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CHAPITRE 5 : RÉSULTATS – Perceptions et pratiques à l’égard de l’homophobie et de

5.1 Conceptions à l’égard de l’homophobie et de l’hétérosexisme

5.1.1 Causes et conséquences

Tout d’abord, les propos des participantes soulèvent quatre principales causes à l’homophobie, les trois premières étant liées aux auteurs de violence homophobes, la quatrième aux jeunes LGBQ victimes. La première cause met en lumière l’apprentissage de comportements homophobes par les

membres du réseau social ou de la famille du jeune qui en vient à les reproduire : « L’enfant ne nait pas homophobe. Il va l’apprendre par les comportements des parents, de ses pairs dans sa situation » (Participante 10). Cet extrait suggère un caractère acquis et non inné de l’homophobie, où l’environnement social du jeune en serait l’origine.

La deuxième cause est liée à la méconnaissance des jeunes à l’égard de la diversité sexuelle : Ça va aussi avec la méconnaissance. Si je parle à cette personne-là [LGBQ], il y a encore le « Ark est-ce qu’elle va tripper sur moi? » Il y a encore ça. Les jeunes, les garçons, les filles aussi. « Si je parle à telle jeune fille qui est lesbienne et qu’elle me parle beaucoup, qu’est-ce que les autres vont dire? Si moi je suis amie avec elle? Est-ce qu’ils vont penser que moi aussi je suis lesbienne? Puis en même temps, est-ce qu’elle trippe sur moi? Ou est-ce que c’est correct? » Il y a encore ça» (Participante 2).

Selon ce point de vue, l’homophobie résulte de deux types de craintes chez les jeunes : la crainte que des jeunes LGBQ ressentent une attirance à leur égard et la crainte d’être étiquetés comme LGBQ au contact de jeunes s’identifiant comme tel. Le discours d’une participante précise que ces craintes pourraient être étroitement liées aux questionnements des adolescents quant à leur propre orientation sexuelle. L’extrait qui suit met cette idée en lumière en comparant le processus identitaire des adolescents à celui des adultes :

Je pense que si je suis assise à côté d’une copine qui est lesbienne, je sais qu’elle ne tombera pas nécessairement en amour avec moi. C’est correct. Son orientation est différente de la mienne, mais c’est tout. Ce n’est pas une mauvaise personne pour ça. C’est correct. Moi je suis bien dans ma peau, bien dans mon orientation. Ça fait partie de notre processus, c’est notre cheminement personnel. […] Tandis qu’au niveau de leur estime [les adolescents], de leur identité. Ils sont tellement en questionnement que tout vient un peu les bousculer (Participante 2).

La troisième cause porte, quant à elle, sur certaines caractéristiques individuelles des jeunes qui adoptent des comportements homophobes. Les participantes ayant ces propos associent l’homophobie à des comportements émis par des jeunes ayant des troubles de comportements, au désir d’avoir du pouvoir sur d’autres jeunes, de paraître délinquant aux yeux de leurs pairs ou de se distinguer et d’avoir de l’attention : « Je pense que tu choisis d’être homophobe un moment donné ou

bien tu as été éduqué dans l’homophobie. Mais ça peut être un choix de paraître hot. Paraître à la limite délinquant, un peu à coté » (Participante 10).

Toutefois, d’autres propos de cette même participante vont plus loin en suggérant que ces jeunes ne pourraient être qualifiés « d’homophobes », car ceux-ci n’adhéreraient pas nécessairement aux propos qu’ils véhiculent. L’extrait qui suit illustre l’idée qu’avec le temps et davantage de maturité, ces jeunes cesseraient d’adopter des propos ou comportements homophobes :

« À leur âge, à 13-14-15 ans, je ne pourrais pas dire que j’ai des homophobes. J’ai comme des gens qui font des expériences, des gens qui s’associent à un groupe et ils vont faire des choix. Ils sont homophobes parce qu’ils suivent le groupe. Dans la maturité, plus tard je pense qu’il va y avoir des changements à ce niveau-là » (Participante 10).

La quatrième cause soulevée dans le discours de certaines participantes attire l’attention sur des caractéristiques individuelles des jeunes LGBQ. Selon ce point de vue, ces jeunes pourraient avoir des attitudes, problèmes de comportements ou des difficultés d’affirmation qui alimenteraient les propos ou comportements homophobes à leur égard :

Ce jeune-là, il doit travailler sur lui-même. Il doit être en relation d’aide pour cheminer sur ce qui est sa faiblesse. Ça peut-être une personne qui est trop introvertie ou trop timide, qui n’arrive pas à s’affirmer. Pour moi on tombe dans les troubles de la personnalité ou des problèmes de personnalités au sens large (Participante 4).

Les propos de quelques participantes suggèrent aussi que des jeunes LGBQ vont amplifier l’homophobie dont ils sont victimes. Selon ce point de vue, la diminution ou l’arrêt des comportements homophobes nécessite que les jeunes LGBQ n’y accordent pas d’importance en pratiquant l’ignorance intentionnelle :

On dit souvent que la première intervention, c’est l’ignorance intentionnelle. Quand on fait ça sur un comportement [homophobe], souvent le comportement il va baisser. Mais si tu [le jeune LGBQ] lui donnes de l’attention, pis que tu te défends contre ça, bien il va continuer. Ça les nourrit (Participante 10).

Même si les participantes ont affirmé ne pas connaître le concept d’hétérosexisme, la présentation de sa définition lors de l’entrevue les a amenées à discuter des causes de ce phénomène. Pour certaines participantes, l’avancement de la laïcité au Québec aurait comme conséquence directe la diminution, voire la disparition de l’hétérosexisme. L’extrait qui suit suggère que la perte d’importance accordée à la religion catholique implique une adhésion moindre aux discours valorisés par celle-ci, dont les discours hétérosexistes.

Je pense que ça va finir par baisser un peu [l’hétérosexisme]. Ou ça va finir par se calmer parce que c’était surtout prôné par l’Église. L’Église est en train de disparaître tranquillement. En tout cas ceux qui prônent haut et fort : « Vive la religion! » C’est en train de partir. Je pense que ça va aider la cause des gais et lesbiennes (Participante 7).

Les propos d’une participante mettent en lumière l’absence de mauvaise intention et la méconnaissance de certaines personnes adoptant un vocabulaire hétérosexiste :

Il y a des gens qui sont hétérosexistes, mais pas volontairement, dans leur façon de parler. Quand on fait de la sensibilisation, pour modifier notre façon de faire, nos attitudes ou peu importe, ces gens-là on va aller les chercher. Ils vont embarquer puis ils vont faire attention. Alors que quelqu’un qui va être hétérosexiste, il va continuer à utiliser les mêmes termes (Participante 8).

Finalement, le discours des participantes porte sur des conséquences d’ordre individuel et social pour les jeunes LGBQ ayant vécu de l’homophobie et de l’hétérosexisme en milieu scolaire. Les propos de la plupart des participantes portent tout d’abord sur des conséquences individuelles, liées entre autres à des problèmes de comportements et à la santé mentale des jeunes LGBQ: consommation abusive de drogue ou d’alcool, tentative de suicide, baisse d’estime et de confiance en soi, anxiété, dépression, repliement sur soi, décrochage scolaire et baisse de résultats scolaires :

Ça amène le décrochage, ça amène de la consommation. Un jeune qui n’est pas bien dans sa peau, il va peut-être se mettre à consommer, à avoir des troubles de comportement, à ne plus aimer l’école, ne plus venir à l’école. Un jeune qui se fait écœurer à chaque fois qu’il vient à l’école, il va vouloir rester chez-lui. Ça peut amener des problèmes physiques aussi. Peut-être se mettre à somatiser pour rester chez lui. Ça amène de l’anxiété, ça amène plein d’affaires (Participante 2).

Plusieurs ajoutent que le fait de vivre de l’homophobie peut provoquer la crainte de dévoiler leur orientation sexuelle à leur entourage : « La peur de parler, la peur de prendre position. La peur de s’affirmer. La peur de dire qui ils sont et de partager leur vécu » (Participante 8). Pour d’autres participantes, certains jeunes LGBQ pourraient non seulement refuser de dévoiler leur orientation sexuelle, mais la nier en développant des relations hétérosexuelles : « J’imagine que certains vont vivre en parallèle de ce qu’ils sont. Donc, ils vont demeurer dans la filière hétérosexuelle puis ils vont rester là mais en ayant tout le temps l’impression qu’ils ne sont pas à leur place » (Participante 6). Le discours de plusieurs participantes met également en lumière des conséquences liées à la vie sociale des jeunes LGBQ, tels que l’isolement social, la difficulté à réintégrer d’autres groupes de pairs, l’exode rural et l’absence de sentiment d’appartenance à un groupe :

Le plus grand danger, c’est cet isolement-là qui fait qu’il [le jeune LGBQ] ne peut pas être lui-même. Il ne peut pas partager ce qu’il est, donc il s’isole. Et tout le questionnement, le besoin de s’associer à un groupe, à développer des relations sociales qu’il ne peut pas faire. C’est la détresse qui s’installe petit à petit. On peut aller jusqu’à la dépression (Participante 8).

Selon ce point de vue, l’absence de soutien des personnes étant témoins des gestes ou paroles homophobes mène également à l’isolement des jeunes LGBQ : « Les trois ou quatre qui sont partis à rire, bien le jeune [victime] l’a vu là. Ça, ça fait mal. Alors non tu n’as pas le goût d’en parler » (Participante 8).

Le discours d’une minorité de participantes contraste de la tendance générale en suggérant que certains propos homophobes n’occasionnent aucun impact chez les jeunes qui en sont la cible. Selon ce point de vue, les mots et expressions péjoratives à l’endroit de l’homosexualité n’auraient aucune conséquence néfaste dans la mesure où leur utilisation ne dépasse par les limites du réseau social du jeune : « Entre chums, ils s’écœurent là-dessus là. La petite image de la gang de hockey. On s’entend là. Ils se tannent entre eux autres. Donc ça n’a aucun impact » (Participante 3).

Jusqu’à présent, le discours des participantes portait sur leurs perceptions à l’égard des concepts d’homophobie et d’hétérosexisme ainsi que de leurs causes et conséquences sans être directement

liés au milieu scolaire. La prochaine section s’attardera davantage à leurs perceptions de l’homophobie et de l’hétérosexisme spécifiques au milieu scolaire.