• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 : UNE TRAJECTOIRE INATTENDUE

3.1. Côté pile, le discours

Une fois que la décision d’avoir recours à une plateforme de participation citoyenne en ligne est prise, un travail discursif commence donc pour les élus politiques. Les discours formulés à Flobecq et à Liège sont très ressemblants.176 Ils sont tous construits sur quatre

thématiques. Premièrement, ils pointent une mutation de la société qui implique une nouvelle façon de penser la gestion d’une commune. Selon les Bourgmestres, depuis quelques années, notre société doit faire face à de nouveaux enjeux : la diminution des ressources financières et l’intégration des nouvelles technologies ainsi que l’arrivée du numérique dans la vie quotidienne :

« La gestion des Villes a été complètement bouleversée par la technologie. […] On ne va pas toujours dire “Ben… on a toujours fait comme ça, on ne va pas changer”. Donc, ici, on a ouvert avec cette opération, on a ouvert les portes et les fenêtres de la Ville sur un nouveau monde. Et on n’a pas pris des

années de retard »177

Dans une telle perspective, le lancement d’une plateforme en ligne est l’incarnation de leur ambition de surfer sur la nouvelle vague technologique plutôt que de la subir :

« Et donc, nous on essaie vraiment de se positionner comme une petite commune rurale mais très ouverte aux technologies »178

Deuxièmement, ils insistent sur le fait que l’intégration des nouvelles technologies dans la gestion de la commune permet une modernisation de l’action publique. Les élus expliquent ainsi que la plateforme, par son côté numérique, est un instrument moderne

176 Ils reprennent également les traits caractéristiques de la plupart des discours formulés par les promoteurs des « Smart City ». Voir Ghorra-Gobin Cynthia, « Smart City : ‘fiction’ et innovation stratégique . Avant-propos », Quaderni,2018/2

15. - 5 (N° 96), p.

177 Entretien avec le Bourgmestre de la Ville de Liège, le 12 juillet 2018.

qui permet de nouvelles possibilités dans le gouvernement des affaires publiques. Elle permet donc, selon eux, une meilleure gouvernance :

« Ce n’est pas seulement pour des raisons électoralistes, hein. Bon, moi je dois me faire réélire et je ne dois pas être balayé par un jeune type de 35 ans qui serait plus branché que moi, hein… Mais, je pense

qu’une Ville bien gouvernée doit s’inscrire dans cette optique-là. […] La plateforme c’est la conséquence de la démarche modernisation »179

Troisièmement, les deux bourgmestres expliquent également que, dans la perspective d’une meilleure gouvernance, le projet de plateforme en ligne a été lancé car il permet de montrer que la commune est à l’écoute des citoyens et ouverte au dialogue. L’interactivité qui caractérise la plateforme permet ainsi une « co-construction » de projets publics et, de ce fait, une meilleure entente entre la population et les élus politiques. Le Bourgmestre de Flobecq, afin d’expliquer ceci, a pris l’exemple de la problématique de la circulation des camions en zone rurale dans sa commune :

« Je pense que les technologies nous permettent d’avoir une interactivité plus grande. […] Nous, on a un problème (le passage de camions sur les routes communales). La commune, en tant que responsable communale, on a un problème. Les citoyens en ont parce que il y a de l’insécurité liée au

poids lourds. Puis on discute comme ça, par le biais de la plateforme, et des idées apparaissent, elles sont intéressantes et on les met en place »180

Quatrièmement, les discours des élus politiques concernant la plateforme de participation citoyenne en ligne sont tournés vers le futur. Ils présentent les plateformes comme des outils d’avenir. Dans ce sens, elles seraient ainsi le symbole d’un renouveau :

« On a été très vite et donc on est dans le peloton des Villes qui font ça. Et qui vont marquer des points dans l’avenir. C’est-à-dire… marquer des points ça veut dire vivre mieux et moins cher. Grâce aux

technologies. Grâce au fait de réfléchir ensemble »181

« Et je l’ai fait notamment pour définir un projet dans le cadre de la future législature. Moi, je souhaite que les citoyens soient impliqués dans la définition du projet futur de la commune »182

Dans ce contexte, la plateforme serait l’emblème d’un changement de paradigme183

dans le sens développé par Peter Hall.184 Dans cette perspective, la mutation de la

société aurait provoqué un changement des priorités pour les élus politiques. Elle aurait modifié leur vision du monde et elle aurait créé la nécessité d’organiser autrement la vie

179 Entretien avec le Bourgmestre de la Ville de Liège, le 12 juillet 2018.

180 Entretien avec le Bourgmestre de la commune de Flobecq, le 15 juillet 2018. 181 Entretien avec le Bourgmestre de la Ville de Liège, le 12 juillet 2018.

182 Entretien avec le Bourgmestre de la commune de Flobecq, le 15 juillet 2018. 183 Pour une définition de la notion de paradigme, voir la note de bas de page n°70.

184 Hall Peter, « Policy Paradigms, Social Learning, and the State : The Case of Economic Policymaking in Britain », Comparative Politics, 993/4 (Vol. 25, N°3), p. 275-296 ; Richard Frève Emilie, « Le rôle des idées dans la formulation des politiques publiques » dans Paquin Stéphane (dir.) L’analyse des politiques publiques, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, Coll. « Paramètres », 2010, p.125-161.

communale. La plateforme de participation citoyenne serait alors un instrument capable de résoudre les nouveaux problèmes liés aux nouveaux enjeux de la société.

Documents relatifs