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6 Pistes de solution

6.2 Réduction de la charge interne

6.2.1 Intervention sur les sédiments

Il est possible d’intervenir directement sur les sédiments lacustres afin de réduire la quantité de phosphore qui peut être libérée dans l’hypolimnion. Les principales techniques pour y parvenir sont l’inactivation ou le dragage.

6.2.1.1 Inactivation

L’inactivation consiste à empêcher le phosphore contenu dans les sédiments d’être libéré dans l’hypolimnion. Pour ce faire, les sédiments peuvent être recouverts d’une barrière physique comme de l’argile, du sable ou du gravier ou d’une barrière active qui réagira avec le phosphore pour le fixer dans les sédiments. Des agents floculants comme des sels d’alun peuvent aussi être déversés dans le lac pour capter et inactiver le phosphore de la colonne d’eau et des sédiments. Les barrières physiques sont surtout utilisées dans des petits lacs ou des étangs, car l’épaisseur de matériel à étendre (plus de 5 cm) rend l’opération complexe et coûteuse dans les grands lacs (Hickey et Gibbs, 2009). Les barrières actives ont l’avantage d’avoir un effet prolongé alors que l’effet des barrières physiques disparaît lorsqu’elles sont recouvertes de matière organique et de nouveaux sédiments fortement concentrés en phosphore. Si

le taux de sédimentation est élevé, comme c’est le cas depuis 2006 au lac Nairne (Roy, 2012), les matériaux de recouvrement ou les agents floculants seront rapidement recouverts par des nouveaux sédiments et leur effet sera dissipé. Avant d’entreprendre de telles mesures au lac Nairne, il faudrait, entre autres, vérifier si le taux de sédimentation est toujours aussi élevé.

Trois méthodes d’inactivation des sédiments ont été expérimentées sur des petites surfaces isolées de 4 m2 au lac

Saint-Augustin, près de Québec en 2009 (Galvez-Cloutier et al., 2012). L’efficacité d’un agent floculant (sulfate d’aluminium) et d’une barrière active de calcaire a été comparée puis une combinaison des deux méthodes a aussi été analysée. L’agent floculant utilisé seul a fait diminuer de 86% la concentration de phosphore dans la colonne d’eau après le traitement, mais après trois mois, celle-ci était supérieure à la concentration prétraitement, l’efficacité a donc été jugée nulle. L’utilisation du calcaire seul a permis de diminuer la concentration de phosphore de l’eau de 71 % après 3 mois, alors que la combinaison des deux méthodes a permis une réduction de 95 % pour la même période. Il est important de noter qu’une augmentation de la concentration d’aluminium dans les enclos où avaient été utilisés les agents floculants a été observée suite au traitement, mais celle-ci est revenue à la normale après 40 jours. L’utilisation de la barrière active de calcaire seule et sa combinaison avec un agent floculant ont donc donné de très bons résultats à court terme au lac Saint-Augustin. Des études subséquentes devront cependant tester leur efficacité à long terme. Les coûts pour l’utilisation de l’agent floculant combiné à la barrière de calcaire ont été estimés à 9,70 $CAN·m-2 (Galvez-Cloutier et al., 2012). En appliquant cette estimation au lac Nairne, le montant total s’élèverait

à plus de 7 millions de dollars, car la zone anoxique où le relargage de phosphore est le plus susceptible de se produire a une superficie d’environ 761 653 m2.

La méthode d’inactivation du phosphore à l’aide d’alun a été fréquemment utilisée en Europe et aux États-Unis depuis la fin des années 1960. L’alun, additionné à l’eau du lac, permet d’abord de capter le phosphore présent dans la colonne d’eau puis, lorsque déposé au fond, il forme une couche active d’absorption du phosphore dont l’effet peut durer de 5 à 20 ans (Hickey et Gibbs, 2009). Des résultats très satisfaisants en termes de réduction de la charge interne ont souvent été obtenus. Une réduction moyenne de la charge interne de 80 % a notamment été observée dans sept lacs dimictiques américains pour une période moyenne de 13 ans (Welch et Cooke, 1999). L’ajout d’alun peut toutefois entraîner une diminution du pH de l’eau et des réactions inattendues comme des mortalités de poissons (Reitzel et al., 2005; Hickey et Gibbs, 2009; Jensen, 2010). Un bon dosage et beaucoup de prudence sont de mise lorsque cette méthode est utilisée.

6.2.1.2 Dragage

Le dragage consiste à retirer, avec de l’équipement lourd, la couche supérieure de sédiments fortement concentrée en phosphore. L’avantage de cette technique pour le lac Nairne est que la composition des sédiments et l’étendue de l’anoxie sont maintenant connues. Le volume de sédiments à retirer peut donc être estimé. Les informations obtenues

sédiments de la zone qui subit l’anoxie pour retrouver les sédiments qui se sont accumulés avant l’occupation humaine du bassin versant. La superficie maximale atteinte par la couche d’eau anoxique étant de 761 653 m2, le

volume de sédiments à retirer serait de 106 631 m3. Toutefois, l’analyse géochimique des sédiments a démontré que

la concentration de phosphore des sédiments diminue significativement à 4 cm de profondeur (Roy, 2012). Le retrait de cette couche plus mince, qui équivaut à 30 466 m3, pourrait possiblement être satisfaisant. Le coût du dragage

des sédiments par succion a été estimé en 2009 à environ 5 000 $CAN par hectare (Hickey et Gibbs, 2009). Pour la superficie mentionnée ci-haut, le montant serait donc d’environ 380 000 $ pour draguer et disposer adéquatement des sédiments. Cette estimation est tirée d’une étude néo-zélandaise. Dans une étude récente au lac Saint-Augustin, le coût du dragage hydraulique (par succion) avait été estimé à 111 500 $CAN·ha-1 ce qui est nettement plus élevé

(Galvez-Cloutier et al., 2012).

Quatre projets-pilotes de restauration de lacs ont été menés dans le cadre du plan d’intervention sur les algues bleu- vert 2007-2017 du MDDEFP. L’un d’entre eux incluait le dragage des sédiments du lac Waterloo afin de diminuer sa charge interne de phosphore. Un enclos limnologique a été utilisé pour délimiter la zone d’expérimentation. Dans ce cas précis, les résultats n’ont pas été concluants, car le dragage des sédiments n’a pas permis d’observer de diminution de la concentration de phosphore dans la colonne d’eau (MDDEFP, année inconnue). Au lac Saint- Augustin, une diminution de la concentration de phosphore de 88 % a été observée dans la colonne d’eau deux mois après un dragage par succion des sédiments réalisé dans un enclos de 4 m2 (Galvez-Cloutier et al., 2012). Le

dragage a aussi entraîné une certaine diminution de la concentration de phosphore dans des lacs peu profonds des Pays-Bas, mais l’impact de l’intervention tend à s’estomper après quelques années (Søndergaard et al., 2007).

Avant de procéder au dragage des sédiments, il est toutefois incontournable de vérifier si le phosphore libéré par les sédiments est de source ancienne ou récente. C’est-à-dire qu’il faudra déterminer si la charge interne est majoritairement composée de phosphore qui s’est accumulé dans les sédiments depuis plusieurs années et dont la libération relève davantage de facteurs chimiques ou bien, de phosphore accumulé à la surface des sédiments au cours d’une seule saison qui est aussitôt remis en circulation par l’activité biologique. Dans ce dernier cas, le dragage n’apporterait aucun bénéfice. De plus, cette distinction aura des répercussions majeures sur l’approche à adopter pour réduire la charge interne de phosphore du lac Nairne.