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4 Caractérisation et évolution des apports de phosphore

4.2.2 Présentation du modèle utilisé

Les apports en phosphore en provenance du bassin versant du lac Nairne ont été estimés à l’aide d’un modèle explicite d’exportation de phosphore. Le modèle utilisé est le Lakeshore Capacity Model (Dillon

et al., 1986; Paterson et al., 2006) une variante du modèle de Dillon et Rigler (1975). Le modèle Dillon

– Rigler a été développé en Ontario dans les années 1970 dans le but de contrôler l’eutrophisation des lacs de villégiature. Il a permis de mettre en lumière la relation entre l’intensité du développement résidentiel sur les rives et l’eutrophisation des lacs. En effet, des relations quantitatives ont été établies entre le développement de la villégiature et certains paramètres de qualité d’eau dont les concentrations en phosphore et en chlorophylle a et la transparence de l’eau. La reconnaissance du modèle par la communauté internationale a mené le gouvernement ontarien à poursuivre des travaux visant son développement et sa calibration (Hutchinson, 2002). Le résultat de ces travaux est le

Lakeshore Capacity Model (LCM) dont la version la plus récente (version 3.0) a été publiée en 2006

(Paterson et al., 2006). Cette dernière version est le fruit de plus de 20 ans d’ajustements et de calibrations dans des lacs des régions de Muskoka et d’Haliburton dans le centre-sud de l’Ontario.

Le LCM a initialement été élaboré pour planifier le développement des rives et du bassin versant d’un lac sans compromettre sa qualité d’eau et les usages qui y sont reliés. Il revient aux communautés de se fixer des objectifs de qualité d’eau et d’orienter le développement dans l’optique de maintenir la quantité de phosphore exportée par le bassin versant sous la charge admissible. Idéalement, la charge admissible correspond à la capacité de support du lac. C’est-à-dire la quantité de phosphore qui peut atteindre le lac annuellement sans engendrer d’effets indésirables. Selon les critères du Conseil canadien des ministres de l’environnement, la capacité de support correspond à une augmentation de 50 % par rapport à la charge naturelle sans dépasser 10 µg·l-1 si la concentration naturelle est

inférieure à 10 µg·l-1. Lorsque la concentration naturelle est supérieure à 10 µg·l-1, la capacité de

disposition légale obligeant les décideurs à aménager et gérer le territoire en fonction de la capacité de support des lacs (GRIL, 2009).

Le LCM permet de calculer la concentration naturelle de phosphore d’un lac en modélisant les exportations de phosphore du bassin versant à son état naturel. En traduisant chaque unité de développement en termes de masse de phosphore supplémentaire exportée, il devient possible d’élaborer des scénarios de développement qui respecteront la charge admissible et qui ne compromettront donc pas la qualité d’eau du lac.

Lorsqu’utilisé dans une optique de développement, ce modèle impose une grande prudence et un important travail de calibration et de validation des résultats. Cette prudence est nécessaire, car un manque de précision pourrait mener à une sous-estimation des impacts négatifs du développement sur la qualité de l’eau du lac cible. Cette étude vise plutôt à utiliser le LCM dans une optique de restauration, ce qui constitue un aspect novateur dans l’utilisation de ce modèle. En effet, plutôt que de servir à élaborer des scénarios de développement, il est ici utilisé pour quantifier et localiser les sources de phosphore, puis pour élaborer des scénarios de réduction des apports en phosphore. De cette façon, les conséquences sur la qualité de l’eau ne peuvent qu’être bénéfiques. Bien sûr, les résultats de la modélisation doivent tout de même être validés par des vérifications sur le terrain et des études complémentaires avant d’entreprendre des mesures onéreuses de réduction ciblée des apports en phosphore.

4.2.2.1 Justification du choix du modèle

Le LCM a été retenu pour cette étude pour son accessibilité et sa reproductibilité. En effet, les informations requises sont généralement accessibles sans devoir générer trop de dépenses. De plus, il est possible de l’utiliser avec des outils informatiques simples comme un logiciel de cartographie et un tableur. L’information nécessaire au fonctionnement de ce modèle est souvent disponible auprès des municipalités, des MRC ou des organismes de bassin versant (OBV). Il est possible, pour du personnel spécialisé en limnologie ou en hydrologie, d’appliquer et de faire fonctionner ce modèle sans nécessairement posséder d’expertise en informatique.

Le LCM permet de dresser un portrait des principales sources de phosphore sur le bassin versant. En localisant les principaux apports, il devient plus facile de cibler les interventions visant la restauration du lac. Il permet aussi de faire des scénarios de réduction des apports en phosphore et de simuler l’impact de ces réductions sur la concentration en phosphore du lac ainsi que sur certains paramètres de qualité d’eau comme la transparence ou la concentration en chlorophylle a. Ces capacités du

correspondaient aux besoins exprimés par la municipalité de Saint-Aimé-des-Lacs et ont grandement influencé le choix du modèle.

L’utilisation du LCM dans le cadre de ce projet a aussi favorisé une meilleure compréhension de l’évolution des apports en phosphore au lac Nairne. En effet, lorsque des informations historiques sur l’occupation du bassin versant sont disponibles, il devient possible de modéliser les exportations de phosphore antérieures ce qui facilite grandement la compréhension de la problématique actuelle. Cela permet aussi de mesurer l’impact des activités humaines sur un plan d’eau.

Des études antérieures indiquaient que le lac Nairne était possiblement affecté par une importante charge interne de phosphore (Tremblay, 2005). L’avantage du LCM est qu’il permet, suite aux travaux de Nürnberg (1998), d’intégrer la charge interne de phosphore afin d’obtenir une prédiction plus juste de la concentration en phosphore du lac. La charge interne est mesurée séparément (voir chapitre 3) et ajoutée au bilan en tant que source supplémentaire de phosphore.

4.2.2.2 Limites du modèle choisi

Bien qu’il permette d’intégrer la charge interne de phosphore, le LCM ne permet pas de simuler l’évolution temporelle de la charge interne. D’autres modèles beaucoup plus complexes comme LakeMab (Bryhn et Håkanson, 2007), permettent de simuler l’évolution temporelle de la charge interne. Le LCM n’a donc pas permis d’estimer la charge interne passée du lac Nairne.

Le LCM a été minutieusement calibré pour la région du centre-sud de l’Ontario. Il n’a jamais été calibré pour la région de Charlevoix. Cependant, les conditions géomorphologiques et hydrologiques de Charlevoix sont comparables à celles qui prévalent en Ontario puisque les deux régions sont situées sur le Bouclier Canadien. De plus, le modèle a donné des résultats satisfaisants au lac Saint-Charles, dans la région de Québec (APEL, 2009). Certains coefficients d’exportation ont aussi été revus par le MDDEFP afin de les adapter à la situation québécoise.

Les résultats obtenus à l’aide du LCM doivent aussi être validés en comparant la concentration de phosphore prédite avec celle observée dans plusieurs lacs du bassin versant à l’étude. Toutefois, le bassin versant du lac Nairne comporte seulement un autre lac, ce qui rend l’exercice de validation peu significatif. Il est donc préférable d’utiliser le LCM dans des bassins versants comportant plusieurs lacs afin de pouvoir valider adéquatement le modèle.