il a été jugé pertinent d’utiliser deux méthodes de quantification différentes pour cette étude. De cette manière, une certaine forme de validation est possible et les résultats comparables conféreront plus de certitude aux estimations.

3.2.4.1 Méthode 1 (TL · FA)

La première méthode consiste à calculer un taux de libération (TL) de phosphore spécifique aux sédiments du lac Nairne, puis de le multiplier par un facteur anoxique (FA).

Le TL (mg·m-2·jour-1) est calculé à partir d’équations de régression (tableau 2). Celles-ci ont été

construites à partir des concentrations de phosphore total ou de Fe-P dans les sédiments de la partie la plus profonde de sept lacs de l’Ontario et du Connecticut.

Tableau 2. Équations de régression utilisées pour calculer le taux de libération de phosphore des sédiments du lac Nairne Strate de sédiments utilisée (cm) Équation r2 Numéro d’équation 0 – 5 TL = -4,18 + 3,77[PT] 0,63 1 0 – 5 TL = -0,58 + 13,72[Fe-P] 0,71 2 0 – 10 TL=4,78 + 2,75 [PT] -0,177 LOI 0,85 3 Source : Nürnberg, 1988

Notes : TL en mg•m-2•jour-1, PT et Fe-P en mg•g poids sec-1, LOI en pourcentage de poids sec de matière organique. Dans les équations présentées au tableau 2, [PT] et [Fe-P] représentent les concentrations en mg·g poids sec-1 de phosphore total et de Fe-P dans les sédiments de la fosse principale. LOI

(37)

correspond au pourcentage du poids sec de matière organique dans les sédiments mesuré par la perte-au-feu (loss-on-ignition).

Le FA est une mesure de l’anoxie hypolimnétique. Il est défini comme le nombre de jours, par année ou par saison, pour lesquels une surface de sédiments équivalente à la superficie du lac est recouverte par de l’eau anoxique (Nürnberg, 1995). Dans cette étude, l’eau est considérée anoxique lorsque sa concentration en oxygène dissous est inférieure à 1 mg·L-1. Le FA permet d’exprimer, sur une base

commune pour tous les lacs, l’étendue temporelle et surfacique de l’anoxie hypolimnétique.

Pour des fins de comparaison et de validation, deux méthodes ont été utilisées pour obtenir un FA pour le lac Nairne. La première méthode consiste à calculer le FA à partir des profils d’oxygène de l’été 2010. Pour ce faire, la profondeur de l’oxycline a été déterminée pour chacun des 10 profils d’oxygène. L’oxycline est ici définie comme la plus faible profondeur à laquelle la concentration en oxygène dissous de l’eau devient inférieure à 1 mg·L-1 (Nürnberg, 1995). La superficie de sédiments située sous

l’oxycline a été calculée à l’aide de la carte bathymétrique. Chaque superficie est multipliée par la durée de son anoxie. Le tout est ensuite divisé par la surface du lac pour obtenir le FA exprimé en jours·été-1 (équation 4) (Nürnberg, 1995).

(4)

ti représente la durée de la période d’anoxie i (jours), ai, la surface de sédiments sous l’oxycline (m2)

pendant la période d’anoxie i et Ao, la surface du lac (m2).

L’équation 5 permet d’estimer un FA à l’aide de la concentration estivale moyenne de phosphore total épilimnétique et des caractéristiques morphométriques du lac (Nürnberg, 1996).

[ ] ̅ (5)

[PTepi] représente la concentration estivale moyenne de phosphore total dans l’épilimnion (μg·L-1) et ̅

correspond à la profondeur moyenne (m) du lac.

Le FA obtenu de l’une ou de l’autre façon est ensuite multiplié par le TL pour obtenir une estimation de la charge interne (Lint) exprimée en mg·m-2·saison-1 selon l’équation suivante (Nürnberg, 1987).

(38)

3.2.4.2 Méthode 2 (in situ)

La seconde méthode consiste à mesurer l’augmentation de la masse de phosphore dans le lac au cours de la période d’anoxie hypolimnétique. La différence entre la masse maximale de phosphore répertoriée dans le lac au cours de la période anoxique de l’été 2010 (Masse PT t2) et la masse de

phosphore qui prévalait à la date de la première manifestation de l’anoxie (Masse PT t1) a été obtenue

à l’aide de l’équation 7 (Nürnberg, 2009) :

(7)

Dans cette formule, Ao peut être ajusté si des variations de niveau d’eau importantes surviennent entre

la date initiale et la date finale. Les masses de phosphore total (mg) sont obtenues en multipliant les concentrations de phosphore par le volume de la strate d’eau correspondante.

Au lac Nairne, l’oxycline et la thermocline sont approximativement à la même profondeur, ce qui fait que la masse maximale de phosphore dans le lac survient avant la descente marquée de la thermocline à la fin de la période anoxique estivale. Cette descente, ou érosion de la thermocline favorise le transfert du phosphore relargué par les sédiments vers l’épilimnion. Des événements ponctuels, comme des tempêtes peuvent entraîner la migration de la thermocline pendant la période de stratification estivale. Dans cette situation, il peut survenir un transfert de phosphore de l’hypolimnion vers l’épilimnion. Dans certains cas, ces transferts peuvent être la principale source de phosphore épilimnétique pendant l’été (Soranno et al., 1997). Afin de tenir compte de ces transferts de phosphore, la masse totale de phosphore est utilisée plutôt que la masse de phosphore hypolimnétique dans le calcul de la charge interne.

En utilisant les variations de concentration sur toute la colonne d’eau, il faut supposer que la charge externe en phosphore demeure stable tout au long de la période anoxique. Ainsi, on présume que toute augmentation de la concentration de phosphore au-dessus de la valeur de départ provient du relargage par les sédiments (Nürnberg, 1987). Si elle s’avère fausse, une telle présomption peut entraîner une estimation de charge interne erronée. C’est pourquoi il est préférable de comparer et de valider les résultats en utilisant au moins deux méthodes pour quantifier la charge interne.

3.3 Résultats et discussion

3.3.1 Physico-chimie

(39)

Une stratification thermique s’est établie au lac Nairne au cours de l’été 2010 (figure 3). Elle était déjà en place lors de la première visite le 2 juin. À partir du mois d’août, la thermocline amorce sa descente qui s’achèvera lors du brassage automnal survenu entre le 22 septembre et le 6 octobre.

Figure 3. Variation de la température de l'eau selon la profondeur et la date d’échantillonnage à la fosse principale en 2010.

Les concentrations d’oxygène dissous sont présentées à la figure 4. L’anoxie a été observée du 13 juillet jusqu’au brassage automnal. À partir du 10 août, toute l’eau sous la thermocline (située à 7 m de profondeur) était anoxique. La stratification thermique qui a empêché l’hypolimnion de se recharger en oxygène et la longue période d’anoxie qui en a découlé sont des conditions très favorables au relargage de phosphore.

(40)

Figure 4. Variation de la concentration d'oxygène dissous de l'eau selon la profondeur et la date d’échantillonnage à la fosse principale en 2010.

Pour la majeure partie de la période de stratification estivale, le pH se situait autour de 8 dans l’épilimnion et autour de 7 dans l’hypolimnion (figure 5). Les variations de pH dans la colonne d’eau indiquent, entre autres, le type d’activité biologique en cours (Pourriot et Meybeck, 1995). Lorsqu’il y a respiration (production de CO2) le pH tend à diminuer, car le CO2 rend le milieu plus acide. C’est le cas

dans l’hypolimnion du lac Nairne. Au contraire, lorsqu’il y a abondance d’organismes photosynthétiques (consommation de CO2), le pH est plus élevé tel qu’observé dans l’épilimnion du lac Nairne au cours de

l’été.

(41)

La figure 6 permet d’observer que la conductivité était uniforme sur toute la colonne d’eau jusqu’à la fin du mois d’août. À partir du 24 août, une zone de conductivité légèrement plus élevée a commencé à apparaître en profondeur. Cette augmentation pourrait s’expliquer par la libération, dans l’eau sus-jacente, de certains ions contenus dans les sédiments comme du fer ou du phosphore et par une accumulation progressive d’éléments minéraux en profondeur.

Figure 6. Variation de la conductivité de l'eau selon la profondeur et la date d’échantillonnage à la fosse principale en 2010.

Les concentrations de phosphore total observées dans l’hypolimnion viennent confirmer que les sédiments du lac Nairne libèrent du phosphore lorsqu’ils sont recouverts d’eau anoxique (figure 7). En effet, les concentrations de phosphore total mesurées dans les couches les plus profondes montraient une certaine stabilité autour de 30 µg·L-1 entre juin et août. Puis, à partir du 10 août, soit quatre

semaines après la manifestation de l’anoxie dans l’hypolimnion, les concentrations de phosphore total ont augmenté significativement à 8,5 m et à 11 m de profondeur pour atteindre 200 µg·L-1 (figure 7).

Cette concentration très élevée est environ 10 fois supérieure à la concentration de surface au même moment. Avec la descente de la thermocline, la concentration a grandement diminué à 8,5 m de profondeur le 22 septembre puisque cette zone avait été réoxygénée (figure 7a). Le 6 octobre, après le brassage automnal, les concentrations de phosphore total sont revenues à des valeurs comparables à celles observées au début de l’été. Larsen et al. (1981) ont fait des observations similaires au lac Shagawa, Minnesota (États-Unis). Suite à l’anoxie de l’hypolimnion, les concentrations de phosphore total ont augmenté drastiquement. Pour les quatre années de mesure, les concentrations de phosphore

(42)

total ont augmenté par un facteur de cinq entre le début et la fin de la période d’anoxie de l’hypolimnion.

Figure 7. Évolution des concentrations de phosphore total (PT) et d’oxygène dissous à 8,5 m (a) et à 11 m (b) de profondeur à la fosse principale de juin à octobre 2010.

En comparaison, la figure 8 montre que les concentrations de phosphore total à la surface et à 6 m de profondeur étaient beaucoup moins élevées que dans l’hypolimnion. La concentration moyenne de phosphore total dans la zone 0,5 – 3 m pour la période stratifiée (2 juin au 22 septembre) était de 15,1 ± 3,6 µg·L-1. Les concentrations étaient plus élevées au début et à la fin de l’été. Pour cette même

période, la concentration moyenne à 6 m de profondeur était de 18,0 ± 3,0 µg·L-1. À partir du début du

(43)

la descente de la thermocline (figure 3) et à une période pendant laquelle les précipitations étaient assez faibles (Environnement Canada, 2011). Lorsqu’il y a peu de précipitations, les apports de phosphore provenant du bassin versant diminuent. Ainsi, l’augmentation de la concentration de phosphore total à la surface entre août et septembre pourrait être reliée à la descente de la thermocline qui aurait entraîné le transfert, vers la surface, du phosphore libéré par les sédiments.

Figure 8. Évolution des concentrations de phosphore total (PT) pour les profondeurs 0,5 - 3 m et 6 m à la fosse principale de juin à octobre 2010.

L’évolution de la transparence de l’eau, et des concentrations de chlorophylle a, mesurées à trois reprises pendant l’été (Tremblay, données non-publiées), sont présentées à la figure 9. La transparence de l’eau a diminué progressivement en juin et elle a atteint un plateau autour de 3 m entre le 30 juin et le 24 août. Le 8 septembre, soit quelques semaines avant le brassage automnal, la transparence a diminué pour atteindre 1,75 m. Elle est demeurée sous les 2 m jusqu’à la fin de la période d’échantillonnage le 6 octobre.

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Figure 9. Mesures de la transparence de l’eau et de la concentration de chlorophylle a à la surface pour l’été 2010.

La transparence est inversement corrélée à la concentration en chlorophylle a qui est un indicateur de la biomasse phytoplanctonique (Carlson, 1977; Dillon et Rigler, 1975; Nürnberg, 1996). Ainsi, la diminution de la transparence à la fin de l’été (figure 9) indique une augmentation importante de la biomasse phytoplanctonique qui est aussi confirmée par la concentration élevée de chlorophylle a. Le 22 septembre et le 6 octobre, le lac en entier était affecté par d’importantes floraisons de cyanobactéries. La diminution de la transparence, la concentration élevée en chlorophylle a ainsi que les floraisons de cyanobactéries qui coïncident avec la descente de la thermocline et le brassage automnal résultent probablement d’un apport accru en nutriments en provenance des sédiments. Un tel phénomène de fertilisation de l’épilimnion a été observé, entre autre, dans le lac Magog, Québec (Nürnberg, 1985).

3.3.2 Composition des sédiments

Toutes les carottes de sédiments récoltées étaient composées de boue (gyttja) noire et avaient une apparence uniforme. Le tableau 3 présente les concentrations des différentes fractions de phosphore dans les sédiments ainsi que leur teneur en eau et en matière organique. Les sédiments de la fosse principale sont plus riches en phosphore que ceux de la fosse secondaire, étant donné que c’est le lieu principal d’accumulation. Toutefois, les sédiments du site nommé haut-fond présentaient des concentrations de phosphore plus élevées qu’à la fosse principale. Comme l’anoxie ne s’est pas manifestée à cet endroit, ces sédiments ne libèrent probablement pas de quantités importantes de P.

(45)

Cependant, il est pertinent de s’interroger sur ces fortes concentrations qui pourraient être dues, entre autre, à des apports en phosphore par les tributaires de ce secteur.

Tableau 3. Composition des sédiments aux trois stations d'échantillonnage du lac Nairne à l’été 2010. Site Profondeur dans la carotte PT (mg·g poids sec-1) Fe-P (mg·g poids sec-1) s-P (mg·g poids sec-1) % eau % matière organique (LOI) Fosse principale 0 – 5 2,17 0,63 <0,005 93,49 30,75 5 – 10 1,54 0,29 <0,005 91,45 32,46 Fosse secondaire 0 – 5 1,60 0,16 <0,005 92,49 31,91 5 – 10 1,31 0,09 <0,005 90,47 31,00 Haut-fond 0 – 5 3,00 0,34 <0,005 90,99 30,37 5 – 10 2,77 0,43 <0,005 89,24 28,76

Les concentrations de phosphore total et de Fe-P étaient généralement plus grandes en surface (0 – 5 cm) que dans la strate plus profonde (5 – 10 cm). Les concentrations de phosphore total des cinq premiers centimètres de sédiments de la fosse principale et du haut-fond étaient assez élevées (2,17 mg·g-1 et 2,77 mg·g-1 de poids sec, respectivement). Au-dessus de 2 mg·g-1, le gouvernement

ontarien considère que les sédiments sont pollués et qu’ils peuvent avoir des effets néfastes sévères sur certains organismes benthiques (Ministry of the Environment, 1993). Le Québec n’a pas de critères à l’égard des concentrations de phosphore dans les sédiments.

La concentration de phosphore total des sédiments de surface de la fosse principale (2,17 mg·g-1) est

similaire à la concentration moyenne des sept lacs étudiés par Nürnberg (1988) pour élaborer les équations de régression destinées à estimer la charge interne. Ces lacs avaient une concentration moyenne de phosphore total sédimentaire de 1,97 mg·g-1. La concentration des sédiments de la fosse

du lac Nairne se rapproche aussi de la moyenne des concentrations de phosphore total dans les sédiments de 66 lacs du nord-est de l’Amérique du Nord qui était de 2,58 mg·g-1 (minimum 1,33 mg·g-1,

maximum 5,78 mg·g-1) (Ostrofsky, 1987).

La concentration de Fe-P la plus élevée (0,63 mg·g-1) se retrouve dans la couche superficielle (0 –

5 cm) des sédiments de la fosse principale (tableau 3). Cette fraction représente 29% du PT. En comparaison, Nürnberg (1988) avait obtenu une moyenne de 0,30 mg·g-1 et des proportions qui ne

dépassaient pas 20%. Ce Fe-P est sensible aux changements de potentiel d’oxydoréduction. Il est donc le plus susceptible d’intervenir dans la libération de phosphore par les sédiments lors des périodes anoxiques et compose sans doute la majeure partie de la charge interne.

Figure

Figure 1. Localisation du bassin versant et bathymétrie du lac Nairne.
Tableau 2. Équations de régression utilisées pour calculer le taux de libération de phosphore des sédiments du lac  Nairne   Strate de sédiments  utilisée (cm)  Équation  r 2 Numéro  d’équation  0 – 5  TL = -4,18 + 3,77[PT]  0,63  1  0 – 5  TL = -0,58 + 13
Figure 3. Variation de la température de l'eau selon la profondeur et la date d’échantillonnage à la fosse principale en  2010
Figure 5. Variation du pH de l'eau selon la profondeur et la date d’échantillonnage à la fosse principale en 2010
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