2.4 Décomposition de Dunford
Référence :X. Gourdon, Les maths en tête, Algèbre, Ellipses, 2009. Leçons concernées : 153, 154, 155, 157.
Soit K un corps et E un K-espace vectoriel de dimension finie.
Théorème 1. Soit f P LpEq tel que son polynôme caractéristique f soit scindé sur K.
Alors il existe un unique couple pd, nq P LpEq2 tel que f “ d ` n, n soit nilpotent, d soit
diagonalisable, et que d ˝ n “ n ˝ d.
De plus, d et n sont des polynômes en f.
Lemme 2. Soit f P LpEq et P P KrXs un polynôme annulateur de f. Soit P “ M↵1
1 ¨ ¨ ¨ Ms↵s
sa décomposition en facteurs irréductibles et Ni:“ ker Mi↵ipfq. Alors on a E “ N1‘¨ ¨ ¨‘Ns
et pour tout i, la projection sur Ni parallèlement à Àj‰iNj est un polynôme en f.
Démonstration. La première assertion résulte directement du lemme des noyaux.
Étape 1 : on note, pour tout i, Qi “±j‰iMj↵j, qui sont premiers entre eux dans leur
ensemble, et donc, d’après le théorème de Bézout, il existe U1, . . . , Us P KrXs tels que
U1Q1` ¨ ¨ ¨ ` UsQs“ 1 et donc
idE “ U1˝ Q1pfq ` ¨ ¨ ¨ ` Us˝ Qspfq.
On note alors Pi “ UiQi et pi“ Pipfq de sorte qu’on a idE “∞sj“1pj p˚q. On remarque que
les pi sont des polynômes en f. On commence par montrer que les pi sont des projecteurs.
Pour j ‰ i, P divise QiQj et donc
pi˝ pj “ QiQjpfq ˝ UiUjpfq “ 0.
Ainsi, pour tout i, par p˚q, pi“∞sj“1pi˝ pj “ p2i.
Étape 2 : on montre ensuite par double inclusion que Imppiq “ Ni. Soit y “ pipxq P
Imppiq. On a
M↵i
i pfqpyq “ Mi↵ipfq ˝ Pipfqpxq “ Uipfq ˝ P pfqpxq “ 0
et donc Imppiq Ä ker Mi↵ipfq “ Ni. Réciproquement, si x P Ni, on a d’après p˚q, x “
∞s
j“1pjpxq. Or pour j ‰ i, pjpxq “ UjQjpfqpxq “ 0 car Mi↵i divise Qj et donc x “ pipxq P
Imppiq.
Étape 3 : on montre enfin par double inclusion que kerppiq “Àj‰iNj. Soit x P Nj, alors
pipxq “ UiQipfqpxq “ 0 car Mj↵j divise Qi et doncÀj‰iNj Ä kerppiq. Réciproquement, si
xP kerppiq, par p˚q, x “∞j‰ipjpxq PÀj‰iImppjq “ Àj‰iNj. Cela conclut la preuve du
lemme.
Démonstration (Théorème). Existence : on applique le lemme précédent à P “± f “ s
i“1pX ´ iq↵i avec Mi “ X ´ i. On reprend les notations du lemme et on pose
d“∞si“1 ipi qui est alors diagonalisable (diagonale dans une base adaptée à la
décompo-sition E “ N1‘ ¨ ¨ ¨ ‘ Ns). On pose également n “ f ´ d “∞si“1pf ´ iqpi grâce à p˚q. On
sait que pi˝ pj “ 0 si i ‰ j, p2i “ pi et, puisque les pi sont des polynômes en f, que les pi
et f commutent, ainsi, par récurrence, on obtient que pour tout q P N, nq “
s
ÿ
i“1
pf ´ iqqpi.
Or, si q “ maxi↵i, pour tout i, pf ´ iqqpipxq “
`
pX ´ iqqPi
˘
pfqpxq “ 0 car f divise
pX ´ iqqPi. Ainsi n est nilpotent et puisque ce sont des polynômes en f, d et n commutent,
et on a l’existence.
Unicité : soit pd1, n1q un autre tel couple. Alors d1et n1commutent avec d1`n1 “ f et donc
avec d et n qui sont des polynômes en f. Ainsi, d et d1 sont simultanément diagonalisables,
et donc d ´ d1 est diagonalisable. Or on a d ´ d1 “ n1´ n qui est nilpotent par le binôme de
Newton, puisque n et n1 commutent. Ainsi d “ d1 et donc n “ n1.