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CHAPITRE 5 : RÉSULTATS – Perceptions et pratiques à l’égard de l’homophobie et de

5.2 Pratiques des intervenantes sociales en milieu scolaire

5.2.4 Pratiques des intervenantes sociales à l’endroit des jeunes victimes d’homophobie

d’homophobie en milieu scolaire. Tout d’abord, les propos de toutes les participantes convergent vers un premier objectif d’intervention, soit de permettre au jeune de ventiler: « Premièrement je le rencontre pour verbaliser, extérioriser, le rassurer et m’assurer qu’il est apaisé. Qu’il croit qu’on va être dans une situation d’aide » (Participante 10). Ces participantes questionnent aussi le jeune afin de mieux comprendre l’incident homophobe et de vérifier s’il possède un réseau de soutien.

Ensuite, les propos de certaines participantes amènent à identifier une deuxième pratique visant à questionner le jeune sur son orientation sexuelle. Ainsi, ces participantes souhaiteront vérifier si le jeune vivant de l’homophobie s’identifie comme LGBQ afin d’orienter leur intervention :

Es-tu homosexuel? Des fois c’est non. Souvent c’est non. Tout dépendant de la réponse, l’intervention va être différente un peu. On va questionner : est-ce que ça dure depuis longtemps [l’homophobie]? Toi tu vis comment le fait d’être homosexuel? Est-ce que c’est accepté? Souvent, ça ne l’est pas tant que ça (Participante 6).

Cet extrait suggère que l’objectif de l’intervention ne vise pas seulement à agir sur l’incident homophobe, mais aussi sur l’accompagnement lié à la découverte et au dévoilement de l’orientation sexuelle des jeunes LGBQ. Le discours d’une participante souligne toutefois un souci de ne pas étiqueter le jeune vivant de l’homophobie. En ce sens, le questionnement au sujet de son orientation sexuelle ne devrait pas se faire trop directement ni trop tôt dans le suivi individuel. L’extrait qui suit illustre les préoccupations d’un jeune qui aurait été questionné par une intervenante au sujet de son orientation sexuelle: « Y a t-il des gens qui pensent ça [que je puisse être homosexuel] premièrement? Si elle [l’intervenante] elle me pose la question, y a t-il d’autre monde qui me voit comme ça ou qui pense ça de moi? Attends un peu, je fais quoi avec ça moi? (Participante 2). Une troisième forme de pratique suggérée par le propos de certaines participantes porte sur la reprise du pouvoir des jeunes vivant de l’homophobie. Cette pratique vise à éviter la victimisation du jeune en l’encourageant à s’affirmer devant le ou les jeunes qui adoptent des comportements homophobes à son égard :

Les gens [jeunes] peuvent apprendre à répondre et à dire qu’est-ce qu’ils pensent aux autres poliment et gentiment. Par exemple : « arrête de m’écœurer, parce que ça ne passera pas. Sinon je dénonce. » Ça augmente leur estime et leur confiance, parce qu’ils ont été capables de répondre à quelqu’un au lieu de faire la petite boule ronde, d’être triste et de pleurer tout seul dans leur coin (Participante 7).

Cette reprise du pouvoir du jeune peut porter également sur le respect des besoins et des choix d’interventions privilégiées par le jeune lui-même. Ce point de vue contraste de la tendance générale dans la mesure où ce n’est plus l’intervenante sociale qui décide des actions à mettre en place (ex. : remplir un formulaire de dénonciation, réprimander le jeune ayant commis des gestes homophobes),

mais bien le jeune lui-même qui choisira les interventions à privilégier et bénéficiera du soutien de l’intervenante pour les mettre en place :

Qu’est-ce qu’il voit comme intervention? Est-ce qu’il veut jaser, est-il à l’aise de jaser avec ce jeune-là et de lui dire? Est-ce qu’il veut que je rencontre l’autre jeune? Est-ce qu’il veut qu’on fasse une intervention plus anonyme? […] Est-ce qu’il avait juste besoin d’en parler et il ne veut pas qu’on intervienne? S’il veut qu’on intervienne, on le fait en collaboration avec lui. On propose plein de choses et on choisit dans le tas (Participante 2).

Le point de vue de deux participantes met en lumière une autre pratique visant la protection du jeune vivant de l’homophobie. Pour y parvenir, ce jeune serait retiré d’un lieu précis afin d’éviter les contacts avec les jeunes ayant des comportements homophobes à son égard. Dans l’extrait suivant, la participante donne l’exemple d’une situation d’homophobie vécue dans les vestiaires d’éducation physique :

Bien c’est sûr qu’au niveau de l’éducation physique c’est plus difficile [pour les jeunes victimes d’homophobie]. Dans les vestiaires, ça peut causer problème. On a des jeunes qu’on a été obligé de mettre dans une salle de bain pour le personnel pour qu’ils puissent aller se changer là, parce qu’ils se faisaient tanner (Participante 3).

Finalement, les propos de deux participantes apportent une nuance aux points de vue qui précèdent. Selon leur discours, elles n’auraient que peu de marge de manœuvre dans l’intervention auprès des jeunes ayant vécu de l’homophobie. En effet, leur mandat scolaire et leur titre d’emploi ne leur permettraient pas de soutenir ces jeunes LGBQ autrement que par une écoute active et une référence à d’autres intervenants sociaux ayant un mandat plus spécialisé :

Il faut lui faire accepter d’être référé à quelqu’un d’autre. Je peux faire de la relation d’aide un peu, mais ce n’est pas mon rôle dans l’école. Puis si j’embarque là-dedans, je vais me faire taper sur les doigts. Dans le sens que ce n’est pas à moi de faire ça (Participante 4).

En somme, le discours de toutes les participantes met en évidence l’importance d’intervenir face aux manifestations d’homophobie en milieu scolaire. Toutefois, il semble que certains motifs limitent la possibilité d’intervenir de façon systématique.