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CHAPITRE 3 : LA NOTATION

3.3 Autres documents à créer

Outre les deux cahiers que l’assistant doit gérer, il doit aussi produire plusieurs documents informatiques et imprimés servant aux répétitions et aux futures représentations du spectacle. « Some charts, plots, plans, and lists will remain the same throughout the SM’s career. Others will change radically, and still others will have to be invented to suit the needs of the show. It is the SM’s job to document information and present it where it is needed. » (Fazzio, 2000 : 74) L’assistant doit être créatif, démontrer beaucoup d’initiative et être alerte à tous les besoins des membres de la troupe qui peuvent être comblés par un document ou liste. Chaque document doit répondre à certains critères afin de s’assurer que la lecture des informations est optimale. « First there is the information that needs to be documented. Next is the organization and form in which the information is laid out. Last is to see if the document does its job – see if it stands and delivers. Is the chart, plot, plan, or list thorough, complete, concise, informative, understandable, and easy to read, and can the information be extracted in a single glance? » (Fazzio, 2000 : 74) L’assistant doit accorder une attention particulière à ces détails de présentation et développer le réflexe de le faire pour chaque document qu’il

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produit. Comment peut-il rendre la lecture le plus simple et efficace possible et comment peut-il faire en sorte que les lecteurs n’aient pas à chercher les informations dont ils ont besoin, mais qu’elles apparaissent de soi lors de la lecture, de façon évidente et claire?

La plupart de ces documents aide surtout la mémoire des artistes. Ils deviennent une sécurité, un point de référence, un recourt d’urgence en cas de trou de mémoire et parfois une béquille. Ces outils papier servent davantage aux premières utilisations puisque, par la suite, la mémoire prend le relais. En ce sens, leur apport semble plus important à celui qui les rédige, car leur rédaction permet de synthétiser les informations à retenir et de les structurer, aidant la mémoire à mieux les enregistrer sur-le-champ [Martin, 2015]. Il semble que ces outils servent davantage à organiser la pensée de l’assistant pour qu’il n’ait recours qu’à sa mémoire [Joubert, 2015].

Plantation

La plantation demeure un outil essentiel pour les productions. Souvent, en institution, le scénographe la dessinera lui-même étant une étape importante dans sa propre conceptualisation du décor. Dans un autre contexte, l’assistant peut la faire par ses propres moyens. Cependant, il doit s’assurer de la faire le plus à l’échelle possible. Avoir les mesures exactes des éléments du décor permet de valider les idées du metteur en scène à savoir si un déplacement peut se faire dans un emplacement précis par exemple.

Pour que la plantation soit le mieux réalisée possible, il faut respecter quelques principes de base. D’abord, la vue du décor doit toujours se faire en plan vol d’oiseau, vu du plafond, voir exemple en annexe 11. Si le décor est vu de face, voir exemple en annexe 12, les déplacements des comédiens, les distances entre les objets et l’espace ne sont assez pas assez lisibles pour quiconque consulte le plan. Aussi, les codes sont plus faciles à réaliser et à comprendre que les images des objets. L’assistant devrait privilégier les lignes, les formes brutes, les noms simples et courts pour distinguer un lit d’un sofa (par exemple). D’ailleurs, les stages managers utilisent des codes bien précis pour désigner les différents emplacements sur scène. Dès lors, ils peuvent directement écrire à côté des répliques concernées, voire des

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mots, dans quelle section le comédien se trouve sur scène. Dans ces conditions, la plantation devient une simple référence et les déplacements s’écrivent facilement à même le texte avec le code de la position de départ, suivi d’une flèche vers le code de l’emplacement final.

En plus des distances entre les objets eux-mêmes, il peut être important d’écrire les distances ou les mesures des espaces entourant la scène, surtout si la troupe répète dans un

Figure 9 : Exemple de plantation codée pour une scène à l’italienne. (Fazio, 2000 : 151)

Figure 8 : Exemple de plantation codée pour une scène circulaire. (Fazio, 2000 : 153) Jardin (J) Milieu Jardin (MJ) Milieu Cour (MC) Cour (C) Pendrillon 2 Pendrillon 1 Pendrillon 3 Rideau Proscenium Coulisses Orchestre / Public U = Up / Arrière (Ar)

D = Down / Avant (Av)

Avant-scène jardin Avant-scène cour

ArJ ArMJ ArMC ArC

J MJ MC C

M

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autre studio que celui où le spectacle aura lieu. L’assistant écrit alors la profondeur des coulisses, du fond de la scène, la largeur de l’allée de l’avant-scène, etc. Ceci lui permet de calculer et prévoir la capacité de ces espaces pour le rangement, l’empilage des sections de décor amovibles, l’organisation des presets et la faisabilité de certaines actions des comédiens. Si la production enchaîne plusieurs changements de décor importants, l’assistant ne devrait pas hésiter à faire une plantation pour chacun et ainsi éviter de nuire à la lecture du document par trop de lignes et de codes en superposition.

Registres et listes servant à la logistique en répétitions

Feuille de contacts

Il s’agit d’un petit document, feuillet, simple et court, souvent oublié par les troupes et qui s’avère très utile pour l’ensemble du processus de création. Maintes fois, le metteur en scène demandera à l’assistant de contacter tel ou tel membre de la production. En plusieurs occasions, l’assistant devra aussi joindre certains artistes pour savoir les raisons de leur absence, faire le suivi de leur travail, leur transmettre des informations importantes et urgentes, etc. Peu importe la raison, les coordonnées de chaque membre de l’équipe sont essentielles pour le processus et l’assistant devrait rédiger ce document le plus tôt possible, voire avant le début des répétitions. Pour voir un exemple de ce document, consultez l’annexe 13.

Registre du travail accompli sur chaque scène

Ce petit document très simple n’est utilisé que par le stage manager, mais semble utile pour des productions qui veulent tenir un décompte clair du travail fait pour chaque scène. Ceci leur permet de constater quelles scènes ont été plus travaillées que d’autres et lesquelles ont peut-être été trop mises de côté au profit de d’autres. Le principe reste très simple : un tableau présentant la liste des scènes divisée en colonnes pour chaque type de travail fait (travail de table, mise en place, répétitions) et dans chacune, l’assistant y inscrit

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la ou les dates correspondant aux périodes où le travail a eu lieu. Voir l’annexe 14 comme exemple.

Liste des accessoires

La liste des accessoires permet de faire un suivi serré sur l’état des accessoires à savoir lesquels doivent être achetés ou empruntés, lesquels sont en cours de fabrication, lesquels sont consommables. S'il y a de la nourriture à gérer, l'assistant doit s’assurer qu’ils sont bien préparés chaque fois, voire cuisinés s’il le faut et que leur date d’expiration n’est pas dépassée. Cette liste permet également à la direction de production et au metteur en scène de budgéter plus facilement les accessoires [Kincman, 2013 : 52] et de prévoir les économies possibles en empruntant ou en acquérant des biens commandités. Voir l’annexe 15 pour l’exemple. Dans le document d’exemple, les accessoires sont divisés selon les scènes. Chacun est suivi du numéro de page où il figure dans le texte, du nom du personnage qui entre en interaction avec lui, de notes spécifiques et de deux colonnes permettant d’écrire quand un accessoire substitut sera fourni pour les répétitions et quand l’accessoire officiel pour les représentations sera disponible [Kincman, 2013 : 54]. Les astérisques dans la colonne C signifient que l’accessoire est consommable et qu’il devra être réapprovisionné.

Feuille-résumé

Souvent, il faut faire confiance à la mémoire des artistes et ceux-ci n’ont besoin que de simples repères pour se souvenir de l’ensemble de leurs actions. La meilleure technique semble être celle d’Allison : « make a list of the scenes (and musical numbers within each)46

to post backstage for the cast. This will help them keep the sequence of scenes correct in their minds. » (Allison, 2011 : 76) Lors de ma brève assistance avec le Bureau de l’APA, la feuille résumée fut le document le plus utile pour toute l’équipe même plus que les notes habituelles. Celles-ci ne leur servaient guère, principalement parce qu’ils favorisaient davantage l’improvisation et la modulation constante de leur performance, assumant une conception

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chaotique et organique. L’ordre des scènes et des numéros les aidait considérablement étant donné la modification fréquente de la chronologie du spectacle. Pendant les premières représentations, les artistes cachaient même leur feuille-résumé sur leur lutrin. Ainsi, ils pouvaient toujours la consulter et se sécuriser surtout s’ils n’avaient pas eu la chance d’apprendre la nouvelle structure.

Dans pareil cas où la structure est constamment modifiée, le nom des scènes ne peut pas être un chiffre. Chaque section du spectacle devrait être identifiée par un titre court et concis, facilement reconnaissable par les membres de la production. « Subdivisions based on scene numbers are equally useless. An effective shift plot will include scene nicknames based on easy-to-identify plot points. When working on a musical, using identifiers based on song titles can be effective as well. » (Kincman, 2013 : 134) Un chiffre ne résonne pas chez les artistes. Certes, il transmet un ordre, mais aucune référence concrète sur l’action ou la thématique de la scène. Il faut donc que l’assistant invente des titres, en collaboration avec les artistes, assez signifiants pour être reconnu sans questionnement. Toutefois, il reste préférable d’utiliser les appellations naturelles et connues des artistes afin qu’ils n’aient pas à se réhabituer à une nouvelle série de titres. Voir deux exemples de la feuille résumée en annexe 16 et 17.

Registre et listes servant à la logistique en représentations

Liste des presets

La liste des presets est l’une des listes les plus importantes pour la production, car elle organise la préparation du spectacle et liste chaque tâche qui doit être faite avant l’ouverture des portes du théâtre. Il serait assez désastreux qu’en pleine représentation un comédien ne trouvant pas un accessoire essentiel à la scène soit obligé d’improviser. Voir en annexe 18 un exemple simple de liste de presets pour accessoires. Pour aider aux presets, Allison partage un excellent truc afin de savoir rapidement l’emplacement de chaque accessoire à chaque scène. « To help keep track of the changing props during the play, take a post-it, label it “props”, and put one opposite the first page of each scene. Then, you list on

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it where all the props are at the beginning of that scene. Do this, because you do not always work the play chronologically. » (Allison, 2011 : 90) Ainsi, l’assistant pourra mieux préparer la salle des répétitions et tenir un décompte clair de l’usage des accessoires au cours du spectacle.

Pour Osage County, production du Théâtre du Trident mis en scène par Jean-Philippe Joubert, Martin a développé un document qu’elle utilise maintenant pour tous les projets et qu’elle transmet même à d’autres assistants qui le lui demandent. Pour ce spectacle, la réalisation des presets durait une heure et ne pouvait pas être plus longue parce qu’elle aurait fait perdre du temps à l’équipe. Elle aurait également enfreint les normes syndicales du théâtre institutionnel : les comédiens arrivent à 18 h, le spectacle dure trois heures, ce qui ne laisse qu’une heure pour les presets du lendemain puisque les techniciens doivent fermer la salle à 22 h tapant. Par conséquent, il faut que cette heure soit extrêmement bien organisée afin que tout soit prêt pour le spectacle au risque de ne pas pouvoir le présenter tel qu’il a été répété.

Selon le spectacle, plusieurs listes de presets sont produites, dont une pour les presets devant être faits avant la tenue de la représentation, pendant celle-ci, à l’entracte ainsi que ceux devant être préparés pour le lendemain. Chacune des listes devrait indiquer pour chaque preset listé : l’emplacement de départ de l’objet, quand et par qui il est déplacé, l’endroit où il est déposé à la fin de son déplacement. Dès lors, lorsqu’il faut retrouver les accessoires pour faire les presets du lendemain, l’équipe ne perd pas une heure à chercher un rouge à lèvres dans le décor d’une maison entière par exemple [Martin, 2015]. Ces informations sont évidemment précieuses et essentielles, car elles rendent le travail de préparation beaucoup plus efficace. Les presets peuvent non seulement inclure la préparation d’accessoires, mais aussi déléguer le ménage, la vérification de matériel, la cuisine d’aliments et toute autre tâche insolite, mais essentielle au projet en cours.

Les listes servent même pendant le spectacle à s’assurer que tout est à sa place au moment prévu et à remémorer aux techniciens les emplacements de chaque objet à tout moment. Idéalement, pour accélérer la vérification des presets, cette liste devrait prendre la

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forme d’une feuille à cocher. « If you are running a production with an eight-show week, you might opt for eight check boxes and make fresh copies for each week. […] Try to avoid needing new paperwork within a show week itself. » (Allison, 2011 : 126) Voir l’exemple d’un document en annexe 19. Quant aux presets très longs impliquant plusieurs objets, une photo peut être rajoutée à la liste afin d’aider les techniciens à repositionner les objets de la même manière. Par ailleurs, Lachapelle explique que certains comédiens, comme ceux de la production Dans la république du bonheur, spectacle mis en scène par Christian Lapointe et présenté au Trident lors de la saison 2014-2015, sentent le besoin de placer leurs accessoires par eux-mêmes, afin de se réconforter et de se sécuriser. Ainsi, les techniciens placent à peu près l’objet à l’endroit désiré et laissent les comédiens en faire l’ajustement précis. Au cours de son mandat d'assistance sur Trainspotting, Deslauriers raconte qu’alors qu’elle devait placer une paire de lunettes dans la poche d’un manteau, le comédien devait absolument toucher l’objet avant le spectacle sinon il devenait trop stressé. L’assistant doit donc veiller à ce que les comédiens soient rassurés quant à la présence de leur accessoire et s’il faut que les comédiens aient un rituel de vérification avant chaque spectacle, il les laisse le faire.

Tableaux des changements de costumes

Cas plus rare à Québec, les costumes peuvent devenir très nombreux pour un même spectacle et les comédiens auront même à se changer plusieurs fois au cours d’une même représentation. Pour la production de Charbonneau le chef par exemple, Martin a eu recours à un tableau des changements de costumes. Bien qu'elle n’ait pas eu à réutiliser cet outil, elle l'a tout de même conservé au cas où une autre production aurait des besoins similaires.

En répétitions, en enchaînements et en représentations, ce tableau prend place principalement en coulisses et dans les documents de l’assistant. Voir l’exemple en annexe 20. Cette charte permet de savoir les multiples changements de costumes à faire, quand, où, dans quel ordre, avec quel costume, avec quelle aide, le temps disponible pour l’exécuter ainsi que l’entrée et la sortie de scène du comédien en cause. Ce type de tableau est mieux présenté en format paysage avec des colonnes et des lignes blanches pour maximiser l’espace blanc [Kincman, 2013 : 140]. Les espaces blancs laissent un tableau respirer : « These

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techniques are providing the eye a place to rest. To help reinforce which actions happen simultaneously, the shift and time columns for each group have been merged so that the information appears centered in a larger box. » (Kincman, 2013 : 134) De surcroît, ces espaces guident le regard et aident à mieux discerner les différentes informations et leurs regroupements. L’assistant doit utiliser la mise en page à son plein potentiel et optimiser l’espace disponible pour faciliter la lecture rapide du document. De plus, cette stratégie devrait être employée dans tous les documents produits par l’assistant.

Feuille cue des machinistes et manipulateurs

Les manipulateurs, machinistes et, parfois, techniciens du spectacle n’ont pas accès au cahier de régie lors des représentations et des enchaînements. Néanmoins, ils ont besoin d’avoir un document leur indiquant les cues et les actions à faire en coulisses ou sur scène au moment prévu. Chez Ex Machina, ce document se rédige directement sur Excel. Saint- Amand sépare le fichier en la phrase cue, le nom du machiniste, où il est et l’action qu’il fait. Chez les stages managers, on y trouve une version plus détaillée et organisée :

« WHEN? The first two columns denote the order in which shifts occur. The SM numbers each activity or simultaneous group of moves. […] WHO? The next column identifies the personnel involved in the move. […] WHAT? The next two columns list the specific prop or scenic piece affected. If the moving unit is a flying piece, the lineset number is included. […] WHAT HAPPENS TO IT? Next, the stage manager will describe the move itself. […] WHERE DOES IT

GO? Moving units will be traveling to a precise location, and the stage manager

should record any spike information available. […] WHAT ELSE DO WE

NEED TO KNOW? […] This might include the manner of cueing or the fact

that a prop hand off takes place during a fast costume change. » (Kincman, 2013 : 133-134)

Bien que l’on puisse certainement compter sur la mémoire des techniciens, celle-ci peut faillir sans leur accord. Qui n’a jamais expérimenté un trou de mémoire à cause du stress ? Cette liste peut même être esquissée dès les répétitions. D’ailleurs, « you need to find out from the director and technical director, who will be doing the changes. If you can figure

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out all of the changes before you get to the technical rehearsals, then they will go a lot smoother. » (Allison, 2011 : 95) Voir un exemple du document en annexe 21.

Dès lors, ce document doit être clair, concis et signifiant pour l’équipe en coulisses. Ils ne doivent absolument pas essayer de déchiffrer le document pour savoir quoi faire ; ils doivent le comprendre de facto au risque de ne pas accomplir leur action à temps. L’important reste d’utiliser des repères familiers pour leur cues : le nom d’une scène, la réplique ou tout autre signe clé à l’exécution du cue. Aux États-Unis et en Angleterre, les stages managers créent une liste pour chaque technicien. Ils en conçoivent une différente pour les cues de son, de vidéo et une autre pour ceux d’éclairage. Ces listes deviennent une sorte de cahier de régie personnalisé à chaque technicien. À Québec, cette pratique n’est pas du tout courante puisque toutes ces informations sont rassemblées dans un seul cahier de régie et que les assistants complètent avec d’autres documents pour ceux en arrière-scène. Ces différentes listes deviennent utiles et signifiantes pour une plus grande équipe où les techniciens ont besoin de repères simples et synthétiques afin de suivre la progression du spectacle sans avoir à suivre le texte.

Trucs pour la mise à jour des documents

Chaque document créé par l’assistant n’est jamais terminé. En fait, il doit les maintenir à jour régulièrement et parfois quotidiennement. Cette mise à jour devient essentielle non seulement pour les interprètes ou ceux qui ont à réaliser des actions, mais

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