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CHAPITRE 5 : RÉSULTATS – Perceptions et pratiques à l’égard de l’homophobie et de

5.1 Conceptions à l’égard de l’homophobie et de l’hétérosexisme

5.1.2 Perception de l’ampleur de l’homophobie en milieu scolaire

Dans le cadre des entrevues, les participantes ont été invitées à s’exprimer au sujet de leurs perceptions quant à l’ampleur de l’homophobie spécifique au milieu scolaire. Selon les propos des participantes, leur perception de l’ampleur varie selon deux éléments, soit 1) leurs conceptions de l’homophobie et 2) le nombre d’incidents homophobes rapportés.

Tout d’abord, les propos de certaines participantes identifiant les manifestations d’homophobie comme étant exclusives aux jeunes LGBQ suggèrent qu’il n’y aurait que très peu d’homophobie en milieu scolaire: « De la vraie homophobie en sachant que l’autre est [LGBQ]… Il n’y en a pas eu tant que ça honnêtement » (Participante 6).

En outre, la perception de l’ampleur de l’homophobie en milieu scolaire diffère chez les participantes qui incluent les mots ou expressions péjoratives dans leur conception de l’homophobie. En effet, leur discours illustre un milieu scolaire où les manifestations d’homophobie sont nombreuses :

Bien moi je pense qu’il y a encore plusieurs jeunes qui se moquent des gais et lesbiennes. Et ça se dit encore haut et fort, dans des commentaires, dans des mots blessants qu’on entend dans les corridors ou qu’on entend en classe (Participante 8).

Selon ce point de vue, les propos homophobes ne seraient pas isolés ou subtils, mais plutôt largement répandus et prononcés ouvertement devant les adultes du milieu scolaire. De plus, les propos homophobes auraient comme objectif de blesser indépendamment de l’orientation sexuelle de la personne qui en est la cible : « Les élèves ne se gênent pas, ils sont très méchants entre eux. Donc, vient avec ça les paquets de noms associés à l’homosexualité » (Participante 9).

La perception de l’ampleur de l’homophobie en milieu scolaire varie aussi selon que les participantes se basent exclusivement sur le nombre d’incidents homophobes rapportés ou sur une lecture plus large de la situation. En effet, le discours d’une participante suggère que les manifestations

d’homophobie en milieu scolaire seraient rares en raison du nombre restreint, voire inexistant d’interventions réalisées ou d’incidents rapportés:

Moi je n’ai plus grand-chose à te dire sur l’homosexualité. Parce qu’il ne se passe rien de négatif. Ben, il ne se passe rien. Je veux dire très peu. Des éléments négatifs. Donc c’est super. Moi je ne me souviens pas d’avoir traité d’un cas de racisme ou d’homophobie depuis deux ans, trois ans. Je ne me souviens pas c’est quand la dernière fois que j’ai traité des gens pour ça (Participante 7).

Plus tard dans l’entrevue, cette participante nuance toutefois ses propos en précisant que les manifestations d’homophobie en milieu scolaire seraient toujours présentes, mais plus subtiles en raison des mesures disciplinaires mises en place par le personnel afin de contrer ce phénomène :

En même temps ça amène les gens à être plus en dessous, pour ceux qui ne veulent pas changer d’idée. S’ils n’aiment pas les gais, ils vont continuer à les haïr, mais en silence. Ça amène plus de subtilité et d’hypocrisie pour certains individus, je pense, le fait qu’on ne tolère plus. Qu’on ne laisse plus passer d’attitude ou de comportement comme ça (Participante 7).

Toutefois, les propos d’une participante contrastent avec la tendance générale. En effet, elle inclut les mots ou expressions péjoratives dans la définition de l’homophobie et estime que leur utilisation est largement répandue en milieu scolaire. Or, son discours suggère également que les manifestations d’homophobie en milieu scolaire seraient limitées :

Il n’y a pas tant de jeunes que ça qui se font intimider [en milieu scolaire]. En tout cas, s’ils le sont, on fait quelque chose. C’est un climat qui est quand même sécuritaire. […] Il n’y en a pas tant que ça des jeunes homophobes (Participante 2).

Or, plus tard dans l’entrevue, le discours de cette participante met en évidence une prise de conscience de la banalisation de certains propos homophobes en milieu scolaire et une remise en question de la légitimité de ce geste :

Ça se peut que des fois, ça paraisse un peu plus banal [des propos homophobes]. Oui ça se peut que des fois on n’intervienne pas ou que je n’intervienne pas. […] Ça amène des questionnements, c’est correct. Des fois, on laisse passer des choses et dans le fond, on devrait intervenir sur

tout. Moi je juge que ça n’a pas eu l’air si pire, mais peut-être que ça l’est. C’est peut-être le cinquième commentaire [homophobe] que le jeune a dans la journée ou c’en est un [commentaire homophobe] qui ne passe pas, mais le gars ou la fille fait comme si ça ne le dérangeait pas (Participante 2).

Cet extrait illustre l’idée qu’un incident homophobe peut être banalisé lorsque la participante juge qu’il n’y aura pas d’impact sur le jeune victime. Cet extrait met également en lumière la construction de la pensée de cette participante à l’égard de ses pratiques face à l’homophobie en milieu scolaire. Plus précisément, il semble que cette participante prenne conscience de l’importance d’intervenir systématiquement face à tous les commentaires homophobes, parce qu’un incident homophobe pourrait être plus grave qu’il n’y parait (récurrence des propos et impacts sur le jeune victime). En somme, selon le discours des participantes, leurs conceptions de l’homophobie ainsi que le nombre d’incidents d’homophobie rapportés demeurent deux facteurs pouvant influencer leur divergence de perception à l’égard de l’ampleur de l’homophobie en milieu scolaire.

Jusqu’à présent, les propos des participantes ont mis en lumière leurs perceptions à l’égard des concepts d’homophobie et d’hétérosexisme, de leurs causes et conséquences ainsi que de l’ampleur de ces phénomènes en milieu scolaire. Bien que leur discours soulève certaines divergences, tous s’entendent sur l’importance d’agir face aux manifestations d’homophobie et d’hétérosexisme en milieu scolaire. En effet, tous les adultes des écoles, particulièrement ceux ayant un lien de confiance auprès des jeunes (ex. : enseignants), auraient la responsabilité de s’impliquer activement dans cette lutte. À partir des propos des participantes, la prochaine section présentera plus précisément le rôle et les pratiques des intervenants sociaux à l’égard de l’homophobie et de l’hétérosexisme en milieu scolaire.