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De l'avènement du parlant à la seconde guerre mondiale : histoire générale des studios de cinéma en France 1929-1939

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Academic year: 2021

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Submitted on 23 Jul 2020

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De l’avènement du parlant à la seconde guerre

mondiale : histoire générale des studios de cinéma en

France 1929-1939

Morgan Lefeuvre

To cite this version:

Morgan Lefeuvre. De l’avènement du parlant à la seconde guerre mondiale : histoire générale des studios de cinéma en France 1929-1939. Musique, musicologie et arts de la scène. Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III, 2013. Français. �NNT : 2013PA030143�. �tel-02905591�

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Remerciements

Je tiens à remercier mon directeur de thèse, Michel Marie, pour la confiance, la liberté et le soutien qu’il m’a accordés tout au long de cette recherche.

Je remercie également la Cinémathèque Française, en particulier Serge Toubiana, Joël Daire et Laurent Mannoni pour l’intérêt qu’ils ont manifesté et le soutien qu’il ont apporté à cette recherche, en m’octroyant le statut de « Chercheuse associée » à la Cinémathèque Française.

Merci aux archivistes, documentalistes et à l’ensemble du personnel des centres de documentation qui m’ont accueillie, conseillée et guidée dans mes recherches. Merci à Régis Robert et à toute l’équipe de l’espace chercheurs de la Cinémathèque Française, en particulier à Valdo Kneubühler pour sa curiosité, son enthousiasme et sa générosité. Je remercie également Jenny Schneider et Madame da Silva des archives municipales de Boulogne-Billancourt, Aline Damoiseau des archives de Paris, Delphine Masset des archives municipales d’Epinay-sur-Seine, Jean-Marie Bonnafous des Films Régent et Laurence Braunberger des Films du Jeudi. Je tiens à remercier la Fondation Jérôme Seydoux - Pathé et tout particulièrement Stéphanie Salmon, pour m’avoir accueillie si souvent dans leurs bureaux et avoir mis à ma disposition des archives pour la plupart inédites, d’une richesse exceptionnelle.

Je souhaite remercier les personnes qui m’ont soutenue et encouragée à titre divers, par leurs conseils, leurs informations, le prêt de documents ou leur oreille attentive, tout particulièrement : Jean-Pierre Berthomé, Jean-Loup Bourget, Priska Morissey, Laurent Le Forestier, Markku Salmi, Marc Vernet.

Trois décorateurs de cinéma, rencontrés il y a quelques années, ont beaucoup compté dans mon désir de mener à bien cette recherche sur les studios : André Guérin, Max et Jacques Douy. Leur passion pour le cinéma, leur gentillesse et leur générosité m'ont accompagnée tout au long de cette thèse, qu'ils en soient ici chaleureusement remerciés.

Enfin cette recherche n’aurait pas été possible sans le soutien indéfectible de mes proches. Je remercie en particulier Soizic et Jean-Marie pour leur aide précieuse à tous points de vues. Merci à Louise et Marius qui du haut de leurs six et trois ans, m’ont donné toute l’énergie nécessaire à une telle aventure. Merci enfin à Nicolas, pour tout.

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Sommaire

Remerciements ... 1

Sommaire ... 2

Introduction ... 6

Première partie

1929-1930 : Passage au parlant et restructuration des studios français

Introduction ... 22

Chapitre 1

:

Etat des lieux des studios français à la veille du passage au parlant ... 24

1.1 Les studios Gaumont et Eclair : témoins obsolètes d’une puissance cinématographique révolue. ... 25

1.2 La Victorine, Billancourt, Joinville et Francœur : les studios de la deuxième génération. ... 34

1.3De Neuilly à Saint-Maurice, de Montmartre à Montsouris : la longue liste des petits studios français. ... 60

1.41929 : le calme avant la tempête. ... 72

Chapitre 2

:

1930, le réveil de l’industrie cinématographique ... 90

2.1 Le réveil du coq et de la marguerite ! ... 90

2.2 Les ambitions des nouvelles firmes françaises : Braunberger-Richebé à Billancourt, Haïk à Courbevoie... 121

2.3 Les Allemands s’installent à Epinay et les Américains à Saint-Maurice ... 138

Chapitre 3

:

Le passage au parlant : bouleversement technique... 168

3.1 Le lent aménagement des studios français pour le sonore. ... 168

3.2 L’ingénieur du son : nouvelle figure des studios. ... 194

3.3 Les tâtonnements des premiers tournages sonores. ... 205

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Deuxième partie

1931-1933 : le fragile âge d’or des studios français

Chapitre 4

:

Silence, on tourne ! ... 231

4.1 Une activité intense ... 232

4.2 Les multiples activités des studios ... 254

Chapitre 5

:

Le studio, creuset des professionnels du 7ème Art ... 321

5.1 Espace d’apprentissage ... 322

5.2 Espace d’expérimentation et d’innovation ... 344

5.3 Espace de sociabilité ... 357

Chapitre 6

:

Le studio comme pôle structurant de la vie locale ... 373

6.1 A Epinay, Joinville, ou Billancourt, impact des studios sur la vie économique locale. ... 374

6.2 Le studio pourvoyeur d’emplois pour la commune ? ... 392

6.3 Joinville, la ville-cinéma ? ... 402

Chapitre 7

:

l’âge d’or des studios : du mythe à la réalité... 409

7.1 Le studio : un monde fascinant et difficile d’accès. ... 410

7.2 Précarité et faiblesse des rémunérations. ... 424

7.3 Des conditions de travail difficiles. ... 445

Conclusion deuxième partie ... 458

Troisième partie

1934-1939 : Conséquences de la crise de la production sur l’organisation

des studios et la vie de leurs travailleurs.

Chapitre 8

:

Impact de la crise sur les travailleurs des studios ... 465

8.1 Le spectre du chômage au cœur des préoccupations. ... 466

8.2 Montée de la xénophobie dans les studios français ... 480

Chapitre 9

:

Repenser l’organisation des studios français ... 499

9.1 Généralisation du système de la location ... 500

9.2 La crise profite aux petits studios... 521

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Chapitre 10

:

1935-1939 : le temps de la lutte, ou l’émergence d’une véritable classe

ouvrière des studios. ... 559

10.1 La place grandissante des syndicats dans les studios français ... 560

10.2 La grève victorieuse de juin 1936 ... 579

10.3 Les acquis de juin 1936 à l’épreuve des faits ... 596

Conclusion troisième partie ... 629

Conclusion Générale ... 631

ANNEXES,SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE... 642

Annexes ... 643

Sources ... 740

Bibliographie ... 785

Index des noms ... 797

Index des titres de films ... 810

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Abréviations et sigles utilisés : AD : Archives départementales AM : Archives municipales AN : Archives nationales

ASPN : Association Sportive Pathé-Natan BNF : Bibliothèque Nationale de France

CLCF : Comité de Libération du Cinéma Français

COIC : Comité d’Organisation de l’Industrie Cinématographique

FNSAFF : Fédération Nationale des Syndicats d’Artisans Français du Film Fondation JSP : fondation Jérôme Seydoux-Pathé

SCCF : Syndicat des Chefs Cinéastes Français SGC : Syndicat Général du Cinéma

SGTIF : Syndicat Général des Travailleurs de l’Industrie du Film

SPFPC : Syndicat des Personnels Français de la Production Cinématographique SPEF : Syndicat Professionnel des Employés du Film

STPC : Syndicat des Techniciens de la Production Cinématographique

Avertissement : pour faciliter la lecture on trouvera en annexe un glossaire des termes techniques et argotiques utilisés dans les studios durant les années 1930, une fiche récapitulative donnant les noms et adresses des principaux studios, ainsi qu’une fiche technique pour chaque studio et les plans de certains d’entre eux (annexes n°1, 2, 3 & 4).

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Introduction

Au printemps 1929, le jeune Henri Alekan qui suit les cours du soir au Conservatoire des Arts et Métiers et rêve de devenir opérateur de prise de vues pour le cinéma, découvre émerveillé les studios de la rue Francœur. Ses premières impressions, sur le tournage du

Collier de la Reine de Tony Lekain et Gaston Ravel, illustrent bien l’attrait et la fascination

de ces espaces de production si particuliers que sont les studios de cinéma :

Pour le néophyte que j’étais, ce fut une révélation. Des gens s’agitaient, allaient et venaient dans la pénombre, accomplissant des gestes dont le sens m’échappait. Et puis brusquement, un mot lancé : Lumière ! Dans le crachotement des arcs électriques, une clarté éblouissante modela le décor, tira de l’ombre la richesse des costumes et des bijoux, la beauté des femmes parées d’un éclat inconnu. Le surnaturel surgissait sous mes yeux émerveillés. J’étais envouté. Sorti du studio, je retrouvais dans la pauvre lueur des réverbères à gaz, la rue Francœur, la rue de la Fontaine-au-But, la rue du Ruisseau, ma rue… La vie était donc si sombre et l’existence si fade, pendant que le cinéma débordait d’activité, de mystérieuses techniques, de raffinements splendides1 !

A la fois outil technique complexe et lieu féérique, le studio incarne parfaitement cette double dimension, industrielle et artistique, du cinéma. Si, en dépit de leur caractère fonctionnel et sans apparat, ces bâtiments focalisent l’attention des observateurs et suscitent tant de curiosité, c’est qu’ils représentent, dans les années 1930, le véritable cœur géographique, économique et symbolique de l’industrie cinématographique. S’intéresser à l’activité des studios de cinéma, c’est embrasser dans un même mouvement, les dimensions techniques, artistiques, économiques, sociales, culturelles et humaines de la production cinématographique.

A travers une étude générale des infrastructures de production, l’ambition de cette recherche est double. Il s’agit d’une part de mettre en évidence la centralité du studio dans l’organisation de la production cinématographique française des années 1930, mais également de montrer quel a pu être l’impact des évolutions de fonctionnement des studios au cours de la décennie sur les conditions de travail et les modes de sociabilité des

1

Henri Alekan, Le vécu et l’imaginaire, chroniques d’un homme d’images, Paris, édition Source-La Sirène, 1999, p.12.

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ouvriers et techniciens du film. Comment les studios français, dispersés et relativement modestes, sont-ils parvenus à relever le défi du passage au parlant, puis à s’adapter à la crise de la production qui frappe l’industrie cinématographique française à partir de 1933-1934 ? Et comment les travailleurs des studios ont-ils répondu aux bouleversements structurels, économiques, sociaux et culturels provoqués par cette crise ? Telles sont les deux interrogations essentielles qui guident et sous-tendent toute cette recherche.

• Pour une histoire générale des studios français.

Etudier l’ensemble des studios français entre 1929 et 1939, pourrait, à première vue, donner l’impression d’un sujet extrêmement vaste, voire incompatible avec les exigences d’une recherche approfondie. Loin d’être le fruit d’une indécision ou d’une paresse réflexive, il s’agit d’un choix délibéré qui s’explique par l’état de l’historiographie sur cette question, mais surtout par la nature du sujet. Avec l’arrivée du film parlant, les studios et leurs indispensables équipements techniques prennent une place considérable dans l’organisation de la production. A la fois outils techniques, espaces de sociabilité et lieux de brassage de toutes les catégories professionnelles du cinéma, les studios paraissent incontournables dès lors que l’on s’intéresse à l’histoire économique, technique, sociale ou culturelle du cinéma des années 1930. Pourtant, les historiens du cinéma se sont paradoxalement très peu intéressés à cette question, ou de manière indirecte, pour ne pas dire accessoire. En l’absence d’informations factuelles de base et d’ouvrages de synthèse, il paraissait quelque peu incohérent d’essayer d’analyser un aspect très précis de la question en ignorant tout de la situation globale et des dynamiques qui animent ce secteur durant la décennie. Mais c’est surtout la structure de cette branche de l’industrie cinématographique qui appelle une approche globale.

Contrairement à d’autres pays, notamment les Etats-Unis, dans lesquels quelques grands studios dominent le marché et fonctionnent indépendamment les uns des autres, l’organisation des studios français est beaucoup plus éclatée et complexe. Bien qu’il existe quelques « grands studios » relativement autonomes (principalement ceux de Joinville, Billancourt ou Saint-Maurice), la production française s’appuie largement sur une série de petites et moyennes infrastructures, liées les unes aux autres. Les hommes, les films et parfois même le matériel (camions sonores, travelling, etc.) circulent d’un studio à l’autre formant un véritable réseau. Il convient donc d’envisager le « système des studios français » dans sa globalité. Se focaliser sur l’étude d’un seul studio, non seulement ne permettrait pas d’en saisir véritablement les dynamiques et le mode de fonctionnement,

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mais risquerait de fausser l’analyse. Comment comprendre la pression qui s’exerce sur les travailleurs des studios de Joinville au milieu de la décennie, en ignorant les licenciements massifs dans les studios de Saint-Maurice ou d’Epinay-sur-Seine qui mettent sur le marché du travail plusieurs centaines d’ouvriers et techniciens du cinéma ? Comment analyser l’organisation des tournages dans un seul studio, lorsqu’un film peut être tourné en partie à La Victorine en partie aux Buttes Chaumont, avec un appareil d’enregistrement sonore loué aux studios de Billancourt, un chef opérateur venu des studios d’Epinay-sur-Seine et un chef décorateur appartenant aux équipes des studios Pathé de Joinville ? Ce n’est qu’en étudiant l’ensemble des studios français que l’on parvient progressivement à percevoir le mode de fonctionnement de chacun et à comprendre les dynamiques et les évolutions qui se jouent au cours de la décennie. C’est en croisant des éléments épars, en comparant des situations, en établissant des passerelles entre les studios que l’on peut donner un sens à des informations souvent ponctuelles et sans intérêt prises isolément. Cette recherche sur les studios français privilégie une approche systémique et s’apparente d’une certaine manière à la réalisation d’une mosaïque dans laquelle chaque élément pris individuellement n’offre un intérêt que très limité, mais où l’agencement de ces éléments permet de dresser un tableau complet et nuancé de la situation.

Cette approche globale de la question, ne signifie pas pour autant absence de parti pris ou d’axe de réflexion. Si le premier objectif de cette recherche est bien de rassembler des données factuelles, nécessaires à la description des studios, elle ne vise pas à dresser un simple inventaire des infrastructures de production cinématographique dans la France de l’entre-deux-guerres, mais entend analyser leur fonctionnement, leurs évolutions et l’impact de ces dernières sur la communauté des travailleurs de la production. Cette histoire générale des studios français, tout en évoquant certaines questions techniques ou économiques, place résolument l’homme au cœur de ses préoccupations, méritant ainsi le qualificatif d’histoire socio-culturelle. Toutes les questions d’ordre politique, économique ou technique, ne sont abordées ici que dans la mesure où elles ont un impact direct sur les conditions de travail ou le quotidien des ouvriers et techniciens de la production. Ce choix délibéré de placer l’humain et non l’outil ou l’objet réalisé (en l’occurrence le film), au cœur de l’analyse, implique nécessairement quelques renoncements. La question du financement et des coûts de construction ou d’aménagement des studios - qui n’influence pas directement leur fonctionnement - a ainsi été délibérément écartée. Aborder ce sujet, qui s’inscrit nécessairement dans une réflexion plus globale sur les modèles de développement économique de l’industrie cinématographique française, obligerait à

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s’éloigner de la problématique principale de cette thèse, centrée sur les liens entre les studios et les travailleurs de la production. Par ailleurs, la situation de chaque studio diffère sur ce point de celle du studio voisin. Chaque structure possède son propre mode de financement et les sommes investies varient considérablement selon la taille des installations, mais également en fonction de leur histoire et leur potentiel initial. Etudier le coût et le financement de la réhabilitation de la cité Elgé au moment du passage au parlant par la toute nouvelle GFFA, ne nous renseigne nullement sur le financement des studios de Saint-Maurice, construits pratiquement de toutes pièces par la société Paramount. Dans ce domaine, l’addition des études de cas particuliers ne permet pas de mettre en évidence un fonctionnement global ou de dégager un modèle spécifique.

Les films eux-mêmes, peuvent paraître étrangement absents de cette étude, ou tout au moins évoqués de manière extrêmement aléatoire et partielle. Mais étudier le fonctionnement et l’activité des studios de cinéma, ne signifie pas écrire une histoire globale de la production française. Il n’est pas question ici de s’intéresser aux films ou à leurs auteurs en fonction de leur influence esthétique ou économique, ou de la trace qu’ils ont pu laisser dans l’histoire du cinéma, mais d’essayer de comprendre le fonctionnement d’un outil de production et de mettre en évidence les dynamiques humaines qui l’animent. Dans cette perspective, Bibi la purée de Léo Joannon peut avoir autant d’intérêt que La

règle du jeu de Renoir. Si certains réalisateurs, étroitement associés à l’histoire et l’activité

d’un studio en particulier – comme René Clair à Epinay-sur-Seine, Pierre Colombier à Joinville ou Marcel Pagnol à Marseille – sont régulièrement évoqués, d’autres personnalités majeures, comme Jean Grémillon ou Julien Duvivier par exemple, ne sont citées que de façon anecdotique. Il en est de même pour les acteurs qui donnent pourtant aux studios cet éclat, cette touche de luxe et de mystère qui les rend si fascinants aux yeux du public, mais qui influencent de façon très marginale leur fonctionnement. Les acteurs, connus et inconnus, ne sont donc cités dans cette étude que dans la mesure où leur présence nécessite des aménagements spécifiques d’espace ou d’emploi du temps. Danielle Darrieux, Jean Gabin, Charles Vanel ou Gaby Morlay, n’apparaissent donc qu’en filigrane, au détour d’un développement sur la construction de loges d’artistes, l’organisation du service des costumes ou bien les horaires de tournage. Davantage présents dans les chapitres consacrés aux premières années de la décennie – lorsqu’un certain nombre d’entre eux étaient sous contrat à l’année – leur présence silencieuse irradie et éclaire néanmoins l’ensemble de cette étude. Collaborant quotidiennement avec les techniciens, sympathisant parfois avec les ouvriers présents sur les plateaux, les acteurs – du figurant à

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la vedette – sont une composante essentielle de cette petite société des studios. Mais paradoxalement, alors qu’ils représentent la partie la plus visible des professionnels du cinéma, ils n’ont qu’un impact très réduit sur l’organisation et le fonctionnement des studios, qu’ils fréquentent le temps d’un tournage, comme des hôtes de passage.

Pour être pertinente et réalisable, cette étude socio-culturelle du système des studios français doit enfin porter sur une période à la fois riche et assez longue pour percevoir des évolutions, sans être pour autant trop importante, afin d’être suffisamment détaillée et précise, d’où le choix des années 1930. Une analyse sur le temps long, du lendemain de la 1ère Guerre Mondiale à la Nouvelle Vague par exemple, aurait certes été d’un grand intérêt du point de vue historiographique mais n’aurait pu s’inscrire dans le cadre d’une thèse de doctorat, à moins de brosser à gros traits un tableau nécessairement approximatif. Les années 1929 à 1939 m’ont semblé intéressantes car elles constituent une entitée chronologique cohérente et un temps fondateur dans l’histoire des studios. Le choix de l’année 1929 est dicté par un motif technique évident : le passage au parlant, qui constitue un basculement fondamental dans l’histoire des studios français et marque l’entrée dans une nouvelle ère pour les studios français. Dix ans plus tard, avec l’entrée en guerre de la France le 3 septembre 1939, cette période se referme. Les studios cessent momentanément leur activité durant la « Drôle de Guerre », avant de redémarrer progressivement sous l’occupation, dans un contexte politique, économique et social totalement différent. Entre ces deux dates, les studios français connaissent une période particulièrement riche, faite de bouleversements techniques, de dynamiques économiques contrastées et de mutations sociales profondes, qui marqueront durablement l’organisation des structures de production de l’industrie cinématographique française. C’est en effet le deuxième facteur décisif dans le choix des années 1930, leur caractère fondateur. Du point de vue des installations elles-mêmes, l’avènement du parlant marque la disparition d’un certain nombre de studios emblématiques de l’ère du muet comme le studio Eclipse à Boulogne, le studio de la société Film d’Art à Neuilly ou le studio de Montreuil occupé dans les années 1920 par la société Albatros. A l’inverse l’immense majorité des studios qui voient le jour, ou se développent, avec l’arrivée du parlant, sont ceux sur lesquels la production française continuera de s’appuyer durant plusieurs décennies, studios de Joinville, Saint-Maurice ou Billancourt notamment. Mais c’est également durant les années 1930 que se mettent en place les principaux syndicats de la production ainsi que des réseaux de sociabilité solides entre ouvriers et techniciens du films, qui joueront un rôle décisif pendant l’occupation – à travers notamment la création

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du CLCF (Comité de Libération du Cinéma Français) – puis dans les luttes de l’après-guerre contre les licenciements massifs et les accords Blum-Byrnes. Enfin, de manière plus pragmatique, une période de dix ans rendait possible un dépouillement très poussé des archives et de la presse corporative ce que n’aurait pas permis une étude courant sur quarante ou cinquante ans, pour laquelle il aurait été nécessaire d’opérer des choix et un dépouillement parcellaire par sondage.

• Historiographie balbutiante et sources dispersées : matériaux pour une histoire des studios.

Le sujet de cette thèse trouve son origine dans un constat, doublé d’une interrogation. Cherchant des informations sur la préparation graphique des films au sein des équipes de décoration des studios français, j’ai été étonnée de ne trouver aucun ouvrage sur les studios, dans lesquels avaient pourtant été tournée l’immense majorité de la production française des années 1930 à 1960. Ce vide bibliographique s’expliquait-il par un manque d’intérêt pour la question ou tout simplement par l’impossibilité matérielle de mener une telle recherche, faute de sources ? Les premiers sondages effectués dans les fonds d’archives des grandes institutions patrimoniales, publiques comme privées, semblaient donner raison à la seconde hypothèse. Au-delà de quelques photos promotionnelles pour la Victorine et de quelques plans de Joinville ou des Buttes Chaumont, les studios français ne paraissaient pas avoir laissé de traces dans les archives, ou du moins ne faisaient l’objet d’aucune classification spécifique. Située à la croisée de l’histoire technique, économique, politique, sociale, esthétique et culturelle du cinéma, la mémoire des studios se trouve en réalité dispersée dans une multitude de fonds d’archives. Eparpillée et cachée sous les étiquettes les plus diverses, elle est pourtant présente et ne demandait qu’à être exhumée. Mener une recherche sur les studios de cinéma en France, c’est donc s’aventurer sur un terrain paradoxalement presque vierge. Contrairement aux studios américains ou britanniques, qui ont fait l'objet de nombreuses études, les studios de cinéma français, dans leur ensemble, n'ont donné lieu à aucune recherche approfondie. Mis à part le livre d’Anne-Elizabeth Dutheil de la Rochère sur les dix premières années de la Victorine, et quelques textes relevant davantage de l'évocation nostalgique d'un monde révolu que de l'analyse historique, aucun ouvrage ne s’est intéressé de manière directe à cette question ni n’a envisagé une approche globale et systémique des studios français. Plusieurs études abordent le sujet sous une facette ou sous une autre : sous l’angle de la technique (Martin Barnier, En route vers le parlant) dans sa dimension économique (Jacques Choukroun,

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Comment le parlant à sauvé le cinéma français) ou bien esthétique (Max et Jacques Douy, décors de cinéma, un siècle de studios français). Certaines études centrées sur une firme

ont également inclu les studios dans leur analyse (Jacques Kermabon et André Rossel Kirschen sur Pathé, Philippe d’Hugues et Dominique Muller sur Gaumont ou bien Eric Leroy et Laurent Billia sur Eclair) mais dans la plupart des cas, le studio n’est évoqué que pour appuyer une démonstration sur la puissance économique d’une société, le dynamisme d’une personnalité (Léon Gaumont, Bernard Natan, Serge Sandberg ou Charles Jourjon) ou l’évolution du décor de cinéma. Jamais le studio n’y est étudié en lui-même, jamais il ne se trouve au cœur de la réflexion. La bibliographie sur les studios français est donc extrêmement réduite et ce n’est qu’au prix de nombreux détours par des ouvrages et articles traitant de l’histoire économique, sociale ou syndicale du cinéma, que l’on parvient à réunir quelques informations et réflexions sur l’organisation et le fonctionnement des studios.

Heureusement, les sources sont suffisamment riches et variées pour combler, en partie, les manques d’une bibliographie limitée. La difficulté tient dans ce domaine au caractère éparpillé, éclectique et parfois aléatoire des informations récoltées, qu’il convient de choisir avec soin et d’analyser avec précaution. Cette recherche se base principalement sur cinq grandes catégories de sources : la presse corporative, des documents de production, des archives administratives et syndicales, des témoignages et des archives audiovisuelles.

1°) La presse corporative constitue une source de toute première importance pour constituer un historique détaillé des studios et de leur activité. Relatant semaine après semaine les micro-évènements de la profession, multipliant les reportages sur tous les aspects techniques de la production et détaillant avec précision chaque tournage prévu ou en cours, elle offre une véritable radioscopie du quotidien des studios. Certains périodiques particulièrement précis comme La Cinématographie Française, La technique

cinématographique ou Le Reporter du studio, ont fait l’objet d’un dépouillement intégral

sur dix ans, et permis de constituer la base factuelle nécessaire à cette étude. La presse grand public - Pour Vous, Cinémonde, Cinémagazine notamment – si elle n’apporte qu’exceptionnellement des informations techniques sur les infrastructures, les tournages en cours ou les événements politiques ou syndicaux liés à la production, se révèle pourtant précieuse en ceci qu’elle restitue l’état d’esprit de cette époque et permet de connaître l’opinion des réalisateurs, vedettes ou techniciens de renom sur leurs conditions de travail et la pratique de leur métier. Quelques titres de la presse locale comme L’étincelle de

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(distribuée sur les communes de Joinville-le-Pont et Saint-Maurice) ont également fait l’objet de dépouillements systématiques. Par ailleurs, la consultation des dossiers de presse de la collection Rondel, conservée à la BNF, a permis d’élargir le spectre des titres, avec des articles tirés de L’intransigeant, Comœdia ou la Revue de Paris.

2°) Les archives de production, qu’elles émanent de sociétés privées (comme Pathé ou Gaumont), ou d’individus (producteurs, réalisateurs et décorateurs essentiellement) constituent la deuxième source fondamentale de cette recherche. A travers les budgets des films, les plans de travail, les correspondances ou les comptes-rendus de tournage, se dessine en filigrane toute l’organisation du studio. Certains fonds d’archives conservés à la Cinémathèque Française (fonds Albatros, Lucien Aguettand, Lazare Meerson, Louis Gaumont et Germaine Dulac) et à la BNF (fonds René Clair, Charles Vanel et Léon Barsacq) se sont révélés particulièrement précieux à divers titres (organisation des tournages, contrats de travail, dimensions et équipement des studios, activité syndicale des techniciens, etc.). Mais ce sont au total 25 fonds d’archives, conservés dans ces deux institutions, qui ont été dépouillés avec profit, apportant chacun un éclairage différent sur le travail et la vie des studios. Du côté des fonds privés, si le musée Gaumont ne m’a permis d’accéder qu’à un nombre extrêmement réduit de documents, la fondation Jérôme Seydoux-Pathé m’a en revanche donné accès à des archives d’une richesse exceptionnelle (bordereaux de production, correspondances, fiches du personnel, etc.).

3°) Les archives administratives et syndicales représentent également une source considérable d’informations sur les studios. Les fonds de la Présidence du Conseil et du ministère du Travail relatifs aux questions cinématographiques, conservés aux Archives Nationales, donnent un aperçu assez complet des relations entre les dirigeants de studios, les responsables syndicaux et les pouvoirs publics. A travers les correspondances et les nombreux rapports sur l’état de l’industrie établis à cette période (rapport de Carmoy, rapport Petsche, rapport de la commission Renaitour…), ces fonds d’archives nous renseignent en particulier sur les conditions matérielles et financières de travail dans les studios. Sur cette question, comme sur celle essentielle des mouvements sociaux qui agitent les studios français dans la deuxième moitié de la décennie, les archives syndicales (correspondance, circulaires, projets de loi, et presse syndicale) se sont révélées extrêmement fécondes. Les archives municipales des communes ayant eu des studios sur leur territoire ont permis d’obtenir des précisions sur les dates de construction, plans et dimensions des studios, mais également sur l’impact des studios sur la vie locale en terme d’emploi et de retombées économiques.

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4°) La dernière grande catégorie de sources imprimées est celle des témoignages, Mémoires et souvenirs des personnalités ayant occupé, à titre divers, des fonctions dans les studios français de la période. Les témoins les plus loquaces et les plus précis concernant les studios sont sans conteste les techniciens, réalisateurs, chefs opérateurs et chefs décorateurs en tête. Ces souvenirs - consignés généralement plusieurs années, voire décennies après les faits – offrent une multitude d’informations ou d’anecdotes séduisantes qu’il convient toutefois d’utiliser avec la précaution qui s’impose pour ce genre de sources.

5°) Il faut enfin ajouter les sources iconographiques et audiovisuelles. Les photos des différents studios, mais également les photos de tournage, les reportages d’actualité ou les documentaires de l’époque (comme le célèbre Grève d’occupation, tourné en juin 1936 dans les studios occupés) ont ainsi permis d’apporter des précisions et parfois d’éclairer la compréhension de documents écrits imprécis ou lacunaires.

• Questions de sémantique et de méthodologie.

Le caractère pluridisciplinaire de cette recherche ainsi que la variété et l’aspect hétéroclite des sources consultées, nécessitent de définir certaines notions clés et de présenter la méthode employée.

En premier lieu, il convient de préciser le terme même de « studio » et les différents sens qu’il peut revêtir. Employé au singulier, le terme désigne communément une infrastructure de production ne comportant qu’un seul plateau (le studio Apollo, le studio Montsouris) mais peut également définir un concept ; le studio est alors entendu comme un ensemble d’infrastructures, d’équipements et de prestations, plus ou moins étendus, au service de la production cinématographique. Au pluriel, le terme désigne des installations comptant au minimum deux plateaux, mais peut prendre une signification plus ou moins large selon les cas. Le terme de studios peut-être entendu à minima au sens de « théâtre de prise de vues ». Il définit alors le ou les bâtiments, dans lesquels sont effectuées les prises de vues, mais également les bâtiments accueillant l’ensemble des services administratifs et techniques : ateliers de construction des décors, magasins de stockage, bureaux de la production, etc. Au sein de cette étude, les espaces de tournage sont désignés par le terme de « plateaux », tandis que celui de « studios » se rapporte à l’ensemble des installations. Par extension, la notion de « studios » peut englober les équipements, les services de production et les hommes qui y travaillent. Cependant, malgré les tentatives françaises de se calquer sur le modèle hollywoodien, on ne parle jamais, en France, de studio au sens de

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société cinématographique intégrée (regroupant toutes les branches de l’industrie, de la fabrication d’appareils et de pellicule vierge, à l’exploitation en salle, en passant par la production et la distribution). Par « studios Pathé » - toujours au pluriel – on entend uniquement le pôle de production, établi dans deux ensembles de bâtiments, à Joinville-le-Pont et rue Francœur et non l’ensemble des activités du groupe (usine de tirage, distribution, réseau de salles, etc.). Précisons par ailleurs, que cette étude ne porte que sur les studios capables d’effectuer des prises de vues et disposant d’infrastructures fixes. Les « studios ambulants » - en réalité des entrepreneurs proposant du matériel de prise de vues et les services de quelques techniciens pour des tournages en extérieur – ou les studios de doublage et de synchronisation, qui fleurissent à partir de 1932-1933, ne sont évoqués ici que de façon marginale et n’ont pas fait l’objet d’une étude approfondie. Le deuxième point à préciser concerne l’expression de « système des studios » qui ne doit pas être entendu au sens anglo-saxon de studio system, mais désigne ici un ensemble complexe d’éléments de même nature, fonctionnant en réseau. La notion de studio system qui désigne à la fois les méthodes de production et de réalisation mises en place dans les grandes Majors américaines à partir des années 1920 et leur politique d’intégration verticale - qui rassemble, au sein d’une seule firme, toutes les branches de l’industrie, de la fabrication du matériel jusqu’à la projection en salle - n’a jamais connu d’application aboutie et durable en France. L’usage du terme « système » est appliqué ici à l’ensemble des studios français, conçus comme un tout cohérent, composé de structures de productions diverses et complémentaires.

La troisième et dernière précision sémantique porte sur les différents termes utilisés pour désigner le personnel des studios. Loin de former un groupe homogène, ce personnel est composé d’hommes et de femmes affectés à des tâches variées et qui disposent de statuts différents, ce qui rend leur désignation parfois compliquée. Travaillant en collaboration au sein d’un même studio, on trouve en effet des techniciens, des ouvriers, des personnels administratifs, certains engagés à l’année, d’autre pour quelques jours seulement, les uns employés par le producteur du film, les autres par la direction des studios. Afin d’essayer d’y voir plus clair, il convient donc de préciser la signification des termes choisis pour désigner ces différents groupes professionnels. On peut distinguer trois grandes catégories de travailleurs au sein des studios dans les années 1930 : les employés, les ouvriers et les techniciens. Par « employés », on désigne l’ensemble du personnel administratif (secrétaires, standardistes, comptables, coursiers), le personnel de direction (chefs de services, directeurs de la production, directeurs administratifs, directeurs de la

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comptabilité) mais également tout le personnel affecté au fonctionnement quotidien du studio (concierges, portiers, femmes de ménage, gardiens). Ils sont engagés directement par la direction du studio et constituent les équipes fixes, présentes tout au long de l’année, quels que soient les aléas de la production. Le terme « ouvriers » désigne le personnel peu qualifié, affecté à la construction et la mise en place des décors, à l’équipement électrique des plateaux et à l’entretien du matériel : les menuisiers, peintres, staffeurs, mécaniciens, machinistes, électriciens, etc. Ils dépendent également de la direction des studios, mais sont payés à la semaine et peuvent être mis à pied lorsque le niveau d’activité baisse, leur nombre peut donc varier d’une semaine sur l’autre. Enfin le terme de « techniciens » est utilisé pour évoquer le personnel de production, chargé de la conception et de la réalisation du film. C’est le groupe de loin le plus hétérogène qui regroupe aussi bien des réalisateurs que des chefs décorateurs, des opérateurs, des habilleuses, des accessoiristes ou des directeurs de production. Contrairement au deux premières, cette catégorie de personnel est engagée directement par la société de production – qui peut dans certains cas être également la société qui exploite le studio – généralement pour la durée d’un film. Sur la base de cette répartition schématique, il existe de nombreuses exceptions et nuances. Certains techniciens, comme les ingénieurs du son, peuvent dépendre directement de la direction des studios, par ailleurs, au début de la période, de nombreux techniciens sont engagés à l’année par des maisons de production qui peuvent également – ou non – exploiter leur propre studio. De plus, les barrières d’une catégorie à l’autre ne sont pas étanches et il n’est pas toujours facile de distinguer l’ouvrier du technicien. Le peintre, engagé par le studio au sein des équipes de décoration, qui réalise des découvertes ou des miniatures pour les trucages doit-il être rangé dans la catégorie des ouvriers ou dans celle des techniciens ? La couturière du studio, qui gagne moins qu’un machiniste mais réalise les costumes des petits rôles ou des figurants, est-elle considérée comme une ouvrière ou comme une collaboratrice de création ? Cette variété de métiers, de situations et de statuts rend difficile l’usage d’un terme unique pour désigner l’ensemble du personnel. L’expression « salariés », laisserait supposer que toutes les personnes travaillant au studio bénéficient d’un salaire fixe et régulier, versé par un même employeur, ce qui n’est pas le cas. Celui d’ « employés » risquerait de provoquer une confusion avec la première catégorie, qui regroupe les personnels administratifs. J’ai donc décidé de retenir l’expression plus neutre de « travailleurs des studios », même si dans la terminologie syndicale de la deuxième moitié de la décennie, le terme « travailleurs » a tendance à désigner implicitement les catégories ouvrières des studios. D’une manière

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générale, j’ai essayé de préciser le plus souvent possible à quel groupe ou catégorie de personnel je me réfère afin de lever toute ambigüité.

Il convient enfin de décrire la méthodologie retenue pour mener à bien cette étude. En l’absence d’ouvrage de synthèse et de toute donnée statistique sur la question, il m’a fallu procéder de manière empirique et commencer par établir un socle d’informations solide sur lequel appuyer mon analyse. Dresser la liste des studios français en activité durant les années 1930 est relativement aisé, mais ne permet bien évidemment pas de se faire une idée précise ni de leur niveau d’activité, ni de leur importance réelle à l'échelle de la production nationale. Il était donc nécessaire de connaître pour chaque studio le nombre de films tournés, mais également les dates de tournage, la composition des équipes techniques et artistiques des films et de rassembler un maximum d’informations sur les décors, les dates et lieux de tournage des extérieurs ou la durée de préparation du film. En dépouillant la presse corporative, en particulier La Cinématographie Française et en recoupant - quand cela était possible - les informations avec d’autres sources (bilans annuels de production de certaines firmes, archives de production, catalogues de films, Mémoires de techniciens, etc.), j’ai pu constituer une importante base de données et dresser un tableau de l’activité de l’ensemble des studios entre 1929 et 1939. Ce recensement précis de l’activité de chaque studio, m’a permis de mettre en évidence les disparités existantes entre eux, les évolutions de certaines structures et les dynamiques globales qui se dessinent sur dix ans. Au-delà des tournages, cette base m’a donné la possibilité de retracer des parcours de techniciens, d’évaluer leur mobilité et de mettre en lumière les liens pouvant exister entre certains studios ou bien entre un producteur et un studio.

Au cours de cette longue collecte d’informations ponctuelles et éparses, je me suis trouvée confrontée à plusieurs difficultés et à la nécessité de faire des choix. Le premier obstacle – qui n’est pas propre à cette recherche sur les studios mais concerne tous les historiens travaillant sur la production cinématographique d’avant 1945 – est lié à l’absence de données chiffrées sur le sujet. En 1932, Marcel Colin-Reval, rédacteur à La Cinématographie

Française, se lamente du peu de soutien que lui manifestent les professionnels du cinéma

dans sa quête pour réunir et publier « des chiffres exacts sur l’activité de notre industrie » et déplore qu’aucune institution n’ait, à cette date, compris la nécessité d’établir les bilans

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chiffrés précis de la production nationale2. Malgré les efforts manifestes de cet hebdomadaire pour combler cette lacune, les informations sur le nombre de films tournés par studio s’avèrent non seulement rares, mais surtout très incomplètes. Il a donc fallu procéder au cas par cas, film par film, semaine après semaine pour tenter d’établir un premier panorama de l’activité des studios. Bien que l’utilisation des installations ne se limite pas au temps de tournage, j’ai décidé de retenir dans cette base les dates de début et fin de tournage qui correspondent au temps d’occupation des plateaux. La durée de préparation du film, tout comme la phase de montage ou de synchronisation étant très variable d’un film à l’autre et rarement précisée dans la presse, il paraissait plus sûr de s’en tenir au temps de tournage, ce qui n’empêche pas de prendre en compte les informations complémentaires sur l’occupation des studios, lorsqu’elles existent. En ce qui concerne l'année retenue pour chaque film, j’ai choisi de prendre en considération la date de début de tournage. Nuit de feu de Marcel L’Herbier par exemple, dont le tournage se déroule au studio de Joinville du 14 décembre 1936 au 30 janvier 1937, est donc comptabilisé dans l’année 1936.

Malgré les efforts déployés afin d’établir une base de données la plus riche et la plus précise possible, elle reste inévitablement incomplète et comporte un certain nombre d’approximations. Les sources utilisées ne sont tout d’abord pas exemptes d’erreurs et on trouve régulièrement dans La Cinématographie Française des incohérences sur la chronologie des tournages. Par un recoupement systématique des sources de nombreux doutes ont pu être levés, mais certains cas restent en suspens. Si l’on peut, dans bien des cas, rectifier des informations erronées, il est impossible de mettre au jour les nombreux tournages passés totalement sous silence. Il existe en effet toute une « production invisible » qui alimente les studios sans laisser de traces. Il s’agit principalement des tournages de courts-métrages, largement sous-évalués dans la presse, mais également de tous les travaux de doublage, synchronisation de documentaires, réalisation de films-annonces et autres essais d’artistes qui ne sont pratiquement jamais évoqués. Malgré le caractère lacunaire des informations récoltées sur ces activités, il me paraissait absolument nécessaire de les intégrer à cette base de données. Ne prendre en considération que la production des longs-métrages de fiction n’aurait eu aucun sens dans le cadre d’une réflexion sur l’activité globale des studios. En dépit de l’inévitable marge d’erreur qu’ils comportent, les chiffres de la production, cités dans cette thèse, proviennent donc - sauf

2

Marcel Colin-Reval, « Statistiques sur le cinéma français », La Cinématographie Française, n°699, 26 mars 1932, p42.

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mention contraire - de cette base, spécifiquement établie pour les besoins de cette recherche.

Les informations concernant les tournages ne sont pas les seules à pâtir de carences évidentes. Malgré l’abondance et la variété des sources dépouillées, certains éléments d’information font cruellement défaut. Il n’est pas toujours aisé de reconstituer les organigrammes des principaux studios, les effectifs et parfois l’agencement des bâtiments eux-mêmes, restent, dans certains cas, très imprécis. La documentation disponible n’étant pas liée à l’importance des studios mais aux vicissitudes de leur histoire, certains studios, pourtant très actifs, n’ont laissé pratiquement aucune trace, je pense notamment aux studios de Neuilly, aux studios de Jacques Haïk à Courbevoie ou aux studios François 1er. Ces inévitables manques n’empêchent toutefois pas de dresser un tableau d’ensemble, relativement détaillé, qui révèle la richesse et la complexité de ce sujet de recherche.

• Une approche en trois temps

Sur une période de dix ans, il paraissait difficile de ne pas établir de périodisation et d’englober la variété des situations dans un même mouvement. Parallèlement, l’étendue du sujet ne permettait pas pour chaque période déterminée, de passer en revue tous les aspects de la question. J’ai donc décidé d’adopter une organisation à la fois chronologique et thématique.

La première partie, qui couvre les années 1929 et 1930, aborde la question du passage au parlant en privilégiant une approche descriptive des installations. Sur quels studios la production française peut-elle s’appuyer pour se lancer dans la révolution du parlant ? Certains semblent sur le déclin, d’autres en pleine expansion, tandis que quelques installations somnolent en attendant une relance de la production. Il s’agit dans cette première partie de dresser un tableau de la situation en 1929 et de montrer quelles sont les modifications matérielles et techniques, mais également les dynamiques économiques qui ont modelé le nouveau paysage des studios français à l’aube de la décennie.

La deuxième partie, en s'appuyant sur les années 1931-1933, s’attache à mettre en lumière le fonctionnement des studios, à déterminer le niveau d’activité de chacun, mais également à montrer les disparités existantes d’un studio à l’autre. L’étude de la production et les dynamiques professionnelles qui animent les studios et leurs environs, sont au cœur de cette deuxième partie, qui correspond à la période la plus prolifique et la plus intensive de la décennie en matière de tournages.

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Enfin la troisième partie, de loin la plus longue chronologiquement puisqu’elle couvre la période 1934-1939, considère les studios sous l’angle des revendications sociales des travailleurs. Premières victimes des grandes faillites des années 1934-1935 et de l’éparpillement des moyens de production, les ouvriers et techniciens du film doivent faire face à une dégradation importante de leurs conditions de travail et de rémunération. Dans ce contexte de crise, le studio se transforme progressivement en espace de revendications et les luttes sociales qui agitent la deuxième moitié de la décennie, contribuent à l’émergence d’une véritable classe ouvrière des studios, de plus en plus consciente de son unité et de son pouvoir.

Cette approche en trois temps, ne prétend pas fixer des bornes chronologiques étanches. Il n’y a pas de césure franche entre 1930 et 1931 ou entre 1933 et 1934. La crise de la production qui se matérialise dans les studios à partir de 1933-1934, est déjà en germe en 1932 lorsque la production des grands studios de Joinville ou Saint-Maurice commence à montrer des signes d’essoufflement. De la même manière, le chômage, qui s’aggrave à partir de 1934-1935, est loin d’être absent des préoccupations des techniciens en 1931 ou 1932. L’analyse des conditions matérielles et techniques de tournage, proposée dans la deuxième partie pour les années 1931-1933 est toujours valable, à quelques détails près, en 1938 ou 1939. De même, l’impact de certains studios sur la vie économique locale, étudié en début de période, s’exerce selon des modalités identiques vers la fin de la décennie. Il existe indéniablement des éléments de continuité et des passerelles d’une période à l’autre, tout comme les considérations d’ordre technique, social ou culturel se mêlent inextricablement pour créer une dynamique propre à chaque studio.

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P

REMIERE PARTIE

1929-1930 :

P

ASSAGE AU PARLANT ET RESTRUCTURATION DES

STUDIOS FRANÇAIS

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Introduction

Cette première partie, consacrée à la période de transition entre cinéma muet et cinéma parlant, est conçue comme une sorte de tableau préliminaire, un socle informatif sur lequel s’appuyer pour comprendre les évolutions et les dynamiques en jeu tout au long de la décennie. Il s’agit d’apporter ici des informations élémentaires sur la localisation des studios, sur leur superficie, leurs infrastructures, leurs caractéristiques techniques, mais également de mettre en évidence leurs héritages et les nouvelles dynamiques qui les animent à l’aube du parlant. S’agit-il de studios anciens ou récents ? On-t-il joué un rôle important dans la production française à l’époque du muet ? Le passage au parlant constitue-t-il une rupture importante dans leur histoire ou une simple adaptation technologique ? Autant de questions qui permettent de mettre en évidence la variété des situations et de mieux comprendre le fonctionnement de certains studios mais surtout d’éclairer les rapports de complémentarité ou de concurrence qu’ils entretiennent et leurs évolutions au gré des mutations économiques et sociales qui agitent la production cinématographique des années 1930.

Le premier chapitre entend donc dresser un état des lieux de la situation des studios français à la veille du passage au parlant. L’inventaire des studios en activité en 1929 (en écartant les studios qui ne parviendront pas à franchir le cap du passage au parlant et fermeront définitivement leurs portes dès 1930) met en évidence plusieurs catégories de studios. Ceux conçus avant la Première Guerre mondiale d’une part et ceux conçus lors de la seconde vague de construction au début des années 1920 d’autre part. Mais parmi ces deux grandes catégories, on doit distinguer les grands studios ayant une activité régulière et intégrant des services annexes organisés et compétents (service de décoration, stock de costumes, salles de montage, etc.) des petits studios qui ne possèdent généralement qu’un modeste plateau, peu ou pas de services annexes et ne peuvent donc pas fonctionner de manière autonome. Quels que soient leur histoire et l’ampleur de leurs infrastructures, tous les studios de cet ensemble hétéroclite se trouvent pareillement frappés par la crise de production qui accompagne l’agonie du film muet. Au-delà des infrastructures, la situation des travailleurs du film est également étudiée en cette année 1929, particulièrement délicate pour les ouvriers et techniciens des studios français.

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Le deuxième chapitre s’attache à mettre en évidence le rôle dans la réorganisation des studios de l’hexagone, des six grandes sociétés qui relancent la production française à partir de 1930. Qu’il s’agisse de sociétés françaises anciennes et largement restructurées comme Gaumont ou Pathé, de nouvelles maisons de production comme les Etablissements Braunberger-Richebé ou les Etablissements Jacques Haïk ou de firmes étrangères comme les sociétés Tobis ou Paramount, toutes ont en commun d’avoir placé le studio au cœur de leur politique de développement. Certaines ont fait le choix d’une production intensive, d’autres ont décidé d’ouvrir largement leurs portes aux producteurs indépendants, mais au-delà de stratégies et de styles très différents, ces six sociétés ont impulsé une nouvelle dynamique à la production hexagonale et profondément remodelé le paysage des studios français.

Sans chercher à privilégier l’étude d’un studio en particulier, mais en s’appuyant sur une série d’exemples précis, le chapitre trois envisage enfin cette période de transition sous l’angle de la technique en détaillant la nature des aménagements apportés aux studios et en appréciant l’impact de l’arrivée du film parlant sur les techniques de tournages et plus largement sur l’organisation du travail dans les studios. De la délicate intégration de l’ingénieur du son dans les équipes, aux défaillances techniques du matériel en passant par la réorganisation nécessaire des méthodes de travail afin d’observer un silence absolu sur les plateaux, les premiers tournages sonores se sont souvent révélés complexes et délicats, provocant parfois une certaine nostalgie du cinéma muet dont on vient à regretter la légèreté et la fluidité.

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Chapitre 1

Etat des lieux des studios français à la veille du passage au

parlant

Si à la fin des années 1920 le cinéma français semble avoir atteint une forme de maturité et se distingue par son caractère avant-gardiste, il n’en est pas de même concernant ses outils de production. Alors que le développement fulgurant des studios hollywoodiens suscite intérêt et curiosité, la modernité et la notoriété du cinéma français repose davantage sur le nom de quelques réalisateurs ou œuvres célèbres que sur la performance technique de ses studios. En effet, si les cinéphiles de l’époque placent René Clair, Marcel L’Herbier ou Abel Gance aux côtés de David W.Griffith, Cecil B. De Mille ou Charlie Chaplin dans leur panthéon cinématographique, ni la cité Elgé de Léon Gaumont, ni même les tout nouveaux studios des Cinéromans de Jean Sapène ne peuvent rivaliser dans l’imaginaire collectif avec les déjà mythiques studios de Paramount, ou ceux non moins célèbres de Warner ou MGM. Mais s’ils n’occupent qu’une place limitée dans les histoires du cinéma, comme dans les représentations collectives, les studios français n’en jouent pas moins un rôle important et même croissant dans l’organisation de la production cinématographique hexagonale. Le décorateur Lucien Aguettand, estime que la superficie totale des studios français est passée de 2832 m2 (pour 13 plateaux) en 1914 à 12 105 m2 (pour 24 plateaux) en 19293, mettant en évidence l’incroyable dynamisme de ce secteur durant les années 1920. Ce premier chapitre vise donc à retracer brièvement les étapes de construction des principaux studios et à proposer un état des lieux des infrastructures de productions dont dispose le cinéma français à la veille du passage au parlant. Cet inventaire s’avère indispensable pour comprendre les dynamiques à l’œuvre dans cette période charnière des années 1929-1931 et mesurer l’ampleur des bouleversements occasionnés par le passage au parlant. La France a connu depuis le début du siècle deux grandes vagues de construction de studios. La première, autour des années 1905-1908 alors que le cinéma français, en pleine expansion, occupe une place de premier ordre sur le marché mondial, la seconde au début des années 1920, en pleine crise de la production. Sur la douzaine de studios existants en 1914, seuls les studios Gaumont des Buttes Chaumont et les studios Eclair d’Epinay sont

3

Archives de la Cinémathèque Française, fonds Lucien Aguettand, 171 B 10, « Tableau récapitulatif de l’évolution des studios de 1896 à 1979 ». Les chiffres de Lucien Aguettand se montent à 21 440 m2 pour 50 plateaux à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

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encore en activité en 1930, les caractéristiques techniques de ces premiers studios vitrés étant peu compatibles avec les nouvelles exigences du cinéma sonore et parlant. A l’inverse, la grande majorité des studios construits après-guerre, en dépit de leurs disparités, réussiront, avec plus ou moins de succès et au prix d’aménagements parfois très importants, à franchir l’étape du passage au parlant. Parmi eux les studios de Joinville, Francœur, Billancourt et de la Victorine sont les plus importants. Autour de ces six principaux ensembles, gravitent toute une série de petits studios dont l’activité modérée et souvent éphémère a laissé très peu de traces dans les archives. Certains, comme le petit studio de la place Clichy réussiront à maintenir une activité modeste mais constante durant les années 1930, d’autres disparaîtront comme le studio des Cigognes ou le studio Apollo, ou bien se reconvertiront dans les travaux de doublage et de synchronisation comme le studio Gaston Roudès de Neuilly.

1.1 Les studios Gaumont et Eclair : témoins obsolètes d’une puissance

cinématographique révolue.

Contrairement aux grands studios de la côte ouest des Etats-Unis, érigés pour la plupart au lendemain de la Première Guerre mondiale, de nombreux studios français en activité en 1929 sont de construction ancienne la plupart ayant vu le jour dans les années 1905-1908, les investissements réalisés durant les années 1920 en vue de leur modernisation restant d’ampleur limitée. Si les théâtres de vues Gaumont, Pathé ou Eclair étaient réputés au début du siècle pour la qualité de leurs équipements, cette gloire paraît bien lointaine à l’observateur de 1929 et leur obsolescence semble renforcée par la rapidité des évolutions techniques de l’industrie cinématographique.

1.1.1 La cité Elgé : vieille dame du cinéma.

 Le premier studio Gaumont.

Lorsque Léon Gaumont érige sa « cathédrale de verre », au cœur de la Cité qui porte son nom en 1905, à une époque où de nombreux films sont encore tournés en plein air, cet

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imposant édifice a de quoi étonner et susciter l’admiration. D’une surface de plus de 1 000m2 et couvert d’une immense verrière dont la surface vitrée dépassait alors 1 800 m2, le studio des Buttes Chaumont se targue d’être, jusqu’à à la veille de la Première Guerre mondiale, le plus grand studio du monde. Largement inspiré du studio construit à Montreuil par Georges Méliès dès 1897, le nouveau théâtre Gaumont se démarque par son gigantisme et devient rapidement un modèle de référence pour les firmes concurrentes qui décident d’ériger leur propre studio dans la deuxième moitié des années 19004.

D’une longueur de 45 mètres (dont 20 mètres pour la scène) et mesurant jusqu’à 34 mètres de hauteur en son point le plus haut, le nouveau studio Gaumont souhaite frapper les esprits et devenir le symbole d’une firme en pleine expansion. Mais au-delà de ses dimensions hors-normes pour l’époque, sa modernité réside dans la sophistication de sa machinerie de scène, et surtout dans le recours à un éclairage électrique de forte puissance. Là où la plupart des studios se contentent de la lumière du soleil, orientée et tamisée tant bien que mal par un jeu de vélums, le studio Gaumont dispose dès 1905 d’un groupe électrogène à vapeur d’une puissance de 16 500 Watts qui alimente un jeu de projecteurs et lampes à arc, permettant de tourner quels que soient les caprices du temps. Par ailleurs le studio est équipé d’un ventilateur de 2 mètres 50 de diamètre destiné à rafraîchir l’atmosphère étouffante qui règne sous la verrière en plein été, ainsi que d’un système permettant de recycler la vapeur d’eau produite par le groupe électrogène et chauffer ainsi le studio durant les mois d’hiver5.

 Les aménagements entrepris entre 1905 et 1929.

Pour compléter ce dispositif et venir en appui à une production croissante, sont créées, dans les années qui suivent la construction du studio à proprement parler, toute une séries de dépendances et bâtiments annexes. La chronologie de ces aménagements reste assez floue mais d’après Noëlle Giret, des loges (construites en sous-sol), un atelier de construction des décors et plusieurs magasins de stockage pour les meubles, accessoires et costumes ainsi qu’une ménagerie sont aménagés avant le départ d’Alice Guy aux Etats-Unis

4

Les années 1907-1908 voient notamment sortir de terre les studios des firmes Eclair (avenue d’Enghien à Epinay-sur-Seine), Eclipse (à Boulogne), Lux (Boulevard Jourdan à Paris), Film d’Art (14, rue Chauveau à Neuilly-sur-Seine). Concernant les studios français d’avant 1914, voir l’article de Laurent Mannoni « Les studios Pathé de la région parisienne 1896-1916 » dans Michel Marie et Laurent Le Forestier La firme Pathé-Frères 1896-1914, Paris, AFRHC, 2004.

5

E. Lafuye « Les établissements Gaumont » Phono-cinéma-revue, mars 1908 cité par Noël Giret, « Les studios Gaumont » dans Philippe d’Hugues, Gaumont, 90 ans de cinéma, Paris, Ramsay / Cinémathèque Française, 1986.

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en 1907. La ménagerie semble toujours en activité au début des années 1920 et l’opérateur J. Leclerc se souvient que « l’on pouvait même y voir sur le plateau les lions de Berthe Dagmar6 […] et il arrivait au détour d’un décor de rencontrer un lion qui était sorti pendant la pose du décor-cage. On fermait alors les portes et Berthe Dagmar faisait alors rentrer son lion avec beaucoup de simplicité, c’était de vieux lions bien apprivoisés »7.

Par ailleurs, afin d’accompagner le développement des recherches entreprises par la firme dans le domaine du film sonore, deux nouveaux studios furent spécialement construits, mais la encore la chronologie est imprécise. Martin Barnier dans son ouvrage En route vers

le parlant indique que « Dès 1927, une nouvelle augmentation de capital, porté à 12

millions de francs, est décidée pour adapter les plateaux à la prise de vues sonore »8, mais il ne peut s’agir des premiers studios en question. En effet, dans une brochure de luxe à caractère promotionnel intitulée Notice sur les Etablissements Gaumont éditée en 1924 il est précisé : « deux autres salles pour les prises des vues des films parlants ont été construites successivement et agencées tout spécialement ». Noëlle Giret évoque quant à elle la construction « d’une nouvelle cage de verre pour le tournage exclusif des films parlants »9 dès les années 1906-1907, ce qui coïncide avec le début de l’exploitation à grande échelle du Chronophone, le premier catalogue des phonoscènes Gaumont étant publié en 1907. Par ailleurs, sur le plan de la cité Elgé illustrant la brochure de 1924, un studio dit « des Films Parlants » apparaît. De dimensions beaucoup plus modestes que le théâtre principal (20 mètres de long par 13 de large10) il est également entièrement vitré et ne semble pas bénéficier d’aménagement particulier spécifique au film sonore. Ce que semble confirmer le témoignage de J. Leclerc, alors jeune opérateur fraîchement engagé chez Gaumont qui évoque ainsi en 1922 « un petit studio relativement insonore » dans lequel un certain Adrian11 effectuait « les prises de vues du Chronophone à disques »12. Louis Delluc, au début des années 1920 évoque la création d’un nouveau studio « presque totalement obscur » et l’existence d’un « studio réservé aux travaux du ciné parlant », ce

6

Berthe Dagmar était une actrice, réalisatrice également dompteuse et acrobate, épouse du réalisateur Jean Durand avec lequel elle réalise de nombreux films chez Gaumont.

7

J. Leclerc, Le cinéma témoin de son temps, Paris, Les nouvelles éditions Debresse, 1970, p.40.

8

Martin Barnier, En route vers le parlant, histoire d’une évolution technologique, économique et esthétique du

cinéma (1926-1934), Liège, Ed. du Céfal, 2002, p.40.

9

Noëlle Giret, « Les studios Gaumont » dans Philippe d’Hugues Gaumont, 90 ans de cinéma, Paris, Ramsay / Cinémathèque Française, 1986, p.102.

10

Il s’agit du studio construit au sud-est de la cathédrale de verre et appelé à partir de 1929 « studio G ». Les dimensions du plateau G sont données par Lucien Aguettand (archives de la Cinémathèque Française, fonds Aguettand 171 B10 « Les studios de la région parisienne en 1939 »).

11

On peut penser qu’il s’agit d’Emile Adrian, monteur chez Gaumont que l’on retrouve dans les années 1930 comme président de la société Gaumont Sport.

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