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Dépendance alimentaire : examen de la mesure et du construit au sein d'un échantillon souffrant d'obésité sévère

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Dépendance alimentaire : examen de la mesure et

du construit au sein d’un échantillon

souffrant d’obésité sévère

Thèse

Anne-Sophie Ouellette

Doctorat en psychologie – Recherche et intervention - Orientation

clinique

Philosophiae doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Dépendance alimentaire : examen de la mesure et

du construit au sein d’un échantillon

souffrant d’obésité sévère

Thèse

Anne-Sophie Ouellette

Sous la direction de :

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Résumé

Le statut de l’obésité a progressé au cours des dernières décennies à un niveau épidémique, exposant de plus en plus d’individus à diverses complications physiques et psychologiques. Dans un effort de mieux comprendre l’étiologie de cette condition, le construit de la dépendance alimentaire (DA) a été mis de l’avant pour représenter un ensemble de comportements alimentaires problématiques. Ce construit a subséquemment été opérationnalisé grâce au développement du Yale Food Addiction Scale (YFAS), un questionnaire basé sur les sept critères diagnostiques de la dépendance aux substances et qui permet d’obtenir un indice de sévérité (nombre des critères endossés) ou un diagnostic de DA (au moins trois critères endossés, en plus du critère évaluant la détresse cliniquement significative et/ou l’altération du fonctionnement). Le présent projet de recherche avait pour objectif principal de poursuivre l’exploration du construit de la DA auprès d’individus qui souffrent d’obésité sévère et qui sont en attente d’une chirurgie bariatrique. Un volet « mesure et évaluation » visait à valider la version française du YFAS et à investiguer le rôle du critère de détresse/dysfonctionnement dans l’établissement d’un diagnostic de DA, alors qu’un volet « descriptif » visait à comparer des individus qui souffrent de DA à des individus qui n’en souffrent pas sur la base de divers mécanismes et traits de personnalité et à explorer un possible facteur de risque dans le cadre de la DA, soit le stress tel que reflété par l’hormone cortisol. Pour ce faire, 146 individus (34 hommes et 112 femmes) présentant un âge moyen de 39,8 ans et un indice de masse corporelle moyen de 48,29 kg/m2 ont été recrutés à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec et invités à remplir des questionnaires. Les résultats démontrent que la version française du YFAS présente de bonnes qualités psychométriques (structure à un facteur, excellent consistance interne, validité de construit satisfaisante) lorsqu’utilisée auprès d’un échantillon clinique, mais nécessite l’élimination de six items problématiques. Les résultats indiquent également que le critère de détresse/dysfonctionnement joue un rôle-pivot dans l’établissement d’un diagnostic de DA, comme 35 % du présent échantillon présentent une symptomatologie propre à la DA mais seulement 16 % répondent à ce critère et donc remplissent un diagnostic. En somme, les résultats de ce premier volet portent à croire que la DA est une problématique présente en contexte bariatrique. Bien que la version validée du YFAS puisse servir à son dépistage, il demeure important d’interpréter adéquatement les

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données issues de ce questionnaire afin d’identifier les individus qui pourraient bénéficier d’interventions psychologiques supplémentaires. De plus, les résultats montrent que les participants avec DA présentent davantage de difficultés à réguler leurs émotions, une plus grande tendance à éviter le danger et une moins grande autodétermination lorsque comparés aux participants sans DA. Il a aussi été observé que les difficultés à réguler les émotions est un médiateur significatif de l’association entre l’évitement du danger et le nombre de critères de DA endossés, alors que la sensibilité à la récompense est un médiateur significatif de l’association entre l’autodétermination et le nombre de critères de DA endossés. Enfin, les résultats ne démontrent aucune différence entre les participants avec et sans DA en ce qui concerne la sécrétion de l’hormone cortisol, mais indiquent que la DA est un modérateur significatif de l’association entre la sécrétion de l’hormone cortisol et les envies alimentaires intenses. Ainsi, le deuxième volet laisse entrevoir que certains mécanismes et traits de personnalité spécifiques sous-tendent un diagnostic de DA chez des candidats bariatriques et que deux voies de vulnérabilité peuvent amener un individu à présenter une symptomatologie de DA, soit une voie liée aux affects négatifs (grand évitement du danger et difficultés élevées à réguler les émotions) et une voie liée aux récompenses immédiates (faible autodétermination et sensibilité à la récompense accrue). Ce deuxième volet laisse également supposer que la DA pourrait influencer les relations qui existent entre la sécrétion de l’hormone cortisol et certains comportements alimentaires problématiques, quoique cette hypothèse demeure provisoire. Dans leur ensemble, les résultats issus de la présente thèse constituent une niche fertile d’informations qui pourront servir à mieux orienter la prévention et le traitement des comportements alimentaires problématiques en contexte bariatrique, permettant possiblement le maintien des effets de la chirurgie bariatrique à plus long terme.

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Abstract

The state of obesity has progressed throughout the last decades to an epidemic level, exposing more and more individuals to various physical and psychological complications. In an effort to better understand the aetiology of this condition, the concept of food addiction (FA) was put forward to characterize a set of problematic eating behaviours. This concept was subsequently operationalized with the development of the Yale Food Addiction Scale (YFAS), a questionnaire based on the seven substance dependence diagnostic criteria which can lead to a severity score (number of criteria endorsed) or a FA diagnostic (at least three criteria endorsed, in addition to the clinically significant distress/functional impairment criterion). The main purpose of the current research project was to further examine the concept of FA among individuals suffering from severe obesity and awaiting bariatric surgery. A « measurement and evaluation » section aimed to validate the French version of the YFAS and to investigate the role of the distress/impairment criterion in the establishment of a FA diagnostic, while a « descriptive » section aimed to compare individuals who suffer from FA from individuals who are free of FA in terms of various mechanisms and personality traits and to explore a possible risk factor in the context of DA, namely stress as reflected by the hormone cortisol. To do so, 146 individuals (34 men and 112 women) presenting a mean age of 39.8 years and a mean body mass index of 48.29 kg/m2 were recruited at the Quebec Heart and Lung Institute and invited to complete questionnaires. Results show that the psychometric properties of the French YFAS were adequate (one-factor structure, excellent internal consistency, and satisfying construct validity) when used in a clinical sample, even though six problematic items had to be removed. Results also indicate that the distress/impairment criterion play a pivotal role in the establishment of a FA diagnostic, as 35% of the present sample exhibited FA symptomatology but only 16% endorsed this criterion and thus fulfilled a diagnostic. In sum, results from this first section support the idea that FA is an existing problem in bariatric context. While the validated YFAS can be used for screening, it remains important to adequately interpret data obtained with this questionnaire in order to identify individuals who would benefit from additional psychological interventions. Furthermore, results indicate that participants with FA reported more difficulties in emotion regulation, a higher tendency toward harm avoidance, and a lower self-directedness when compared with

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participants without FA. It was also observed that difficulties in emotion regulation is a significant mediator of the association between harm avoidance and the number of FA criteria endorsed, while reward sensitivity is a significant mediator of the association between self-directedness and the number of FA criteria endorsed. Lastly, results show no difference between participants with and without FA in terms of cortisol secretion, but allow the observation that FA is a significant moderator of the association between cortisol secretion and food cravings. Therefore, this second section highlights the fact that specific mechanisms and personality traits underlie a FA diagnostic among bariatric candidates and that two vulnerable paths can lead an individual to develop/maintain FA symptomatology, namely a path related to negative affect (high harm avoidance and great difficulties in emotion regulation) and a path related to immediate rewards (low self-directedness and heightened reward sensitivity). This second section also points to the idea that FA could influence the existing relationships between cortisol secretion and certain problematic eating behaviours, although this idea remains tentative. Altogether, the results of this thesis represent a unique source of information that can be used to better guide the prevention and treatment of problematic eating behaviours in the bariatric context, thus possibly allowing the effects of the surgical intervention to be more sustainable.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Liste des tableaux ... x

Liste des figures ... xi

Remerciements ... xii

Avant-propos ... xiv

Chapitre 1. Introduction générale ... 1

L’obésité, devenue une épidémie ... 1

La dépendance alimentaire : les origines du construit ... 2

Études animales. ... 3

Études en imagerie cérébrale. ... 5

Mécanismes et variables communs ... 7

Neurobiologie de la récompense ... 7

Sensibilité à la récompense ... 8

Impulsivité ... 9

Régulation des émotions ... 10

Traits de personnalité associés à la dépendance ... 11

Facteurs de risque associés à la dépendance : le stress. ... 12

La dépendance alimentaire : le développement d’un instrument ... 13

Critères diagnostiques de la dépendance. ... 13

Yale Food Addiction Scale ... 16

Chapitre 2. Revue de la littérature portant sur la mesure de la dépendance alimentaire ... 17

Études de validation du YFAS ... 17

Items et critères diagnostiques de la DA mesurés par le YFAS ... 18

Chapitre 3. Revue de la littérature portant sur la caractérisation de la dépendance alimentaire ... 22

Profil alimentaire et pondéral lié à la dépendance alimentaire... 22

Profil psychologique lié à la dépendance alimentaire ... 24

Mécanismes et variables sous-jacents à la dépendance alimentaire ... 24

Marqueurs physiologiques de la dépendance alimentaire ... 25

Chapitre 4. Objectifs de la thèse ... 27

Objectif général ... 27

Premier objectif spécifique – volet « mesure et évaluation » ... 27

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Chapitre 5. Volet « mesure et évaluation » Yale Food Addiction Scale: Examining the psychometric properties of the French version among individuals with severe obesity

awaiting bariatric surgery ... 29

Abstract ... 30

1. Introduction ... 31

2. Methods ... 33

2.1. Participants and Procedure ... 33

2.2. Measures ... 34 2.2.1. FA ... 34 2.2.2. Impulsivity ... 34 2.2.3. Binge eating ... 37 2.2.4. Food cravings ... 37 2.2.5. Restraint eating ... 37

2.2.6. Addictive tendencies towards alcohol and drugs ... 37

2.3. Data Analytic Plan ... 38

3. Results ... 38

3.1. Factorial Structure of the YFAS ... 38

3.2. Construct Validity of the YFAS ... 40

4. Discussion ... 43

5. Conclusion ... 45

6. References ... 47

Chapitre 6. Establishing a food addiction diagnosis using the Yale Food Addiction Scale: A closer look at the clinically significant distress/functional impairment criterion ... 50

Abstract ... 51

Introduction ... 52

Material and Methods ... 55

Participants and Procedure ... 55

Measures ... 56 FA ... 56 Hedonic hunger ... 57 Eating behaviour ... 57 Depressive symptoms ... 57 Quality of life ... 58

Data analytic plan ... 58

Results ... 58

Discussion ... 64

Conclusions ... 67

References ... 69

Chapitre 7. Volet « descriptif » An examination of the mechanisms and variables underlying a diagnostic of food addiction among individuals with severe obesity awaiting bariatric surgery ... 72

Introduction ... 74

Method ... 76

Participants and Procedure ... 76

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FA ... 76

Reward sensitivity ... 76

Impulsivity ... 77

Difficulties in Emotion Regulation ... 77

Personality traits. ... 77

Data analytic plan ... 78

Results ... 78

Discussion ... 83

Conclusion ... 85

References ... 87

Chapitre 8. HPA-Axis Functioning and Food Addiction Among Individuals Suffering from Severe Obesity and Awaiting Bariatric Surgery ... 92

1. Introduction ... 94

2. Methods and Materials ... 96

2.1 Participants and Procedure ... 96

2.2 Measures ... 96 2.2.1 FA ... 96 2.2.2 Depression symptoms ... 97 2.2.3 Anxiety levels ... 97 2.2.4 Eating pathology ... 97 2.2.5 Eating behaviors ... 98 2.2.6 Food cravings ... 98 2.2.7 Hedonic hunger ... 98 2.2.8 HPA-axis functioning ... 99

2.3 Data analytic plan ... 100

3. Results ... 100

4. Discussion ... 104

5. Conclusions ... 107

6. References ... 108

Chapitre 9. Conclusion générale ... 112

Résumé des résultats de la thèse ... 113

Volet « mesure et évaluation » ... 113

Volet « descriptif » ... 116

Implications cliniques ... 119

Pistes de recherche futures ... 121

Forces et limites de la thèse ... 124

Conclusion ... 125

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Liste des tableaux

Tableau

1 Application des critères diagnostiques de la dépendance aux substances au

concept de dépendance alimentaire ... 15 2 Food addiction criteria and associated items from the Yale Food Addiction

Scale ... 35 3 Descriptive statistics, factor loading, and communality for each YFAS item ... 41 4 Descriptive statistics, factor loading, and communality for each FA criterion ... 42 5 Descriptive statistics as well as correlation coefficients of the association

between YFAS scores (continuous and dichotomous) and scores on various

questionnaires ... 42 6 Associations between variables related to clinically significant impairment/

distress experienced in the context of food addiction ... 60 7 Descriptive statistics of eating and psychological variables as well as

comparisons between the FA-I/D and the FA+I/D groups ... 62 8 Endorsement rate for each FA criterion as well as comparisons between the

FA-I/D and the FA+I/D groups ... 63 9 Logistic regression analysis of the endorsement of the functional impairment/

clinically significant distress criterion as a function of hedonic hunger and

withdrawal. ... 64 10 Associations between mechanisms and personality traits underlying the concept

of food addiction ... 80 11 Descriptive statistics and comparisons between the FA and the noFA groups ... 81 12 Correlation coefficients of the association between cortisol awakening response

and eating variables in individuals presenting low and high food addiction

symptomatology ... 103 13 Multiple linear regression analysis predicting the effect of cortisol awakening

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Liste des figures

Figure

1 Scree plot and eigenvalues for the continuous scoring option of the French

YFAS ... 39 2 Multiple mediation model of the effects of harm avoidance on the number of FA

criteria endorsed through impulsivity emotion dysregulation ... 82 3 Multiple mediation model of the effects of self-directedness on the number of FA

criteria endorsed through reward sensitivity, impulsivity, and emotion

dysregulation ... 83 4 Cortisol awakening response in individuals presenting low and high food

addiction symptomatology ... 101 5 FA symptomatology as a moderator of the relationship between cortisol

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Remerciements

Bien que cette thèse constitue le fruit de mon travail, elle représente également une réalisation collective à laquelle plusieurs personnes et entités ont contribué, de près ou de loin. J’aimerais tout d’abord remercier les organismes subventionnaires provinciaux et fédéraux des Fonds de recherche en santé du Québec et des Instituts de recherche en santé du Canada, qui m’ont permis de me concentrer sur mon programme doctoral et sur la rédaction de ma thèse depuis les dernières années grâce aux bourses octroyées. De plus, j’aimerais remercier tous les membres de mon comité de thèse, Dre Simone Lemieux, Dre Francine Ferland et Dr Louis Diguer, qui m’accompagnent dans mes travaux de recherche depuis l’automne 2012 et qui ont su me guider à bon port grâce à leur regard externe et à leurs conseils judicieux. J’aimerais aussi remercier tous les membres de l’équipe de la Chaire de recherche en chirurgie bariatrique et métabolique de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (plus particulièrement, Dr André Tchernof, Monsieur Marc Lapointe, Madame Mélanie Nadeau et Madame Suzie Laroche), sans qui la collecte de mes données de thèse n’aurait pas été possible. J’aimerais par le fait même remercier Madame Hélène Paradis, statisticienne, qui m’a plus d’une fois assisté dans la réalisation des analyses statistiques nécessaires aux articles de ma thèse.

J’aimerais également remercier tous les membres de mon laboratoire qui ont été à mes côtés à un moment ou à un autre au courant de mon parcours doctoral et auprès de qui j’ai non seulement eu beaucoup de plaisir, mais j’ai aussi obtenu conseils et rassurance maintes fois. Un merci tout spécial à Marie-Pierre, qui m’a accueillie dès le premier jour dans ce laboratoire en jouant le rôle de superviseure clinique. Marie, notre relation a bien évolué depuis ce temps et je suis maintenant extrêmement chanceuse de te considérer comme une grande sœur, comme une amie. Merci pour ton temps, que tu me donnes si généreusement, ainsi que pour ton écoute sans pareil et pour ta compréhension inconditionnelle. Dans la même ligne d’idée, j’aimerais remercier quatre précieuses amies que j’ai connues au doctorat, soit Alexandra, Marie-Ève et Maude. Les filles, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans vous à mes côtés. Je suis enchantée d’avoir fait votre connaissance et sachez que vous êtes maintenant indispensables à ma vie!

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Au plan plus personnel, j’aimerais remercier mes chères amies d’enfance, qui sans toujours savoir en quoi consistait concrètement mes journées, m’ont supporté sans jamais douter que j’arriverais à bout de ce doctorat. Un merci particulièrement chaleureux à mes deux meilleures amies, Catherine et Andréanne, qui sont toujours là pour moi. J’aimerais aussi remercier ma belle-famille en or et ma famille extraordinaire. Mon frère, merci pour ta présence et les belles discussions partagées autour de ces déjeuners que je chérie plus que tout. Papa et maman, je ne saurais assez vous remercier. Je ne me suis jamais sentie seule grâce à vous, à travers mes études doctorales tout comme à travers le reste de ma vie. Votre amour inconditionnel et vos encouragements incessants m’ont toujours permis de me lancer à la poursuite de mes rêves. « Engagez-vous ils disaient »! Et bien, vous vous êtes engagés et avez su me le faire sentir par votre sensibilité, votre générosité, votre écoute, vos conseils, votre support…je vous suis de tout cœur reconnaissante! Enfin, j’aimerais remercier mon amoureux. Jean-François, de par ta présence, ton ouverture et ta compréhension, tu as su m’accompagner au quotidien et faire en sorte que je ne cesse de croire en moi. Bien au-delà de ton accompagnement au travers de mes études, tu es le plus formidable des partenaires et je tiens à te remercier pour tout ce que tu m’apportes et pour la vie que nous sommes en train de bâtir ensemble. Je t’aime!

Enfin, la dernière mais non la moindre : j’aimerais très sincèrement remercier ma directrice de thèse. Catherine, rien de cette aventure doctorale n’aurait été possible sans toi. Tu es une directrice fantastique, mais surtout une femme sensible, déterminée, intelligente et fort bien impressionnante. Je me considère extrêmement privilégiée d’avoir pu évoluer sous ta tutelle, puisque j’ai toujours senti que tu étais là, à mes côtés, et que je pouvais me fier sur toi peu importe ce qu’il arrivait. Tu as su me guider avec expérience, m’amenant plus d’une fois à me dépasser. Tu m’as donné plus que ce que je pourrais mettre en mots durant les six dernières années et donc, pour toutes ces raisons, je te remercie infiniment!

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Avant-propos

La présente thèse est en partie composée de quatre manuscrits (Chapitres 5 à 8), qui ont été préparés en vue de leur soumission à des revues scientifiques. D’ailleurs, le manuscrit du Chapitre 7 a été publié en octobre 2017 dans la revue Eating and Weight Disorders :

Studies on Anorexia, Bulimia and Obesity et le manuscrit du Chapitre 5 sera publié en

décembre 2017 dans la revue Psychology. De plus, le manuscrit du Chapitre 6 est en révision en vue d’être publié dans la revue Appetite et le manuscrit du Chapitre 8 a été soumis pour publication dans la revue Eating Behaviors. Ils sont ici présentés tel qu’ils ont été soumis. Ces manuscrits sont accompagnés d’une introduction générale (Chapitres 1, 2, 3 et 4), soit une mise en contexte théorique et empirique de la littérature pertinente aux travaux de recherche de la thèse, et d’une conclusion générale (Chapitre 9), regroupant un résumé des résultats originaux obtenus dans le cadre de la thèse ainsi qu’une réflexion approfondie des implications cliniques, des pistes de recherche futures et des forces/limites de la thèse.

Tous les travaux de recherche ont été effectués sous la supervision de Dre Catherine Bégin et avec la précieuse collaboration des Dre Simone Lemieux, Dr André Tchernof et Dr Laurent Biertho. Aidée par l’équipe de la Chaire de recherche en chirurgie bariatrique et métabolique de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, la candidate Anne-Sophie Ouellette a procédé au recrutement des participants et à la collecte des données. Elle a également réalisé les analyses statistiques et a rédigé les manuscrits. Ces derniers ont été révisés par les co-auteurs, avant d’être soumis à des revues scientifiques.

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Chapitre 1.

Introduction générale

L’obésité, devenue une épidémie

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2016), le surpoids et l’obésité se caractérisent par une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle et se mesurent par l’indice de masse corporelle (IMC), soit le poids en kilogramme divisé par le carré de la taille en mètre (kg/m2). Sur la base de l’IMC, il est possible de classifier les individus comme étant en sous poids (IMC au-dessous de 18 kg/m2), comme ayant un poids santé (IMC entre 18 kg/m2 et 25 kg/m2) ou un surpoids (IMC entre 25 kg/m2 et30 kg/m2), ou encore, souffrant d’obésité (IMC au-dessus de 30 kg/m2). Afin de distinguer les différents niveaux d’obésité, trois catégories ont été formées : la catégorie I qui comprend les individus ayant un IMC entre 30 kg/m2 et 34,9 kg/m2, la catégorie II qui comprend les individus ayant un IMC entre 35 kg/m2 et 39,9 kg/m2 et la catégorie III qui comprend les individus ayant un IMC de plus de 40 kg/m2 (OMS, 2016).

Les données d’un sondage datant de 2014 ont révélé que les taux d’obésité auraient plus que doublé dans les 30 dernières années à travers le monde, ce qui signifie qu’environ 13 % de la population adulte mondiale (dont 11 % d’hommes et 13 % de femmes) souffrent d’obésité (OMS, 2016). Toujours en 2014, le pourcentage total d’individus rapportant un poids et une grandeur correspondant à de l’obésité a atteint 20 % dans l’ensemble du Canada, ce qui représente 5,3 millions d’adultes. Malheureusement, les taux d’obésité sont toujours en croissance au Canada, comme en témoigne une augmentation de 20,1 % en 2013 à 21,8 % en 2014 chez les hommes et de 17,4 % en 2013 à 18,7 % en 2014 chez les femmes (Statistiques Canada, 2014). Pour ce qui est du Québec, bien que le taux de prévalence d’obésité se plaçait sous la moyenne nationale en 2014, elle s’élevait néanmoins à 18 %. En lien avec les catégories d’obésité précédemment présentées, en 2011, 13 % des québécois figuraient dans la première catégorie, 3 % se retrouvaient dans la deuxième catégorie et 1 % faisaient partie de la troisième catégorie (Twells, Gregory, Reddigan, & Midodzi, 2014). À la lumière de ces chiffres, l’obésité est maintenant considérée comme une épidémie mondiale.

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Plusieurs conséquences sont associées à l’obésité, notamment l’augmentation du risque de souffrir de maladies cardiovasculaires, de diabète de type II, de troubles musculo-squelettiques (par exemple, l’arthrose) ainsi que de certains cancers (OMS, 2016). En fait, plus l’IMC augmente, plus les risques de souffrir de ces maladies non transmissibles augmentent également (OMS, 2016). Au Canada, il a même été estimé que 79 % des cas de ces maladies non transmissibles étaient attribuables au surpoids et à l’obésité (Anis et al., 2010). En support à ces observations, il a été observé que les taux de prévalence de certaines conditions médicales étaient significativement plus élevés chez les individus présentant de l’obésité que chez les individus présentant un poids santé : par exemple, une prévalence de 11 % de diabète de type II aurait été trouvé chez des individus présentant de l’obésité, en comparaison à une prévalence de 2 % chez des individus présentant un IMC entre 18,5 et 25 kg/m2 (Tjepkema & Shields, 2004). De ce fait, les couts économiques directement attribuables à l’obésité et à ses comorbidités auraient atteint 3,9 milliards de dollars au Canada en 2006.

Conséquemment, l’obésité est associée à un risque accru de décès prématuré (OMS, 2016). Au Canada, le taux de décès pouvant être attribuable à l’obésité a été estimé à 5 % en 1985 et à 9 % en 2000. Même si les taux exacts de décès spécifiquement attribuables à cette condition sont difficiles à évaluer, il a été démontré qu’ils suivent une forme curvilinéaire, c’est-à-dire que plus l’IMC d’un individu est faible ou élevé, plus les risques de décès prématuré sont importants. Ainsi, les catégories II et III d’obésité comptent le plus de décès prématurés, toutes causes confondues (Agence de la santé publique du Canada et Institut canadien d’information sur la santé, 2011). L’obésité représente donc sans équivoque un fléau sur lequel il importe de se pencher.

La dépendance alimentaire : les origines du construit

Entre autres caractérisées par des comportements de surconsommation, des pertes de contrôle et des tentatives échouées pour cesser la consommation, il a été remarqué que la consommation excessive de nourriture dans un contexte d’obésité pouvait s’apparenter à la consommation de substances psychoactives. Un lien a donc été établi entre cette problématique et la dépendance aux substances, définie par la présence de symptômes

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cognitifs, comportementaux et physiologiques menant à une incapacité de cesser la consommation de substances, malgré les conséquences négatives qui s’ensuivent (American Psychiatric Association, APA, 2013). Plus spécifiquement, il a été remarqué que diverses composantes comportementales et neurobiologiques ainsi que diverses variables propres aux individus souffrant de dépendance aux substances pouvaient également se retrouver chez les individus souffrant d’obésité qui présentent des habitudes de consommation excessive, lorsque l’objet de dépendance est la nourriture (Davis & Carter, 2009).

Études animales. Les ressemblances comportementales et neurobiologiques entre la

dépendance aux substances et la consommation excessive de nourriture ont tout d’abord été observées en laboratoire, à l’aide d’un modèle animal de dépendance au sucre. Dans ce modèle, qui vise à reproduire artificiellement un état de dépendance au sucre chez l’animal, des rats ont accès à un liquide sucré en appuyant sur un bouton de distribution, de même qu’à leur nourriture habituelle pendant 12 heures seulement. Pendant les 12 autres heures de la journée, ils n’ont accès qu’à de l’eau. Ils sont maintenus sur cette diète, qui alterne consommation et privation, pendant un mois (Avena, 2007). Grâce à ce modèle, il a été possible de recréer les principales composantes comportementales de la dépendance aux substances, soit la tolérance, la consommation excessive, le sevrage et la rechute, en utilisant le sucre comme objet de dépendance. D’abord, il a été observé que ce régime alimentaire élevé en sucre amenait les rats à doubler, en quelques jours, leur consommation totale de sucre, ce qui semble répliquer le processus de tolérance où la substance doit être consommée en quantité de plus en plus grande pour atteindre une même satisfaction (Colantuoni et al., 2001). De plus, il a été observé que l’accès restreint au sucre (pendant 12 heures de la journée) amenait les rats à en consommer excessivement dans la première heure de disponibilité, ce qui s’apparente à une consommation excessive lors de crises de suralimentation. Plus spécifiquement, Avena et ses collègues (2008) ont rapporté que plus le temps d’accès au sucre était court, plus une même quantité de sucre était ingérée rapidement lorsque disponible (Avena, Rada, & Hoebel, 2008). En plus de soumettre les rats au modèle décrit plus haut, certaines études ont retiré complètement l’accès au sucre et/ou à la nourriture pendant des périodes allant de 24 heures à quelques semaines. Lors de

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ces périodes de jeûne prolongé, des symptômes physiques et psychologiques similaires à ceux d’un sevrage provoqué par la consommation d’héroïne (agressivité, anxiété, diminution de la température corporelle, tremblements au niveau des pattes et de la tête et claquements de dents) ont pu être observés chez les rats (Colantuoni et al., 2002; Galic & Persinger, 2002; Wideman, Nadzam, & Murphy, 2005). Enfin, certaines études ont révélé que des comportements de rechute se manifestaient chez les rats après qu’ils aient été privés du sucre auquel ils étaient habitués, puisque ceux-ci appuyaient significativement plus souvent sur le bouton de distribution lorsque le liquide sucré était de nouveau disponible, au même titre que si des substances psychoactives telles l’amphétamine, la cocaïne ou l’alcool étaient utilisées (Avena, Carrillo, Needham, Leibowitz, & Hoebel, 2004; Avena & Hoebel 2003; Avena, Long, & Hoebel, 2005; Gosnell, 2005).

En plus de ces changements comportementaux, des changements neurobiologiques ont été notés à l’aide de ce modèle et grâce à différentes techniques permettant de mesurer l’activité des neurotransmetteurs (composé chimique qui se charge de propager les signaux d’un neurone à l’autre) dans le cerveau des rats. Il a donc été possible de constater qu’une consommation excessive de sucre chez les rats faisait constamment augmenter les niveaux du neurotransmetteur dopamine dans le cerveau, ce qui pouvait mener à une diminution de la quantité et de la disponibilité des récepteurs dopaminergiques, au long cours (Avena, 2010).

Des altérations similaires au niveau comportemental et neurobiologique ont pu être observées chez les rats en utilisant un modèle de dépendance aux aliments riches en gras. Dans ce deuxième modèle, des rats ont accès aux aliments riches en gras pendant deux heures seulement. Le reste de la journée, ils ont accès à leur nourriture habituelle ainsi qu’à de l’eau. Ils sont maintenus sur cette diète pendant un mois (Avena, 2007). Grâce à ce modèle de dépendance aux aliments riches en gras, il a été démontré que les rats développaient une grande motivation à se procurer ces aliments, puisqu’ils pouvaient tolérer des chocs électriques élevés au niveau de leurs pattes afin d’y avoir accès. Cette observation a été associée au fait de poursuivre la consommation d’une substance malgré la présence de conséquences négatives importantes (Oswald, Murdaugh, King, &

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Boggiano, 2011). De plus, ils développaient des comportements de surconsommation de ces mêmes aliments, comparables encore une fois à une consommation excessive observée lors de crises de suralimentation (Berner, Avena, & Hoebel, 2008; Corwin et al., 2011). Enfin, au niveau neurobiologique, ce deuxième modèle a permis d’observer des changements dans la libération de la dopamine dans le noyau accumbens, permettant ainsi d’appuyer les résultats relatifs à la dopamine obtenus par le modèle de dépendance au sucre (Corwin et al., 2011).

Dans l’ensemble, l’étude de ces modèles animaux de dépendance a permis de fournir les premiers appuis empiriques du lien entre la dépendance aux substances et la consommation excessive de nourriture en démontrant que les aliments sucrés et riches en gras peuvent agir davantage comme des objets de dépendance, comparativement à d’autres aliments, et provoquer des conséquences comportementales et neurobiologiques observables.

Études en imagerie cérébrale. Alors que des études s’efforçaient de documenter les

composantes comportementales et neurobiologiques de la dépendance alimentaire (DA) chez les animaux, les seules données relatives chez les humains prenaient la forme d’anecdotes et ne s’appuyaient sur aucune donnée empirique. Par conséquent, des chercheurs ont entrepris de documenter ces composantes chez les humains à l’aide de l’imagerie cérébrale, soit un ensemble de techniques permettant de visualiser l’anatomie et l’activité du cerveau (Wang, Volkow, Thanos, & Fowler, 2004). La tomographie par émission de positons (TEP), une technique permettant de visualiser la quantité et l’activité des récepteurs de la dopamine grâce à une substance radioactive (Wang et al., 2004), a été utilisée afin de tracer des parallèles entre les individus souffrant de dépendance aux substances et ceux souffrant d’obésité. En effet, la TEP a permis de documenter une diminution des récepteurs dopaminergiques et des niveaux de dopamine libérés par le striatum chez les individus présentant une dépendance aux substances et chez ceux présentant de l’obésité, permettant ainsi d’établir un lien entre ces deux conditions (Volkow et al., 1997; Wang et al., 2001). De plus, il a été rapporté que lorsque la consommation de substances psychoactives ou la surconsommation de nourriture est prolongée, des

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adaptations neurobiologiques sont observables. Par exemple, une diminution de la production de dopamine peut survenir et mener au besoin de consommer des quantités de substances psychoactives ou de nourriture constamment plus grandes (effet de tolérance) et une altération du fonctionnement de l’amygdale, une des parties du cerveau responsable de la récompense, peut apparaitre et mener aux effets négatifs du sevrage (Grigson, 2002; Pelchat, 2002).

Par ailleurs, plusieurs études se sont penchées plus spécifiquement sur l’alimentation et l’obésité à l’aide de l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf). Cette technique a pour but d’illustrer l’activité cérébrale lors de différentes tâches, sur la base de la mesure du niveau d’oxygène contenu dans le sang présent au cerveau (Martin et al., 2010). Ainsi, grâce à cette technique, Beaver et al. (2006) ont montré que des parties du cerveau responsables de la détection des récompenses dans l’environnement et de l’initiation d’actions nécessaires à l’obtention de celles-ci étaient activées en réponse à des images d’aliments gouteux, chez des individus ayant un poids santé. Plus encore, d’autres résultats ont révélé que cette activation était significativement plus importante chez des individus présentant de l’obésité, en comparaison à des individus ayant un poids santé et un surplus de poids (Martin et al., 2010; Stoeckel et al., 2009). Selon Stoeckel et collègues (2009), cette activation amplifiée pourrait être expliquée par un dysfonctionnement au niveau des signaux envoyés par l’amygdale au cortex orbitofrontal et au noyau accumbens, qui accentuerait l’aspect émotionnel associé à la nourriture, ainsi que par un dysfonctionnement au niveau des signaux envoyés par le cortex orbitofrontal au noyau accumbens, qui accentuerait l’envie de manger en présence de nourriture. Enfin, des chercheurs ont réalisé une étude à l’aide de la TEP et de l’IRMf, dans laquelle les participants ingéraient un breuvage calorique (à la vanille ou au chocolat) suite à un jeûne de 36 heures (Le et al., 2006). Les résultats obtenus ont montré une diminution de l’activité du cortex dorsolatéral préfrontal, entre autres responsable de la satiété et de la terminaison des repas, chez des individus souffrant d’obésité. Ces résultats pourraient ainsi offrir une explication neurobiologique au fait que les individus qui souffrent d’obésité éprouvent de la difficulté à s’arrêter de manger lorsqu’ils atteignent leur niveau satiété (Le et al., 2006).

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Mécanismes et variables communs. Plusieurs mécanismes et variables communs à la

dépendance aux substances et à la surconsommation de nourriture ont été identifiés, tels la neurobiologie de la récompense, la sensibilité à la récompense, l’impulsivité, la régulation des émotions, certains traits de personnalité (par exemple, l’autodétermination) et certains facteurs de risque (par exemple, le stress). Des études portant sur ces mécanismes et ces variables ont permis de faire avancer les connaissances dans le domaine de la DA, puisqu’elles ont mené à la documentation des facteurs qui pourraient sous-tendre une telle dépendance.

Neurobiologie de la récompense. De façon comparable à la dépendance aux

substances, des chercheurs expliquent que la relation entretenue avec les aliments gouteux ainsi que la motivation de manger sont en partie sous l’influence de circuits neuronaux de la récompense, qui attribuent des sensations de plaisir et/ou de désir aux divers stimuli (Berridge, Ho, Richard, & DiFeliceantonio, 2010). Selon Berridge, Robinson et Aldridge (2009), il est important de faire la distinction entre les différentes composantes de la récompense, dont celle qui amène un individu à « aimer » une substance et celle qui l’amène à la « vouloir ». Par exemple, la composante « aimer » est associée au plaisir qu’éprouve un individu lorsqu’un aliment gouteux est consommé et varie selon plusieurs facteurs, dont la faim, la satiété et les préférences/aversions. Pour ce qui est de la composante « vouloir », elle est associée au désir de consommer un aliment gouteux, c’est-à-dire à la valeur motivationnelle accordée à cet aliment. Contrairement à la composante « aimer », la composante « vouloir » est contrôlée par des systèmes sous-corticaux et implique moins de fonctions cognitives, ce qui peut mener à des désirs irrationnels. C’est pourquoi il devient possible de vouloir un objet (substance psychoactive ou nourriture), sans même éprouver de plaisir lors de sa consommation (Berridge et al., 2009).

Différentes régions et mécanismes spécifiques ont été liés aux composantes « aimer » et « vouloir » de la récompense. En fait, il existe en interaction un circuit dit hédonique, comprenant diverses régions du cerveau qui participent à amplifier les sensations de récompenses naturelles produites par la substance, et un circuit mésocorticolimbique, davantage responsable de la motivation liée au fait de consommer la substance (Castro &

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Berridge, 2014). Une variété d’hypothèses ont été émises concernant le rôle de ces circuits en lien avec les troubles de dépendance et l’obésité (Berridge et al., 2010; Robinson & Berridge, 2008). Premièrement, il a été postulé qu’un dysfonctionnement des circuits de la récompense pourrait être à l’origine des comportements de surconsommation. Une hyperactivité pathologique des différentes régions hédoniques pourrait amplifier l’impact de la composante « aimer » et donc augmenter le plaisir et la désirabilité liés à la consommation d’une substance ou d’un aliment. Ou encore, une hyperactivité du circuit mésocorticolimbique pourrait éveiller seulement la composante « vouloir » et donc pousser un individu à consommer de façon compulsive, sans nécessairement y retrouver du plaisir. Deuxièmement, il a été postulé qu’un dysfonctionnement des circuits de la récompense pourrait se produire en conséquence à la surconsommation, survenant ainsi des suites de la dépendance aux substances ou de la prise de poids, et non préalablement. Troisièmement, ces auteurs proposent qu’il reste concevable que ces circuits continuent de fonctionner normalement malgré la surconsommation et que l’origine de ces comportements problématiques se situerait ailleurs dans le cerveau.

Sensibilité à la récompense. La sensibilité à la récompense est un trait

psychobiologique défini comme étant la propension/susceptibilité que peut avoir un individu à approcher des situations impliquant des stimuli agréables (récompense), peu importe ce qu’ils sont (Torrubia, Àvila, Moltò, & Caseras, 2001). Plusieurs appuis empiriques démontrent qu’une grande sensibilité à la récompense constitue un facteur de risque en ce qui a trait à la dépendance aux substances et au jeu pathologique (Dawe, Gullo, & Loxton, 2004; Gaher, Hahn, Shishido, Simons, & Gaster, 2015; Genovese & Wallace, 2007). Cependant, les données relatives au mécanisme permettant d’expliquer la sensibilité à la récompense sont partagées (Davis & Carter, 2009) : est-ce un fonctionnement diminué du circuit de la récompense qui pousserait à l’autostimulation ou encore une sensibilité à la récompense élevée qui engendrerait une grande motivation à aller vers diverses sources de récompense? En fait, ces deux types de fonctionnement, observés chez différentes personnes, constitueraient un facteur de vulnérabilité quant au développement d’une dépendance (Davis & Carter, 2009).

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Considérant que la nourriture peut constituer une source de récompense, au même titre que les substances psychoactives, une étude de Loxton et Dawe (2006) a démontré que parmi un groupe de femmes sélectionnées dans la population générale, la sensibilité à la récompense était non seulement liée à des problèmes d’alcoolisme mais aussi à une alimentation dysfonctionnelle. En lien avec l’alimentation, il a été constaté que la sensibilité à la récompense était liée à une préférence pour les aliments riches en gras et en sucre, à des épisodes de suralimentation, et ce, particulièrement lors de moments émotionnels, ainsi qu’à l’expérience d’envies alimentaires intenses. De plus, il a été constaté que la sensibilité à la récompense pouvait être directement liée à l’IMC, mais également indirectement liée à l’IMC par l’entremise des comportements alimentaires problématiques précédemment énumérés (Davis et al., 2007; Davis, Strachan, & Berkson, 2004; Franken & Muris, 2005).

Impulsivité. L’impulsivité est définie comme une désinhibition comportementale,

c’est-à-dire qu’elle se manifeste par des agissements soudains et sans réflexion préalable dans le but de satisfaire un désir quelconque (Kreek, Nielsen, Butelman, & LaForge, 2005). Ainsi, l’impulsivité semble jouer un rôle important dans le développement des dépendances. Par exemple, une étude a démontré que l’impulsivité, telle que mesurée par une tâche en laboratoire auprès d’individus souffrant d’une dépendance au jeu, était associée à une plus grande sévérité de jeu pathologique (Alessi & Petry, 2003). Plus encore, une autre étude a démontré que, chez des individus en traitement pour une dépendance à la cocaïne, l’impulsivité était positivement corrélée à la consommation de cocaïne ainsi qu’aux chances d’abandonner le traitement de façon prématurée (Moeller et al., 2001).

D’un point de vue alimentaire, les résultats d’une étude réalisée auprès de participantes ayant un poids santé, recrutées dans les universités, ont illustré que celles qui présentaient une grande impulsivité consommaient plus d’aliments lors d’un faux test de gout et rapportaient plus de pensées et de comportements reliés à des problèmes alimentaires, comparativement aux participantes moins impulsives (Guerrieri, Nederkoorn, & Jansen, 2007). De plus, il a été observé que les individus faisant l’expérience de crises de suralimentation et de désinhibition alimentaire présentaient davantage d’impulsivité,

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lorsque comparés à leurs homologues (Galanti, Gluck, & Geliebter, 2007; Leitch, Morgan, & Yeomans, 2013). Afin de faire le pont entre le domaine de la dépendance et de l’alimentation, Dawe et Loxton (2004) expliquent que l’impulsivité contribuerait à l’incapacité de résister aux substances psychoactives ou aux aliments savoureux et serait impliquée dans la perte de contrôle vécue durant la surconsommation de l’une ou de l’autre de ces substances ou aliments.

Régulation des émotions. Autant dans le domaine de la dépendance que dans le

domaine de l’alimentation, plusieurs chercheurs se sont intéressés à la régulation des émotions comme étant une variable qui pourrait possiblement sous-tendre les comportements de surconsommation. Entre autres, les résultats d’études réalisées auprès d’individus en traitement pour une dépendance à l’alcool ou aux substances psychoactives ont montré que ces derniers présentaient plus de difficultés à réguler leurs émotions, lorsque comparés à des individus en santé (Fox, Axelrod, Paliwal, Sleeper, & Sinha, 2007; Fox, Hong, & Sinha, 2008). Plus particulièrement, il a été observé que lorsque les individus aux prises avec une dépendance vivaient des émotions négatives (p.ex. colère), ils avaient non seulement plus de difficultés à contrôler leurs agissements, mais peinaient également à identifier et rendre compte de leurs émotions ainsi qu’à trouver des stratégies pour améliorer leur humeur. Des résultats similaires ont été obtenus auprès d’individus en traitement pour le jeu pathologique, alors qu’ils présentaient plus de difficultés à réguler leurs émotions que des individus en santé (Williams, Grisham, Erskine, & Cassedy, 2011).

D’un autre côté, les résultats d’études réalisées auprès d’individus souffrant de troubles des conduites alimentaires, dont le trouble d’hyperphagie boulimique caractérisé par des crises de suralimentation en l’absence de comportements compensatoires (APA, 2013), ont démontré que ces derniers présentaient davantage de difficultés à réguler leurs émotions lorsqu’ils étaient comparés à des individus en santé (Svaldi, Griepenstroh, Tuschen-Caffier, & Ehring, 2012). De plus, il a été observé que des difficultés à identifier les émotions et des difficultés à trouver des stratégies pour améliorer l’humeur étaient les deux facettes qui permettaient de mieux prédire la présence de crises de suralimentation chez des individus de la population générale ainsi que chez des individus souffrant d’hyperphagie boulimique

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(Gianini, White, & Masheb, 2013; Whiteside et al., 2007). Ainsi, il semblerait qu’une vulnérabilité au plan émotionnel pourrait constituer un facteur de risque dans le développement et le maintien de comportements de consommation problématiques.

Traits de personnalité associés à la dépendance. Des études se penchent depuis

plusieurs années sur les traits de personnalité en lien avec la dépendance aux substances et il est maintenant reconnu que quelques-uns constituent des facteurs de risque dans le développement de ce trouble. Ainsi, il a été démontré, à l’aide d’un questionnaire évaluant différentes dimensions de la personnalité (Temperament and Character Inventory [TCI]; Cloninger, Svrakic, & Przybeck, 1993), que les individus souffrant d’une dépendance aux substances et de jeu pathologique étaient plus enclins à rechercher la nouveauté, c’est-à-dire à s’engager activement dans des situations menant à de nouvelles sensations, et à éviter le danger, c’est-à-dire à adopter une attitude de retrait face à des situations aversives (Basiaux et al., 2001; Hosak, Preiss, Halir, Cermakova, & Csemy, 2004; Janiri, Martinotti, Dario, Schifano, & Bria, 2007; Le Bon et al., 2004; Milivojevic et al., 2012; Nordin & Nylander, 2007). De plus, il a été démontré que ces mêmes individus faisaient preuve de moins d’autodétermination et donc qu’ils étaient moins aptes à contrôler, réguler et adapter leurs comportements face à diverses situations, que les individus sans dépendance.

Ces résultats sont similaires à ceux observés dans le domaine de l’obésité. En effet, il a été illustré à l’aide du TCI que les personnes qui souffrent d’obésité et/ou qui présentent des crises de suralimentation avaient plus tendance à rechercher la nouveauté et à éviter le danger, alors qu’elles présentaient moins d’autodétermination que les personnes de poids santé (Fassino et al., 2002; Sullivan, Cloninger, Przybeck, & Klein, 2007). Afin d’expliquer ces résultats, l’hypothèse suivante a été émise : les personnes souffrant d’obésité auraient tendance à manger davantage pour obtenir de la stimulation (recherche de nouveauté) et éviter l’ennui (évitement du danger) sans posséder les ressources pour réguler adéquatement leurs comportements (autodétermination), ce qui les amèneraient à prendre du poids (Sullivan et al., 2007).

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Facteurs de risque associés à la dépendance : le stress. Il est de plus en plus reconnu

que les troubles de dépendance sont associés au stress (Lovallo, 2006). L'activation de l'axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien (HPA) est une des réactions physiologiques les plus importantes au stress (de Kloet, Joëls, & Holsboer, 2005; Charmandari, Tsigos, Chrousos, 2005). Dans des contextes stressants, une cascade est initiée et débute par la sécrétion de l’hormone corticolibérine par l’hypothalamus, ce qui induit la sécrétion de l’hormone corticostimuline par l'hypophyse. À son tour, l’hormone corticostimuline se lie à la glande surrénale et induit la sécrétion de l’hormone de stress cortisol. Cette dernière hormone est donc considérée comme reflétant l’activité de l’axe HPA (Charmandari et al., 2005; de Kloet et al., 2005). Dans sa revue de littérature, Lovallo (2006) explique que la consommation de grandes quantités de substances sur une longue période de temps mène à une sur-stimulation constante de l’axe HPA. Dans un but d’adaptation et de préservation, l’organisme cherche à contre balancer cette sur-stimulation, ce qui provoque éventuellement une diminution de l’activité de cet axe. Appuyant l’idée d’une dérégulation de l’activité de l’axe HPA, il a été démontré que des individus souffrant d’une dépendance soit aux substances psychoactives ou à l’alcool présentaient une telle diminution, se manifestant par une sécrétion atténuée de cortisol suite à une activité stressante et suite au réveil (Fox et al., 2009; Junghanns Horbach, Ehrenthal, Blank, & Backhaus, 2007; King, Jones, Scheuer, Curtis, & Zarcone, 1990). Une diminution de l’activité de l’axe HPA serait également indicatrice d’une vulnérabilité à développer un trouble de dépendance (King et al., 2002) et d’une augmentation des chances de rechute lors d’une période d’abstinence (Junghanns et al., 2005). De plus, cette diminution de l’activité de l’axe HPA a été associée au jeu pathologique alors que des joueurs chroniques présentaient une sécrétion atténuée de cortisol suite au visionnement de vidéos de jeux (Paris, Franco, Sodano, Frye, & Wulfert, 2009).

En plus de cette association avec les dépendances, le stress est également reconnu comme étant un des facteurs de risque sous-jacents à l’obésité (Sinha & Jastreboff, 2013). En effet, plusieurs études ont démontré que le stress était associé à des changements métaboliques ainsi qu’à des comportements alimentaires problématiques qui pouvaient mener à l’obésité (Adam & Epel, 2007; Gluck, 2006; Torres & Nowson, 2007). D’autres

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études se sont penchées plus particulièrement sur le lien entre le fonctionnement de l’axe HPA et les comportements alimentaires chez des individus de la population générale, démontrant que la réactivité de cet axe était entre autres négativement corrélée à la désinhibition alimentaire, à la susceptibilité à la faim et à la restriction alimentaire (Therrien et al., 2008). De plus, une dérégulation de cet axe a été répertoriée en lien avec des variables communes à la dépendance aux substances et à la surconsommation de nourriture, comme par exemple la sensibilité à la récompense, conférant encore plus d’importance au fait d’étudier l’axe HPA en lien avec la DA. Par exemple, Freeman et Beer (2010) et Rosenblitt, Soler, Johnson et Quadagno (2001) ont observé que plus leurs participants rapportaient une grande sensibilité à la récompense et donc plus ils s’exposaient de façon récurrente au risque, plus leur sécrétion de cortisol était faible.

En somme, les données de ces multiples études permettent de mieux comprendre le fonctionnement neuronal derrière la régulation des récompenses, qu’elles soient naturelles ou artificielles, et permettent de mieux faire le pont entre la dépendance aux substances et la DA. Couplées aux données empiriques obtenues auprès des rats et des humains, ces connaissances ont permis de jeter les bases du concept de la DA en démontrant que les composantes neurobiologiques et comportementales ainsi que les mécanismes et les variables liés à la dépendance aux substances restaient les mêmes lorsque l’objet de dépendance, soit les substances psychoactives, était remplacé par la nourriture.

La dépendance alimentaire : le développement d’un instrument

Critères diagnostiques de la dépendance. Certains auteurs ont poursuivi la validation

du concept de la DA en tentant de transposer les critères diagnostiques de la dépendance aux substances du DSM-IV-TR (APA, 2000) à la DA. En effet, Volkow et O’Brien (2007) ont entrepris de transposer ces critères d’un point de vue théorique en dressant un tableau (voir Tableau 1) comparant chaque critère de la dépendance aux substances à son équivalent en termes de DA. Parallèlement, Cassin et von Ranson (2007) ont mis sur pied une entrevue téléphonique dans laquelle les critères diagnostiques de la dépendance étaient repris, mais où les substances psychoactives étaient substituées par la nourriture. Les résultats obtenus auprès de femmes présentant de l’hyperphagie boulimique ont démontré

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que ce trouble pouvait être classifié comme une dépendance chez 92 % des participantes. Pour ce qui est des autres participantes (8 %), leurs caractéristiques n’ont pas été détaillées. Il a donc été conclu qu’une majorité de cas d’hyperphagie boulimique présentait une DA mais que, tout comme pour les substances psychoactives, ce ne sont pas tous les individus qui sont sujets à la surconsommation de nourriture qui souffrent d’une telle dépendance (Cassin & von Ranson, 2007). Dans la même ligne d’idée, un article de revue a permis de mettre de l’avant les bases empiriques sous-jacentes aux critères de la DA en relatant les données d’études réalisées auprès d’humains qui appuyaient la présence des phénomènes décrits par chacun des critères de la dépendance aux substances (par exemple, phénomènes de la tolérance et du sevrage) (Gearhardt, Corbin, & Brownell, 2009a). En somme, l’application des critères diagnostiques de la dépendance aux substances au concept de la DA a permis d’examiner ce construit de façon plus spécifique ainsi que de développer un instrument approprié à son étude : le Yale Food Addiction Scale.

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Tableau 1

Application des critères diagnostiques de la dépendance aux substances au concept de dépendance alimentaire

Critères du trouble de la dépendance aux substances, DSM-IV-TR

Équivalents en termes de dépendance à la nourriture

Tolérance (un ou l’autre des items suivants) : (1) besoin de quantités notablement plus fortes pour obtenir l’effet désiré

(2) effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même quantité

Tolérance :

plus grandes quantités de nourriture nécessaires pour maintenir la satiété ou l’effet désiré

Sevrage (un ou l’autre des items suivants) : (1) syndrome de sevrage caractéristique de la substance

(2) substance est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage

Sevrage :

Détresse et dysphorie pendant une diète

La substance est prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu

La nourriture est consommée en plus grandes quantités que prévu

Un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance

Un désir persistant pour la nourriture, ou des tentatives infructueuses pour restreindre la quantité de nourriture consommée

Beaucoup de temps passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance ou à récupérer de ses effets

Beaucoup de temps passé à se nourrir

Des activités sociales, professionnelles ou de loisirs sont abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la substance

Des activités sont abandonnées ou délaissées à cause de la peur d’un rejet dû à l’obésité

L’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème

psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d’avoir été causé ou exacerbé par la substance

La suralimentation est maintenue malgré la conscience des

conséquences physiques et

psychologiques néfastes causées par la consommation excessive de nourriture

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Yale Food Addiction Scale. Le Yale Food Addiction Scale (YFAS) (Gearhardt,

Corbin, & Brownell, 2009b) est un questionnaire basé sur les critères diagnostiques du DSM-IV-TR de la dépendance aux substances (APA, 2000) et qui a permis de faciliter la recherche chez les humains en opérationnalisant le concept de la dépendance alimentaire. Ce questionnaire comprend 22 items représentant les sept critères diagnostiques de la dépendance en plus du critère se rapportant à l’altération du fonctionnement/à la présence de souffrance cliniquement significative. Il comprend également trois items additionnels visant exclusivement à préparer les répondants aux items subséquents et deux items additionnels visant l’ajout d’informations qualitatives, soit l’identification d’aliments problématiques qui pourraient constituer des objets de dépendance (par exemple, aliments sucrés ou riches en gras). Un seuil de sévérité pour chaque item a été préalablement établi par les auteurs du YFAS, de sorte qu’un critère diagnostique est considéré comme endossé si le seuil de sévérité d’au moins un des items le représentant est atteint. Ainsi, les résultats de ce questionnaire peuvent être exprimés en termes de sévérité (score continu), c’est-à-dire en termes de nombre de critères diagnostiques endossés, ou en termes de diagnostic (score dichotomique), c’est-à-dire lorsqu’au moins trois critères diagnostiques sont endossés en plus du critère d’altération du fonctionnement/présence de souffrance cliniquement significative.

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Chapitre 2.

Revue de la littérature portant sur la mesure de la

dépendance alimentaire

Études de validation du YFAS

Les résultats de la validation préliminaire du YFAS, réalisée auprès d’un échantillon d’étudiants présentant un IMC moyen de 22,58 kg/m2, ont révélé une structure à un facteur et une bonne cohérence interne (α = 0,86) (Gearhardt et al., 2009b). Considérant cette structure factorielle, il a été observé que tous les items présentaient des coefficients de saturation plus grands que 0,50, excepté l’item 24. Cet item, qui évalue la présence de tentatives échouées pour diminuer la consommation d’aliments riches en gras et en sucre, ne contribuait pas adéquatement à distinguer les individus qui souffrent de dépendance alimentaire de ceux qui n’en souffrent pas. Les résultats de cette étude ont également révélé une bonne validité convergente, tel que supporté par des corrélations statistiquement significatives entre le YFAS et des mesures liées au construit (p.ex. comportements alimentaires problématiques), et une bonne validité divergente, tel que supporté par des corrélations nulles entre le YFAS et des mesures indépendantes au construit (p.ex. consommation d’alcool). Enfin, une prévalence de dépendance alimentaire de 11,4 % a été trouvée au sein de cet échantillon (Gearhardt et al., 2009b).

Suite à l’élaboration du YFAS, le domaine de la dépendance alimentaire a connu une croissance exponentielle. En effet, selon différents moteurs de recherche fréquemment utilisés dans le domaine des sciences sociales, le nombre de publications en lien avec la dépendance alimentaire aurait été multiplié par un facteur de presque dix depuis 2009 (Davis, 2017). Considérant l’émergence impressionnante de ce domaine et l’intérêt porté au construit de la dépendance alimentaire, le YFAS s’est avéré un instrument de choix. Ainsi, la version originale a été adaptée et traduite dans différentes langues, afin d’étendre la possibilité d’étude du phénomène de la DA à un maximum d’échantillons autour du monde. Plus spécifiquement, des versions du YFAS existent maintenant en allemand (Meule, Heckel, & Kübler, 2012a, 2012b), en espagnol (Granero et al., 2014), en italien (Innamorati et al., 2015), en chinois (Chen, Tang, Guo, Liu, & Xiao, 2015), en malaisien (Nantha,

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Patha, & Pillai, 2016) et en portugais (Torres et al., 2017). Enfin, une version française a également été élaborée et validée au sein d’un échantillon de la population générale (Brunault, Ballon, Gaillard, Réveillère, & Courtois, 2014).

En support aux résultats obtenus par Gearhardt et collègues (2009b), les résultats des études de validation subséquentes ont suggéré une structure à un facteur, représentant la symptomatologie de la DA, aussi bien dans des échantillons de la population générale (Brunault et al., 2014; Chen et al., 2015; Meule et al., 2012b) que dans des échantillons cliniques, c’est-à-dire des individus présentant diverses problématiques alimentaires (Granero et al., 2014), des individus souffrant d’obésité (Davis et al., 2011; Innamorati et al., 2015; Nantha et al., 2016) et des candidats à la chirurgie bariatrique (Meule et al., 2012a; Clark & Saules, 2013; Torres et al., 2017). Toutefois, divers items problématiques ont été identifiés, en plus de l’item 24, lorsque des échantillons cliniques étaient recrutés. Ainsi, dans le but d’augmenter la précision avec laquelle la DA est mesurée, le besoin de modifier ou même d’éliminer certains items lorsque des individus souffrant de problématiques pondérales plus sévères étaient impliqués a été mis de l’avant.

Items et critères diagnostiques de la DA mesurés par le YFAS

Parmi les critères diagnostiques de la dépendance aux substances, trois semblent s’appliquer plus facilement à la DA, soit la consommation de quantités plus grandes que prévu, l’impossibilité de diminuer la consommation et la poursuite de la consommation malgré des conséquences négatives sur la santé physique et mentale (Ziauddeen, Farooqi, & Fletcher, 2012). Cependant, d’autres critères peuvent s’avérer plus difficiles à évaluer lorsque l’objet de dépendance est la nourriture. Selon Ziauddeen et collègues (2012), une des raisons pour laquelle ces critères sont plus difficiles à évaluer est que dans la plupart des sociétés actuelles, la nourriture est facilement accessible et donc, il est moins difficile de s’en procurer comparativement à des substances psychoactives. De plus, la nourriture n’est pas considérée comme illégale et des attitudes plus positives y sont rattachées en comparaison aux substances psychoactives. Même si ces critères peuvent s’avérer plus difficiles à mesurer, il n’est pas impossible de le faire lorsque les questions servant à les mesurer sont clairement définis. Par exemple, le critère concernant l’abandon d’activités

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pourrait référer à un individu qui choisirait de manger alors que la faim ne se fait pas ressentir, plutôt que de se rendre à une activité entre amis ou au travail (Meule & Kübler, 2012).

En support à ces idées, les taux d’endossement des différents critères de la DA laissent entrevoir que certains critères seraient davantage endossés que d’autres, et ce, au sein de différents échantillons. En particulier, il a été rapporté que le critère « désir persistant pour la nourriture et tentatives infructueuses de restreindre la quantité de nourriture consommée » était le plus souvent endossé dans les études s’intéressant à la DA, atteignant un taux d’endossement aussi élevé que 95 % parmi des candidats à la chirurgie bariatrique (Meule et al., 2012a), 96 % parmi des individus en traitement pour de l’obésité (Eichen, Lent, Goldbacher, & Foster, 2013) et 100 % parmi des individus souffrant d’hyperphagie boulimique (Gearhardt, White, Masheb, & Grilo, 2013) (Meule & Gearhardt, 2014; Pursey, Stanwell, Gearhardt, Collins, & Burrows, 2014). L’endossement massif de ce critère pourrait laisser entrevoir que les items qui le définissent sont trop sensibles lorsqu’ils sont utilisés au sein d’échantillons cliniques. Les items qui sous-tendent ce critère ont d’ailleurs presque tous été identifiés comme problématiques dans les études citées précédemment qui se sont intéressées à la validation de l’outil chez des individus souffrant d’obésité et d’obésité sévère (Meule et al., 2012a; Innamorati et al., 2015; Nantha et al., 2016; Torres et al., 2017). Ce constat appuie la pertinence de procéder à la validation du YFAS, tant au sein d’échantillons non-cliniques que cliniques. Ainsi, considérant que la version française du YFAS a seulement été validée au sein d’un échantillon non-clinique, il importe de procéder à sa validation au sein d’échantillons cliniques afin de s’assurer du comportement des items.

De plus, un critère diagnostique évaluant la présence d’une souffrance cliniquement significative et/ou d’une altération du fonctionnement a été ajouté aux autres critères plus spécifiquement reliés à la dépendance aux substances, malgré qu’aucune recherche n’ait documenté empiriquement la détresse ou le dysfonctionnement qui pourrait être engendré par la symptomatologie propre à la DA. En effet, Gearhardt et collègues (2009a) ont proposé cet ajout en se basant sur les recherches qui démontrent que la difficulté qu’ont les

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Figure 2. Multiple mediation model of the effects of harm avoidance on the number of FA  criteria endorsed through impulsivity emotion dysregulation
Figure 3  shows  that  there  was  a  significant  direct  effect  of  self-directedness  on  FA  symptomatology (path c’) as well as a significant indirect effect of self-directedness on FA  symptomatology through reward sensitivity (path a 1  x b 1 ) (pa
Figure  4.  Cortisol  awakening  response  in  individuals  presenting  low  and  high  food  addiction symptomatology
Figure  5.  FA  symptomatology  as  a  moderator  of  the  relationship  between  cortisol  awakening response and food cravings triggered by cues in the environment

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