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L'expérience maternelle d'une hospitalisation prolongée avec alitement lors d'une grossesse à risque élevé

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L’expérience maternelle d’une hospitalisation prolongée

avec alitement lors d’une grossesse à risque élevé

Mémoire

Mylène Côté

Maîtrise en sciences infirmières

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

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L’expérience maternelle d’une hospitalisation prolongée

avec alitement lors d’une grossesse à risque élevé

Mémoire

Mylène Côté

Sous la direction de :

Nancy Leblanc, directrice de recherche

Emmanuel Bujold, codirecteur de recherche

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Résumé

Cette étude qualitative visait à décrire l’expérience de mères québécoises vivant une grossesse à risque élevé dans le contexte d’une hospitalisation prolongée avec alitement et leur appréciation des soins reçus, deux aspects peu étudiés jusqu’à maintenant. Des entrevues individuelles semi-dirigées ont été effectuées auprès de huit mères hospitalisées et alitées depuis 30 jours en moyenne. Un devis qualitatif d’inspiration phénoménologique (Giorgi 1997, 2009) a été utilisé pour l’analyse des données, d’où a émergé 24 sous-thèmes, sept thèmes et deux énoncés descriptifs.

Les résultats de recherche mettent en évidence la réalité évolutive et complexe des mères dans laquelle elles rapportent : 1) Passer du choc à l’ennui, du chaos à la réorganisation et de l’incompréhension à la compréhension ; 2) Avoir une nouvelle vie remplie de contraintes, de difficultés et de craintes ; 3) Vivre essentiellement des émotions négatives ; 4) Être orientée vers le futur tout en persévérant dans le présent. Les mères qualifient les soins prénataux reçus de techniques routinières, peu nombreuses et faciles à exécuter. Ils comportent deux principales lacunes : les oublis occasionnels et l’absence d’activités prénatales éducatives. Le manque de régularité et de constance dans l’assignation des infirmières aux mères hospitalisées est aussi relevé. Toutefois, à travers ces lacunes, les participantes soulignent les grandes forces du personnel soignant : l’humanisme, la gentillesse et la compétence.

Les résultats de cette étude offrent une description approfondie de l’expérience subjective de huit mères, laquelle permet de perfectionner les connaissances des professionnels de la santé et de les sensibiliser davantage à ce vécu. Ces retombées peuvent contribuer à humaniser et à améliorer les soins périnataux actuels.

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Abstract

The aim of this qualitative study was to describe the hospitalization experience of women with a high risk pregnancy on prolonged bedrest and their views of the prenatal care received. The research done on these two specific concepts is quite scarce as of today. Semi-structured individual interviews were conducted with eight French pregnant women who were placed on bedrest for an average of 30 days in a Quebec hospital. A phenomenological design (Giorgi 1997, 2009) was used for data analysis, from which 24 subthemes, seven themes, and two descriptive statements were obtained.

The results of this study revealed the evolutionary and complex reality of mothers, who experience: 1) Going from an emotional state of shock to boredom, from chaos to reorganization and from a lack of knowledge to understanding; 2) Having to adapt to a new life with multiple restrictions, difficulties and fears; 3) Dealing with negative thoughts and emotions; 4) To continuously think of the future while living day-to-day. Women perceived their prenatal care as being fundamentally technical in nature. The care received was seen as being mostly technical, very routine and easy to accomplish according to the participants. They also point out patient requests occasionally forgotten and the absence of educational prenatal classes. The inconsistency in assigning the same nursing staff to the same hospitalized mothers is reported. Despite these unfortunate events or lacks in care, participants emphasize the presence of humanism, kindness and competency demonstrated by their caregivers.

This qualitative study contributes to a deeper understanding of eight mother’s hospitalization experience and enhances the knowledge and awareness of caregivers caring for these women such as registered nurses. These clinical implications will help to humanize and improve the prenatal care of women on prolonged bedrest in a hospital

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Table des matières

Résumé ... iii 

Abstract ... iv 

Table des matières ... v 

Liste des tableaux ...viii 

Liste des figures ... ix 

Liste des abréviations et des sigles ... x 

Remerciements ... xiii 

Introduction ... 1 

1.  La problématique ... 4 

1.1  La grossesse à risque élevé (GARE) ... 4 

1.1.1  Une définition ... 4 

1.1.2  L’incidence et le contexte ... 5 

1.1.3  Les causes ... 5 

1.1.4  Le dépistage prénatal ... 7 

1.2  Les approches de soins préconisées ... 8 

1.2.1  Au plan international ... 8  1.2.2  Au plan national ... 9  1.2.3  Au plan provincial ... 9  1.2.4  Le suivi prénatal à domicile ... 10  1.2.5  L’hospitalisation anténatale ... 11  1.2.6  L’alitement anténatal ... 12 

1.3  Les généralités de l’expérience maternelle d’une GARE ... 12 

1.4  La pertinence de l’étude pour la pratique et la recherche infirmière ... 13 

1.5  Le but de l’étude et les questions de recherche ... 15 

2.   La recension des écrits ... 16 

2.1  Les perspectives empiriques de l’expérience maternelle d’une hospitalisation à durée variable et avec alitement lors d’une GARE ... 17 

2.1.1  Les propositions de l’élément central de l’expérience maternelle d’une GARE ... 17  2.1.2  L’alitement anténatal ... 18  2.1.3  Les aspects psychologiques ... 25  2.1.4  Les aspects spirituels ... 36  2.1.5  Les aspects temporels ... 37  2.1.6  Les aspects familiaux ... 38  2.1.7  Les aspects sociaux ... 41 

(6)

2.2  La synthèse des études sur l’expérience maternelle d’une hospitalisation à durée

variable et avec alitement lors d’une GARE ... 43 

2.3  Les perspectives théoriques de l’expérience maternelle d’une hospitalisation à durée variable et avec alitement lors d’une GARE ... 49 

3.  Le cadre de référence ... 50 

3.1  La théorie de la transition ... 50 

3.2  La justification du choix du cadre de référence ... 61 

3.2.1  Les affinités entre les concepts théoriques et le sujet de l’étude ... 61 

3.2.2  L’utilité du cadre dans le processus de cette recherche ... 63 

4.  La méthodologie de recherche ... 65 

4.1  L’approche qualitative de type phénoménologique descriptive ... 65 

4.2  La sélection des participantes ... 67 

4.2.1  Le milieu de recherche et la population cible ... 67 

4.2.2  Les critères d’inclusion et d’exclusion ... 68 

4.2.3  L’échantillonnage... 69 

4.2.4  Le recrutement ... 69 

4.3  La collecte des données ... 70 

4.4  L’analyse des données... 72 

4.5  Les critères de rigueur scientifique ... 74 

4.6  Les considérations éthiques ... 77 

5.  Les résultats de recherche ... 80 

5.1  Les caractéristiques des participantes ... 80 

5.2   La fréquence des unités des sens, des sous-thèmes et des thèmes ... 86 

5.3  Les thèmes et sous-thèmes de la première question de recherche ... 87 

Thème 1 : Passer du choc à l’ennui, du chaos à la réorganisation et de l’incompréhension à la  compréhension ... 90 

Thème 2 : Avoir une nouvelle vie remplie de contraintes, de difficultés et de craintes ... 94 

Thème 3 : Vivre essentiellement des émotions négatives ... 103 

Thème 4 : Être orientée vers le futur tout en persévérant dans le présent ... 105 

5.4  Les thèmes et sous-thèmes de la deuxième question de recherche ... 107 

Thème 5 : Les soins reçus se résument à quelques techniques routinières ... 109 

Thème 6 : Les soins sont parfaits… ou presque ... 110 

Thème 7 : Faire l’éloge des infirmières, des médecins et des préposés aux bénéficiaires ... 112 

5.5  Les deux énoncés descriptifs ... 113 

6.  La discussion ... 116 

6.1  Les liens entre les résultats de recherche et la littérature ... 116 

6.2  Les liens entre les résultats de recherche et le cadre de référence ... 123 

6.3  Les forces et les limites de la recherche ... 125 

(7)

6.4.2  La formation infirmière ... 129  6.4.3  La gestion infirmière ... 129  6.4.4  La recherche infirmière ... 130  Conclusion ... 131  Références ... 133  Annexe 1 ... 148 

Feuillet d’information et formulaire de consentement ... 148 

Annexe 2 ... 154  Guide d’entrevue ... 154  Annexe 3 ... 158  Questionnaire sociodémographique ... 158  Annexe 4 ... 161  Journal de bord ... 161 

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Liste des tableaux

Tableau 1 Caractéristiques sociodémographiques des participantes ... 81

Tableau 2 Caractéristiques cliniques prénatales des participantes ... 84

Tableau 3 Thèmes et sous-thèmes de la première question de recherche ... 88

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Liste des figures

Figure 1. Les relations entre les concepts de la théorie de la transition. ... 60 Figure 2. Présumés liens entre les concepts théoriques et le sujet de l’étude. ... 63 Figure 3. L’expérience maternelle d’une hospitalisation prolongée avec alitement lors

d’une GARE. ... 114

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Liste des abréviations et des sigles

AIIC Association des infirmières et infirmiers du Canada

CÉR Comité d’éthique de la recherche

CÉRUL Comité d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université Laval

CMES Centre mère-enfant Soleil

CHUL Centre hospitalier de l’Université Laval GARE Grossesse à risque élevé

HELLP Hemolysis, elevated liver enzymes and low platelet count

ISQ Institut de la statistique du Québec

MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec OIIQ Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

OMS Organisation mondiale de la Santé

SOGC Société des obstétriciens et gynécologues du Canada VIH Virus de l’immunodéficience humaine

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«Lorsqu’un enfant naît, c’est toute la société qui renaît». (Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec [MSSS], 2008, p. 12)

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Remerciements

Un premier merci à tous ceux et celles qui, de près ou de loin, ont contribué à l’aboutissement de ce long projet d’étude. Vous m’avez aidée à persévérer et à me dépasser. Je vous exprime toute ma reconnaissance.

Un merci particulier aux participantes, puisque le généreux partage de vos témoignages m’a été indispensable pour réaliser ce mémoire.

Un grand merci à ma famille pour son amour et son soutien inconditionnel : ma mère Monique, mon père Jean-Guy, ma sœur Annie-Claude et son conjoint Dany, mon frère Jean-Manuel et ma tante Isabelle. J’ai une pensée pour mon oncle Maurice, qui nous a malheureusement quittés l’an dernier, car son courage immense dans son combat contre le cancer m’a beaucoup inspirée à continuer de travailler avec acharnement dans ce projet d’étude.

Un merci spécial à ma directrice de recherche, Mme Nancy Leblanc, pour la qualité de son encadrement. Son soutien constant, ses judicieux conseils et sa confiance ont fait la différence pour moi. Un merci particulier à mon co-directeur de recherche, M. Emmanuel Bujold, pour son implication précieuse et son enthousiasme envers ce projet. Je tiens aussi à remercier Mme Ginette Lazure qui m’a guidée au tout début. Merci à vous trois, merci pour votre passion et votre expertise. Je remercie également l’examinatrice, Mme Daphney St-Germain, pour ses commentaires importants pour l’amélioration de ce mémoire.

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Un autre merci à mes précieuses amies pour vos encouragements et votre soutien. Je remercie aussi mes collègues infirmières et médecins pour votre intérêt envers ce projet. Un merci particulier à Karyn Dicaire, une collègue infirmière, pour la traduction du résumé.

Un dernier merci à Mme Diane Ouellet, infirmière-chef du Département des grossesses à risque élevé du Centre hospitalier de l’Université Laval, pour m’avoir accordé les congés essentiels à l’accomplissement de ce projet d’étude.

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Introduction

Largement considérée comme un processus biologique normal et naturel qui se poursuit aisément jusqu’à la naissance à terme d’un bébé en santé, la grossesse peut cependant suivre une évolution différente et présenter un risque pour la santé de la femme enceinte et de son fœtus (Ladewig, London, & Davidson, 2010). Pour désigner une telle grossesse, l’appellation de grossesse à risque élevé (GARE) est utilisée. Actuellement au Québec, un nombre croissant de futures mères reçoivent chaque année un diagnostic de GARE (Institut de la statistique du Québec [ISQ], 2015).

Vivre une GARE implique un nouveau statut, où la grossesse est maintenant étiquetée comme étant anormale, où son issue est incertaine et où la santé immédiate et future de la mère et de son fœtus est menacée (Leichtentritt, Blumenthal, Elyassi, & Rothmensch, 2005; MacDonald & Jonas-Simpson, 2009; Maloni, 2010, 2011; Rubarth, Schoening, Cosimano, & Sandhurst, 2012; Stainton, Lohan, & Woodhart, 2005). Pour les mères et leurs familles, l’expérience d’une complication de la grossesse peut devenir bien plus qu’un simple diagnostic; elle peut s’avérer être la source d’un stress considérable et de difficultés psychologiques et émotives importantes, et ce, plus particulièrement dans le contexte d’une hospitalisation maternelle avec alitement (Leichtentritt et al., 2005; Maloni, 2010, 2011; Rubath et al., 2012; Stainton et al., 2005).

Plusieurs études traitent de la réalité de ces mères, mais peu s’intéressent spécifiquement à l’expérience vécue lors d’une hospitalisation prolongée avec alitement. L’appréciation des mères des soins prénataux reçus pendant leur séjour hospitalier est un autre aspect qui mérite d’être exploré (Leithner et al., 2006; Richter, Parkes, & Chaw-Kant, 2007).

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Par un devis qualitatif, la présente étude avait pour but de décrire l’expérience de mères québécoises vivant une hospitalisation prolongée avec alitement lors d’une GARE et leur appréciation des soins prénataux reçus. Les résultats de cette recherche permettront l’avancement des connaissances sur une problématique peu documentée et rehausseront la compréhension et la sensibilisation des professionnels en périnatalité.

Ce mémoire comporte six chapitres. Le premier chapitre porte sur la problématique de recherche. Il offre une définition de la GARE et explique son incidence et son contexte, ses causes, son dépistage, les approches de soins valorisées et utilisées et les caractéristiques générales du vécu des mères. Il expose également la pertinence de la problématique pour la pratique et la recherche infirmière ainsi que le but et les questions de recherche.

Le deuxième chapitre fait état des perspectives empiriques et théoriques des recherches répertoriées sur l’expérience maternelle d’une GARE vécue dans le contexte d’une hospitalisation à durée variable et avec alitement. Les faits relatifs à l’alitement anténatal et aux multiples aspects de l’expérience maternelle sont présentés et expliqués.

Le troisième chapitre expose le cadre de référence qui offre à cette étude une perspective infirmière distincte : la théorie de la transition (Meleis, Sawyer, Im, Messias, & Schumacher, 2000). Ses concepts théoriques sont explicités et mis en relation avec le sujet de recherche.

Le quatrième chapitre traite de la méthodologie utilisée pour atteindre le but et répondre aux questions de recherche, c’est-à-dire une approche qualitative d’inspiration phénoménologique (Giorgi 1997, 2009). Il détaille le devis, la population étudiée, la méthode d’échantillonnage, les critères d’inclusion et d’exclusion, le déroulement de la

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collecte et de l’analyse des données et les précautions prises pour respecter les principes éthiques.

Le cinquième chapitre présente les résultats de recherche provenant de l’analyse des données effectuée selon la méthode phénoménologique scientifique de Giorgi (1997, 2009). Plus précisément, les sous-thèmes, les thèmes et les deux énoncés descriptifs se rapportant à chacune des questions de recherche sont décrits.

Le sixième chapitre consiste en l’interprétation des résultats à la lumière du cadre de référence et des conclusions des travaux antérieurs portant sur un sujet similaire. Les forces et les limites du devis qualitatif ainsi que les implications pour la pratique, la formation, la gestion et la recherche infirmière sont discutées.

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Chapitre 1

1.

La problématique

1.1 La grossesse à risque élevé (GARE)

Le premier chapitre porte sur la problématique de recherche, soit l’expérience maternelle d’une hospitalisation prolongée avec alitement lors d’une grossesse à risque élevé. Il débute avec une définition de la grossesse à risque élevé et présente son incidence et son contexte, ses causes, son dépistage ainsi que les approches de soins préconisées et utilisées dans les milieux cliniques. Les généralités de l’expérience maternelle d’une grossesse à risque élevé sont également exposées. La pertinence de la problématique pour la pratique et la recherche infirmière est ensuite abordée. Ce chapitre se termine avec le but et les questions de recherche.

1.1.1 Une définition

La grossesse à risque élevé (GARE) se définit comme étant une grossesse où la présence d’un facteur de risque vient compromettre la santé, voire même la survie, de la mère ou du fœtus (Creasy, Resnik, Iams, Lockwood, & Moore, 2009). Le risque provient de multiples causes souvent identifiables qui peuvent être préexistantes ou non à la gestation (Creasy et al., 2009; Davidson, London, & Ladewig, 2016; Lowdermilk, Perry, & Cashion, 2010; Troiano, Harvey, & Chez, 2013). Il s’inscrit au sein de différentes catégories avec les complications maternelles, les complications de la dyade maternelle-fœtale et les complications maternelle-fœtales (Creasy et al., 2009; Davidson et al., 2016; Lowdermilk et al., 2010; Troiano et al., 2013). La détection précoce des complications de la grossesse permet d’intervenir rapidement et pertinemment pour réduire la morbidité et la mortalité périnatales (Davidson et al., 2016; MSSS, 2008).

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1.1.2 L’incidence et le contexte

Aux États-Unis, 12,8% de l’ensemble des grossesses répertoriées annuellement comportent un facteur de risque (Lowdermilk, Perry, Cashion, & Alder, 2012), alors que l’incidence est de 15% au Canada (Behruzi et al., 2010). Les données sont absentes actuellement quant à l’incidence au Québec. Le nombre croissant de femmes vivant une GARE peut s’expliquer notamment par l’augmentation démographique, l’âge maternel avancé et la hausse de l’utilisation de la procréation médicalement assistée (ISQ, 2015; Lowdermilk et al., 2010; MSSS, 2008; Phelan, Chez, & Kopel, 2013). L’augmentation de l’obésité et des maladies chroniques dans la population générale, tout comme chez les femmes en âge de procréer, contribue également à cette croissance (Lowdermilk et al., 2010; MSSS, 2008; Phelan et al., 2013).

1.1.3 Les causes

Les causes reliées à la santé maternelle

Il existe plusieurs conditions reliées à la santé de la mère pouvant mener à une GARE comme la grossesse à l’adolescence ou à un âge avancé, le groupe sanguin rhésus négatif, la maigreur excessive ou l’obésité, la malnutrition, le tabagisme, la toxicomanie, l’absence de suivi de grossesse, le faible statut socioéconomique, la violence conjugale ou familiale et les antécédents de complications obstétricales tels que la césarienne ou l’accouchement avec instrumentation, les avortements spontanés répétés ou la mort fœtale in-utéro (Davidson et al., 2016; Lowdermilk, Perry, & Bobak, 2003). Certains problèmes de santé font également partie des causes maternelles. Il s’agit des troubles de santé mentale, du diabète de type I ou II, de l’hypertension artérielle chronique, de l’anémie, de l’hépatite, de l’épilepsie, des coagulopathies, des cardiopathies, des problèmes thyroïdiens, des maladies inflammatoires chroniques, des maladies auto-immunes, du cancer, d’une greffe antérieure, de la fibrose kystique du pancréas et des malformations utérines (Creasy et al., 2009; Cunningham et al., 2014; Davidson et al., 2016). Les infections transmissibles sexuellement et les infections périnatales sévères comme la toxoplasmose, la rubéole, le

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cytomégalovirus, le virus de l’herpès simplex et le VIH comptent aussi parmi les causes maternelles (Creasy et al., 2009; Cunningham et al., 2014; Davidson et al., 2016).

Les causes reliées à la grossesse

Certaines complications propres à la gestation peuvent se développer et représenter également un facteur de risque (Creasy et al., 2009). D’abord, notons les complications reliées à des anomalies placentaires qui comprennent le décollement prématuré du placenta normalement inséré, le placenta prævia avec «l’insertion d’une partie du placenta sur le segment inférieur de l’utérus plutôt que sur le segment supérieur» (Ladewig, London, Moberly, & Olds, 2003, p. 537), le placenta accreta avec l’insertion d’une partie du placenta dans le myomètre, le placenta percreta avec l’insertion d’une partie du placenta dans d’autres organes de l’abdomen maternel et finalement, le vasa prævia avec l’insertion d’un vaisseau sanguin placentaire dans les membranes embryonnaires et près du col utérin (Cunningham et al., 2014; Davidson et al., 2016). De plus, toute forme ou constitution anormale du placenta ou du cordon ombilical constituent des facteurs de risque comme les tumeurs placentaires, l’infarctus placentaire, l’insertion anormale du cordon, les nœuds du cordon et les anomalies de flots sanguins placentaires diagnostiqués à l’aide de l’échographie Doppler (Cunningham et al., 2014).

Le diabète gestationnel fait aussi partie des problèmes de santé qui implique un risque pour la dyade maternelle-fœtale (Davidson et al., 2016; Lowdermilk et al., 2003). Les troubles hypertensifs développés pendant la gestation agissent également en tant que facteur de risque (Davidson et al., 2016). Parmi eux, notons l’hypertension gestationnelle sans protéinurie, la prééclampsie, l’éclampsie, la coagulation intravasculaire disséminée et le syndrome de HELLP avec l’hémolyse, l’élévation des enzymes hépatiques et la baisse des plaquettes sanguines (Creasy et al., 2009; Cunningham et al., 2014; Davidson et al., 2016). L’incompétence du col utérin ou le col utérin court, le travail prématuré et la rupture prématurée et préterme des membranes représentent aussi un risque, car ils

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Les causes reliées à la santé fœtale

D’autres complications proviennent de la santé fœtale. La grossesse multiple comporte des risques pour les fœtus, tels que la discordance de poids, le syndrome transfuseur-transfusé et la mort fœtale in utero (Creasy et al., 2009; Cunningham et al., 2014; Davidson et al., 2016). Tout problème relié au liquide amniotique peut aussi compromettre la santé fœtale. Il s’agit de l’anhydramnios, caractérisé par l’absence de liquide amniotique, l’oligohydramnios, caractérisé par le manque de liquide amniotique, le polyhydramnios, caractérisé par le surplus de liquide amniotique, le liquide amniotique souillé de méconium, l’infection du liquide amniotique et les bandes amniotiques, soit des anneaux rigides dans le liquide pouvant perturber la croissance, le développement et même la survie du fœtus (Creasy et al., 2009; Cunningham et al., 2014; Davidson et al., 2016). Également, les anomalies fœtales telles que le retard de croissance intra-utérin, la macrosomie, l’hydrops, les anomalies génétiques et les malformations fœtales constituent des risques (Creasy et al., 2009; Cunningham et al., 2014; Davidson et al., 2016). Une présentation fœtale anormale (e.g. siège, transverse), fréquente dans les grossesses gémellaires, est aussi un facteur de risque, car elle peut conduire à une procidence du cordon ombilical lors de la rupture des membranes et à une détresse fœtale consécutive (Creasy et al., 2009; Cunningham et al., 2014; Davidson et al., 2016).

1.1.4 Le dépistage prénatal

Les facteurs de risque peuvent être détectés lors du suivi médical de la femme enceinte (Davidson et al., 2016). Les examens menant au diagnostic de GARE comprennent l’échographie obstétricale, les signes vitaux, l’examen physique, les prélèvements sanguins et urinaires, le monitoring du cœur fœtal, l’amniocentèse, l’évaluation des contractions et du col de l’utérus (Cunningham et al., 2014; Ordre des infirmières et infirmiers du Québec [OIIQ], 2015). Pour plusieurs professionnels de la santé, une femme vivant une GARE doit être surveillée beaucoup plus étroitement (Lothian, 2014; Markovic, Manderson, Schaper, & Brennecke, 2006).

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La pose du diagnostic de GARE est souvent décrite comme un évènement important pour les personnes concernées, car il vient briser le cours normal de leur vie quotidienne (Leichtentritt et al., 2005). Des soins prénataux spécialisés sont alors mis en place et comprennent un suivi médical et infirmier plus fréquent, davantage d’interventions et, parfois, une restriction des activités physiques et une hospitalisation (Cunningham et al., 2014; Gray, 2006; Goulet et al., 1999; Liu et al., 2007; Stainton, Lohan, Fethney, Woodhart, & Islam, 2006). Ils sont à l’origine de changements significatifs dans la vie personnelle, familiale, sociale et professionnelle des femmes enceintes et de leurs proches (Sittner, DeFrain, & Hudson, 2005; Stainton et al., 2006).

Généralement, la nature du facteur de risque présent, le degré de stabilité de la grossesse ainsi que le lieu de résidence sont les déterminants des modalités de suivi et de traitement (Perry et al., 2012). Ces modalités sont fixées par l’équipe médicale en collaboration avec les infirmières et s’inscrivent dans des contextes différents comme le domicile ou l’hôpital et avec ou sans alitement (Goulet et al., 1999; Gray, 2006; Perry et al., 2012; Stainton et al., 2005).

1.2 Les approches de soins préconisées

Pour comprendre les pratiques cliniques actuelles auprès des mères vivant une GARE, il convient d’exposer les différentes approches de soins préconisées sur les plans international, national et provincial et d’aborder le suivi prénatal à domicile, l’hospitalisation anténatale et l’alitement.

1.2.1 Au plan international

Sur le plan international, les approches de soins valorisées sont principalement axées sur l’accessibilité, la sécurité, l’expertise et l’humanisme pour tous les bénéficiaires

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de soins périnataux (Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2004, 2007). Dans l’optique mondiale d’une amélioration continue de la santé des mères et des nouveau-nés, des soins essentiels doivent être dispensés par des professionnels compétents, soit la vaccination maternelle et infantile, le suivi de toutes les mères en période prénatale et postnatale, le suivi néonatal, le soutien aux mères ayant des besoins distincts, l’éducation des familles à la santé périnatale ainsi que le dépistage, le suivi et le traitement des complications de la grossesse (OMS, 2007).

1.2.2 Au plan national

Au Canada, les principes généraux qui guident les pratiques cliniques périnatales sont aussi axés sur la santé de la mère et de sa famille, sur les soins au nouveau-né ainsi que sur l’étroite collaboration entre les différents professionnels (Perry et al., 2012). L’objectif national prioritaire des soins périnataux est d’optimiser la probabilité qu’une femme en santé donne naissance à un enfant en santé (Perry et al., 2012). Pour atteindre cet objectif, les professions infirmière et médicale, principalement impliquées dans l’ensemble des soins, adoptent des pratiques cliniques distinctes, mais complémentaires. Elles font la promotion de l’accessibilité pour toutes les mères à des soins sécuritaires, humains et d’une qualité optimale à travers une approche familiale (Association des infirmières et infirmiers du Canada [AIIC], 2005, 2010; Société des Obstétriciens et Gynécologues du Canada [SOGC], 2009). L’excellence des professionnels est aussi très valorisée tout comme l’utilisation des données probantes (Perry et al., 2012; SOGC, 2009).

1.2.3 Au plan provincial

Au Québec, les approches de soins préconisent également l’accessibilité, la sécurité, l’expertise clinique et l’humanisme (MSSS, 2008; OIIQ, 2015). Les soins obstétricaux et néonataux destinés à la clientèle vivant une GARE sont hautement spécialisés et prennent place dans deux environnements distincts : celui des établissements de santé et celui de la

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communauté, avec les soins dans les hôpitaux, le suivi à domicile et dans les cliniques médicales (MSSS, 2008; OIIQ, 2015).

À tous les plans, l’approche familiale est valorisée par la profession infirmière, et ce, tout au long du processus de soins périnataux (AIIC, 2005, 2010). Cette approche reconnaît l’unicité et l’expertise de chaque famille (AIIC, 2005, 2010). Quant aux activités professionnelles de l’infirmière, elles comprennent la contribution au suivi de la grossesse normale ou à risque, l’évaluation et la surveillance clinique de la nouvelle accouchée, de son nouveau-né en santé et du jeune enfant en santé, la promotion de la santé par l’éducation, la prévention de la maladie par la vaccination et le contrôle des infections, la participation au dépistage des problèmes de santé physique ou mentale et des situations de vulnérabilité, le soutien à l’allaitement, l’accompagnement au deuil périnatal et la collaboration interprofessionnelle (AIIC, 2010; OIIQ, 2015).

1.2.4 Le suivi prénatal à domicile

Les femmes enceintes dont la complication de grossesse est considérée moins sévère et dont l’état est jugé plus stable peuvent bénéficier d’un suivi médical plus fréquent, sans avoir recours à l’hospitalisation. D’autres mères qui doivent être alitées ou qui ont un état de santé moins stable peuvent recevoir en plus un suivi infirmier hebdomadaire à domicile, dans une clinique ou un centre de jour, et ce, en complémentarité avec le suivi médical (Maloni, 2010; Perry et al., 2012). Le suivi à domicile présente de nombreux avantages, notamment en évitant la cascade d’émotions négatives associées à une hospitalisation anténatale, en maximisant la présence de la famille et en facilitant son implication dans les soins (Goulet et al., 1999; Nakamura, Takeishi, Atogami, & Yoshizawa, 2012). Il représente «une alternative sécuritaire et humanisante à l’hospitalisation traditionnelle» (Goulet et al., 1999, p. 45).

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1.2.5 L’hospitalisation anténatale

L’hospitalisation anténatale est utilisée par les professionnels de la santé pour exercer une surveillance plus étroite de l’évolution de la grossesse et du bien-être maternel et fœtal (Kent, Yazbek, Heyns, & Coetzee, 2015; Maloni, 2010; Perry et al., 2012). En général, les mères hospitalisées ont un état de santé précaire avec les complications obstétricales les plus sévères ou habitent dans une région éloignée où des services spécialisés en obstétrique et en néonatalogie ne sont pas disponibles. La durée de l’hospitalisation est variable et se termine par l’accouchement, spontané ou induit, par une diminution significative du risque obstétrical, par une résolution du problème ou par un âge gestationnel plus avancé.

Une hospitalisation peut être une source de stress pour la personne malade et sa famille (Duhamel, 2007; Wright & Leahey, 2014). «Pour la femme enceinte, le stress relié à l’hospitalisation s’ajoute à celui occasionné par un diagnostic de grossesse à risque» (Goulet et al., 1999, p. 46). Les femmes enceintes hospitalisées doivent faire face aux changements physiques, émotionnels et sociaux propres à la grossesse en même temps qu’elles doivent s’adapter au stress du facteur de risque et de l’hospitalisation, ce qui rend l’expérience de la grossesse plus laborieuse (Bauer, Victorson, Rosenbloom, Barocas, & Silver, 2010; Denis, Michaux, & Callahan, 2012; Yang et al., 2009). Ces mères sont également absentes du domicile pour une durée indéterminée et elles ne peuvent plus continuer à assumer leurs rôles familiaux, sociaux et professionnels habituels (Leichtentritt et al., 2005; Sittner et al., 2005). Cette situation peut perturber le fonctionnement familial et avoir des impacts sur chacun de ses membres (Sittner et al., 2005). Les mères qui n’habitent pas à proximité de l’hôpital où elles séjournent doivent de surcroît faire face à l’éloignement à long terme de leurs proches.

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1.2.6 L’alitement anténatal

L’alitement anténatal est une pratique largement utilisée par l’équipe médicale pour tenter de prévenir ou de réduire la gravité des complications obstétricales, particulièrement pour la clientèle hospitalisée, mais aussi pour la clientèle à domicile (Maloni, 2010; Rubarth et al., 2012; Yang et al., 2009). Toutefois, à lui seul, l’alitement ne semble pas réussir à réduire la morbidité et la mortalité néonatales (Maloni, 2010; Richter et al., 2007; Rubarth et al., 2012). Avec ses effets indésirables sur l’ensemble de l’organisme, il place les femmes enceintes dans un état de vulnérabilité physique et psychologique qui peut conduire à une morbidité maternelle additionnelle pendant la période anténatale et postnatale (Maloni, 2010; Thorman & McLean, 2006). Bon nombre d’auteurs dénoncent cette pratique et sont d’avis qu’elle ne doit pas être utilisée systématiquement (Maloni, 2010, 2011; McCall, Grimes, & Lyerly, 2013; Sciscione, 2010; Sprague, 2004; Sprague, O’Brien, Newburn-Cook, Heaman, & Nimrod, 2008). Malgré ce fait, le repos au lit en période anténatale demeure un traitement préconisé dans plusieurs hôpitaux dans le monde (Richter et al., 2007; Sprague et al., 2008).

En somme, les soins périnataux requis lors d’une GARE prennent place dans des milieux différents, à domicile ou à l’hôpital, et dans des contextes différents, avec ou sans alitement. Ces différences peuvent influencer considérablement le vécu d’une GARE. De fait, vivre une telle grossesse représente initialement une expérience de vie complexe, bouleversante et marquante, mais plus particulièrement dans le contexte d’une hospitalisation maternelle avec alitement (Leichtentritt et al., 2005; Maloni, 2010, 2011; Rubath et al., 2012; Stainton et al., 2005).

1.3 Les généralités de l’expérience maternelle d’une GARE

Plusieurs difficultés font partie de l’expérience d’une GARE vécue par les mères et leurs familles. Parmi celles-ci, notons principalement les inquiétudes concernant la santé

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Maloni & Kutil, 2000; Markovic et al., 2006; Mu, 2004; Price et al., 2007; Rubarth et al., 2012; Thorman & McLean, 2006; Yang et al., 2009), le vécu émotif complexe (Maloni & Kutil, 2000; Rubarth et al., 2012; Sittner et al., 2005), ainsi que la morbidité maternelle, l’isolement et le dysfonctionnement familial en cas d’alitement (Lutz & May, 2007; Maloni, 2010, 2011; Maloni & Park, 2005; May, 2001; Thorman & McLean, 2006).

L’incapacité de prédire l’évolution de la grossesse et la survie du fœtus peut résulter en une augmentation significative du stress chez les mères (Denis et al., 2012; Leichtentritt et al., 2005). Ces mères montrent des taux plus élevés d’anxiété et de dépression que celles vivant une grossesse normale (Byatt et al., 2014; Denis et al., 2012 ; Dunn, Handley, & Shelton, 2007 ; Maloni, Kane, Suen, & Wang, 2002; Maloni, Park, Anthony, & Musil, 2005; Pisoni et al., 2015).

Il demeure qu’en raison des difficultés et des émotions vécues, les familles concernées sont plus vulnérables à développer une détresse émotionnelle (Maloni, Brezinski-Tomasi, & Johnson, 2001; Maloni et al., 2005; Thorman & McLean, 2006; Yang et al., 2009). Actuellement, les connaissances sont limitées au sujet des moyens efficaces pour prévenir ou réduire cette détresse (Stainton et al., 2006; Yang et al., 2009).

1.4 La pertinence de l’étude pour la pratique et la recherche infirmière

Les personnes impliquées dans cette situation périnatale particulière requièrent des soins spécialisés et adaptés à leur réalité (Denis et al., 2012; Lowdermilk et al., 2010; Troiano et al., 2013; Wilhelm et al., 2015). Une connaissance approfondie de l’expérience maternelle d’une GARE ainsi qu’une approche clinique alliant expertise et humanisme constituent des éléments essentiels à la dispensation de tels soins (AIIC, 2010; Berg & Dahlberg, 1998; Lowdermilk et al., 2010; O’Brien, Quenby, & Lavender, 2010; Sittner et al., 2005; Troiano et al., 2013; Wilhelm et al., 2015).

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Or, les résultats d’études antérieures donnent à penser que les émotions, les inquiétudes et les difficultés des mères et des familles ne sont pas bien connues, comprises et reconnues par les professionnels de la santé (Leithner et al., 2006; Markovic et al., 2006). D’autres auteurs constatent que les mères sont désireuses de recevoir davantage d’empathie des infirmières (O’Brien et al., 2010). Les soins attendus semblent différer des soins reçus. Une stratégie pouvant contribuer à réduire cet écart est la sensibilisation des professionnels à l’expérience des mères par la diffusion des résultats de recherche (Fortin & Gagnon, 2015; Loiselle, Profetto-McGrath, Polit, & Beck, 2007). Pour y parvenir, il importe de documenter davantage cette expérience, plus particulièrement lorsqu’elle est vécue dans le contexte d’une hospitalisation prolongée avec alitement.

Actuellement, les études portant sur une telle expérience restent très limitées, avec quatre études recensées et effectuées auprès d’une population anglophone canadienne, américaine et africaine (Kent et al., 2015; MacDonald & Jonas-Simpson, 2009; Richter et al., 2007; Rubarth et al., 2012). Quatre autres études décrivent l’expérience maternelle d’une GARE auprès d’une population similaire à celle de la présente étude avec des mères québécoises et francophones, mais sans s’intéresser spécifiquement aux femmes enceintes hospitalisées et alitées de façon prolongée (Dulude, Bélanger, Wright, & Sabourin, 2002; Dulude, Wright, & Bélanger, 2000; Goulet et al., 1999; Goulet et al., 2001). Des auteurs nomment le besoin d’étudier ce sujet à travers différentes cultures pour en maximiser la compréhension (Markovic et al., 2006; Richter et al., 2007). L’étude actuelle peut aider à combler, du moins en partie, ce besoin en recherche.

Les perceptions des femmes enceintes au sujet des soins prénataux reçus pendant le séjour hospitalier méritent d’être explorées (Leithner et al., 2006; Richter et al., 2007). Une meilleure connaissance des forces et des lacunes perçues permettra d’élaborer des recommandations pour renforcer les pratiques adéquates et en développer de nouvelles.

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En somme, la pertinence de cette étude pour la pratique et la recherche infirmière réside dans ses retombées anticipées, c’est-à-dire une meilleure connaissance des infirmières et une plus grande sensibilisation de leur part au vécu d’une clientèle, et ce, par l’avancement des connaissances sur un sujet spécifique. Ces retombées peuvent contribuer à faire tendre un peu plus l’approche clinique actuelle vers une approche plus adaptée à la réalité des mères pour améliorer la qualité des soins périnataux (Berg & Dahlberg, 1998; O’Brien et al., 2010; Sittner et al., 2005).

1.5 Le but de l’étude et les questions de recherche

Cette étude qualitative visait à décrire l’expérience de mères québécoises vivant une hospitalisation prolongée avec alitement lors d’une GARE et leur appréciation des soins prénataux reçus pendant le séjour hospitalier. De façon plus spécifique, la présente étude tentait de répondre à ces questions :

1) Quelle est l’expérience des mères vivant une hospitalisation prolongée avec alitement lors d’une GARE?

2) Quelle est l’appréciation des mères des soins prénataux reçus pendant l’hospitalisation?

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Chapitre 2

2. La recension des écrits

La littérature portant sur la transition à la parentalité est l’une des plus vastes parmi l’ensemble des expériences de vie étudiées par la science contemporaine (Lutz & May, 2007). À travers celle-ci, l’expérience d’une grossesse normale a été étudiée à maintes reprises ainsi que l’expérience d’une GARE (Lutz & May, 2007). Or, la littérature récente portant plus particulièrement sur l’expérience maternelle d’une GARE vécue dans le contexte d’une hospitalisation prolongée avec alitement, le sujet qui constitue la présente recherche, reste très limitée avec seulement quatre études recensées (Kent et al., 2015; MacDonald & Jonas-Simpson, 2009; Richter et al., 2007; Rubarth et al., 2012). D’autres recherches consultées documentent plusieurs aspects de l’expérience maternelle d’une GARE vécue dans le contexte d’une hospitalisation à durée variable et avec alitement. Ce chapitre présente les perspectives empiriques et théoriques de l’ensemble de ces recherches.

Dans le cadre de cette recension des écrits, les bases de données informatisées suivantes ont été consultées : CINALH, Cochrane Library, MEDLINE et PsychINFO. Le moteur de recherche Google Scholar a aussi été utilisé. Dans ces bases de données, les mots-clés employés seuls ou combinés à d’autres étaient: antenatal hospitalization,

antepartum hospitalization, bed rest, expectant mothers, high-risk pregnancy, maternal-fœtal relations, obstetric nursing, perinatal care, prenatal care, pregnant woman, pregnancy, pregnancy complications, and women’s health. Des mémoires et des thèses ont

également été recensés dans ProQuest Dissertations & Theses Global. Les études pertinentes datant de 2004 et plus ont été conservées. D’autres recherches moins récentes ont été retenues, en raison de l’utilisation fréquente de leurs résultats par plusieurs auteurs ou de la similitude du sujet avec celui de la présente étude. Dans chaque ouvrage, l’étudiante-chercheure a examiné la liste des références pour trouver d’autres recherches valables pour cette recension des écrits.

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2.1 Les perspectives empiriques de l’expérience maternelle d’une

hospitalisation à durée variable et avec alitement lors d’une GARE

Cette recension débute avec la présentation d’aspects plus généraux de l’expérience maternelle d’une GARE. Il s’agit des propositions de certains auteurs de l’élément central de cette expérience vécue dans des contextes différents, soit avec alitement, à domicile ou à l’hôpital. Les faits relatifs à l’alitement anténatal sont ensuite expliqués. Puis, les aspects psychologiques, spirituels, temporels, familiaux et sociaux de l’expérience vécue dans le contexte d’une hospitalisation à durée variable et avec alitement sont détaillés. La synthèse des perspectives empiriques et théoriques de cette expérience de vie conclut ce chapitre.

2.1.1 Les propositions de l’élément central de l’expérience maternelle d’une GARE

Des auteurs ont proposé différents concepts en tant qu’élément central du vécu d’une complication de la grossesse. Il s’agit du stress (Gupton, Heaman, & Ashcroft, 1997), de l’ambivalence (Leichtentritt et al., 2005), des transitions (Mu, 2004) et de la bataille (Rubarth et al., 2012).

Dans une étude ethnographique, Gupton et al. (1997) rapportent que le stress est l’élément central de l’expérience de 24 mères canadiennes alitées à domicile ou à l’hôpital pendant une période de sept à 50 jours. Le stress provient de l’ensemble de la situation, des modifications de la vie familiale et de l’environnement en cas d’hospitalisation. Il se manifeste par des symptômes physiques, diverses réactions émotives et des changements dans les relations sociales. Le soutien des proches et les stratégies d’adaptation utilisées viennent atténuer ce stress.

Pour Leichtentritt et al. (2005), l’ambivalence constitue l’essentiel du vécu de 27 mères juives hospitalisées. Les auteurs de cette étude phénoménologique descriptive ne

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précisent toutefois pas si elles sont alitées. L’hésitation permanente, avec son continuel mouvement de va-et-vient entre différentes émotions, désirs et perceptions de natures opposées, représente l’essence de leur expérience.

Dans une autre étude phénoménologique descriptive, Mu (2004) décrit l’élément central du vécu de 13 couples chinois dont la femme est hospitalisée et alitée. La durée de l’alitement varie entre sept et 14 jours. Selon leurs résultats, l’expérience conjugale se vit principalement à travers la transition à la parentalité, mais également à travers d’autres transitions comme celle d’un état de santé vers un état de maladie et celle de l’adaptation au stress de l’hospitalisation.

Enfin, pour Rubarth et al. (2012), le vécu de 11 mères hospitalisées et alitées depuis un minimum de cinq jours est qualifié de bataille quotidienne pour leur survie et celle du fœtus. À travers l’heureuse venue d’un nouvel enfant, les mères sont paradoxalement confrontées à deux batailles : une bataille intérieure contre l’impatience, la peur et l’inquiétude et une bataille extérieure contre les malaises physiques et l’alitement. Elles comparent leur situation à une guerre où elles font usage d’une variété de stratégies pour continuer à se battre et poursuivre la grossesse. Le devis de recherche utilisé par ces auteurs est aussi la phénoménologie descriptive.

2.1.2 L’alitement anténatal

L’alitement anténatal est un concept largement documenté dans la littérature. Pour exposer l’ensemble des connaissances sur le sujet, cette section présente d’abord une définition de l’alitement, puis ses effets recherchés et ensuite son incidence.

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Utilisé à outrance dans le passé et considéré comme étant l’une des plus anciennes formes de traitement médical visant à assurer rapidement la guérison, l'alitement thérapeutique est maintenant délaissé au profit de l'ambulation précoce dans les soins postopératoires en raison de ses nombreux effets néfastes sur l’organisme (Bigelow & Stone, 2011; Brun et al., 2011, Maloni, 2011; Sprague, 2004). Malgré cela, l’ambulation est souvent absente dans les soins prénataux destinés aux mères ayant un diagnostic de GARE, alors que l’alitement complet tend à être privilégié (Brun et al., 2011; Maloni, 2010, 2011). Souvent de pair avec l'hospitalisation anténatale, l'alitement tire son origine du manque flagrant d’interventions efficaces pour prévenir et traiter l’ensemble des complications de grossesse (Sprague, 2004).

Une définition de l’alitement anténatal

Pour désigner cet état continu de repos au lit, quelques auteurs utilisent l'expression de la restriction des activités, alors que la majorité emploie le terme d’alitement. Le second terme a été retenu dans cette étude.

Une lacune récurrente identifiée dans les recherches répertoriées est l'absence d'une définition claire et uniforme de l'alitement anténatal (Sciscione, 2010; Maloni, 2010, 2011; Sprague, 2004). De récentes recensions des écrits tentent de remédier à ce manque (Maloni, 2010, 2011; McCall et al., 2013). Dans celles-ci, l’alitement se définit comme étant le confinement au lit à domicile ou à l’hôpital, en position couchée ou assise, en tout temps, à l'exception des déplacements requis pour les besoins d’hygiène et les besoins personnels. Il est estimé que les femmes enceintes alitées sont au repos environ 22 heures par jour et que la durée totale de l’alitement peut s’étendre de la 16e semaine à la fin de la 36e semaine de

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Les effets recherchés de l’alitement anténatal

L’utilisation de l’alitement anténatal a deux finalités différentes, mais complémentaires, avec la prévention de l’accouchement prématuré et le traitement additionnel des complications de grossesse (Maloni, 2010, 2011; McCall et al., 2013). Des cliniciens croient que ce repos au lit peut augmenter la perfusion sanguine utérine, diminuer les contractions utérines et la pression faite par le fœtus sur le col de l’utérus, ce qui permettrait d’éviter des changements prématurés du col favorisant le déclenchement du travail actif (Sciscione, 2010; Sprague, 2004). Certains croient également que l’alitement favorise l’oxygénation et le débit sanguin vers le fœtus, ce qui pourrait contribuer à améliorer sa croissance (Schroeder, 1996, 1998).

Cependant, ces effets recherchés sont remis en question depuis le début des années 1980 (Maloni, 2011). Dans la littérature recensée, aucune recherche ne vient confirmer ces hypothèses (Bigelow & Stone, 2011; Maloni, 2011; McCall et al., 2013; Sprague, 2004). Plusieurs auteurs sont d’avis que l’alitement ne doit pas être recommandé de façon systématique pour optimiser le poids fœtal et l’issue de la grossesse lors d’une menace d’avortement spontané, d’un travail prématuré, d’une hypertension gestationnelle, d’une prééclampsie et d’une grossesse gémellaire (Bigelow & Stone, 2011; Maloni, 2011; McCall et al., 2013).

L’incidence de l’alitement anténatal

Aux États-Unis, le taux d’utilisation de l’alitement anténatal demeure élevé avec 71% des obstétriciens qui en font la prescription en tant que traitement préventif de l’accouchement prématuré (McCall et al., 2013). Ce taux monte à 87% lors d’un diagnostic de rupture prématurée et préterme des membranes (McCall et al., 2013). Annuellement, il est estimé que 20% des femmes enceintes américaines sont alitées pendant une partie de leur grossesse (Bigelow & Stone, 2011). Au Canada, une proportion moins élevée d’obstétriciens prescrivent l’alitement anténatal. Sprague et al. (2008) révèlent que 35% des

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l’alitement à domicile. Près de 66% des obstétriciens avouent recommander ce traitement même s’ils doutent de son efficacité. Selon ces auteurs, les résultats de l’étude ne représentent pas nécessairement l’ensemble de la population canadienne des professionnels en soins prénataux, considérant un taux de réponse des participants de 44%. Les données se rapportant à l’incidence de l’alitement anténatal au Québec ne sont pas répertoriées présentement.

Les conséquences de l’alitement anténatal

Il convient maintenant d’exposer la réponse physiologique lors d’une immobilisation prolongée ainsi que l’ensemble de ses effets indésirables sur les plans physiques et psychologiques. Une synthèse des études sur l’alitement anténatal conclut cette section.

Les changements physiologiques

La réponse physiologique adaptative débute après quelques heures seulement d’alitement, où survient une variation des pressions hydrostatiques du système vasculaire et une diminution de l’activité des muscles squelettiques, en particulier les muscles des mollets (Maloni, 2010; Maloni et al., 1993; Marieb & Hoehn, 2010). À ces deux changements physiologiques et avec la persistance de l’alitement, vient s’ajouter un déséquilibre liquidien dans le système cérébral, une atrophie musculaire généralisée, une déminéralisation osseuse, une intolérance au glucose, une augmentation de la fréquence cardiaque, une augmentation du temps de coagulation, des mictions fréquentes et une détérioration globale d’autres systèmes tels que le système cardiovasculaire, pulmonaire, endocrinien, digestif, rénal et immunitaire (Maloni, 2010; Maloni et al., 1993; Marieb & Hoehn, 2010; McCarty-Singleton & Sciscione, 2014; Sciscione, 2010).

Un état de déconditionnement physique s’installe donc progressivement pour les femmes enceintes alitées (Bigelow & Stone, 2011; Maloni, 2010, 2011; Yang et al., 2009).

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L’alitement conduit ainsi à une diminution de la force musculaire et de la tolérance à l’exercice, à une perturbation de la mobilité, à une perte de la densité osseuse, à une diminution du volume pulmonaire, à un risque plus élevé de thrombose veineuse profonde et à une absence ou à une faible prise de poids (Bigelow & Stone, 2011; Maloni, 2010, 2011; Marieb & Hoehn, 2010; McCall et al., 2013; McCarty-Singleton & Sciscione, 2014; Sciscione, 2010). Une absence ou un faible gain pondéral maternel pendant la grossesse peut occasionner un faible poids à la naissance chez le nouveau-né, un élément déterminant de la santé néonatale (Maloni, 2010, 2011).

Cet état de déconditionnement physique est ressenti par les mères par une variété d’inconforts (Maloni, 2010, 2011; Yang et al., 2009). Parmi ceux-ci figurent les douleurs musculaires et dorsales, l’œdème des membres inférieurs, les étourdissements, les céphalées, la congestion nasale, la perte d’appétit, la dyspepsie, la pollakiurie, la constipation, la dyspnée, la faiblesse généralisée et la fatigue (Cunningham, 2001; Maloni, 2002; Maloni et al., 1993; Maloni & Park, 2005; McCarty-Singleton & Sciscione, 2014; Thorman & McLean, 2006). Cunningham (2001) mentionne que l’alitement anténatal peut aussi exacerber les différents inconforts normaux de la grossesse.

La sévérité des effets indésirables est directement reliée au degré et à la durée de la restriction des activités (Maloni et al., 1993; Sciscione, 2010; Sprague, 2004). La majorité de ces dommages physiologiques sont reconnus comme étant réversibles, à l’exception de l’atrophie musculaire et de la perte de la densité osseuse, lesquels peuvent perdurer toute la vie (Maloni, 2010; Sciscione, 2010; Sprague, 2004). Si les pertes osseuses ne sont pas corrigées pendant la réhabilitation, l’intégrité squelettique des mères est compromise, ce qui peut augmenter les risques d’ostéoporose, de fractures et de chutes à un âge avancé (Maloni, 2011). En 2006, dans une étude ethnographique, MacKinnon révèle que les infirmières canadiennes reconnaissent ces différents effets, mais qu’elles en minimisent souvent la sévérité. Ceux-ci sont fréquemment perçus comme étant le prix à payer pour

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Pour constater l’ampleur du déconditionnement physique de femmes enceintes alitées avec un âge moyen de 30 ans (n = 35), Maloni et al. (1993), dans une étude à devis cas-témoin, les ont soumises à un test d’endurance physique et de force musculaire des membres inférieurs, après une période d’alitement d’une durée moyenne de 29 jours. Ils ont évalué précisément la fonction et l’oxygénation musculaire avec un spectrophotomètre et un ergomètre, la perte musculaire avec des mesures anthropométriques, l’amplitude des mouvements avec des mesures de la flexibilité et la force de préhension avec un dynamomètre. Les mesures obtenues pour la fonction musculaire équivalaient celles d’une femme âgée de 70 ans. Les autres mesures ne différaient pas de façon significative entre les groupes. Cependant, selon les auteurs, la petite taille de l’échantillon et le manque de précisions quant à la fiabilité et à la validité des instruments utilisés limitent la portée et la qualité des conclusions.

Les changements psychologiques

L’alitement anténatal influence aussi le bien-être psychologique des mères (Maloni, 2010, 2011). Des auteurs affirment même qu’il peut augmenter la détresse émotionnelle déjà présente, voire engendrer une réelle souffrance psychologique (Maloni, 2011; Yang et al., 2009). L’alitement peut également conduire à des changements de l’humeur, principalement de la dysphorie et des symptômes dépressifs comme la dépression, l’anxiété et l’hostilité (Maloni, 2010, 2011; McCarty-Singleton & Sciscione, 2014). À ce sujet, les résultats obtenus par Maloni et al. (2002) indiquent que la dysphorie, définie par un ensemble d’affects négatifs, est plus marquée chez les mères hospitalisées et alitées (n = 63). Dans cette étude longitudinale à mesures répétées, les résultats obtenus au Multiple

Affect Adjective Checklist Revised (MAACL-R) (α = 0,86 à 0,93) montrent que la

dysphorie est augmentée à l’arrivée à l’hôpital, qu’elle tend à diminuer avec la prolongation de l’hospitalisation et qu’elle ne semble pas reliée à l’âge gestationnel à l’admission, à la durée de l’alitement et à la sévérité du risque obstétrical.

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Par ailleurs, avec son confinement continu dans une même pièce, l’alitement vient perturber la stimulation des sens et créer une privation sensorielle au niveau kinesthésique, tactile, auditif et visuel (Gupton et al., 1997; Heaman & Gupton, 1998). Cette privation amène des changements des organes sensoriels, notamment des nerfs et du vestibule, à l’origine des perturbations de la coordination, de la démarche et de l’équilibre lors de la reprise des activités habituelles (Maloni, 2010, 2011; Maloni & Park, 2005). Des difficultés de concentration et une perturbation du cycle circadien sont aussi fréquemment rapportées par les mères (Cunningham, 2001; Maloni, 2002).

La synthèse des études sur l’alitement anténatal

Cette revue de la littérature met en lumière un fait indéniable quant à l’alitement anténatal : son efficacité à prévenir et à traiter les différentes complications de grossesse n’est pas démontrée par les recherches récentes (Bigelow & Stone, 2011; Maloni, 2010, 2011; McCall et al., 2013). Des études expérimentales sont manquantes pour déterminer l’efficacité ou l’inefficacité de l’alitement pour prévenir l’accouchement prématuré, le retard de croissance intra-utérin et le faible poids chez les nouveau-nés (Bigelow & Stone, 2011; Maloni, 2010, 2011; McCall et al., 2013; Sciscione, 2010). Les résultats des recherches n’ont que peu d’impacts sur les pratiques cliniques actuelles qui ne changent pas ou très peu (Maloni, 2010, 2011; McCall et al., 2013; Sprague, 2004; Sprague et al., 2008). À l’échelle mondiale, quelques milieux cliniques australiens ont changé leurs pratiques au profit de modèles de soins prénataux novateurs qui encouragent l’ambulation précoce (Stainton et al., 2006; Stainton et al., 2005). Dans le cadre d’une étude pilote récente, des mères hospitalisées et alitées ont pris part à des séances d’aquaforme afin d’en évaluer les bienfaits (Sechrist, Tiongco, Whisner, & Geddie, 2015). Les résultats de recherche indiquent que cet exercice peut contribuer à augmenter l’index de liquide amniotique et à prolonger la grossesse.

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2013). De plus, cette morbidité maternelle persiste au-delà du moment de la reprise des activités usuelles après l’accouchement, comme l’indiquent les résultats obtenus par Maloni et Park (2005) dans une étude longitudinale à mesures répétées. En utilisant le Postpartum

Symptom Checklist (PSC) (α = 0,79 à 0,84) chez des mères ayant été alitées lors d’une

GARE (n = 106), ces auteurs ont démontré qu’elles rapportent six fois plus de symptômes à la période postnatale que les mères n’ayant pas été alitées (Glazener et al., 1995, cités dans Maloni et Park, 2005). La présence persistante de plusieurs malaises chez les mères ayant été alitées montre que la morbidité sous-jacente à l’alitement et à l’accouchement n’est pas résolue six semaines après la naissance de l’enfant. En ce sens, la convalescence postnatale nécessite une longue période de guérison, voire une réhabilitation prolongée. En dépit de ce fait, peu d’attention semble être donnée au rétablissement postnatal des mères par les professionnels de la santé (Maloni & Park, 2005; Yang et al., 2009). Bon nombre d’auteurs recommandent la mise en place de programmes de réhabilitation postnatale, lesquels brillent souvent par leur absence dans les hôpitaux occidentaux (Maloni, 2011; Maloni et Park, 2005; Maloni & Schneider, 2002; Sprague, 2004).

2.1.3 Les aspects psychologiques

Suite aux aspects relatifs à l’alitement anténatal, les aspects psychologiques sont abordés. Parmi ceux-ci figurent les émotions, le stress, les préoccupations, les besoins, les stratégies d’adaptation et le lien d’attachement avec le fœtus.

Les émotions

Des auteurs constatent que la simple appellation de «GARE», pouvant avoir une connotation négative, peut amener certaines mères à se sentir spontanément fragilisées et vulnérables (Behruzi et al., 2010; Perry et al., 2012). Pour elles, leurs conjoints et leurs proches, la grossesse peut être perçue comme désagréable et effrayante, puisqu’elle n’est plus un gage de joie dans l’attente de l’arrivée certaine d’un enfant né à terme et en santé (Rubarth et al., 2012; Thorman & McLean, 2006). D’autres auteurs considèrent qu’un

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véritable processus de deuil, avec toutes les émotions qui y sont reliées, peut découler de la perte de la normalité à travers cette expérience de la maternité (Leichtentritt et al., 2005; Mu, 2004; Thorman & McLean, 2006; Wilhelm et al., 2015).

Les recherches recensées font état du large éventail d’émotions à connotation positive et négative vécues par les mères. Dans des études qualitatives, quelques auteurs documentent l’espoir, la confiance, l’appréciation de la sécurité du milieu hospitalier et la gratitude envers les soins et le soutien reçus (Heaman & Gupton, 1998; Leichtentritt et al., 2005; Rubarth et al., 2012). Cependant, le vécu émotif est plus fortement marqué par des émotions négatives, que des auteurs qualifient de dysphorie (Maloni et al., 2002; Yang et al., 2009), de sentiments dépressifs (Heaman & Gupton, 1998; Maloni et al., 2005), de détresse psychologique (Bauer et al., 2010; Staneva, Bogossian, Pritchard, & Wittkowski, 2015) ou de souffrance psychologique (McCall et al., 2013). Les émotions sont décrites comme étant changeantes (Rubarth et al., 2012; Thorman & McLean, 2006), intenses (McCain & Deatrick, 1994) et paradoxales (Maloni & Kutil, 2000). Le vécu émotif se détaille ainsi : stress, peur, anxiété, colère, vulnérabilité, désespoir, tristesse, déception, culpabilité, impuissance, impatience, ambivalence, incertitude, solitude et ennui (Kent et al., 2015; MacDonald & Jonas-Simpson, 2009; Maloni, 2010; Maloni & Kutil, 2000; Maloni & Park, 2005; Maloni et al., 2005; McCain & Deatrick, 1994; Perry et al., 2012; Rubarth et al., 2012; Staneva et al., 2015; Thorman & McLean, 2006). Au sujet des symptômes dépressifs et de l’anxiété, les résultats de l’étude corrélationnelle menée par Byatt et al. (2014), auprès de 62 mères américaines hospitalisées et alitées depuis huit jours, montrent que 26,9% d’entre elles ont des symptômes dépressifs et que 12,6% manifestent de l’anxiété. De plus, leurs résultats révèlent que seulement 5% de ces mères ont bénéficié d’une intervention pour optimiser leur santé mentale, et ce, avant ou pendant l’hospitalisation.

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la progression des symptômes dépressifs des mères hospitalisées et alitées (n = 89). Dans cette étude longitudinale à mesures répétées, les symptômes dépressifs incluent certains états émotifs : l’humeur dépressive, l’anxiété, la colère et l’hostilité ainsi que des états comportementaux comme la fatigue, la baisse d’énergie, la perte d’appétit et les troubles du sommeil. Ils sont aussi appelés dysphorie par ces auteurs. Les résultats indiquent une diminution significative des symptômes après un mois d’hospitalisation, et ce, lorsqu’ils sont évalués avec deux instruments valides, soit le Multiple Affect Adjective Checklist

Revised (MAACL-R) (α = 0,91) et le Profile Mood States Depression Scale (POMS

Depression) (α = 0,91). Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par Maloni et al. (2002). Pour une plus longue période d’hospitalisation, les auteurs suggèrent l’utilisation du

Center for Epidemiologic Studies Depression Scale (CED-S) (α = 0,88).

Par ailleurs, les diverses émotions vécues peuvent modifier les pensées et les comportements des mères et affecter la qualité des relations avec les proches, les rendant parfois plus tendues (Maloni, 2010; Thorman & McLean, 2006). Le bien-être psychologique maternel peut être altéré, avec un degré plus élevé d’anxiété, de sentiments dépressifs et de labilité émotionnelle (Byatt et al., 2014; Maloni 2010; Maloni et al., 2005; Thorman & McLean, 2006). Actuellement, les connaissances restent très limitées au sujet des interventions efficaces pour améliorer le bien-être psychologique, voire soulager la souffrance émotionnelle de cette clientèle (Guardino, Schetter, Bower, Lu, & Smalley, 2014; Yang et al., 2009).

Quelques auteurs ont toutefois démontré que la musicothérapie, les divertissements, l’imagerie mentale et le yoga anténatal sont des interventions pouvant diminuer la détresse, l’anxiété et le stress des mères hospitalisées et alitées (Bauer et al., 2010; Jallo, Cozens, Smith, & Simpson, 2013; Yang et al., 2009). En effet, Bauer et al. (2010), dans une étude expérimentale avec répartition aléatoire, concluent que la musicothérapie ainsi que les activités récréatives permettent de diminuer la détresse maternelle (n = 80), laquelle est mesurée avec le Antepartum Bedrest Emotional Impact Inventory (ABEII) (α = 0,90). Dans

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une autre étude expérimentale à répartition aléatoire, les principaux résultats obtenus par Yang et al. (2009) vont dans le même sens. Ils montrent une réponse physiologique positive et une diminution significative de l’anxiété (p < 0,01) chez le groupe ayant bénéficié de la musicothérapie. Dans un échantillon de 120 mères chinoises, la réponse physiologique a été mesurée avec les fréquences cardiaque et respiratoire, la pression artérielle et la fréquence cardiaque fœtale. L’anxiété a été évaluée avec le State-Trait Anxiety Inventory (State-STAI). Également, dans une étude pilote à devis pré-test/post-test, Jallo et al. (2013) ont étudié les effets sur le stress maternel d’une séance d’imagerie mentale associée à du yoga anténatal. Ils ont observé une diminution de la réponse adaptative au stress par la baisse de la pression artérielle systolique et du stress perçu. Les auteurs mentionnent que ces séances semblent diminuer le stress, mais que les résultats peuvent être biaisés par plusieurs limites avec, notamment, la petite taille de l’échantillon (n = 19).

Le stress

Vivre une GARE et une hospitalisation avec alitement sont deux évènements qui, lorsqu’ils sont vécus séparément, sont significatifs pour les personnes qui les vivent (Leichtentritt et al., 2005). Lorsqu’ils sont vécus simultanément, ils ont le potentiel d’être plus perturbateurs en créant un double stress (Dunn et al., 2007; Leichtentritt et al., 2005; Perry et al., 2012; Yang et al., 2009).

Selon les résultats de recherches qualitatives ethnographique (Gupton et al., 1997) et phénoménologique (Rubarth et al., 2012) et d’une autre quantitative descriptive (White & Ritchie, 1984), le stress vécu pendant l’hospitalisation avec alitement prend son origine dans plusieurs éléments de la vie des mères, dont l’issue de la grossesse, la santé maternelle et fœtale, l’estime de soi, les émotions, la séparation des proches, le fonctionnement familial, l’environnement peu familier et la communication avec les professionnels de la santé. Ce stress, par le biais de la réponse d’adaptation physiologique, peut amener notamment des tensions et des douleurs musculaires, de l’insomnie et de la constipation

Figure

Figure 1. Les relations entre les concepts de la théorie de la transition.
Figure 2. Présumés liens entre les concepts théoriques et le sujet de l’étude.
Figure 3. L’expérience maternelle d’une hospitalisation prolongée avec alitement lors  d’une GARE.

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