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L'assistance à la mise en scène : outils malléables et polyvalents servant au métier de l'assistant metteur en scène tel que pratiqué à Québec

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Academic year: 2021

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L'assistance à la mise en scène

: outils malléables et

polyvalents servant au métier de l'assistant metteur en

scène tel que pratiqué à Québec

Mémoire

Arielle Cloutier

Maîtrise en littérature et arts de la scène et de l'écran - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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L’assistance à la mise en scène

Outils malléables et polyvalents servant au métier de l’assistant metteur en

scène tel que pratiqué à Québec

Mémoire

Arielle Cloutier

Sous la direction de :

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Résumé

Dans la majorité des grandes productions théâtrales québécoises, l’assistant metteur en scène est toujours présent et gère l’ensemble de la logistique des répétitions tout en offrant un support constant aux membres de l’équipe. Bien que ce rôle soit extrêmement important pour la plupart des troupes établies à Québec, le métier d’assistance reste incompris et mystérieux autant pour la relève théâtrale que pour bien des artistes. En fait, les formations techniques, les conservatoires et les formations théâtrales universitaires ne font qu’effleurer le sujet en classe et toute information écrite ou même vidéo sur la pratique québécoise du métier est insuffisante.

Ce mémoire se voue donc à documenter le rôle d’assistant metteur en scène par des entrevues avec des professionnels de Québec, des stages d’observation et des ressources bibliographiques portant sur des métiers similaires pratiqués aux États-Unis, en Angleterre et dans d’autres milieux artistiques comme le cinéma et la danse. Il en ressort que l’assistance est une fonction essentielle à toute production, un fort soutien à la création et un allié précieux pour chaque membre de l’équipe. Ce mémoire se consacre également à documenter la notation et ses multiples systèmes, tâche au cœur du travail de l’assistant et la seule reconnue universellement à Québec. L’objectif reste de se nourrir de plusieurs sources, de différentes méthodes pour offrir une boîte à outils complète aux futurs assistants et de nouveaux trucs aux plus érudits. Étant donné qu’il n’existe pas à ce jour de réelle formation sur le métier, ce mémoire s'efforce d'être un guide sur les fondements de l'assistance et avance des pistes de réflexion pour améliorer la pratique. En ce sens, cette recherche a aussi mis au point une première esquisse d’outil de notation dramaturgique pouvant aider la notation de tout projet et faciliter la communication avec chaque département de la création. L'outil a été conçu et expérimenté selon les besoins de la création Dreamland de Théâtre Rude Ingénierie, un spectacle complexe pour la notation.

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Abstract

In most large-scale theatre productions from Quebec, the assistant director is always present and manages all the logistics of the rehearsals while offering constant support to the members of the team. Although this role is extremely important for most established theatre company in Quebec, the profession of assistance remains misunderstood and mysterious for the theatrical succession and for many artists. In fact, technical training, conservatories and university theatrical formations only scratch the surface of the subject in the classroom, and any written or even video information on Quebec's professional practice is insufficient.

This dissertation is dedicated to documenting the profession through interviews with professional assistants in Quebec, internship observation and bibliographical references on similar trades practiced in the United States, England and other artistic community such as cinema and dance. It turns out that the assistant director is an essential job for any production, a strong support for creation and a valuable ally for each member of the team. This thesis is also devoted to documenting the notation and its various systems, a task at the heart of the assistant's work and the only one universally recognized in Quebec. The goal is to feed from different sources, different methods to offer a complete toolbox to future assistants and new tips to the most experienced. Since there is currently no real training on the job, this dissertation aims to be a guide to understand the foundations of the profession, and to put forward some ideas for improving the practice. To that extent, this research has also devoted itself to the development of a first draft of a dramaturgical notation tool that can help the blocking of any project and facilitate communication with each sector of the creation. This tool was designed and tested according to the very complex needs of Dreamland, creation of Théâtre Rude Ingénierie.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Liste des figures ... ix

Remerciements ... x

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : LE MÉTIER DE L’ASSISTANT METTEUR EN SCÈNE ... 10

1.1 Situation à Québec ... 10

Facteurs influençant le mandat d’assistance à la mise en scène ... 15

Problématiques du milieu ... 16

1.2 Considérations générales ... 18

L’assistance et la régie ... 19

Les rudiments de l’assistance à la mise en scène ... 21

1.3 Le metteur en scène ... 32

1.4 Relations entre l’assistant et les autres artisans d’un même projet ... 40

Relations avec les comédiens ... 41

Relations avec l’équipe de conception ... 47

Relations avec l’équipe de production ... 49

Relations avec l’équipe technique ... 51

1.5 Qualités et aptitudes ... 53

Formation ... 59

1.6 Synthèse ... 61

CHAPITRE 2 : LES TÂCHES ET OUTILS DU MÉTIER ... 64

2.1 Préproduction ... 64

Premières rencontres ... 64

Auditions ... 68

Préparation personnelle ... 68

Découpage du texte ... 74

Confection de l’horaire des répétitions ... 77

Préparation du lieu des répétitions ... 81

2.2 Répétitions ... 88

Première répétition avec texte (lecture de la pièce) ... 89

Gestion de l’horaire ... 89

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vi

Dramaturgie ... 95

Régisseur des répétitions ... 96

Noter ... 98

Ménage ... 101

2.3 Entrée en salle ... 101

Rencontre avec le régisseur ... 104

Intensités de son et d’éclairage ... 105

Loge et réorganisation de l’espace ... 107

Notes aide-mémoire ... 108

Les enchaînements ... 109

2.4 Post-production ... 111

2.5 Matériel de l’assistant ... 112

2.6 Ressemblances avec le directeur des répétitions ... 113

2.7 Synthèse ... 115

CHAPITRE 3 : LA NOTATION ... 119

3.1 Principes essentiels de la notation... 119

Le cœur de la notation et ses problèmes ... 119

Quel code utiliser? ... 122

Manuscrit ou informatique? ... 123

3.2 Les trois cahiers de l’assistant ... 126

Premier cahier : cahier de l’assistant ... 126

Deuxième cahier : cahier de création ... 135

Troisième cahier : cahier de notes rapides ... 140

3.3 Autres documents à créer ... 141

Registres et listes servant à la logistique en répétitions ... 144

Registre et listes servant à la logistique en représentations ... 146

Trucs pour la mise à jour des documents ... 150

3.4 Outils du directeur des répétitions en danse ... 151

3.5 Synthèse ... 160

CHAPITRE 4 : PREMIÈRE ESQUISSE DE L’OUTIL TIMELINE ... 162

4.1 L’outil timeline ... 163

4.2 Processus de mise à l’épreuve de l’outil avec Théâtre Rude Ingénierie ... 167

État de leurs besoins ... 168

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Mise à l’épreuve pour la notation d’une résidence en studio ... 176

Mise à l’épreuve à l’entrée en salle ... 181

4.3 Les balbutiements vers une base de données ... 181

L’interface de notation ... 186

L’interface d’affichage des données ... 191

4.4 Synthèse : Constats de l’outil et compte rendu général ... 194

CONCLUSION ... 196

BIBLIOGRAHIE ... 203

ANNEXES ... 206

Annexe 1 Schéma d’entrevue ... 206

Annexe 2 Présentations des informateurs ... 209

Annexe 3 Présentations des troupes et projets qui ont nourri la recherche ... 212

Annexe 4 Exemple de cahier mixte d’un stage manager ... 215

Annexe 5 Exemples d’horaire de répétitions ... 216

Annexe 6 Exemple de feuille de minutage ... 217

Annexe 7 Exemple A - Plantation avec flèches ... 218

Annexe 8 Exemple B - Plantation avec flèches ... 220

Annexe 9 Second exemple de codes d’un stage manager ... 221

Annexe 10 Exemple de notation d’un stage manager ... 222

Annexe 11 Exemple de plantation ... 223

Annexe 12 Contre-exemple de plantation ... 224

Annexe 13 Exemple de feuille de contact... 225

Annexe 14 Registre du travail accompli sur chaque scène ... 226

Annexe 15 Exemple de liste d’accessoires ... 227

Annexe 16 Exemple A – Feuille-résumé des Oiseaux mécaniques ... 228

Annexe 17 Exemple B - Feuille résumée des Oiseaux mécaniques ... 229

Annexe 18 Exemple de liste de presets simple ... 230

Annexe 19 Exemple de liste de presets sous forme de cases à cocher ... 231

Annexe 20 Exemple de tableau de changements de costumes ... 232

Annexe 21 Exemples (2) de tableau pour les actions des machinistes et techniciens ... 233

Annexe 22 Exemple de mise à jour d’un document ... 237

Annexe 23 Exemple de notation chronologique ... 238

Annexe 24 Essai Prezi ... 240

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Annexe 26 Tableau à effacement à sec ... 242

Annexe 27 Essai de plantation avec photo ... 243

Annexe 28 Exemple A - Timeline What Where Who ... 244

Annexe 29 Exemple B - Timeline What Where Who ... 245

Annexe 30 Exemple C - Timeline What Where Who ... 246

Annexe 31 Exemple D - Timeline What Where Who ... 247

Annexe 32 Exemple A - Timeline en couleurs ... 248

Annexe 33 Exemple B - Timeline en couleurs ... 249

Annexe 34 Essai A - Timeline coloré de l’Opéra de Quat’sous ... 250

Annexe 35 Essai B - Timeline coloré de l’Opéra de Quat’sous ... 251

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Liste des figures

Figure 1 : Extrait du découpage de l’Opéra de Quat'sous, produit pour l’Opéra-tube ... 75

Figure 2 : Extrait d’un découpage du texte Twelfth Nitgh tiré de Kincman, 2013 : 38 ... 76

Figure 3 : Découpage de la scène en lignes repères ... 84

Figure 4 : Exemples de prop tables. (Kincman, 2013 : 128) ... 87

Figure 5 : Exemple de code utilisé dans la notation, Kincman, 2013 : 96 ... 130

Figure 6 : Autres symboles utilisés en notation, Kincman, 2013 : 96 ... 132

Figure 7 : Plantation simple avec abréviations, Fazio, 2000 : 156 ... 132

Figure 8 : Exemple de plantation codée pour une scène à l’italienne. (Fazio, 2000 : 151) 143 Figure 9 : Exemple de plantation codée pour une scène circulaire. (Fazio, 2000 : 153).... 143

Figure 10 : Dancenotation.org ... 157

Figure 11 : Dancenotation.org ... 157

Figure 12 : Dancenotation.org ... 157

Figure 13 : Exemple d’une notation complète (http://media.staps.nantes.free.fr/, spectacle Bigus l’alchimiste de la compagnie NGC 25) ... 159

Figure 14 : Test 1 de graphique pour Dreamland ... 172

Figure 15 : Test 2 de graphique pour Dreamland ... 172

Figure 16 : Timeline complet fait sur X-mind pour Dreamland, 22 septembre 2014. ... 174

Figure 17 : Portion du timeline pour Dreamland, 22 septembre 2014 ... 175

Figure 18 : Portion du dépouillement fait pour l'Opéra-tube, refait en juillet 2017 ... 180

Figure 19 : Modèle de base de données ... 185

Figure 20 : Interface de notation, menu supérieur ... 187

Figure 21 : Fenêtres de A à G ... 187

Figure 22 : Interface de notation, 2 encadrés ... 189

Figure 23 : Choix des objets ... 189

Figure 24 : Choix de l’action ... 189

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x

Remerciements

Robert Faguy, directeur de maîtrise et professeur de l’Université Laval Pour tout le soutien, l’accompagnement et les opportunités qu’il m’a offertes

Tous les informateurs et troupes qui m’ont accueillie Pour votre générosité sans pareille et votre confiance

Yannick Legault

Pour ses commentaires judicieux

Mon père

Pour l’aide et l’accompagnement avec la base de données Mon conjoint

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1

INTRODUCTION

Bien que plusieurs professions du théâtre à Québec soient couvertes par des associations d’artistes (ex. : APASQ, UDA, AQTIS, CEAD, etc.), l’assistance à la mise en scène reste encore dans l’ombre, non reconnue par les ententes collectives et encore moins par le grand public. Son rôle demeure mal défini et ses pratiques très variées. Le problème est probablement dû, en partie, à sa malléabilité que l’assistant doit reconsidérer pour chaque projet et à sa polyvalence qui oscille entre deux aspects : l’administration du spectacle, en coordination avec l’équipe de production, et la création, fidèle partenaire des artistes. Même si plusieurs formations initient les étudiants à la pratique du métier (UQAM — Profil dramaturgie, ULaval — cours technique de production, École nationale — Production, Collège Lionel-Groulx — Gestion et techniques de scène, Cégep de Saint-Hyacinthe — Production, etc.), certaines tâches ne sont pas comprises ni connues dans certains cas et le travail de l’assistant finit par se développer sur le terrain, de façon autodidacte.

Par ailleurs, les difficultés financières actuelles du milieu théâtral à Québec obligent les troupes, surtout les jeunes, à se passer d’un assistant et à répartir les tâches qu’il aurait faites entre les membres de la production. Par exemple, le metteur en scène pourrait concevoir les horaires, le scénographe ou un comédien pourrait prendre les notes, toute l’équipe pourrait préparer la salle chaque jour, etc. Évidemment, si les artistes s’occupent de la logistique, les tâches supplémentaires ralentissent leur travail créatif.

Selon Jacqueline Magdelaine, « l’avenir de cette carrière est incertain, pour ne pas dire utopique. Les offres d’emploi sont rares ; cela est dû en partie au fait que certains metteurs en scène préfèrent travailler seuls et que d’autres ignorent l’existence de ce métier ; par ailleurs, ceux qui souhaiteraient avoir un assistant ne peuvent pas toujours l’engager faute de budget prévu à cet effet. » (Magdelaine, 1982 : 101) Il faut savoir que cette citation date de 1982 et, même si elle pointe des faits intéressants, il faut se demander si la situation a changé depuis. Déjà, le dépouillement des programmations de théâtre de Québec, de 2000 à

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aujourd’hui1, laisse paraître que peu de productions recourent à un assistant metteur en scène.

Cependant, au cours de mes entrevues avec des professionnels de Québec, j’ai appris que les assistants n’apparaissaient pas toujours dans les programmations de saison ou sur les sites Web des projets pour la seule raison qu’ils ne sont pas des concepteurs [Rheault, 2015]. Au Trident, par exemple, leur nom est rarement dévoilé dans les documents diffusés au grand public, mis à part pour le programme de soirée. J’ai alors découvert que les théâtres et les troupes bien établies, comme le Trident, la Bordée et Ex Machina, ont toujours recours à un assistant ou presque. En fait, ce rôle s’avère essentiel pour eux et indispensable pour la majorité des projets. Dans ce cas, comment se fait-il qu’il soit si difficile de recueillir des informations sur ce métier, d’apprendre ce qu’il fait concrètement en répétitions, de comprendre comment son travail sert à la création théâtrale de Québec et de trouver des formations complètes? De plus, le dépouillement des programmations de théâtre a permis de constater que le métier d’assistance est majoritairement féminin. En fait, de 1970 à 2013, 138 noms d’assistants féminins ont été relevés contre 75 noms d’assistants masculins. Néanmoins, pour alléger la lecture du mémoire, tous les noms désignant les corps de métier ont été mis au masculin.

À ma connaissance, il existe très peu de documentation traitant du rôle de l’assistant metteur en scène au Québec et il en existe encore moins sur la notation au théâtre. En réalité, il existe une cinquantaine de pages se constituant de courtes définitions provenant des sites Web gouvernementaux telles que : « lors de l’entrée en salle, l’assistant à la mise en scène devient souvent le régisseur du spectacle. Il est aussi garant de la vision artistique du spectacle en l’absence du metteur en scène et donne les notes de jeu aux comédiens. » (Ministère de l’Éducation, du Sport et du Loisir, 2013) Il est évident que cette description beaucoup trop courte ne nous indique pas ce qui est attendu des assistants tout au long d’une même production et ce qu’il fait pendant les répétitions.

1. Travail que j’ai effectué pour un projet d’archivage de Robert Faguy. Plusieurs autres étudiants ont collaboré à ce projet pour recenser l’ensemble des productions diffusées depuis la création des différents établissements de diffusion à Québec.

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Le document des résultats de l’analyse des professions du Conseil québécois des ressources humaines en culture fournit un peu plus de précision en faisant état de deux listes de tâches, celle du metteur en scène et celle de son assistant (s’assurer que tout l’équipement et le matériel nécessaire sont sur place, dessiner la plantation avec le directeur technique sur la scène ou sur le plancher des locaux de répétitions, corriger les textes et distribuer les changements, etc.) [CQRHC, 2013]. Cependant, une énumération simple des tâches ne rend pas compte des différentes méthodes de travail des metteurs en scène ni de celles des assistants qui varient selon les contextes de production, tels que le milieu institutionnel et celui de création, et n’explique pas les relations que l’assistant entretient avec l’équipe. Bien qu’insuffisante, cette liste reste tout de même un bon point de départ pour la recherche.

En ce qui concerne la relation du metteur en scène avec son assistant, le témoignage de Magdelaine aide à comprendre les possibles dynamiques et échanges créatifs qui peuvent survenir : « […] cette formule [duo metteur en scène/assistant] a l’avantage de ne pas couper l’élan créateur et permet [au metteur en scène] de se renouveler. […] Heureusement, j’ai eu un metteur en scène qui a toujours encouragé l’échange d’idées, même les plus farfelues : si elles n’étaient pas toutes réalisables, cela avait pour effet d’en provoquer d’autres, favorisant une réaction en chaîne. » (Magdelaine, 1982 : 99-100) En d’autres mots, même si l’assistant n’a pas de pouvoir décisionnel, son travail n’en est pas un de simple exécutant [Magdelaine, 1982 : 100]. Il alimente le metteur en scène et l’aide à pousser ses réflexions en le questionnant sur des aspects de la création auxquels il n’aurait peut-être pas pensé. Mais comment ces échanges sont-ils possibles et à quels moments? Il faut aussi se demander si le rôle et les fonctions de l’assistant seraient de même nature dans une production traditionnelle et dans une création. Faut-il utiliser des stratégies et des outils différents? Si oui, quels sont-ils, à quoi servent-ils? De plus, il faut considérer que ce témoignage ne provient que d’une seule source et non d’un ensemble d’individus choisis pour pousser à bien une recherche. Il s’agit avant tout d’un point de vue sur le métier pour le faire reconnaître par le milieu professionnel et justifier son existence. C’est pourquoi, le témoignage de Magdelaine, aussi passionné puisse-t-il être, n’est pas suffisant pour comprendre ce qu’est l’assistance.

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Si nous voulons en savoir plus, il faut sortir du pays et acquérir des écrits en provenance des États-Unis. Dans la documentation anglophone, il existe une quantité d’informations beaucoup plus notable sur le Stage Management qui, en réalité, combine en un deux métiers souvent confondus à Québec : l’assistant metteur en scène et le régisseur. Si les ouvrages francophones se font rares, même originaires de la France, il semble que les États-Unis et l’Angleterre se soient beaucoup plus attardés à documenter le métier et à le cadrer dans une technique universelle. Ils ont pris le temps de créer une méthodologie commune à tous les stages managers et se sont consacrés à diffuser leur savoir afin d’aider les débutants et les aspirants au métier. La pratique détaillée dans ces monographies correspond davantage au milieu institutionnel tout en englobant les spécificités reliées aux productions musicales. La majorité des expériences documentées a eu lieu au sein des théâtres de Broadway, à New York, ou à l’intérieur de théâtres d’institution à grand déploiement. Évidemment, le contexte théâtral de Broadway reste assez différent de celui de Québec puisque les productions sont toujours plus colossales, ne sont pas soumises aux mêmes contraintes de temps pour les répétitions, n’ont pas le même pouvoir budgétaire, etc. D’ailleurs, qu’il soit habituel pour les troupes anglophones d’engager un stage manager pour l’ensemble du processus, il l’est encore plus d’avoir recours à deux et même trois assistants au stage manager principal. En revanche, la recherche s’est limitée à l’Angleterre et aux États-Unis parce que faire état de la pratique du stage management à l’international ou même en Europe aurait été trop énorme pour un simple mémoire de maîtrise.

Ce manque de reconnaissance, d’accessibilité de l’information et, surtout, de diffusion des techniques et outils utilisés par les assistants professionnels québécois est la principale motivation à l’écriture de ce mémoire. Cette recherche tente de démystifier le métier d’assistance à la mise en scène qui pose déjà de nombreux problèmes quant à son apport à la création, à son fonctionnement et à ses mandats. Par exemple, quelles sont ses tâches? Comment les exécute-t-il? Pourquoi? À quel besoin de la création cette stratégie répond-elle ? Comment s’adapte l’assistant aux différentes attentes des metteurs en scène, s’il y a lieu, et aux différentes méthodes de création? Quelle est sa contribution à la création? Il ne s’agit ici que de questionnements généraux et il en aurait déjà assez pour un mémoire en soi. Cependant, la recherche ne s’est pas arrêtée là. La démystification du métier

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d’assistance devait nécessairement documenter l’une des tâches les plus importantes : la notation. Dès lors, l’étude des questions plus spécifiques enrichit la recherche générale sur le métier en fournissant divers outils, techniques et systèmes qui peuvent aider à mieux comprendre l’importance de sa présence dans une production. La recherche générale contribue aussi à la recherche plus spécifique de la même façon et précise les objectifs de la notation au sens où les fonctions de l’assistant et les différents contextes de production définissent ce qu’il faut noter et la façon de le noter. Chaque tâche en influence d’autres, en déclenche d’autres et oblige à créer ou à réinventer des outils pour répondre aux besoins de la production.

La notation devient elle aussi source de nombreux problèmes par rapport au métier d’assistance puisqu’il faut savoir quoi noter, comment le noter. À quoi et à qui sert chaque note? Doivent-elles être partagées? À qui? Comment est-il possible de conserver une trace lisible des répétitions pour garder en mémoire tout ce qui s’est dit et fait depuis le début du processus de création? Il est également utile de savoir les différentes méthodes de notation pour adapter ses stratégies selon les besoins de la production. Elle est une pierre angulaire au travail de l’assistant metteur en scène, car elle sert à toutes ses tâches, organise le processus de création, la communication entre les différents départements de création et de production. Elle est au centre de tout. C’est pourquoi cette recherche s’est aussi consacrée à développer une première esquisse d’un outil de notation dramaturgique ralliant à la fois les données servant à l’artistique, à la logistique et à l’administration afin de faciliter le mandat de notation, de l’optimiser et de l’accélérer.

Cela dit, pour nourrir et outiller les méthodes des assistants de Québec, il peut être utile d’apprendre d’autres systèmes de notation provenant de milieux artistiques voisins. Au départ, cette étude visait à comparer l’assistance à la mise en scène aux métiers d’assistant-réalisateur et de scripte en raison de leur pratique bien établie, documentée et institutionnalisée. Même si le réalisateur est souvent accompagné de deux et parfois trois assistants-réalisateurs, ayant chacun un mandat différent, ils effectuent la plupart des tâches qu’un seul assistant assume lors d’une production théâtrale. Ils s’occupent généralement des figurants, font le suivi avec les comédiens tout en s’assurant qu’ils apprennent leur texte,

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répondent aux besoins des différents concepteurs et techniciens, vérifient que leurs tâches s’accomplissent, etc. D’un autre côté, la scripte pourrait devenir une référence essentielle pour la notation étant donné qu’il s’agit du cœur de son travail. D’ailleurs, elle « est responsable de la précision absolue du tournage et des prises de vues : des raccords de scène et de costumes jusqu’à ceux des mouvements, des regards et des entrées/sorties des acteurs. » (Tonino, 2007 : 38) Chaque détail scénique doit être noté au millimètre près pour que le prochain tournage de la scène soit exécuté sans faute au risque de devoir faire des raccords ou de nuire au montage. Elle consigne tout, de la position d’un crayon sur la table jusqu’aux costumes et emplacements des comédiens. En résumé,

"Si la scripte est responsable de la mémoire à long terme du tournage, commente Gontran Froehly, le premier assistant en est plutôt la mémoire vive, celui qui répond aux demandes de l’instant." Organisé, endurant et diplomate, l’assistant-réalisateur doit en quelque sorte être réglé comme un papier à musique qui adoucirait les mœurs. "L’assistant, c’est de l’huile dans les rouages. Il ne s’arrête pas de penser, toujours tendu vers le lendemain. Il n’arrête surtout pas d’être attentif aux autres… un Saint-Bernard!" (e-book des tournages en Alsace, 2013)

Dans le milieu théâtral, l’assistant se révèle être autant la scripte que l’assistant-réalisateur. Les canevas de la scripte pour la prise de note, les modèles d’horaire de l’assistant-réalisateur ainsi que les stratégies de gestion du temps et d’équipe pourraient servir à la création théâtrale. Nourrir le métier d’assistance à la mise en scène par d’autres techniques éprouvées et adoptées officiellement par un ensemble important de professionnels semblait être profitable à l’avancement des connaissances sur le sujet. Malheureusement, cet objectif supplémentaire s’est avéré beaucoup trop ambitieux pour une recherche de maîtrise et a dû être délaissé en cours de route. Le cinéma reste cependant un médium artistique totalement différent de celui du théâtre et bien que plusieurs similarités existent entre les métiers, les outils utilisés au cinéma devraient être complètement adaptés et repensés aux objectifs du théâtre.

De même pour la danse, documenter le rôle de directeur des répétitions pourrait faire profiter le milieu théâtral. Le métier partage plusieurs problématiques semblables à ceux de l’assistance telles que les budgets restreints. Même si celui-ci reste assez différent, le type de

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prise de note qu’il exerce et le support qu’il offre aux danseurs peuvent aider à cibler le potentiel non exploité de l’assistant au théâtre. De plus, étant donné que la danse fait souvent irruption dans les productions théâtrales, autant avec des danseurs invités qu’avec les comédiens, il n’est pas inconcevable que l’assistant ait parfois à jouer le rôle de directeur de répétitions. Encore une fois, l’étude supplémentaire était trop colossale, surtout en raison de la faible quantité d’informations trouvables sur le métier, problème semblable à l’assistant metteur en scène. J’ai tout de même rencontré une directrice de répétitions de Québec pour tenter d’en apprendre plus sur leur situation et leurs outils. En résumé, même si la recherche au sein des autres milieux artistiques n’a pas pu être approfondie, les premières étapes ont permis d’apporter des pistes de réflexion quant à la fonction de l’assistant au théâtre, à de possibles améliorations et aux outils qui pourraient être développés.

L’étude emprunte deux angles d’approche : l’observation et la collecte de données documentant à la fois le métier et la question de notation. L’objectif de cette étude dépasse celui d’un simple exercice de maîtrise et vise à rendre accessible le savoir professionnel sur l’assistance à la mise en scène. Ainsi, elle contribue à résoudre la pénurie d’informations sur le sujet. Quatre stratégies ont donc été utilisées :

1. Recherche bibliographique (monographies sur le Stage Management, types de notation qu’on retrouve dans d’autres domaines artistiques, comme le cinéma et la danse).

2. L’observation extérieure d’assistants au travail dans des créations théâtrales à Québec, soit Caroline Martin pour le projet Dans le noir, les yeux s’ouvrent de Nuages en Pantalon et Adèle Saint-Amand pour le projet 887 d’Ex Machina.

3. Des entrevues face à face et semi-structurées avec un metteur en scène, Jean-Philippe Joubert, des assistants metteur en scène, Caroline Martin, Adèle Saint-Amand, Simon Lemoine, Hélène Rheault, Joée Lachapelle et France Deslauriers, et une directrice de répétitions, Sonia Montminy.

4. Des expérimentations du métier avec la troupe du Bureau de l’APA pour le spectacle Les Oiseaux mécaniques, avec le projet de Jacques Plante L’Opéra-tube et avec Théâtre Rude Ingénierie pour leur spectacle Dreamland.

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Ensuite, l’étude s’est consacrée à esquisser un outil de notation dramaturgique, le timeline, et à le mettre à l’épreuve au cours d’une expérimentation pratique. Deux autres stratégies ont été utilisées pour sa conception et il a été développé en fonction des besoins bien singuliers du projet Dreamland de Théâtre Rude Ingénierie. Ainsi, le travail a pu grandir au fur et à mesure du processus grâce aux commentaires des artistes. Pour faire suite à la deuxième résidence de Théâtre Rude Ingénierie, une seconde étape de conceptualisation de l’outil a été accomplie dans le cadre du projet de recherche de Robert Faguy, AREA2.

1. Une première mise à l’épreuve de l’outil développé en le proposant à la troupe Théâtre Rude Ingénierie pour qu’elle l’utilise dans sa création.

2. Une première idéation de l’outil en format logiciel dans le cadre d’AREA, projet de recherche doctorale de Robert Faguy.

3. Un retour critique sur les deux étapes précédentes pour relever les forces et les faiblesses du résultat, son potentiel et ses limites.

D’un côté, l’objectif de cette recherche se définit par la documentation de pratiques professionnelles du métier de l’assistant et de l’autre côté, par les besoins concernant la notation au théâtre. D’abord, le mandat de l’assistant metteur en scène à Québec sera expliqué et défini selon ses tâches, sa personnalité idéale et ses relations avec les différents membres d’une production. Puis, le métier sera entièrement disséqué en fonction de chaque étape du processus d’une création théâtrale typique et plusieurs conseils des informateurs y seront partagés. Ensuite, la notation sera décortiquée telle qu’elle est pratiquée par les informateurs et les stages managers. Différentes techniques seront alors présentées et la recherche tentera de ressortir les méthodes les plus optimales à ce jour, en examinant les différents points de vue des informateurs. Finalement, ce mémoire répondra, en partie, aux problématiques de la notation par une première ébauche de l’outil timeline, outil dramaturgique servant à visualiser la structure d’un spectacle dans le temps et l’espace et permettant autant à la création, à la logistique et à l’administration de retrouver les informations nécessaires à leur travail.

2 Projet de recherche-création financé par la FRQSC travaillant autour du texte de Claude Gauvreau, Le Rose

enfer des animaux ayant pour objectif de créer des outils logiciels adaptés à la conception et à la production

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Même si l’objectif de base de ce mémoire se voulait l’aboutissement d’une recherche de maîtrise, j’ai aussi le désir d’en faire un guide pratique et une boîte à outils pour la relève québécoise ainsi que pour ceux qui aimeraient améliorer leur technique par d’autres stratégies. Je suis consciente de la répétition de certaines informations à même le mémoire. Chaque chapitre a été conçu pour être lu indépendamment des autres et d’être avant tout un texte utilitaire. Toutefois, les résultats de la recherche ne sont pas une formation d’assistance à la mise en scène, mais plutôt un compte rendu de la pratique actuelle du métier à Québec et des avenues possibles qui pourraient améliorer les conditions exigeantes du travail. Je n’ai pas pu non plus disposer de données tangibles quant à la pratique à Montréal, aux États-Unis et même en Europe afin de bien déceler les différences qui peut y avoir en fonction du contexte de production. C’est pour cette raison que l’étude se concentre sur la réalité du métier à Québec. D’ailleurs, je ne m’attarderai pas à répéter l’enseignement des monographies anglophones sur le stage management, ni à résumer ou à littéralement traduire cette riche documentation. Elle existe et est très accessible. Il est du devoir du lecteur de se procurer les ouvrages qui l’intéressent. Ce mémoire n’empruntera au stage management que les informations manquantes pour expliquer le métier d’assistance tel que pratiqué à Québec et les outils qui pourraient l’enrichir. Je n’ai pas non plus la prétention de résoudre tous les problèmes des assistants, mais je m’efforce de mettre en place plusieurs pistes de réflexion pour y arriver. Visiblement, cette étude permettra de faire avancer les connaissances sur le sujet et saura montrer l’importance du métier même à ceux qui en ignorent l’existence jusqu’à ce jour.

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CHAPITRE 1 : LE MÉTIER DE L’ASSISTANT METTEUR EN

SCÈNE

1.1 Situation à Québec

À Québec, faire partie d’un projet institutionnel et d’une création ne correspond pas tout à fait au même travail, mais, du moins aux mêmes principes fondamentaux. Avec la troupe Nuages en pantalon (troupe de création), un nouveau terme apparaît : l’assistance à la création, qualification bien plus représentative des fonctions de l’assistant au sein de ce type de production3. La plus grande distinction existant entre les deux pôles se définit par le point de départ du projet. En institution, la production aborde souvent un texte déjà écrit, donc une dramaturgie préalablement établie, sauf pour les exceptions de création, comme Temps de Wajdi Mouawad, réalisée au Trident en 20114. En création, la production démarre généralement avec une idée ou avec une ressource si les artistes travaillent selon la méthode des Cycles Repères. Celle-ci mènera tôt ou tard à un texte puisque le régisseur et les comédiens en auront besoin [Joubert, 2015]. Cependant, le texte s’écrit au fur et à mesure des répétitions et autant le retranscrire que le mettre à jour devient des tâches primordiales dans le travail de l’assistant. Toutes les troupes qui écrivent le texte debout, par l’improvisation, et qui le modifient à l’oral n’ont pas le temps de s’arrêter, de couper l’élan créatif pour noter ce qui vient de se passer! Si plusieurs troupes utilisent la vidéo, les artistes doivent alors consacrés du temps supplémentaire au visionnement de ces archives pour analyser le travail et transcrire le texte. C’est pourquoi, chez Ex machina, Saint-Amand trouve plus efficace de noter et devient alors monopolisé par cette retranscription essentielle des improvisations, car la quasi-totalité des discours et des discussions ayant lieu en répétitions doivent se perpétuer sur papier ou support informatique.

3. J’emploierai ce terme dans la recherche afin de bien différencier les pôles du métier.

4. On peut aussi compter La face cachée de la lune (2000) et Le Projet Andersen (2005), de Robert Lepage, Comment parler de Dieu à un enfant pendant que le monde pleure, de Jean-Rock Gaudreault (2006),

Terre Océane, de Daniel Danis (2008), Reconnaissance (2009), de Michel Nadeau, Temps, de Wajdi Mouawad

(2011), Norge de Kevin McCoy (2015) et Venir au monde d’Anne-Marie Olivier (2017). Source : Le trident, Mission historique, https://www.letrident.com/mission-et-historique, consulté le 12 juillet 2019.

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Même si la description du métier visera surtout à expliquer les extrêmes, il reste que plusieurs productions se situent à différents degrés sur l’échelle séparant les productions de répertoire des productions de création. Il existe autant de nuances qu’il existe une diversité de troupes et de projets. Par exemple, l’un des cas les plus communs s’avère celui des productions qui œuvrent en dehors des contraintes institutionnelles, mais qui travaillent à partir d’un texte en l’altérant ou non. Certaines troupes, comme le théâtre de création, se laissent une liberté quant à la modification du texte. Cette liberté varie selon l’approche créatrice du metteur en scène, des droits d’auteur obtenus et de la nature du projet pouvant, entre autres, faire appel au collage de plusieurs textes. Parfois, certaines troupes telle que la Compagnie dramatique du Québec travaillent en collaboration directe avec l’auteur. Ainsi, il faut garder en tête que toutes les variations sont possibles et que l’assistant peut combiner ou privilégier chaque caractéristique des deux pôles en vue de mieux combler les besoins de la troupe et de répondre à leur situation. Dès lors, je me concentrerai à débroussailler principalement les deux extrêmes du métier puisque leurs stratégies et leurs tâches s’appliquent intrinsèquement à toutes les nuances possibles.

En plus du type de production, le contexte de production influence grandement le travail de l’assistant. D’une part, le théâtre de création possède généralement beaucoup plus de temps qu’en institution. Par exemple, au Trident, les artistes n’ont que sept semaines pour mettre leur spectacle sur pieds alors que chez Ex Machina, la création peut s’étaler jusqu’à une période d’un an (divisé en plusieurs résidences de deux semaines et plus). En d’autres mots, 120 à 150 heures de répétitions sont à la disposition des artistes en institution et ça peut aller jusqu’à 250 à 260 heures le sont pour la création [Joubert, 2015]. Donc, pour la plupart des projets en institution, il n’existe pas vraiment d’espace pour expérimenter, tester et faire des erreurs parce que le temps manque. Néanmoins, plus la production est de petite envergure, comme un duo, plus il existe de temps à l'expérimentation même dans le contexte institutionnel. Du reste, certaines troupes de création peuvent également avoir un temps restreint. Chez les Fonds de tiroirs, par exemple, leur travail ne s’étale pas plus que sur quatre semaines [Saint-Amand, 2015].

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Aussi, à cause des contraintes syndicales, il ne faut jamais perdre son temps au sein d’une production institutionnelle. Le temps équivaut réellement à de l’argent (surtout en prenant compte le salaire des comédiens et celui des techniciens lorsqu’il y en a pendant les répétitions) et, dans le domaine du théâtre, il n’y a pas beaucoup d’argent. Par contre, en création, on peut se permettre de tâtonner, chercher, laisser plus d’espace au microcosme familial, avoir des moments de folie et d’humour. On peut faire du temps bénévole et même de contribuer au spectacle en prêtant des accessoires, des costumes et des matériaux pour le décor. En fait, dans une création, tout est en quantité plus considérable, sauf pour l’argent (à l’exception d’Ex Machina). Notamment, le décor est souvent présent et construit sur place. Le matériel auquel l’équipe a accès en temps de répétitions est en abondance. Parfois, les artistes ne se servent que du quart de ce qu’ils ont à leur disposition, mais le matériel est là au cas où ils en auraient besoin, où ils auraient une idée. Du coup, l’assistant doit s’occuper de la mise en loge des costumes, accessoires et éléments scénographiques mobiles pour optimiser l’espace de répétition et donc aider à l’efficacité et à la dynamique du travail. À l’institutionnel, les artistes transportent le minimum et choisissent ce qu’ils apportent. Les salles de répétition ne sont pas si grandes et il est plutôt difficile, voire inutile pour une troupe de déménager l’entièreté de son matériel de création dans un espace transitionnel à la salle de spectacle. Le décor complet est rarement présent en répétition. Souvent, il ne l’est qu’en partie lorsque les comédiens doivent obligatoirement jouer avec. La salle de répétition ne possède pas toujours les mêmes dimensions que la scène officielle, ce qui empêche parfois d’accueillir l’entièreté du décor. De plus, monter le décor dans la salle de répétitions pour ensuite le monter de nouveau dans la salle de spectacle engage la production dans des frais supplémentaires. C’est pourquoi il n’est monté, le plus souvent, qu’à l’entrée en salle. Les comédiens ont alors une seule semaine avant la première pour se familiariser avec l’espace scénique réel. Toutefois, certains cas exceptionnels peuvent contredire ce fait, comme celui de Mois d’août Osage County. Le travail dans le décor était essentiel aux répétitions et la maison a été entièrement construite dans le local de répétition, ce qui a fait gagner beaucoup de temps aux techniciens à l’entrée en salle puisqu’ils savaient déjà comment la monter. Lors des imprévus en répétition, tel qu’un objet manquant, Joubert raconte qu’il faut apprendre à demander le bon matériel et des accessoires supplémentaires au bon moment. Les productions sont souvent de plus grande envergure que celles des troupes de création. Ainsi,

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les différents éléments du décor ou des accessoires peuvent prendre plus de temps à confectionner. Il peut également arriver qu’alors qu’une production diffuse son spectacle, une autre soit en mode production, ce qui risque de limiter le nombre de ressources matérielles disponibles à l’équipe en répétition.

En réalité, à l’institutionnel, tout semble compartimenté, surtout en ce qui a trait aux fonctions de chaque intervenant. Chacun exécute les tâches de son mandat et personne, en aucun cas, ne doit déborder et faire le travail d’un autre. Cette situation est surtout présente dans les établissements où les employés font partie du syndicat IATSE. Par exemple, au Trident, lors de la période réservée aux presets5 avant un spectacle, l’assistant et le régisseur

ne peuvent pas déplacer un accessoire mal positionné sur scène. Ils doivent appeler le technicien en chef pour l’en informer et lui-même ou l’un des techniciens à sa charge corrige la situation. Évidemment, l’assistant et le régisseur peuvent effectuer de petites retouches aux accessoires, comme déplacer un chandelier d’un pouce sur la table, mais tant que ce raccord n’empiète pas sur le mandat du technicien. En création, il règne beaucoup plus de liberté, une structure plus souple où tous peuvent aider ou remplacer un autre membre de la production momentanément. Le scénographe peut prendre une note au lieu de l’assistant, ce dernier peut faire le travail d’un machiniste, du magasinage pour le scénographe ou l’accessoiriste, réparer des accessoires ou des éléments de décor6, etc. D’ailleurs, tous les concepteurs et artistes sont présents à chaque répétition ou presque. Dès lors, compte tenu de leur implication constante, les artistes se divisent parfois en petits groupes de création pour optimiser le temps qui leur est imparti. Ne pouvant être partout en même temps, l’assistant doit communiquer assidument avec chaque équipe afin de rassembler toutes les nouvelles informations et décisions au même endroit, soit dans sa mémoire et ses cahiers pour les partager aux personnes concernées. Le plus important reste que l’assistant doit être mis au courant de tous les changements, les besoins et les nouvelles idées. À l’opposé, en institution, les concepteurs ne se présentent que très rarement aux répétitions. Ils travaillent davantage à distance et

5. Un preset correspond généralement à la préparation d’accessoires ou de morceaux de décor servant à une prochaine scène. Tous les accessoires doivent être placés à un endroit précis (différent pour chacun) pour permettre aux comédiens de les trouver facilement et sans effort pendant le spectacle. Si un accessoire n’est pas à son endroit prévu, le comédien devra faire sans pendant le spectacle, une situation à éviter par tous les moyens. 6. Ceci fut une tâche qu’on m’a donnée lors de mon mandat d’assistance sur Dreamland.

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pendant les réunions de production. En leur absence, l’assistant transmet aux concepteurs toutes informations issues des répétitions. Il devient donc l’interface, le pont, entre la mise en scène, la conception et la direction de production. Cette fonction de l’assistant est aussi présente en création, mais moins ressentie puisqu’elle dépend du nombre d’absences des concepteurs et de la relation qu’entretient le metteur en scène avec les autres artistes.

D’autre part, travailler pour une création implique que l’assistant aide à mettre sur pied un spectacle jamais vu par qui que ce soit ; même les créateurs le regarderont pour la toute première fois [Joubert, 2015]. L’assistant se doit donc d’observer avec plus de sensibilité, de cœur et d’intuition puisqu’aucune référence n’existe. Tout est nouveau, du texte jusqu’à la mise en scène. Il faut alors deviner la réception du public cible, d’abord et avant tout, grâce au premier spectateur, la première source possible de réaction : l’assistant lui-même. Ce dernier peut se permettre de déborder dans ses commentaires sur ce qu’il a ressenti, compris ou non des scènes répétées en vue de faire progresser leur création. Par ailleurs, si l’assistant participe depuis le début de la création, il classera sûrement l’ensemble des informations, des recherches, discussions, inspirations et médias qui sous-tendent le travail afin de les retrouver dès que l’équipe en a besoin et d’y faire référence dans ses commentaires si cela s’avère nécessaire.

En création, le statut de work in progress est souvent associé aux productions. C’est pourquoi tout change tout le temps : chaque décision est remise en question, supprimée et ramenée plus tard, aboutissant ainsi, de façon répétée, à une modification quasi complète de la création. Ce faisant, l’assistant organise ses notes sous forme d’archivage. Il conserve les discussions, les versions différentes des scènes et même les détails de mise en scène éliminés, car les créateurs retournent sans cesse consulter leurs intuitions de départ, quelquefois oubliées, et les raisons qui ont motivé l’abandon ou l’intégration d’une ancienne idée. L’assistant peut même ramener de vieilles idées au moment propice afin qu’elles soient reconsidérées, retravaillées, si non rejetées de nouveau ou peut-être réintégrées au spectacle. Il s’agit d’une énorme banque de données structurée par l’assistant et dont lui seul a accès. Elle lui permet de répondre aux questions le plus rapidement possible ou de les ramener en cas de besoin afin de nourrir la création, les réflexions et les discussions. Dans les productions

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de répertoire, ce type de tâche survient moins intensément étant donné que le spectacle est moins sujet à changements à cause de l’ancrage solide du texte et de la structure. Cependant, il se peut que l’assistant ait à gérer les recherches sur le contexte sociopolitique d’une pièce et sur l’auteur. Il devra extraire l’information demandée aussi vite qu’en création. Toutefois, ce type de travail est normalement pris en charge par un conseiller dramaturgique. Dans les cas où la troupe ne peut pas engager un tel spécialiste, les recherches seront parfois confiées à l’assistant.

Si l’assistance dans un contexte institutionnel et dans celui de la création partage des tâches et des fondements identiques, les fonctions et la dynamique de travail avec le groupe créateur sont différentes. Je continuerai donc à présenter ces écarts majeurs et les diverses stratégies qui en découlent.

Facteurs influençant le mandat d’assistance à la mise en scène

Le mandat de l’assistant fluctue non seulement en fonction du type de projet, mais aussi en fonction des personnes constituant la production. La dynamique de l’équipe, du travail et les tâches mêmes de l’assistant dépendent entre autres du metteur en scène et de sa manière de travailler. Chacun possède sa propre façon d’aborder la création et la direction des comédiens. Certains vont donner plus de liberté que d’autres; c’est-à-dire qu’ils laissent plus d’autonomie, sont plus ouverts aux commentaires, permettent à l’assistant de faire répéter les comédiens et peuvent même lui demander de prendre en charge une partie de la répétition. « L’assistant a le pouvoir que lui donne le metteur en scène. Les comédiens, tous les gens sur le plateau sentent très vite le rapport instauré entre le metteur en scène et l’assistant. Nous sommes forts du pouvoir que nous lègue le metteur en scène. […] Si le metteur en scène a confiance en l’assistant, les comédiens auront également confiance en lui.7 » Le travail de l’assistant s’adapte aussi à l’équipe et son mandat évoluera certainement en fonction de la relation qu’il entretient avec les artistes, s’il les connaît personnellement ou

7 SOISSON Anne, « La notation du travail théâtral par les assistants à la mise en scène en France et les stage

managers aux États-Unis : méthodes, enjeux et finalités / table ronde conçue et animée par Sophie Proust », MARTINEZ THOMAS Monique et PROUST Sophie, dir., La notation du travail théâtral : du manuscrit au

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non, s’il les rencontre pour la première fois ou s’il s’agit d’une collaboration professionnelle qui perdure depuis plusieurs années. La relation que l’assistant possède avec chaque membre de la production et les relations personnelles ou professionnelles qu’entretiennent les membres entre eux affectent inévitablement la dynamique autant positivement que négativement selon les cas. Par exemple, si deux comédiens entrent en relation de couple ou se séparent, l’ambiance générale en sera altérée et il est du devoir de l’assistant de bien gérer ces modulations pour préserver l’optimisation du temps alloué au travail de chacun.

Finalement, le moment d’arrivée de l’assistant dans le projet modifie son travail et sa relation avec l’équipe. S’il entre en fonction plus tard, la tâche sera malheureusement plus ardue puisque l’équipe s’est déjà côtoyée depuis un certain temps, a trouvé son rythme et ses techniques de travail. L’assistant doit donc déchiffrer au plus vite le fonctionnement interne de l’équipe pour bien s’y intégrer et répondre aux attentes de chacun. Le plus important est de gagner la confiance de chacun, autrement il sera incapable de faire son travail. Il doit se fondre dans la dynamique déjà présente et rattraper le temps perdu. Pour être en mesure de les soutenir au maximum, il faut absolument qu’il connaisse les prémisses du projet et jusqu’où l’équipe veut le pousser. En ce sens, l’assistant consacrera toujours ses premiers moments de travail à comprendre les intentions artistiques de chacun, à cerner leur personnalité, leurs relations et leur approche de la création.

Problématiques du milieu

Bien que l’importance de l’assistant metteur en scène soit bien ressentie au sein de plusieurs troupes de théâtre établies, plusieurs facteurs entravent l’épanouissement du métier reconnu comme un travail spécialisé et l’émergence d’une relève qualifiée et nécessaire.

L’un des premiers facteurs soulevés par les informateurs est le manque de reconnaissance. Voulant avant tout être metteur en scène, Simon Lemoine raconte qu’il s’est confronté au peu de gratitude envers l’assistant autant de la part des artistes que du public. Il affirme qu’il s’agit d’un métier ingrat et que mis à part les fautes de l’assistant rien n’est souligné par l’équipe. De surcroît, le travail reste invisible aux yeux du public : « It is the job

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that most people outside the theatre world have no idea what it is. It is a job that, if done well, makes everyone else look good. » (Allison, 2011 : 9) Naturellement, les spectateurs ne connaissent aucun autre métier du théâtre à l’exception des comédiens, de l’auteur et du metteur en scène, affirme Rheault. Cependant, alors que le scénographe est inscrit dans le programme de saison et le programme de soirée, l’assistant, lui, n’en fait pas partie dans certains théâtres, comme au Trident8, mais ça n’a pas toujours été le cas. Pourtant, il pourrait très bien être écrit de la manière courante : le nom du metteur en scène, assisté du nom de la personne. Selon Saint-Amand, le métier d’assistance n’est pas reconnu parce qu’il n’en est pas un de création. Il demeure un ouvrier du spectacle, qui travaille dans l’ombre, qui aide à mettre en marche les mécanismes de l’illusion spectaculaire. De plus, Deslauriers souligne que la reconnaissance dépend énormément de sa relation à l’équipe et de la personnalité des artistes. Par exemple, si l’assistant est pris pour acquis et que le metteur en scène ne communique presque jamais avec lui, situation dont elle a déjà été témoin, l’assistant ne recevra que du négatif. Même si l’assistant n’est pas un concepteur et qu’il n’exerce pas un travail de création, son implication reste fondamentale au projet. Bref, le degré de reconnaissance pourrait bénéficier d’améliorations que ce soit simplement en inscrivant son nom dans les documents de presse et publicitaires de la production. Néanmoins, cette situation n’atteint pas tous les assistants. Deslauriers semble être l’une des rares personnes à ne pas avoir vécu ce manque de reconnaissance, car elle a travaillé avec des metteurs en scène lui offrant beaucoup de gratitude. Par exemple, elle racontait que Jean-Sébastien Ouellette la mentionnait souvent à l’équipe en s’exclamant : « grâce à mon excellente assistante! » Ainsi, en lui attribuant les mérites officiels d’une idée ou d’une action qu’elle a faite, le metteur en scène l’aide à se faire respecter par l’équipe et les comédiens la remercient, l’incluant davantage dans la « famille » de la production.

Un autre facteur important restera toujours le manque de budget. Dans certaines compagnies, surtout celles de la relève, l’assistant est un luxe alors que pour d’autres, les plus établies, il est indispensable. « Quand une troupe ne possède aucun budget, elle sera confrontée à choisir entre engager l’assistant ou la personne responsable de la scénographie, des costumes et des accessoires. Évidemment, elle optera pour la deuxième! » (Lemoine,

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2015) Même sans assistant, les tâches qu’il devrait faire sont si indispensables qu’elles seront réparties parmi l’équipe. La troupe sera alors encore plus chargée de travail qu’elle le devrait et à l’entrée en salle, elle sera plus à risque de perdre du temps précieux et de ne pas pouvoir livrer le spectacle à temps. Même si les fonctions de l’assistant restent difficiles à cerner à cause de la grande variété de tâches qui changent d’une production à l’autre, il sert véritablement de facilitateur au projet.

Un autre facteur important s’avère être les conditions de travail qui ne sont guère propices pour attirer plus de relève. Le statut du travail demeure constamment à la pige à moins d’être associé de façon permanente à une troupe ou à un metteur en scène qui produit des spectacles régulièrement, comme c’est le cas de Caroline Martin avec Nuages en pantalon. Toutefois, si le travail de l’assistant devient apprécié par plusieurs metteurs en scène, il peut se garantir un certain nombre de contrats puisque les metteurs en scène ont habituellement le choix de leur assistant. Le salaire, en général, reste maigre ; le travail demande une énorme disponibilité sans être assez payant pour équivaloir à un temps plein [Lachapelle, 2015]. « C’est aussi, bien souvent, le même salaire pour une pièce avec deux acteurs et une autre avec quinze acteurs, même si le travail est multiplié.9 » Forcément, les assistants metteur en scène deviennent polyvalents et comblent ce manque de revenu avec des contrats de régisseur, plus onéreux surtout s’il y a de nombreuses représentations. De surcroît, l’assistant s’engage parfois dans d’autres départements du même projet, comme la lumière, la scénographie, la direction de production, la coordination, la direction des communications, etc. Malheureusement, aussi exigeant que puisse être le métier, les contrats n’arrivent pas à faire vivre entièrement les assistants.

1.2 Considérations générales

Le tout premier principe à comprendre est que l’assistant intervient au sein de la production comme un liant entre tous les départements, touchant l’artistique, la logistique et

9. DUFORT Marie-Hélène. « Les accompagnateurs : Table ronde avec des assistants à la mise en scène ». Jeu : revue de théâtre, no. 136, 2010, p. 92.

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l’administration. « The work of the stage manager embraces something of both groups for he can be described as the link between the creative idea and its translation to practical reality. He unities the work of all individuals and departments engaged in the production of the play. » (Baker, 1988 : 1) L’assistant enrobe le projet par son soutien et pave la trajectoire de chaque idée en prévenant tous les problèmes possibles engendrés par leur concrétisation.

Aussi, plusieurs tâches débordent du descriptif de ses fonctions. Il peut se ramasser à cuisiner du spaghetti, à aider la costumière à prendre les mesures des comédiens ou même à aider un machiniste. Ce type de tâches peut toucher tous les secteurs de la création et de la production. En se proposant lui-même pour les réaliser, l’assistant choisit l’implication qu’il est prêt à mettre dans le projet. Il peut alors prendre la place qu’il a envie de prendre, sauf s’il empiète sur le travail de création sans qu’on lui ait demandé [Saint-Amand, 2015]. Par contre, il faut bien comprendre que l’assistant n’est pas un esclave de l’équipe, ni un serviteur, mais plutôt un aidant. « The line between the two is very fine and at times people easily step over it. An SM learns which services must be provided as part of the job, and selectively chooses to perform extra services that are beyond the call of the job. » (Fazio, 2000 : 11) L’assistant doit toujours s’assurer que les tâches inhérentes à son métier soient bien accomplies. Dès lors, il doit le faire comprendre aux membres de l’équipe qui peuvent tenir cette aide supplémentaire pour acquis.

L’assistance et la régie

Dans la définition donnée par le ministère de l’Éducation, du Sport et du Loisir, l’assistant prendrait régulièrement le rôle du régisseur10 lors de l’entrée en salle. Cependant,

cette migration des responsabilités ne s’applique pas à toutes les productions et un assistant ne devient pas automatiquement le régisseur du projet qu’il accompagne. Contrairement aux États-Unis et au Canada anglais, l’assistance et la régie à Québec représentent deux métiers bien singuliers. Cette distinction s’établit relativement aux tâches, déjà, bien différentes, mais encore plus à l’entrée en fonction de chacun. L’assistant à la mise en scène reste associé aux

10. La personne qui gère l’ensemble de chaque représentation et qui appelle les cues techniques pendant celle-ci.

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répétitions alors que le régisseur accompagne les représentations. Ces deux métiers collaborent lors de l’entrée en salle, mais l’assistant œuvre idéalement dès le début de la création jusqu’à la fin de l’entrée en salle. Le régisseur, quant à lui, opère de l’entrée en salle jusqu’à la toute fin des représentations et suit régulièrement la troupe dans ses tournées. Or, même si la distinction entre les deux fonctions s’avère très catégorique, la plupart des assistants à Québec exercent également le métier de régisseur afin de vivre de leur carrière sans avoir à prendre un autre emploi pour arrondir leur fin de mois. D’ailleurs, en plusieurs occasions, ils occuperont les deux rôles pour le même spectacle.

Que l’assistant fasse la régie pour le même projet demeure un choix logique et très avantageux pour l’équipe à tel point que, selon Hélène Rheault, certains metteurs en scène exigent que leur assistant fasse la régie lors des représentations. Cette implication dans les représentations sécurise grandement les metteurs en scène [Deslauriers, 2015]. En effet, l’assistant devient le meilleur atout pour mener le spectacle puisqu’il le connaît par cœur. Il l’a accompagné et annoté dans ses moindres détails pendant au moins six semaines de répétitions. Il est en plus expert quant à l’exécution de certains cues11, car il a dû les faire et les appeler en répétitions à maintes reprises. Il reste extrêmement à l’aise avec les presets pour en avoir eu la responsabilité au cours du processus de création. De plus, ayant déjà construit une relation avec les comédiens et les concepteurs, l’assistant peut très facilement résoudre lui-même les problèmes qui surviennent ou encore guider les comédiens en fonction des intentions du metteur en scène. Il peut également transmettre certaines notes permises aux interprètes afin de conserver le rythme, l’intégrité du texte et la durée du spectacle. Deslauriers raconte que les metteurs en scène lui donnent souvent des points particuliers à surveiller chez certains comédiens pour éviter qu’ils fassent inconsciemment des erreurs qu’ils ont eu l’habitude de faire en répétitions. Ce contrôle permet surtout de maintenir l’uniformité de chaque représentation : « [the] audience on night forty deserves to see the same show as those in attendance on opening night. The stage manager is responsible for

11. Un cue est un repère visuel dans les actions des comédiens ou dans le texte dit par les comédiens qui donne l’indication aux autres actants du spectacle de faire leur action. Un autre comédien peut attendre d’entendre un certain mot pour faire son entrée sur scène, comme le régisseur peut partir une musique en voyant un comédien faire une action précise, faire un changement d’éclairage ou même dire à un machiniste de faire un changement de décor. Les cues définissent l’ordre de chaque action du spectacle et permettent d’établir le rythme.

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maintaining the artistic and technical components of the production, so this will be possible. » (Kincman, 2013 : 151) Un régisseur n’ayant pas accompagné le processus ne peut pas assumer cette responsabilité parce qu’il lui manque l’historique de la création. Cette connaissance du travail et de son évolution devient indispensable pour accepter ou corriger les changements apportés inconsciemment ou non par les comédiens au fur et à mesure que les représentations avancent. Toutefois, cette responsabilité ne fait pas officiellement partie du mandat de l’assistant lorsqu’il endosse la régie. Il s’agit plutôt d’une demande spéciale faite par certains metteurs en scène.

Du côté des États-Unis, de l’Angleterre et du Canada anglais, un seul métier réunit l’assistance et la régie. Dans leurs productions, la même personne assure automatiquement les deux et leur implication prend une ampleur bien plus importante et normée au sein des répétitions et des représentations. En fait, le rôle du stage manager, autant dans la culture anglaise qu’américaine, semblent bien ancré, reconnu comme indispensable et possède une pratique uniforme parmi tous les stages managers professionnels. Ses responsabilités sont claires et officielles. Par exemple, il veille à la sécurité de tous les membres du projet en prévoyant différents protocoles d’urgence (autant pour les accidents de travail que pour les catastrophe naturelle pouvant survenir), s’assure toujours du respect de la mise en scène par les comédiens durant les représentations, donne des notes aux comédiens en l’absence du metteur en scène, même sur leur jeu, conserve la vision artistique établie, prend complètement en charge la direction des comédiens de remplacement, etc.

Les rudiments de l’assistance à la mise en scène

L’ensemble des tâches de l’assistant s’effectuent plus ou moins en même temps, à différents degrés. Pour assurer leur exécution, l’assistant a souvent recours à des listes de tâches l’empêchant d’oublier des détails importants, de perdre le fil de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire. « L’enjeu principal du travail de l’assistant, c’est la maîtrise de l’information. […] personne ne nous demande de noter, mais par contre tout le monde nous

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demande d’avoir réponse à tout.12 » Kincman donne un excellent exercice servant à

développer cette vivacité dont il a besoin et qui aide à mieux comprendre l’environnement dans lequel baigne l’assistant. Comme c’est le cas pour chaque jour de répétitions, cet exercice requiert l’activation de tous les sens de l’assistant et le maximum de ses capacités d’observation, de rapidité et d’efficacité multitâche :

1. Pull out your favorite Where’s Waldo? cartoon and find all the Waldo images in five minutes.

2. While doing that, turn on the Rent soundtrack and accurately sing along to « La Vie Bohême ».

3. And because you are the ambitious sort, do this in a restaurant, and also count how many times the server in your area refills someone’s glass of water. Sounds crazy, right? Well, it’s not much crazier than trying to write down blocking, follow along with the script, keep an eye on where the props are going, and help the actress in the next scene lace up her corset all at once. (Kincman, 2013 : 63)

De surcroît, qu’elle choisisse un restaurant pour l’exercice devient encore plus significatif puisque les questions que le serveur pose au client correspondent exactement aux questions demandées à l’assistant pendant qu’il travaille. Il peut souffler le texte, aider quelqu’un en difficulté, donner une information complètement hors contexte de la scène en cours, etc. Lachapelle explique que, pendant les répétitions, elle imagine son cerveau décuplé en de multiples directions différentes, toujours en traitement d’informations provenant de diverses sources à la fois. Il n’existe aucun repos et elle se doit d’être constamment active à son plein potentiel.

La communication

L’assistant facilite la communication entre les équipes et les membres de la production. Il tempère les conflits, résout de son mieux les problèmes de chacun, fait le lien

12 FERRERE Virginie, « La notation du travail théâtral par les assistants à la mise en scène en France et les

stage managers aux États-Unis : méthodes, enjeux et finalités / table ronde conçue et animée par Sophie Proust », op. cit., p. 61.

Figure

Figure 1 : Extrait du découpage de l’Opéra de Quat'sous, produit pour l’Opéra-tube
Figure 2 : Extrait d’un découpage du texte Twelfth Nitgh tiré de Kincman, 2013 : 38
Figure 3 : Découpage de la scène en lignes repères
Figure 4 : Exemples de prop tables. (Kincman, 2013 : 128)
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Références

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