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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Le film comme support pédagogique

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Academic year: 2021

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LE FILM FIXE COMME SUPPORT PÉDAGOGIQUE

Jean-Guy CAUMEIL

Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Lyon

MOTS-CLÉS : PÉDAGOGIE – IMAGE – SAVOIR – ÉPISTÉMOLOGIE

RÉSUMÉ : C’est après la première guerre mondiale que le film pédagogique se développe, en même temps que le besoin de communiquer, de découvrir, de partager, et de consommer. La recherche que nous proposons veut renforcer les études déjà existantes sur le thème des images fixes de sport, d’éducation physique scolaire et de pleine nature, en les complétant d’une approche différente de l’objet. Nous proposons de décaler notre regard de l’objet et de ses finalités pour nous intéresser aux pratiques professionnelles qui ont intégré, développé puis abandonné ce support particulier qu’est le film fixe.

ABSTRACT : Just after the 1st World War, pedagogical film started to develop at the same time as the need to communicate, discover, share, consume. We are offering to search on reinforcing the already existing studies on the still images in sports, scholar and out-door education, in adding a different approach to the object. We are offering to move our glance from this object and its finalities, to get involved into professional practices which integrated, developed, then abandoned this particular medium that are still images.

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1. INTRODUCTION

Le lien entre image et pédagogie est ancien, il varie constamment entre l’iconoclastie et l’iconoclasie. L’iconoclastie de Platon, qui nous met en garde contre l’illusion des images, de la scolastique ou des humanités. Iconoclastie jusque que dans les injonctions ministérielles les plus récentes d’une priorité absolue au lire-écrire-compter. Iconoclasie de notre monde actuel dans lequel l’image est omniprésente. L’iconoclasie comme goût partagé de la jeunesse qui anime les pratiques massives des jeux vidéo et de la représentation du monde sous ses formes virtuelles. Dans ce cas, peut-on penser une éducation de l’homme de demain sans une éducation à l’image ? Le premier à faire le lien « didactique » entre image et apprentissage est Comenius. Pour lui, l’image est la forme la plus intelligible pour l’enfant. Dans le très célèbre Orbis Sensualium Pictus – « le monde en images » parut à Nuremberg en 1658 –, le pédagogue tchèque développe sa didactique sur des principes forts : l’enseignement doit être facile, prompt et succinct. Il doit mobiliser les sens car il n’y a pas d’intelligence qui ne passe d’abord par les sens. Le pédagogue doit donner une connaissance directe des objets, il ne faut pas les décrire aux élèves mais leur montrer. Le but à atteindre est que l’enfant ne voit rien qu’il ne sache nommer et qu’il ne nomme rien qu’il ne sache montrer. Son projet s’appuie, en grande partie, sur des images. Il « invente » le livre scolaire illustré ; l’Orbis Sensualium Pictus restera le manuel de référence pendant plusieurs siècles.

2. IMAGE ET REPRÉSENTATION DU MONDE

La tradition antique positionne la perception du monde par les sens au centre de toute démarche de connaissance. Cependant, Platon dans ses dialogues de la maturité nous prévient contre l’illusion des perceptions. La mythe de la caverne nous révèle que la connaissance sensible quotidienne nous fait vivre dans un monde qui n’est que l’ombre de la réalité. Les objets sensibles ne sont que de pâles reflets des Idées qui sont les objets de la connaissance. Il y a donc une correspondance entre les objets et les connaissances qui passe par l’idée que l’on se fait des objets. C’est à partir de l’idée que l’on se fait de l’objet que l’on agit dans le monde. Nous parlerions à l’heure actuelle d’images mentales ou de représentations. Aristote, le premier fonde sa théorie de la connaissance sur l’analogie recomposée entre des images mentales et la réalité. En définissant la vérité comme une

affection de la pensée il entrouvre la porte aux théories subjectivistes modernes de la connaissance.

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C’est-à-dire d’en abstraire des éléments conceptuels susceptibles d’être échangés par le groupe des humains.

Le lien entre image et pédagogie est donc ancien et fondé sur des prédicats que le cognitivisme développera de nombreux siècles plus tard. La représentation mentale du monde construite dans l’aller-retour entre perception et verbalisation a donc à voir directement avec son intelligibilité. L’image, y compris artistique, révèle à l’observateur des éléments cachés de la réalité. Pourtant, dans sa fondation « classique », l’École semble avoir plutôt privilégié les mots, les opérations, les abstractions et les facultés analytiques. Faut-il alors ignorer les changements qui s’opèrent dans notre société et qui font la part belle aux images, de tous ordres, et renoncer à cette iconoclasie

culturelle ? Si le savoir n’a pas à s’accommoder aux désirs des « apprenants », la pédagogie doit

tenir compte des évolutions des mentalités pour s’adapter et considérer ses transformations comme de nécessaires évolutions. L’École, visant l’homme de demain, ne peut ignorer les instruments de la compréhension, plus encore, elle ne peut ignorer les instruments futurs de la compréhension. Et nous pouvons faire l’hypothèse que ces instruments, comme l’image (les photographies mais aussi les modélisations, les schémas, les croquis, l’art) joueront un rôle important de clarification de la complexité, de désenchevêtrement du réel par une représentation claire et ordonnée. Si bien que la place de l’image dans la pédagogie semble être une perpétuelle redécouverte.

3. LA PORTÉE ÉPISTÉMOLOGIQUE DE L’IMAGE

Quel que soit l’angle sous lequel on analyse les photographies, elles ont un point commun : elles sont engendrées par l’action de la lumière sur une surface sensible. C’est le cas des films fixes qui sont des séries d’images enregistrées sur une pellicule 35 millimètres. Cependant, les films fixes ne sont pas une catégorie photographique supplémentaire s’ajoutant aux catégories existantes : la photographie scientifique, artistique, de reportage, de publicité, d’art… Les films fixes, les images à portée pédagogique, ne sont pas une catégorie repérée. Pourtant ils n’en sont pas moins partie prenante du bloc formant l’unité des photographies. L’intention pédagogique est peut-être inhérente à la photographie car les images documentaires ou de reportage ont une portée pédagogique. Comme d’ailleurs les photographies dites artistiques, ou les images scientifiques, ne serait-ce que par le témoignage quelles apportent. C’est bien alors la question de la fonction de la photographie, dans le champ traversé par l’objet, qui se pose à nous. Lorsque le physicien Arago présente, devant les Académies de Sciences et des Beaux Arts, à l’Institut de France le 19 Août 1839, l’invention de Daguerre - le daguerréotype - ce n’est pas dans la perspective d’une imagerie populaire ou de

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l’amélioration de la science. Pour les auditeurs présents à cette présentation, la précision du procédé révèle la vérité dans la représentation de la réalité. Dans une période ou la science positive étend sa suprématie absolue sur la science en général, la photographie permet l’enregistrement d’indices que la méthode expérimentale utilisera pour asseoir ses conclusions. Mais, la photographie n’est pas qu’un assistant de la science, la photographie permet de voir ce qui échappe à l’œil humain. Par exemple, les vues microscopiques, les vues stroboscopiques, les photographies du soleil montrant des tâches imperceptibles à l’œil nu, etc. Dans un autre registre, la photographie permet des enregistrements facilement archivages et donne des informations scientifiques précieuses, pensons à la chronophotographie de J.-E.Marey par exemple. La photographie donne à voir la réalité et le scientifique, en se saisissant de cette caractéristique, approche la vérité. La photographie a alors une forte dimension épistémologique.

4. LE FILM FIXE COMME SUPPORT PÉDAGOGIQUE

C’est après la première guerre mondiale que le film pédagogique se développe, en même temps que le besoin de communiquer, de découvrir, de partager,… et de consommer. Les supports, verre ou papier, étant trop fragiles Pathé invente le Pathéorama. Il s’agit de films 35 millimètres dont on coupe les perforations afin de les rendre utilisables dans des projecteurs conçus par la maison. Les années 1920-1930 voient l’avènement du film 35 millimètres projetable. Le support évoluant et devenant plus accessible (et non inflammable) cette technologie était au point pour investir, petit à petit, l’École. Des « Offices du Cinéma Éducateur » (OCE) se créent dans les académies françaises et, en 1930, ils sont regroupés au sein d’une Fédération des Offices du Cinéma Éducateur. Le fonds stéphanois de films fixes est constitué du matériel de l’OCE de Saint-Étienne. Il a été préservé et il est maintenant organisé. L’OCE de Saint-Étienne comptait 335 films fixes disponibles en 1938, 2 130 en 1942, 8 000 en 1952 et 8 900 en 1962 apogée du film fixe et de l’OCE. Il éditait un catalogue régulièrement classant les films fixes par catégories. Pour l’OCE de Saint-Étienne : 2 578 films d’histoire et de géographie, 1 415 de lettres, 2068 de sciences, 1 000 divers, dont un fonds très précieux, pour moi en tous cas, celui des films de sports et d’éducation physique – 77 films représentant approximativement 2 300 images que l’on peut dater de 1941 à 1972.

Les films fixes sont des séries de photographies ou d’illustrations. En ce sens, ce ne sont pas des films. L’étude des films fixes nous rapproche plus alors, en tout cas c’est notre hypothèse, d’une histoire de la photographie que d’une histoire du cinéma. La photographie est un médium constant, elle renvoie à un objet clairement identifié. Que l’on parle du calotype de Fox Talbot, du Daguerréotype ou de la photographie numérique, nous faisons référence au même médium. Quel

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que soit le support, le médium est constant dans sa raison scientifique, dans sa raison esthétique et artistique et dans sa raison sociale. La photographie c’est la recherche, scientifique, artistique et sociale, d’une coïncidence absolue avec la réalité, ce que nous pourrions qualifier de représentation objective du réel. Au regard de la constance du médium peut-on envisager que la pédagogie, toujours en quête de nouveauté, puisse ignorer ce médium ? Mais dans le même temps cela explique aussi que le support soit aussi vite abandonné au bénéfice d’un autre support plus « pratique » puisque que le médium est identique. La dimension épistémologique de la photographie est renforcée si l’on pense qu’une photographie peut être composée à dessein - et comme un dessin -. Ce qui est le cas des films fixes. En effet, les photographies d’illustration sont composées avec les mêmes techniques picturales que les tableaux, c’est-à-dire en utilisant des procédés (profondeur de champ, successions des plans, règles des trois tiers) visant à rendre l’image plus « lisible » , à faire porter le regard là où on ne le porterait pas dans la réalité. La portée épistémologique, le réalisme et la vérité, se double alors d’une intention pédagogique forte, faire ressortir l’essentiel, que le médium emprunte à la peinture. En ce sens la photographie est un outil de connaissance. Ce nouveau média allait propager la culture moderne, industrielle et technologique. Utilisées comme outils de connaissance, enregistrant les différents états successifs des réalisations, illustration, etc., elle servira à l’intérieur des institutions et des entreprises et servira aussi de vitrine en symbolisant des réalisations qui n’avaient jusqu’alors aucun média de communication.

5. CONCLUSION

La recherche d’une plus grande précision, la facilité de reproduction, le faible coût de production, sont les caractéristique des photographies. De même que la plus grande proximité à l’événement. Les photographies d’actualité sont à la fois des images prises sur le vif et disponibles rapidement. Les premières photographies de guerre furent prisent pendant la guerre de sécession américaine dans les années 1860. À la même époque des dessinateurs arpentaient les champs de batailles pour « croquer » des scènes de bataille. Les comparaisons furent vite faites. Avec les évolutions techniques, les surfaces de plus en plus sensibles et les appareils de plus en plus légers et accessibles au public, la photographie va bouleverser les canons de représentation du monde jusque là alignés sur l’immobilité de la toile. Le mouvement devient enregistrable, l’instantané est possible. La photographie devient, selon la belle formule d’E. Boubat, un moment d’éternité. Mais aussi, un moment d’humanité. Qu’est-ce qui pourrait alors plus que la photographie représenter le savoir humain et l’existence humaine ?

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Cette évidence a toujours été mise en question par le pédagogue. En effet, deux dérives au moins sont possibles. La première tient à l’acuité photographique et à la tentation de toute puissance. La seconde est plus technique. Elle touche à cette crainte que les procédés pédagogiques « motivants », attrayants, ludiques… ne captivent trop l’attention de l’apprenant et qu’ainsi la transmission des connaissances et la construction des savoirs en soient perturbées. Si bien que les images à portée pédagogique sont souvent des images épurées, simplifiées, voire caricaturales. D’un faible niveau d’imagéité, dirait Jacques Rancière.

Dans l’expression de ces craintes il faut pouvoir lire l’affirmation que la pédagogie ne peut se résoudre à l’outil didactique utilisé, ni aux médias portant les connaissances. La relation pédagogique sera toujours une relation interinduviduelle, d’humain à humain.

BIBLIOGRAPHIE

COMENIUS (1992, traduction moderne). La grande didactique ou l’art universel d’enseigner tout

à tous. Paris : Éditions Klincksieck, collection Philosophie de l’éducation.

DAGOGNET F. (1999). Les outils de la réflexion. Epistémologie. Le Plessis Robinson : Institut Synthélabo, collection Les Empêcheurs de Penser en Rond.

FRIZOT M. (ss la dir.) (2001). Nouvelle histoire de la photographie. Paris : Larousse.

HUSSERL E. (1976). La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale. Paris : Gallimard, traduction et préface de G. Granel.

RANCIERE J. (2003). Le destin des images. Paris : La Fabrique éditions.

SAINT AUGUSTIN. (1941). De Magistro. Paris : Éditions Desclée de Brower, traduction : F. V. Thonnard.

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