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4 Caractérisation et évolution des apports de phosphore

4.3.3 Évolution des apports de phosphore au lac Nairne

4.3.3.1 Évolution de la charge externe de phosphore du lac Nairne

Les résultats obtenus par la modélisation des apports de phosphore actuels et passés démontrent que la charge externe de phosphore du lac Nairne a connu une importante diminution au cours des dernières décennies. Entre 1950 et 2010, elle est passée de 782 à 422 kg·année-1. Cette diminution de

la charge externe se traduit par une réduction de la concentration estimée de phosphore total qui est passée de 25 µg·L-1 à 14 µg·L-1 (figure 10). Malgré cette diminution, la masse de phosphore exportée

en 2010 est encore bien au-dessus de la masse de phosphore produite naturellement par le bassin versant qui est de 142 kg. L’évolution de l’occupation du sol du bassin versant présentée à la figure 11 et détaillée dans les sections suivantes, permet de cerner les causes possibles de la diminution de la charge externe de phosphore du lac Nairne.

Figure 10. Évolution de la concentration de phosphore total au lac Nairne entre 1950 et 2010 selon les résultats obtenus par la modélisation.

1950 1964

1980 2010

Figure 11. Portrait de l'occupation du sol du bassin versant du lac Nairne pour les quatre années étudiées. Source des fonds de carte : Base de données topographiques du Québec (MRNF), MDDEFP

4.3.3.2 Portrait du bassin versant en 1950

Des quatre années analysées, 1950 est la seule pour laquelle l’agriculture dominait le paysage du bassin versant. En effet, 42 % du territoire était alors occupé par les terres agricoles alors que la forêt en occupait 36 %. La présence de friches agricoles en 1950 (3 % du territoire) indique que l’agriculture avait déjà occupé une place plus importante ce qui correspond aux informations historiques qui révélaient que l’apogée de l’agriculture dans cette région avait été atteint vers 1930-1940 (Perron, 2002). À cette époque, seulement 64 résidences se trouvaient à 300 m ou moins du réseau hydrographique. Les portions sud et est des rives du lac Nairne n’étaient pas encore fréquentées par les villégiateurs, mais dans ces secteurs les terres agricoles s’étendaient jusqu’au lac (figure 11). Le

déboisement dû aux coupes forestières occupait aussi une importante superficie avec 8 % du territoire. Selon la modélisation effectuée, la charge externe du lac Nairne en 1950 était de 322 mg·m-2·année-1

ce qui représente une masse de phosphore exportée vers le lac de 782 kg. L’estimation de la concentration de phosphore total est de 25 µg·L-1. Quatre-vingt-quatre pourcent des apports totaux,

soient 654 kg provenaient des activités agricoles.

Pour la période étudiée, l’année 1950 correspond définitivement au maximum d’exploitation du bassin versant. Ce niveau intense d’activité dans le bassin versant se répercute inévitablement sur la quantité de phosphore transportée vers le lac Nairne annuellement et, par le fait même, sur la concentration de phosphore total estimée.

4.3.3.3 Portrait du bassin versant en 1964

Entre 1950 et 1964, le pourcentage de la superficie du bassin versant couverte par les activités agricoles est passé de 42 à 34 %. Une partie des terres agricoles a laissé place à des friches puis à de jeunes forêts. Le pourcentage de territoire affecté par des coupes forestières est passé de 8 % à 1 %. C’est autour de cette période que les villégiateurs ont commencé à occuper les secteurs est et sud du lac Nairne qui n’étaient pas habités en 1950. Certains se sont aussi installés sur la rive est du lac Brûlé (figure 11). Le nombre d’habitations à 300 m ou moins du réseau hydrographique est passé de 64 à 163 ce qui a eu pour conséquence de doubler les apports en phosphore de source résidentielle qui sont passés de 13 à 26 kg (4 % des apports totaux). L’estimation de la charge externe de phosphore en 1964 était de 268 mg·m-2·année-1. La masse de phosphore qui atteignait le lac Nairne en 1964 a été

estimée à 652 kg ce qui correspond à une concentration de phosphore total de 20 µg·L-1. C’est une

réduction importante comparativement à 1950 qui s’explique majoritairement par la diminution de la superficie occupée par les terres agricoles. En 1964, le phosphore provenant de l’agriculture représentait tout de même 79 % des apports totaux.

4.3.3.4 Portrait du bassin versant en 1980

C’est entre 1964 et 1980 qu’a été observée la plus importante diminution de la superficie occupée par les activités agricoles dans le bassin versant du lac Nairne (figure 11). En 16 ans, 45% des terres agricoles ont été abandonnées ou converties à d’autres usages comme la foresterie. La superficie agricole est passée de 963 hectares en 1964 à 530 hectares en 1980. En contre partie, la superficie occupée par les friches et les forêts a augmenté. Ce changement majeur dans l’occupation du territoire a fait chuter la concentration de phosphore total estimée par la modélisation. De 20 µg·L-1 en 1964, elle

est passée à 14 µg·L-1 en 1980. Cette concentration correspond à une charge externe de 190

mg·m-2·année-1 et à une masse de phosphore de 462 kg qui atteignait le lac annuellement. Malgré le

agricoles généraient 62 % des apports de phosphore total vers le lac Nairne. Un autre changement significatif entre 1964 et 1980 est la densification de l’occupation des rives du lac Nairne. Le nombre de résidences autour du lac et à moins de 300 mètres du réseau hydrographique est passé de 163 à 285 et le phosphore de source résidentielle atteignant le lac Nairne représentait alors 8 % des apports totaux comparativement à 4% en 1964.

4.3.3.5 Portrait du bassin versant en 2010

En 2010, la forêt dominait nettement le paysage du bassin versant du lac Nairne. Celle-ci recouvrait 64 % du territoire alors que les terres en culture ne représentaient plus que 14 %, le plus bas niveau pour la période étudiée. Les friches, qui avaient atteint un sommet en 1980, ont laissé place à la forêt. La densification de l’occupation des rives du lac Nairne s’est poursuivie et 339 résidences étaient alors localisées à moins de 300 m du réseau hydrographique. Les estimations de la charge externe (174 mg·m-2·année-1) et, par le fait même, de la masse de phosphore exportée annuellement par le

bassin versant (422 kg) ont légèrement diminué. Le phosphore généré par les activités agricoles représentait 53 % de cette masse alors que celui provenant des résidences représentait 10 %. La concentration estimée par la modélisation n’a pas été affectée par cette légère diminution et est demeurée à 14 µg·L-1 en 2010.

4.3.3.6 Synthèse 1950-2010

Les informations sur l’évolution des apports externes en phosphore au lac Nairne sont synthétisées au tableau 12. Entre 1950 et 2010, le nombre de résidences à moins de 300 m du réseau hydrographique est passé de 64 à 339. Malgré cette importante augmentation, la masse de phosphore exportée vers le lac a diminué de 54 %. Pour la même période, la superficie occupée par les activités agricoles est passée de 12 km2 en 1950 à 4 km2 en 2010 alors que la superficie forestière a augmenté pour passer

de 10 à 18 km2.

Après l’apogée de l’agriculture vers 1930-1940, l’abandon progressif des terres a favorisé le retour de la forêt. Les « terres de roches » entourant le lac Nairne étant peu productives, plusieurs agriculteurs ont délaissé l’agriculture pour se consacrer à d’autres activités comme la foresterie. Le contexte économique imposant des pressions grandissantes en matière de productivité et de mécanisation a aussi joué un rôle majeur dans le déclin de l’agriculture dans l’arrière-pays charlevoisien (Perron, 2002; Société d’histoire de Charlevoix, 1998).

Pendant que l’agriculture déclinait dans le bassin versant du lac Nairne, la villégiature prenait de l’expansion. En effet, comme le démontre l’augmentation significative du nombre de résidences en

bordure du lac, c’est entre 1950 et 1980 qu’a eu lieu la plus importante vague d’arrivée de villégiateurs au lac Nairne (Société d’histoire de Charlevoix, 2005).

Cette évolution des modes d’occupation du territoire a entraîné des modifications dans la quantité de phosphore atteignant annuellement le lac. Les résultats démontrent que la diminution des apports d’origine agricole a eu un impact beaucoup plus grand sur l’évolution de la concentration de phosphore du lac que l’augmentation du nombre de résidences.

Tableau 12. Évolution des apports externes en phosphore au lac Nairne de 1950 à 2010 selon certains paramètres

Paramètre 1950 1964 1980 2010

Superficie occupée par la forêt (%) 36 44 51 64

Superficie occupée par l’agriculture (%) 42 34 18 14

Superficie occupée par les friches (%) 3 9 17 4

Superficie occupée par la coupe forestière (%) 8 1 0 3

Nombre de résidences à moins de 300 m du réseau hydrographique (n) 64 163 285 339

Charge externe de phosphore (mg·m-2·année-1) 322 268 190 174

Masse de phosphore total exportée par le bassin versant (kg·année-1) 782 652 462 422

Masse de phosphore de source agricole (kg·année-1) 654 513 286 223

Masse de phosphore de source résidentielle (kg·année-1) 13 26 38 44

Concentration de phosphore total estimée (µg·L-1) 25 20 14 14