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Chapitre 2 : Cadre théorique

2.5 La théorie de l’enquête de John Dewey

2.5.1 L’enquête

Pour Dewey, l’enquête est un processus logique7 (Deledalle, 1967) de résolution de problème par

lequel l’apprentissage et la pensée réflexive sont forgés (Pépin, 2015). Ceux-ci prennent ancrages dans une matrice biologique et culturelle qui sont en continuité.

La matrice biologique

Premièrement, l’individu8 évolue dans un environnement physique avec lequel il est en continuelle

transaction9 afin de maintenir un équilibre, un environnement unifié. Les schèmes spatial et temporel

de cet environnement définissent ses comportements qui sont « [les] fonctions de l’état total de l’organisme avec l’environnement » (Deledalle, 1967, p. 89), et ce, notamment par la sollicitation des fonctions biologiques10 par de multiples stimuli. Ceux-ci instituent les comportements de l’individu,

basés sur ses expériences antérieures et, parallèlement, influenceront ses futures expériences. Ainsi, ses comportements répondent à une rupture de la continuité avec l’environnement et sont séquentiels, voire sériels, c’est-à-dire que la réponse à une situation11 influence nécessairement

l’expérience future de l’individu face au prochain déséquilibre (Deledalle, 1967).

6 Voir Annexe 3 : Schématisation de la théorie de l’enquête de Dewey 7 Voir Annexe 2 : Glossaire

8 Deledalle (1967) utilise le terme organisme puisqu’il aborde la matrice biologique au sens large, et

donc, pouvant s’appliquer à tous les types d’organismes. Toutefois, dans la présente, j’utiliserai le terme individu puisque je me restreindrai à parler des implications pour l’humain.

9 Les auteurs ne font pas consensus quant à l’utilisation du terme transaction. Deledalle (1965;

1967) utilise plutôt le terme interaction. Afin d’éviter la confusion avec l’interaction au sens propre, c’est-à-dire une « action réciproque de deux choses, de deux personnes » (Antidote, 2015), le terme transaction sera privilégié dans ce travail pour désigner les actions entre l’individu et l’environnement pour maintenir ou créer un équilibre préalablement perturbé par la croissance du sujet ou par un changement dans l’environnement (Deledalle, 1965).

10 Les fonctions biologiques définissent les sens. 11 Voir Annexe 2 : Glossaire

Figure 2.1. L’évolution des comportements biologiques

Les comportements de l’individu répondent aux déséquilibres qu’il vit avec l’environnement, et ce, à travers un processus de recherche, une enquête. En effet, comme le démontre la Figure 2.1, une tension, un déséquilibre dans la continuité avec l’environnement est d’abord senti ce qui amorce la phase d’ouverture de l’activité de recherche. Ensuite, l’individu entame une enquête où il met à profit divers comportements pour rétablir l’équilibre, et ce, en fonction de ses expériences passées. Finalement, la phase de fermeture représente la transaction entre l’individu et l’environnement qui se conclut par un retour à l’équilibre, un apprentissage et, également, par la réintégration d’une nouvelle phase d’ouverture à la lumière de cette expérience vécue (Deledalle, 1967).

L’enquête en rétablissant la relation troublée entre [l’individu] et l’environnement (qui représente le doute) ne supprime pas le doute par un retour à une intégration d’adaptation antérieure, elle institut un nouvel environnement avec de nouveaux problèmes. Ce que [l’individu] apprend au cours de ce processus produit de nouvelles capacités qui exigent davantage de l’environnement (Deledalle, 1967, p.94)

changement dans les conditions de l’environnement – un stimuli – qui engendre une série de comportements définis par des schèmes spatial et temporel afin de rétablir la continuité perturbée entre l’individu et l’environnement. Ce rétablissement de l’équilibre s’appuie sur les expériences antérieures de l’individu pour créer de nouveaux apprentissages qui influenceront ses expériences futures (Deledalle, 1967).

La matrice culturelle

Deuxièmement, l’environnement physique est imprégné et interrelié à l’environnement culturel qui influence nécessairement les comportements biologiques de réponse aux stimuli. L’idée de différence entre l’humain et les autres organismes s’explique notamment par le développement du langage à partir des comportements biologiques antérieurs et de l’hérédité culturelle, c’est-à-dire, les traditions, les coutumes, les croyances et les institutions (Deledalle, 1967).

Dewey exprime l’influence culturelle du langage selon une relation symbole-signification. D’une part, le terme symbole est un synonyme de mot, en d’autres termes, il est une « signification véhiculée par le langage dans un système » (Deledalle, 1967, p.111). D’autre part, ce symbole n’a de sens que s’il est en relation avec le code, l’environnement culturel, dont il fait partie, c’est-à-dire un système de significations. La corrélation symboles-significations a donc une valeur représentative et permet le développement du raisonnement qui se définit par le développement des relations symboles- significations dans l’optique de fournir une base pour exécuter diverses opérations liées à l’enquête (Deledalle, 1967).

À cet égard, le langage, pour Dewey, est une institution culturelle centrale puisqu’« il est agent de transmission des autres institutions et habitudes acquises […], pénètre les formes et le contenu de toutes les autres activités culturelles […] [et] possède sa propre structure » (Deledalle, 1967, p.105). Le langage au sens large, c’est-à-dire les mots, expressions, gestes, écrits, arts, cérémonies, monuments et rites (Deledalle, 1967), représente ainsi le moyen de l’enquête par lequel une transformation biologique, intellectuelle et logique peut être engendrée en plus de permettre la

création d’une communauté d’action. « C’est parce que nous devons partager nos idées, socialement, pour nous faire comprendre que nous sommes obligés d’expliciter nos connaissances et, dans le même temps, de leur faire subir une transformation » (Pépin, 2015, p.70).

Bref, la matrice culturelle de l’enquête est simultanément un produit et une condition du langage qui permet de distinguer l’homme des autres organismes. Les symboles-significations permettent de garder une trace des expériences antérieures et de créer l’habitude de raisonner dans le traitement des problèmes abordés dans le cadre de l’enquête (Deledalle, 1967).

La définition de l’enquête

À la lumière de ce qui précède, il est possible de constater que l’enquête est une démarche biologique et culturelle de l’être en recherche d’équilibre avec l’environnement. Cet équilibre est recherché à travers un processus de résolution de problème où l’homme expérimente à travers des transactions avec son environnement, à un endroit et un moment précis. Ce processus s’appuie sur les expériences antérieures et pave la route aux expériences futures par les apprentissages qui en émergent.

En définitive, dans la présente, la définition du terme enquête qui sera considérée est la suivante : « L’enquête est la transformation contrôlée ou dirigée d’une situation indéterminée12 en une situation

qui est si déterminée13 en ses distinctions et relations constitutives qu’elle convertit les éléments de

la situation originelle en un tout unifié » (Deledalle, 1967, p.169)

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