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La cartographie participative dans la gestion cadastrale coutumière dans la tribu de Wan Pwec à Hienghène en Nouvelle-Calédonie

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Academic year: 2021

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La cartographie participative dans la gestion cadastrale

coutumière dans la tribu de Wan Pwec à Hienghène en

Nouvelle-Calédonie

Mémoire

Joh Xenie

Maitrise en sciences géomatiques

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

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Résumé

La cartographie participative est l’une des multiples disciplines de la géomatique. Elle a débuté dans les années 1980 afin d’aider les populations locales des pays du Sud à développer leur territoire. C’est en Nouvelle-Calédonie, dans la tribu de Wan Pwec que nous allons voir les intérêts, d’un tel processus de cartographie participative. Il est important de souligner que ce n’est pas pour développer son territoire que cette discipline est utilisée, mais plutôt pour montrer et démontrer les logiques traditionnelles de gestion de la terre existant dans les tribus kanak : logiques traditionnelles basées sur un savoir transmis de génération en génération de façon orale. C’est sur les terres coutumières de la tribu de Wan Pwec, que nous allons voir comment la vision mentale possédée par les chefs de familles et le chef de clan administre et gère les terres familiales.

C’est dans une société kanak caractérisée par une forte tradition orale et n’ayant connu aucun support papier pour conserver et archiver ses connaissances que ce mémoire s’incorpore.

À l’aide de la géomatique, d’une étude de cas sur le terrain et d’autres disciplines (comme l’anthropologie, le droit, l’histoire, la géographie, etc.), ce mémoire propose les résultats de ses travaux sur le savoir traditionnel du foncier coutumier.

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Abstract

Participatory mapping is one of multiple disciplines of geomatics. This started in the 1980s in order to help local populations of the southern hemisphere to develop their territory. It is in New Caledonia, in the tribe of Wan Pwec that we will consider the relevance of participatory mapping. It is important to note that, participatory mapping is not used to develop their own territory, but rather to explain and demonstrate the traditional land management logics that exist amongst the kanak tribes. The traditional logics are knowledge-based passed on orally from one generation to the next. On the customary lands of the tribe of Wan Pwec, we will see how the « chefs de familles » and the « chef de clan » administer and manage family lands.

This Master Thesis is related to the kanak society characterized by a strong oral tradition and without any paper base to conserve and archive its knowledge.

Using geomatics sciences, a case study and other disciplines (such as anthropology, law, history, geography…), this Master Thesis proposes the results of its research on traditional knowledge of customary land.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières... vii

Liste des figures ... xi

Liste des acronymes utilisés... xiii

Remerciements ... xvii

Avertissement ... xix

Chapitre 1 - Introduction ... 1

I – 1 Les visions idéologiques et culturelles liées au cadastre ... 2

I – 1.1 Une vision foncière occidentale ... 2

I – 1.2 Une vision culturelle du foncier ... 3

I – 2 Les différentes visions liées à la propriété ... 4

I – 2.1 La propriété selon le Code civil français ... 4

I – 2.2 La propriété selon Proudhon ... 5

I - 2.3 La « propriété » dans la culture kanak ... 6

I – 3 Introduction à la cartographie participative ... 8

I – 3.1 La cartographie participative : un concept d’échange... 8

I - 3.2 Son utilisation dans un contexte coutumier ... 9

I – 3.3 Ses atouts et inconvénients ... 10

I – 4 Conclusion ... 11

Chapitre 2 – Contexte spécifique de la gestion cadastrale en

Nouvelle-Calédonie ... 13

II – 1 L’historique cadastral en Nouvelle-Calédonie... 13

II – 1.1 La découverte de la Nouvelle-Calédonie et ses premiers occupants ... 13

II – 1.2 Un cadastre inexistant lors de la découverte de la Nouvelle-Calédonie ... 13

II – 1.3 La « coutume » régit les relations sociales et foncières ... 15

II – 1.4 La reconnaissance des droits collectifs à la terre ... 16

II – 2 L’apparition du système cadastral calédonien ... 16

II – 2.1 Un cadastre imposé lors de la colonisation ... 16

II – 2.2 États du cadastre actuel ... 20

II – 3 La mise en place longue et lente d’un cadastre coutumier ... 21

II - 3.1 Une reconnaissance implicite coloniale ... 21

II – 3.2 Une reconnaissance législative. ... 21

II – 3.3 Une première gestion cadastrale coutumière difficile ... 22

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II - 5 Problématique ... 25

II - 6 Objectif ... 27

II - 7 Résultats attendus ... 28

II - 8 Méthodologie ... 28

II – 8.1 La méthode de recherche de « l’étude de cas » ... 28

II - 8.2 Demande d’approbation au comité d’éthique de l’université Laval ... 30

II – 8.3 Diagramme d’activités (UML) ... 31

II - 9 Plans de traitement de l’information ... 34

II - 9.1 Enquêtes de terrain avec entretien ... 34

II – 9.2 Retranscriptions orales des limites coutumières sur l’image satellite par le chef de clan et les chefs de famille ... 35

II – 9.3 Prise de points GPS pour déterminer les lieux d’activités, les limites familiales dans la tribu ... 36

II - 9.4 Analyse et observation directe sur le terrain ... 36

II - 9.5 Corrélation des points GPS et des observations directes pour déterminer si des échanges existent entre les deux systèmes de gestion foncière ... 37

II - 9.6 Implantation des données sur ArcGIS par digitalisation à l’aide de photos aériennes de la tribu... 37

II - 9.7 Évaluation et détermination de la portée des systèmes de gestion foncière (superficie des zones d’activités, identification des lieux d’activités, etc.) ... 39

II – 9.8 Création de la carte participative à échelle de la vision coutumière des habitants de la tribu à l’aide de l’image satellite plastifiée ... 42

Chapitre 3 - La relation du kanak à son environnement ... 44

III – 1 Une relation horizontale ... 44

III – 1.1 Une relation liée aux valeurs, aux totems et aux esprits ... 45

III – 1.2 Une relation liée à la Nature, aux autres et à lui-même ... 47

III – 2 Un système foncier coutumier basé sur une hiérarchie verticale ... 50

III – 3 Conclusion ... 52

Chapitre 4 – La cartographie participative des limites familiales

coutumières ... 54

IV – 1 Les limites coutumières de la famille 1 ... 55

IV – 1.1 Description ... 56

IV – 1.2 Analyse et conclusion ... 56

IV – 2 Les limites coutumières de la famille 2 ... 58

IV – 2.1 Description ... 59

IV – 2.2 Analyse et conclusion ... 60

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IV – 3.1 Description ... 63

IV – 3.2 Analyse et conclusion... 63

IV – 4 Les limites coutumières de la famille 4 ... 64

IV – 4.1 Description ... 65

IV – 4.2 Analyse et conclusion... 65

IV – 5 Les limites coutumières de la famille 5 ... 66

IV – 5.1 Description ... 67

IV – 5.2 Analyse et conclusion... 67

IV – 6 Les limites coutumières de la famille 6 ... 69

IV – 6.1 Description ... 70

IV – 6.2 Analyse et conclusion... 70

IV – 7 Les autres terrains présents coutumièrement ... 72

IV – 7.1 Description ... 73

IV – 7.2 Analyse et conclusion... 74

IV - 8 Le terrain clanique résultante des terrains familiaux de la tribu de Wan Pwec ... 76

IV – 9 Les différents exemples des dons de terrains dans la tribu de Wan Pwec ... 77

IV – 9.1 Des cas variés et adaptés aux situations connues par la tribu. ... 77

IV – 10 Conclusions ... 79

Chapitre 5 – Discussion des résultats ... 82

V – 1 Les limites cadastrales dans la tribu de Wan Pwec ... 82

V – 1.1 Description du cadastre sur Wan Pwec ... 83

V – 1.2 Conclusion ... 84

V – 2.1 Superposition des deux systèmes fonciers ... 85

V – 2.1.1 Une superposition divergente ... 86

V – 2.1.2 Une législation française appuyant le système kanak en terre coutumière ... 87 V – 3 Conclusion ... 87

Chapitre 6 – Conclusion... 89

Bibliographie ... 93

Mediagraphie ... 95

Lexique ... 97

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Liste des figures

Figure 1 : Image satellite de la Nouvelle-Calédonie ... 1

Figure 2 : Carte du cadastre napoléonien à Marseille en 1820 ... 14

Figure 3 : Carte de la répartition des régimes fonciers, ... 20

Figure 4 : Carte de la répartition des terres coutumières à Hienghène, ... 24

Figure 5 : Diagramme d’activités représentant le cheminement parcouru par le chercheur sur le terrain et en dehors du terrain. ... 33

Figure 6. : Questionnaire présentée lors de l'entrevue. ... 34

Figure 7 : "Géodatabase personnelle" concernant la tribu de Wan Pwec sur ArcCatalog. ... 37

Figure 8 : Système de projection utilisée par la DITTT et en Nouvelle-Calédonie. ... 38

Figure 9 : Classes d'entités concernant l'occupation du sol et les limites familiales de 2013 à 2014 sur la tribu de Wan Pwec. ... 38

Figure 10 : Création des limites grâce à l'outil "éditeur" sur ArcMap ... 39

Figure 11 : Démonstration de l'importation de la donnée du GEOREP sur ArcMAP. ... 40

Figure 12 : Insertion de la donnée cadastrale dans le logiciel ArcMAP... 41

Figure 13 : Affichage de la zone d'étude à partir du serveur GEOREP intégré dans le logiciel ArcMAP. ... 41

Figure 14 : Exemple d'une carte produite grâce à la méthode de cartographie participative. ... 43

Figure 15 : Exemple de ribosome montrant l'individu par rapport à plusieurs facteurs qui pourront l'influencer dans sa vie en tribu. ... 45

Figure 16 : Schéma montrant la hiérarchie existante sur la gérance du foncier dans la tribu de Wan Pwec. ... 51

Figure 17 : Carte des limites coutumières de la famille 1. ... 55

Figure 18 : Schéma du changement de régime de la terre où habite la famille 1. ... 57

Figure 19 : Carte des limites coutumières de la famille 2. ... 58

Figure 20 : Carte des limites coutumières de la famille 3. ... 62

Figure 21 : Carte des limites coutumières de la famille 4. ... 64

Figure 22 : Carte des limites coutumières de la famille 5. ... 66

Figure 23 : Carte des limites coutumières de la famille 6. ... 69

Figure 24 : Carte des autres terrains coutumiers existants dans la tribu de Wan Pwec. ... 72

Figure 25 : Carte de l'ensemble des limites coutumières dans la tribu de Wan Pwec. ... 76

Figure 26 : Carte des limites cadastrales dans la tribu de Wan Pwec obtenue à partir de l'importation de la donnée du GEOREP dans ArcMAP. ... 82

Figure 27 : Visualisation de l’information tirée du site SIG Cadastre de la Nouvelle-Calédonie ... 84

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Liste des acronymes utilisés

ADRAF : Agence de Développement Rural et Aménagement du Foncier CEUL : Comité d’Éthique de l’Université Laval

CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique

DITTT : Direction des Infrastructures de la Topographie et des Transports FIDA : Fonds International de Développement Agricole

GDPL : Groupement de Droit Particulier Local

GPS : Global Positioning System (Système mondial de positionnement) RGNC : Réseau Géodésique de Nouvelle-Calédonie

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« Tu es ce que tu es, et ton nom te rattache à ta terre… »

1

YBAL KAHN

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Remerciements

Le présent mémoire est le fruit de la collaboration entre des personnes d’ethnies, de croyances, de disciplines et de cultures différentes.Il a été écrit dans le but de comprendre comment un système basé sur l’oralité a pu perdurer pendant des siècles et créer les dynamiques foncières existantes aujourd’hui. Ce travail de mémoire essaie d’être une continuité aux travaux de recherches passés pour comprendre la culture kanak, en apportant un nouveau regard grâce à la géomatique. Une compréhension de la gestion foncière des terres sur le système qu’appellent les habitants de Wan Pwec, la « coutume ».

Ce mémoire se situe au carrefour de plusieurs disciplines complémentaires telles que la géographie, l’histoire, l’ethnologie, l’anthropologie, etc.

Ce travail n’aurait pas été possible sans la supervision de mes directeurs de recherche Francis Roy, Stéphane Roche et Éric Wadell. Je les remercie, de m’avoir fait bénéficier de leurs nombreuses années d’expériences et de maîtrise dans leurs domaines respectifs. J’adresse mes remerciements à la Direction des infrastructures, de la Topographie et des Transports Terrestres (DITTT) pour avoir fourni gracieusement des données géospatiales et une image aérienne de la zone étudiée. Je remercie aussi Pascal Dumas pour son support matériel lorsque j’ai réalisé les enquêtes sur le terrain. J’aimerais exprimer ma gratitude envers ma Famille qui a été d’un grand support non seulement pour écrire ce mémoire, mais également pour me motiver et m’aider, car « Seul on va plus vite, mais à plusieurs on va plus loin ».

Pour finir, je voudrais « m’abaisser humblement » en remerciant grandement l’ensemble de la tribu de Wan Pwec, ses anciens, ses familles, ses totems et « ses vieux » pour m’avoir donné leur confiance, leurs histoires et de leur temps, afin de réaliser cette merveilleuse expérience.

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Avertissement

Ce mémoire a été écrit avec les connaissances actuelles du chercheur sur le système traditionnel coutumier Kanak et cadastral en Nouvelle-Calédonie. Les informations récoltées lors des rencontres auprès des chefs de famille et du chef de clan ont été utilisées de façon la plus proche de leurs dires. Ce mémoire se veut le plus objectif possible et vise à apporter une meilleure compréhension de la gestion foncière dans la culture Kanak.

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Chapitre 1 - Introduction

La Nouvelle-Calédonie est un archipel situé dans le sud du Pacifique à une latitude de 21°30’ S et 165° 30’ E de longitude. Cet archipel est composé de la Grande-Terre, Bélep, Ile des Pins, Ouvéa, Lifou et Maré.

La Nouvelle-Calédonie est une ancienne colonie française2 au même titre que la Martinique, la

Guadeloupe, Wallis et Futuna, la Guyane, etc. C’est grâce à cet héritage colonial passé, que l’on va pouvoir poser le cadre de ce mémoire. De par son éloignement géographique de la métropole, la Nouvelle-Calédonie a connu un développement propre et unique.

Figure 1 : Image satellite de la Nouvelle-Calédonie (Site Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, GEOREP : http://explorateur-carto.georep.nc/explorateur-carto/, vu le 07.08.2016)

Les autochtones de la Nouvelle-Calédonie sont appelés les Kanak. Ils ont peuplé cet archipel vers 3200 - 3300 ans av JC. Avant l’arrivée des Européens, ils vivaient dans des tribus indépendantes (avec des intérêts variés) et plus ou moins étendues que l’on appellera les « terrains claniques ». À cette époque, ces terrains claniques n’avaient aucun marqueur au sol, par exemple des bornes ou bien un

2 Fin de la colonisation marquée par la loi Lamine Guèye du 7 avril 1946 (nationalité française pleine et entière à tous les Français, indigènes y

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panneau signalisant ses limites. Cependant, cette délimitation existait mentalement dans la tête des habitants et était marquée par différents reliefs tels que des cours d’eau, un lieu-dit, un rocher, une crevasse, une montagne, etc. Les limites familiales sont gérés par des chefs de famille, qui sont eux-mêmes gérés par un chef de clan, et, de surcroît, l’ensemble des terrains familiaux réunis est appelé le « terrain clanique ». Les terrains claniques sont des territoires où le droit coutumier s’exerce. Des décisions importantes concernant le terrain clanique sont prises lors du Conseil des Anciens. Le Conseil des Anciens comprend les chefs de famille, le chef de clan ainsi que les anciens de la tribu. C’est un mode de fonctionnement propre et provenant d’une vision idéologique différente du foncier.

I – 1 Les visions idéologiques et culturelles liées au cadastre

A priori, dès que l’on parle de cadastre, on pense tout de suite à un système parcellaire alors qu’en fait sa définition est beaucoup plus complexe. Effectivement, le cadastre ne se rapporte pas seulement à des parcelles, mais il fait partie intégrante du système institutionnel de l’État. Une grosse part du questionnement du cadastre est liée aujourd’hui, à son utilisation. Dans l’histoire du cadastre, on trouve deux approches quant à l’utilisation du foncier, une vision foncière occidentale et une vision culturelle.

I – 1.1 Une vision foncière occidentale

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Tout d’abord, la vision occidentale du cadastre est concernée par les civilisations de l’Antiquité de l’Europe. Le territoire a souvent été vu comme une source de supériorité de pouvoir. Ensuite, une volonté de maîtriser l‘occupation du sol et de la mettre en valeur pour son exploitation apparaît. Plus le territoire était grand et plus le peuple était considéré comme puissant. Par le passé, on retrouve cette volonté d’accroître son territoire avec des personnages emblématiques comme Hannibal qui conquit la partie nord de l’Afrique jusqu’au bord de la France, Gengis Kahn en Mongolie, puis César qui conquit la majorité de l’Europe. Cette idée montre clairement la volonté de l’Homme à contrôler son environnement. Effectivement, la vision foncière occidentale montre un ordre, une géométrie dans la création de son territoire permettant à ce dernier de le gérer, de l’administrer et d’en tirer profit (taxe foncière, taxe d’importation, appropriation des ressources naturelles, etc.). Aujourd’hui, le cadastre est considéré aussi comme un registre public, une représentation du découpage foncier (parcelles) et les opérations techniques qui y sont faites.

Les limites qui forment les civilisations de l’époque ou encore les limites des pays limitrophes actuels sont appelées les frontières. Ce sont principalement des lignes physiques ou des éléments géographiques (exemple des Grands Lacs séparant les États-Unis du Canada) ou virtuelles comme les

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zones économiques exclusives (ZEE) qui vont intégrer à l’intérieur des lois, des règles, etc. ou encore un sentiment d’appartenance à une nation pour la plupart de ses occupants. Ces limites, comme les découpages administratifs, les frontières des pays, etc., ne se chevauchent jamais et sont fixes. Toutefois, elles peuvent bouger en période de guerre à l’exemple de l’Alsace et de la Lorraine lors de la Première Guerre mondiale devenu un territoire français puis un territoire allemand. Cependant, cette vision quasi géométrique de la vision foncière laisse apparaître des limites moins géométriques, liées au caractère culturel des occupants qui bien souvent, se voient différencier des limites administratives du pays.

I – 1.2 Une vision culturelle du foncier

Dans la vision culturelle du foncier, les limites apparaissent moins géométriques, disparates et plus floues. En effet, ces limites ne sont ni plus ni moins que la perception de l’environnement par ses habitants et sont bien souvent marquées par des limites moins géométriques comme des montagnes, des collines, des cours d’eau, des talwegs, une forêt, etc. Ces éléments physiques sont appelés par Joël Bonnemaison « les géosymboles »4. Ils sont considérés comme des lieux symboliques liés à la

vision culturelle, sacrée, etc. de ses habitants. Dans la géographie culturelle, Joël Bonnemaison explique trois composantes :

 une composante territoriale : avec ses enjeux et ses frontières ;

 une composante géographique : regroupant la totalité des éléments physiques existant à la surface du sol (une colline, un cours d’eau, une forêt, etc.) ;

 le géosymbole : est la valeur spirituelle sacrée que les habitants donnent à un élément physique du relief marquant les limites de leur territoire.

Dans ce mémoire, les géosymboles ne seront pas cités sous ce terme car il n’y a pas de nom dans la culture kanak pour expliquer ce concept. Toutefois, on comprendra la relation culturelle au foncier entre l’élément physique (ou relief) et les habitants.

Le plus souvent, les habitants sont reliés par un langage commun, une culture commune, une religion commune transcendant les limites géographiques existant dans la vision cadastrale géométrique. Ce sont ces intérêts communs qui font office de tremplin à la compréhension de la vision culturelle dans la

4 Compte rendu érudit : Ouvrage recensé : Bonnemaison, Joël (1996), Les fondements géographiques d’une identité : l’archipel du Vanuatu.

Essai de géographie culturelle, livre 1 : Gens de pirogue et gens de la terre. Paris, ORSTOM, 460p. (ISBN 2-7099-1282-1) par Pierre Maranda Cahiers de géographie du Québec, vol. 41, n° 113, 1997, p. 240 – 241 ; http://www.erudit.org/revue/cgq/1997/v41/n113/022651ar.pdf

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société Kanak. Nous devons garder en tête que le territoire coutumier est régi par « la coutume » et qu’il appartient à la communauté. Cette dernière possède des terrains individuels ou collectifs lui servant à se nourrir et à se loger.

Egalement, dans la « coutume », nous avons un groupe à définir que nous appelons le « clan ». Son importance est capitale dans le système coutumier, car il est la représentation d’un groupe formé par plusieurs familles hiérarchisées et unies par des relations effectuées lors du mariage. Alain Saussol évoque5 cette idée de l’importance du clan au sein de la tribu et des liaisons qui sont faites entre eux,

lors des cérémonies de mariage. Le clan est le fondement même de la vision culturelle du groupe et donc de la tribu. Pour ainsi dire, le clan et le foncier sont intimement liés.

I – 2 Les différentes visions liées à la propriété

I – 2.1 La propriété selon le Code civil français

Le Code civil français intégré dans la Constitution6, s’applique en Nouvelle-Calédonie dans la Loi

organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. Dans son ouvrage7, Yves

Brard, professeur à l’université du Maine, évoque la loi organique (loi du pays) comme ayant une valeur constitutionnelle depuis l’ajout de l’article 77 dans la Constitution. Ainsi, le 15 mars 1999, le Conseil Constitutionnel a décidé de mettre les orientations de l’accord de Nouméa au « rang de norme constitutionnelle ». Cependant, il ajoute que la loi du pays s’est adaptée (exemple de la création du statut coutumier allant de l’article 7 à 19 de la loi organique) pour correspondre à la réalité calédonienne. Le Code civil français est bien appliqué en Nouvelle-Calédonie, comme défini par l’article 34 de la Constitution (les impôts, les principes fondamentaux du droit du travail, les régimes matrimoniaux, les principes fondamentaux concernant le régime de la propriété, etc.) et l’article 6 de « la loi organique » qui le définit, comme suit :

Article 6 : « En Nouvelle-Calédonie, le droit de propriété garanti par la Constitution s’exerce en matière foncière sous la forme de la propriété privée, de la propriété publique et des terres coutumières dont le statut est défini à l’article 18. »

5 SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des

Océanistes, 1979 (généré le 17 décembre 2013). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/sdo//563, p. 27 : « Leurs rapports définissent la hiérarchie sociale de la tribu, cette dernière s’analysant au sens premier du terme comme une confédération de clans solidaires unis par un lien mythique […]. Ainsi, la tribu traditionnelle s’émiettait-elle en plusieurs villages ou hameaux indépendants mais unis, groupes de familles entre lesquels la relation fondamentale était l’échange de femmes. »

6Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur visible sur le site Conseil constitutionnel,

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil- constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur.5074.html#titre5.

7 Yves Brard, Nouvelle-Calédonie et Polynésie Française : « Les lois du Pays » de la spécialité législative au partage du pouvoir législatif, RJP,

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La propriété8 appliquée en Nouvelle-Calédonie est définie par l’article 21 de la loi organique, où l’on

retrouve « le caractère fondamental de la propriété privée » comme compétence de l’État. Ainsi, le Code civil français est reconnu en Nouvelle-Calédonie et défini par l’article 544 à 546 de la Constitution :

Article 544 : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

Article 545 : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. »

Article 546 : « La propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. » Ce droit s’appelle « droit d’accession ».

En ce sens, la Nouvelle-Calédonie bénéficie de ces articles de loi. Ce texte déclare également que nul ne peut être privé de son droit, car il est inviolable et sacré. C’est un droit que l’on possède dès la naissance. Ce droit est divisé en trois composantes :

 l’usus : le droit d’utiliser un bien ;

 le fructus : le droit de récolter les fruits produits par ce bien (récoltes, location, etc.) ;  l’abusu : le droit de disposer du bien, si le propriétaire le souhaite.

Cependant à cette époque, pour bénéficier de ce droit, il fallait être reconnu comme étant Français à part entière. Or, il existait une différence entre les Français et les Indigènes. C’est en ce sens que le statut d’indigène9 a été appliqué en 1860 par le Contre-Amiral Guillain qui leur confia une zone appelée

« réserve10 » où les Kanak pouvaient vivre en adéquation avec leurs traditions.

I – 2.2 La propriété selon Proudhon

D’un point de vue plus philosophique, dans son livre « Théorie de la propriété », Joseph-Pierre Proudhon, précurseur anarchiste de 1866, arbore la propriété comme un mot à plusieurs sens. Pour ce

8 Legifrance le service public de la diffusion du droit, Legifrance.gouv.fr,Titre II : De la propriété, article 544, vu le 07.08.2016. 9 Anonyme, Histoire de la Nouvelle-Calédonie, WASAPA ART KANAK, p. 2.

10 La réserve foncière est un territoire délimité par l’administration coloniale où les kanaks sont contraints de s’installer après avoir laissés leurs

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travail de mémoire, la pensée de Joseph-Proudhon est un exemple utilisé afin de réfléchir différemment, sur le sens du mot « propriété ». Il émet l’idée que le mot « propriété » peut être source de convoitise, d’intérêt, mais également de conflit. Pour lui, la propriété est un terme difficile à cerner et il énonce la question suivante : des femmes vont chercher des fraises dans un bois pour les revendre en ville, ces femmes sont-elles propriétaires de ces fraises, ou même propriétaires du bois où elles ont cueilli ces fraises ? Selon Proudhon, les fraises appartiennent tout simplement au bois d’où elles proviennent et non aux femmes qui les ont cueillis. C’est la première étape de sa réflexion.

Il expose ensuite une deuxième idée : l’idée inverse d’un homme qui crée un objet est-il propriétaire de son travail et peut-il jouir de son usage ?

Si on prend le cas des fraises, on peut alors penser que l’objet de cet homme n’est pas sa propriété, de la même façon que le bois n’est pas propriétaire de sa production de fraises.

Tout est question de point de vue selon Proudhon, et en ce sens, le terme de propriété en terre coutumière est différent, lui aussi, car la culture est différente. Les Kanak ne voient pas la terre comme leur propriété, mais pensent que l’Homme appartient à la Terre (idem à la pensée11 des aborigènes

d’Australie). On peut expliquer le fait suivant rapporté par Eric Rau12 : si un homme dans une tribu crée

un outil à partir d’une terre commune, l’objet sera utilisable pour l’ensemble de la communauté et cela sans l’avis du fabricant.

La pensée de Proudhon est utilisée dans ce mémoire comme un catalyseur à l’ouverture de notre esprit sur un sens différent du mot propriété.

I - 2.3 La « propriété » dans la culture kanak

L’article 544 définit parfaitement l’objet comme étant la propriété de son possesseur. Il y a dans ce lien, un dominant et un dominé, le dominant étant le propriétaire et l’objet le dominé. Ainsi, le terrain est la propriété de la personne et dans ce cas la terre appartient à l’Homme. Pourtant, dans la société kanak, l’Homme appartient à la terre. Le mot « propriété » est utilisé, faute de mot approprié pour expliquer réellement ce qu’il signifie dans le contexte coutumier. Le mot « propriété » est trop précis, car dans un tel paradigme, le bien possédé par une personne est considéré comme un prolongement de cette même personne ou sur un sens plus large de la famille ou du clan. L’homme dans la culture

11 Pensée que l’Homme est un élément du paysage dans l’œuvre «Message des Hommes vrais au monde mutant», Marlo Morgan, J’ai lu, 2007 12 Eric Rau, Institutions et coutumes canaques, L’Harmattan, 2005, p. 166 : « …par ce concept (bien privé) antique et vivace, que les produits et

les outils, fruits de l’activité de l’homme, et qui par suite devraient être considérés comme biens personnels appartiennent en faite autant à la communauté d’ordre parental dont fait partie l’individu qu’à celui ci même»

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mélanésienne est tout simplement un être à part entière et possède une place d’égalité13 avec les

plantes, les animaux, les esprits et la terre. Cette égalité entre l’homme et la nature est soulignée aussi par Isabelle Leblic, ethnologue au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), dans son ouvrage « Au fondement de l’identité culturelle kanak, les représentations du foncier » publié en novembre 1991.

Également, la « propriété’ » n’existe pas en tant que limite clairement définie ou marquée par des éléments crées par l’Homme. Dans le système kanak, la propriété est marquée par la distance parcourue par le champ de vision et en adjonction, elle est représentée par un élément physique de la nature (selon le chef de clan, les vieux disaient : « Tu vois le caillou ? Tu vois le banian ? La limite est là où mes yeux peuvent voir »)14. Par ailleurs, dans l’œuvre d’Alain Saussol15, il y a ce rappel de l’idée

que la Nouvelle-Calédonie n’était pas connue des autochtones dans son intégralité mais plus par la proximité de ses derniers avec leurs environnements. Les clans vivent dans un territoire délimité par leurs champs de vision.

Comme distingué dans les travaux16 d’Eric Rau, on peut différencier la propriété kanak en deux types,

les biens domaniaux et les biens personnels liés aux biens familiaux. Dans ce travail de mémoire, c’est ce lien entre biens personnels et familiaux que nous allons étudier. Pour simplifier la compréhension, les biens domaniaux sont réservés à l’usage collectif des membres de la tribu, et les biens personnels et familiaux sont réservés à l’usage des membres d’une même famille. Ainsi, les objets crées sur le terrain individuel seront pour l’individu, et les objets crées sur les terrains familiaux ou claniques seront pour l’ensemble de la communauté (pensée nous ramenant à la complexité de la philosophie de Joseph-Pierre Proudhon sur le sens de la propriété).

Egalement, à la notion de « propriété » kanak, il faut ajouter le représentant de la terre, l’administrateur du foncier qui est connu par l’appellation du « chef de clan ». Alain Saussol fait une bonne description17

du « chef de clan » et de son rôle : « La terre est l’apanage de l’ancêtre défricheur et le chef de clan, son représentant, en est l’administrateur, non en tant que propriétaire privé, mais comme simple gestionnaire du patrimoine familial. C’est lui le maître de la terre, chargé de répartir l’usage du bien

13 Référence au mémoire « Les terres coutumières et le régime foncier en Nouvelle-Calédonie », Axelle Vigne, R. Verdier, Université Paris II,

2000, p. 8 ou encore Maurice Leenhardt, Do kamo, Gallimard, 1947, p. 122 – 125. Également Maurice Leenhardt parle de ce lien. Il décrit la prise de conscience de l’identité de l’homme basé sur le cycle de la culture de l’igname.

14 Citation tirée de l’entrevue avec le chef de clan en octobre 2014

15 SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des

Océanistes, 1979 (généré le 17 décembre 2013). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/sdo//563, p 14.

16 Eric Rau, Institutions et coutumes canaques, L’Harmattan, 2005, p. 163 – 165.

17 SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des

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commun entre les différentes lignées de procéder éventuellement aux attributions de terres à des familles étrangères, d’arbitrer les conflits sur le finage du clan. C’est à lui que va l’hommage des ignames prémices que font les chefs de lignées, et à travers lui, aux ancêtres fondateurs. » On ajoutera aussi que dans la vision culturelle kanak de la propriété, la terre n’est pas vu comme une valeur marchande mais plutôt comme une valeur de service. Et cela, est bien stipulé18 par Alain Saussol :

« Cela paraît plus vraisemblable si l’on considère que le droit coutumier, fondé sur la notion de service, n’est guère compatible avec l’idée de profit que suggère une transaction spéculative ».

On pourrait simplifier la vision de la propriété dans le monde occidental et kanak de la façon suivante : dans l’un la propriété possède une valeur vénale et dans l’autre une valeur de service.

I – 3 Introduction à la cartographie participative

I – 3.1 La cartographie participative : un concept d’échange

La cartographie participative, c’est d’abord deux mots bien distincts. La cartographie signifie l’étude et la réalisation des cartes. C’est un support de connaissance et d’information permettant de divulguer une information plus ou moins importante, avec une dimension spatiale. La carte est l’outil de base de la cartographie, elle permet de montrer la vision du cartographe et de la partager avec son entourage. Il existe plusieurs formes de cartes à l’exemple des cartes géologiques pour l’étude des sols, des cartes bathymétriques pour l’étude des profondeurs marines, des cartes topographiques pour l’étude du relief, etc. Bien sûr, à l’époque, la carte est un instrument de guerre, mais également un instrument de pouvoir pour celui qui sait la lire. C’est un outil servant dans le partage et le passage des connaissances, mais il est tout d’abord utilisé par des spécialistes de l’armée et les corps des géomètres au XIXe siècle à l’exemple du Canada. Également, l’Association Internationale de Cartographie19 définit la cartographie comme « l’ensemble des études et des opérations scientifiques,

artistiques et techniques, intervenant à partir des résultats des opérations directes ou de l’exploitation d’une documentation, en vue de l’élaboration et de l’établissement de cartes, plans et d’autres modes d’expression, ainsi que dans leur utilisation ». Aujourd’hui, c’est un outil d’interaction avec d’autres disciplines et d’aide à la décision. La cartographie est un domaine totalement géré par des spécialistes. La participation est tout d’abord un fait. Elle permet de mettre en collaboration, en coopération et d’augmenter l’intéressement des gens visés ou présents pour un évènement.

18 SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des

Océanistes, 1979 (généré le 17 décembre 2013). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/sdo//563, p 36.

19 Vu dans le cours GMT- 6000 « Géomatique et ses référentiels », module 5 « Introduction à la cartographie », en automne 2012 par Nicolas

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Selon le Fonds International de Développement Agricole20 (FIDA) la cartographie participative est « un

processus d’élaboration de cartes visant à mettre en lumière l’association entre la terre et les populations locales en utilisant le langage connu et reconnu de la cartographie ». Pour Gilles Palsky21,

en évoquant les articles de John Bryan Harley (HARLEY 1990 1991), la cartographie participative doit montrer une certaine vision culturelle, politique, sociale, etc., différente des standards cartographiques que l’on retrouve dans les cartes émises par des cartographes qui ne soucient que de la technique et de la précision des cartes. D’après Irène Hirt et Stéphane Roche22, les cartes participatives doivent

d’abord provenir des connaissances de la population locale. On pourrait dire que la cartographie a pour but de faire collaborer les non-spécialistes (les chefs de famille et le chef de clan de Wan Pwec) à la création d’une carte que l’on nommera « la carte participative à échelle ».Dans le cadre de ce travail de recherche, la carte participative sera créée à partir de la vision des gens de la tribu de Wan Pwec. Elle aura pour but de montrer avec les outils techniques cartographiques d’ArcGIS, les limites coutumières familiales existantes dans le mental des chefs de famille et du chef de clan.

I - 3.2 Son utilisation dans un contexte coutumier

L’utilisation de la cartographie participative dans le domaine coutumier est soulignée de la même façon par les travaux d’Irène Hirt et Stéphane Roche dans le Dicopart de juin 2013. Dans un contexte d’ancien pays colonisé (présenté dans le chapitre 2), la Nouvelle-Calédonie a vu exister en son sein une population unique, avec une culture unique. Avec l’évolution technologique et les moyens techniques existants, il est possible de mutualiser les connaissances techniques du chercheur avec les connaissances historiques des coutumiers. Cela permettra d’obtenir les limites existantes de la tribu avec ses connotations spirituelles, qui n’ont pas été prises en compte lors de la colonisation. Ce fait est souligné également par Gilles Palsky dans son article23 de la déconsidération des cartographes de

l’époque à prendre en compte « l’extraordinaire capacité » des autochtones à représenter leurs environnements. La cartographie participative en contexte coutumier, comme présentée dans les travaux de Hirt et Roche, doit vraiment partir de la base culturelle des habitants de la tribu pour établir une carte participative s’approchant de leurs visions coutumières.

20 FOND INTERNATIONAL DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE, Cartographie participative et bonnes pratiques, 2009, p. 6 – 7.

21 PALSKY, Gilles, « Cartes participatives, cartes collaboratives, la cartographie comme maïeutique », CFC, n° 205, septembre 2010, p. 54. 22 Irène HIRT et Stephane ROCHE, « Cartographie participative », in : CASILLO I. avec BARBIER R., BLONDIAUX L., CHATEAURAYNAUD F.,

FOURNIAU J-M., LEFEBVRE R., NEVEU C. et SALLES D. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013, ISSN : 2268-5863. (En ligne) http://www.dicopart.fr/fr/dico/cartographie- participative (vu le 30 octobre 2014)

(30)

Dans la démarche24 du FIDA, la cartographie participative a pour volonté d’améliorer la cohésion des

membres, de les encourager à prendre des décisions et de contribuer à l’autonomisation des communautés locales sur leurs terres. C’est également, dans ce sens que veut s’exercer cet essai de cartographie participative dans la tribu de Wan Pwec.

I – 3.3 Ses atouts et inconvénients

I - 3.3.1 Ses atouts

La cartographie participative à échelle offre plusieurs atouts, en voici quelques exemples accrochés au contexte calédonien :

 aucun outil de cartographie n’existe en terre coutumière ;

 l’utilisation d’une échelle sur les cartes permettra de mieux identifier les besoins en fonction des distances (s’il y a lieu);

 les clans sont les détenteurs de l’information et donc les créateurs et décideurs finaux de l’élaboration de cette carte à échelle participative ;

 les chefs de famille et le chef de clan de la tribu pourront être au centre du processus cartographique du début, jusqu’à la fin de sa réalisation ;

 les membres de la communauté pourront analyser les problèmes liés à leurs terres et fournir des objectifs concrets ainsi que des solutions appropriées en fonction de leurs visions culturelles (s’il y a lieu) ;

 la carte participative à échelle possédant les conventions cartographiques standards pourrait être utilisée comme un outil de communication vers les institutions provinciales, communales, etc. au profit de la population locale.

I – 3.3.2 Ses inconvénients

Les inconvénients que l’on peut citer sont :

 la possession d’une carte obsolète non conforme au paysage actuel du site de recherche ;

(31)

 une incompréhension par les gens de la tribu pour l’élaboration des cartes concernant les systèmes de coordonnées, l’utilisation du GPS, les conventions cartographiques (échelles, repères, points cardinaux, etc.).

Les gens de la tribu de Wan Pwec n’auront plus la main sur la création de la carte dans le logiciel SIG. Ils devront alors faire confiance au chercheur à garder sa neutralité, et faire au mieux de ses capacités pour afficher la carte la plus proche possible de leurs visions. Cependant, à la fin du processus de création de la carte, les chefs de famille et le chef de clan auront un exemplaire de celle-ci pour attester ou non de sa véracité.

I – 4 Conclusion

En conclusion, dans un premier temps, nous avons vu qu’il y a plusieurs visions différentes sur le terme du cadastre. Il y a une vision foncière occidentale et une vision culturelle. La vision occidentale donne une limite plus géométrique et plus précise des délimitations des terrains, à l’exemple des ZEE. Au contraire, la vision culturelle montre une limite plus floue, que l’on pourrait dire invisible comme pour l’exemple des régions linguistiques ou la limite est faite par la présence des personnes communiquant dans une même langue. Pour le contexte coutumier, nous avons évoqué les « géosymboles » de Joël Bonnemaison car il a été l’un des premiers à donner un nom à la valeur spirituelle que peut avoir une personne sur un élément physique de son environnement. Cette idée de « géosymbole » est une bonne introduction à la compréhension future de la culture kanak dans ce mémoire.

Nous avons également abordé les différentes visions liées au terme de la propriété. La première vision provient du Code civil français, qui est représentée officiellement par les actes et les articles de loi. Le terme de propriété est reconnu et est défini clairement sur un support papier qui ancre profondément sa valeur dans la société occidentale. Nous avons éveillé aussi un autre aspect de la propriété, une façon plus philosophique de voir ce terme grâce au livre de Proudhon sur la « Théorie de la propriété ». Ce passage sur la théorie de Proudhon, tout comme les géosymboles n’est qu’une introduction pour permettre la compréhension de ce qui nous intéresse le plus, à savoir la propriété dans la culture kanak.

Nous avons mentionné dans cette partie sur la vision culturelle que la propriété kanak se recoupe en plusieurs aspects. L’un est défini par un lien immuable entre l’homme et la terre, l’autre sur le fait que la terre dans la société kanak est scindée en deux formes (une forme collective et une forme familiale, leurs donnant des droits et des devoirs précis), et enfin le dernier où la terre est le symbole d’un lien

(32)

invisible et puissant qui donne à l’Homme le pouvoir de gestion de cette même terre et de ses occupants.

En utilisant les aspects de la cartographie participative, nous pourrons montrer les lieux qui ne sont connus que dans la culture kanak. Egalement, nous pourrons afficher le foncier privé coutumier et collectif, et voir ainsi leur étendue dans la tribu. Ce sera un très bon exercice pour tester et visionner les composantes caractérisant le foncier coutumier, lui donnant ainsi toute sa valeur et son authenticité sur un fond participatif.

(33)

Chapitre 2 – Contexte spécifique de la gestion

cadastrale en Nouvelle-Calédonie

II – 1 L’historique cadastral en Nouvelle-Calédonie

II – 1.1 La découverte de la Nouvelle-Calédonie et ses premiers occupants

Selon Eric Rau25, ce pays situé à 22 000 km de la métropole française fut découvert en 1774 par

James Cook et devint une possession française en 1853. Toutefois, avant l’arrivée des premiers Européens, une population vivait déjà sur cette terre, les Kanak. Il n’y a aucune preuve formelle de l’origine de la peuplade de la Nouvelle-Calédonie mais il avance deux hypothèses quant à l’arrivée des premiers mélanésiens. La première conception serait basée sur des arguments ethnographiques qui appuient l’idée d’une arrivée des mélanésiens en Nouvelle-Calédonie en provenance de l’Asie du Sud. Eric Rau évoque « la théorie du Professeur Rivet » qui émet l’idée que l’Océanie a été peuplée par différentes vagues de population comme les Australo-Tasmaniens, les Mélanésiens, les Micro-Polynésiens et les Indonésiens de l’Archipel Asiatique. La deuxième conception de l’arrivée des mélanésiens en Calédonie provient d’arguments, cette fois-ci géologiques, entre la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Selon ses partisans26, ces trois îles ne formaient qu’un

seul continent avant de se morceler. Ainsi, selon cette hypothèse, le Mélanésien ressemble de près au physique de l’Australien. Selon ses partisans, l’Australien et le Mélanésien faisaient partie d’un rameau d’une ethnie plus ancienne, avant la séparation continentale. Dans le cas de la première hypothèse, cette population issue de la deuxième vague d’immigration austronésienne, colonisa le pacifique d’Ouest en Est vers 6000 av-JC. Les mélanésiens arrivaient en Nouvelle-Calédonie, vivaient de la pêche et de la culture, plus particulièrement, des cultures de l’igname et du taro, base de leur alimentation et de leurs traditions. Les Kanak font partie du peuple mélanésien qui regroupe les îles de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Salomon, Vanuatu et Fidji. D’après Eric Rau, le mot kanak, bien qu’utilisé en Nouvelle-Calédonie, provient de la langue polynésienne, plus particulièrement de l’ile d’Hawaï. Il signifie « animal-terre» (kana ka) et plus particulièrement l’Homme.

II – 1.2 Un cadastre inexistant lors de la découverte de la Nouvelle-Calédonie

Alors qu’en 1853 en France, il existait déjà des impôts sur le foncier et donc l’élaboration d’un système cadastral permettant de prélever et d’organiser le territoire (taxes, etc.), de telles structures n’existaient pas en Nouvelle-Calédonie lors de sa découverte. Les Kanak vivaient dans des espaces que l’on appellera plus communément des « tribus ». Ils se déplaceront dans un espace que l’on nommera

25Eric Rau, Institutions et coutumes canaques, L’Harmattan, 2005, p. 17 – 34 – 36.

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aussi le « territoire clanique ». Les formes de cadastre que l’on pouvait retrouver par exemple en France (illustré par la figure 2) n’existaient pas en Nouvelle-Calédonie. Sur le cadastre napoléonien de 1820 représentant la ville de Marseille, nous voyons une certaine géométrie dans la construction de la ville, un plan en damier avec les différentes structures comme le fort à l’ouest, les routes en maillage, etc. Toutes ces structures (routes, plan en damier, etc.) étaient déjà présentes en 1820 alors qu’en Nouvelle-Calédonie à la même date, la carte n’existait même pas.

Figure 2 : Carte du cadastre napoléonien à Marseille en 1820 (Site LEXILOGOS, http://www.lexilogos.com/marseille_carte.htm, vu le 07/08/2016)

Aucun système cadastral ou aucune carte d’occupation des terres n’existent dans le monde kanak. Michel Naepels rappelle aujourd’hui la difficulté27 à réattribuer des terres par l’Agence de

Développement Rural et Aménagement du Foncier (ADRAF) à des clans, car selon lui : « Il faut donc essayer d’établir comment se constituent et se définissent les droits de propriété pour les personnes concernées, dans la mesure où avant l’arrivée des Européens, il n’existait pas de droit écrit, ni de cadastre écrit, ni d’institution judiciaire autonome, et où d’autre part la terre n’était nullement l’objet de transactions marchandes. » Pourquoi ? Tout simplement, parce que c’est un peuple à forte tradition orale. Dans cette société, seule la parole est le système privilégié de communication. Cependant, même en l’absence d’écrit, les lois orales sont structurées et précises.

(35)

II – 1.3 La « coutume » régit les relations sociales et foncières

La coutume est un système propre à la culture kanak. Elle permet de définir les relations entre des personnes vivant sur un espace clanique (zone d’influence d’un clan). Michel Naepels décrit28 la

coutume en deux sens, le premier comme le sens de « reconstruction actuelle du passé social précolonial » et le second comme l’ensemble des cérémonies pour les échanges. C’est ce deuxième sens qui nous intéresse, car les échanges se font essentiellement par l’oralité et donc la parole. Maurice Leenhardt définit29 le mot « parole » dans le monde kanak de la façon suivante : « La parole

est à ce titre un objet. Celui-ci procède de l’homme, et l’homme s’appuie sur lui. Et sans cet objet, l’homme s’égare et le groupe se disloque. » Également, il ajoute sur l’aspect de la parole : « On ne sait quand elle a commencé, elle dicte des comportements, elle maintient l’unité culturelle des générations sans qu’aucune de celles-ci n’allègue d’autres raisons que : « C’est la parole des vieux » ou « des dieux ». Cette manière de tradition s’insère dans la continuité du clan, et sa forme procède de la vie de la parole ». Il ajoute30 aussi « On peut appeler la coutume la discipline sociale ». Pour notre part, la

parole, les échanges, les cérémonies et la coutume sont liés et représentent un « code ancestral primitif31 » permettant de définir « sa façon d’être » et de « se comporter » avec les autres au niveau

social et spirituel. La coutume est simplement un tout, regroupant la relation existante entre les Kanak avec leurs dimensions spatiales et mythiques. Beaucoup plus tard dans les années 1990-2000, l’accord de Nouméa rappellera l’importance de protéger et de défendre l’identité kanak.

Ce que dit l’accord de Nouméa :

« La Grande Terre et les îles étaient habitées par des hommes et des femmes qui ont été dénommés Kanaks. Ils avaient développé une civilisation propre, avec ses traditions, ses langues, la coutume qui organisaient le champ social et politique. Leur culture et leur imaginaire s’exprimaient dans diverses formes de création. {…} L’identité kanak était fondée sur un lien particulier à la terre. Chaque individu, chaque clan se définissait par un rapport spécifique avec une vallée, une colline, la mer, une embouchure de rivière et gardait la mémoire de l’accueil d’autres familles. Les noms que la tradition donnait à chaque élément du paysage, les tabous marquant certains d’entre eux, les chemins coutumiers structuraient l’espace et les échanges. {…} La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité. {…} Il est aujourd’hui nécessaire de poser les bases d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie permettant au peuple

28 Michel Naepels, Histoires de terres kanakes, Belin, 1998, p. 348. 29 Maurcie Leenhardt, Do kamo, Gallimard, 1947, p. 221. 30 Maurice Leenhardt, Do kamo, Gallimard, 1947, p. 240.

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d’origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent, une communauté humaine affirmant son destin commun. »

II – 1.4 La reconnaissance des droits collectifs à la terre

Comme vue dans la partie précédente, la coutume encadre la relation entre les Hommes. Cependant, elle est aussi la garante des droits pour chaque personne à avoir accès au territoire clanique. L’Homme est bien souvent attaché à une terre, car il découle entre eux, un fort lien d’appartenance. La culture kanak trouve son apogée dans le concept suivant : « L’homme appartient à la terre », différent du concept cadastral occidental où la terre est un capital appartenant à une personne. Le clan est le « gardien » de la terre, mais également du capital intellectuel, social et matériel qui y existent.

Dans le système kanak, la terre est davantage représentée sous un droit d’usage que sous un droit de propriété,32 mais, comme expliqué33 par Eric Rau, la coutume permet de gérer les différents types

d’usage et de propriété qui existent sur les terres du clan (domaniaux) et des familles (personnels)34.

Chez les Kanak, la terre est un capital inaliénable, héritée des ancêtres et doit à ce titre être transmise intacte aux générations futures. Il en est de même pour les savoirs traditionnels en relation avec cette terre. Pour un kanak, son identité est basée principalement sur les terres qui ont accueilli ses ancêtres paternels et maternels. Pour lui, la terre est un territoire liant chaque être vivant entre eux (voir Chapitre 3 : La relation du kanak avec son environnement).

II – 2 L’apparition du système cadastral calédonien

II – 2.1 Un cadastre imposé lors de la colonisation

Les premières formes du système cadastral ont commencé dés les débuts de la possession de la Nouvelle-Calédonie par la France en 1853 (Prise de possession par le Contre-Amiral Febvrier-Despointes). Ces différents systèmes cadastraux ont été mis en place par les gouverneurs qui se sont succédés pour les besoins35 articulés autour de la colonisation pénale et de la colonisation libre.

32 Partie reprenant les grandes idées du Cours GMT-6009, « Introduction sur le cadastre », Université Laval (Hiver 2013) par Francis Roy 33 Eric Rau, Institutions et coutumes canaques, L’Harmattan, 2005, p. 165 – 168.

34 Voir la partie I - 2.3 La « propriété » dans la culture kanak

35 Besoins de la colonisation pénales et libres identifiés dans les ouvrages suivants : Anonyme, Histoire de la Nouvelle-Calédonie- Wasapa Art

kanak; Michel Naepels, Histoires de terres kanakes, Belin, 1998, p. 31 – 46; Christiane Terrier, L’Histoire de la Nouvelle-Calédonie, Maison de la Nouvelle-Calédonie, 2010.

(37)

Dans un premier temps, les besoins de la colonie pénale sont nourris par la nécessité de créer des bagnes, lieu où les « bagnards » doivent purger leur peine. Après avoir purgé leur peine, l’administration coloniale doit trouver d’autres espaces pour « les libérés ». Toutefois, ces derniers devront rester sur le territoire calédonien le double du temps, qu’ils ont passé au bagne. À ces besoins de foncier, on ajoutera un nouveau besoin, celui de la venue des Kabyles en 1871 après avoir participé à la révolte du cheik El Mokranien en Algérie.

Dans un second temps pour la colonisation libre, c’est le besoin d’installer les premiers colons qui arrivent d’Alsace et de la Lorraine. Des familles tentèrent leur chance afin d’obtenir une meilleure vie dans la colonie. On ajoutera la venue d’Australiens pour une ruée vers l’or dans le nord de la Nouvelle-Calédonie mais au final, ce sera un fiasco. Par la suite, un nouveau besoin d’espace se fera sentir lors de l’arrivée d’éleveurs qui auront besoin de grandes propriétés pour laisser paître leur bétail. Il y aura aussi l’arrivée d’agriculteurs réunionnais qui vont venir s’installer pour l’exploitation de la canne à sucre, mais sans réel succès. Plus tard, d’autres arrivants de la métropole et aussi de l’Europe (l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre par l’intermédiaire de l’Australie, etc.) vont augmenter ce besoin d’espace pour accueillir ces nouvelles populations de colons en Nouvelle-Calédonie.

Ainsi, avec ces arrivées massives de population, l’administration coloniale n’aura comme seul recours pour répondre aux besoins de ces familles et libérés, que de limiter de plus en plus le territoire des clans kanak en place.

II – 2.1.1 La création des tribus36

En 1858, les terres sont proclamées terres françaises par l’administration coloniale en place, c’est à cet instant que l’on peut dire qu’apparaît pour la première fois, le terme de « tribu ». Également, l’arrêté du 24 décembre 1867 reconnaît l’existence légale de la « tribu » et lui confère son autonomie et implicitement sa personnalité morale37. Dans son œuvre38, Alain Saussol affirme que la reconnaissance

du territoire en tribu n’est qu’un stratagème du gouvernement colonial afin de répandre dans la

36 Dans l’Héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie, Alain Saussol rappelle que le terme « tribu » a été utilisé

par les premiers européens par ignorance de ses hommes sur la culture mélanésienne. Il affirme que l’usage de ce mot a été popularisé pour le terme de « village ». SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des Océanistes, 1979 (consulté le 17 décembre 2013). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/sdo//563, p 17.

37 Eric Rau, Institutions et coutumes canaques, L’Harmattan, 2005 voir partie III- La tribu au point de vue du droit publique, p. 73 ; Michel

Naepels, Histoires de terres kanakes, Belin, 1998, p. 38 ; SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des Océanistes, 1979 (généré le 17 décembre 2013). Disponible sur Internet :

http://books.openedition.org/sdo//563, p 150.

38 SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des

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mentalité indigène, la notion de propriété individuelle. Alain Saussol met en avant trois axes pour arriver à ce but ultime :

 « la reconnaissance du territoire de chaque tribu » ;  « le partage entre les villages de ce territoire » ;

 « la délimitation de la propriété individuelle » pour les membres de chaque village39.

Grâce à cette nouvelle acquisition des terres, l’administration coloniale va limiter40 l’acquisition des

terres des colons mais également de l’église catholique auprès des propriétaires coutumiers, afin de maîtriser plus efficacement l’espace calédonien et le transformer en territoire pour les besoins du bagne et de la France. En décembre 1867, vont être créées les « réserves indigènes » où seront cantonnés les Kanak sous l’autorité d’un « grand chef ». Ces réserves seront le plus souvent situées en zone de montagne41 laissant les terres fertiles des plaines aux colons. Le cadastre créé en

Nouvelle-Calédonie ne sera que le calque de son homologue français pour la maîtrise, la gestion du territoire et de ses richesses, mais aussi une forme de discrimination foncière42 envers les kanak de

cette période.

II – 2.1.2 La réserve foncière (indigène)

La réserve foncière43 est appliquée jusqu’en 1900 avec le gouverneur Feillet qui développe la

colonisation libre. L’article 1 en 185544 instituera la « réserve » de la façon suivante :

« Il sera délimité pour chaque tribu, sur le territoire dont elle a la jouissance traditionnelle, d’après le droit politique entre chaque tribu, un terrain proportionné à la qualité du sol et au nombre de membres

39 SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des

Océanistes, 1979 (généré le 17 décembre 2013). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/sdo//563, p 171.

40. SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société

des Océanistes, 1979 (généré le 17 décembre 2013). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/sdo//563, p 114 - 115.

41 SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des

Océanistes, 1979 (généré le 17 décembre 2013). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/sdo//563, p 16.

42 Les textes de juin 1857 et octobre 1859 selon Naepels « permirent une dépossession foncière plus massive des indigènes pour permettre un

minimum de terrains pour les kanaks et un maximum de terrains pour la colonie pénitentiaire et libre. » L’arrêté de 1868 délimite pour chaque tribu un terrain selon la qualité du sol et du nombre de personnes composant la tribu. Si la population de la tribu venait à se réduire, il en valait de même pour la surface de la tribu, alors qu’elle jouissait d’un territoire dit « traditionnel » plus grand auparavant. Egalement dans le livre d’Alain Saussol, ce cantonnement y est évoqué lors de la création d’un arrêté pour confisquer au profit du domaine le territoire des terrains aux Pouanlotchs. Alain Saussol rappel cette différence entre une plaine pastorale composée des élevages voisins aux réserves mélanésiennes en montagne. SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des Océanistes, 1979 (généré le 17 décembre 2013). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/sdo//563, p 90.

43 La réserve foncière est un territoire délimité par l’administration coloniale où les kanaks sont contraints de s’installer après avoir laissés leurs

territoires d’origines pour les besoins de la colonie.

44 SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des

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composant la tribu ; on procédera en même temps et autant que possible à la répartition de ce terrain par village. Les terrains ainsi délimités seront la propriété incommutable des tribus. Ils ne seront susceptibles d’aucune propriété privée ».

De par cette application, les Kanak ne se voient plus reconnaître une propriété familiale ou clanique, en accord avec leur tradition locale, mais un droit de jouissance de la collectivité. Une « erreur officialisée » qui sera retenue dans l’administration jusqu’à nos jours où le chef sera l’interlocuteur privilégié, et non les familles ou les clans propriétaires de la terre. À cela, les multiples expropriations foncières45 liées aux différents arrêtés pris par l’administration coloniale pour ses besoins, vont créer

différentes révoltes autochtones comme la rébellion du centre-nord (Wagap-Gatope entre 1862 et 1869), les révoltes de Houailou et de Bourail (1867-1868), la révolte de 1869 dans les Îles Loyautés ou la révolte d’Atai en 1878. La plupart de ces révoltes ont ainsi faits plusieurs morts dans les deux camps.

On peut citer comme exemple, l’arrêté de 1876 qui prévoyait la possibilité de diminuer le territoire de la tribu si la population de cette même tribu venait à diminuer (extension de l’arrêté sur les réserves de 1855). De plus, l’arrêté du 23 novembre 1897 permettait à l’administration coloniale de s’approprier librement un territoire si ses besoins devenaient pressants. En 1897, pour diminuer les révoltes et calmer le tout, un arrêté est mis en place pour garantir une surface de trois hectares de terre cultivable, mais sans réel succès auprès de la population locale. À cette même date, le gouverneur Feillet décida de diviser l’espace kanak en districts dominés par les grands-chef, et les tribus commandés par les petits-chef, dans le but de maintenir l’ordre dans les réserves. Le cantonnement général de la fin du XIXe siècle va créer sur la Grande Terre 78 réserves, et deux réserves intégrales avec l’arrêté du 22 janvier 1868 sur les îles Loyauté46 (Maré, Lifou et Ouvéa) et l’arrêté de 1880 pour l’île des Pins. C’est à

l’instar du gouverneur Feillet que les réserves passeront de 320 000 hectares à 124 000 hectares de 1898 à 1902. Alain Saussol47 nommera aussi ses réserves, « les réserves-refuges des hautes

vallées ». Cette réserve, malgré sa connotation discriminatoire, aura permis d’être le dernier bastion de la culture kanak sur le sol calédonien.

45 Toutes ses différentes révoltes sont expliquées dans l’œuvre d’Alain Saussol : SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier

mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des Océanistes, 1979 (généré le 17 décembre 2013). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/sdo//563, p 75-113.

46 Voir figure 3

47 SAUSSOL, Alain. L’héritage : Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Société des

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II – 2.2 États du cadastre actuel

Sur la carte suivante, issue du service du cadastre de la Direction des Infrastructures, de la topographie et des transports terrestres (DITTT), nous observons que les terres coutumières occupent un espace de 26,3 % sur le territoire calédonien. Les îles Loyautés conservent leurs homogénéités en terre coutumière tandis que la grande terre est morcelée en terre coutumière, domaniale et terrain privé. Les terrains coutumiers sont concentrés dans la partie Est et Nord-Est de l’ile, les terres privées sont localisées en partie sur la côte Ouest de l’île. Leurs présences sont dues aux anciennes propriétés des familles de colons à plus de 50 % sur tout le territoire calédonien. À noter, des terrains abandonnés et non hérités peuvent devenir des terres domaniales.

Figure 3 : Carte de la répartition des régimes fonciers, (Site ECHOGEO, http://echogeo.revues.org/11612, vu le 03.08.2016)

En conclusion, on peut affirmer que la répartition des régimes fonciers actuels est due au contexte colonial de l’époque. En exemple, les îles loyautés, l’Île des Pins et Bélep n’ont aucune présence de terre privée et domaniale, uniquement le foncier coutumier (réserve) y est présent car durant la période

Figure

Figure 1 : Image satellite de la Nouvelle-Calédonie (Site Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie,  GEOREP : http://explorateur-carto.georep.nc/explorateur-carto/, vu le 07.08.2016)
Figure 2 : Carte du cadastre napoléonien à Marseille en 1820 (Site LEXILOGOS,  http://www.lexilogos.com/marseille_carte.htm, vu le 07/08/2016)
Figure 3 : Carte de la répartition des régimes fonciers, (Site ECHOGEO, http://echogeo.revues.org/11612,   vu le 03.08.2016)
Figure  4  :  Carte  de  la  répartition  des  terres  coutumières  à  Hienghène   http://www.adraf.nc/index.php?option=com_content&view=article&id=58&Itemid=78, vu le 03.08.2016
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