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Le Mécanisme de Surveillance Unique des établissements de crédit européens : analyse critique[BR]- Un stage à la Banque Nationale de Belgique dans la matière du droit des affaires[BR]- Une épreuve orale de simulation de plaidoirie en matière de droit fisc

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Texte intégral

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Département de Droit

Le Mécanisme de Surveillance Unique des établissements

de crédit européens : analyse critique

Antoine P

ORTELANGE

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en droit des affaires.

Année académique 2018-2019

Recherche menée sous la direction de : Monsieur Philippe-Emmanuel PARTSCH Professeur (ULiège) et Avocat Partner (Arendt & Medernach)

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R

ESUME

Opérationnel depuis le 4 novembre 2014, le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU) est l’attribution à la Banque Centrale Européenne (BCE) de la supervision prudentielle des établissements de crédit de la zone euro. La BCE exerce cette compétence directement pour les banques considérées comme importantes et indirectement, par le biais des superviseurs nationaux, pour les banques moins importantes.

La présente contribution a pour objet l’analyse de ce mécanisme d’importance cruciale dans le paysage bancaire européen. A défaut de réaliser une description complète et détaillée, nous avons préféré une approche critique et ciblée sur les aspects que nous estimons fondamentaux. Notre approche se divise en deux temps : une analyse du cadre institutionnel, suivie de l’exposé du fonctionnement matériel.

Dans le cadre de la première partie, l’accent est mis sur la base légale et le choix de la BCE d’une part et sur la gouvernance de cette dernière agissant en tant que superviseur prudentiel central d’autre part.

La seconde partie est majoritairement ciblée sur le partage des compétences entre la BCE et les autorités nationales ainsi que les moyens d’exercice pratiques de ces compétences.

L’objectif du présent travail est de mettre en exergue les enjeux du MSU, parfois ses fragilités, afin de démontrer que même s’il existe et fonctionne depuis maintenant plusieurs années, le MSU est loin d’être parfait. Il subsiste en effet encore quelques imprudences du passé qui pourraient menacer l’intégrité du mécanisme, ainsi que des défis futurs pour en assurer l’efficacité.

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R

EMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer toute ma gratitude envers les personnes qui ont contribué, directement ou non, à la réalisation du présent mémoire.

Tout d’abord, je tiens à remercier mon promoteur et professeur, Maître Philippe-Emmanuel Partsch, pour avoir encadré mon travail et plus généralement pour ses précieux enseignements. Ensuite, je remercie tout particulièrement vivement Monsieur Jean-Pierre Deguée, premier Conseiller juridique à la Banque Nationale de Belgique, pour m’avoir apporté son aide inconditionnelle tout au long de l’élaboration de mon mémoire et pour avoir accepté d’en être le premier lecteur.

Enfin, je remercie Liesbeth Denturck et Magali Paulis, conseillères au service juridique de la Banque Nationale de Belgique, pour les pistes de réflexion qu’elles m’ont données.

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ... 8

i. Origines du MSU ... 8

ii. Supervision et régulation ... 9

iii. Présentation générale du Mécanisme de Surveillance Unique ... 10

iv. Objet et plan du mémoire ... 12

PARTIE 1 :DROIT INSTITUTIONNEL ... 13

1.1. La Banque Centrale Européenne, superviseur au centre du Mécanisme de Surveillance Unique : pourquoi et comment ? ... 13

1.1.1. La base légale ... 13

i. Le choix de l’article 127, paragraphe 6 du TFUE ... 14

ii. Développements critiques ... 14

iii. Conclusion ... 16

1.1.2. Le choix de la BCE ... 17

i. Justifications en faveur de la BCE ... 17

ii. Limites et risques ... 18

iii. Conclusion ... 20

1.2. Gouvernance de la BCE en tant que superviseur prudentiel : analyse ciblée du Conseil de surveillance ... 21

1.2.1. Le fonctionnement de la BCE articulé autour du Conseil de surveillance ... 21

i. Présentation ... 21

ii. Légitimité du Conseil de surveillance ... 22

1.2.2. Indépendance vis-à-vis de l’extérieur ... 24

i. Les représentants des ACN membres du Conseil de surveillance : théoriquement indépendants... 25

ii. Analyse approfondie et critique de cette indépendance ... 25

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PARTIE 2 :DROIT MATERIEL ... 28

2.1. Partage des compétences ... 28

2.1.1. Exclusivité de compétence dans le chef de la BCE ... 28

i. Principe du partage des compétences ... 29

ii. Exclusivité de compétence de la BCE et dérives ... 30

2.1.2. Les compétences en pratique ... 32

i. Compétences générales exclusives de la BCE ... 32

ii. Compétences partagées selon la taille des établissements de crédit ... 35

iii. Compétences en cas de scénario transfrontalier ... 36

2.2. Moyens d’exercice des compétences prudentielles par la BCE ... 38

2.2.1. Pouvoirs et instruments de supervision ... 38

i. Pouvoirs d’enquête et collecte d’informations ... 39

ii. Instruments légaux de la BCE ... 40

iii. Cas particulier des sanctions administratives ... 40

2.2.2. Dédoublement des normes et application du droit national par la BCE ... 42

i. Application du droit national directement par la BCE ... 42

ii. Usage des pouvoirs nationaux des ACN sur demande de la BCE ... 44

CONCLUSION ... 46

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I

NTRODUCTION

Le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU), premier et principal pilier1 de l’Union Bancaire européenne2, est l’un des remèdes aux crises financières survenues en Europe et ayant mis en exergue l’incapacité du cadre prudentiel en vigueur de prévoir et contrer le risque de crise. Son adoption par le biais du règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 (règlement MSU)3 constitue un pas décisif4 vers une consolidation du secteur financier européen.

Lors de cette introduction, on rappellera les origines du MSU, à savoir son contexte économique et politique. Ensuite, nous opérerons la distinction fondamentale et transversale de l’analyse du MSU entre supervision et régulation. Enfin, une brève présentation des grands principes de fonctionnement du Mécanisme lui-même permettra d’introduire le plan du présent travail avant de se lancer dans le cœur même de ce dernier : une tentative de critique. Il importe d’ores et déjà de souligner que ce mémoire n’a pas vocation à décrire le MSU5 mais plutôt apporter un

éclairage critique sur certains aspects de ce dernier.

i. Origines du MSU

La crise de 20086 a obligé les États à refinancer les acteurs du secteur financier avec l’argent

des contribuables7, ce qui a entaché la confiance des particuliers envers le monde de la finance mais également endetté les États. On craignait dès lors que ces derniers ne soient plus capables de soutenir eux-mêmes les banques8, ce qui constitue un risque immense pour la stabilité

1 S. M. SEYAD, « The impact of the Proposed Banking Union on the Unity and Integrity of the European Union’s

Single Market », 2013, J.I.B.L.R., Issue 3, p. 99. Trois trois piliers de l’Union bancaire sont : le Mécanisme de Surveillance Unique, le Mécanisme de Résolution Unique et la mise en place d’une garantie des dépôts uniformisée.

2 Pour une vue plus large de l’Union Bancaire, voir not. J. PISANI-FERRY, A. SAPIR, N. VÉRON et G. B.

WOLFF, « What Kind of European Bankin Union ? », Bruegel Policy Contribution, No. 12, 2012, L. HINOJOSA-MARTINEZ et J. MARIA BENEYTO (ed.), European Banking Union, The New Regime, Wolters Kluwer, 2015.

3 Règlement (UE) n ° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des

missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit, J.O.U.E., L 287/63, 29 octobre 2013.

4 Traduction libre de Press Release, Statement by President Barroso and Commissioner Barnier following the

Council's final approval of the creation of the Single Supervisory Mechanism for the eurozone, 15 octobre 2013, disponible sur <http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-899_en.htm?local=e>.

5 Cet exercice ayant déjà fait l’objet de plusieurs études dans le passé. Sur le MSU, voir not. E. WYMEERSCH,

« The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », 2014, Working Paper

Research, No 255, National Bank of Belgium.

6 Sur la crise grecque et puis souveraine, voir not. F. MARTUCCI, « Le juge et la crise de la dette souveraine », J.C.P. (éd. E)¸2015, p.851, cité par T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, Bruxelles, Bruylant, 2018, p. 5.

7 Voir le considérant (6) du règlement MSU.

8 Dans le cadre de la présente contribution, le vocable « banque » est parfois utilisé pour désigner un

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financière de l’Union Européenne9. Face à cette situation d’interdépendance entre faillite des

établissements de crédit et endettement dangereux des États10, il était « impératif de briser le

cercle vicieux qui existe entre les banques et les États »11 en Europe. Cela a été rendu possible par la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) et plus largement ensuite par la création d’une Union Bancaire. Cependant, l’Allemagne n’a souhaité opérer une telle recapitalisation qu’à la condition de créer un mécanisme unique de surveillance12 confiant une supervision centralisée à la Banque Centrale Européenne (BCE), ce

qui assurerait la confiance de tous les États participants en une supervision de qualité et impartiale13.

En outre, selon les considérants du règlement MSU, la fragmentation du secteur financier constitue également une menace envers l’intégrité du marché intérieur14 et il convenait dès lors « d’intégrer d’avantage les compétences en matière de surveillance »15. Cela s’explique notamment car, compte tenu du caractère systémique et international des crises passées, on ne peut plus considérer aucun problème majeur comme purement national et les seules réponses nationales se sont montrées insuffisantes16.

Dans ce contexte particulièrement chaotique au niveau économique, doublé d’un chantage politique autour du MES17, le règlement MSU fut adopté à l’automne 2013 au terme d’un processus législatif rapide compte tenu de la menace de nouvelles crises financières. Il devint opérationnel un an après, le 4 novembre 2014.

ii. Supervision et régulation

Avant de présenter succinctement le MSU, il convient de rappeler la distinction élémentaire entre la supervision et la régulation. La régulation est définie dans le rapport de Larosière18 comme « l’ensemble des règles (…) gouvernant les institutions financières et ayant pour objectif de favoriser la stabilité financière et la protection des consommateurs de services

9 L. WISSINK, « Challenge to and Efficient European Centralised Banking Supervision (SSM) : Single Rulebook,

Joint Supervisory Teams and Split Supervisory Tasks », European Business Organization Law Review, 2017, Vol.18(3), p. 433.

10 S. GERLACH, A. SCHULZ et G.B. WOLFF, « Banking and Sovereign Risk in the Euro Area », Center for Economic Policy Research, 2010 Discussion Paper No. 7833. Cet article traite de cette question

principalement au niveau de la zone euro.

11 Press Release, Conseil Européen, Déclaration du Sommet de la Zone Euro, disponible sur

<http://europa.eu/rapid/press-release_DOC-12-7_fr.htm, 26 juin 2012>.

12 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique : analyse juridique », D.B.F.-B.F.R., 2015/1-2, p. 12 13 L. WISSINK, « Challenge to and Efficient European Centralised Banking Supervision (SSM) … », op. cit., p.

433.

14 Voir le considérant (2) du règlement MSU. 15 Voir le considérant (5) du règlement MSU.

16 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, Bruxelles, Bruylant, 2018, pp.

5-7.

17 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 14.

18 J. DE LA ROSIÈRE, rapport, The High-Level group on Financial supervision in the EU, Bruxelles, 25 février

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financiers »19 et la supervision, quant à elle, est le « processus conçu pour surveiller les institutions financières afin que celles-ci respectent correctement [ces] règles (…) »20.

Cette distinction, théorique à ce stade de la contribution, est riche de conséquences. En effet, la régulation européenne demeure en partie dans les dispositions nationales qui transposent le droit dérivé européen. Or, cette dualité implique de potentielles différences législatives qui compliquent la tâche de la BCE21 puisque cette dernière est désignée comme superviseur au cœur du MSU et doit appliquer les règles de régulation22.

En outre, alors que ces deux aspects font partie d’un même système et qu’on associe régulièrement l’autorité définissant les règles et celle qui les applique23, on peut s’étonner que

la BCE ne possède que des pouvoirs de régulation très limités24 lorsqu’elle agit en tant que superviseur prudentiel centralisé25 et ainsi craindre des frictions avec d’autres entités régulatrices européennes comme l’Autorité Bancaire Européenne (ABE).

iii. Présentation générale du Mécanisme de Surveillance Unique

Au terme des négociations autour de la supervision prudentielle, il fut décidé de centraliser26 la supervision des établissements de crédit relevant du droit des États membres de la zone euro en confiant la surveillance à une autorité mixte. Celle-ci est composée de la BCE et des Autorités Nationales Compétentes pour la supervision (ACN) des États membres participant au MSU27. Dans les normes créant une institution de contrôle bancaire, il est essentiel de présenter clairement les objectifs de l’autorité de supervision (à savoir la finalité de sa mission), de déterminer l’objet de sa mission (c’est-à-dire les fonctions et tâches dont l’autorité est responsable pour atteindre ses objectifs), et enfin les pouvoirs et instruments qu’elle possède pour y parvenir28.

Selon le considérant (30) du règlement, l’objectif principal du MSU est tout d’abord de « garantir la sécurité et la solidité des établissements de crédit, la stabilité du système financier

19 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., pp. 11-12. 20 Ibid, p.12.

21 Infra, lorsque nous aborderons la question de l’application par la BCE du droit national dans le cadre du MSU. 22 E WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », 2014,

Working Paper Research, No 255, National Bank of Belgium, p. 14.

23 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., p. 12.

24 Comme nous l’expliquons infra, la présente contribution n’expose pas en profondeur les conflits entre la BCE

et l’ABE mais nous conseillons toutefois le lecteur de s’y intéresser.

25 Au contraire de la BCE en tant que Banque Centrale. Voir G. FERRARINI, « Single Supervision and the

Governance of Banking Markets : Will the SSM Deliver the Expected Benefits », European Business

Organization Law Review, 2015, Vol.16(3), pp. 531-535

26 Pour l’état de la supervision dans l’Union européenne avant la centralisation et les différents modèles appliqués,

voir not. L.M. GUTU et V. ILIE, « Banking supervision in European Union », Practical Application of

Science, Vol.I(2 (2/2013)), 1er octobre 2013, pp. 121-130. 27 Voir article 2(9) du règlement MSU.

28 W. BOSSU et D. CHEW, « But we are different! » : 12 Common Weaknesses in Banking Laws, and What to

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de l’Union et de chacun des États membres participants ». Il garantit en plus l’intégrité du marché intérieur et la protection des déposants29.

Ensuite, la BCE est exclusivement compétente pour accomplir la mission de contrôle30 relative à cet objectif pour tous les établissements de crédit agréés dans les États membres participants31. L’article 4 du règlement énumère en outre une série de tâches incombant à la BCE et s’inscrivant dans cette mission de contrôle. Il faut cependant lire cet article en parallèle avec l’article 6(4) du règlement car l’exercice des compétences est réparti entre la BCE et les ACN selon l’importance des établissements surveillés32. Pour l’essentiel, le mécanisme prévoit que

la BCE est directement compétente pour la supervision des établissements considérés comme importants et indirectement pour les établissements moins importants, l’exercice de la supervision directe restant de la compétence des ACN. En outre, la BCE est responsable de l’application cohérente et efficace du MSU et garde un certain contrôle sur l’exercice des compétences des ACN prévues dans le règlement MSU33 car elle peut leur donner des

instructions et même leur reprendre la supervision directe34.

Enfin, pour la mise en œuvre de ses missions prudentielles, le règlement MSU octroie à la BCE plusieurs pouvoirs d’enquête spécifiques qu’elle peut directement appliquer35 (avec l’aide des ACN) mais également la possibilité d’appliquer directement le droit national des États membres ou de demander aux ACN d’en faire usage36. De plus, la BCE s’est vue accorder un

pouvoir de sanction administrative37 et, à nouveau, la possibilité de requérir des ACN qu’elles entament des procédures en vue d’infliger des sanctions en vertu de leur droit local38.

29 Voir considérant (30) du règlement MSU. Autrement dit et selon le guide relatif à la supervision bancaire de la

BCE sur lequel nous reviendrons infra, l’objectif est triple :

- Garantie la sauvegarde et la solidité du système bancaire européen ; - Accroître l’intégration et la stabilité financières ;

- Assurer une surveillance cohérente.

30 Dans la version française du règlement MSU, le vocable « missions » est utilisé en traduction de la version

anglaise qui utilise le vocable « tasks » (« tâches », si on s’en tient à une traduction littéraire). Dans le cadre d’une lecture en parallèle avec le guide du FMI (FMI Working Paper, op. cit.), les « missions » du règlement correspondent également aux « tasks ».

31 Voir considérants (15) et (16) du règlement MSU. Par « États membres participants », il faut comprendre les

États dont la monnaie est l’euro. En outre, des États membres dont la monnaie n’est pas l’euro peuvent décider de rejoindre le MSU mais pour l’instant, aucun n’a fait un tel choix.

32 Infra, lorsque nous aborderons le partage des compétences dans le MSU.

33 En effet, puisque selon le considérant (15) du règlement MSU, « les autres missions de surveillance devraient

rester du ressort des autorités nationales », le règlement ne peut porter que sur des missions qui se trouvent dans son texte et pas au-delà.

34 Voir article 6(5) du règlement MSU.

35 Voir articles 9 et suivants du règlement MSU. 36 Voir article 9(1) du règlement MSU.

37 Voir article 18 du règlement MSU. Sur le pouvoir de sanction de la BCE en matière de surveillance prudentielle,

voir not. T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., pp. 161-168, qui cite également not. J.-P. KOVAR et J. LASSERRE CAPDEVILLE, « Le pouvoir de sanction de la BCE en matière de surveillance prudentielle », Banque, novembre 2014, N°777, p. 91.

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iv. Objet et plan du mémoire

Après cette introduction succincte mais essentielle visant à effectuer un état descriptif du Mécanisme de Surveillance Unique, la présente contribution pour objet de l’examiner sous un angle critique. Notre critique se veut constructive, raison pour laquelle nous ne traiterons que de points susceptibles d’être remis en cause sur base d’arguments juridiques et faisant l’objet de discussions par la doctrine. Si les praticiens quotidiens du MSU lui trouvent beaucoup de défauts39, nous avons décidé de n’en aborder que certains.

Dans un premier temps, nous exposerons le MSU d’un point de vue institutionnel. Nous verrons d’abord la désignation de la BCE comme superviseur au centre du MSU et remettrons en cause ce choix et sa base légale. Nous étudierons ensuite le cadre organisationnel de la BCE en tant que superviseur prudentiel, surtout sous le prisme de son organe central : le Conseil de surveillance. Nous traiterons dans ce cadre également de la question de l’indépendance vis-à-vis des tiers à la BCE au sein et en dehors du MSU.

Dans un second temps, nous nous pencherons sur le fonctionnement matériel du MSU. A cet égard, nous discuterons plus longuement de la question du partage de l’exercice des compétences, tant au niveau théorique par l’analyse du caractère exclusif de la compétence de contrôle prudentiel de la BCE qu’au niveau pratique via un exposé de l’articulation de facto. Pour finir, nous aborderons l’exercice de ces compétences, et ce principalement par la BCE. A nouveau, il est bon de garder à l’esprit que le présent travail ne traite que de questions ciblées et n’a pas pour objet un descriptif complet du MSU. Nous renverrons donc, le cas échéant, le lecteur à d’autres articles de doctrine pour un complément d’informations.

39 Des entretiens avec des conseillers juridiques de la Banque nationale de Belgique, notamment, nous ont permis

de dégager un très grand nombres de pistes de réflexion critique sur le MSU. Cependant, dans le cadre d’un travail de fin d’études, nous avons choisi de traiter pour l’essentiel d’aspects purement juridiques et se concentrer sur des points compréhensibles et intéressants pour tout un chacun, pas seulement pour les « praticiens du MSU ».

(15)

P

ARTIE

1 :

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I

NSTITUTIONNEL

1.1. L

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POURQUOI ET COMMENT

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A l’origine de la création du MSU, il y a toujours un consensus politique reposant sur un fondement juridique. A l’image des fondations d’un bâtiment, la base juridique et le choix de l’institution qui portent le mécanisme constituent deux aspects élémentaires et cruciaux. Si au cours du travail, nous avons choisi de cibler des points examinés en raison de leur intérêt, ce chapitre s’est imposé de lui-même par son importance. En effet, afin de réaliser une étude efficace, il convient de repartir de la source, la base légale.

1.1.1. La base légale

Au moment des crises, le besoin pressant de l’instauration d’une Union Bancaire comprenant entre autres le Mécanisme de Surveillance Unique a obligé le législateur européen à agir urgemment.

Par nécessité, il s’est autorisé des écarts d’abord au niveau de la législation primaire par le biais notamment d’une interprétation très large des Traités. Ce procédé fut préféré à une longue procédure de révision. Ce phénomène s’observe également au niveau des législations secondaires où, par exemple, les règlements ont remplacé les directives40. Permettant certes une

adoption du MSU dans des délais plus brefs, cela a eu comme conséquence de le fragiliser.

i. Le choix de l’article 127, paragraphe 6 du TFUE

Le règlement MSU se fonde sur le 6e paragraphe de l’article 127 du TFUE, lequel se trouve

dans le chapitre relatif à la politique monétaire. Cet article énumère les tâches du Système Européen de Banques Centrales (SEBC) qui comprend la BCE et les banques centrales des 28 États Membres41.

Le SEBC n’obtient lors de son entrée en vigueur qu’une compétence secondaire en matière de contrôle prudentiel42. En effet, de nombreux obstacles font obstruction, à cette époque, à une

40 G. MONTI et C. A. PETIT, « The Single Supervisory Mechanism : legal fragilities and possible solutions », Ademu Working Papers Series WP 2016/016, Mai 2006, p. 12.

41 Sur le SEBC, voir not. S. ADALID, La Banque centrale européenne et l’Eurosystème : Recherches sur le renouvellement d’une méthode d’intégration, Bruxelles, Bruylant, 2015.

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centralisation de la surveillance des établissements financiers43. Ainsi, le 5e paragraphe de l’article 127 du TFUE prévoit simplement une participation du SEBC dans le cadre de la formulation et la conduite des politiques de contrôle prudentiel menées par les ACN44.

Cependant, les oppositions sont petit à petit tombées et un accord politique sur l’octroi à la BCE de compétences en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit s’est finalement dégagé. C’est donc le paragraphe 6 de l’article 127 du TFUE qui est mis en œuvre. Il prévoit que « le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à une procédure législative spéciale, à l’unanimité, et après consultation du Parlement européen et de la Banque centrale européenne, peut confier à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers, à l’exception des entreprises d’assurances »45.

ii. Développements critiques

Premièrement, l’article prévoit une procédure de révision spécifique et simplifiée qui se distingue des procédures de révision simplifiée générales prévues par le Traité46. En effet, cette procédure spécifique va plus loin que l’article 48(6) du TUE car elle permet d’étendre directement les compétences de la BCE, institution de l’Union européenne. En outre, elle dépasse également l’article 48(7) du TUE qui prévoit une simple facilitation de l’adoption d’actes pour les institutions européennes47.

De plus, conformément à l’article 127(6) du TFUE, le Parlement européen ne fut impliqué que par voie de consultation dans le processus de décision concernant l’adoption du MSU. Effectivement, la disposition prévoit qu’il appartient seulement au Conseil d’octroyer ces compétences nouvelles à la BCE, sur consultation de la BCE et du Parlement.

Il est marquant qu’une telle prérogative de révision simplifiée exceptionnelle puisse être confiée exclusivement au Conseil, organe uniquement intergouvernemental, sans contrepoids immédiat d’une institution représentant les intérêts européens ou des citoyens directement. Heureusement, le Parlement a finalement eu la possibilité d’influencer48 indirectement (et

surtout politiquement) le MSU lorsqu’il est intervenu lors de l’amendement du règlement ABE49 conséquent à l’instauration du MSU50. In fine, le Parlement fut même profondément

43 Par exemple : des divergences entre les régimes nationaux, le fait que les banques centrales des États membres

ne sont pas toutes en charge de la supervision prudentielle43, des réserves émises par des États membres à

propos du transfert d’une prérogative dont l’importance est capitale,…

44 Voir article 127(5) du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne. 45 Voir article 127(6) du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne. 46 Voir article 48(6) et (7) du Traité sur l’Union Européenne.

47 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 19. 48 G. MONTI et C. A. PETIT, op. cit., p. 2.

49 Règlement (UE) 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité

européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission, J.O.U.E., L 332, 15 décembre 2010, pp. 12-47.

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impliqué dans l’adoption du texte qui a d’ailleurs été amendé sur sa proposition, ce qui a permis de contrebalancer les pouvoirs européens concernés51.

Deuxièmement, la formulation de la base légale du MSU prévoit la possibilité de conférer des « missions spécifiques » à la BCE relatives à la surveillance prudentielle. Par conséquent, la compétence de principe devrait rester au niveau national, comme l’indiquent d’ailleurs les considérants du règlement MSU52, et seules des tâches clairement définies et listées exhaustivement peuvent être attribuées. L’adjectif « spécifique » se distingue en fait de compétences « générales » qui pourraient alors englober l’ensemble de la supervision prudentielle bancaire53. Ensuite, ces missions doivent avoir « trait aux politiques », ce qui devrait vouloir dire qu’elles relèvent plutôt de la conception que de l’exercice du contrôle lui-même54. En effet, la politique se caractérise par la définition d’une ligne d’action basée sur des objectifs et des moyens55 et non pas sur l’action elle-même. Cela nous semble d’autant plus logique que l’article 127(5) du TFUE, pour rappel, prévoit que le SEBC (dont le BCE fait partie) participe à l’élaboration des politiques prudentielles des ACN. S’agissant seulement de préparer des études et des rapports pour l’adoption de règles prudentielles par d’autres institutions, la BCE s’y attèle en réalité depuis des années56.

Si on ajoute à cela nos développements ci-dessus sur la procédure exceptionnelle, il semblerait qu’une interprétation stricte de l’article 127(6) du TFUE doit prévaloir57. Or, il parait évident,

à la lecture du règlement MSU, que le législateur s’est permis une interprétation très large de la disposition qui dépasse, et de loin, l’attribution de compétences qu’elle avait initialement prévues.

En effet, le règlement prévoit une compétence générale et exclusive de la BCE en ce qui concerne la surveillance de tous les établissements de crédit, lui permettant de prendre des décisions individuelles ou générales contraignantes et lourdes de conséquences (en particulier l’octroi et le retrait d’agrément), des sanctions administratives, des décisions adoptant des mesures d’investigation,… Ceci est non seulement loin d’être limités aux « politiques » prudentielles mais semble également étendre les compétences de la BCE jusqu’à une quasi plénitude, s’écartant de l’idée de simple « tâches spécifiques ». D’aucuns argumenteraient en sens inverse que le caractère exhaustif de la liste des compétences de l’article 4 du MSU suffit à prétendre à une interprétation stricte du traité mais la lecture globale du règlement (considérants compris) et son application conduisent à penser que les compétences soi-disant résiduelles des autorités nationales sont de facto très limitées58. En effet, elles ne demeurent

51 E WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit., p.

2.

52 Voir considérant (15) du règlement MSU. 53 G. MONTI et C. A. PETIT, op. cit., p. 3.

54 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 19.

55 G. CORNU, Vocabulaire juridique (Capitant), PUF, 6ème édicition, 2004, p. 679, cité par P.-E. PARTSCH, « Le

Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 19.

56 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,

p. 17.

57 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 20. 58 Infra, lorsque nous aborderons le partage des compétences dans le MSU.

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finalement compétentes que pour quelques matières anecdotiques comme la protection des consommateurs ou la lutte contre le blanchiment d’argent59.

Enfin, certains auteurs ont mis en exergue que l’article 127(6) devrait s’appliquer à tous les États membres de l’Union et pas seulement à ceux dont la monnaie est l’euro60. Cet article fait partie du chapitre sur l’Union Monétaire, qui est supposée s’appliquer également à l’ensemble des États membres mais profite d’une dérogation temporaire selon l’article 137 du TFUE. Cependant, l’article 127(6) ne fait pas partie de la liste des dispositions pouvant faire l’objet de ladite dérogation61. Il ne profite pas non plus du régime d’exception pour l’Irlande et la Grande-Bretagne62. L’argument tiré du fait que l’article 127 fait partie des pouvoirs de la BCE et que donc, automatiquement, il ne s’applique qu’aux pays dont le monnaie est l’euro ne nous semble pas pertinent dès lors que la restriction à certains États membres ne concerne que les fonctions monétaires de la BCE63.

iii. Conclusion

Finalement, la solution tirée de l’interprétation large de l’article 127(6) du TFUE pour instaurer le MSU apparait comme très fragile et ne devrait, par conséquent, qu’être provisoire. S’il fallait, au moment de la création de l’Union Bancaire, éviter à tout prix la lenteur et les obstacles politiques découlant d’une révision traditionnelle des Traités, elle semble désormais tout à fait possible et nous parait même essentielle. Déjà avant l’adoption du règlement, l’Allemagne, comme d’autres États membres, considérait que le Traité tel quel ne suffirait pas et qu’une révision était inévitable64 mais ce pays accepta de mettre de côté ses convictions afin de servir le dessein essentiel de résolution de la crise financière65.

Sur le long terme, des auteurs prônent notamment l’ajout d’un objectif de stabilité financière à l’article 3 du TUE66, l’insertion d’un chapitre sur l’Union Bancaire dans le titre sur l’Union

Monétaire Européenne (UME) ou encore un transfert total des responsabilités relatives à la supervision au niveau européen par le biais d’une gouvernance totalement autonome67.

59 Voir considérant (28) du règlement MSU. A cet égard, il faut distinguer ces prérogatives purement nationales et

qui demeurent du ressort des ACN de leurs prérogatives obtenues en vertu du règlement MSU. Les compétences en matière de blanchiment et de protection des consommateurs font partie des premières.

60 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,

p. 18 et plus précisément la note de bas de page 81.

61 M. NIKNEJAD, « European Union towards the Banking Union, Single Supervisory Mechanism and Challenges

on the Road Ahead », European Journal of Legal Studies, 2014, 84, pp. 100-101.

62 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,

p. 18.

63 M. NIKNEJAD, op. cit., p.101.

64 J. BRUDSEN, « EU Set to Clash on Bank Deal as Germany Sees Treaty Limit », Bloomsberg Business Week,

avril 2013, cité dans M. NIKNEJAD, op. cit., p. 94.

65 M. NIKNEJAD, op. cit., pp. 94-95.

66 IMF Country Report, « European Union : Financial System Stability Assessment », 2013, No. 13/75, IMF, §30,

p. 22, cité dans G. MONTI et C. A. PETIT, op. cit., p. 12.

(19)

1.1.2. Le choix de la BCE

Comme nous l’avons déjà exposé, l’institution désignée comme la pierre angulaire du fonctionnement du MSU et à laquelle sont confiées les principales responsabilités en matière de surveillance est la Banque Centrale Européenne. Bien que plusieurs raisons justifient ce choix, il convient de s’interroger sur sa pertinence.

i. Justifications en faveur de la BCE

Tout d’abord, le choix de la BCE se justifie par une simple question de facilité. En effet, la création d’une nouvelle entité spéciale en charge de la supervision bancaire aurait demandé une révision du Traité68, révision redoutée et évitée à tout prix. Or, comme nous l’avons vu, un article du Traité prévoyait déjà d’autoriser la BCE à exercer des compétences prudentielles69.

Ensuite, comme il l’est rappelé dans les considérants du règlement MSU, la BCE est la mieux placée pour assurer la surveillance du secteur financier, dès lors qu’elle jouit d’ores et déjà d’une expertise macroéconomique et en matière de stabilité financière70. Cela lui assure en outre

une crédibilité supérieure, notamment par rapport à l’ABE dont la réputation fut écornée par son incapacité à prévoir les crises71. Cette dernière est en sus une agence72, ce qui rendait plus

difficile une potentielle délégation de compétences en vertu de la doctrine dite Meroni73, au contraire de la BCE qui est une institution européenne à qui le Traité lui-même prévoyait déjà de déléguer des compétences. Ceci étant, l’Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF) qui a été instaurée au même moment et au même titre que l’ABE74, s’est vue confier

postérieurement des compétences de contrôle et de surveillance75. L’ABE souhaiterait sans

doute profiter du même sort.

En outre, parmi les considérations politiques et bien que la mise en œuvre concrète s’en démarque, il fut mis en avant que le cumul des compétences prudentielles avec les compétences en matière de politique monétaire peut s’avérer utile. D’une part, le contexte de grande instabilité réclame une centralisation et une coordination des différentes politiques financières.

68 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,

p. 16.

69 Ibid, p. 17.

70 Considérant (13) du règlement MSU.

71 Et cela malgré l’organisation de stress tests. Voir P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique

… », op. cit., p. 15.

72 Malgré le choix peu fortuit de son appellation.

73 C.J.U.E., arrêt Meroni & Co., Industrie Metallurgiche, società in accomandita semplice c. Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, 13 juin 1958, C-9/56, ECLI:EU:C:1958:8. La doctrine

Meroni concerne la mesure dans laquelle les institutions de l'UE peuvent déléguer leurs tâches à des agences, comme l’ABE en l’occurrence. Elle est controversée, notamment parce serait désormais détachée de la réalité, compte tenu de la complexité croissante des compétences de l’Union européenne.

74 Voir not. P.-E. PARTSCH, Droit bancaire et financier européen, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 337-361. 75 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., p. 128.

(20)

De plus, les deux pans des activités de la BCE sont sensiblement connectés, de sorte que les informations et pouvoirs dont profite la Banque pour ses missions de surveillance s’avèrent très utile à la politique monétaire. A titre d’exemple, la BCE en tant que banque centrale, a vocation en période de crise à procurer des sommes d’argent conséquentes à des banques dont il est préférable qu’elle connaisse parfaitement l’état de santé par le biais de ses pouvoirs prudentiels76.

La BCE s’était d’ailleurs déjà vue reconnaitre un certain rôle en matière de surveillance prudentielle lors de la création du Comité Européen du Risque Systémique (CERS) qui lui fut adossée. Cependant, il a été décidé de ne confier aucune compétence en matière micro-prudentielle et de ne pas intégrer pleinement le CERS à la BCE77. Cette décision démontre les réticences de longue date à l’idée de doubler les compétences en matière de politique monétaire de la BCE avec la surveillance prudentielle des banques...

ii. Limites et risques

Si des externalités positives d’un tel cumul étaient prévues lors de l’entrée en vigueur du MSU, elles semblent toutefois limitées et nuancées par des critiques.

Tout d’abord, la majorité des critiques à l’encontre d’une délégation de compétences prudentielles à la BCE relève du potentiel conflit d’intérêts avec la politique monétaire. Cette idée fut déjà mise en exergue au moment des crises par Jean de Larosière qui déconseillait d’articuler le MSU autour de la BCE78. Certains préféraient d’ailleurs confier la surveillance

des banques à l’ABE, malgré les difficultés que cela pouvait poser79. En effet, la peur d’une augmentation du risque d’aléa moral80 et de conflits d’intérêts entre l’exercice des deux

compétences a fait couler énormément d’encre durant les premières années du MSU81 et même

avant82. On craignait que l’objectif de stabilité des prix soit mis de côté au détriment des préoccupations à propos de la santé des banques. De même, d’aucuns prévoyaient que les devoirs de conduite de la politique monétaire affecterait les responsabilités de supervision de la BCE. Par exemple, en cas de récession, on peut imaginer que la BCE baisse ses standards de

76 V. IOANNIDOU, « A First Step Towards a Banking Union », dans T. Beck (ed.), Banking union for Europe : risks and challenge, 2013.

77 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., pp. 122-123.

78 J. DE LA ROSIÈRE, rapport, The High-Level group on Financial supervision in the EU, Bruxelles, 25 février

2009, n°171.

79 C. DE BOISSIEU, « La refonte de la régulation bancaire et financière : une vue perspective », Bull. Joly Bourse,

octobre 2012, §197, p. 456.

80 Voir not. T. BONNEAU, « Aléa moral et régulation financière », Bull. Jolu Bourse, décembre 2012, § 220, p.

526.

81 Voir not. B. COEURÉ, « Monetary Policy and Banking Supervision », symposium: “Central Banking: Where

Are We Headed?” in honour of Stefan Gerlach’s contribution to the Institute for Monetary and Financial Stability, Goethe University, Francfort, 7 février 2013.

82 Voir not. C. DI NOIRA et G. DI GIORGIO, « Should Banking Supervision and Monetary Policy Tasks be Given

(21)

supervision afin de supporter ses objectifs de politique monétaire83. La majorité de ces peurs sont difficilement vérifiables, même aujourd’hui alors que le MSU est entré en vigueur depuis plusieurs années, car elles sont susceptibles de se réaliser principalement dans un contexte de crise (comme dans notre exemple). Dès lors, elles nous semblent toujours pertinentes.

A défaut de s’être résorbé avec le temps, le risque de conflit d’intérêts a été contré par des garde-fous organisationnels et institutionnels84. En effet, le règlement MSU insiste lui-même sur le besoin de séparer les fonctions de la BCE85. Cependant, comme nous le verrons, la

conséquence de cela est un cloisonnement de la compétence prudentielle par l’instauration d’une instance décisionnelle spécifique et indépendante (le Conseil de Surveillance86) qui, in

fine, est presque entièrement distincte de la BCE. Dès lors, toute idée de coordination et de

cohérence des politiques financières arguées comme justification au choix discutable de la BCE perd en fondement et pertinence. D’un autre côté, le cloisonnement n’est pas parfait car le Conseil de surveillance dépend du Conseil des gouverneurs pour son organisation interne, ce qui peut poser problème puisque cela a vocation à réduire l’efficacité du chinese wall entre la politique monétaire et la supervision87. A titre d’exemple, on peut critiquer le fait que le Conseil de surveillance n’a aucun pouvoir sur le budget et les ressources affectées à la surveillance, de même que certains services (dont le crucial audit interne) participent aux deux fonctions88. Il y a donc à ce stade deux arguments totalement antagonistes qui sont tenus : le besoin de coordination des politiques financières par la centralisation de la politique monétaire et la surveillance prudentielle qui justifie qu’on double les compétences de la BCE d’une part et la nécessité de séparer presque totalement les deux fonctions au sein de la BCE d’autre part. Le législateur européen justifie le choix de la BCE par le premier argument mais garantit l’indépendance de la BCE en matière de politique monétaire par le second. Ceci nous parait contradictoire et traduit la fragilité du consensus qui s’est dégagé à propos de la BCE dans un contexte de crise et de la nécessité de construire sur une base juridique disponible immédiatement.

83 M. NIKNEJAD, op. cit., p. 98.

84 Infra, lors de l’exposé de la gouvernance interne de la BCE. 85 Voir article 25 du règlement MSU.

86 Voir article 26 du règlement MSU.

87 E. FERRAN et V.S.G. BABIS, « The European Single Supervisory Mechanism », University of Cambridge

Faculty of Law Research Paper, 10/2013, 2013, cité dans C. C. HU, The Regulation and Supervision of

Banks: The Post Crisis Regulatory Responses of the EU, Routledge Research in Finance and Banking Law,

2018, p. 12.

88 European Court of Auditors, « Mécanisme de surveillance unique les débuts sont réussis, mais des améliorations

(22)

iii. Conclusion

Cela nous ramène finalement à ce que nous disions à propos de la base légale : le besoin d’une réaction urgente à la crise justifie que les détracteurs du choix de la base juridique, qui s’efforcent de défendre une révision89, finissent par admettre postposer de cette révision, et que

les économistes déconseillant vivement une implication des banques centrales dans la surveillance prudentielle90 l’acceptent. Mais nous pourrions regretter de telles concessions si la

stabilité financière devait à nouveau être mise en péril de manière critique, telle que cela pourrait être le cas par exemple si un hard Brexit devait avoir lieu91. C’est la raison pour laquelle nous prônons une reconstruction plus solide du MSU à l’aide d’une révision du Traité et d’un organe spécialisé afin que l’objectif ambitieux du projet soit garanti par des fondations plus solides et durables.

89 P. SPIEGEL, « Schäuble Warns EU Bank Rescue Agency Needs Treaty Changes », Financial Times, Mai 2013,

cité par M. NIKNEJAD, op. cit., p. 95.

90 D. MASCIANDARO, « Back of the future? Central Banks as Prudential Supervisors in the aftermath of the

crisis », ECFR 2/2012, p.117.

91 R. PARTINGTON, « Bank of England says no-deal Brexit would be worse than 2008 crisis », The Guardian,

28 novembre 2018, disponible sur <https://www.theguardian.com/business/2018/nov/28/bank-of-england-says-no-deal-brexit-would-be-worse-than-2008-crisis>.

(23)

1.2. G

OUVERNANCE DE LA

BCE

EN TANT QUE SUPERVISEUR PRUDENTIEL

:

ANALYSE CIBLEE DU

C

ONSEIL DE SURVEILLANCE

Par gouvernance, on entend ici l’organisation interne de la BCE, telle qu’elle résulte du règlement MSU et des décisions de la BCE elle-même. A défaut de pouvoir, comme cela a déjà été fait par d’autres auteurs92, se pencher en profondeur sur les organes, les procédures de

décision, et autres éléments essentiels au fonctionnement de la BCE, nous avons pris la décision de concentrer notre analyse sur le Conseil de surveillance. Ce Conseil, nous le verrons, est selon nous la pièce maitresse de l’organisation de la BCE, de sorte que sa critique seule suffit à remettre en cause les choix du législateur européen en la matière. La présente contribution, volontairement lacunaire à la matière, peut nécessiter un complément d’information93.

1.2.1. Le fonctionnement de la BCE articulé autour du Conseil de surveillance

L’organisation interne de la BCE en tant que superviseur prudentiel se distingue de la gouvernance de cette institution en tant que banque centrale. En effet, par souci d’indépendance entre ces deux compétences94, une nette séparation s’est opérée et une nouvelle instance, le Conseil de surveillance, a été créée. Elément dominant du MSU, il convient de l’analyser en profondeur et d’y poser un regard critique.

i. Présentation

Les missions de surveillance de la BCE doivent être totalement séparées de ses missions de politique monétaire95. Pour ce faire, le règlement MSU prévoit notamment que le Conseil des gouverneurs fonctionne différemment dans les deux domaines de compétence, par le biais par exemple de réunions distinctes, et que les services relatifs à chaque compétence sont en principe différenciés96.

92 Voir not., à nouveau, E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the

Banking Union », op. cit..

93 Pour une critique de l’ensemble de la gouvernance de la BCE dans le cadre du MSU, voir not. European Court

of Auditors, « Mécanisme de surveillance unique les débuts sont réussis, mais des améliorations sont nécessaires », op. cit., pp. 22-42.

94 L. DELLA PELLEGRINA, D. MASCIANDARO, R.V. PANSINI, « The central banker as prudential

supervisor: Does the independance matter », Journal of Financial Stability 9, 2013, pp. 415-427.

95 Voir article 25 du règlement MSU.

(24)

En outre, une nouvelle instance décisionnelle est créée et joue un rôle central dans le cadre des compétences prudentielles confiées à la BCE97 : le Conseil de surveillance, en charge de la

planification et de l’exécution des missions prudentielles98. Ce dernier est composé d’un

président, d’un vice-président, de quatre représentants de la BCE et d’un représentant de l’ACN de chaque État membre participant au MSU99. Cela fait donc un total de six membres dits professionnels et dix-neuf représentants des États membres100.

Les compétences du Conseil de surveillance sont très larges. En effet, il est tout d’abord chargé de préparer les « projets complets de décisions », projets sur lesquels le Conseil des gouverneurs peut se pencher durant un délai très court afin de soulever des objections ou les adopter101. Le contrôle du Conseil des gouverneurs est minimal et ce dernier ne peut pas amender les projets de décisions, il ne peut que les accepter ou les refuser. Cependant, on considère toujours que la décision finale revient au Conseil des gouverneurs qui en est d’ailleurs responsable102. Qui plus est, dans l’hypothèse où le Conseil des gouverneurs déciderait d’objecter au projet, les ACN peuvent le soumettre à un comité de médiation et remettre en cause la position prise par le conseil des Gouverneurs. Le Conseil de surveillance est aussi compétent pour planifier et exécuter certaines missions, il est en charge du reporting vers le Parlement européen, le Conseil et les parlements nationaux, …103

Tout ceci laisse à penser que « le rôle du Conseil de surveillance va nettement au-delà d’un comité de direction dans une structure bicéphale »104. Cette importance consacrée au Conseil de surveillance soulève plusieurs questions de légitimité et de légalité.

ii. Légitimité du Conseil de surveillance

En principe, une délégation requiert deux actes : l’habilitation à déléguer et l’acte de délégation. En l’occurrence, la Traité a octroyé la compétence de surveillance prudentielle directement à la BCE105 mais ne prévoit pas d’habilitation à déléguer à un autre organe106. De plus, selon le service juridique du Conseil qui s’est exprimé dans un avis légal non publié mais dont nous trouvons des traces dans la doctrine107, le Traité permet à la BCE de décentraliser l’exercice de

97 Voir considérant (67) du règlement MSU. 98 Voir article 26 du règlement MSU. 99 Ibid.

100 E. WYMEERSCH, « The Single Supervisory Mechanism : Instutionnal Aspects », European Banking Union,

D. BUSCH et G. FERRARINI (dir.), Oxford, Oxford University Press, 2015, p. 113.

101 Voir article 26(8) du règlement MSU.

102 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,

p. 16.

103 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 16. 104 Ibid.

105 Bien que, comme nous l’avons vu, cette base légale soit elle-même sujette à discussion. 106 Ce qui explique d’ailleurs le bricolage juridique que nous exposerons ensuite.

107 Avis juridique du service juridique du Conseil de l’Europe (9 octobre 2012, N° 14752/12), discuté not. Par A.

BARKER, « Leaked Legal Opinion on Eurozone Banking », F.T., 19 octobre 2012, disponible sur <https://www.ft.com/content/63d7c5ee-c82e-3aa6-a6a1-62587e00b988>.

(25)

certaines tâches mais sans que cela puisse « sensiblement modifier l’exercice des pouvoirs concernés »108. Il en découle que le pouvoir de décision final doit rester dans les mains du

Conseil des gouverneurs109. Dès lors, l’organisation interne et la procédure suivie par la décision avant d’être finalement adoptée par le Conseil des gouverneurs relève entièrement de la discrétion de la BCE. Elle est donc libre de prévoir la participation d’organismes internes, créés ad hoc et responsables de la préparation des décisions, tels que le Conseil de surveillance en l’espèce. Il ne s’agit pas d’un organe interne ayant reçu une délégation de compétences, il n’a donc pas de personnalité juridique propre. En effet, la création d’une institution séparée aurait demandé une révision du Traité ou, en tout cas, aurait été contraire à l’article 127(6) du TFUE110.

Cependant, ce principe est mis à mal dans la pratique. Compte tenu de l’étendue des pouvoirs qui sont conférés au Conseil de surveillance, certains prétendent que le MSU consiste en l’attribution de compétences à un « superviseur adossé à la BCE »111 plutôt qu’à la BCE

elle-même, ce qui viole le Traité112. Il faut tout de même nuancer ces propos notamment car il y a

de facto des équipes de supervision qui sont pilotées par des membres du personnel de la BCE

et donc la majorité des services qui œuvrent pratiquement à la surveillance prudentielle dépendent effectivement de celle-ci.

De plus, bien que le TFUE et les statuts de la BCE précisent que la conduite de la politique monétaire appartient à la BCE et à son instance décisionnelle, à savoir le Conseil général, aucun équivalent institutionnel n’existe dans les textes concernant les compétences prudentielles de la BCE113 pour le Conseil de surveillance.

Par conséquent, l’établissement d’une entité au sein de la BCE avec de « larges pouvoirs discrétionnaires de décision »114 dépasse la simple organisation interne telle nous la décrivions

ci-dessus.

En outre, la composition du Conseil de surveillance traduit d’une volonté de le soustraire à l’influence de la BCE en plaçant le centre de gravité décisionnel au niveau des représentants des ACN, de sorte que « cela s’apparente plus à une coopération intergouvernementale qu’à un transfert de compétences à une institution supranationale »115. En effet, comme nous l’avons

exposé, toute proposition du Conseil de surveillance est automatiquement adoptée sauf si le Conseil des gouverneurs objecte dans un bref délai. La décision relève finalement presque exclusivement des autorités des États membres puisque les conditions de vote leur sont

108 Traduction libre de l’avis juridique du Conseil de l’Europe (9 octobre 2012, N° 14752/12), op. cit..

109 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,

p. 20.

110 Ibid., p. 21.

111 D. NOUY, « Un superviseur adossé à la BCE est un vrai avantage », Rev. Banque, N° 757, 2013, p. 24, cité

dans P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 18.

112 D’autres auteurs, comme T. BONNEAU (op. cit.) ne partagent pas cet avis et considèrent au contraire que le

Conseil de surveillance est bel et bien un simple organe interne.

113 M. NIKNEJAD, op. cit., p. 100.

114 Traduction libre de E. FERRAN et V.S.G. BABIS, « The European Single Supervisory Mechanism »,

University of Cambridge Faculty of Law Research Paper, 10/2013, 2013, p. 15.

(26)

favorables : en principe, majorité simple (ce qui met évidemment les représentants des ACN en bonne position) et exceptionnellement, majorité qualifiée116.

Qui plus est, compte tenu de ce processus et du temps laissé au Conseil des gouverneurs, il n’y a dans la plupart des cas pas de décision formelle mais un simple écoulement de délai, de sorte qu’on peut se demander si cette « approbation négative » peut toujours être considérée comme une décision du Conseil des gouverneurs117. Enfin, compte tenu de la possibilité de saisir le comité de médiation118 et du principe de séparation des compétences monétaires et

prudentielles119, la pratique nous a montré que le Conseil des gouverneurs ne se montre que très rarement en désaccord avec les décisions préparées par le Conseil de surveillance.

Finalement, il semblerait que cette procédure confie de facto le pouvoir de décision au Conseil de surveillance sous réserve d’un droit de veto du Conseil des gouverneurs120. Ceci confirme ce que nous avons déjà observé supra : le MSU s’est construit sur base de dispositions légales disponibles mais pas toujours cohérentes avec le projet. En effet, puisque le Traité exige que le

decision taking demeure dans le chef de la BCE agissant par la voie de ses instances

décisionnelles et donc du Conseil des gouverneurs, le mécanisme semble légal. Toutefois, compte tenu de la pratique et du rôle quasi exclusif du Conseil de surveillance, nous estimons que le processus actuel dépasse ce qui est acceptable sur base du Traité. Cela nous confirme dans l’idée que l’invocation de l’article 127(6) du TFUE comme base juridique d’un MSU articulé par conséquent autour de la BCE s’est fait à défaut d’une meilleure solution, ce qui rend encore le mécanisme plus fragile.

1.2.2. Indépendance vis-à-vis de l’extérieur

L’acharnement du règlement à assurer de l’indépendance se marque à tous les niveaux du MSU. A cet effet, outre le besoin d’indépendance interne entre ses compétences, la BCE elle-même doit agir de manière indépendante et « les institutions, organismes et agences de l’Union, les gouvernements des États membres ainsi que toute autre instance respectent cette indépendance »121. Cette obligation est incontestablement importante puisqu’elle est consacrée

par le TFUE en son article 130.

116 Ibid.

117 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,

p. 53.

118 Voir article 25(5) du règlement MSU.

119 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 16.

120 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,

p. 53.

(27)

i. Les représentants des ACN membres du Conseil de surveillance : théoriquement indépendants

Le Conseil de surveillance, élément central et noyau décisionnel du MSU, est majoritairement composé de représentants des ACN des États membres participants122. Cependant, nonobstant leur nom, ces membres du Conseil ne font pas de la simple représentation car ils font partie du MSU à part entière.

L’article 19(1) du règlement MSU dispose clairement que « les membres du conseil de surveillance (…) agissent en toute indépendance et objectivité dans l’intérêt de l’ensemble de l’Union et ne sollicitent ni ne suivent aucune instruction », notamment de leurs autorités nationales, ni de leurs gouvernements respectifs123. Dans un avis, la BCE a d’ailleurs déclaré contraire à cet article un projet de loi finlandais qui obligeait son représentant au Conseil de surveillance à soumettre l’objet du vote futur au Conseil devant l’ACN, qui devait alors prendre position à la place du représentant et lui imposer la décision. L’avis déclare en outre que, a

contrario, le représentant de l’ACN et membre du conseil de surveillance peut demander des

avis afin de se préparer au mieux avant la réunion au Conseil, sans que ces avis puissent lui être imposés124. On retrouve également ces principes dans le Code de conduite applicable aux membres du conseil de surveillance125.

Mais outre de ces considérations théoriques, la vraie question est celle de la signification et l’application pratique.

ii. Analyse approfondie et critique de cette indépendance

Tout d’abord, d’un point de vue purement juridique, l’article 130 du TFUE ne s’applique pas aux membres du Conseil de surveillance puisque, en principe et comme nous l’avons vu, ce dernier n’est pas une entité possédant un pouvoir de décision propre mais est une simple instance interne. Le régime d’indépendance prévu pour les gouverneurs siégeant au Conseil des gouverneurs se distingue donc de celui des représentants des ACN membres du Conseil de surveillance.

En effet, par exemple, les statuts de la BCE prévoient notamment la durée des mandats des gouverneurs126 ou les motifs possibles de renvoi, ce qui n’est pas le cas des membres du Conseil

122 Voir article 26 du règlement MSU. 123 Ibid.

124 Avis de la BCE du 7 septembre 2016 sur le rôle du représentant de l'autorité de surveillance financière auprès

du conseil de surveillance prudentielle de la BCE et sur la redevance de surveillance prudentielle, CON/2016/43, Finlande, 7.9.2016, disponible sur < https://www.ecb.europa.eu/ecb/legal/pdf/en_con_2016_43_f_sign.pdf>

125 Voir article 4 du Code de conduite applicable aux membres du Conseil de surveillance (2015/C 93/02),

disponible sur < https://www.ecb.europa.eu/ecb/legal/pdf/oj_joc_2015_093_r_0002_fr_txt.pdf>

126 Voir article 14.2 des statuts du SEBC et de la BCE, disponible sur <

(28)

de surveillance. Par conséquent, en tant que représentant d’une ACN, si un membre du Conseil de surveillance ne votait pas dans l’intérêt de l’Union, il ne pourrait pas vraiment être écarté par la BCE. Au contraire, si une ACN considère que le travail de son représentant ne correspond pas à ses attentes, elle pourrait le remplacer127. Le représentant a donc tout intérêt, même en l’absence d’instruction liante de la part de son ACN, à calquer son vote sur les positions qui lui sont suggérées par celle-ci.

De plus, à nouveau à titre d’illustration, le droit de vote des gouverneurs doit être « exercé en personne »128 alors qu’il n’existe aucune obligation spécifique de la sorte pour les représentants des ACN, ce qui pourrait indiquer que la séparation entre eux et l’organe décisionnel de l’ACN n’existe pas. L’indépendance des gouverneurs va encore plus loin puisqu’ils ne peuvent pas discuter avec leurs gouvernements des points votés en Conseil, ce qui prouve que la protection contre l’influence des gouvernements nationaux est accrue129. Il n’existe pas de distinction si

stricte entre le représentant d’une ACN membre du Conseil de surveillance et l’ACN qu’il représente. De fait, comme la BCE le rappelle130, il peut sans encombres se concerter avec l’ACN avant de voter, tant que les échanges qui ont lieu ne le lient pas et que, in fine, son vote soit libre et s’opère dans l’intérêt de l’Union.

En conclusion, on constate par conséquence que si les gouverneurs deviennent ex-officio et en tant que tels des membres du Conseil des gouverneurs, les représentants des ACN ne sont soumis aux règles du MSU (et notamment l’article 19 du règlement MSU) que parce que et aussi longtemps que l’autorité nationale le décide. Nonobstant leur droit de discuter avec l’autorité qu’ils représentent avant les réunions, au moment du vote, l’obligation d’agir dans l’intérêt de l’Union prévaut. Néanmoins, cette obligation nous semble difficile à mettre en œuvre notamment en l’absence d’une complète transparence concernant la répartition des votes131 inhérente au secret du délibéré.

iii. Remarques générales sur l’indépendance et perspectives globales

Nous limitons notre analyse au cas des représentants des ACN au sein du Conseil de surveillance mais la BCE entière se veut libre de pressions extérieures. Ce caractère indépendant de la BCE est d’ailleurs marqué dans le cadre de la politique monétaire132, de sorte

qu’elle est considérée comme la Banque Centrale la plus indépendance du monde133.

127 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,

p. 49.

128 Voir article 10.2 des statuts de la BCE. 129 Voir article 14.2 des statuts de la BCE. 130 Avis de la BCE du 7 septembre 2016, op. cit..

131 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,

p. 49.

132 Voir not. S. ADALID, La banque centrale européenne et l'Eurosystème, Bruxelles, Bruylant, 2015, pp.

503-606.

133 D. CHALMERS, G. DAVIES et G. MONTI, European Union Law, Cambridge, Cambridge University Press,

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