3.19 Théorème de Lax-Milgram et application
Références : F. Hirsch, G. Lacombe, Éléments d’analyse fonctionnelle, Dunod, 1999. H. Brézis, Analyse fonctionnelle, Dunod, 1999.1
Leçons concernées : 201, 205, 213, 222.
Théorème 1 (Lax-Milgram). Soit H un espace de Hilbert réel et a une forme bilinéaire sur H continue et coercive, c’est-à-dire telle qu’il existe C, ↵ ° 0 telles que @x, y P H,
|apx, yq| § C||x||||y|| et apx, xq • ↵||x||2
alors pour toute forme linéaire continue L de H il existe un unique u P H tel que @x P H Lpxq “ apu, xq
de plus si a est symétrique, en posant Jpxq “ 1
2apx, xq ´ Lpxq pour x P H, u est caractérisé par
Jpuq “ min xPEJpxq.
Démonstration. Pour x P H, y fiÑ apx, yq est une forme linéaire continue, ainsi, par le théorème de Riesz, il existe un unique vecteur T x P H tel que pour tout y P H, apx, yq “ pT x|yq. Pour tout x, y, z P H et pour tout P R,
pT x ` T y|zq “ pT x|zq ` pT y|zq “ apx, zq ` apy, zq “ apx ` y, zq
et donc par unicité dans le théorème de Riesz T px ` yq “ T pxq ` T pyq et T est linéaire. De plus, pour x P H, par continuité de a,
||T x||2 “ pT x|T xq “ apx, T xq § C||x||||T x|| et donc ||T || § C et T est continu.
On montre alors que T est un isomorphisme : on commence par montrer que T pHq est dense dans H par la caractérisation par l’orthogonal. Soit z P T pHqK, alors en particulier, par coercivité de a,
0“ pT z|zq “ apz, zq • ↵||z||2 • 0 et donc z “ 0. D’autre part, on remarque que pour tout x P H,
||T x||||x|| • |pT x, xq| “ apx, xq • ↵||x||2
et donc ||T x|| • ↵||x||. On en déduit que T est injectif. Enfin, si pynqn P T pHqN converge vers y P H, alors pynqn est de Cauchy dans H et donc en notant xnP H tel que yn“ T xn,
1. Merci à Rudy Morel et Michel Nassif pour l’idée du développement et certains éléments de la preuve.
par l’inégalité précédente pxnqn est aussi de Cauchy dans H complet, donc converge vers xP H et par continuité de T , T x “ y de sorte que T pHq est fermé. On peut alors conclure que T est un isomorphisme de H.
Soit maintenant L une forme linéaire continue sur H. Alors par le théorème de Riesz il existe un unique v P H tel que pour tout x P H, Lpxq “ pv|xq. Ainsi, en notant u “ T´1v, pour tout x P H, Lpxq “ pT u|xq “ apu, xq. L’unicité de u s’obtient par l’unicité dans le théorème de Riesz : si pour tout x P H, Lpxq “ apu1, xq, alors pour tout x P H, Lpxq “ pT u1, xq et donc T u1 “ T u et u1 “ u.
Supposons de plus que a est symétrique, alors pour v P H, si on écrit v “ u ` w, on obtient
Jpvq “ Jpu`wq “ Jpuq`1
2apw, wq´Lpwq`apu, wq “ Jpuq` 1
2apw, wq´Lpwq`Lpwq • Jpuq par coercivité. De plus si v est aussi minimum de J, alors si w “ u ´ v, Jpuq “ Jpvq et par le calcul précédent apw, wq “ 0 et donc w “ 0.
On applique le théorème de Lax-Milgram pour résoudre une équation différentielle par une méthode variationnelle.
Proposition 2. Soit I “s0, 1r, p P C1pIq, r, q P C0pIq et f P L2pIq. On suppose que p• ↵ ° 0, q • 1 et r2 § ↵, alors il existe une unique solution faible au problème
"
´ppu1q1` ru1` qu “ f sur I
up0q “ up1q “ 0 (1)
c’est-à-dire qu’il existe un unique u P H1
0pIq tel que @v P H1 0pIq, ª I pu1v1` ª I ru1v` ª I quv “ ª I f v. Démonstration. Étape 1 : on définit la forme bilinéaire a par,
apu, vq “ ª1 0 pu1v1` ª1 0 ru1v` ª1 0 quv pour u, v P H1
0, et la forme linéaire ' par, 'pvq “
ª1 0
f v. pour v P H1
0. Il est immédiat que ' est continue. D’autre part, puisque p, q, r sont continues sur I donc bornées, a est aussi continue. Enfin, si v P H1
0, on a par inégalité de Cauchy-Schwarz ´ ª1 0 rv1v§ ˇ ˇ ˇ ˇ ª1 0 rv1v ˇ ˇ ˇ ˇ §?↵||v||2||v1||2 109
et donc apv, vq “ ª1 0 pv12` ª1 0 rv1v` ª1 0 qv2• ↵||v1||22´?↵||v||2||v1||2` ||v||22 “´?↵2 ||v1||2´ ||v||2 ¯2 ` 3↵4 ||v1||2 2 • 3↵ 4 ||v 1||2 2 • 3↵ 4C2||v|| 2 H1
par inégalité de Poincaré et donc a est coercive. On peut ainsi appliquer le théorème de Lax-Milgram pour obtenir l’existence d’une unique solution faible u P H1
0.
Remarque. On considère ici une forme bilinéaire non symétrique afin d’avoir une vraie application du théorème de Lax-Milgram. En effet si la forme bilinéaire considérée est symétrique, continue et coercive, elle constitue un produit scalaire dont la norme est équi-valente à la norme ||.||H1, et donc l’espace H10 est complet pour cette nouvelle norme et on
peut appliquer le théorème de Riesz. Cependant on perd ainsi le dernier point du théorème de Lax-Milgram qui est l’expression de u comme le minimum d’une fonctionnelle, ce qui peut-être utile pour obtenir des solutions approchées.
On voit maintenant comment montrer, avec des hypothèses de régularité, que l’unique solution faible est en fait une solution forte.
Proposition 3. Soit I “s0, 1r, p P C1pIq et r, q, f P C0pIq. On suppose que p • ↵ ° 0, q• 1 et r2 § ↵, alors il existe une unique fonction u P C2pIq vérifiant
"
´ppu1q1` ru1` qu “ f sur I
up0q “ up1q “ 0. (2)
Démonstration. Étape 1 : par intégration par parties sur H1
0, une solution forte de (2) est une solution faible de (2). La proposition précédente nous assure alors l’existence et l’unicité d’une solution faible u P H1
0pIq. On a donc unicité de la solution forte, il nous faut maintenant montrer que u est en fait une solution forte.
Étape 2 : puisque DpIq Ä H1
0 on a, par définition d’une solution faible,
´ ppu1q1` ru1` qu ´ f “ 0 (3)
au sens des distributions. Alors ppu1q1 “ ru1` qu ´ f P L2 et donc pu1 P H1 et ainsi u1 “ 1
ppu1 P H1. On obtient u, u1 P C0pIq et donc2 uP C1pIq. Alors, puisque ppu1q1 “ p1u1` pu2, u2“ 1 p ´ ppu1q1´ p1u1¯“ 1 p ´ ru1` qu ´ f ´ p1u1¯P C0pIq donc u1 P C1pIq et par suite, puisque u P C1pIq, u P C2pIq.
Étape 3 : puisque u P C2pIq, la relation (3) est vérifiée au sens usuel (par injection de C0pIq dans D1pIq) et puisque u P H1
0, up0q “ up1q “ 0 et donc u est une solution classique.
2. Cela provient de la formule upxq ´ upyq “≥x
yu1ptqdt qui relie le représentant continu de u et u1.
Proposition 4. L’espace H1
0 est stable par produit et si u, v P H01, puvq1 “ u1v´ uv1
et (en intégrant la précédente relation) pour tout x, y P I, on a la formule d’intégration par
parties ª x y u1v“ upxqvpxq ´ upyqvpyq ´ ªx y uv1.
Démonstration. On remarque d’abord que puisque H1pIq Ä L8pIq, uv P H1, et puisque uvp0q “ uvp1q “ 0, uv P H01. On se donne alors punqn,pvnqn deux suites de C1cpIq qui convergent dans H1
0 vers u et v respectivement. Alors un Ñ u et vn Ñ v dans L8pIq, et ainsi, unvn converge vers uv dans L2pIq. D’autre part, puisque punvnq1 “ u1nvn` unvn1, ||punvnq1´u1v´uv1||2§ ||u1nvn´u1nv||2`||u1nv´u1v||2 § ||u1n||2||vn´v||8`||v||2||u1n´u||8Ñ 0 d’où le résultat. La formule d’intégration par parties s’en déduit en intégrant, puisque uv est continue.
Commentaires : le développement ne contient que le théorème de Lax-Milgram et l’existence et l’unicité d’une solution faible. L’existence et l’unicité d’une solution forte peut être faite si il reste du temps, mais c’est plus subtil.