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Plateforme de participation citoyenne en ligne - Au prisme des pratiques des gestionnaires administratifs

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Academic year: 2021

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Plateforme de participation citoyenne en ligne - Au prisme des pratiques des

gestionnaires administratifs

Auteur : Magermans, Wendy

Promoteur(s) : Grandjean, Geoffrey

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en sciences politiques, orientation générale, à finalité spécialisée en administration publique Année académique : 2017-2018

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/5433

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Plateforme de

participation

citoyenne en

ligne

Au prisme des pratiques des

gestionnaires administratifs

Mémoire de Wendy Magermans

M. Grandjean Geoffrey, Promoteur M. Macq Hadrien, Lecteur Mme. Fallon Catherine, Lectrice

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Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de Master en Science Politique, orientation générale, à finalité spécialisée en Administrations Publiques

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Remerciements

Je voudrais tout d’abord témoigner toute ma reconnaissance à Hadrien Macq. Je le remercie de m’avoir guidée, conseillée, écoutée et encouragée lors de la réalisation de ce mémoire. Je le remercie également pour sa disponibilité et nos discussions qui ont contribué à construire et à nourrir ma réflexion. Je tiens à remercier Monsieur Geoffrey Grandjean et Madame Catherine Fallon pour leurs précieux conseils et leur enseignement de qualité qui m’a incitée à cultiver rigueur et curiosité intellectuelle tout au long de mon cursus universitaire.

Mes remerciements vont également aux personnes que j’ai rencontrées dans le cadre de ce mémoire. Je les remercie de m’avoir accordé un peu de leur temps et je leur sais gré de la richesse de chacun des échanges. Je remercie chaleureusement mes parents, mes amis, Laurence et Paulette pour leurs encouragements et leur relecture.

Enfin, je tiens à remercier Nassim, pour sa patience, sa bienveillance et son soutien indéfectible tout au long de ce challenge intellectuel, à l’instar de chacun des challenges qui rythment nos vies .

(5)

Table des matières

INTRODUCTION ...2

CHAPITRE 1 : QUAND LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE ET LE WEB 2.0 SE

RENCONTRENT ...5

1. UN DISPOSI TI F DE PARTI CIPATI ON CITOYENNE ... 6

2. UNE PLATEFORME DU WEB 2.0 ... 12

CHAPITRE 2 : UN ZOOM SUR LES PRATIQUES DES GESTIONNAIRES

ADMINISTRATIFS ... 16

1. D’UN PAYS AGE WALLON A DEUX C AS CONTR AS TES ... 17

2. L’ENTRETIEN COMME TECHNIQUE DE MISE AU POI NT ... 20

3. UNE MISE EN PERSPECTI VE AU MOYEN D’UNE ANALYSE COMPAR ATI VE... 23

CHAPITRE 3 : UNE TRAJECTOIRE INATTENDUE ... 25

1. PREMIERE ETAPE, L A PHASE DE DEVELOPPEMENT ... 25

1.1. La plateforme en tant qu’objet technique ... 25

1.2. La plateforme en tant que support d’un projet politique ... 26

2. DEUXIEME ETAPE, LA PH ASE DE CONVERGENCE ...28

3. TROISIEME ETAPE, L A PHASE DE MI SE EN ŒUVRE ...30

3.1. Côté pile, le discours ... 32

3.2. Côté face, les pratiques ... 34

3.2.1. Un transcodage des pratiques ... 38

3.2.2. Une trajectoire soumise au principe d’inertie ... 42

CHAPITRE 4 : UNE PLATEFORME EN MUTATION ... 45

CONCLUSION ... 52

(6)

Introduction

« La pression citoyenne à l’égard des politiques est importante. D’autant plus

avec la présence des réseaux sociaux. Si la démocratie représentative

traditionnelle n’est pas obsolète, les actions de démocratie participative prennent

place dans l’espace public »

1

C’est par ces lignes que débute l’article intitulé « Les citoyens à l’épreuve du politique », publié le jeudi 17 mai 2018 dans le journal Le Soir. Selon cet article, la Wallonie connaît un engouement particulier pour la thématique de la démocratie participative qui se traduit par l’apparition d’une multitude « d’expériences de participation citoyenne qui associent les électeurs à la prise de décision en cours de législature »2. Face à cet enthousiasme,

l’Union des Villes et Communes de Wallonie a publié un dossier spécial, intitulé « Démocratie participative : quelques éclairages sur les enjeux »3, afin d’aider les

communes wallonnes à appréhender ce phénomène.

Pourtant, la thématique de la démocratie participative n’est pas neuve. La littérature scientifique souligne, à cet égard, que l’échelon local se caractérise depuis une trentaine d’années par son attrait pour les processus de participation citoyenne.4 À titre d’exemple,

le mécanisme communal de consultation populaire existe en Wallonie depuis le 10 avril 19955 et est consacré par la Constitution belge dans son article 41. Toutefois, la nouveauté

réside dans la récente numérisation de ces processus. Désormais ils peuvent être organisés à l’aide d’Internet et de divers supports technologiques. Il existe ainsi une multitude de sites, de plateformes en ligne et d’applications pour téléphone qui se revendiquent vecteurs de la démocratie participative.

1 Eric Deffet, « Les citoyens à l’épreuve de la politique », Le Soir Wallonie, 17 mai 2018, disponible à l’adresse suivante : https://www.lesoir.be/ (Consultée le 20 juillet 2018).

2 Ibid.

3 Damay Ludivine, Mercenier Chloé, « Démocratie participative: Quelques éclairages sur les enjeux », Mouvement communal, 2018/1 (N°924), p. 12-22.

4 Blondiaux Loïc, « Le nouvel esprit de la démocratie : actualité de la démocratie participative », Paris, Seuil, Coll. « La république des idées », 2008, p.18 ; Blatrix Cécile, « La démocratie participative en représentation », Sociétés contemporaines, 2009/2 (N° 74), p. 97-119 ; Talpin Julien, « La démocratie participative marginalisée par le pouvoir local », Savoir/Agir, 2013/3 (N° 25), p. 23-30 ; Goirand Camille, « Participation institutionnalisée et action collective contestataire », Revue internationale de politique comparée, 2013/4 (Vol. 20), p. 7-28 ; Jouve Bernard, « La démocratie en métropoles : gouvernance, participation et citoyenneté », Revue française de science politique, 2005/2 (Vol. 55), p. 324.

(7)

Par ailleurs, à observer de plus près cette « mosaïque d’expériences participatives »6, on

relève un double phénomène. D’une part, une déclinaison d’expériences, quelquefois compilées sur un seul et même territoire.7 D’autre part, l’utilisation d’un même outil par

différentes entités locales.8 Ainsi, des communes inscrites parfois dans des contextes très

différents mettent en place des dispositifs similaires. La Wallonie constitue une illustration parfaite de ce phénomène : huit communes9, aux caractéristiques territoriales et

démographiques très différentes10, ont implémenté11 un dispositif presque identique12. En

dépit des caractéristiques de leur population ou de leur administration, elles ont toutes eu recours à la même plateforme de participation citoyenne13 en ligne commercialisée par

l’entreprise CitizenLab.

Cette observation amène à s’interroger sur les conséquences de l’implantation d’un même outil de participation citoyenne dans des communes avec des moyens d’action différents. Bien que toutes les communes wallonnes doivent proposer les mêmes services à leurs citoyens, elles ne disposent cependant pas toutes de ressources identiques. Dans ce sens, les plus petites communes disposent souvent d’un nombre plus restreint d’agents administratifs, ce qui peut réduire la palette des compétences disponibles ainsi que le temps susceptible d’être consacré aux différents projets communaux. Comme le soulignent Peter Knoepfle et al., « La dotation des acteurs d’une politique publique14 en

différentes ressources, leur production, leur gestion, leur exploitation et leur combinaison, voire leur substitution les unes aux autres ou leur échange, peuvent fortement influencer les processus, les résultats et les effets d’une politique publique »15.

6 Cette expression, utilisée par Alice Mazeaud, met en exergue la multiplicité et la diversité des expériences de participation citoyenne. Mazeaud Alice, Nonjon Magali, Parizet Raphaëlle, « Les circulations transnationales de l’ingénierie participative », Participations, 2016/1 (N° 14), p. 9.

7 Blondiaux Loïc, « Démocratie locale et participation citoyenne : la promesse et le piège », Mouvements, 2001/5 (N°18), p. 44 ; Comité éditorial, « Pourquoi une revue sur la participation ? », Participations, 2011/1 (N°1), p. 5.

8 Bacqué Marie-Hélène, Rey Henri, Sintomer Yves, « Conclusion. La démocratie participative, modèles et enjeux », dans Gestion de proximité et démocratie participative. Une perspective comparative. Paris, La Découverte, « Recherches », 2005, p. 293 ; Mazeaud Alice, Nonjon Magali, Parizet Raphaëlle, op. cit., p. 8.

9 Les communes sont Liège, Mons, Bassenge, Marche-en-Famenne, La Hulpe, Arlon, Enghien, Flobecq. 10 Voir le chapitre 2 de ce mémoire.

11 Dans le cadre de ce mémoire, la notion d’« implémentation » est utilisée dans le sens de « mettre en œuvre », d’« effectuer des opérations qui permettent la réalisation d’un projet », de « faire usage de ».

12 Les différences se situent essentiellement au niveau du choix des thématiques qui structurent la phase de dépôt de projet.

13 Bien qu’il existe différentes appellations pour nommer ce dispositif, le terme « plateforme de participation citoyenne » est utilisé dans ce mémoire car c’est le terme employé par l’entreprise CitizenLab pour qualifier le produit proposé aux différentes communes.

14 Le mot « politique publique » désigne « un programme d’action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales dans un secteur de la société ou dans un espace donné ». Meny Yves, Thoening Jean-Claude, « Le cadre conceptuel », dans Politiques publiques, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Thémis », 1989, p. 130. 15 Knoepfel Peter, Larrue Corinne, Varone Frédéric, Savard Jean-François, « Les ressources », dans Analyse et pilotage des politiques publiques, Québec, Presses de l’Université du Québec, coll. « Hors collection », 2015, p. 86.

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Malgré une littérature scientifique foisonnante au sujet de la thématique de la participation publique16 et des dispositifs participatifs qui en sont les vecteurs17, les

dispositifs participatifs sont très peu étudiés du point de vue de l’administration et des personnes qui les mettent en œuvre au quotidien. Ceux que l’on pourrait appeler « les gestionnaires administratifs ». Ainsi, dans un bilan des recherches sur la participation, Loïc Blondiaux et Jean-Michel Fourniau expliquent que « Si, dans certains domaines, la question de la participation du public fait l’objet d’une reconnaissance précoce, dès les années 1960 en matière d’études urbaines […] sa légitimité académique tarde à venir dans d’autres domaines, jusqu’à n’être nullement acquise comme dans le cas des recherches sur l’administration publique ou le droit public »18.

En outre, si l’on se réfère à la théorie générale des systèmes, l’implantation d’un nouvel élément dans un environnement entraîne, de facto, une certaine adaptation des entités qui composent cet environnement.19 Cette théorie ayant été transposée dans de

nombreux domaines, elle invite à se poser la question suivante : « Quelle adaptation a entraîné l’insertion de la plateforme de participation citoyenne en ligne de CitizenLab dans les pratiques des gestionnaires administratifs wallons qui l’ont mise en œuvre ? ». À partir de cette question de recherche, l’objectif de ce mémoire est de comprendre les enjeux liés à l’implantation d’un nouvel instrument de participation citoyenne en ligne à partir du prisme des pratiques des agents de différentes administrations communales. Pour ce faire, ce mémoire s’articule en quatre chapitres. Le premier chapitre vise à parcourir l’état des savoirs pour comprendre ce qu’est un dispositif de participation citoyenne en ligne. Le deuxième chapitre concerne la méthodologie de ce mémoire. Il a pour objectif de présenter la façon dont les recherches se sont organisées pour tenter de répondre à la question de recherche. Le troisième chapitre présente l’analyse du matériau construit à l’aide du dispositif méthodologique. Le dernier chapitre propose une réflexion plus générale sur les résultats de cette recherche et les confrontant aux écueils régulièrement énoncés dans la littérature scientifique.

16 Blondiaux Loïc, Fourniau Jean-Michel, « Un bilan des recherches sur la participation du public en démocratie : beaucoup de bruit pour rien ? », Participations, 2011/1 (N° 1), p. 10.

17 Bacqué Marie-Hélène, Gauthier Mario, « Participation, urbanisme et études urbaines. Quatre décennies de débats et d'expériences depuis ‘A ladder of citizen participation’ de S. R. Arnstein », Participations, 2011/1 (N° 1), p. 35. 18 Blondiaux Loïc, Fourniau Jean-Michel, op. cit., p. 12.

19 La théorie générale des systèmes, développée initialement par Ludwig von Bertalanffy, a ensuite été appliquée dans de nombreux domaines, dont les sciences politiques. Pour plus d’informations sur la Théorie des systèmes de Ludwig van Bertalanffy et le phénomène d’adaptation par apprentissage, voir Fillol Charlotte, « Apprentissage et systémique. Une perspective intégrée », Revue française de gestion, 2004/2 (N°149), p. 33-49.

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Chapitre 1 : Quand la démocratie participative

et le Web 2.0 se rencontrent

En raison de son caractère contemporain, le concept de « plateforme de participation citoyenne » en ligne ne dispose pas d’une assise claire et précise dans la littérature scientifique. Lorsqu’il est mentionné, c’est plus à titre d’illustration de ce que peut être la démocratie participative, qu’en tant qu’objet de recherche. Néanmoins, la littérature scientifique traite les deux traits saillants de ce dispositif. En tenant compte de ceci, la plateforme de participation citoyenne en ligne, développée par l’entreprise CitizenLab, peut ainsi être appréhendée, premièrement, en tant que dispositif de participation citoyenne, deuxièmement, en tant que plateforme du « Web 2.0 ». Ainsi, dans le but de répondre à la question proposée dans le cadre de ce mémoire, l’objectif est par conséquent d’explorer, dans un premier temps, l’état des savoirs propre à ces deux sujets afin de retracer la généalogie du concept phare de ce travail de recherche.

Il intéressant de noter que ces deux thématiques s’inscrivent dans deux processus différents. D’une part, le processus de remise en question du système démocratique représentatif a conduit à l’émergence de nouvelles pratiques dites de « participation citoyenne ». D’autre part, le développement d’Internet, du Web et de nouveaux moyens d’information et communication, a permis l’ouverture de nouveaux horizons techniques dans la sphère publique. C’est donc au travers de ces deux processus que naît le concept appréhendé par ce mémoire. Ces deux thématiques recouvrent des champs de recherche très denses. Une multitude d’ouvrages et d’articles scientifiques y font référence. C’est la raison pour laquelle cette section n’ambitionne pas de revenir de manière exhaustive sur l’ensemble des recherches portant sur ces deux objets d’étude. La construction du concept de « plateforme de participation citoyenne » en ligne s’établira au travers des publications les plus emblématiques.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, une remarque liminaire doit être faite. Il est important de signaler que les dispositifs participatifs ont été abordés tant dans la littérature francophone que dans la littérature anglophone. Toutefois, encore à l’heure actuelle, elles sont explicitement20 peu connectées à ce sujet. Comme l’expliquent Loïc Blondiaux

et Jean-Michel Fourniau, « Tout se passe comme si les chercheurs sur la participation travaillaient dans des bibliothèques séparées, dont les catalogues ne se recouvriraient

20 Bien que les travaux ne se font pas ouvertement référence et qu’on remarque rarement une réutilisation des concepts anglo-saxons dans la littérature francophone, une certaine concordance des idées amène à penser que les auteurs scientifiques francophones lisent la production scientifique anglo-saxonne.

(10)

aucunement »21. Cette rupture s’explique, entre autres, par des parcours asymétriques.

Alors que les recherches sur cette thématique débutent aux États-Unis lors des premières contestations sociales dans les années 1960, il faut attendre la fin des années 70 pour la voir abordée par les chercheurs francophones.22 L’angle d’approche est sensiblement

différent. Si la littérature francophone semble explorer principalement le champ de la « démocratie participative », la littérature anglo-saxonne, quant à elle, s’est petit à petit tournée vers le champ de la « démocratie délibérative », en s’inspirant des travaux de Jürgen Habermas et John Rawls.23 Cette distinction « démocratie participative » et

« démocratie délibérative » sera abordée dans les prochaines pages de ce mémoire.24

Néanmoins, puisque la question de recherche de ce travail aborde l’implémentation d’un dispositif du type participatif, le concept de plateforme de participation citoyenne sera essentiellement étudié à partir de la littérature francophone.25

1. Un dispositif de participation citoyenne

La thématique de la démocratie participative, c’est-à-dire l’idée d’une « coproduction » de certaines décisions publiques, n’est pas neuve.26 Ainsi, des philosophes comme

Platon27, Rousseau28 ou Marx29, s’interrogeaient, déjà à leur époque, sur une manière de

faire participer les citoyens au processus de construction des décisions publiques et sur les enjeux qu’induisait ce type de démocratie. On peut aussi lire dans le dictionnaire de la science politique et des institutions politiques de Guy Hermet et al. que « La participation politique constitue le fondement même de la démocratie ».30 La participation citoyenne31

a toujours été ancrée dans les débats politiques et démocratiques. La notion de

21 Blondiaux Loïc, Fourniau Jean-Michel, op. cit., p. 11. 22 Ibid., p. 13.

23 Comité éditorial, « Dispositifis participatifs », Politix, 2006/3 (N° 75), p. 4 ; Blondiaux Loïc, « Démocratie délibérative vs. Démocratie agonistique ? Le statut du conflit dans les théories et les pratiques de participation contemporaines », Raisons politiques, 2008/2 (N° 30), p. 131.

24 Toutefois, pour plus d’informations, voir Bouvier Alban, « Démocratie délibérative, démocratie débattante, démocratie participative », Revue européenne des sciences sociales, 2007/1 (XLV), p. 5-34 ; Bouvier Alban, « La dynamique des relations de confiance et d'autorité au sein de la démocratie dite ‘participative’ et ‘délibérative’ », Revue européenne des sciences sociales, 2007/1 (XLV), p. 181-230.

25 Pour une revue de la littérature anglo-saxonne, voir Hilmer Jeffrey, « The State of Participatory Democratic Theory », New Political Science, 2010 (Vol. 32, N°1), p. 43-63.

26 Seilles Antoine, Cotret Julien, Georges Fanny et al., « L'annotation discursive et sémantique pour la pratique de « débats 2.0 » », Document numérique, 2010/3 (Vol. 13), p. 155.

27 Platon, Protagoras, Flammarion, 1998.

28 Berhendt Christian, Bouhon Frédéric, « Les régimes de gouvernement : les caractéristiques de l’Etat occidental du XXème siècle », dans « Introduction à la Théorie générale de l’Etat », Bruxelles, Larcier, Faculté de droit de l’Université de Liège, 2ème Edition, p. 266.

29 Poirier Nicolas, « Politique et démocratie chez Marx », Cités, 2014/3 (N° 59), p. 45-59.

30 Hermet Guy, Badie Bertrand, Birnbaum Pierre, Braud Philippe, « Participation politique » dans Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Paris, Armand Colin, 2010, p. 214.

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participation citoyenne semble presque indissociable de la notion de démocratie.32

Comme le souligne Pierre-Charles Pupion, le mot « démocratie », au sens classique du terme, renvoie à « un système de rapports établis à l’intérieur d’une institution, d’un groupe, etc., où il est tenu compte, aux divers niveaux hiérarchiques, des avis de ceux qui ont à exécuter les tâches commandées »33.

Toutefois ce qui est récent, c’est l’imbrication de cette notion dans la remise en question de notre système démocratique représentatif.34 La fin des années 60 est marquée par des

contestations sociales et une mobilisation35 de la société civile. Vers le milieu des années

70, Michel Crozier, Samuel Huntington et Jaohi Watanuki évoquent alors l’idée d’un malaise latent, d’une « crise des démocraties représentatives ».36 Comme l’explique

Jean-Marie Denquin, cette crise serait le sentiment pour les citoyens d’être mal représentés et serait synonyme d’une « désaffection croissante à l’égard du système politique, mesurée par les sondages et exprimée par le déferlement, sur Internet, des frustrations collectives et opinions dissidentes ».37 Même si certains chercheurs préfèrent parler de « crise de la

gouvernance » 38, ce diagnostic va être largement admis dans la littérature scientifique à

partir des années 90. C’est en parallèle du développement de la notion de « crise de la démocratie » qu’apparaît le concept de « démocratie participative ».39 Dans un premier

temps, l’idée de démocratie participative restera cantonnée à l’état d’idéal sociétal. Cette notion est mobilisée dans les discours contestataires et « anti-systèmes ».40 Elle est la

pierre angulaire de nombreuses revendications de militants et d’associations.41 Carole

Pateman a été la première à théoriser cette notion.42 La démocratie participative est alors

présentée comme une solution souhaitable et inévitable pour remédier aux maux de nos gouvernements.43 Malgré plusieurs tentatives pour produire une définition consensuelle, la

32 Monseigne Annick, « Participation, communication : un bain sémantique partagé », Communication et organisation, 2009 (N°35), p. 37.

33 Pupion Pierre-Charles, « Démocratie, participation et gouvernance publique : quelles voies ? », Gestion et management public, 2016/4 (Vol. 5 , N° 2), p. 1.

34 Damay Ludivine, Mercenier Chloé, op. cit., p. 14.

35 Matérialisée par des grèves, des manifestations, des blocages, etc.

36 Crozier Michel, « Chapter II : Western Europe », dans « The Crisis of Democracy : Report on the Governability of Democracies to the Trilateral Commission, New York, New York University, 1975, p. 11-58.

37 Denquin Jean-Marie, « Pour en finir avec la crise de la représentation », Jus politicum, Dalloz, Coll. « Institut Valley », 2010 (N°2), p. 165.

38 Cette alternative sémantique permet de mettre en exergue la remise en question « d’une part, des conditions mêmes de production des politiques publiques et, d’autre part, de la légitimité de la puissance publique », Jouve Bernard, op. cit., p. 322.

39 Blondiaux Loïc, Fourniau Jean-Michel, op. cit. p. 13.

40 Blatrix Cécile, « Des sciences de la participation : paysage participatif et marché des biens savants en France », Quaderni, 2012 (N°79), p. 60-66.

41 Crozier Michel, Huntington Samuel, Watanuki, Jaoji, op. cit.

42 Pateman Carole, « Participation and Democratic Theory », Cambridge, Cambridge University Press, 1970, 122 p. 43 Mazeaud Alice, Nonjon Magali, « De la cause au marché de la démocratie participative », Agone, 2015/1 (N° 56), p. 135.

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notion de démocratie participative reste, encore à l’heure actuelle, ambiguë et repose toujours sur un flou conceptuel. Elle semble inclure tout ce qui ne s’inscrit pas dans le champ de système de démocratie représentative.44

Face à un modèle classique de démocratie représentative en difficulté, les pouvoirs publics entreprennent des efforts de démocratisation.45 La fin des années 1980 est ainsi

marquée par un changement de dynamique.46 On observe un glissement d’une

dynamique ascendante, émanant des associations, vers une logique top-down47,

notamment par l’institutionnalisation48 de certaines procédures. Les pouvoirs publics vont

« intérioriser » les revendications et proposer eux-mêmes une nouvelle façon d’interagir dans notre système démocratique.49 Certains auteurs scientifiques parlent même d’« une

injonction à la participation » émise par les autorités publiques.50 La démocratie

participative devient un élément phare des politiques locales.51 Elle est alors présentée

comme un moyen d’améliorer les rouages de la démocratie représentative. En Wallonie, par exemple, c’est au milieu des années 90 qu’apparaissent les mécanismes de consultation populaire et les conseils consultatifs.52

Dans le cadre scientifique, les premières recherches sont surtout de l’ordre de la théorie politique. Les chercheurs tentent d’anticiper l’impact de dispositifs de participation du public sur notre système démocratique.53 Ces travaux ont une perspective principalement

fonctionnaliste et normative.54 Ces recherches ont pour but de démontrer la réussite ou

l’échec des outils participatifs dans le contexte de démocratisation de l’action publique.55

Sherry Arnstein publie, en 1969, aux États-Unis, le premier article scientifique à ce sujet. Cet article, souvent cité comme point de repère dans la littérature scientifique, ambitionne de classer les dispositifs participatifs à l’aide d‘une « échelle de la participation »56 en fonction

44 Blondiaux Loïc, « Les versions plurielles de l’idéal participatif », dans Le nouvel esprit de la démocratie : actualité de de la démocratie participative, Paris, Seuil, Coll. « La république des idées », 2008, p. 38.

45 Savidan Patrick, « Démocratie participative et conflit », Revue de métaphysique et de morale, 2008/2 (N° 58), p. 177. 46 Mazeaud Alice, Nonjon Magali, op. cit., p. 138-139.

47 C’est-à-dire que les initiatives émanent en premier lieu des décideurs politiques ou des institutions législatives. 48 Ces procédures sont prévues, officielles et encadrées par différentes règles.

49 Monseigne Annick, op. cit., p. 43.

50 Nonjon Magali, « De la ‘militance’ à la ‘consultance’ : les bureaux d’études urbaines, acteurs et reflets de la “procéduralisation” de la participation», Politiques et management public, 2012/1 (N°29), p. 80.

51 Mazeaud Alice, Nonjon Magali, op. cit. p. 138.

52 Loi du 10 avril 1995 relative à la consultation populaire communale (M.B. du 21 avril 1995) ; Articles L1122-35 et L1141 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation.

53 Blondiaux Loïc, Fourniau Jean-Michel, op. cit., p. 11.

54 Comité éditorial, « Pourquoi une revue sur la participation ? », Participations, 2011/1 (N° 1), p. 5-7.

55 Blatrix Cécile, « Des sciences de la participation : paysage participatif et marché des biens savants en France », op. cit., p. 53-54.

56 L’échelle de participation d’Arnstein est une grille d’analyse qui propose huit paliers de délégation de pouvoir. Le premier palier correspondant à une manipulation de la population par les autorités publiques et le dernier à une

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de ce qu’on pourrait qualifier d’idéal de la démocratie participative.57 Sherry Arnstein

s’interroge donc sur la marge de pouvoir consentie aux citoyens ainsi que sur leurs capacités à infléchir l’action publique.58 Selon elle, la plupart des dispositifs ont

essentiellement une portée symbolique.59 De nombreuses autres typologies vont être

élaborées, car, à la fin des années 80, l’institutionnalisation de certains mécanismes de participation entraîne également la multiplication d’initiatives « non-institutionnalisées » au niveau local. Les budgets participatifs, les jurys citoyens ou les sondages publics peuvent être cités à titre d’exemple. Cette effervescence provoque une plasticité extrême60 du

concept de « dispositif de participation citoyenne ». Ce flou conceptuel61 entraîne une

certaine confusion, ce qui rend difficile l’analyse scientifique. Par ailleurs, cette ambiguïté profite à tous les acteurs qui se revendiquent promoteurs de la démocratie, et plus particulièrement d’une démocratie participative.62 Dans le but de restreindre ce

catalogue de pratiques qui paraît presque infini, Marie-Hélène Bacqué et Henry Rey recensent des typologies emblématiques dans leur ouvrage « Gestion de proximité et démocratie participative. Une perspective comparative »63. Ces typologies permettent

de catégoriser les différents dispositifs et, par conséquent, d’éclairer les analyses scientifiques.

Cet enthousiasme participatif s’accompagne également d’un développement exponentiel des études et des recherches scientifiques dans ce domaine.64 De nombreux

chercheurs ont d’ailleurs mis en avant le fait que le processus s’« auto-alimente ». Comme l’explique Cécile Blatrix, « Il existe un lien étroit entre la manière dont le paysage participatif se structure progressivement, et la production savante sur le sujet, qui nourrit et inspire constamment les pratiques, l’expérimentation et parfois l’institutionnalisation de nouveaux dispositifs »65. Ces recherches vont être, dans un premier temps, « polarisées ».

Deux camps vont s’affronter dans la littérature scientifique. D’un côté, les « idéalistes » qui voient dans ces processus des opportunités pour démocratiser le système politique. De

délégation totale du pouvoir aux citoyens. Arnstein Sherry, « A Ladder of Citizen Participation », Journal of the American Institute of Planners, 1969 (Vol. 35, N°4), p. 216-224.

57 Blondiaux Loïc, Fourniau Jean-Michel, op. cit., p. 11

58 Carrel Marion, « Injonction participative ou empowerment ? Les enjeux de la participation », Vie sociale, 2017/3 (N° 19), p. 31-32.

59 Bacqué Marie-Hélène, Gauthier Mario, op. cit., p. 37.

60 Nonjon Magali, « Professionnels de la participation : savoir gérer son image militante », Politix, 2005/2 (N° 70), p. 94. 61 Cefaï Daniel, Carrel Marion, Talpin Julien et al., « Ethnographies de la participation », Participations, 2012/3 (N° 4), p. 8.

62 Blondiaux Loïc, Sintomer Yves, op. cit.., p. 33.

63 Bacqué Marie-Hélène, Rey Henri, Sintomer Yves, « Gestion de proximité et démocratie participative. Une perspective comparative ». Paris, La Découverte, Coll. « Recherches », 2005, 320p.

64 Mazeaud Alice, « L'instrumentation participative de l'action publique : logiques et effets. Une approche comparée des dispositifs participatifs conduits par la région Poitou-Charentes », Participations, 2012/1 (N° 2), p. 54

65 Blatrix Cécile,« Des sciences de la participation : paysage participatif et marché des biens savants en France », op. cit., p. 60.

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l’autre côté, les « ultra-critiques » qui dénoncent, quant à eux, une instrumentalisation de ces dispositifs et un nouvel outil de domination.66 Dans un second temps, le monde

scientifique va tenter de dépasser cette dichotomie afin de proposer une perspective plus pragmatique et empirique. Les chercheurs tentent de relativiser aussi bien les constats idéalistes que les constats pessimistes. Au fur et à mesure des contributions scientifiques, la thématique de la démocratie participative subit un triple phénomène. Premièrement, elle va s’autonomiser en tant que champ de recherche à part entière. Deuxièmement, elle va se ramifier pour appréhender une multitude d’objets inscrits dans des domaines variés. La thématique de la démocratie participative devient un champ d’étude plurielle, presque tentaculaire.67 Loïc Blondiaux et Jean-Michel Fourniau parlent d’une impression

d’éclatement de la thématique de la participation publique.68 Selon eux, « Les recherches

sur la participation prennent ici l’apparence d’un rhizome au sens de Deleuze et Guattari, d’un mouvement dont l’origine et le centre restent introuvables, qui se manifeste dans de multiples directions et dont chaque petit bourgeonnement constitue un foyer d’innovation potentiel »69. Troisièmement, certains auteurs scientifiques francophones

expriment une certaine désillusion à l’égard des instruments participatifs. Ce désappointement entraîne le glissement d’une partie des chercheurs vers ce qu’ils nomment le « paradigme70 délibératif », thème caractéristique du courant anglo-saxon.

La démocratie délibérative se définit comme « un espace de débat précédant les décisions, impliquant l’ensemble de la société civile et non restreinte par conséquent aux seuls professionnels de l’élection ou aux leaders d’opinion ».71 James Fishkin, qui est à

l’origine du sondage délibératif, est un théoricien emblématique de ce courant.72 Ce

paradigme partage avec celui de la démocratie de participation citoyenne l’ambition de donner aux citoyens la possibilité de prendre part aux processus de décision. Ces deux courants se distinguent toutefois sur la façon d’opérationnaliser cette implication active des citoyens. La démocratie délibérative repose sur l’organisation d’un grand débat argumenté, entre personnes préalablement informées, qui aboutit à une prise de décision

66 Bacqué Marie-Hélène, Gauthier Mario, op. cit., p. 56.

67 Comité éditorial, « Pourquoi une revue sur la participation ? », Participations 2011/1 (N° 1), p. 5-7. 68 Blondiaux Loïc, Fourniau Jean-Michel, op. cit., p. 10.

69 Ibid., p. 11.

70 La notion de « paradigme » désigne un « ensemble de théories, de concepts, de notions de base qui, à un moment donné de l’histoire d’une discipline, constituent le cadre général de référence du travail scientifique pour une communauté de chercheurs ». Dormagen Jean-Yves, Mouchard Daniel, « Introduction » dans Introduction à la sociologie politique, Bruxelles, De Boeck, Coll. « Ouvertures politiques », 3ème édition, 2011, p.10.

71 Hermet Guy, Badie Bertrand, Birnbaum Pierre, Braud Philippe, op. cit., p. 84.

72 Martin Pierre, « Réconcilier délibération et égalité politique : Fishkin et le sondage délibératif », Revue française de science politique, 1998 (Vol. 48, N°1). p. 150-154.

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des participants.73 La démocratie participative renvoie, quant à elle, à la mise en place

d’un processus qui permet l’interaction entre les citoyens et les élus locaux afin de générer des solutions pour une problématique prédéfinie. La sélection des solutions qui seront mises en œuvre est opérée par les élus politiques sur base de ce processus.74

En outre, lorsqu’on analyse la littérature scientifique sur les dispositifs de participation citoyenne, un constat revient de manière récurrente. Les dispositifs de participation citoyenne semblent être à la recherche de leur public.75 Les chercheurs observent un

manque d’engouement de la part des citoyens « ordinaires »76 ainsi qu’un faible taux de

participation aux dispositifs mis en place. Bien que la démocratie participative soit initialement le fruit de mouvements sociaux et de revendications politiques, les travaux mettent en exergue l’incapacité des élus à mobiliser la population.77 Ce constat pousse à

s’interroger sur l’existence d’une envie chez les citoyens de « co-construire » certaines décisions publiques. Il semble y avoir une offre de participation citoyenne sans demande sociale.78 Comme l’explique Guillaume Gourgues, « la capacité à produire des dispositifs

dans une démarche très descendante a généré une importante controverse autour de l’existence d’une demande sociale de participation. Le faible nombre de citoyens connaissant et/ou prenant part aux dispositifs relevant de l’offre publique de participation est actuellement l’objet d’investigations et donne à voir une situation paradoxale : celle d’une offre de participation à la recherche de sa demande, et donc de son public ».79

Par ailleurs, les études empiriques révèlent souvent un décalage entre ce qui est annoncé et ce qui est réalisé.80 Les dispositifs de participation citoyenne ne parviendraient ni à

transformer les relations entre élus politiques et citoyens ni à démocratiser le processus de construction d’une décision publique.81 Toutefois, le recours à des outils numériques

suscite d’espoir.

73 Bouvier Alban, « La dynamique des relations de confiance et d’autorité au sein de la démocratie dite ‘participative’ et ‘délibérative’ » », op. cit., p.192.

74 Ibid., p.189-191.

75 Mazeaud Alice, op. cit., p. 63-65.

76 La notion de « citoyens ordinaires » désignent « (les) citoyens sans mandat ni statut dans l’ordre de la décision publique ». Rui Sandrine, « La société civile organisée et l’impératif participatif. Ambivalences et concurrence », Histoire, économie & société, 2016/1 (N°35), p. 60 ; voir aussi l’article de Clarke John, « L'enrôlement des gens ordinaires. L'évitement du politique au cœur des nouvelles stratégies gouvernementales ? », Participations, 2013/2 (N° 6), p. 167-189.

77 Cécile Blatrix, « La démocratie participative en représentation », op. cit., p. 104. 78 Talpin Julien, op. cit., p. 25.

79 Gourgues Guillaume, « Les pilotes invisibles de la participation publique. Le « fichier des 11 000 » et la démocratie participative en région Rhône-Alpes », Gouvernement et action publique, 2016/2 (N° 2), p. 52.

80 Gourgues Guillaume, Rui Sandrine, Topçu Sezin, « Gouvernementalité et participation. Lectures critiques », Participations, 2013/2 (N° 6), p. 5-33.

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2. Une plateforme du Web 2.0

Au milieu des années 90, l’introduction au grand public d’Internet, en tant que dispositif technique qui permet la connexion de plusieurs serveurs, du Web82 et le développement

de nouveaux moyens de communication sont porteurs de nombreuses promesses. Très vite, les notions de « Web », de « démocratie » et de « participation » sont associées dans les recherches scientifiques. Ces nouveaux canaux nourrissent l’espoir, chez leurs promoteurs, de pouvoir réanimer le système démocratique.83 Laurence Monnoyer-Smith

souligne que « De façon récurrente, chaque nouvelle technologie de communication apporte son lot d’espérances quant à son aptitude à revitaliser l’engagement politique des citoyens, et s’accompagne d’une littérature qui s’appuie sur des potentialités techniques toujours plus innovantes pour montrer qu’elles sont susceptibles de combler le fossé entre les élus de la nation et les citoyens des démocraties modernes  »84. Ainsi, tout

d’abord portée par un élan très optimiste85, avec des chercheurs comme Anthony

Corrado, Lincoln Dahlberg ou Dick Morris, la thématique de la démocratie en ligne va connaître une phase de désenchantement et de scepticisme.86 Ensuite, tout comme la

littérature scientifique sur la démocratie participative, la littérature va tenter de dépasser le clivage idéaliste-sceptique pour proposer des études plus empiriques.87

Plus récemment, c’est ce qu’on appelle le « Web participatif » ou « Web 2.0 »88 qui s’est

développé. L’utilisation de l’adjectif « 2.0 » caractérise une évolution des fonctionnalités du Web originel. Ce Web « 2.0 », ou « nouvelle génération », permet aux utilisateurs non seulement de consulter un contenu89, mais également d’en produire, de le partager à

grande échelle et d’interagir avec d’autres utilisateurs de façon synchrone ou asynchrone.90 De ce Web 2.0. est née pléthore de dispositifs numériques. La plateforme

82 Le Web, à la base nommé World Wide Web, est un logiciel qui permet de relier des pages informatiques. Cette technologie a permis de développer des systèmes de navigation sur le réseau Internet, comme le moteur de recherches Google. Flichy Patrice, « Internet, l’idéal de la communication scientifique », dans L’imaginaire d’Internet, Sciences et société, Éditions La découverte, Paris, 2001, p.43-84.

83 Cardon Dominique, « La participation en ligne », Idées économiques et sociales, 2013/3 (N° 173), p. 33.

84 Monnoyer-Smith Laurence, « La participation en ligne, révélateur d'une évolution des pratiques politiques ? », Participations, 2011/1 (N° 1), p. 157.

85 Oberdorff Henri, « Une démocratie classique plus complète grâce au numérique », dans « La démocratie à l’ère du numérique », Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2010, p. 49.

86 Comme l’illustre le célèbre ouvrage de Michael Margolis et David Resnick « Politics as usuaL The Cyberspace Révolution » publié en 2000.

87 Monnoyer-Smith Laurence, op. cit., p. 158.

88 Ce concept a été proposé par Tim O’Reilly en 2005. Ce terme est utilisé dans le cadre de ce mémoire car il renvoie spécifiquement à la notion de « plateforme ».

89 Caractéristique principale du Web originel que l’on pourrait appeler « Web 1.0 ».

90 Le fait d’interagir de manière synchrone ou asynchrone signifie que les échanges peuvent être en « direct » ou en « différé ». Ubaldi Barbara, « L'administration électronique, support de l'innovation dans les services publics », Revue française d'administration publique, 2013/2 (N° 146), p. 449-450.

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en ligne constitue une innovation emblématique du Web 2.0.91 Certaines applications et

certaines plateformes ont spécialement été conçues pour le secteur public.92 Comme le

souligne Henri Oberdorff, « Les techniques du Web permettent aux citoyens d’aller plus loin que simplement donner un avis sur un forum ; ils peuvent dorénavant collaborer à l’adaptation des textes »93. Le Web 2.0 permet ainsi de créer de nouveaux instruments

d’action publique94, comme des plateformes en ligne sur lesquels les citoyens peuvent

déposer des idées et des projets concernant leur commune, commenter les contributions des autres utilisateurs, interagir avec les élus politiques et voter pour les propositions qui veulent voir mises en place.

Ces nouveaux dispositifs issus du Web 2.0 se retrouvent ainsi dans les mains de l’administration publique qui, elle aussi, tente de surfer sur la vague numérique. Sous l’influence de courants comme le New Public Management, ces administrations publiques cherchent à se moderniser en se dotant, notamment, d’outils numériques. Comme le soulignent Albert David et al., « Les travaux académiques et professionnels suggèrent que le concept de Web 2.0 n’est pas fondé uniquement sur une évolution de la technologie, mais également sur une logique socio-organisationnelle »95. C’est sous l’influence de cette

logique de mutation organisationnelle qu’apparaissent les concepts tels que l’« E-Administration »96.

L’« E-Administration » est à distinguer du concept « Administration 2.0 »97 qui est une

actualisation du concept de « démocratie administrative ». Le concept de démocratie administrative est un thème classique de l’étude des administrations publiques.98 En

sciences administratives, on parle de « démocratie administrative » pour désigner « le

91 Comme l’expliquent David Albert et al., « Le Web 2.0 étant présenté comme “Web as a platform” […] La plateforme est une image puissante : démultiplication du nombre de participants, variété des contributions et des modes d’échange et de mutualisation, crowdsourcing généralisé ». David Albert et al., « Web 2.0 et organisations : une problématique complexe », Espaces Numériques, 2013 (Vol. 1), p.43-44.

92 Deprez Paul, Bertacchini Yann, « L’usage du web par l’administration publique : un enjeu de positionnement sur les pratiques des internautes », Communication et organisation, 2015 (N°47), p. 224.

93 Oberdorff Henri, op. cit., p. 93.

94 Greffet Fabienne, Wojcik Stéphanie, « La citoyenneté numérique. Perspectives de recherche », Réseaux, 2014/2 (N° 184-185), p. 127.

95 David Albert et al., op. cit., p.11-49.

96 L’ « E-Administration » est également appelée « administration électronique ». Cette notion renvoie à « l’usage des technologies de l’information et de la communication et en particulier de l’Internet en tant qu’outil visant à mettre en place une administration de meilleure qualité envers les citoyens ». Roux Laëtitia, « L'administration électronique : un vecteur de qualité de service pour les usagers ? », Informations sociales, 2010/2 (N° 158), p. 20 ; Deprez Paul, Bertacchini Yann, op. cit., p. 226.

97 Concept développé par Thierry Weibel qui renvoie à l’introduction d’outils numériques collaboratifs au sein de l’administration mais dans ses relations avec son environnement. Weibel Thierry, « Administration 2.0 », dans Innovation politique 2012. Paris, Presses Universitaires de France, « L'innovation politique », 2012, p. 297-323.

98 Tholen Berry, « La participation citoyenne et la bureaucratisation. Le virage participatif vu à travers le prisme wébérien », Revue Internationale des Sciences Administratives, 2015/3 (Vol. 81), p. 621-622

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processus d’exportation ou de diffusion de principes issus de la sphère politique de la démocratie parlementaire (principes de publicité, de participation, de délibération et de motivation) vers la sphère administrative ».99

Ce concept de démocratie administrative est souvent lié au concept d’« administration consultative » qui renvoie à l’idée d’une administration publique transparente, accessible et interactive. Dans cette perspective, l’interactivité est le fait d’impliquer des tiers dans les processus internes de l’administration100 et de leur ouvrir la possibilité de donner leur

avis101. Cette interactivité peut être mise en pratique notamment grâce à des sondages.

Le sondage étant défini classiquement comme un outil permettant de « questionner » et qui a pour objectif de « chercher à comprendre » dans le cadre de problématiques précises. Les processus « interactifs » au sein des administrations publiques aspirent à améliorer la relation « citoyen-administration ».102 Il faut également distinguer ce type de

processus du dispositif qui est au centre de ce mémoire. Comme le souligne Michel Le Clainche, « Dans la sphère politique, le thème de l’association du citoyen vise clairement le processus et le contenu des décisions alors qu’au niveau administratif, l’administration consultative se définit essentiellement par l’émission d’avis, en deçà de la décision elle-même»103. La plateforme de participation citoyenne en ligne, comme celle étudiée dans

le cadre de ce mémoire, n’a pas pour vocation initiale d’être un instrument de sondage. Elle se base sur une autre philosophie d’action publique.104 Elle a pour objectif explicite

d’être un espace de « co-construction » d’une décision publique. Les recherches sur ce type de dispositif au sein de l’administration publique sont presque inexistantes. Comme l’expliquent Loïc, Blondiaux et Jean-Michel Fourniau, « Si, dans certains domaines, la question de la participation du public fait l’objet d’une reconnaissance précoce, dès les années 1960 en matière d’études urbaines ou d’analyse des mouvements sociaux, si elle est coextensive de la constitution de l’environnement en problème public, sa légitimité académique tarde à venir dans d’autres domaines, jusqu’à n’être nullement acquise comme dans le cas des recherches sur l’administration publique ou le droit public »105.

99 Lafarge François, Larat Fabrice, Mangenot Michel, « Introduction », Revue française d'administration publique, 2011/1 (N° 137-138), p. 8.

100 Auby Jean-Bernard, « Remarques préliminaires sur la démocratie administrative », Revue française d'administration publique, 2011/1 (N° 137-138), p. 16.

101 Le Clainche Michel, « L'administration consultative, élément constitutif ou substitut de la démocratie administrative ? », Revue française d'administration publique, 2011/1 (N° 137-138), p. 40.

102 Auby Jean-Bernard, op. cit., p. 13. 103 Le Clainche Michel, op. cit., p. 40.

104 Rouban Luc, « Les nouveaux horizons démocratiques », dans « La démocratie représentative est-elle en crise ?», Paris, La Documentation française, Coll. « Doc’en Poche », 2018, p.171.

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Ce survol de la littérature scientifique a permis de mieux appréhender le concept de plateforme de participation citoyenne en ligne et ce, dans le but de mieux comprendre le dispositif au cœur de ce mémoire. Toutefois, en raison du caractère original de la question de recherche, une étude empirique est indispensable pour poursuivre la réflexion. Le chapitre suivant porte ainsi sur la construction du dispositif méthodologique qui a permis d’analyser les effets engendrés par l’introduction d’une plateforme de participation au sein d’une administration publique.

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Chapitre 2 : Un zoom sur les pratiques des

gestionnaires administratifs

Comme le montre le survol de la littérature scientifique, le concept de plateforme de participation citoyenne en ligne est un concept moderne qui n’a pas encore fait l’objet d’investigations scientifiques. C’est pourquoi l’analyse des enjeux liés à son insertion dans l’environnement administratif nécessite d’aller collecter des informations sur le terrain. Une étude empirique est en effet le moyen le plus pertinent d’éclairer les pratiques et les usages des gestionnaires administratifs en lien avec ce dispositif de participation citoyenne.

La question de recherche de ce mémoire visant à comprendre les expériences des gestionnaires administratifs et les phénomènes liés à l’usage des plateformes de participation citoyenne ainsi que leurs significations, c’est plus précisément une étude empirique de type qualitatif qui a été menée. Cette exploration qualitative repose sur des entretiens et des observations du design106 du dispositif. L’étude de l’utilisation d’un objet

technique et de son usage107 ne peut se faire sans appréhender le contexte dans lequel

il s’inscrit. C’est la raison pour laquelle le dispositif méthodologique de ce mémoire a été élaboré selon la logique du zoom d’un appareil photo. Le but est de partir du contexte général pour arriver progressivement au plus près de l’action des gestionnaires administratifs. Il permet ainsi de varier la distance focale de ce mémoire afin d’avoir une compréhension fine du dispositif étudié. Dans un premier temps, cela consistera à se déplacer de la vue panoramique construite dans le premier chapitre vers le paysage singulier de la Wallonie. Ensuite, l’objectif est de resserrer le cadrage sur deux cas très contrastés. C’est dans le cadre de ces unités d’analyse que les différents entretiens ont été réalisés. Ces deux cas ont été mis en parallèle au moyen d’une analyse comparative. Dans le chapitre 3, l’image sera une nouvelle fois agrandie pour mieux discerner l’articulation des différents acteurs qui gravitent autour de la plateforme de participation citoyenne en ligne. Cette perspective permet d’aborder les différentes phases de construction de deux projets en particulier : « RéinventonsLiège » et « Flobecq2025 ». Ceci permettra finalement de développer un angle de vue plus spécifique sur les activités qui permettent leur mise en œuvre administrative.

106 Le design désigne ici l’organisation, la structure et le contenu de la plateforme en ligne. Pour plus d’informations sur les enjeux du design d’un dispositif démocratique, voir Wright Scott, Street John, « Democracy, deliberation and design: the case of online discussion forums », New Media & Society, 2007 (Vol. 9, N°5), p. 849-869.

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1. D’un paysage wallon à deux cas contrastés

Ainsi, afin de réaliser une étude empirique qui soit en adéquation avec la question posée dans le cadre de ce travail de recherche, il était nécessaire de trouver un terrain riche au sein duquel différentes entités locales avaient eu recours, d’une part, au même dispositif de participation citoyenne, d’autre part, à un dispositif organisé sous la forme d’une plateforme en ligne. En outre, il fallait que ce dispositif soit implanté dans des unités d’analyse aux caractéristiques contrastées et dans un laps de temps assez court dans le but d’éviter un biais relatif à une « acculturation » différenciée.108

Dans ce sens, la Wallonie constitue un terrain de recherche idéal puisque, entre 2017 et 2018, huit communes, aux caractéristiques territoriales et démographiques très différentes, ont mis en place la même plateforme en ligne de participation citoyenne. Elles ont toutes fait appel aux services de la même entreprise, à savoir CitizenLab. Ce terrain donnait la possibilité d’étudier une plateforme de participation citoyenne en ligne unique dans des situations singulières. Le tableau suivant reprend les traits caractéristiques109 de ces huit

communes110 :

Communes Population111 Age

moyen Superficie Densité de population112 Rural / Semi-rural / Non-rural113 Date de mise en ligne de la plateforme Liège 197 355 40,4 ans 69,4 km2 2851

habitant/km2 Non-rural Mars 2017

Mons 95 299 40,9 ans 146,5 km2 649

habitants/km2 Semi-rural Avril 2017

108 Cette précaution avait pour but d’éviter de mettre en parallèle une administration qui avait déjà intégré dans son quotidien une plateforme participative depuis plusieurs années et une administration qui ne s’était pas encore approprié le dispositif.

109 Ces communes peuvent évidemment être caractérisées par d’autres éléments. Les éléments présentés dans ce tableau sont ceux qui ont été significatifs dans le choix des unités d’analyse dans le de cadre ce mémoire.

110 Les chiffres de ce tableau datent du 20 octobre 2017 et proviennent de l’Institut Wallon de l’Évaluation, de la Prospective et de la Statistique. En ce qui concerne la densité de population, les chiffres ont été arrondis à l’unité inférieure afin que ces données soient plus significatives. Tous ces chiffres sont disponibles sur le site WalStat à l’adresse suivante : https://walstat.iweps.be/walstat-catalogue.php?theme_id=1 (Consultée le 25 juillet 2018).

111 C’est-à-dire le nombre de personnes inscrites au registre de population et des étrangers dans une commune. Le registre de population recense toutes les personnes qui ont leur résidence principale sur le territoire d’une commune ainsi que les étrangers admis ou autorisés à séjourner sur ce territoire..

112 La densité de population désigne le rapport entre la population et le territoire d’une commune. Il permet de connaître le degré de concentration d’habitants sur un territoire. Charlier Julien, « Densité de population», Iweps, 2017, disponible à l’adresse suivante : https://www.iweps.be/indicateur-statistique/densite-de-population/ (Consultée le 30 juillet 2018).

113 Classification établie par la Direction générale opérationnelle de l'Agriculture, des Ressources naturelles et de l'Environnement de la Région Wallonne dans le « Guide pratique du Programme wallon de Développement rural 2014-2020 » disponible à l’adresse suivante : http://forms6.wallonie.be/formulaires/FEADER%20Vade-mecum.pdf (Consultée le 15 juillet 2018).

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La Hulpe 7 320 43,4 ans 15,6 km2 469 habitants/km2 Semi-rural Septembre 2017 Bassenge 8 986 41,9 ans 38,2 km2 235 habitants/km2 Semi-rural Octobre 2017 Arlon 29 733 39,7 ans 118,6 km2 249 habitants/km2 rural Décembre 2017 Enghien 13 734 41,2 ans 40,6 km2 334 habitants/km Semi-rural Décembre 2017 Marche- en-Famenne 17 455 40,9 ans 121,4 km2 143 habitants/km2 rural Février 2018 Flobecq 3 420 43,6 ans 23 km2 149 habitants/km2 rural Février 2018

Afin de comprendre finement les enjeux liés à l’implémentation de la plateforme proposée par CitizenLab, il était nécessaire d’étudier en détail différents cas. Toutefois, étant donné les contraintes inhérentes à la réalisation d’un mémoire114, il était impossible

d’étudier rigoureusement ces huit communes. Il a donc fallu sélectionner des unités d’analyse au sein de ce terrain. Deux cas étaient particulièrement intéressants à mettre en perspective. Ces deux communes sont Flobecq et Liège. Ce choix a été motivé par le fait que ces deux communes étaient des unités d’analyse très contrastées ce qui permettait de dégager des réflexions générales à partir de leurs points communs. Flobecq, petite commune rurale de 23km2 et de 3 420 habitants, dispose donc de la même

plateforme de participation citoyenne que Liège, Ville115 de 69,4 km2 et de 197 355

habitants.116 Parmi ces huit communes, la Ville de Liège est la commune où la moyenne

d’âge de la population est la moins élevée, avec une moyenne d’âge de 40,4 ans. Au contraire, à Flobecq, la moyenne d’âge est la plus élevée, avec une moyenne d’âge de 43,6 ans. En plus d’avoir des profils démographiques et territoriaux opposés, ces deux communes se situent aux antipodes sur une échelle temporelle. Alors que la Ville de Liège a été la première à mettre en place ce type de dispositif en Wallonie, la commune de Flobecq, quant à elle, est la dernière commune à avoir lancé cette initiative. La Ville de Liège est arrivée au bout du processus de collecte des idées il y a plusieurs mois. Ce processus est toujours en cours dans la commune de Flobecq. De ce fait, la plateforme

114 Notamment le temps et les moyens limités.

115 Liège est une des 262 communes wallonnes mais elle possède également le titre honorifique de « Ville » en raison de plusieurs caractéristiques urbaines. Pour de plus amples informations sur ce sujet, voir la circulaire relative à l’octroi du titre de ville du Ministère des affaires intérieures et de la Fonction publique de la Région wallonne du 29 Juin 2009 116 Direction générale de la Statistique et de l'information économique du Service Public Fédéral Économie, « Chiffres de population par province et par commune, à la date du 1er janvier 2018 », statistiques de population, janvier 2018, disponible à l’adresse suivante : http://www.ibz.rrn.fgov.be/fr/population/statistiques-de-population/ (Consultée le 20 juillet 2018).

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liégeoise est donc la plateforme pionnière en Wallonie alors que la plateforme flobecquoise en est la dernière version.

Bien que ces communes doivent proposer les mêmes services à leurs citoyens, elles ne disposent pas des mêmes ressources. Alors que 4 420 personnes travaillent pour la Ville de Liège117, l’administration communale flobecquoise compte seulement 32 agents118.

L’administration liégeoise comprend en son sein un service communication et une Smart City Manager119 qui était en charge, à temps plein, de la plateforme participative. La

commune de Flobecq, quant à elle, a délégué la gestion de la plateforme participative à la personne chargée de la cohésion sociale et ne dispose ni d’un service de communication ni d’un service informatique. En outre, la commune de Flobecq est une commune à facilités linguistiques pour les néerlandophones120. Elle doit donc proposer une

version bilingue de ses moyens de communication. Ces deux administrations ont ainsi implémenté leur plateforme dans deux contextes très différents. Il est intéressant de voir si ces différences influent sur l’adaptation des administrations au dispositif de participation.

La sélection de ces deux unités d’analyse est confortée par une phase exploratoire. Ce mémoire prend racine à partir d’une expérience concrète. Un an avant la rédaction de ce travail de recherche, j’ai effectué un stage de trois mois au sein de la cellule « Stratégie et Développement » de la Ville de Liège. Mon stage s’est déroulé lors de la préparation et de la mise en œuvre de la plateforme de participation citoyenne « RéinventonsLiège ». J’ai participé à son implémentation et observé sa gestion quotidienne. Cette observation participante m’a permis d’explorer la thématique de la démocratie participative et d’accumuler des connaissances, tant pratiques que théoriques. Cette immersion dans un des cas d’analyse a cependant induit une asymétrie des données disponibles dans le cadre de ce mémoire. Toutefois, les entretiens m’ont permis d’aller rechercher les informations qui étaient nécessaires à la réalisation de ce mémoire. En outre, la prise de conscience des possibles

117 Chiffres datant du 9 février 2018, disponibles à l’adresse suivante : https://www.liege.be/fr/vie-communale/services-communaux/gestion-financiere/budget/ (Consultée le 7 juin 2018).

118 Chiffres datant du 30 novembre 2017. Voir en annexe 1 le rapport « Budget 2008 » de la commune de Flobecq. 119 Le Smart City Manager est une personne qui est en charge des projets et initiatives relevant de la thématique « Smart City », c’est à dire des stratégies qui ont pour but d’utiliser les outils numériques et la technologie afin de transformer un territoire en un écosystème durable. Voir Michelucci Fania Valeria, De Marco Alberto, Tanda Adriano, « Defining the Role of the Smart-City Manager: An Analysis of Responsibilities and Skills », Journal of Urban Technology, 2016/3 (Vol. 23), p. 23-42 ; Nguyen Catherine, Bleus Hélène, Van Bockhaven Jonas, « Le guide de critique de la smart city », Université de Liège, 2017, p. 10-60.

120 Les flobecquois néerlandophones disposent de facilités administratives, comme par exemple la traduction de documents en néerlandais. Pour plus d’informations sur ce sujet, voir l’article 8 de la loi du 18 juillet 1966 relative à l’emploi des langues en matière administrative (M.B. du 02 août 1966).

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influences découlant d’une expérience de terrain m’a permis de mettre en place des stratégies afin de rester au plus près de ce que Max Weber nomme une « neutralité axiologique »121. En ce sens, la neutralité ne doit pas être perçue comme une

« déconnexion » du chercheur par rapport à la société, mais comme une posture critique à l’égard de celle-ci.122

2. L’entretien comme technique de mise au point

La mise au point en photographie désigne l’action permettant d’améliorer la netteté d’une image. Dans le cadre de ce travail de recherche, le même processus a été réalisé au moyen de la technique de l’entretien. La technique de l’entretien permet de mieux saisir la manière dont les acteurs envisagent, s’approprient et mettent en œuvre le dispositif de participation citoyenne. Au total, huit entretiens ont été réalisés. Un premier entretien a été réalisé avec le Business Developer France & Wallonie au sein de l’entreprise CitizenLab123. Cet entretien a eu pour but de recueillir le point de vue de l’entreprise qui a

fourni les plateformes participatives aux différentes communes wallonnes. Il a ainsi permis de comprendre leurs ambitions, leurs objectifs et leurs stratégies. Ensuite, des entretiens ont été menés avec les personnes chargées de mettre en œuvre les plateformes au quotidien à Liège et à Flobecq, c’est-à-dire les gestionnaires administratifs. Ces entretiens ont eu pour but d’appréhender les effets de la plateforme sur la pratique de ses utilisateurs et de comprendre leur expérience, sans perdre de vue le contexte dans lequel celle-ci s’inscrit. Les directeurs stratégiques des opérations ont également été interrogés. Ces personnes sont les agents administratifs qui ont traduit les ambitions politiques en un plan stratégique. Leur point de vue permet d’appréhender le contexte dans lequel se sont inscrits les deux projets de participation citoyenne. À Flobecq, c’est la directrice générale qui a joué ce rôle. À Liège, c’est le directeur de la cellule « Stratégie et Développement ». Dans la perspective d’une étude compréhensive du processus engendré par les plateformes et dans le but de saisir la complexité du phénomène étudié, il était également nécessaire de cerner les ambitions politiques à l’origine des deux projets. Pour ce faire, des entretiens ont été menés avec le Bourgmestre de Liège et le Bourgmestre de Flobecq. Ces entretiens ont permis de recueillir leur vision concernant leur projet. Enfin, un entretien a également été réalisé avec la personne en charge du projet « RéinventonsLiège » dans le cabinet du Bourgmestre de Liège. Cette personne était chargée, d’une part, de faire l’intermédiaire

121 Pinto Louis, « « Neutralité axiologique », science et engagement. Une lettre de Pierre Bourdieu », Savoir/Agir, 2011/2 (N° 16), p. 109.

122 Pfefferkorn Roland, « L’impossible neutralité axiologique », Raison Présente, 2014/3, (N°191), p. 85-94.

123 C’est la personne chargée de convaincre les collectivités locales d’utiliser le produit proposé de l’entreprise CitizenLab.

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