Décomposition de Dunford
Arnaud Girand 17 juin 2012
Références :
– [FGN09] p.134–135 et [BMP05] p. 210–211 et 215–216.
Proposition 1 (Dunford) Soit Kun corps.
Soit E unK–e.v de dimension finie.
Soit f ∈ L(E).
On suppose queχf est scindé surK.
Alors il existe un unique couple (d, n)∈ L(E)2 tel que : (i) dsoit diagonalisable ;
(ii) nsoit nilpotent ; (iii) f =d+n;
(iv) n◦d=d◦n.
De plus,det nsont alors des polynômes enf.
Démonstration :
– Existence.Commeχf est scindé on peut l’écrire sous la forme : χf= (−1)n
Ys
i=1
(X−λi)αi
Si on pose pouri∈[s]Ni := ker(f −λiidE)αi on a alors par lemme des noyaux appliqué à χf :
E= ker(χf(f)) = Ms
i=1
Ni
On définit alorsdetnde la façon suivante :
∀i∈[s], ∀x∈Ni,
d(x) :=λix n(x) :=f(x)−λix
Il est alors clair que d+n = f, que d est diagonalisable (prendre une base adaptée à la décompositionE=⊕si=1Ni) et que :
∀i∈[s],∀x∈Ni, nαi(x) = (f −λiidE)αi(x) = 0
Ainsi, si on pose α := maxi(αi) et si on décompose x ∈ E en x = x1 +. . .+xs, avec
∀i∈[s], xi∈Ni alors :
nα(x) =nα Xs
i=1
xi
!
= Xs
i=1
nα(xi)par linéarité
= 0 carnα= 0sur chaqueNi
Doncnest bien nilpotent.
1
Si on note, pouri∈[s],pi le projecteur surNi parallèlement à⊕j6=iNj on a de plus :
∀x=x1+. . .+xs∈E, lesxi∈Ni, Xs
i=1
λipi(x)
| {z }
=xi
= Xs
i=1
λixi
= Xs
i=1
d(xi)
=d(x) I.e :
d:=
Xs
i=1
λipi (1)
Démontrons à présent que lespi sont des polynômes enf. Les polynômes(X−λi)αi étant premiers entre eux, le théorème chinois nous affirme l’existence deP ∈K[X]tel que :
∀i∈[s], P ≡λi[(X−λi)αi]
Formulé autrement, ceci signifie que pour touti∈[s]il existeRi∈K[X]tel que : P=λi+Ri(X−λi)αi
Or, par décomposition en sous–espaces caractéristiques (cf. supra), tout élémentx∈Eadmet une unique écriture sous la formex=x1+. . .+xsavec pour tout i∈[s]xi∈Ni. De plus :
∀i∈[s], P(f)(xi) =λixi+Ri(f)◦(f−λiidE)αi(xi) =λixi
Ainsi :
∀x∈E, P(f)(x) =d(x)
Et donc d = P(f) est bien un polynôme enf, donc n = u−d également. Ceci implique naturellement quedet ncommutent.
– Unicité.Soientd′ etn′ vérifiant(i),(ii),(iii)et(iv). Comme d′ (resp.n′) commute avecn′ (resp.d′) (par hypothèse (iv)) et avec lui–même, il commute avec f =d′+n′ (hypothèse (iii)) donc avec les polynômes enf. En particulierdcommute avecd′etnavecn′. Le premier résultat implique quedetd′ sont co–diagonalisables et donc qued−d′ est diagonalisable, le second quen′−nest nilpotente. De fait l’endomorphismed−d′=n′−nest diagonalisable et nilpotent, donc nul, d’où le résultat.
Corollaire 1.1 Soit f ∈ L(Cd).
Alors :
exp(f)est diagonalisable ⇔f est diagonalisable Démonstration :
(⇐) Immédiat.
(⇒) Notonsf =d+nla décomposition de Dunford de f (avec notations évidentes). D’après la proposition 2, il existe un endomorphisme nilpotentn′ tel que exp(n) =n′+ idCd et donc, commenet dcommutent, on a :
exp(f) = exp(d) + exp(d)n′ (2)
Or, toujours comme det n commutent, ed et en commutent et donc ed et n′ =en−idCd
également. De faitedetedn′ commutent. Oredest diagonalisable etedn′ nilpotent donc par unicité la décomposition de Dunford deefest donnée la relation ( 2 ) et donc nécessairement, commeef est diagonalisable on aedn′ = 0. Commeed ∈GL(Cd), on an′ = 0d’oùen= idCd
ce qui implique (toujours par la proposition 2 ) quen= 0. D’où le résultat.
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Détails supplémentaires :
– n′−nest nilpotente. Supposons quenp= 0et n′q = 0. Alors : (n′−n)p+q =
p+qX
i=1
Cp+qi n′i(−1)p+q−inp+q−i carnet n′ commutent
Or sii < q,p+q−i > pet doncnp+q−i= 0; et sii≥qalorsn′i= 0. In fine(n′−n)p+q = 0 d’où le résultat (cf. [Gou94], p. 191).
– Une autre démonstration du fait que detn sont des polynômes enupeut être trouvée dans [Gou94], p. 192.Pour i∈[s]on définit le polynôme suivant :
Qi:=Y
j6=i
(X−λj)αj
LesQi sont premiers entre eux et donc par identité de Bézout il existe U1, . . . , Us ∈ K[X] tels que :
Xs
i=1
UiQi= 1 (3)
Posons∀i ∈ [s], fi := UiQi(f) = Ui(f)◦Qi(f) et montrons que fi =pi ce qui donnera le résultat voulu. Fixonsi∈[s].
* Pour tousi6=j,χf|QiQj donc :
∀i6=j fi◦fj=UiQi(f)◦UjQj(f) =UiUj(f)◦QiQj(f) = 0 (4) Or d’après ( 3 ) :
fi = idE◦fi=
Xs
j=1
UjQj(f)
◦fi= Xs
j=1
fj◦fi=fi2
Donc lesfi sont bien des projecteurs.
* Montrons que(Im)(fi) =Ni. Soity=fi(x)∈(Im)(fi). Alors :
(f −λiidE)αi(y) = (X−λi)αi(f)◦UiQi(f)
=Ui(f)◦(X−λi)αiQi(f)
=Ui(f)◦χf(f)
= 0 Doncy∈Ni.
Réciproquement, six∈Nialors par ( 3 ) on ax=P
jfj(x). Or, sij6=i fj(x) =Uj(f)◦Qj(f) = 0 car(X−λi)αi|Qj. In finex=fi(x)∈Im(fi).
* Montrons queker(fi) =⊕j6=iNj.
Si j6=i et x∈Nj alorsfi(x) =Ui(f)◦Qi(f) = 0car (X −λj)αj|Qi. La somme directe étant le sous espace vectoriel engendré par la réunion on a alors⊕j6=iNj⊂ker(fi).
Réciproquement, six∈E vérifiefi(x) = 0alors par ( 3 )x=P
j6=ifj(x). Or∀j∈s, on a montré quefj(x)∈Nj, d’où l’inclusion réciproque et le résultat.
– On admet le résultat suivant ( cf. [MT97] ) :
Proposition 2
On noteN (resp.U) l’ensemble des endomorphisme nilpotents (resp. unipotents) deCd. Alors les applications suivantes sont des homéomorphismes :
N → U n7→exp(n) Et :
U → N u7→u−idCd
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Références
[BMP05] Vincent Beck, Jérôme Malick, and Gabriel Peyré. Objectif Agrégation (2e édition). H &
K, 2005.
[FGN09] Serge Francinou, Hervé Gianella, and Serge Nicolas. Oraux X - ENS, Algèbre 2 (2e édition). Cassini, 2009.
[Gou94] Xavier Gourdon. Algèbre. Ellipses, 1994.
[MT97] Rached Mneimné and Frédéric Testard. Introduction à la théorie des groupes de Lie classiques. Hermann, 1997.
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