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L'apprentissage par problème basé sur des questions socialement vives au primaire

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Academic year: 2021

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L'apprentissage par problème basé sur des questions

socialement vives au primaire

Mémoire

Justine Dion-Routhier

Maîtrise en psychopédagogie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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L’apprentissage par problème basé sur des questions

socialement vives au primaire

Mémoire

Justine Dion-Routhier

Sous la direction de :

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Résumé

Au 21e siècle, la société fait face à des transformations importantes, notamment liées aux exigences

de l’ère numérique (Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2016) et à l’accessibilité à l’information (Bollington, 2015). Ceux-ci représentent un défi de taille pour les systèmes d’éducation partout à travers le monde (Hoechsmann et DeWaard, 2015) et imposent des changements prépondérants du point de vue de l’éducation (Mayes & al., 2014). L’école doit occuper un rôle central et s’ajuster aux changements qui s’opèrent dans le monde actuel afin que les élèves développent des compétences qui leur permettront d’être des citoyens actifs et impliqués (Albe, 2009). Dewey (1910/2004) insiste sur les bénéfices de l’apprentissage par problème où les élèves doivent être engagés (Veletsianos & Doering, 2010) et se familiariser avec les enjeux sociétaux auxquels ils seront confrontés. À cet égard, cette étude vise à documenter une démarche d’apprentissage par problème (APP) où une question socialement vive (QSV) est exploitée avec des élèves du primaire afin de comprendre leur processus d’enquête, la construction de leur compréhension d’un problème complexe et les apprentissages sous-jacents. Dans une approche d’étude de cas, les discussions de groupes d’une classe de 4e année du primaire impliquée dans une telle démarche ont été analysées afin de

reconstruire la chronologie de leur expérience et d’identifier les phases de la pensée réflexive (Dewey, 1910/2004). À la lumière de leurs discours collectifs, il est possible de constater qu’à partir d’un questionnement initial, les élèves problématisent et, lors d’allers-retours entre les différentes phases de l’enquête, leur pensée réflexive se complexifie. Le questionnement lui-même tend à évoluer au fil de l’enquête et de nouveaux segments peuvent émerger. En somme, les itérations entre les phases et les enquêtes permettent une problématisation qui tend à l’affiliation de leur compréhension, à la construction de leurs connaissances, et donc, à l’apprentissage.

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Table des matières

Résumé ... III Table des matières ... IV Liste des tableaux ... VI Liste des figures ... VII Remerciements ... VIII

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 2

1.1 Problématique sociale ... 2

1.2 Problématique scientifique ... 9

1.2.1 La démarche d’apprentissage par problème ... 11

1.2.2 Les questions socialement vives ... 16

Chapitre 2 : Cadre théorique ... 21

2.1 La doctrine pédagogique de John Dewey ... 21

2.2 L’éducation progressive : processus individuel et social ... 21

2.3 L’idée de croissance ... 23

2.4 La théorie de l’expérience ... 23

2.4.1 Initiation à la vie démocratique ... 25

2.5 La théorie de l’enquête de John Dewey ... 27

2.5.1 L’enquête ... 27

2.5.2 Les types d’enquêtes ... 30

2.5.3 Le schème de l’enquête ... 32

2.5.4 La logique ... 38

Chapitre 3 : Méthodologie ... 41

3.1 Posture épistémologique ... 41

3.2 Approche de recherche ... 41

3.3 Contexte de l’étude – participants ... 41

3.2 Déroulement – Devis – Chronologie ... 42

3.3 Instrumentalisation – Les outils de collectes de données ... 48

3.4 L’analyse des données ... 49

3.5 Critères de scientificité et démarches mises en œuvre en vue de les respecter ... 52

Chapitre 4 : Article ... 53

Résumé ... 53

Problématique ... 54

Contexte et problématique sociale ... 54

Problématique scientifique ... 54

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Objectif et questions de recherche ... 58

Approche méthodologique ... 58

Posture épistémologique ... 58

Approche de recherche ... 58

Contexte de l’étude – participants ... 59

Éthique de recherche ... 59

Méthode de recueil de données et déroulement ... 60

Méthode d’analyse de données et déroulement ... 61

Critères de scientificité et démarches mises en œuvre en vue de les respecter ... 63

Résultats ... 63

Démarche générale d’enquêtes ... 64

Enquête 3 (E3) ... 72

Enquête 4 (E4) ... 75

Discussion ... 78

Retombées ... 78

Limites et pistes de recherches futures ... 79

Conclusion ... 80

Bibliographie ... 82

Chapitre 5 : Discussion générale ... 85

5.1 Retombées ... 85

5.2 Limites et pistes de recherches futures ... 89

Conclusion ... 92

Références ... 94

Annexe 1 : Schématisation de la doctrine pédagogique de Dewey ... 102

Annexe 2 : Glossaire ... 103

Annexe 3 : Schématisation de l’enquête de John Dewey ... 105

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Liste des tableaux

Tableau 2.1. L'enquête du sens commun par rapport à l'enquête scientifique (Deledalle,

1967) ... 31

Tableau 3.1. Synthèse des connaissances sur les ours polaires ... 47 Tableau 3.2 . Synthèse des données collectées ... 49 Tableau 3.3. Les traits généraux de résolution de problème et de réflexivité (Dewey,

1910/2004; 1916/1990) ... 50

Tableau 4.1. Synthèse des données collectées ... 61 Tableau 4.2. Les traits généraux de résolution de problème et de réflexivité (Dewey,

1910/2004; 1916/1990) ... 62

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Liste des figures

Figure 1.1. Cycle de construction d’une démarche de APP (Hmelo-Silver, 2004) ... 11

Figure 2.1. L’évolution des comportements biologiques ... 28

Figure 2.2. Les phases du schème de l’enquête ... 33

Figure 2.3. Processus de mise à l’épreuve des idées ... 36

Figure 2.4. La structure du jugement ... 37

Figure 3.1. Compréhension collective de la QSV des ours polaires ... 44

Figure 3.2. Discours collectif des élèves à propos de la QSV sur le KF ... 45

Figure 3.3. Discours individuel sur le KF ... 46

Figure 3.4. Les traits généraux de résolution de problème et de réflexivité (Dewey, 1910/2004; 1916/1990) ... 51

Figure 4.1. La théorie de l’enquête (Dewey, 1910/2004; 1916/1990) ... 56

Figure 4.2. Les phases du schème de l’enquête ... 57

Figure 4.3. Évolution de la démarche d’enquête ... 65

Figure 4.4. Évolution des enquêtes dans le temps ... 67

Figure 4.5. Mobilisation des phases de l’enquête dans le temps ... 69

Figure 4.6. Mobilisation des phases de l’E3 dans le temps ... 72

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Remerciements

« Il faut tendre vers l’impossible : les grands exploits à travers l’histoire ont été la conquête de ce qui semblait impossible. » — Charlie Chaplin

L’aboutissement de ce mémoire est pour moi l’accomplissement de quelque chose qui semblait impossible. Cette réalisation serait restée dans le domaine de l’impossible sans l’appui de nombreuses personnes. D’abord, je ne peux passer sous silence l’implication de ma directrice de recherche, madame Christine Hamel, qui, au courant des trois dernières années, m’a épaulée bien au-delà du rôle d’encadrement prescrit. Merci, Christine, d’avoir vu en moi un potentiel dès la fin du baccalauréat, de m’avoir accompagnée et encouragée dans chacune des étapes de mon parcours scolaire, comme de mon insertion professionnelle et d’avoir su me rassurer dans les moments de doute. Tu es une personne d’exception et une directrice de recherche en or. Merci sincèrement.

Ensuite, merci à monsieur Serge Desgagné qui m’a accompagné dans l’appropriation de l’enquête de John Dewey. Merci pour votre bienveillance, pour ces discussions qui m’amenaient toujours plus loin et pour vos commentaires éclairés.

Finalement, la réalisation de ce mémoire n’aurait pu être possible sans le support inconditionnel de ma famille. • Merci à mes parents d’avoir cultivé et encouragé ma curiosité et mon désir de toujours amener les choses plus loin. Merci d’avoir été des modèles et d’avoir compris, sans que j’aie à expliquer, les étapes par lesquelles je passais.

• Merci à ma petite sœur pour son oreille attentive et son appui inégalable. Merci de croire en moi et de m’amener à considérer que je peux tout accomplir.

• Merci à la grosse équipe, qui m’a supportée et encouragée tout au long du parcours. Merci de m’avoir écoutée penser, conceptualiser, douter et de m’avoir soutenue quand le découragement se pointait le bout du nez.

• Merci à ma sœur et mon frère, d’avoir souligné la fin de cette grande étape autour des joies du Portugal. • Une mention spéciale à ma mère qui a pris le temps de relire l’entièreté de mon travail. Merci pour ta

disponibilité et tes commentaires constructifs qui ont participé à la qualité de ce mémoire. Une chance qu’on s’a!

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Avant-propos

Ce mémoire est réalisé par insertion d’article. Il contient l’article La problématisation d’élèves du

primaire impliqués dans une démarche d’apprentissage par problème basée sur une question socialement vive.

La première auteure (Justine Dion-Routhier) est également l’auteure de ce mémoire. La seconde auteure (Christine Hamel) est la directrice de recherche ayant supervisé la rédaction de celui-ci. L’auteure principale a mené de façon autonome cette recherche ainsi que l’écriture de ce mémoire et de cet article. Parallèlement, la coauteure a supervisé l’ensemble du processus, plus particulièrement la méthodologie et les résultats de la recherche et de l’article sous-jacent. À cet égard, l’ordre des auteures a été établi selon leur contribution.

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Introduction

L’enseignement primaire a toujours été pour moi un sujet d’intérêt marqué. J’ai gradué du BÉPEP en 2015, avec un curriculum caché : former la conscience sociale des citoyens de demain en leur permettant de faire des apprentissages significatifs. Au fil de mon expérience d’insertion professionnelle, j’étais confrontée à des approches pédagogiques où, à mon point de vue, les retombées à long terme pour les élèves étaient peu probantes. J’étais préoccupée par l’engagement de ces derniers dans leur processus d’apprentissage et par la façon de les amener à s’impliquer dans la société à laquelle ils appartiennent.

À cet égard, je me suis intéressée à l’apprentissage par problème (APP), une approche pédagogique où un processus d’enquête s’articule autour d’un problème authentique (Hmelo-Silver, 2004; Inel & Balim, 2010; Walker & al., 2011) en permettant aux élèves d’être au centre du processus d’apprentissage (Edwards & Hammer, 2006; Huang, Liu & Chang, 2012; Walker & al., 2011) et de collaborer avec leurs pairs afin de résoudre le problème analysé. Cette démarche répondait à plusieurs de mes préoccupations de départ en ce qui a trait à leur engagement dans la démarche et aux apprentissages en contexte, mais le volet de l’implication citoyenne restait tout de même ignoré. Au fil de mes lectures, mon attention s’est dirigée vers l’intégration de questions socialement vives (QSV), c’est-à-dire des enjeux « politiquement sensibles et intellectuellement complexes » (Tutiaux-Guillon, 2006) qui suscitent des divergences de valeurs, d’intérêts et d’opinions (Albe, 2009), comme point de départ d’une démarche d’apprentissage par problème.

Ainsi, par cette recherche, je souhaite documenter une démarche d’apprentissage par problème (APP) où une question socialement vive (QSV) est exploitée dans une classe du primaire afin de comprendre davantage comment les élèves apprennent à travers ce processus d’enquête. Je souhaite également illustrer leur potentialité à problématiser et à conceptualiser des enjeux épineux de la société ainsi qu’à s’impliquer et se positionner dans la communauté dont ils font partie à part entière plutôt que d’agir comme spectateur.

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Chapitre 1 : Problématique

1.1 Problématique sociale

Au 21e siècle, la société fait face à des transformations économiques et sociales prépondérantes, qui

sont notamment dues à l’émergence et à l’accélération de l’ère numérique (Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2016). Ces changements teintent les attentes et exigences de la collectivité quant aux travailleurs et, par le fait même, aux institutions responsables de leur éducation. L’Organisme de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) présente d’ailleurs le rôle des écoles comme fondamental dans l’adaptation des sociétés à ces changements communautaires, économiques et culturels, puisque 60 % des métiers et des emplois qui seront opérés au courant des deux prochaines décennies ne sont pas encore connus (Medel-Añonuevo, Ohsako & Mauch, 2001). L’école fait donc face à de nouveaux défis et doit s’ajuster afin que les apprenants développent de nouvelles aptitudes et habiletés qui leur permettront de contribuer à la société. Celles-ci sont généralement connues sous le nom de compétences du 21e siècle (Ananiadou & Claro, 2009), même

si plusieurs autres appellations existent pour qualifier les compétences attendues.

Dans les compétences jugées comme essentielles au 21e siècle, Ouellet et Hart (2013) mentionnent

que l’OCDE, l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la science et la culture (UNESCO) et l’Union européenne font consensus pour signifier qu’entre autres la collaboration, la communication, les compétences liées aux technologies de l’information et des communications (TIC), les habiletés sociales, culturelles et citoyennetés doivent être développées. Il est intéressant de constater que ces dernières sont toutes transversales et multidimensionnelles puisqu’elles englobent savoirs, savoir-faire et savoir-être. C’est d’ailleurs la nature propre de la définition du concept de compétence qui « ne renvoie pas uniquement aux savoirs [connaissances] et savoir-faire [habiletés], il implique aussi la capacité à répondre à des exigences complexes et à pouvoir mobiliser et exploiter des ressources psychosociales (dont des savoir-faire et des attitudes) dans un contexte particulier » (OCDE, 2005, p.6). Ainsi, les compétences du 21e siècle représentent la capacité d’exploiter diverses habiletés pour

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Bien que les préoccupations concernant le développement des compétences des apprenants ne soient pas nouvelles, les exigences de l’ère numérique, notamment en lien avec l’accessibilité à l’information (Bollington, 2015), représentent un défi de taille pour les systèmes d’éducation partout à travers le monde (Hoechsmann et DeWaard, 2015). L’école occupe un rôle central et doit s’ajuster aux changements qui s’opèrent dans le monde actuel. L’UNESCO (2011) mentionne d’ailleurs que les enseignants doivent non seulement outiller les élèves dans les diverses compétences du 21e

siècle, mais celles-ci doivent être développées dans l’optique de les amener à prendre part à la société et, de ce fait, à devenir les citoyens de demain. À cet égard, dans le document Stratégie de

l’UNESCO en éducation 2014-2021, des objectifs sont ciblés afin de « promouvoir des valeurs, des

attitudes et des comportements qui donnent aux apprenants les moyens de devenir les acteurs proactifs d’une société plus juste, plus égale, plus pacifique et plus durable » (UNESCO, 2014, p. 32).

Premièrement, le développement des systèmes d’éducation favorisant un apprentissage pour tous et tout au long de la vie est défini comme cible (UNESCO, 2014). Le concept d’apprentissage tout au long de la vie désigne un accès universel à une variété de situations où les savoirs, savoir-faire ou savoir-être peuvent être améliorés. Il ne s’agit pas d’un aspect isolé de l’éducation, mais bien un jalon central de celui-ci (Alheit & Dausien, 2005). En ce sens, l’apprentissage n’est plus seulement restreint au contexte scolaire, mais s’étend également aux situations quotidiennes. Qui plus est, le développement de réflexes et de comportements d’apprentissage continu chez les élèves est préconisé « afin que chaque citoyen puisse accéder aux ressources et soutien nécessaires pour acquérir les connaissances et les compétences dont il [aura] besoin » (OCDE, 2012, p.8). Plusieurs facteurs socioéconomiques justifient la pertinence de mettre au premier plan les apprentissages tout au long de la vie, notamment la baisse démographique en occident, l’émergence du pluralisme et multiculturalisme, l’influence du numérique dans le développement des modes d’apprentissage, la demande croissante d’une main-d’œuvre qualifiée et en développement continu (Landry, 2016).

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Deuxièmement, l’UNESCO (2014) vise à outiller les apprenants pour devenir des citoyens du monde créatifs et responsables en « [promouvant] l’idée qu’“apprendre à vivre ensemble” [doit être] un pilier majeur de tout système éducatif » (UNESCO, 2014, p.49). Cette optique de préparation des apprenants à participer aux débats de société et à s’impliquer dans les prises de décision nécessite une évaluation des situations d’apprentissage proposées dans les écoles afin que les élèves y soient confrontés et, qu’ils développent des stratégies afin de traiter de leur complexité (Morin, Cancian & Sarda, 2014). Le développement de la pensée critique et, en ce sens, de toutes les compétences jugées comme essentielles au 21e siècle (Ouellet & Hart, 2013), doivent être au cœur de cette

démarche.

De ce point de vue, pour que les systèmes d’éducation puissent répondre à ces objectifs, les établissements scolaires doivent s’ajuster et changer de paradigme afin de cibler davantage les découvertes et les compétences (UNESCO, 2014) afin d’amener les élèves à développer des outils qu’ils pourront réinvestir dans les situations futures. L’accent doit donc être mis sur les apprentissages contextualisés et continus, puisqu’aujourd’hui, l’accessibilité à l’information, notamment via internet, fait qu’il n’est plus question de livrer un savoir, mais d’insister sur le développement des opportunités d’apprentissages favorisant l’engagement et la participation des élèves (Veletsianos & Doering, 2010). Ainsi, ces approches pédagogiques, où l’enseignant est au centre de la démarche d’apprentissage, doivent être abandonnées (Inel & Balim, 2010) pour briser l’écart prépondérant entre la théorie et la pratique, mais aussi entre la vie réelle et la vie scolaire.

Cela dit, ces cibles cadrent avec les visées du curriculum d’éducation primaire québécois (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2001). D’une part, il est intéressant de constater que le programme de formation de l’école québécoise – PFEQ – a été conçu dans l’optique de « préparer les citoyens de demain à mieux relever les défis auxquels ils devront faire face, celui d’une collectivité pluraliste où chacun a sa place, celui de l’accessibilité à un marché du savoir en perpétuel changement et celui de la globalisation des économies » (MELS, 2001, p. 2). Développé en fonction

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ensemble et Qualifier selon des voies diverses » (MELS, 2001, p. 3). Essentiellement, le PFEQ reconnait l’influence considérable que l’école peut avoir sur les apprenants dès leur plus jeune âge. Elle jalonne leur initiation aux rudiments des savoirs – lire, écrire et compter –, au développement d’habiletés diverses et aux normes de la vie en communauté. De ce fait, le milieu de vie que sont l’école et la classe elle-même représente une microsociété avec des règles à suivre où les élèves apprennent nécessairement certains principes élémentaires de la vie en société.

D’autre part, pour préparer les apprenants à participer à la collectivité, le PFEQ a été construit selon une approche par compétences. Dans chacun des domaines d’apprentissage, trois compétences sont ciblées et doivent être développées chez les élèves lors de leur parcours élémentaire. « L’idée de compétence dénote le souci d’initier dès l’école le développement d’habiletés complexes qui seront essentielles à l’adaptation ultérieure de l’individu à un environnement changeant. » (MELS, 2001, p. 4) Ainsi, bien que les élèves apprennent des savoirs formels, le programme vise plutôt à ce qu’ils développent des compétences qui leur seront utiles dans une société dont l’évolution est fulgurante.

À cet égard, il est pertinent de se questionner quant aux approches pédagogiques à privilégier en considérant que la société et le curriculum de l’école québécoise ont comme but conjoint de former les citoyens de la société moderne. De quelle façon est-ce que les élèves peuvent forger leurs compétences, dites essentielles à notre époque pour satisfaire les demandes de la collectivité? Comment apprennent-ils? Quelles méthodes pédagogiques favorisent des apprentissages signifiants qu’ils pourront réinvestir tout au long de leur vie? Plusieurs facteurs doivent être pris en considération pour répondre à ces interrogations : l’enfant lui-même, la communauté d’apprentissage, la classe, l’école, les ressources, les valeurs et les croyances.

À la lumière de ce qui précède, il est clair que l’ère de la mémorisation de la matière devrait ainsi laisser place à un processus de réflexion (Engel, 1997) où les élèves recherchent, explorent, développent leur pensée critique et leur créativité, analysent et participent activement (Inel & Balim,

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2010), puisque c’est lorsque les contraintes, les buts et les contextes sociaux sont négociés que la compréhension des enjeux complexes se forge (Wiggins & McTighe, 1998). Dewey (1910/2004; 1916/1990), Vygotsky (1978) et Bruner (1986) insistent sur les bénéfices liés à l’apprentissage à travers des problèmes authentiques où les élèves apprennent à travers une expérience (Veletsianos & Doering, 2010). Ainsi, la pédagogie de l’apprentissage par problème (APP), aussi connue sous le nom de Problem-based learning semble offrir l’opportunité de palier l’écart entre la théorie et la pratique (Edwards & Hammer, 2006) et, par le fait même, d’amener les élèves à apprendre en étant au cœur de l’action.

L’approche pédagogique d’APP a d’abord été introduite à la faculté de médecine de l’Université McMaster à Hamilton en Ontario en 1958 (Jerzembek & Murphy, 2013). Basé sur l’apprentissage actif en sous-groupes et sur l’utilisation de problèmes cliniques, l’objectif était d’intégrer des expériences réalistes dans la classe (Araz & Sungur, 2007) pour former adéquatement les médecins et éventuellement les infirmières également. Par la suite, cette pratique s’est propagée dans maints autres domaines – droit, économie, ingénierie, architecture, comptabilité, etc. (Hansen, 2006).

Cette approche pédagogique, inspirée du courant socioconstructiviste, crée un environnement d’apprentissage où les participants s’engagent activement dans le processus d’apprentissages, et ce, à travers une démarche d’enquête. Les participants s’appuient sur leurs conceptions initiales afin d’accéder à de nouvelles connaissances (Inel & Balim, 2010). Cette pratique s’inscrit ainsi dans la méthode du Learning by doing de John Dewey (1916/1990) considérant que c’est de l’expérience pratique, des actions des apprenants, que découlent leurs apprentissages (Jerzembek & Murphy, 2013). Ainsi, à travers cette méthode, les étudiants ont l’opportunité d’apprendre en faisant plutôt qu’en observant (Lin, 2015).

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lorsqu’ils sont au cœur de l’activité, qu’ils expérimentent et qu’ils interagissent, les élèves tendent à construire leurs connaissances et leurs compétences plus significativement que s’ils reçoivent passivement l’information, peu importe que cette dernière soit transmise à travers un livre ou un enseignant. Deuxièmement, les apprentissages doivent être faits dans un contexte réel et authentique. Une telle approche permet aux élèves, d’une part, de constater l’utilité et la valeur de ce qu’ils font et, d’autre part, de généraliser leurs apprentissages à d’autres situations potentielles. L’intérêt des élèves est également maintenu puisque ces derniers réalisent la plus-value des habiletés et connaissances qu’ils développent (Center for Teaching and Learning, 2001). Troisièmement, les élèves doivent être placés dans un contexte d’interaction sociale pour accomplir les diverses tâches. La place des échanges dans une telle pédagogie n’est pas à négliger considérant qu’en débattant, négociant et échangeant différentes idées et vues sur un problème, les élèves développent une compréhension des assises du problème lui-même (Blumenfeld, Marx, Krajcik, & Soloway, 1996). Quatrièmement, les apprenants doivent utiliser et, par le fait même, développer des outils cognitifs, c’est-à-dire, des habiletés de recherche, de lecture des différentes figures – tableaux, graphiques, etc. –, d’utilisation des TIC, etc. Dans un contexte de résolution de problèmes, ces outils sont nécessaires, voire essentiels au succès de la tâche.

Ces quatre principes fondamentaux exigent que les élèves mettent à profit des compétences clés qui pourront nécessairement être réinvesties dans d’autres situations, puisque celles-ci proviennent de contextes authentiques et réels. Elles réfèrent également aux habiletés qui sont mises en pratique tout au long de la vie, et ce, peu importe le contexte (Ananiadou & Claro, 2009). De plus, ces compétences requièrent que les élèves prennent une place prépondérante dans la communauté d’apprentissage à laquelle ils appartiennent pour être les acteurs centraux de leurs apprentissages. À cet égard, il est intéressant de constater que dans la liste des six habiletés à développer chez les apprenants au 21e siècle – pensée critique, résolution de problème, communication, collaboration,

pensée créative, imagination, éducation sociale et citoyenneté – proposée par Fullan (2013), la

majorité est au cœur de l’approche pédagogique d’APP (Jarvis, 2016). Ainsi, cette démarche est adaptée pour que les participants explorent les besoins et caractéristiques de la société au-delà des murs de la classe (Ernst-Slavit & Slavit, 2007), ce qui semble répondre aux changements attendus dans la sphère de l’éducation.

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Un aspect reste toutefois ombrageux. Les établissements scolaires pourront amener les élèves à développer des compétences jugées comme essentielles au 21e siècle pour qu’ils soient des

travailleurs chevronnés, cependant, celles-ci ne les amèneront pas à coup sûr à être des citoyens engagés et concernés par les débats de société (Rogoff, 1990). Or, comme prescrit dans le PFEQ, l’école aller au-delà du développement de compétence en participant, dans la préparation d’élèves, à faire face à des débats de société épineux et cruciaux. Les pratiques pédagogiques préconisées doivent être ajustées et repensées. À cet égard, considérant que Blumenfeld, Kempler, Krajcik et Blumenfeld (2006) mentionnent que l’authenticité des tâches, qui est d’ailleurs un des principes fondamentaux du APP, permet aux apprenants de faire des connexions avec le monde réel et leur quotidien, il est pertinent que les élèves travaillent et analysent des sujets d’actualité, des questions socialement vives (QSV). L’utilisation de ces dernières est faite dans une optique d’éducation citoyenne et amène nécessairement un changement du point de vue de la rhétorique scolaire (Albe, 2009, p. 127), puisqu’elles sont rarement exploitées à l’école élémentaire (Bolgatz, 2006), notamment parce qu’elles sont considérées comme trop complexes pour que les élèves saisissent adéquatement l’essence et les subtilités de ces dernières. Une initiation précoce à ces thématiques d’actualité pourrait avoir une influence sur les adultes de demain, à tout le moins sur les élèves de l’élémentaire. L’école a le devoir « d’entrainer les élèves à développer un esprit critique envers des informations et des discours contradictoires, puis à se forger eux-mêmes une opinion, personnelle, mais raisonnée, soutenue par une argumentation et des valeurs éthiques valides » (Cavet, 2007). Ainsi, les élèves seraient plus rapidement impliqués dans la communauté dont ils font également partie à part entière plutôt que d’agir en spectateur.

À la lumière de ce qui précède : quels seraient les effets de la pédagogie du APP basée sur des QSV auprès d’élèves du primaire?

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1.2 Problématique scientifique

Dans la littérature, diverses définitions de l’apprentissage par problème sont proposées pour l’ensemble des niveaux scolaires. Ces dernières semblent faire consensus quant à trois éléments-clés décortiquant cette pratique. Premièrement, les recherches s’entendent pour dire que le point de départ de l’apprentissage par problème est de confronter les apprenants à un problème ou une situation authentique – c’est-à-dire que les apprenants pourraient vraisemblablement faire face à

celui-ci comme futur professionnel (Lin, 2015), voire plus tard dans leur cheminement scolaire – que

ces derniers devront analyser et élucider (Hmelo-Silver, 2004; Inel & Balim, 2010; Walker & al., 2011). C’est à travers cette exploration que les apprenants mobilisent de nouvelles connaissances, développent différentes habiletés (Engel, 1997) et utilisent la théorie pour éclairer leurs actions. Deuxièmement, l’APP incite les élèves à être au centre du processus d’apprentissage (Edwards & Hammer, 2006; Walker & al., 2011; Huang, Liu & Chang, 2012;). Dans cette démarche d’enquête, ce sont les apprenants qui prennent les décisions, posent les questions, mobilisent les ressources, choisissent l’orientation à prendre pour répondre au problème proposé et développent une compréhension des aspects théoriques et pratiques liés à la situation (Edwards & Hammer, 2006). Évidemment, une telle approche incite les apprenants à prendre une grande responsabilité quant à leurs apprentissages, et ce, de façon individuelle et collective (Inel & Balim, 2010). Troisièmement, la démarche d’enquête proposée dans le APP exige que les participants travaillent en équipe afin de nourrir la réflexion quant au problème authentique analysé (Araz & Sungur, 2007; Veletsianos & Doering, 2010; Walker & al., 2011). C’est en collaborant et en négociant avec leurs pairs que les réflexions s’échafaudent et s’enrichissent (Hmelo-Silver, 2004). En définitive, cette pratique pédagogique permet d’arrimer le contenu des apprentissages autour d’un problème complexe et d’engager les participants dans une réflexion collective quant à celui-ci.

Plusieurs avantages liés à l’implantation d’APP dans les classes ont été documentés dans la littérature scientifique. D’abord, l’APP est considéré comme une des démarches les plus efficaces pour susciter la motivation intrinsèque chez les participants (Huang, Liu & Chang, 2012). Avraamidou (2013) mentionne que même les élèves généralement considérés comme peu investis dans la vie de la classe se révèlent intéressés et participent activement dans ce processus. Cet engouement pour la démarche peut possiblement s’expliquer par l’implication d’un problème réel, par l’engagement des

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apprenants dans toutes les sphères de l’enquête et également, par la place centrale du rôle qu’ils occupent dans le processus (Lin, 2015). De plus, cette démarche peut engendrer un décloisonnement des murs de la classe et une ouverture à différents membres de la communauté pouvant apporter une assistance, un conseil ou un point de vue en lien avec le problème étudié, ce qui peut également jouer sur la motivation des participants (Avraamidou, 2013). Bref, l’APP engage significativement les élèves dans leurs apprentissages, et ce, en offrant un but, c’est-à-dire un problème à résoudre (Hmelo-Silver, 2004).

Ensuite, les participants développent et améliorent plusieurs habiletés cognitives de haut niveau – ou

habiletés complexes –, qui leur serviront tout au long de leurs vies, telles que la résolution de

problème efficace, l’autonomie, la pensée critique, la collaboration avec les pairs, la responsabilisation, la gestion du temps et la créativité (Hmelo-Silver, 2004; Azer, 2009; Inel & Balim., 2010). Les apprenants développent également une aisance à définir un sujet, à accéder à diverses ressources et à cerner la validité des sources (Araz & Sungur, 2007). L’enrichissement de ces habiletés s’explique par la place laissée aux apprenants dans l’APP (Azer, 2009). Considérant que c’est à eux de réfléchir et de mobiliser les ressources nécessaires pour répondre à la situation, ils n’ont d’autre choix que de développer des habiletés pour y parvenir. Parallèlement, les recherches inspirées des travaux de Vygotski (Moll, 2001) associent le développement des habiletés cognitives à l’activité sociale signifiante liée à l’APP. Notamment, les participants doivent collaborer afin d’enrichir leur réflexion puisque c’est à travers l’interaction, avec l’environnement et avec les pairs, que la création du savoir se concrétise (Sungur & Tekkaya, 2006). De ce fait, les habiletés liées à la communication, au travail d’équipe et aux compétences interpersonnelles s’enrichissent (Araz & Sungur, 2007).

Finalement, les recherches démontrent que, à travers l’APP, les apprenants ne développent pas seulement des stratégies cognitives et sociales, mais approfondissent également les aspects théoriques prescrits dans le programme de formation (Hmelo-Silver, 2004). Effectivement, plusieurs métaanalyses démontrent que les participants à une démarche d’APP apprennent plus et au-delà du

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une différence significative en terme d’accomplissement académique et d’habiletés de performance chez les apprenants issus d’une classe dite traditionnelle versus ceux provenant d’une classe adoptant l’approche d’APP. À cet égard, les métaanalyses font consensus pour dire que ces derniers intègrent mieux et sur une plus longue période le contenu explicité dans la démarche (Walker & al., 2011), puisque les apprenants issus d’APP sont davantage en mesure de mobiliser les connaissances acquises à diverses situations et donc, de faire le pont entre la théorie et la pratique (Gijbels & al., 2005; Edwards & Hammer, 2006). Ainsi, les élèves intègrent encore mieux les concepts prescrits par le curriculum scolaire à travers la démarche d’investigation d’APP.

1.2.1 La démarche d’apprentissage par problème

Concrètement, une démarche embrassant l’approche d’APP ne suit pas un processus rigide puisque chacune dépend du problème analysé et de la façon dont les élèves évoluent selon leurs conceptions initiales et le rythme du groupe. Hmelo-Silver (2004) suggère toutefois un cycle de construction d’une démarche d’APP qui se décortique en six étapes : 1. Poser le problème. 2. Identifier les faits en lien avec le problème. 3. Générer des hypothèses. 4. Identifier les lacunes dans la compréhension du problème. 5. Réinvestir des nouvelles connaissances. 6. Généraliser le concept. Évidemment, comme le présente la Figure 1, le cycle est flexible. Une évaluation des acquis est faite à chacune des étapes. Il est donc possible de revenir en arrière, et ce, plusieurs fois dans le processus.

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La première étape du cycle de construction d’une démarche d’APP est d’identifier le problème. Évidemment, la sélection de celui-ci n’est pas anodine. Le problème présenté n’est pas seulement le point de départ, mais bien le centre de la démarche d’APP (Lin, 2015). Cette dernière doit impulser une réflexion complexe chez les participants. Pour ce faire, Hmelo-Silver (2004) recommande de sélectionner un problème épineux dont la réponse n’est pas prédéfinie et où plusieurs avenues peuvent être explorées. Celui-ci doit également pouvoir se décortiquer en une variété de situations et de tâches (Lin, 2015). Certes, le problème doit prescrire aux élèves d’accéder à leurs connaissances, d’identifier les lacunes dans celles-ci, de faire des hypothèses ainsi que de chercher, recueillir et évaluer de nouvelles informations (Araz & Sungur, 2007). Les étapes suivantes de la démarche découlent justement de ces tâches et opérations mentales. Ainsi, il est primordial de s’attarder à la sélection du problème initial, en concertation avec les élèves, afin de faire un choix judicieux, puisque tout le reste de la démarche sera inévitablement influencée par ce choix.

Durant la seconde phase, les participants identifient les différents aspects du problème. Cette étape leur permet de conceptualiser le problème, de le comprendre en profondeur (Hmelo-Silver, 2004). Puis, à la troisième et quatrième étape, les participants génèrent des hypothèses et identifient les lacunes dans leur compréhension du problème. Les ruptures dans leur compréhension représentent les objectifs d’apprentissage des participants et donc, les objets d’investigation de la démarche (Hmelo-Silver, 2004). À cet égard, le palier entre la quatrième et la cinquième étape représente un moment charnière du processus. En effet, les recherches démontrent que les élèves autonomes dans leur processus d’apprentissages tendent à être créateurs de leurs propres savoirs et de ce fait, à être impliqués dans l’opération (Opdenakker & Van Damme, 2006). Ainsi, lorsque les objets d’investigation sont déterminés, les participants doivent confronter leurs points de vue et employer diverses stratégies et ressources disponibles afin de construire leur expertise dans un nouveau champ et de créer leurs propres savoirs (Turner, 2006). Cette phase d’apprentissages autonomes est définie comme le Self-directed learning – SDL – par Hmelo-Silver (2004).

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est effectué afin de pallier les lacunes de leur compréhension. Ce processus d’enquête, où différents problèmes complexes sont placés sous la loupe, offre donc l’opportunité aux élèves de mobiliser leurs connaissances à plusieurs situations tout en raffinant leurs habiletés de résolution de problème (Lin, 2015), deux aspects qu’ils peuvent réutiliser pour les situations futures.

Dans la démarche d’APP, les apprentissages sont maximisés lorsque les participants sont engagés dans les schèmes d’échange, et ce, dans différents types de regroupement – grand groupe,

sous-groupe, dyade, etc. (Lin, 2015). Une étroite connexité sociale entre les participants offre notamment

des expériences riches (Inel & Balim, 2010) de négociation et d’échafaudages des savoirs. Bref, les jalons d’APP sont interdépendants des échanges entre les participants.

Évidemment, le rôle de l’enseignant est fondamental pour mener à bien les six étapes de la démarche. Comme l’un des principes-clés d’APP est d’amener les apprenants à être au centre de l’action, le rôle de l’enseignant diffère énormément de celui qu’il occupe dans une pédagogie dite traditionnelle (Inel & Balim, 2010). En effet, à travers cette démarche d’enquête, l’enseignant agit à titre de facilitateur (Araz & Sungur, 2007; Walker & al., 2011) et a une posture d’apprenant-expert dans le groupe. Il ne transmet donc pas son savoir aux élèves; il les guide quant aux stratégies d’apprentissages avec des réflexions plutôt que d’intervenir sur le contenu lui-même. Il fait donc partie à part entière de la démarche d’APP (Hmelo-Silver, 2004). Ainsi, l’enseignant assiste les élèves dans le processus d’apprentissage en offrant des outils et des ressources (Walker & al., 2011), en encourageant et alimentant leurs réflexions, leurs discussions et en les questionnant afin de les amener à justifier leurs pensées, sans pour autant donner la réponse (Jerzembek & Murphy, 2013). Il est également important de souligner que les interventions de l’enseignant tendent à diminuer à mesure que les élèves développent leurs habiletés de négociation et de résolution de problème. Enfin, le rôle du facilitateur dans une démarche d’APP est de guider les apprenants dans le développement d’habiletés complexes et d’alimenter la réflexion de ces derniers en les questionnant (Hmelo-Silver, 2004).

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L’approche pédagogique d’APP s’est propagée dans l’enseignement de plusieurs domaines professionnels aux études supérieures. Toutefois, les niveaux élémentaires et secondaires adoptent peu le modèle (Veletsianos & Doering, 2010). Cette résistance, malgré les plus-values de la méthode, peut possiblement s’expliquer par les multiples défis que sa mise en œuvre engendre. Dans la littérature, les enseignants, tout comme les élèves, soulignent que le temps et l’effort demandés de part et d’autre par une démarche d’APP sont plus grands que dans une approche dite traditionnelle (Walker & al., 2011; Ford, Fifield, Madsen & Qian, 2013). Tamim et Grant (2013) identifient que les cinq défis prédominants dans la mise en œuvre de l’apprentissage par problème authentique dans les classes sont l’adoption d’une approche socioconstructiviste, l’intégration de nouvelles stratégies d’enseignement, l’appropriation du curriculum scolaire et la sélection du sujet, la gestion de la démarche d’investigation et la création d’une culture de collaboration dans la classe.

D’abord, les deux premiers obstacles documentés par Tamim et Grant (2013), soit l’adoption d’une approche socioconstructiviste et l’intégration de nouvelles stratégies d’enseignement, sont interdépendants et impliquent un changement de culture (Ertmer & Simons, 2006), où l’enseignant n’est plus au centre de la transmission des savoirs. Placer les apprenants au cœur de l’action peut créer un inconfort, une certaine réticence, puisque les enseignants ne sont pas toujours familiers avec une telle approche (Ertmer & Simons, 2006). Nariman et Chrispeels (2016) soulignent que les enseignants ont de la difficulté à laisser aller leur contrôle sur la classe afin que les participants puissent expérimenter en équipe. Parallèlement, les enseignants du primaire et du secondaire rapportent se sentir peu outillés et préparés pour guider les élèves dans une telle démarche (Goodnough & Hung, 2009). Le ratio enseignant-apprenants joue possiblement un rôle dans la difficulté de l’accompagnement offert aux participants et dans le sentiment de compétences des enseignants (Hmelo-Silver, 2004). Ainsi, bien que les rôles des élèves et des enseignants soient plus complexes dans une démarche d’enquête (Ford & al., 2013), un changement dans les rôles et responsabilités des deux partis est nécessaire afin d’implanter cette approche socioconstructiviste.

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compte du curriculum prescrit, les évaluations ainsi que l’agenda de la classe (Tamim & Grant, 2013). Le temps sollicité par la négociation de sens d’une démarche socioconstructiviste peut irriter les enseignants et créer une certaine anxiété (Inel & Balim, 2010). En plus de nécessiter une planification temporelle, matérielle et pédagogique rigoureuse, la méthode d’APP exige une certaine réorganisation de la planification des matières, c’est-à-dire une approche interdisciplinaire dont le problème devient central (Hmelo-Silver, 2004) en plus d’une gestion des étapes du projet et de l’engagement des participants (Tamim & Grant, 2013). Il n’est pas étonnant que les enseignants puissent être réticents à adopter cette nouvelle approche si l’on considère la planification à court, moyen et long terme d’un projet de cette envergure dans une classe au primaire.

Enfin, la création d’une culture de collaboration dans la classe représente un élément-clé d’APP, puisqu’elle permet aux apprenants de s’appuyer sur les points de vue et les forces des autres afin de concevoir des solutions et une compréhension collective en lien avec le problème choisi. Les participants deviennent interdépendants les uns des autres (Ertmer & Simons, 2006). La collaboration génère donc son lot de défis pour les participants : buts indéfinis, participation inégale, manque de leadership, etc. (Nariman & Chrispeels, 2016) et, de ce fait, pour les enseignants qui doivent alimenter et préserver celle-ci. Toutefois, les contributions communautaires des participants en ce qui a trait aux outils, stratégies et ressources s’échafaudent ce qui permet à ces derniers d’atteindre des niveaux de compréhension, et donc, de performance, plus élevés (Ertmer & Simons, 2006). À cet égard, la réussite du processus est directement liée à la négociation de sens des participants quant aux concepts investigués et à la résolution du problème à l’étude. Les enseignants doivent s’assurer d’une expérience positive où une amélioration de ces deux éléments est constatée (Tamim & Grant, 2013).

Bien que maints aspects d’APP aient été investigués, plusieurs questions restent en suspens. En effet, la majorité des recherches analyse la construction de savoirs, le self-directed learning et les habiletés de résolution de problème (Lan, Sung, Tan, Lin, & Chang, 2010). Certaines portent également sur l’implantation d’une démarche d’investigation dans les classes et sur l’effet du développement professionnel des enseignants à ce sujet, que ce soit durant la formation initiale ou

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lors d’une démarche de développement continu, (Balim & al., 2014; Edwards & Hammer, 2006; Ford & al., 2013; Kello, 2016; Koray, Presley, Köksal & Özdemir, 2008; Walker & al., 2011; Weiland & Morrison, 2013). Toutefois, la littérature documente peu la collaboration des participants (Lan & al., 2010), l’engagement de ceux-ci dans une démarche d’APP en faisant usage des ressources numériques (Walker & al., 2011), l’amélioration des apprentissages en terme d’habiletés –

self-directed learning et résolution de problème – (Goodnough & Hung, 2009) ainsi que les conditions

éducatives favorables pour supporter l’APP et les apprentissages sous-jacents (Star & Rittle-Johnson, 2008).

De plus, les recherches sur l’APP ont généralement été limitées aux études supérieures (Lan & al., 2010), et ce, bien que les bénéfices d’une telle pédagogie y soient assez bien démontrés dans la littérature scientifique (Araz & Sungur, 2007; Avraamidou, 2013; Edward & Hammer, 2006; Hmelo-Silver, 2004; Javis, 2016). Les compétences développées dans une telle démarche, notamment les habiletés de pensée critique, de prise de décision et de résolution de problèmes, sont essentielles à la vie quotidienne au 21e siècle (Khalid, 2010). Le niveau de conceptualisation et de compétences

doit être développé rapidement afin de s’adapter au monde en mutation, en expansion (Inel & Balim, 2010). Comme les élèves du niveau élémentaire sont les citoyens de demain (Khalid, 2010), il est intéressant de se questionner sur les effets au niveau des apprentissages – formels et en terme

d’habiletés – de la mise en œuvre d’une démarche d’enquête dans les classes du primaire. De

surcroit, le but fondamental d’APP est d’améliorer les compétences des apprenants afin de les préparer à mobiliser leurs connaissances dans des contextes réels (Goodnough & Hung, 2009). Ainsi, pourquoi ne pas baser la démarche d’apprentissage par problème authentique sur une question socialement vive?

1.2.2 Les questions socialement vives

D’abord, il importe de faire une distinction entre les problèmes authentiques utilisés dans l’APP et les questions socialement vives. Les problèmes authentiques se définissent comme une question à

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quotidienne ou professionnelle, par exemple, la préparation d’un budget, la conception d’un plan de bâtiment et la résolution d’un problème scientifique (Fernandes, Charlotte & Felton-Koestler, 2015), à laquelle les sujets pourraient vraisemblablement être confrontés comme futur professionnel (Lin, 2015), voire plus tard dans leur cheminement scolaire. En revanche, les questions socialement vives font référence à un enjeu « politiquement sensible et intellectuellement complexe » (Tutiaux-Guillon, 2006) qui suscite des divergences de valeurs, d’intérêts et d’opinions (Albe, 2009) dues aux lacunes dans les connaissances (Legardez, 1999). Elles font également l’objet de discussions émergentes, par exemple : le réchauffement climatique, résurgentes, par exemple, l’énergie (Legardez, 2006) ou oubliées, par exemple, le paludisme (Larochelle & Désautels, 2006), dont les apports théoriques sous-jacents sont pluridisciplinaires (Legardez, 1999), notamment social, éthique, politique, économique et environnemental (Simonneaux, 2006) et relatifs à la collectivité (Collectif Larousse, 2014). En définitive, les questions socialement vives peuvent être considérées comme un problème authentique qui touche davantage les débats de société et les questions d’ordre démocratique (Zembylas & Kambani, 2012).

Le décuplement des recherches portant sur l’intégration en éducation des questions socialement vives suggère de considérables bénéfices à leur inclusion dans le curriculum d’étude (Zembylas & Kambani, 2012). En effet, apprendre et aller à l’école ne concerne pas seulement l’acquisition de savoirs. Culen (2005) rappelle que les objectifs principaux de l’éducation sont de favoriser l’émergence des valeurs de la société (cité dans Weiland & Morrison, 2013). Le rôle du système d’éducation, et, de ce fait, des enseignants, est de développer la capacité des élèves à s’impliquer et à participer aux divers débats de la société dans laquelle ils vivent (Barton & McCully, 2007). L’utilisation des questions socialement vives offre aux futurs citoyens (Zembylas & Kambani, 2012) un modèle d’implication et d’engagement dans une société pluraliste du 21e siècle. Ils ont notamment

l’opportunité de participer à des discussions démocratiques (Zembylas & Kambani, 2012) en apprenant à le faire dans le respect de l’espace et du point de vue des autres individus impliqués (Biesta, 2011). De plus, l’implantation d’une enquête autour des questions socialement vives permet aux élèves de forger leur opinion (Weiland & Morrison, 2013) et de justifier leurs idées et positions (Villanen, 2014). Ils raffinent également leur pensée critique, leur argumentation et le choix des informations sous-jacent à celle-ci (Kello, 2016). Ainsi, en engageant les élèves dans une démarche

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d’apprentissages par problèmes basée sur des questions socialement vives, ils deviendront critiques quant à leurs propres valeurs et pourront s’appuyer sur des habiletés complexes pour répondre aux problèmes émergeants (Deuchar, 2008).

Concrètement, pour aborder une question socialement vive avec des élèves de niveau élémentaire, l’enseignant initie la conversation et met la table quant aux bases du sujet abordé (Bolgatz, 2006; Villanen, 2014) tout comme le cycle de construction d’une démarche d’APP (Hmelo-Silver, 2004) le recommande. À travers cette initiation à des questions épineuses, l’enseignant s’attaque également aux conceptions initiales et aux croyances alternatives des élèves (Ford & al., 2013). La conceptualisation et la compréhension des élèves concernant ces enjeux se construisent au courant du processus (Fernandes, Charlotte & Felton-Koestler, 2015).

Si plusieurs bienfaits à l’intégration des questions socialement vives en éducation ont été documentés, certains obstacles ont aussi été identifiés. Kello (2016) mentionne trois obstacles majeurs : un inconfort émotionnel chez les enseignants et chez les élèves, un développement professionnel insuffisant et une appréhension des critiques de l’école, des parents et de la communauté.

En premier lieu, les enseignants et les élèves peuvent vivre un inconfort émotionnel à aborder des questions socialement vives (Kello, 2016). D’une part, il importe de considérer que tous les acteurs de la démarche ont leurs racines, leurs croyances et leurs bagages propres. Leur vision quant aux diverses questions socialement vives est teintée de ceux-ci et, parfois, les amène à être moins disposés à envisager des perspectives qui menacent leurs balises culturelles (Zembylas & Kambani, 2012). D’autre part, les enseignants semblent considérer certains sujets comme trop controversés ou trop sensibles pour être abordés avec des élèves du niveau élémentaire (Bolgatz, 2006) et préfèrent ainsi discuter de sujets généraux (Villanen, 2014). Parallèlement, ils s’inquiètent également des

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conscients des enjeux et sont capables d’engager des discussions concernant ceux-ci (Gutstei & Peterson, 2013; Varley Gutiérrez, 2013). En effet, Deuchar (2008) mentionne que dès l’âge de sept ans, les enfants ont des préoccupations concernant l’environnement, la pauvreté et les injustices. Les élèves du niveau élémentaire sont donc aptes à discuter des enjeux en lien avec leur communauté (Fernandes, Charlotte & Felton-Koestler, 2015) et ne sont pas dépassés par la complexité (Bolgatz, 2006) ou l’inconfort émotionnel de ceux-ci.

En second lieu, les recherches démontrent que les enseignants ne se sentent pas suffisamment outillés pour aborder des questions socialement vives avec leurs élèves (Bolgatz, 2006; Zembylas & Kambani, 2012; Kello, 2016). Ils rapportent un manque d’expertise (Bolgatz, 2006), mais également un manque de soutien en termes de développement professionnel et de matériel didactique pour aborder des sujets épineux avec leurs élèves (Kello, 2016) et gérer les réactions subjacentes à ceux-ci (Zembylas & Kambani, 2012). Pour contrer cet inconfort, Weiland & Morrison (2013) proposent d’ajuster la formation initiale des enseignants.

En dernier lieu, les enseignants ne se sentent pas totalement libres d’aborder des questions socialement vives dans leur classe, puisqu’ils appréhendent la critique provenant notamment de la direction, des parents et des membres de la communauté (Kello, 2016). Comme ces sujets sont par définition mitigés, les opinions divergent dans la communauté, ce qui affecte nécessairement la liberté d’action des enseignants qui ne souhaitent pas s’exposer à un examen minutieux de leur pratique (Zembylas & Kambani, 2012; Kello, 2016). Bref, cette préoccupation concernant la vision de l’école, des parents et de la communauté par rapport à leur pratique est nommée par les enseignants comme un élément dissuasif à l’utilisation des controverses sociales dans leur classe (Zembylas & Kambani, 2012).

Plusieurs aspects de la mise en œuvre de pratiques enseignantes à partir de questions socialement vives restent à explorer, notamment, l’initiation à celles-ci dans la formation initiale des enseignants (Fernandes, Charlotte & Felton-Koestler, 2015; Kello, 2016) ainsi que l’effet de cette initiation sur

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l’utilisation des questions socialement vives dans les classes (Weiland & Morrison, 2013). Dans un autre ordre d’idées, il est intéressant de souligner que la plupart des recherches qui concernent l’utilisation de questions socialement vives en éducation concernent les niveaux secondaire, collégial et universitaire (Bolgatz, 2006; Zembylas & Kambani, 2012; Weiland & Morrison, 2013; Villanen, 2014; Fernandes, Charlotte & Felton-Koestler, 2015). C’est pourquoi il est pertinent de s’attarder à étudier plus en profondeur l’effet de l’utilisation de celles-ci auprès d’élèves du niveau élémentaire (Bolgatz, 2006), notamment pour comprendre le niveau de conceptualisation des élèves et leur capacité à discuter de ces enjeux sociaux.

En définitive, la société pluraliste du 21e siècle impose un changement de posture quant au système

d’éducation afin de former de citoyens scientifiquement alphabétisés, qui sont aptes à se prononcer sur des questions économiques, politiques et sociales (Mayes & al., 2014). Les membres de la communauté devront également être en mesure de faire usage de pensée critique, d’aptitudes de communication et de collaboration (Koray & al., 2008) afin de prendre des décisions courageuses qui auront un impact sur leur avenir. Ces habiletés de haut niveau ne se développent pas au hasard et doivent être enseignées et opérationnalisées dès les débuts de la scolarisation de l’enfant puisqu’il est en mesure de le faire (Bolgatz, 2006). Fernandes, Charlotte & Felton-Koestler (2015) expliquent que la croissance de la compréhension va de pair avec l’étude du concept, que ce soit pour du contenu typiquement scolaire ou pour des controverses sociales. Ces dernières doivent donc être abordées rapidement afin que les élèves s’y familiarisent et apprennent à propos de ces enjeux comme ils le feraient avec les rudiments des additions. Et cela pour que les élèves soient compétents non seulement sur le plan du curriculum scolaire, mais également sur les considérations et la compréhension du monde dans lequel ils vivent (Xin, Lin, Zhang & Yan, 2007).

À cet égard : comment utiliser la démarche d’APP au sein d’une classe primaire afin d’en documenter les diverses étapes de même que les effets sur la compréhension des élèves?

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Chapitre 2 : Cadre théorique

2.1 La doctrine pédagogique de John Dewey

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John Dewey a eu une influence considérable dans le monde de l’éducation. Plusieurs principes de sa doctrine pédagogique ont inspiré les systèmes d’éducation modernes, notamment le curriculum de formation de l’école québécoise (Pépin, 2015). Considéré comme le père de l’éducation progressive, il définit cette dernière comme un processus de « reconstruction continuelle de l’expérience ayant pour but d’élargir et d’approfondir son contenu social, tandis qu’en même temps, l’individu assimile les méthodes appropriées » (Tsuin-Chen, 1958, p.146). Ce processus est continuel et dure tout au long de la vie; il ne s’agit donc pas d’un résultat déterminé (Deledalle, 1965). Cette définition sous-entend plusieurs principes-clés, notamment l’éducation individuelle et sociale, l’idée de croissance, la théorie de l’expérience, le rôle du maitre et l’initiation à la vie démocratique. Ceux-ci répondent aux visées de la présente recherche.

2.2 L’éducation progressive : processus individuel et social

Selon Dewey, le processus d’éducation se déconstruit en deux volets qui agissent simultanément : l’éducation individuelle et sociale. D’une part, l’éducation est individuelle puisque, basée sur l’expérience2, elle émerge d’impulsions et de tendances naturelles chez l’enfant (Tsuin-Chen, 1958).

Chaque apprenant arrive avec ses racines et sa personnalité. Le point de départ de son expérience étant ses intérêts et désirs, il est naturel que celle-ci lui soit propre. Dans le même ordre d’idées, l’enfant se base sur son bagage antérieur, ses expériences passées, pour aborder le monde dans lequel il vit. Au fil de ses expériences, il accroit les liens entre ces dernières, les mutualise et, par le fait même, développe ses capacités à les diriger (Tsuin-Chen, 1958). Ainsi, l’expérience éducative se renouvèle continuellement grâce à l’acquisition de nouvelles résonnances qui permettent une généralisation à d’autres situations.

1 Voir Annexe 1 : Schématisation de la doctrine pédagogique de Dewey 2 Voir Annexe 2 : Glossaire

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D’autre part, l’éducation est fondamentalement sociale. C’est grâce à elle que la société se perpétue, par transmission et communication des intérêts, buts, connaissances et mœurs communautaires. Dewey définit cet aspect comme « processus de transmission des héritages sociaux » (Tsuin-Chen, 1958, p. 139) des adultes aux enfants. Ce concept d’hérédité sociale3 s’exprime sous une forme

d’éducation non-formelle, c’est-à-dire que les enfants apprennent par imitation ou participation aux diverses activités de la société, et d’éducation formelle, soit l’école elle-même (Tsuin-Chen, 1958). Comme toutes les activités sociales sont éducatives, l’éducation formelle se veut être en continuité avec le milieu familial et avec la société (Deledalle, 1965), tout en permettant aux enfants d’acquérir les connaissances qui ne peuvent être apprises par observation et imitation – l’alphabet par exemple (Tsuin-Chen, 1958) –, mais qui sont nécessaires pour être des membres actifs de la communauté. Ces deux formes d’éducation sont essentielles et complémentaires. Elles amènent les enfants à devenir la relève de la société en apprenant les rudiments du vivre-ensemble de leur communauté (Galetic, 2009).

En définitive, les deux volets de l’éducation nommés par Dewey – individuel et social – sont interféconds. « L’éducation devient donc une action constructive, qui consiste à améliorer la société et représente non seulement le développement des jeunes, mais aussi celui de la société dont ils seront membres » (Tsuin-Chen, 1958).

À cet égard, l’aspect individuel et social de l’éducation remplit un rôle majeur dans une démarche d’APP. Les élèves doivent travailler en groupe afin de conceptualiser les nouvelles informations et négocier le sens de celles-ci avec leurs coéquipiers pour en développer une compréhension communautaire (Blumenfeld et al, 1996). Comme individuellement chaque apprenant arrive avec ses racines et sa personnalité (Tsuin-Chen, 1958), la mise en commun des conceptions par rapport aux nouvelles connaissances est riche, puisque les élèves ne la comprennent pas tous de la même façon, n’ayant pas tous les mêmes repères. Cet aspect explicite ainsi le lien entre la place prépondérante des interactions sociales dans l’APP et l’éducation individuelle et sociale de Dewey.

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2.3 L’idée de croissance

La philosophie de l’éducation préconisée par Dewey se définit comme progressive puisqu’elle s’inscrit dans l’idée de croissance soutenue de l’individu et de la communauté. L’éducation entière est cernée par le concept de croissance (Tsuin-Chen, 1958). Celui-ci ficèle notamment la relation entre les processus individuel et social. D’une part, chacune des expériences éducatives a pour but le développement de l’apprenant lui-même. Celles-ci sont au niveau de l’enfant et c’est leur reconstruction perpétuelle qui l’amène à se développer pour éventuellement vivre des expériences plus complexes, tout en respectant l’évolution de sa croissance. D’autre part, la société s’inscrit également dans un processus de développement continu (Deledalle, 1965). Les buts et idéaux générés à travers celle-ci ne sont pas figés et dépendent des membres de la communauté. C’est ce qui explique que sa croissance est directement influencée par celle des individus qui la forgent : « l’individu ne reproduira pas la civilisation d’une société donnée telle qu’elle est, mais il la reproduira continuellement à la lumière de son expérience personnelle » (Tsuin-Chen, 1958, p. 151). Ainsi, la société et l’individu ne sont pas statiques et s’inscrivent dans un processus de croissance infini.

2.4 La théorie de l’expérience

La notion d’expérience, dans la doctrine pédagogique de Dewey, est cruciale. Tsuin-Chen (1958) la définit comme l’interaction (la transaction) entre le sujet et l’environnement. Deledalle (1965) ajoute une nuance en mentionnant que l’expérience s’applique à toutes situations où la transaction sujet-environnement provient dans l’optique de maintenir ou créer un équilibre préalablement perturbé par la croissance du sujet ou par un changement dans l’environnement.

L’expérience, telle que Dewey la conçoit, s’inscrit dans une éducation authentique4 où l’enfant

apprend à vivre à l’intérieur de son milieu social (Deladalle, 1965). L’expérience n’est donc pas commandée par l’éducateur, inversement, elle émerge des besoins de la personnalité de l’apprenant lui-même. À cet égard, elle se dégage de l’intérêt qui « n’est pas extérieur à l’individu, il est un jaillissement interne, une expression de sa croissance » (Deledalle, 1965, p. 46). Comme « l’intérêt

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ou le désir doit être l’ultime ressort ou déclencheur de l’action à planifier puis à entreprendre » (Pépin, 2015), les actions dans lesquelles s’engagent les élèves sont des activités libres5 où l’enfant

a non seulement le pouvoir de choisir l’activité, mais également les moyens avec lesquels il s’y engagera (Deledalle, 1965). Dewey préconise que les enfants résolvent constamment des problèmes auxquels ils font face dans leur quotidien, leur réalité. Il recommande donc que la formation soit présentée aux élèves selon un problème réel, concret et à leur niveau, puisqu’il s’agit d’une façon naturelle pour eux d’aborder les apprentissages (Gauthier & Tardif, 2005).

Dans le même ordre d’idées, l’apprentissage, tel que conceptualisé par l’éducation progressive, est réalisé à travers les processus de continuité expérientielle et de transaction entre l’environnement et l’enfant. D’abord, la continuité expérientielle s’exprime par la relation entre l’individu et l’environnement. Elle prend ancrage dans les activités libres, mais également dans les aspects de l’environnement expérimentés par l’enfant, par exemple, les plantes, la température et l’électricité. C’est lorsque ces derniers sont en continuité avec le niveau de croissance de l’individu qu’il y a continuité expérientielle. « L’organisme et l’environnement ne se distinguent de l’un de l’autre que s’il y a conflit ou tension dans une situation, autrement dit, discontinuité. Mais la distinction n’est que pratique et temporaire. Elle disparait dès que la situation est résolue et que la continuité reprend ses droits » (Deledalle, 1965, p.28).

C’est lorsque cette continuité est compromise que l’enfant entre dans un processus de transaction avec l’environnement pour rétablir l’équilibre ou en créer une nouvelle. « Dès qu’il y a rupture de continuité entre l’activité et l’objet de l’activité […] commence la réflexion qui permet de rétablir la continuité » (Deledalle, 1965, p.57). C’est à travers le processus de réflexion sous-jacent, cette reconstruction que la pensée réflexive de l’enfant se forge puisque c’est celle-ci qui lui permet de s’appuyer sur ses expériences antérieures (Deledalle, 1965). De là, les apprenants développent une panoplie de connaissances techniques, physiques et culturelles dans l’optique de reconstruction de l’expérience. Les apprentissages réalisés dans cette phase de transaction, où ils résolvent un

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