Daodu 道度 (462-526). Moine bouddhiste. S’immole par le feu après avoir transmis les préceptes de bodhisattva.
Daodu naît dans le clan des Liu 劉 de Pingyang 平陽 (Shanxi). Il vient vivre à
Jiankang 建康 (Jiangsu) au début de la dynastie Liang. Il s’établit d’abord au monastère Dinglin 定林寺 sur le mont Zhong 鐘山, puis au Xiaozhuangyan 小莊嚴寺 qu’il fonde lui-même en 507. Il se consacre à la méditation et vit austèrement. Il récite
continuellement le chapitre « Les actes fondamentaux du bodhisattva Roi des remèdes » (Yaowang pusa benshi pin 藥王菩薩本事品) du Sūtra du lotus de la Loi parfaite
(Miaofa lianhua jing 妙法蓮華經), dont il tire l’inspiration pour se brûler intégralement. En 518, lors d’une audience avec Xiao Yan* (empereur Wu des Liang) au palais
Dengjue 等覺 du parc Hualin 華林 (là où quelques mois plus tard l’empereur est ordonné avec les préceptes de bodhisattva), il lui annonce son intention. L’empereur lui répond qu’il ferait mieux de laisser son corps dévorer par des animaux après sa mort, plutôt que de le brûler de son vivant, car il ferait ainsi œuvre de don, et éviterait de tuer les quatre-vingt mille vers qui l’habitent. Daodu reste fidèle à sa résolution et part dans un monastère du mont Ruoye 若耶山 (Zhejiang). Il s’y installe une cellule pour
pratiquer la méditation, et fait ses préparatifs en rassemblant le bois de son futur bûcher et en réduisant son alimentation. Le 3e jour du 11e mois de 526, la cloche du monastère retentit inopinément (premier appel). Le phénomène se produit de nouveau le 8e jour (l’appel se fait insistant). Le 23e jour, plus de trois cents personnes, religieux et croyants laïcs hommes et femmes (ils constituent les quatre classes de croyants, sibu 四部), sont venues à son appel se rassembler dans le temple, et cent-soixante-dix d’entre elles demanderont à recevoir de lui les préceptes (shoujie 受戒) faisant d’eux des aspirants bodhisattvas. Dès lors il ne mange plus et se contente de boire. Deux jours plus tard, le bol dans lequel il boit se met à briller d’un éclat irisé. Le 29e jour, le supérieur du temple et d’autres moines voient un éclat pourpre sortir de la niche à l’intérieur de la cellule de méditation, et le soir même, une volée de cinq à six cents oiseaux viennent se poser sur un même arbre, puis s’élancent en même temps en direction de l’Ouest. La nuit, au commencement de la deuxième veille, le temple est tout à coup baigné de lumière. Quand arrive la fin de la nuit, on entend le bruit d’un brasier sur le sommet du mont Ruoye. Les moines sortent et voient Daodu paumes jointes (sans doute en train de réciter le chapitre « Les actes fondamentaux du bodhisattva Roi des remèdes ») au milieu des flammes. Il est alors âgé de soixante-cinq ans.
L’un des fils de l’empereur, Xiao Ji 蕭紀 (508-553), alors cishi 刺史 de la région, fait recueillir ses cendres et les placer dans un stūpa qui est bâti sur les lieux de
l’immolation. Plus tard, on y entend distinctement retentir une cloche de pierre. Sur ce même lieu se trouvait un arbre mort depuis dix ans sous lequel Daodu venait souvent s’assoir pour méditer. L’arbre reverdit le printemps suivant. Xiao Gang 蕭綱 (futur empereur Jianwen 簡文, r. 550-551) fait composer une épitaphe.
Les signes survenus avant et après son immolation, qui indiquent l’inévitabilité et la nature faste de l’événement autant que la sainteté de Daodu, sont caractéristiques des moines qui se sont sacrifiés (wangshen 亡身, yishen 遺身). La cloche du temple sonne d’elle-même, mue par une main divine invisible, pour appeler les croyants à venir assister à l’évènement. La lumière inattendue, dans le bol et dans la niche de méditation,
montre la sainteté de Daodu. L’envol des oiseaux vers l’Ouest signifie qu’ils partent vers la Terre pure où se trouve le Buddha Amitābha que Daodu rejoindra. La mort de Daodu qui permet à l’arbre mort de renaître, évoque la tradition selon laquelle, sitôt le Buddha entré en nirvāṇa, il poussa une paire d’arbres śāla (shorea robusta) à chaque coin de son lit, ce qui sous-entend que Daodu est entré en nirvāṇa.
On note aussi que la préparation de l’évènement suit le calendrier liturgique des six jours de jeûne mensuels. Les 8e et 23e jours du mois lunaire sont marqués par le rassemblement des moines et des croyants laïcs pour célébrer une cérémonie de jeûne (zhai 齋 ; busa 布薩) ;le 29e est le jour, ou la veille du jour, où les croyants confessent leurs manquements à la discipline et, au cours de la nuit, écoutent réciter les préceptes (shuojie 說戒 ; songjie 誦戒). Dans ce cas, il est possible qu’il se soit agi des préceptes de bodhisattva (pusa jie 菩薩戒), que Daodu leur avait conféré une semaine plus tôt. Bibliographie
I. Hongzan fahua zhuan 5 ; Fayuan zhulin 96 ; Liang jingsi ji ; « Liang Xiaozhuangyansi Daodu chenshi pei » ; GSZ 12.
III. Benn 2007.
Sylvie Hureau
Index des noms de personne Amitābha Daodu 道度 Huishao 慧紹 Huiyi 慧益 Sengqing 僧慶 Sengyu 僧瑜 Tanhong 曇弘
Xiao Gang 蕭綱 (503-551, r. 549-551), empereur Jianwen 簡文 des Liang Xiao Ji 蕭紀
Xiao Yan 蕭衍 (r. 502-549), empereur Wu 武 des Liang Index des noms de lieux (avec localisation actuelle) Jiankang 建康 : Nanjing 南京 (Jiangsu)
Mont Ruoye 若耶山 (Zhejiang) Pingyang 平陽 : Linfen 臨汾 (Shanxi)
Index des titres d’ouvrages (avec traduction)
Index des termes techniques busa 布薩 pusa jie 菩薩戒 sibu 四部 shoujie 受戒 shuojie 說戒 songjie 誦戒 wangshen 亡身 yishen 遺身 zhai 齋
Index des titres officiels cishi 刺史
Mots clés
Alimentation (réforme alimentaire) Animaux (oiseaux)
Arbre
Confession (voir aussi repentance) Dhyāna/méditation/contemplation Jeûne (cérémonie de)
Cloches
Immolation/sacrifice Offrande
Préceptes de bodhisattva (ordination avec les) Stūpa
Terre pure
Références
Benn, James A., Burning for the Buddha: Self-Immolation in Chinese Buddhism, Honolulu, University of Hawai’i Press, 2007.
« Liang Xiaozhuangyansi Daodu chanshi bei » 梁小莊嚴寺道度禪師碑, in Sŏkwŏn salin 釋苑詞林 fasc. 193, Han’guk Pulgyo chŏsŏ 韓國佛教全書, vol. 4, p. 660-662. T 2059, vol. 50, Gaoseng zhuan 高僧傳, Huijiao 慧皎.
T 2067, vol. 51, Hongzan fahua zhuan 弘贊法華傳, Huixiang 慧詳. T 2094, vol. 51, Liang jingsi ji 梁京寺記.