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Perceptions et pratiques d'intervenants sociaux en milieu scolaire face aux manifestations d'homophobie et d'hétérosexisme à l'endroit des jeunes LGBQ en milieu rural

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Academic year: 2021

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Perceptions et pratiques d’intervenants sociaux en milieu scolaire face aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme à l’endroit des jeunes LGBQ vivant en milieu rural

Mémoire

Cécily Tudeau

Maîtrise en service social Maître en service social (M. Serv. soc.)

Québec, Canada

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Perceptions et pratiques d’intervenants sociaux en milieu scolaire face aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme à l’endroit des jeunes LGBQ vivant en milieu rural

Mémoire

Cécily Tudeau

Sous la direction de : Valérie Roy, directrice de recherche

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RÉSUMÉ

Les actions visant la lutte à l’homophobie et à l’hétérosexisme en milieu scolaire incluent la participation active des intervenants sociaux, mais il n’existe que peu d’informations portant sur leurs pratiques et leurs perceptions de ces phénomènes. Le but de cette recherche est de répondre à la question suivante : quelles sont les perceptions et les pratiques des intervenants sociaux en milieu scolaire face aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme à l’endroit des jeunes lesbiennes, gais, bisexuels ou en questionnement sur leur orientation sexuelle (LGBQ) vivant en milieu rural, selon leurs représentations sociales de ces jeunes? La théorie des représentations sociales a été le cadre conceptuel privilégié pour ce projet de recherche. Les propos de dix intervenantes sociales travaillant dans quatre écoles secondaires du Bas-Saint-Laurent, recueillis dans le cadre d’entretiens qualitatifs, montrent qu’elles sont toutes sensibilisées à l’importance de s’impliquer activement dans la lutte à l’homophobie en milieu scolaire et qu’elles mettent en place des pratiques pour y parvenir. Toutefois, il semble que leur conception de l’homophobie soit relativement réductrice et qu’elles ne soient que peu familières avec le concept d’hétérosexisme. L’analyse des données suggèrent que leurs pratiques sont majoritairement tournées vers le changement individuel des auteurs et des victimes de ces violences, ne prenant que peu en compte les manifestations d’hétérosexisme. En outre, il semble que leurs représentations des jeunes LGBQ aient une certaine influence sur leurs perceptions et leurs pratiques à l’endroit de l’homophobie. Par exemple, l’idée que les jeunes LGBQ s’isolent socialement peut influencer la pratique misant sur l’affirmation de ces jeunes face à leurs agresseurs. Des recommandations sont formulées aux sujets de stratégies d’intervention et des pistes de recherche futures.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

TABLE DES MATIÈRES ... iv

LISTE DES TABLEAUX ... vi

REMERCIEMENTS ... vii

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1 Objet d’étude ... 3

1.1.1 Définitions des termes et des concepts ... 5

1.2 Recension des écrits ... 7

1.2.1 Manifestations d’homophobie et d'hétérosexisme en milieu scolaire ... 7

1.2.2 Causes et conséquences de l’homophobie et de l’hétérosexisme ... 9

1.2.3 Jeunes et diversité sexuelle en milieu rural ... 12

1.2.4 Intervenants sociaux face à l’homophobie et l’hétérosexisme en milieu scolaire ... 14

1.3 Limites méthodologiques des études actuelles ... 17

1.4 Pertinence de la recherche ... 17

CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ... 19

2.1 Objectifs spécifiques de recherche ... 19

2.2 Origines et définitions des représentations sociales ... 20

2.3 Contenu de la représentation sociale ... 21

2.4 Fonctions des représentations sociales ... 23

2.5 Processus d’élaboration d’une représentation sociale ... 24

2.6 Pertinence du cadre théorique ... 25

2.7 Forces et limites du cadre théorique ... 25

CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE ... 27

3.1 Paradigme ... 27

3.2 Approche et type de recherche ... 27

3.3 Population à l’étude et échantillonnage ... 28

3.4 Recrutement des participantes ... 30

3.5 Caractéristiques des participantes ... 31

3.6 Méthode de collecte des données ... 31

3.7 Méthode d’analyse des données ... 32

3.8 Aspects éthiques ... 33

CHAPITRE 4 : RÉSULTATS – Représentations sociales des jeunes LGBQ ... 35

4.1 Représentations des jeunes LGBQ ... 35

4.1.1 Processus identitaire difficile ... 35

4.1.2 Non-conformité à l’égard des attentes normatives de genre ... 38

4.1.3 Isolement social... 41

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4.2 Sources des connaissances antérieures des participantes ... 48

4.2.1 Expériences personnelles et professionnelles... 48

4.2.2 Facteurs sociaux et légaux ... 50

4.3 Synthèse... 53

CHAPITRE 5 : RÉSULTATS – Perceptions et pratiques à l’égard de l’homophobie et de l’hétérosexisme ... 55

5.1 Conceptions à l’égard de l’homophobie et de l’hétérosexisme ... 55

5.1.1 Causes et conséquences ... 58

5.1.2 Perception de l’ampleur de l’homophobie en milieu scolaire ... 63

5.2 Pratiques des intervenantes sociales en milieu scolaire ... 65

5.2.1 Rôle des intervenantes sociales face à l’homophobie ... 66

5.2.2 Pratiques des intervenantes sociales à l’égard des jeunes ayant des comportements homophobes ... 68

5.2.3 Pratiques des intervenantes sociales à l’égard des membres du personnel ayant des comportements homophobes ... 70

5.2.4 Pratiques des intervenantes sociales à l’endroit des jeunes victimes d’homophobie ... 71

5.2.5 Motifs pour ne pas intervenir ... 74

5.3 Synthèse... 74

CHAPITRE 6 : DISCUSSION ... 77

6.1 Liens entre le contenu des représentations des intervenantes sociales et leurs perceptions .. 77

6.1.1 Conception relativement réductrice de l’homophobie ... 77

6.1.2 Conception psychologisante de l’homophobie ... 79

6.1.3 Méconnaissance de l’hétérosexisme ... 81

6.2 Lien entre le contenu des représentations des intervenantes sociales et leurs pratiques ... 82

6.2.1 Pratiques liées aux auteurs d’homophobie ... 83

6.2.2 Pratiques liées aux victimes d’homophobie ... 84

6.3 Influence du contexte de travail sur leurs perceptions et leurs pratiques ... 86

6.4 Limites méthodologiques ... 87

6.5 Recommandations ... 88

6.5.1 Recommandations pour la pratique ... 89

6.5.2 Recommandations pour la recherche ... 91

CONCLUSION ... 94 RÉFÉRENCES ... 96 ANNEXE A ... 101 ANNEXE B ... 103 ANNEXE C ... 104 ANNEXE D ... 107

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Regroupement en thématiques des trois premiers mots associés spontanément aux jeunes LGBQ par les participantes ... 47 Tableau 2. Causes et conséquences de l'homophobie et de l'hétérosexisme suggérées dans le discours des participantes ... 75 Tableau 3. Pratiques suggérées dans le discours des participantes à l'égard des personnes ayant des comportements homophobes et des jeunes LGBQ vivant de l'homophobie en milieu scolaire ... 76

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier les intervenantes sociales qui ont accepté de participer à ce projet de recherche. C’est grâce au partage de vos expériences, réflexions et prises de conscience que ce projet a pu voir le jour. Merci pour votre confiance et pour votre générosité. Merci aussi aux écoles secondaires ayant accepté de participer à ce projet de recherche.

Je tiens aussi à remercier chaleureusement Valérie Roy, ma directrice de recherche. Par ta disponibilité, ton ouverture, ta rigueur et ta confiance en mes capacités, tu as su m’accompagner et m’inciter à m’investir totalement dans ce projet de recherche. Ce fut un grand plaisir que de travailler en ta compagnie durant ces années de maitrise.

Un merci tout spécial à ma conjointe Mélanie, qui tout au long de mes études, a fait preuve d’un soutien, d’une écoute et d’une patience sans borne. Merci d’avoir été à mes côtés durant cette grande aventure.

Je remercie également les membres de ma famille et ami(e)s qui m’ont encouragée au fil des dernières années. Vos questions et votre soutien ont certainement alimenté mon désir de persévérer. Finalement, je tiens à remercier mes collègues et ami(e)s de la scolarité préparatoire et de la maitrise. Je garde un souvenir impérissable de nos discussions passionnées, de nos nombreux fous rires et de notre soutien mutuel lors de moments plus difficiles.

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INTRODUCTION

Depuis le début des années 2000, on observe au Québec une reconnaissance de la problématique de l’homophobie et de l’hétérosexisme en milieu scolaire et de l’importance de la participation active du personnel scolaire dans cette lutte. Des organisations comme Gai Écoute et la Fondation Émergence ont réalisé de nombreuses campagnes de sensibilisation contre l’homophobie (Gai Écoute, 2016). En 2007, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), en collaboration avec le Groupe de travail mixte sur l’homophobie, a déposé le rapport De l’égalité juridique à l’égalité sociale : Vers une stratégie nationale de lutte contre l’homophobie. Ce document recommandait aux directions d’écoles québécoises d’assurer la formation du personnel scolaire à l’égard des jeunes de la diversité sexuelle, incluant le phénomène de l’homophobie et de l’hétérosexisme (CDPDJ, 2007). En 2008, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport du Québec (MELSQ) lançait pour sa part le Plan d’action pour prévenir et traiter la violence à l’école 2008-2011, mettant l’accent sur le développement d’interventions adaptées, entre autres, aux besoins des jeunes gais, lesbiennes et bisexuels selon leur situation géographique, soit urbaine ou rurale (MELSQ, 2008). En mai 2011, un plan d’action gouvernemental spécifique à la lutte contre l’homophobie recommandait d’inclure la violence scolaire, dont celle à caractère homophobe, dans la formation initiale (collégiale et universitaire) du personnel scolaire (MJQ, 2011). Ce plan stipule également qu’une intervention efficace face aux manifestations d’homophobie implique une participation active de tous les membres du personnel à chacune des étapes de planification et de mise en œuvre des stratégies d’intervention (MJQ, 2011). Enfin, en 2015, le ministère de la Famille présentait le plan d’action Ensemble contre l’intimidation : une responsabilité partagée pour prévenir et contrer l’intimidation (2015-2018) valorisant, entre autres, l’accompagnement des milieux scolaires pour une plus grande inclusion et ouverture à la diversité sexuelle.

Ce projet de maîtrise s’inscrit ainsi dans un contexte où la formation du personnel scolaire à l’égard des jeunes de la diversité sexuelle est identifiée comme un enjeu majeur, sous l’angle des manifestions de violence homophobe et hétérosexisme auxquelles ces jeunes sont exposés. De ce fait, le projet de mémoire s’intéresse aux perceptions et aux pratiques des intervenants sociaux en milieu scolaire face aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme à l’endroit des jeunes lesbiennes, gais, bisexuels ou en questionnement quant à leur orientation sexuelle (LGBQ). De plus, ce mémoire s’intéresse aux représentations sociales des intervenants sociaux à l’égard des jeunes

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LGBQ en milieu rural. Il vise donc à examiner la question suivante: Quelles sont les perceptions et les pratiques d’intervenants sociaux en milieu scolaire face aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme à l’endroit des jeunes LGBQ, selon leurs représentations sociales de ces jeunes en milieu rural?

Le présent mémoire est réparti en six chapitres. Le premier présentera la problématique à l’étude et une recension des écrits les plus pertinents à l’objet de recherche. Le deuxième chapitre traitera du cadre conceptuel privilégié, soit la théorie des représentations sociales et ses principaux concepts. Le troisième chapitre mettra l’accent sur la méthodologie retenue afin de réaliser le projet de recherche. Les chapitres 4 et 5 porteront sur les résultats de recherche, soit les représentations sociales des participantes à l’égard des jeunes LGBQ en milieu rural ainsi que leurs perceptions et leurs pratiques liées à l’homophobie et l’hétérosexisme. Finalement, le sixième chapitre discutera des résultats de recherche, présentera les limites méthodologiques de ce projet de mémoire, pour terminer par les recommandations liées à la recherche et à la pratique. Afin d’alléger le contenu du texte, le générique masculin sera utilisé.

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CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE

Ce premier chapitre se penchera tout d’abord sur l’objet d’étude, soit les perceptions et les pratiques des intervenants sociaux en milieu scolaire face aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme vécues par les jeunes LGBQ en milieu rural. Une recension des écrits suivra, composée de la méthodologie de la recherche documentaire réalisée ainsi que des quatre grandes thématiques ayant émergé de la recension. En conclusion de ce chapitre, la pertinence du mémoire sera discutée.

1.1 Objet d’étude

Au cours des dernières années, de plus en plus de chercheurs se sont intéressés à la question de l’homophobie et de l’hétérosexisme vécus par les jeunes en milieu scolaire (Chamberland et al., 2011; Dorais, 2014; Grenier, 2005; Peter, Taylor et Chamberland, 2015; Poteat et Espelage, 2005; Taylor et Peter, 2011; Walton, 2004). Les écrits scientifiques font état d’un portrait sombre pour les jeunes victimes, pour qui les conséquences de l’homophobie et de l’hétérosexisme peuvent affecter tant leur cheminement scolaire que leur santé physique et psychologique (Chamberland et al., 2011; Dorais, 2014; Grenier, 2005; Richard, Chamberland et Petit, 2013; Taylor et Peter, 2011). Au Québec, Chamberland et al. (2011) estiment que plus du tiers des jeunes du deuxième cycle du secondaire vivent de l’homophobie. Dorais (2014), quant à lui, affirme que les jeunes issus de la diversité sexuelle sont cinq fois plus à risque de vivre ce type de violence. En plus, il apparait que les élèves hors des grands centres urbains sont plus nombreux à avoir assisté ou à avoir entendu des récits d’actes d’homophobie et d’hétérosexisme que les élèves des régions métropolitaines. Cette spécificité pourrait s’expliquer par la plus grande proximité sociale au sein des établissements scolaires en milieux ruraux (Kosciw, Greytak, Bartkiewicz, Boesen et Palmer, 2012).

Face à ces constats, le gouvernement du Canada reconnaît l’importance de garantir l’équité pour la diversité d’élèves dans le milieu de l’éducation (Conseil des ministres de l’Éducation du Canada et Commission canadienne pour l’UNESCO, 2008). Au Québec, avec l’arrivée de la loi visant à prévenir et combattre l’intimidation et la violence à l’école, chaque établissement scolaire a l’obligation de se munir d’un plan de lutte contre l’intimidation et la violence dont l’article 75.1 fait mention de « mesures de prévention visant à contrer toute forme d’intimidation ou de violence motivée,

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notamment, par […] l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’homophobie […] » (MELSQ, 2012).Les initiatives politiques actuelles, contribuant à la mise en place de programmes de prévention et d’intervention face à la violence homophobe en milieu scolaire auraient des impacts positifs, notamment en ce qui a trait à la diminution de l’hétérosexisme, à une plus grande visibilité de la diversité sexuelle et aux conséquences découlant de la violence homophobe (Conseil permanent de la jeunesse, 2007). Malgré cette avancée, il semble que l’on parle très peu de diversité sexuelle en milieu scolaire (Conseil permanent de la jeunesse, 2007; Dorais, 2014, Grenier, 2005; Richard et Chamberland, 2011), que les programmes de prévention de la violence n’incluent peu, sinon pas d’information sur la diversité sexuelle et qu’ils ne ciblent pas toujours spécifiquement l’homophobie (Dorais, 2014; Walton, 2004).

Les chercheurs et organismes gouvernementaux insistent de plus en plus sur l’importance des pratiques des intervenants sociaux en milieu scolaire face aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme (Chamberland et al., 2011; Conseil permanent de la jeunesse, 2007; Dorais, 2014; Grenier, 2005; MELSQ, 2012; Richard, 2013). Or, plusieurs intervenants sociaux en milieu scolaire demeurent réticents à s’investir dans la lutte à l’homophobie (Conseil permanent de la jeunesse, 2007; Grenier, 2005; Maher et al., 2009; Richard, 2013; Thibault, Lavoie et Chouinard, 2013). De plus, les intervenants sociaux en milieu scolaire n’interviennent pas systématiquement face aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme (Dorais, 2014, Taylor et Peter, 2011). En effet, seulement la moitié d’entre eux interviennent lors d’incidents homophobes et hétérosexistes (Grenier, 2005) et plusieurs affirment ne pas détenir les connaissances nécessaires à l’intervention de proximité auprès des jeunes LGBQ (Grenier, 2005; Richard, 2013; Ryan, 2003). Ainsi, alors que le système scolaire se veut inclusif dans ses intentions, il pourrait contribuer à la banalisation des manifestations homophobes et hétérosexistes et à la non reconnaissance des besoins de soutien spécifiques aux jeunes LGBQ (Émond et Bastien Charlebois, 2007; Richard et al., 2013). Il semble donc important d’approfondir les connaissances sur les perceptions et les pratiques des intervenants sociaux en milieu scolaire face à la violence homophobe et à l’hétérosexisme dans un contexte de ruralité. Pour ce faire, il convient d’abord de définir les principaux termes et concepts liés à la problématique de cette recherche et d’explorer l’état des connaissances actuelles.

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1.1.1 Définitions des termes et des concepts

Tout d’abord, le concept d’homophobie a été utilisé et défini pour la première fois par Weinberg comme la peur d'une personne hétérosexuelle d'être en contact avec une personne homosexuelle ou le dégoût d’un homosexuel envers lui-même (Weinberg, 1972). Le Conseil permanent de la jeunesse (2007) ajoute qu'il s'agit d'une "hostilité psychologique et sociale à l'égard des membres de la diversité sexuelle" (p. 8). Plus récemment, Richard et al. (2013) définissent l'homophobie comme étant :

toute forme de discrimination et de violence ciblant des personnes parce qu’elles s’identifient comme lesbiennes, gaies, bisexuelles, ou parce qu’elles sont perçues comme telles par leurs pairs, notamment en raison de leur non-conformité de genre, ou encore en raison de leur proximité avec des individus ouvertement LGB (p. 381).

Ensuite, le concept d’hétérosexisme réfère à l’idée que la discrimination perpétuée à l’endroit des personnes LGBQ est liée aux « dimensions idéologique, institutionnelle, politique et structurelle soutenant la hiérarchie des orientations sexuelles » (Bastien Charlesbois, 2011a, p.130). Demczuk, Dorais, Duquet et Ryan (2003) définissent le concept à titre de

promotion de la supériorité de l'hétérosexualité comme modèle relationnel par les institutions sociales. Les discours et les pratiques hétérosexistes créent l'illusion que tout le monde est hétérosexuel en occultant la diversité réelle des orientations sexuelles. L'hétérosexisme assume qu'il est plus normal ou acceptable d'être hétérosexuel que d'être gai, lesbienne ou bisexuel-le [et] il accorde des privilèges au groupe dominant (les hétérosexuels) (p. 18).

En ce qui concerne le terme « diversité sexuelle », il ne semble pas exister de consensus chez les chercheurs à propos de sa définition. En effet, les types d’acronymes utilisés sont multiples, dont: lesbiennes, gais et bisexuel(le)s (LGB, Chouinard, 2011), lesbiennes, gais, bisexuels, transexuels et transgenres (LGBT, Émond et Bastien Charlebois, 2007) ainsi que lesbiennes, gais, bisexuels ou en questionnement (LGBQ Chamberland et al., 2011; Richard, 2013). Dans le cadre de cette recherche, l’acronyme LGBQ (lesbiennes, gais, bisexuels ou en questionnement), utilisé par Chamberland et al., (2011) et Richard (2013) sera retenu. Il sera donc possible d’assurer l’inclusion des personnes en questionnement à propos de leur orientation sexuelle ainsi que celles s’identifiant comme gais,

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lesbiennes ou bisexuelles. Toutefois, afin de respecter l’ampleur de ce projet de recherche, l’acronyme retenu n’inclut pas les personnes transexuelles et trangenres. Lorsque le texte portera exclusivement sur les garçons gais, bisexuels ou en questionnements, l’acronyme GBQ sera utilisé, alors que l’acronyme LBQ inclura exclusivement les filles lesbiennes, bisexuelles ou en questionnement.

Il importe également de définir d’autres termes couramment utilisés dans les écrits. Tout d’abord, la définition du terme « intervenants sociaux » diffère d’une étude à une autre. À titre d’exemple, Grenier (2005) y inclut les enseignants et toute autre personne travaillant dans une école. De leur côté, Thibault et al. (2013) ciblent les personnes issues de formations diverses (travail social, psychoéducation, éducation spécialisée, etc.) et d’enseignants œuvrant au sein d’écoles secondaires et d’organismes communautaires. Dans le cadre de cette recherche, le terme « intervenants sociaux » sera privilégié et fera référence à tout professionnel de la relation d’aide travaillant à l’intérieur d’une école secondaire (travailleur social, psychologue, psychoéducateur, etc.). Ce choix permettra de connaître les réalités des personnes ayant la responsabilité spécifique de soutenir les élèves LGBQ vivant des difficultés particulières (victimes d’intimidation, questionnement sur leur orientation sexuelle, etc.).

Par la suite, les études portant sur l’homophobie et l’hétérosexisme en milieu scolaire se penchent majoritairement sur le vécu des adolescents fréquentant le premier ou le deuxième cycle du secondaire (Conseil permanent de la jeunesse, 2007 ; Dorais, 2014; Grenier, 2005; Taylor et Peter, 2011). Ainsi, considérant que les manifestations homophobes et hétérosexistes atteignent leur paroxysme lors du passage à l’école secondaire (Chamberland et al., 2011), cette recherche définira le mot « jeunes » aux adolescents (filles et garçons) âgés entre 12 et 17 ans qui fréquentent une école secondaire.

Finalement, considérant que la présente recherche s’adresse aux milieux ruraux québécois, la définition du terme « milieu rural » retenue provient de la Politique nationale pour la ruralité 2014-2024, mise en place par le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT). Selon cette politique, le milieu rural se compose tout d’abord de l’ensemble des municipalités situées à l’extérieur des régions métropolitaines de recensement, dont le noyau urbain est de 50 000 habitants et plus. Cependant, le milieu rural peut se retrouver à l’intérieur des régions

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métropolitaines de recensement si les municipalités qui le composent ont une faible densité d’occupation du territoire, soit moins de 400 habitants par kilomètre carré (MARMOT, 2013). Suivant cette définition de la ruralité, la région du Bas-Saint-Laurent est constituée exclusivement de milieux ruraux tels que la municipalité régionale de comté (MRC) Rimouski-Neigette et la MRC de la Matapédia.

1.2 Recension des écrits

Afin de mieux saisir les pratiques des intervenants sociaux en milieu scolaire face aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme vécues par les jeunes LGBQ, une recension des écrits a été réalisée. Les banques de données Social Services Abstracts, PsycInfo, Sociological Abstracts, Érudit ont été consultées, à l’aide des mots-clés suivants (en français et en anglais) : intervenants sociaux, homophobie, intimidation, hétérosexisme, bullying et milieu scolaire. Les critères qui ont orienté le choix des recherches retenues sont la présence d’échantillons composés d’intervenants sociaux en milieu scolaire, des études spécifiques au Canada et au Québec, ainsi que des recherches traitant particulièrement du phénomène de l’homophobie et de l’hétérosexisme dans les écoles secondaires. Quatre thèmes ont émergé de cette recension, soit (1) les manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme en milieu scolaire, (2) leurs causes et conséquences, (3) les spécificités du vécu des jeunes LGBQ en milieu rural et finalement, (4) les perceptions et les pratiques des intervenants sociaux en milieu scolaire à l’égard des manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme vécues par les jeunes LGBQ.

1.2.1 Manifestations d’homophobie et d'hétérosexisme en milieu scolaire

Aux États-Unis, une étude réalisée par le Gay, Lesbian & Straight Education Network (GLSEN) dresse un portrait du climat scolaire auprès de 8 584 élèves âgés entre 13 et 20 ans, dont près de la moitié s’identifie comme gais, lesbiennes ou bisexuels. Sur l’ensemble des jeunes issus de la diversité sexuelle, 63,5% disent ne pas se sentir en sécurité en milieu scolaire. De plus, 81,9% affirment avoir été victimes de violence verbale au cours de la dernière année scolaire et 38,3% ont été agressés physiquement en raison de leur orientation sexuelle (Kosciw et al., 2012). Du côté canadien, une vaste étude réalisée auprès de 3 700 étudiants d'écoles secondaires démontre que 64% des jeunes gais, lesbiennes et bisexuels ne se sentent pas en sécurité en milieu scolaire.

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Vingt-et-un pour cent d’entre eux auraient d’ailleurs déjà été agressés physiquement en raison de leur orientation sexuelle. De tous les élèves interrogés, 70% disent entendre des propos homophobes au quotidien à l'école (Taylor et Peter, 2011).

Au Québec, deux études récentes révèlent des pourcentages inférieurs mais néanmoins préoccupants en ce qui a trait au taux de victimisation de violence homophobe et hétérosexiste. Dans l’étude de Chamberland et al. (2011), effectuée auprès de 2 747 étudiants du secondaire III et V, plus du tiers (38,6%) des élèves affirment être victimes d’homophobie à l’école secondaire. De son côté, Dorais (2014) a interviewé 259 jeunes LGBQ âgés entre 14 et 21 ans et la moitié a dit avoir été victime d’intimidation en raison de leur orientation sexuelle présumée ou affirmée. Selon Chamberland et al., (2011), 86,5% des jeunes entendent souvent ou à l’occasion des remarques négatives ou discréditant l’homosexualité en ciblant directement une personne, un objet ou une situation (ex. : c’est fif, tapette). Même si ce vocabulaire ne vise pas toujours les jeunes LGBQ, il serait tout de même perçu par ceux-ci comme une atteinte à une partie importante de leur identité et à une valorisation de l’hétérosexualité. De ce fait, l’utilisation de ce vocabulaire dans les écoles propagerait un message symbolique selon lequel les milieux scolaires ne sont pas favorables à la diversité sexuelle et augmenterait le risque d’agressions physiques et d’autres formes de violences à l’égard des jeunes LGBQ (Peter et al., 2015).

Les types de manifestations homophobes les plus fréquemment rapportés par les élèves ayant été soit victimes ou témoins de tels incidents sont les insultes, les moqueries, les taquineries et l’humiliation. Ensuite, viennent les rumeurs ayant pour objectifs de nuire à la réputation, d’exclure et de rejeter. Les épisodes impliquant une violence physique sont moins fréquents (coups, vandalisme, agressions sexuelles et bousculades) : moins de 10% des élèves affirment en avoir été victimes au moins une fois (Chamberland et al., 2013). Les principales victimes de manifestations homophobes et hétérosexistes seraient celles et ceux dont le genre s’éloigne de la conformité attendue par la majorité (garçon considéré comme efféminé ou fille jugée masculine). Selon cette même étude, les élèves rencontrés affirment d’ailleurs que le fait de ne pas correspondre aux normes de féminité ou de masculinité demeure le principal motif de désapprobation, bien plus que les réelles préférences sexuelles et amoureuses (Chamberland et al., 2013). Selon plusieurs auteurs, cela pourrait expliquer pourquoi un nombre important de jeunes s’identifiant comme hétérosexuels, mais perçus à tort

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comme homosexuels ou bisexuels, font face à des manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme (Chamberland et al., 2013; Grenier; 2005; Peter et al., 2015; Richard et Chamberland, 2011).

Plusieurs études rapportent que les comportements homophobes et hétérosexistes en milieu scolaire sont en plus grande partie exercés par des garçons et que les gestes sont majoritairement dirigés vers les garçons plutôt que vers les filles (Kosciw et al., 2012; Poteat et Espelage, 2005; Richard et Chamberland, 2011). Or, les études cibleraient davantage les attitudes négatives à l’endroit des garçons et, même si certaines recherches incluent la victimisation des filles, aucune ne porteraient exclusivement sur leur vécu (Émond et Bastien Charlebois (2007). Outre le fait que les témoins dénoncent rarement cette violence (Thibault et al., 2013), la majorité des victimes, LGBQ ou présumées l’être en raison de leur apparence, préfèrent ne pas en parler à une personne en autorité. Les motifs évoqués sont qu’ils ont eux-mêmes réglé la situation, qu’ils jugent que l’incident n’est pas assez sérieux ou qu’ils croient que rien ne sera fait pour leur venir en aide (Chamberland et al., 2011; Kosciw et al., 2012). Quant au dévoilement de l’orientation sexuelle des élèves LGBQ, Émond et Bastien Charlebois (2007) affirment que le risque qu’ils ne soient pas soutenus par leurs pairs est bien réel. En effet, plusieurs élèves disent ne pas se sentir à l’aise à l’idée que leur meilleur ami ou meilleure amie fasse une telle révélation. Ainsi, plusieurs jeunes LGBQ préfèreraient cacher leur orientation sexuelle ou le fait qu'ils vivent de l’homophobie par crainte des réactions négatives et la peur de ne pas bénéficier de soutien (Émond et Bastien Charlebois, 2007).

1.2.2 Causes et conséquences de l’homophobie et de l’hétérosexisme

Des auteurs suggèrent différentes causes et conséquences au phénomène de l’homophobie et de l’hétérosexisme. Tout d’abord, l’homophobie met l’accent sur une conception binaire des rôles de genre. Les personnes homophobes considéreraient l’homosexualité féminine comme une déviance vers la masculinité et l’homosexualité masculine comme une déviance vers la féminité (Borillo, 2000; Grenier, 2005). Selon Grenier (2005, p. 5), « l’homophobie renforce ainsi la hiérarchie gérant les rôles hommes\femmes et devient un code de conduite pour maintenir les hommes et les femmes dans le ″bon″ chemin, c’est-à-dire, celui de l’hétérosexualité ». À titre d’exemple, l’apprentissage du rôle masculin se développerait en opposition aux caractéristiques dites féminines (ex. : sensibilité, délicatesse, vulnérabilité). Ainsi, les hommes qui adopteraient des comportements homophobes à l’égard d’hommes jugés efféminés le feraient afin de consolider leur identité et prôner des valeurs

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dites masculines. Ensuite, l’homophobie pourrait se justifier par l’idée que les personnes LGBQ ont déjà atteint l’égalité et démontrer un « attachement à un statu quo marqué par la supériorité symbolique de l’hétérosexualité » se manifestant par une opposition à la visibilité et à la reconnaissance des hommes gais (Bastien Charlebois, 2011a, p. 242).

Même si le terme homophobie demeure un référent d’usage commun (Richard et al., 2013), plusieurs chercheurs ont émis d'importantes critiques à son égard affirmant qu’il amène une psychologisation du phénomène, reléguant l’homophobie à des difficultés d’ordre individuel. En effet, ce concept ne reconnaitrait pas les origines sociales, politiques et culturelles de la discrimination (Bastien Charlebois, 2011b; Maher et al., 2009). De ce fait, « on laisse intactes les structures et les idéologies légitimant l’infériorisation des sexualités non hétérosexuelles […] (donnant) prise à la légitimation des comportements d’agression » (Bastien Charlebois, 2011b, p. 122).

Bien que l’hétérosexisme soit moins populaire dans les écrits scientifiques et l’intervention sociale, ce concept viendrait pallier les limites du concept d’homophobie par la prise en compte des autres formes d’oppressions à l’égard de la diversité sexuelle (Bastien Charlesbois, 2011a). Le concept d’hétérosexisme met ainsi en évidence le caractère systémique des manifestations négatives à l’endroit des personnes ayant des comportements, relations ou attitudes non hétérosexuels (Richard, 2013). Ce système idéologique se base sur la supériorité d’une majorité (Conseil permanent de la jeunesse, 2007) et la complémentarité de l’homme et de la femme par l’adoption d’aptitudes, d’intérêts et de traits dissemblables (Richard, 2013, Witting, 2001). Ces principes rendent ainsi légitime la discrimination à l’égard des gais, lesbiennes et bisexuels (Richard et Chamberland, 2011) qui choisissent de ne pas adhérer au « contrat social hétérosexuel » (Witting, 2001, p. 78). Selon Demczuk (1998), l’hétérosexisme révèle que ce sont « les rapports sociaux et les structures qui génèrent et supportent les croyances et les attitudes méprisantes, sinon haineuses, à l’endroit des personnes homosexuelles » (p.10). De ce fait, les personnes qui tenteraient de remettre en question le bien-fondé de ces structures seraient discréditées et stigmatisées (Grenier, 2005).

En milieu scolaire, les jeunes victimes d’homophobie et d’hétérosexisme sont plus à risque de voir leurs résultats scolaires à la baisse et d’avoir de la difficulté à se concentrer durant leurs cours. Ces jeunes sont également plus à risque de décrochage scolaire, d’avoir un taux d’absentéisme élevé et de vivre de l’homophobie intériorisée (Chamberland et al., 2013; Dorais, 2014; Kosciw et al., 2011 et

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Ryan, 2003). Borillo (2000) affirme d’ailleurs que les personnes homosexuelles qui intériorisent cette violence (homophobie intériorisée) peuvent tenter de nier leur attirance pour une personne du même sexe et développer des difficultés psychologiques importantes telles que de l’anxiété et des épisodes de dépression. L’anticipation d’un nouvel incident de violence ou le fait de rencontrer leurs agresseurs tous les jours affectent leur sentiment de sécurité à l’école (Chamberland et al., 2011). De plus, ils seraient plus à risque d’avoir des pratiques sexuelles non protégées, de manquer d’estime de soi, de fuguer, de se prostituer ou de consommer abusivement de l’alcool et des drogues (Conseil permanent de la jeunesse, 2007; Maher et al., 2009; Ryan, 2003; Taylor et Peter, 2011). Selon Dorais (2014), 75% des jeunes de la diversité sexuelle ayant vécu de l’homophobie ont pensé à s’enlever la vie et le tiers est passé à l’acte, en commettant au moins une tentative de suicide. Ces conséquences vécues à l’adolescence peuvent persister et se traduire par des blessures psychologiques à l’âge adulte (Ryan, 2003).

En dépit de ces conséquences préoccupantes, de plus en plus de recherches font état du peu d’activités scolaires dédiées spécifiquement à la diversité sexuelle. En ce sens, Dorais (2014) affirme que le tiers des jeunes victimes n’a jamais entendu parler d’homosexualité à l’école autrement que négativement. Chamberland et al. (2011) ajoutent que moins du tiers des élèves (31,1%) a connu l’existence d’une activité de démystification des réalités LGBQ au courant de leur année scolaire. Selon ces auteurs, les jeunes LGBQ sont plus éprouvés, car en plus d’être plus à risque de vivre de la discrimination en milieu scolaire, les écoles ne répondent pas encore adéquatement à leurs besoins spécifiques en matière de soutien (Richard et al., 2013). Dans cette lignée, Richard et al. (2013) affirment que le manque de soutien destiné aux jeunes LGBQ ainsi que le peu de représentations de la diversité sexuelle dans le programme scolaire provoquent « des dynamiques d’invisibilité et d’isolement » (p. 380). Plusieurs recherches anglo-saxonnes vont dans le même sens en affirmant que la promotion de la norme hétérosexuelle au sein des écoles secondaires laisse croire que les réalités des jeunes LGBQ sont inexistantes (Elia et Eliason, 2010; Ferfolja, 1998; McNeil, 2013). D’autres facteurs peuvent aussi accroître le sentiment d’isolement, tels que l’absence de réseau de pairs et la difficulté à se bâtir un réseau d’amis en raison de la faible densité géographique, réalité propre aux milieux ruraux (Chamberland et Paquin, 2007).

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1.2.3 Jeunes et diversité sexuelle en milieu rural

Selon Dorais (2014), la plupart des jeunes LGBQ découvrent leur attirance pour des personnes de leur propre genre dès le début de l’adolescence. Ces derniers peuvent vivre une période de questionnements, d’instabilité et d’angoisse allant de quelques mois à plusieurs années. Les questions qui risquent de surgir portent entre autres sur leur identification ou non à une orientation non hétérosexuelle (suis-je gai, bisexuel?), au caractère passager ou durable de cette attirance (est-ce que ça va durer?) et à son ac(est-ceptabilité sociale (est-(est-ce que c’est ac(est-ceptable?). Les jeunes LGBQ craindraient aussi de révéler leur orientation homosexuelle ou bisexuelle à leur entourage par peur du rejet, d’être humiliés ou de décevoir leurs proches. En outre, ces jeunes seraient « plus à risque de vivre diverses détresses, relatives à la honte, à l’isolement, à l’intimidation et au rejet » (Dorais, 2014, p. 97). Afin d’améliorer leur aisance face à leur orientation sexuelle, les jeunes LGBQ souhaiteraient certains changements sociaux tels qu’une plus grande ouverture de leur communauté à l’égard de la diversité sexuelle, le soutien de leurs proches dans leur processus de dévoilement, l’accès à de plus amples connaissances sur la diversité sexuelle, avoir plus de modèles de personnes ouvertement homosexuelles ou bisexuelles et se sentir protégés au sein de leur communauté (Dorais, 2014). Or, certains auteurs ayant approfondi les réalités des personnes LGBQ vivant en milieu rural révèlent que leur vécu serait plus difficile en raison de certaines particularités propres au contexte non urbain.

Aux États-Unis, la recherche de Kosciw et al. (2012) révélait que les élèves LGBQ vivant en milieu rural ou au sein de petites villes disent se sentir moins en sécurité à l’école. De plus, 53,8% affirment entendre fréquemment des propos homophobes contre 39% en milieu urbain. Les élèves résidant en milieu rural seraient davantage victimes d’homophobie et d’hétérosexisme liés à leur orientation sexuelle, présumée ou réelle, et bénéficieraient de moins de ressources et de soutien provenant du milieu scolaire (Kosciw et al., 2012). Au Québec, peu d’études se sont penchées sur le vécu des personnes LGBQ résidant hors des grands centres urbains (Conseil permanent de la jeunesse, 2007; Lévy, Engler, Frigault et Léobon, 2007). Cependant, l’étude de Tremblay, Julien et Chartrand (2007), réalisée auprès de 150 jeunes LGBQ provenant de différentes régions du Québec (urbaines et rurales), révèle que l’identité des jeunes LGBQ en milieu rural se construit dans un environnement davantage marqué par la crainte de dévoiler leur orientation sexuelle et la présence d’attitudes négatives à l’endroit de leur propre orientation sexuelle.

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Certaines caractéristiques spécifiques à l’environnement non urbain ne favoriseraient pas l’expression d’une orientation non hétérosexuelle (Tremblay et al., 2007), étape pourtant cruciale du processus identitaire des jeunes LGBQ (Save-Williams et Diamond, 1999). Tout d’abord, la faible densité démographique rend difficile la dissociation de la vie privée et publique des jeunes LGBQ. Il en résulte une difficulté de choisir ou non la divulgation de son orientation sexuelle selon les différentes sphères de vie. Par conséquent, outre la décision de taire complètement son orientation sexuelle, cette dernière devient connue de façon plus ou moins explicite dans l’ensemble de l’entourage, ce qui favorise la propagation de rumeurs (Chamberland et Paquin, 2007).

Une autre caractéristique réside dans le manque de modèles pour les jeunes en questionnement ou en construction identitaire quant à leur orientation sexuelle. En effet, contrairement aux grands centres urbains, il arrive souvent que les milieux ruraux ne bénéficient pas d’un quartier gai, de manifestations visant la diversité sexuelle ou de lieux de rencontres spécifiques aux personnes LGBQ. Le peu de modèles ne permet pas de valider leur orientation (Chamberland et Paquin, 2007) ni de s’identifier à certains pairs (Tremblay et al., 2007). En 2007, Chamberland et Paquin ont réalisé une étude auprès de 40 gais et lesbiennes provenant majoritairement de l’Est-du-Québec (Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, Côte-Nord) et de l’Abitibi-Témiscamingue afin d’identifier, à partir de l’analyse du discours des participants, les spécificités rurales du vécu des personnes gaies et lesbiennes. Certains répondants affirment que l’absence de visibilité publique de personnes LGBQ contribue à renforcer les images caricaturales de l’homosexualité tout en limitant d’autres formes de représentations plus près des réalités LGBQ. Cette absence de visibilité rend difficile l’accès à un réseau de soutien et limite les possibilités de rencontrer un partenaire amoureux (Chamberland et Paquin, 2007).

Finalement, la rareté des lieux de rencontre et de ressources de soutien informel et formel contribue au fort sentiment d’isolement des jeunes LGBQ en milieu rural (Chamberland et Paquin, 2007; Dorais, 2014). En effet, au Québec la grande majorité des ressources du réseau formel vouées à la diversité sexuelle est présente dans les grands centres urbains, soit Montréal (59%) ou Québec (13%) (CDPDJ, 2007). La difficulté de répondre aux nombreux besoins exprimés et la distance géographique, limitant la possibilité de rejoindre l’ensemble des personnes, rendent plus ardue la pérennité de ces organismes dans les milieux ruraux. De plus, la crainte d’être identifiés comme gai ou lesbienne limiterait une plus large participation aux activités proposées. Ainsi, le manque de

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modèles, l’absence de réseau de soutien et de ressources contribuent à un fort sentiment d’isolement chez les jeunes LGBQ et rendent plus ardu leur parcours d’insertion sociale (Chamberland et Paquin, 2007). Pour certains, l’ensemble de ces facteurs les pousse à s’exiler vers les grands centres urbains dans le but de vivre plus ouvertement leur orientation non hétérosexuelle et de se joindre plus facilement à un groupe d’appartenance de personnes gais, lesbiennes ou bisexuelles (Tremblay et al., 2007).

Considérant les besoins spécifiques de soutien pour les jeunes LGBQ vivant en milieu rural (Chamberland et Paquin, 2007) et l’ampleur des manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme en milieu scolaire (Chamberland, 2011; Dorais, 2014; Grenier, 2005; Peter et al., 2015; Richard et al., 2013; Taylor et Peter, 2011), il importe que des actions claires et concertées soient mises de l’avant afin de contrer ce phénomène dans les écoles (Conseil permanent de la jeunesse, 2007; Ryan, 2003, Thibault et al., 2013). Plusieurs auteurs insistent d'ailleurs sur l’importance de la participation des intervenants sociaux dans les actions visant à contrer l’homophobie et l’hétérosexisme (Chouinard, 2010; Grenier, 2005; Richard et al., 2013; Ryan, 2003).

1.2.4 Intervenants sociaux face à l’homophobie et l’hétérosexisme en milieu scolaire

Différentes études ont exploré les connaissances et l’aisance des intervenants sociaux à l’égard des jeunes LGBQ. Selon Grenier (2005), la majorité des intervenants sociaux en milieu scolaire ont une image favorable de l’homosexualité et disent se sentir confortables en présence de personnes homosexuelles. Pourtant, le malaise refait vite surface lorsqu’il est question de rendre l’homosexualité plus concrète, lorsqu’on y ajoute « un nom, un visage ou qu’elle s’exprime par des signes d’affection » (Grenier, 2005, p. 99). En outre, les intervenants sociaux en milieu scolaire n’auraient que peu d'occasions de remettre en question leurs perceptions liées aux personnes LGBQ, ni d'identifier leurs préjugés et leurs malaises (Ryan, 2003). Selon Brown (1996), plusieurs intervenants sociaux pensent avoir les aptitudes et les compétences pour intervenir adéquatement et donc, ne voient pas la nécessité de s’engager dans une démarche d’apprentissage réflexif.

D’autres auteurs québécois attirent d’ailleurs l’attention sur la méconnaissance et le manque de formation des intervenants sociaux en milieu scolaire à l’égard du vécu et des mécanismes d’infériorisation des jeunes LGBQ. Selon Richard (2013), l’intervention appropriée « présume d’une

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connaissance minimale des enjeux spécifiques à l’orientation sexuelle [et] la compréhension limitée de ces enjeux peut dans certains cas donner lieu à des interventions maladroites, voire inadéquates » (p.139). En l’absence de ces connaissances, les intervenants sociaux pourraient aussi vivre un malaise à intervenir face à des manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme (Conseil permanent de la jeunesse, 2007; Grenier, 2005; Richard, 2013) et croire que les personnes LGBQ ne vivent aucune difficulté particulière (Ryan, 2003). De plus, ils auraient de la difficulté à reconnaître l’ampleur de l’homophobie et de l’hétérosexisme (Grenier, 2005) et pourraient banaliser ces manifestations en milieu scolaire (Richard, 2013; Ryan, 2003). Plusieurs chercheurs soulèvent ainsi l’importance de former les intervenants sociaux en milieu scolaire spécifiquement aux réalités des jeunes LGBQ, notamment sur le phénomène de l’homophobie et de l’hétérosexisme (Ferjolja, 2010; Fish, 2006; Kosciw et al., 2011; Maher et al., 2009; Richardson, 2004).

Même si les manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme en milieu scolaire demeurent fréquentes (Grenier, 2005; Peter et al., 2015; Richard et al., 2013; Taylor et Peter, 2011), différents auteurs soulèvent les difficultés des intervenants sociaux à les prévenir et les contrer. En 2005, une étude effectuée par Grenier auprès de 139 enseignants et intervenants sociaux en milieu scolaire, répartis dans la région de Québec, visait à comprendre de quelle façon ces derniers font face à la diversité sexuelle et aux manifestations homophobes. Seulement un peu plus de la moitié du personnel scolaire disait intervenir lors d’incidents homophobes. Un faible pourcentage des intervenants sociaux et des enseignants, soit seulement 12%, considère que l’homophobie est un problème au sein de leur établissement scolaire. Une majorité des personnes rencontrées affirme qu’il s’agit davantage d’un problème d’ordre social, extérieur à la sphère scolaire (Grenier, 2005). Également, plusieurs intervenants sociaux considèrent que les interventions visant la démystification des réalités homosexuelles et bisexuelles impliquent de dénouer des préjugés parfois tenaces. Seulement la moitié des répondants parlent de diversité sexuelle aux élèves et, le plus souvent, en réponse aux questions posées par ces derniers. Les intervenants sociaux et les enseignants soulèvent l’importance d’avoir plus de temps et de soutien de leur établissement afin d’intégrer la diversité sexuelle au discours scolaire (Grenier, 2005). De plus, le manque de temps, la peur de représailles des parents, la réticence de certains collègues, le manque de formation et de ressources financières sont d’autres obstacles soulevés par les intervenants sociaux limitant les interventions dites préventives et de démystification (Capper et al., 2006; Conseil permanent de la jeunesse, 2007;

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Grenier, 2005; Richard et al., 2013; Ryan, 2003). Il s'agit d'une lacune notable puisque de plus en plus d'auteurs montrent que l'intimidation scolaire et l'homophobie sont étroitement liées (Chamberland et al., 2013; Poteat et Espelage, 2005; Walton, 2004).

Les études recensées dans le cadre de ce projet de recherche ne permettent pas de souligner spécifiquement les pratiques de proximité des intervenants sociaux à l’égard des jeunes de la diversité sexuelle. Or, Richard (2013) a interrogé 22 enseignants d’écoles secondaires québécoises à propos de leurs modèles d’interventions liées à la diversité sexuelle lors de manifestations d’homophobes ou non. L’auteure révèle cinq angles d’intervention chez ces enseignants à l’égard des auteurs d’homophobie, soit « la correction du vocabulaire, les explications étymologiques, la sensibilisation aux impacts de l’homophobie, l’analogie entre homophobie et racisme et l’intervention par confrontation » (Richard, 2013, p. 119). Le modèle d’intervention préconisé par ces enseignants serait le même que celui utilisé pour d’autres types de problématiques en milieu scolaire. Ce dernier porte sur une séquence d’actions bien précises, soit 1) identifier le comportement inadéquat, 2) mettre fin à ce comportement et 3) expliquer ou appliquer les conséquences. Selon l’auteure : « Le canevas d’intervention occulte les évocations hétérosexistes du quotidien, par le biais desquelles l’homosexualité et la bisexualité sont tour à tour ridiculisées, discréditées ou présentées comme anormales » (Richard, 2013, p. 146). De ce fait, les difficultés des personnes LGBQ sont considérées comme un problème d’ordre individuel, laissant croire qu’elles possèdent la totale responsabilité de leur problème et des émotions négatives qu’elles ont intériorisées à l’égard de leur orientation non-hétérosexuelle (Bastien Charlebois, 2011a).

En outre, des auteurs révèlent que certains intervenants sociaux en milieu scolaire peuvent participer eux-mêmes aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme. En effet, certaines recherches révèlent qu’une partie des intervenants sociaux émettent des commentaires homophobes. Souvent sous forme d’histoires, ces commentaires dévalorisent et ridiculisent les personnes d’orientation non hétérosexuelle ou qui sont jugées non conformes à leur genre (Grenier, 2005; Richard et al., 2013; Taylor et Peter, 2011). Selon Grenier (2005), le tiers (34%) du personnel scolaire (enseignants, intervenants sociaux et autres professionnels) émettrait de tels commentaires. Ces propos contribuent ainsi à alimenter les préjugés et les stéréotypes à l’égard des personnes de la diversité sexuelle (Grenier, 2005; Richard et al., 2013; Taylor et Peter, 2011). De ce fait, les jeunes souhaitant confier leur orientation non hétérosexuelle à un membre du personnel ne bénéficieraient pas

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systématiquement de l’approbation et de la validation, pourtant nécessaire à un soutien de qualité (Émond et Bastien Charlebois, 2007). Ainsi, le système scolaire se veut inclusif dans ses intentions, mais peut contribuer malgré lui à alimenter les préjugés et la méconnaissance à l’égard de la diversité sexuelle (Richard et al., 2013).

1.3 Limites méthodologiques des études actuelles

Les recherches recensées sur les pratiques des intervenants sociaux à l’égard des manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme comportent certaines limites méthodologiques. Elles se concentrent presque seulement sur des milieux urbains et portent majoritairement leur attention sur le point de vue des enseignants au détriment de celui des intervenants sociaux en milieu scolaire (psychologue, travailleur social, etc.). De plus, les questions portent très peu sur les personnes lesbiennes et bisexuelles. En effet, les recherches portant sur l’intervention auprès des personnes d’orientation non hétérosexuelle auraient tout d’abord porté sur les hommes gais pour ensuite se pencher, dans une moindre mesure, sur les réalités des femmes lesbiennes et des personnes bisexuelles (Bastien Charlebois, 2011b). Finalement, les recherches ne font que rarement mention de la présence ou non de formation portant sur les jeunes LGBQ destinés aux intervenants sociaux. 1.4 Pertinence de la recherche

Les manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme en milieu scolaire sont un phénomène qui, selon les auteurs, touche près du quart (38,6%), voire la moitié (Dorais, 2014) des élèves québécois (LGBQ ou non) dans les écoles secondaires. Les conséquences qui en résultent demeurent préoccupantes : décrochage scolaire, tentatives de suicide et passage à l’acte, consommation abusive de drogue et d’alcool, etc. (Conseil permanent de la jeunesse, 2007; Maher et al., 2009; Ryan, 2003; Taylor et Peter, 2011). En 2012, la Loi visant à prévenir et combattre l’intimidation et la violence à l’école fait mention à l’article 75.3 que « tout membre du personnel d’une école doit collaborer à la mise en œuvre du plan de lutte contre l’intimidation et la violence et veiller à ce qu’aucun élève de l’école à laquelle il est affecté ne soit victime d’intimidation ou de violence » (MELSQ, 2012, p.5). Plus récemment, le Ministère de la Famille lançait le Plan d’action concerté pour prévenir et contrer l’intimidation 2015-2018 reconnaissant que « l’intimidation à caractère

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homophobe, […] est une forme d’intimidation des plus répandues, notamment chez les jeunes » (p. 25) et mettant de l’avant des mesures visant la prévention de cette forme d’intimidation.

Pourtant, plusieurs intervenants sociaux en milieu scolaire ont de la difficulté à identifier et intervenir directement sur les manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme, menant à une banalisation de cette forme de violence (Richard, 2013). Cette recherche vise à développer des connaissances sur les pratiques des intervenants sociaux quant aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme vécues par les jeunes LGBQ, selon leurs représentations de ces jeunes en milieu rural. En prenant en considération leurs connaissances actuelles en ce qui a trait aux jeunes LGBQ, ce projet entend contribuer à la bonification de la formation des intervenants sociaux en milieu scolaire. Ainsi, ces connaissances pourraient contribuer à l’amélioration des interventions favorisant une meilleure inclusion des jeunes LGBQ en milieu scolaire.

De plus, au Québec, peu d’études se sont penchées sur la question des jeunes LGBQ en milieu rural (Conseil permanent de la jeunesse, 2007; Lévy et al., 2007). Le manque de modèles et de ressources ainsi que la difficulté de dissociation de la vie privée et publique des jeunes LGBQ contribuent à une plus grande vulnérabilité de ces jeunes en milieu rural. Par cette recherche, il sera ainsi possible de développer des connaissances au sujet des pratiques des intervenants sociaux travaillant en milieu rural à l’égard des jeunes LGBQ victimes d’homophobie et d’hétérosexisme. Ces nouvelles connaissances pourront contribuer à la mise sur pied d’outils d’intervention destinés aux milieux scolaires en prenant compte les spécificités rurales. Ces mesures pourront favoriser un meilleur soutien des jeunes LGBQ vivant des difficultés liées au dévoilement de leur orientation sexuelle ou à des épisodes d’homophobie et d’hétérosexisme en milieu rural.

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CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE

Ce deuxième chapitre exposera le cadre théorique retenu pour la recherche, soit la théorie des représentations sociales. Le chapitre débutera par la présentation des objectifs spécifiques de la recherche. Par la suite, suivront les origines et définitions du concept des représentations sociales ainsi que le contenu, les fonctions et les processus d’élaboration des représentations. Pour terminer, la pertinence du cadre théorique ainsi que les forces et limites de celui-ci seront examinées.

2.1 Objectifs spécifiques de recherche

La question de recherche comporte trois dimensions principales directement liées aux objectifs de ce mémoire, soit 1) les représentations sociales des intervenants sociaux à l’égard des jeunes LGBQ, 2) leurs perceptions des manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme à l’endroit des jeunes LGBQ vivant en milieu rural et 3) leurs pratiques face à ces manifestations. À l’origine, cette étude ciblait exclusivement les pratiques des intervenants sociaux face à ces types de violence selon leurs représentations sociales de ces jeunes. Or, en rédigeant le projet de recherche, il semblait difficile d’identifier les pratiques des intervenants sociaux sans avoir accès à leur perception du phénomène (homophobie et hétérosexisme) à l’origine de ces pratiques. De ce fait, la dimension des perceptions est donc devenue un troisième élément central de ce projet de recherche. Des deux premiers objectifs spécifiques de recherche, un troisième a ainsi émergé. Le premier est 1) de connaître le contenu des représentations sociales des intervenants sociaux en milieu scolaire à l’égard des jeunes LGBQ en milieu rural. Le deuxième objectif et le troisième sont de mieux connaître 2) les perceptions et 3) les pratiques des intervenants sociaux en milieu scolaire à l’endroit des manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme vécues par les jeunes LGBQ vivant en milieu rural. L’étude de ces trois objectifs sera possible grâce à l’utilisation du cadre théorique retenue, soit la théorie des représentations sociales.

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2.2 Origines et définitions des représentations sociales

Le concept de représentation sociale tire son origine de la sociologie, par l’entremise des travaux de Durkheim qui, au XIXe siècle, a été le premier à désigner cette idée. C’est à travers l’étude de « l’idéation collective » qu’il les a identifiées à titre de « productions mentales sociales » (Jodelet et al., 1989, p. 36). Au XXe siècle, les représentations sociales intéressent de plus en plus les chercheurs de divers horizons : sociologie, psychologie sociale, anthropologie et histoire (Pouliot, Camiré et Saint-Jacques, 2013). C’est en 1961 que Serge Moscovici, considéré depuis comme le père des représentations sociales, en reprendra l’analyse par le biais de la psychologie sociale (Guimelli, 1994). Ce dernier insiste sur l'idée que les représentations sociales guident les actions des groupes et des individus (Moscovici, 1972). Les nombreuses recherches portant sur les représentations sociales se définissent à l’intérieur de quatre courants principaux (Hartog, 2014). Le premier réfère aux travaux de Serge Moscovici et Denise Jodelet portant sur le sens commun des représentations et leur processus d’élaboration (Roussiau et Bonardi, 2001). Le deuxième courant a pris forme dans les années 1980 par les études d’Abric, Guillelli et Flament qui se sont penchées sur la théorie du noyau central (Moscovici et Vignaux, 1994). Le troisième courant, amorcé par Doise et Clémence, fait référence aux principes organisateurs et à la prise de position (Guimelli, 1994). Le quatrième courant, plus récent, provient des recherches d’Amérique latine qui étudient le rôle des représentations sociales dans les problèmes sociaux (Abric, 2003). Tel qu'il le sera explicité plus loin, le projet de recherche présenté dans ce document se situe dans le deuxième courant, soit celui de la théorie du noyau central.

Selon Abric, la représentation sociale est « l’ensemble organisé et hiérarchisé des jugements, des attitudes et des informations qu’un groupe social donné élabore à propos d’un objet » (Abric, 2003, p.13). En ce sens, les représentations sociales se caractérisent par la relation entre un objet (ex. : les jeunes LGBQ) et le sujet (ex. : les intervenants sociaux en milieu scolaire) (Jodelet et al., 1989). De plus, les représentations sociales seraient élaborées par le biais d’échanges et d’interactions menant à la « construction d’un sens commun » (Moliner, 2001, p. 8). En effet, même si ce sont les personnes qui les pensent et les construisent, les représentations sociales demeurent affranchies de la conscience individuelle. En ce sens, elles ne sont pas le fruit de pensées forgées en vase clos par un individu (Jodelet et al., 1989), mais plutôt produites au cours d'échanges et d'actions perpétués en interrelations avec autrui (Doise et Palmonari, 1986).

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Définies en termes de « connaissances implicites » (Abric, 2003, p. 13), elles représentent ce que les personnes croient et même sont certaines de savoir au sujet d’événements, d’objets et de collectivités données (Abric, 2003). Les représentations sociales contribuent ainsi à la « vision globale qu’une société se constitue d’elle-même » (Moscovici et Vignaux, 1994, p. 33). Les représentations sociales résultent donc d’une construction de la réalité à l’aide d’un système cognitif propre aux personnes et aux groupes sociaux (Abric, 2003). Le processus d’appropriation et de construction du réel est possible grâce à la participation des éléments constitutifs des représentations sociales.

2.3 Contenu de la représentation sociale

Les courants d'analyse du contenu des représentations sociales varient selon les époques et les auteurs. Le courant utilisé dans le cadre de ce projet de recherche est la théorie du noyau central. Initialement élaborée par Jean-Claude Abric, cette théorie amène l’idée essentielle que la représentation s’organise autour d’un noyau central (Moliner, 2001). En tant qu’élément fondamental de la représentation, ce noyau « détermine à la fois la signification et l’organisation de la représentation » (Abric, 1989, p. 197). Selon cette théorie, le noyau central est composé des éléments les plus stables de la représentation, ensemble qui résiste le plus au changement. Deux fonctions principales caractérisent le noyau central. Une première fonction génératrice permet de créer, ou éventuellement de transformer, la signification des éléments de la représentation afin de lui donner un sens. Une deuxième fonction organisatrice assure l’unification et la stabilisation de la représentation (Abric, 1994). Le noyau central possède quatre caractéristiques qui lui sont propres. Tout d’abord, il est grandement marqué par la mémoire collective du groupe social et des normes qui le régissent. Ensuite, il constitue la base des représentations sociales collectivement partagées par les individus du groupe social donné. De plus, il permet une certaine résistance au changement, assurant donc la cohérence et la stabilité de la représentation. Finalement, le noyau central conserve une certaine indépendance face au contexte immédiat dans lequel la représentation se situe. En somme, « le système central est donc stable, cohérent, consensuel et historiquement marqué » (Abric, 1994, p. 79). Ce système ne pourrait cependant pas fonctionner sans la relation directe et complémentaire des éléments périphériques.

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Les éléments périphériques sont les parties dites « externes » du noyau central et, contrairement à ce dernier, sont plus accessibles tant dans les discours que dans les pratiques des individus. Selon Abric (1994), les éléments périphériques "comprennent des informations retenues, sélectionnées et interprétées, des jugements formulés à propos de l'objet et de son environnement, des stéréotypes et des croyances" (p. 25). Ils jouent trois rôles importants dans le fonctionnement et la dynamique des représentations sociales. Tout d’abord, les éléments périphériques forment la partie opérationnelle de la représentation (Moliner, 2001). Définis par Flament à titre de « schèmes » (Abric, 1994), ils font le traitement de l’information et contribuent à orienter les actions des personnes (Moliner, 2001). En ce sens, les éléments périphériques remplissent le rôle de prescripteurs des comportements. Par exemple, les intervenants sociaux en milieu scolaire ayant une représentation sociale des jeunes LGBQ en milieu rural comme étant à risque de vivre de l'intimidation pourront adopter des comportements d'actions de lutte à l'homophobie et à l'hétérosexisme. En second lieu, plus souples que les éléments du noyau central, les éléments périphériques mènent à ce que Abric (1994) appelle des « modulations individualistes » (p. 75). À titre d'exemple, un intervenant social en milieu scolaire dont la sœur cadette a déjà vécu de l'homophobie et de l'hétérosexisme pourra avoir une représentation sociale des jeunes LGBQ différente de ses collègues n'ayant pas la même expérience. Le système périphérique permet donc une appropriation personnelle des représentations sociales selon ses propres expériences ou préférences (Moliner, 2001).

Lorsque la représentation est remise en question par l’arrivée d’informations nouvelles, le noyau central a la caractéristique de résister à ce changement. Toutefois, malgré une certaine stabilité de la représentation sociale, son processus de transformation est possible. Les éléments périphériques prennent le relais en participant au processus de défense et de transformation de la représentation sociale. Pour ce faire, ils vont accepter l’ajout de nouvelles informations au sein de la représentation, sans que ces informations n’atteignent le noyau central. Au fil de l'ajout de nouvelles informations, les moyens de défense des éléments périphériques ne suffisent plus menant à la transformation du noyau central et donc, de la représentation sociale (Abric, 1994).

En somme, bien que le noyau central soit l’élément primordial de la représentation, les éléments périphériques remplissent un rôle essentiel au bon fonctionnement de celle-ci (Abric, 1994). La mise en commun de ces deux composantes permet aux représentations sociales d’assurer différentes fonctions particulières.

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2.4 Fonctions des représentations sociales

Selon Abric (1994), les représentations sociales remplissent quatre fonctions, soit des fonctions de savoir, d’identité, d’orientation et de justification. En premier lieu, les fonctions de savoir permettent l'acquisition de nouvelles connaissances qui facilitent la liaison entre les réalités symboliques et la réalité plus complexe et mouvante des interactions sociales. Elles contribuent ainsi à la compréhension du monde mais aussi à la communication sociale entre les individus et les groupes (Abric, 1994).

En deuxième lieu, les représentations sociales ont des fonctions identitaires. Abric (2003) affirme que les fonctions identitaires se caractérisent par un système de « catégorisation sociale » (p.19). Il est ainsi possible d’ordonner, de nommer et de procéder à une hiérarchisation des réalités du monde qui nous entoure. De ce fait, les fonctions identitaires permettent de déterminer la façon dont « un groupe social donné se perçoit et perçoit les autres groupes avec lesquels il est en interaction » (Abric, 2003, p. 19). En lien avec le projet de recherche, un intervenant social en milieu scolaire s'identifiant comme hétérosexuel pourrait procéder à la hiérarchisation des différentes orientations sexuelles en considérant les jeunes hétérosexuels comme plus normaux que les jeunes LGBQ. Ainsi, les fonctions identitaires sont essentielles au processus de comparaison sociale assurant la régulation des relations intergroupes et contribuant à la sauvegarde de l’unicité du groupe et de son sentiment d’appartenance (Abric, 1994).

En troisième lieu, les fonctions d’orientation permettent de guider les comportements et les pratiques, souvent en « prescrivant ou en interdisant des objets ou des pratiques » (Mannoni, 2012, p. 4). Selon l'objet de recherche, des intervenants sociaux considérant les jeunes LGBQ comme plus à risque suicidaire pourraient accentuer des pratiques sur la prévention du suicide auprès de ces jeunes. S’inscrivant à travers les jugements, croyances et opinions de groupes sociaux, les représentations sociales permettent donc à un groupe ou à des sujets de « donner un sens à leur conduite » (Abric, 2003, p. 14).

En quatrième lieu, les fonctions justificatrices permettent d'expliquer les comportements et les pratiques d'une personne ou d'un groupe vis-à-vis d’un événement (ex.: manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme). Pour ce faire, les représentations sociales fournissent des

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