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Conquête ou reconquête des terres agricoles : l'aménagement des friches pour une nouvelle pratique de l'agriculture

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: dumas-01651200

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01651200

Submitted on 28 Nov 2017

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Conquête ou reconquête des terres agricoles :

l’aménagement des friches pour une nouvelle pratique de

l’agriculture

Flora Le Reste

To cite this version:

Flora Le Reste. Conquête ou reconquête des terres agricoles : l’aménagement des friches pour une nouvelle pratique de l’agriculture. Sciences du Vivant [q-bio]. 2017. �dumas-01651200�

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Conquête ou reconquête des terres agricoles :

l’aménagement des friches pour une nouvelle

pratique de l’agriculture

Par : Flora LE RESTE

Soutenu à ANGERS le 3 octobre 2017

Devant le jury composé de :

Président : DAVODEAU Hervé Maître de stage : KAUFMANT Thierry Enseignant référent : MONTEMBAULT David

Les analyses et les conclusions de ce travail d'étudiant n'engagent que la responsabilité de son auteur et non celle d’AGROCAMPUS OUEST

AGROCAMPUS OUEST CFR Angers CFR Rennes Année universitaire : 2016-2017 Spécialité : Paysage

Spécialisation (et option éventuelle) : Ingénierie du Territoire (IT)

Mémoire de Fin d'Études

d’Ingénieur de l’Institut Supérieur des Sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage

de Master de l’Institut Supérieur des Sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage

d'un autre établissement (étudiant arrivé en M2)

Ce document est soumis aux conditions d’utilisation

« Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de Modification 4.0 France » disponible en ligne http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/deed.fr

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Remerciements

Tout d’abord je souhaite remercier les personnes de la SAFER pour les 6 mois de stage que j’ai partagé avec eux. Thierry KAUFMANT, mon maître de stage, a su par ses capacités d’analyse me faire évoluer dans mes réflexions et me pousser à aller plus loin. Luc MAUREL, chef du service travaux, m’a fait découvrir, dès mon arrivée, les différents chantiers et leurs enjeux. Aussi, j’exprime mes remerciements à Jean-Marc TREFFEL, mon colocataire de bureau, avec qui je me suis enrichie d’informations variées : contexte de l’île, procédures, histoire, culture locale etc., et Yves DURAND pour le travail que nous avons effectué ensemble. Pour finir, je remercie Michael FOUREL, directeur de la SAFER, de m’avoir accueillie dans sa structure. Mon intégration au sein de l’entreprise a été facilitée par l’ensemble de ses employés. Je remercie mes collègues du kiosque : Adèle, Marion, Aureda, Jessica, Stéphane, Jean-Marc P. pour ne citer qu’eux, avec qui j’ai passé de nombreux déjeuners dans une atmosphère détendue et joviale.

Enfin, je souhaite remercier l’ensemble des partenaires avec qui j’ai traité. Le travail mené n’aurait pas pu aboutir sans leur participation et leur aide.

Mes remerciements s’adressent également à David MONTEMBAULT, mon enseignant référent. Il a su me remettre sur le chemin quand je m’égarais et enlever les branches qui m’empêchaient d’avancer.

Ensuite, j’aimerai remercier toutes les personnes que j’ai croisé sur mon chemin et qui m’ont aidé directement ou indirectement dans la rédaction de ce mémoire. A ce titre, je remercie donc Cyrielle et Audrey, qui me permettaient régulièrement de retrouver le caractère paisible et insouciant de l’enfance, Fanny avec qui j’ai changé de mode de vie chaque week-end grâce aux bivouacs dans des endroits sublimes, et Vitali qui me faisait prendre du recul sur mon travail et me redonnait confiance en moi.

Et bien sûr, j’adresse mes remerciements à mes parents et mon frère qui m’ont soutenu dans les moments difficiles et qui ont cru en moi.

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Table des matières

Remerciements ... 2

Introduction ... 1

Partie 1. La trajectoire des friches à travers l’histoire ... 3

1.1 Le mise en place d’une société agricole ... 3

1.2 Deux périodes agricoles majeures ... 4

1.2.1 L’ère du café, de 1715 à 1807 ... 4

1.2.2 L’hégémonie de la canne depuis 1815 ... 5

1.3 L’évolution des systèmes de culture ... 7

1.4 L’exode rural ou l’abandon des terres des hauts ... 7

1.5 L’exploitation sur des terres peu propices… ... 8

1.5.1 Le complexe de l’agriculture renforcé par un climat hétérogène ... 8

1.5.2 Une solution apportée par le PILO ? ... 9

1.6 Les facteurs conduisant à l’apparition des friches ... 9

1.6.1 Les contraintes géo pédoclimatique ... 10

1.6.2 La contrainte foncière ... 11

1.6.3 Les contraintes techniques ... 11

1.6.4 La question réglementaire ... 12

1.6.5 La question de la temporalité ... 12

1.7 Eléments de conclusion de la partie 1 ... 13

Partie 2. Un besoin d’aménagement prégnant et des attentes fortes ... 14

2.1 Des premiers besoins recensés soulignant l’importance de l’aménagement des friches 14 2.1.1 La vision de la friche, socialement inacceptable ... 14

2.1.2 Un besoin économique ... 14

2.2 Des procédures de valorisation mises en place depuis plusieurs années pour répondre à ce(s) besoin(s) ... 15

2.2.1 La procédure Terres incultes ... 15

2.2.2 Territoires prioritaires ... 15

2.3 Un travail d’enquête auprès des partenaires de la SAFER pour recueillir de nouvelles attentes ... 15

2.3.1 Méthodologie adoptée ... 16

2.3.2 Les étapes ... 16

2.3.3 Résultat : Un espace aux abonnés absents ... 19

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2.3.5 Les limites de la méthode ... 23

2.4 Elément de conclusion de la partie 2 ... 24

Partie 3. L’aménagement des friches en réponse aux attentes : cas d’étude, le territoire prioritaire de Grande Ravine ... 25

3.1 Un territoire sélectionné pour son impact dans le territoire ... 25

3.1.1 Une superficie adéquate pour l’expérimentation... 25

3.1.2 Un statut de friche récemment affecté ... 25

3.1.3 Un espace sensiblement vierge possédant un impact visuel conséquent ... 26

3.2 Un fort potentiel d’aménagement ... 27

3.2.1 Une friche agricole pratiquée ... 27

3.2.2 Une remise en valeur à positionner selon la qualité du sol ... 28

3.2.3 Une zone agricole déconnectée des autres mais reliée à des zones urbaines et naturelles ... 29

3.3 Donner une vocation multifonctionnelle à la friche ... 29

3.3.1 Une remise en valeur agricole ... 29

3.3.2 Contrer les facteurs d’apparition des friches en s’adaptant aux contraintes du terrain 29 3.3.3 Répondre aux attentes, en retrouvant un paysage agricole. ... 30

3.3.4 Renforcer les valeurs environnementales et induire la réduction d’intrants ... 31

3.3.5 Conclusion intermédiaire ... 32

3.4 Et si on ne faisait rien ? ... 33

3.4.1 L’évolution de l’espace, un retour possible de la forêt ?... 33

3.4.2 Les usages actuels encore plus affirmés ou abandonnés ... 33

3.4.3 Conclusion intermédiaire ... 34

3.5 Eléments de conclusion de la partie 3 ... 34

Conclusion ... 35

Bibliographie ... 36

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Table des annexes

ANNEXE 1 : Le climat hétérogène de l’île de la Réunion ... I ANNEXE 2: Les définitions de la friche dans les textes ... II ANNEXE 3: Feuille de route pour les entretiens ... III ANNEXE 4: Carte support aux entretiens ... IV ANNEXE 5: Fiche de discussion concernant les attentes ... V ANNEXE 6: Orthophotographies anciennes du territoire de Grande Ravine ... VI ANNEXE 7: Les projets des agriculteurs sur le territoire de Grande Ravine ... IX

Table des illustrations

Figure 1: Le dessin du premier découpage parcellaire, encore très visible aujourd'hui (Source : FLR, Openstreet Map et BD TOPO) ... 4 Figure 2: L'ère du café à La Réunion, première période agricole florissante (Source :

Rosemont) ... 4 Figure 3: Schéma de principe de la trajectoire des friches de l'apparition de l'agriculture à la fin de l'ère du café. (Source : FLR) ... 5 Figure 4: La monoculture de la canne façonne le paysage de la Réunion depuis le XIXème siècle ... 6 Figure 5: D'une forêt au pâturage en passant par un champ de géraniums, les friches trouvent de nouvelles fonctions – (Source : FLR) ... 7 Figure 6: Une zone propice à la canne peu exploitée (Source : FLR, d’après la carte de P. Caubet) ... 8 Figure 7 : Le projet ILO, un nouveau souffle pour l'agriculture dans l'ouest (Source :

Département de La Réunion) ... 9 Figure 8: schéma de principe de la trajectoire des friches depuis le début de l'ère

cannière.(Source : FLR) ... 9 Figure 9: L'état du sol sur une parcelle en cours de revalorisation (Source : FLR) ... 10 Figure 10: une pluviométrie partagée dans le temps et l'espace (Source FLR, d’après

météofrance.re) ... 10 Figure 11: Les différentes contraintes pouvant mener à la friche (Source : FLR) ... 13 Figure 12: Les critères de choix des partenaires (Source : FLR) ... 17 Figure 13 : Les attentes des acteurs : graphique construit à partir des réponses positives

(Source : FLR) ... 20 Figure 14: Un travail d'enquête amenant à quatre grandes stratégies de développement

(Source : FLR) ... 24 Figure 15: Un territoire envahi par la peste végétale Dichrostachys cinerea (Source : FLR) .. 26 Figure 16: Le territoire de Grande Ravine, un espace en devanture (Source : FLR, BD TOPO, OSM) ... 27 Figure 17: Le potentiel agricole du territoire de Grande Ravine (en vert : foin, en hachuré : canne, en pointillé : manguiers, en rose : vergers) (Source SAFER, FLR) ... 28 Figure 18: Schéma de principe de l'agroforesterie pour le cacao (Source FLR) ... 30

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Figure 19: La création de terrasses sur les fortes pentes facilite le travail des agriculteurs (Source : FLR) ... 30 Figure 20: L'implantation du végétal : un objet unique pour répondre à des attentes multiples (Source :FLR). ... 32 Figure 21: Le cycle sylvigénétique, une évolution envisageable pour la friche ? (Source : Lucas Martin Frey) ... 33

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Introduction

L’île de le Réunion, située à 9000km de la métropole et unique département d’outre-mer dans l’océan Indien, est reconnue internationalement pour ses paysages remarquables. Les pitons, cirques et remparts classés au patrimoine mondial de l’Unesco confirme cette reconnaissance. Dominée par le Piton des Neiges, toit de l’Océan Indien (3 070 m), La Réunion est marquée par les reliefs escarpés et lacérés de nombreuses ravines. Ces composantes géographiques ont guidé l’aménagement du territoire.

Les différents espaces urbains agricoles et naturels sont organisés par strates. D’un littoral urbanisé, nous arrivons à des zones d’altitude naturelles en ayant traversé les espaces cultivés. Le paysage agricole est à ce titre, majoritairement marqué par les grandes étendues de champs de canne qui habillent les pentes.

Néanmoins, la hausse importante de population depuis le milieu du XXème siècle exerce une pression non négligeable sur ces paysages agricoles. En effet, la superficie restreinte du territoire, 2 500 km², soit environ la superficie des Yvelines, oblige à gérer et optimiser l’espace de la manière la plus efficace qu’il soit. Mais, chacun des espaces (urbains, naturels et agricoles) cherchent malgré tout à s’étendre. On assiste alors à de nombreuses oppositions qui ont mené un habitant de l’île à faire le constat suivant : « [...] il nous faut trois îles : une pour l’urbain, une pour l’agricole et une pour le naturel. Mais on n’a qu’une île et on la partage ». Cette réflexion nous pousse à réfléchir sur les usages pluriels et transversaux des espaces. Par exemple, un espace agricole ne doit-il être qu’agricole et pratiqué uniquement par des agriculteurs ?

De plus, le manque de foncier est un problème majeur. On se demande alors comment pérenniser l’activité agricole et donc les paysages emblématiques quand sa surface se fait grignoter par l’urbanisation.

Depuis 2000, la SAFER s’attèle à recenser les friches, c’est-à-dire les espaces agricoles cultivables mais abandonnés, afin de contrer ce manque de foncier en valorisant chaque espace agricole. Pourquoi ne le faisait-elle pas avant ? La question des friches à La Réunion est-elle récente ?

Par ailleurs, la friche offre une surface d’étude « vierge » intéressante à exploiter pour répondre à la question de la transversalité des usages. Néanmoins, certaines friches existent depuis déjà plusieurs années et peuvent être perçue comme des espaces naturels. La complexité de l’aménagement des friches sur ce territoire restreint réside alors dans la gestion des facteurs productif (l’agriculteur) et idéel (la vision de l’île). En effet, l’aménagement d’un espace abandonné en espace reflétant le dynamisme agricole peut impacter plus ou moins fortement le paysage.

On se pose alors la question suivante :

Comment donner une multifonctionnalité aux espaces agricoles et recréer le paysage agricole de l’imaginaire collectif à travers l’aménagement des friches ?

L’ensemble de ces questionnements sera abordé à travers trois parties.

Nous verrons dans un premier temps, à travers l’histoire de l’agriculture réunionnaise, que l’apparition des friches est corrélée au contexte socioéconomique et politique. Cette analyse

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historique nous permettra ainsi de relever différents facteurs qui conduisent à l’apparition de la friche.

Ensuite, nous étudierons la nécessité d’aménager les friches, notamment en territoire insulaire et, un travail d’enquête nous permettra de renforcer et compléter ces besoins. Finalement, dans une dernière partie, nous étudierons le territoire de Grande Ravine afin de concrétiser la problématique. Ce territoire en friche fera l’objet d’une proposition d’aménagement répondant aux besoins et attentes exprimés en deuxième partie.

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Partie 1. La trajectoire des friches à travers l’histoire

Découverte au XIVème siècle, l’île de La Réunion, à l’époque nommée île Bourbon, ne s’est peuplée que 150 ans plus tard. En 1646, le premier recensement dénombre 12 habitants (ROBERT, 1980). Ce ne sont à l’époque que des prisonniers en provenance de Madagascar, envoyés sur l’île après une mutinerie. Longtemps utilisée comme une terre d’aiguade1 par les navires en transit qui se rendaient à l’île Maurice (anciennement appelée Île de France), plus facilement accostable, son positionnement stratégique à proximité de Madagascar en fait, en 1665, un lieu de refuge pour les colons de la « Compagnie des Indes » en quête d’épices. Pour subvenir à leurs besoins et ravitailler les navires, les premiers habitants de l’île Bourbon s’attèlent à cultiver les terres. C’est le début de l’agriculture réunionnaise, première activité économique et premier facteur de peuplement de l’île.

1.1 Le mise en place d’une société agricole

Jusqu’en 1713, l’île vit pour le commerce maritime, elle est le grenier alimentaire et la menuiserie des navires en route vers l’Inde. Les espaces forestiers des hauts et du littoral sont défrichés pour pouvoir réparer les navires et les terres adjacentes sont cultivées. La Compagnie des Indes attribue des terres aux colons afin qu’ils puissent répondre à la demande à la seule condition que celle-ci soit exploitée. Néanmoins, peu de temps après cette mesure de valorisation des terres, la Compagnie fait un triste constat : 25% seulement des terres attribuées aux colons sont cultivées. Ce constat s’explique par le sentiment d’indépendance que peuvent avoir les colons, sentiment directement corrélé à la surface de leurs terres. Détenir une grande quantité de terre serait considéré comme un signe d’indépendance vis-à-vis de la Compagnie. L’incapacité d’exploiter ces grandes surfaces par manque de main-d’œuvre laisse des terres inexploitées. Parallèlement, des hommes demandeurs de terres voient leur requête rejetée par manque de foncier disponible. Ainsi, pour résoudre ce conflit d’intérêt et favoriser la culture et le développement de l’île, la Compagnie établit des contrats de propriété et le roi Louis XIV ordonne le 27 février1713 à Marly (78) que « ceux en faveur desquels les contrats seront expédiés soient tenus de mettre lesdites terres en bonne culture dans un temps convenable sinon à faute de ce faire et le temps passé sa Majesté veut qu'ils soient déchus de la propriété desdites terres, et icelles remises au domaine de la Compagnie des Indes pour être distribuées à d'autres habitants aux mêmes conditions..." (CHAMPION, 2009).

C’est à ce moment que le découpage parcellaire encore visible aujourd’hui se fait (Figure 1). La considération faite que la valeur d’une terre en termes d’agronomie et d’exploitabilité était tributaire de l’altitude, et que l’île était plus ou moins circulaire conduit la Compagnie à dessiner des parcelles allant du « battant des lames au sommet des montagnes »2 . Pour s’assurer d’une

1 Une aiguade est le lieu de ravitaillement des navires en eau douce

2 Expression désignant la délimitation des concessions bourbonnaises si particulière, utilisée aujourd’hui comme

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bonne délimitation, des marqueurs physiques tels que les bords de ravines, crêtes et plantations de bois de chandelle (Dracaena sp.) sont utilisés, se substituant aux unités de mesures de l’époque (l’arpent). La société agricole se dynamise, s’organise et les cultures se diversifient : blé, orge, millet, riz, légumes divers, tabac, canne à sucre, coton, chanvre, indigo, raisin… L’île devient de plus en plus intéressante et la découverte des plants de café marquera le début des grandes périodes agricoles de l’île.

1.2 Deux périodes agricoles majeures

1.2.1 L’ère du café, de 1715 à 1807

En 1711, les habitants de l’île découvrent en forêt des pieds de caféiers (Coffea mauritiana). Ayant connaissance de son exploitation dans d’autres pays au climat similaire à l’île Bourbon, ils décident de faire analyser l’espèce découverte en vue d’une culture future destinée à l’exportation (COEVOET, 2012). Les résultats de l’analyse ne donnant pas de suite favorable, c’est alors 50 pieds de café d’Éthiopie (Coffea arabica) qui seront importés. Seulement deux pieds survivront mais suffiront pour marquer le début de l’ère du café (Figure 2). Alors qu’on ne compte que deux pieds en 1715, ce ne sont pas moins de 143 722 plants qui seront dénombrés en 1723. Cette hausse colossale s’explique en partie par l’intransigeance de la Compagnie des Indes à propos de l’exploitation des terres. En 1719, face à la réticence des colons à cultiver l’arbuste, la Compagnie les contraints à planter 200 pieds de caféiers par esclave (dont la traite est autorisée depuis 1718) sous peine de se voir retirer leur terre (BOUSQUET, 2011). Malgré l’instauration d’une telle mesure, des parcelles restent toujours non exploitées. La raison tient cette fois-ci dans le régime foncier. Pour ne défavoriser aucun héritier, les parcelles continuent d’être découpées suivant le sens de la pente, c’est-à-dire du centre de l’île vers le littoral, à la manière d’une roue de vélo, dessinant de ce fait des parcelles très étroites – parfois pas plus de cinq pieds, 1,50 m – mais longues de plusieurs kilomètres. Ainsi, en 1731, la compagnie consciente de l’inefficacité du découpage attribue la transmission du bien à l’aîné qui lui-même redistribuera, à son gré, les terres à sa fratrie. Ce découpage archaïque, dépendant du bon vouloir d’une seule personne, conduit à l’abandon de certaines

Figure 2: L'ère du café à La Réunion, première période agricole florissante (Source : Rosemont)

Figure 1: Le dessin du premier découpage parcellaire, encore très visible aujourd'hui (Source : FLR, Openstreet Map et BD TOPO)

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parcelles étriquées, difficiles d’accès et peu exploitables au vu de la pente importante qui les dessine.

En 1760, la filière fait face à une première crise (Figure 3). Les Antilles se lancent dans la production de café. Or, face à la concurrence, la demande de café Bourbon diminue. La qualité du produit à l’arrivée en France est inférieure à celle du café antillais. Cette différence de qualité est directement liée au temps de trajet. A cette époque, le canal de Suez n’existe pas encore, les bateaux au départ de Bourbon naviguent par le Cap de Bonne Espérance. L’île se relève de cette première crise mais reste fragilisée, la production n’étant plus aussi florissante. Le contexte économique ne permet pas de redynamiser la filière. A cette époque, la Compagnie des Indes, affaiblie par la guerre de Sept Ans menée contre les Anglais de 1756 à 1763, vide les caisses. En 1767 l’île Bourbon, propriété de la Compagnie des Indes, est rétrocédée aux administrateurs royaux qui amorcent un processus de réorganisation administrative et économique. A l’issue de cette réorganisation, un tribunal terrier verra le jour. Il est chargé de traiter tous les litiges liés aux concessions ainsi que les affaires se rapportant aux sujets des chemins, aux eaux, à la pêche, à la chasse. De plus, le regain d’intérêt pour les cultures vivrières face à l’augmentation du nombre d’habitants redynamise l’économie.

Mais, en 1789, la révolution française sévit jusque dans les Mascareignes. Cet épisode de l’histoire fait chuter considérablement la prospérité économique de l’île. La désorganisation économique doublée de tensions politiques avec l’Angleterre contre qui la guerre est déclarée isole l’île qui ne peut plus établir de lien avec l’extérieur.

Les nombreuses batailles que livre l’île pour éviter une guerre civile la conduit en 1794 à décréter la fin de l’esclavage. Un premier abandon des terres par les esclaves se fait sentir malgré la non application du décret dans les coutumes réunionnaises.

En 1807, l’invasion de pucerons sur les plants de café doublée de conditions climatiques exceptionnelles (cyclone, avalasse, sécheresse) (OVERMANN, 2013) et de stratégies politiques auront raison de la filière café de La Réunion. Les terres sont abandonnées et seront conquises vigoureusement par une nouvelle culture : la canne à sucre.

Figure 3: Schéma de principe de la trajectoire des friches de l'apparition de l'agriculture à la fin de l'ère du café. (Source : FLR)

1.2.2 L’hégémonie de la canne depuis 1815

La canne à sucre est introduite sur l’île Bourbon dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. Les colonies antillaises produisant déjà assez de sucre pour la France, et La Réunion s’étant spécialisée dans le café, la culture de la canne reste marginale jusqu’au début du XIXème siècle. Cependant, la perte du territoire français de Saint-Domingue (devenu Haïti en 1806) et la rupture des liens économiques avec l’île sœur Maurice (CAUBET, 2016), principale

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fournisseuse de sucre, ravive le besoin de cultiver la canne sur l’île des Mascareignes. En effet, en 1810 l’île Maurice et île de La Réunion, jusqu’alors gérées toutes deux par un seul royaume, se retrouvent scindées. L’île Bourbon appartient désormais, et ce pendant 5 ans, à la monarchie anglaise tandis que l’île de France reste sous l’administration française. Ainsi, en 1815 commencement de la filière, Charles Desbassyns, agronome, met en place une nouvelle usine à Saint-Denis et équipe son moulin d’une machine à vapeur (GERAUD, 1998). On produit 21 tonnes de canne. 45 ans plus tard, ce chiffre est multiplié par 3500 avec 73000 tonnes de cannes produites. Une telle évolution s’est faite à coup de défrichements et de déboisements en montant– la canne pouvant pousser à une altitude supérieure à celle du café. Les hauts sont alors conquis et mis en valeur pour la culture de la graminée. Dans le courant des années 1860, on compte près de 200 usines sucrières. Ce sera l’apogée de la période cannière, les surfaces plantées continuent d’augmenter. Néanmoins, la production diminue. Le paradoxe s’explique par l’abolition de l’esclavage en 1848, même si celle-ci n’a pas eu des conséquences aussi désastreuses pour la production qu’on pourrait le penser, d’une part parce que beaucoup d’anciens esclaves restent sur leur terre et d’autre part grâce au mouvement d’engagisme3 qui

se renforce.

A partir des années 1863, l’économie sucrière s’affaiblit. Une succession de cyclones, l’attaque des pieds de cannes par des parasites, des maladies, et la baisse de l’immigration indienne ne permettent plus une exploitation telle qu’elle le fut deux ans auparavant. La surface cultivée ne diminue que très peu mais les usines ferment tour à tour.

Dans les années 1880, une seconde crise frappe la canne. Les cours chutent face à la concurrence de la betterave sucrière, nécessitant moins de transport et les problèmes phytosanitaires persistants. Les surfaces agricoles ne cessent de diminuer, les propriétaires ne pouvant faire face aux enjeux climatiques et sociaux (baisse de la main-d’œuvre continue jusqu’à l’arrêt total de l’immigration indienne en 1903). Ainsi, en 1912, les surfaces plantées ne représentent plus que 26 000 ha alors qu’elles étaient de 75 000 ha en 1860 (CAUBET, 2016).

L’activité se redresse doucement dans les années qui suivent mais la guerre de 39-45 empêche les exportations et la départementalisation en 1946 instaure un plan de diversification. Cette mesure sonne comme une menace pour la canne. A cet instant, il ne reste déjà plus que douze usines sucrières.

Aujourd’hui, la canne à sucre est encore la culture majoritaire avec près de 60 % de la Surface Agricole Utile (SAU) consacrée à la graminée, soit 24 400 ha sur 43 313 ha au total, et deux usines performantes. En plus d’être un marqueur du paysage passé et présent (Figure 4), elle pèse également dans l’économie réunionnaise.

3 L’engagisme est une forme de servilisme sous contrat. A l’abolition de l’esclavage, très peu d’esclaves restent

au service de leur maître. Néanmoins, le besoin de main d’œuvre est toujours présent. Des recruteurs vont alors faire signer des contrats d’engagement à des autochtones d’Inde et de Chine principalement qui travailleront dans les champs contre une faible rémunération.

Figure 4: La monoculture de la canne façonne le paysage de la Réunion depuis le XIXème siècle (Source : Département de La Réunion)

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1.3 L’évolution des systèmes de culture

Si le café et la canne sont reconnus comme les deux grandes périodes agricoles de La Réunion (AGENCE FOLLEA-GAUTIER, 2006), l’histoire du géranium a elle aussi impacté grandement les paysages.

Exploité dans les hauts pour sa forte valeur ajoutée une fois transformé en essence, très prisée en parfumerie, on le trouve dans les champs cultivés à proximité des espaces forestiers. En effet, le bois coupé servira à chauffer les alambics pour la fabrication de l’essence. Mais, face aux prix concurrentiels des Chinois et aux produits de synthèse, la filière dégringole. Les jachères des géraniums qui ponctuaient le paysage, sont désormais accompagnées par de nouvelles terres en friches. Notons que, malgré un état initialement similaire rendant la confusion possible, la jachère et la friche sont deux systèmes bien différents. La jachère est une terre mise à la repose pour permettre aux éléments du sol de se reconstituer et de lui redonner un niveau de fertilité. La friche est un abandon des terres sans but agronomique.

Ainsi, d’une production de 230 tonnes de géraniums en 1964, nous arrivons à seulement 710 kg aujourd’hui (DAAF, CADET).

Dans le paysage, les anciennes terres à géranium ont été pour la plupart remplacées par des pâturages (Figure 5). Certaines terres isolées persistent encore dans les hauts de Saint-Paul, l’ensemble des cultures ne couvrant plus que 30 ha, soit moins de 1 % des terres cultivables.

1.4 L’exode rural ou l’abandon des terres des hauts

Au temps de l’esclavage, les esclaves en fuite (appelés esclaves marrons, ou marrons) se réfugient dans les hauts de l’île. Le climat plus hostile, la végétation dense et les reliefs escarpés sont leurs refuges, leur protection contre les chasseurs des marrons. Peu à peu, ils commencent à cultiver les terres de façon sporadique pour subvenir à leurs besoins. En 1848, ils sont rejoints par les nombreux esclaves libres et, au début du XXème siècle, conscient que la monoculture de la canne rend l’île dépendante des importations de denrées, le plan de peuplement des hauts instaure des mesures de valorisation des terres pour implanter la culture vivrière.

La départementalisation4 impacte la canne à sucre par la volonté de diversification et va

également impacter les hauts de l’île. L’amélioration des conditions de vie espérée dans les bas entraîne un exode rural massif, laissant les terres à l’état d’abandon (MANDRET, 2000). Le plan d’aménagement des hauts dans la décennie 1970 redynamise ces espaces oubliés et difficiles d’accès en revalorisant les terres en friches. En effet, dans les hauts de Saint-Paul, à une altitude supérieure à 1200 m, sur 760 ha délimités on compte 650 ha de friches.

Le 26 juin 1990, le décret n°90-514 autorise la SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural) à intervenir sur les parcelles incultes. A partir de cet instant, le changement du paysage des hauts est bien en vue. Les parcelles en friches sont défrichées et plantées en herbe pour permettre aux éleveurs de faire pâturer leurs bêtes. Au même moment, l’augmentation de la population est de plus en plus exponentielle et la diversification prend tout

4 Du statut de colonie française, La Réunion devient un département français accordant alors à la population

l’ensemble des droits français.

Figure 5: D'une forêt au pâturage en passant par un champ de géraniums, les friches trouvent de nouvelles fonctions – (Source : FLR)

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son sens afin de subvenir aux besoins alimentaires. Mais, augmentation de la population rime aussi avec étalement urbain.

1.5 L’exploitation sur des terres peu propices…

1.5.1 Le complexe de l’agriculture renforcé par un climat hétérogène

L’étalement urbain provoqué par la hausse importante de population depuis les dernières décennies (le schéma départemental prévoyait la construction de 10 000 logements par an pendant 10 ans (GUELLEC) mais aussi par le mode de vie réunionnais préférant aux immeubles la maison individuelle grignote peu à peu les bonnes terres agricoles (DAAF). L’agriculture se retrouve cantonnée par endroits à des terres peu fertiles, difficiles d’accès, difficilement exploitables dans un contexte où la demande en ressources alimentaires se fait croissante. C’est ce que j’appelle le complexe de l’agriculture. A ce phénomène s’ajoute l’hétérogénéité du climat qui implique des problèmes de gestion d’eau majoritairement : sécheresse ou pluies intenses (ANNEXE 1). L’espace est découpé entre les hauts, les bas, l’est et l’ouest.

Paul CAUBET référencie les espaces propices à la canne et ceux qui le sont moins (Figure 6). On voit que les villes se sont implantées sur les terres où la culture de la canne est la plus favorable, obligeant la culture à se diriger vers les terres moins adéquates. La classification des espaces propices découle de l’altitude, et l’eau d’irrigation qui est un problème dans l’ouest. Pendant que CAUBET établit sa carte, le projet d’irrigation du littoral ouest mûrit au Département de La Réunion.

Figure 6: Une zone propice à la canne peu exploitée (Source : FLR, d’après la carte de P. Caubet)

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1.5.2 Une solution apportée par le PILO ?

Initié dans les années 1980 par le Département de La Réunion, le Projet d’Irrigation du Littoral Ouest (également appelé le transfert des eaux d’est en ouest) naît du constat suivant : l’hétérogénéité de la pluviométrie présente sur l’île devrait servir à l’agriculture en utilisant les excédents dans les espaces en déficit hydrique. S’amorce alors un chantier titanesque transperçant l’île d’est en ouest pour le passage des canalisations. Ce chantier s’étale de 1989 à 2016, avec des mises en eau différées selon le secteur (appelé antenne).

En 1981, dans son ouvrage Milieux physique et les sols de l’île de La Réunion – Conséquence pour la mise en valeur agricole, M. RAUNET identifie des terres où l’agriculture ne peut se développer en raison des facteurs limitants dont l’eau fait partie. Le chantier de l’ILO permet donc d’augmenter les surfaces agricoles et surtout de rendre les espaces viables.

Cependant, l’eau n’est pas le seul facteur limitant selon RAUNET. La qualité du sol, tantôt absent, tantôt garni de roches, entre également en compte dans ses conclusions.

Finalement, la trajectoire des friches durant l’ère cannière est influencée par de grands projets (Figure 8). Après avoir atteint un niveau très bas en 1860, les surfaces en friches ne cessent d’augmenter. Depuis 1970 les surfaces semblent diminuer et se stabiliser grâce aux nouveaux leviers d’action.

Figure 8: schéma de principe de la trajectoire des friches depuis le début de l'ère cannière.(Source : FLR)

1.6 Les facteurs conduisant à l’apparition des friches

L’histoire de l’agriculture, et intrinsèquement des terres incultes, laisse apparaître de nombreux facteurs récurrents conduisant à l’abandon des terres. Ces facteurs, explicités ci-après, sont pour beaucoup les mêmes depuis le XVIIIème siècle. Ils relèvent des contraintes physiques de l’île et de la gestion des terres.

Figure 7 : Le projet ILO, un nouveau souffle pour l'agriculture dans l'ouest (Source : Département de La Réunion)

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1.6.1 Les contraintes géo pédoclimatique

Les contraintes géo pédoclimatiques sont liées à l’environnement direct du site. On en dénombre trois pouvant induire l’abandon ou la non culture d’une terre : le sol, le climat et la pente.

1.6.1.1 L’absence de sol conséquence des lessivages successifs

RAUNET dénombre pas moins de 90 unités de sol auxquelles il attribue des degrés d’exploitabilité agricole et leur caractéristique. Le sol très caillouteux (Figure 9) rend l’aménagement et la culture compliqués. On voit que des andains ont été créés dans les parcelles à la suite de leur épierrage. Certains, par leurs dimensions importantes, témoignent de la nature du sol. En outre, la dalle rocheuse étant poreuse, les réserves en eau sont inexistantes dans une bonne partie de l’île.

Le sol de La Réunion n’a pas toujours été aussi peu épais. Mais les pluies diluviennes et les cyclones successifs ont charrié, au cours des ans, les éléments structurants laissant en place les éléments grossiers.

1.6.1.2 Climat

Comme exposé précédemment, le climat est un facteur important pour l’agriculture. Le régime hydrique très hétérogène entre l’est et l’ouest et l’été et l’hiver ne permet pas d’assurer une irrigation constante et permanente.

Les températures, quant à elles, varient assez peu d’une saison à l’autre mais varient selon l’altitude et déterminent ainsi le choix de la culture. A titre d’exemple, la canne à sucre, dans l’ouest, ne pousse pas au-dessus de 800 m, alors que le géranium anciennement cultivé se situe préférentiellement au-dessus de cette même ligne isométrique.

Enfin, le vent, dernière caractéristique du climat, peut selon sa force déraciner les cultures (c’est ce qu’il se passa avec les plants de café lors des épisodes cycloniques) et promener les embruns qui brûlent les feuilles et réduisent de surcroît la photosynthèse et, plus tard, la production. Le manque de soleil causé par les brûlures sur les feuilles limite la fabrication d’énergie et de sucre par la plante. Des fruits moins nombreux, plus petits et/ou moins riches en sont la conséquence.

1.6.1.3 Pentes

Le relief escarpé de La Réunion est une des caractéristiques premières faisant la renommée de l’île. Cependant, exploiter ces pentes demande un effort plus important pour l’agriculteur, contraint de rester sur des pratiques manuelles. De plus, toute pente supérieure à 30 grades n’est pas défrichable même en zone agricole afin de préserver le sol de l’érosion.

Figure 9: L'état du sol sur une parcelle en cours de revalorisation (Source : FLR)

Figure 10: une pluviométrie partagée dans le temps et l'espace (Source FLR, d’après météofrance.re) 0 100 200 300 400 500 ÉTÉ HIVER OUEST EST

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1.6.2 La contrainte foncière

1.6.2.1 Spéculation foncière

Seules les terres non exploitées définies en zones agricoles par les documents d’urbanisme (plans locaux d’urbanismes notamment) sont considérées comme friches agricoles d’un point de vue réglementaire. Or, ces terres ont également une valeur pécuniaire plus faible que des terres destinées à l’urbanisation. Les documents d’urbanisme n’étant pas immuables, certains propriétaires n’exploitent ou ne font pas exploiter volontairement leurs terres et espèrent ainsi voir leur bien déclassé en zone U (Urbaine) ou AU (A Urbaniser), c’est-à-dire en zone constructible.

1.6.2.2 Transmission

L’augmentation du niveau d’études de la population entraîne un éloignement du travail de la terre. (INSEE). Lors de la transmission des biens à la descendance, si descendance il y a, on assiste soit à une incapacité d’exploiter due à un manque de compétences dans le domaine agricole soit à un désintérêt des terres. L’exploitation reste alors livrée à elle-même et le risque d’enfrichement s’accroît.

1.6.2.3 Indivision

L’indivision caractérise un bien appartenant à plusieurs personnes. De nombreuses parcelles se retrouvent en indivision lorsque les successions ne sont pas réglées devant un notaire. Ainsi, sur l’ensemble de la propriété, les héritiers se partagent le bien en parts égales et non définies. Aujourd’hui encore pour certaines parcelles, le propriétaire est inconnu. Ce phénomène s’explique par la création du cadastre en 1978 (APHG, 2002). A cette période, les agriculteurs en place sur les parcelles ont été définis comme propriétaires même s’ils ne possédaient pas d’acte de propriété.

1.6.3 Les contraintes techniques

1.6.3.1 Les accès

Les nombreux découpages réalisés sur les parcelles les ont parfois déconnectées de tout système viaire. Leur enclavement ne facilite ainsi par leur exploitation, d’autant plus si les relations avec les agriculteurs voisins sont dégradées. Ce problème d’accès est bien souvent réglé par les servitudes de passage, ou droit de passage, qui autorise la circulation sur une parcelle voisine pour rejoindre sa propre terre. Dans le cas contraire, la parcelle reste inaccessible tant que des démarches n’ont pas été réalisées.

1.6.3.2 Remise en valeur onéreuse

Selon la localisation et l’état de la friche, sa remise en valeur peut demander un investissement financier supérieur à ce que peut supporter l’agriculteur. Une diversité d’aides et de subventions existe pourtant mais le système d’attribution est tel que l’agriculteur doit être en mesure d’avancer les financements avant d’être remboursé.

Les recours face au manque de financement sont bien souvent la vente du terrain. La vente auprès d’un GFA (Groupement Foncier Agricole) peut permettre de remettre en valeur la terre puis de redevenir propriétaire par la suite en rachetant les parts.

En effet, les GFA permettent ont initialement étaient créés pour faciliter l’installation des agriculteurs dans les zones difficiles (notamment les hauts). Ainsi, la remise en valeur d’un terrain peut être fait par le groupement. Cette même parcelle pourra par la suite être proposée

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au rachat, l’agriculteur pourra se positionner sur ce rachat afin de récupérer « sa » terre revalorisée.

Note : le chantier de la nouvelle route du littoral est à ce jour une aide supplémentaire indirecte à la valorisation des terres agricoles. Le besoin important en roche pour la construction de digues et les remblais corrélé à la forte présence de roches dans les terres agricoles a conduit le groupement de la nouvelle route du littoral et l’ensemble des acteurs (DEAL, DAAF, SAFER) à établir un partenariat. Si la qualité de la roche présente dans les parcelles répond au cahier des charges de la nouvelle route du littoral, et le dossier validé par la DEAL, les travaux (épierrage ou enlèvement d’andains) sont engagés. Ainsi, les propriétaires sont rémunérés à hauteur d’1 € par tonne de roche et leur parcelle est « nettoyée ». Aujourd’hui ce sont plus de 50 ha de terres arables qui ont été récupérées par l’enlèvement des andains.

1.6.4 La question réglementaire

Le Code rural définit comme friche agricole tout espace non cultivé depuis plus de trois ans. De plus, le code forestier considère comme défrichement « toute opération ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière ».

On remarquera la différence avec la métropole quant à la déclinaison de la loi. En France métropolitaine, une demande d’autorisation de défrichement est déposée. A la Réunion, c’est une demande de dérogation à l’interdiction de défricher qui est faite. En effet, dans le but de protéger les espaces forestiers (il ne reste plus que 35 % de la forêt primaire aujourd’hui) le code forestier interdit tout défrichement sur l’île de le Réunion. Cette dérogation est valable pendant 10 ans à partir de la date de délivrance.

Selon la SAFER, une terre agricole devient friche après 3 ans de non-exploitation ou de sous-exploitation, si celle-ci n'est pas due aux contraintes du terrain : pente importante, sols caillouteux. Les agents s’accordent sur cette définition pour établir leur dossier de défrichement et de remise en valeur. On peut faire l’analogie de cette condition avec celle qui, en 1717 destituait les propriétaires au bout de trois ans de carence.

1.6.5 La question de la temporalité

Il est vrai que la question de temps, autre que celle exprimée ci-dessus, n’est pas tout à fait un facteur d’apparition des friches. En revanche, elle peut-être une condition de non-modification du statut. En effet, la temporalité est une notion qui n’est pas abordée dans la définition de la friche (ANNEXE 2) qui se résume à une terre abandonnée. Ainsi, on peut estimer la date d’apparition d’une friche selon le Code forestier et le Code rural mais on ne peut pas donner de « date de péremption ». Sans notion de temps cela signifie qu’un espace anciennement cultivé et aujourd’hui abandonné est contraint de rester « friche » ad vitam aeternam. Ainsi, une friche arborée présentant une richesse écologique restera-t-elle à l’état de friche jusqu’à ce que celle-ci redevienne cultivée, appauvrissant alors l’espace au profit d’une activité économique ? Pour l’ONF cependant, une terre n’est plus une friche dès lors qu’elle n’est plus défrichable. Une terre est définie comme non défrichable selon plusieurs critères écologiques, et paysagers (superficie, richesse écologique, taille des sujets, continuité avec un autre boisement…). Ainsi, selon la définition et l’interlocuteur, la question de la temporalité varie.

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Figure 11: Les différentes contraintes pouvant mener à la friche (Source : FLR)

1.7 Eléments de conclusion de la partie 1

A travers l’histoire on voit que la question des friches et de leur remise en valeur a toujours été une préoccupation majeure dans les politiques agricoles. Depuis la mise en place de l’agriculture sur l’île, les facteurs n’ont que très peu évolué. Ils abordent les aspects fonciers, techniques et physiques de l’activité. L’aménagement des friches se fait donc de façon à optimiser l’exploitation. Cependant, on peut se demander si le besoin d’aménagement et l’engagement de frais importants est réellement nécessaire. Et si le besoin et justifié, quelles sont les attentes vis-à-vis de ces espaces qui, dans une certaine mesure, participent au paysage agricole de l’île.

Friches

Contraintes géo pédoclimatiques Pentes

Climat Sol

Contraintes techniques Accès

Fonds insuffisant pour une remise en valeur

Contraintes foncières Transmission des terres Indivision

Spéculation

Temporalité Réglementation

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Partie 2. Un besoin d’aménagement prégnant et des attentes fortes

2.1 Des premiers besoins recensés soulignant l’importance de l’aménagement des friches

2.1.1 La vision de la friche, socialement inacceptable

Si l’on s’en tient aux définitions de la friche, les textes parlent uniquement d’abandon et donnent alors une image très négative de la friche. En témoignent les paroles d’Hervé Cailleaux « La valorisation agricole des terres en friches a aussi un impact positif au niveau de l’aménagement du territoire. Un beau champ de cannes à sucre ou d’une autre production agricole sera toujours plus esthétique et sain qu’une friche servant de décharge sauvage ! » (CAILLEAUX, 2014). Cette notion d’abandon nous donne le sentiment de devoir réaménager l’espace. D’autant plus dans le contexte actuel où les discours écologiques rythment le quotidien avec des arguments qui prônent le « vivre en harmonie avec la nature ». Pourtant, ce sont ces discours même qui nous orientent vers le besoin de créer la nature.

Néanmoins, on peut aussi regarder la friche comme un espace retournant à sa féralité (SCHNITZLER, GENOT, 2012). En étudiant les traductions du mot friche en anglais, on voit d’ailleurs que le terme wilderness est proposé. Or le wilderness relève plus de la naturalité que de l’abandon, attise la curiosité, l’admiration et non pas le rejet. C’est d’ailleurs vers cette notion que Gilles CLEMENT s’oriente lorsqu’il parle du Tiers-Paysage. Dans son ouvrage « Manifeste du Tiers Paysage » il expose l’idée que la friche est un réservoir de biodiversité. Ainsi, de manière générale, le besoin de revalorisation des friches dans la vision sociale tient plus du besoin de contrôler la nature et de la fabriquer telle que l’homme la perçoit (JANIN, ANDRES, 2010) que d’une nécessité économique.

Néanmoins, en état insulaire et notamment à La Réunion, la nécessité économique est réelle.

2.1.2 Un besoin économique

2.1.2.1 La création d’emploi et la rentabilité des exploitations

Ancrée dans son histoire, l’agriculture et notamment l’agriculture d’exportation est encore aujourd’hui un des piliers de l’économie réunionnaise, comme le tourisme, mais compte 30% de chômeurs. L’aménagement des friches agricoles est une opportunité pour les agriculteurs désireux de s’installer ou de reprendre une activité agricole. Elle l’est également pour ceux cherchant à augmenter la rentabilité de leur activité en augmentant leur surface d’exploitation. 2.1.2.2 La valorisation du foncier dans une région ultra périphérique insulaire A la fois île et région ultra périphérique (RUP), La Réunion présente peu de marge de manœuvre pour étendre ses espaces agricoles. Ces espaces sont compris le plus souvent entre les espaces naturels - en majorité dans les hauts, notamment le Parc National - et les espaces urbains situés pour la plupart sur le littoral. Le foncier peu disponible renforce donc le besoin crucial de valoriser toutes les terres agricoles.

Par ailleurs, la population ne cessant de croître, il est primordial de mettre en valeur l’ensemble des terres agricoles pour subvenir aux besoins alimentaires locaux. La demande croissante de logement augmente ainsi la pression sur le foncier agricole. Cette pression se répercute dans les hauts où des vieilles friches sont remises en valeur.

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2.2 Des procédures de valorisation mises en place depuis plusieurs années pour répondre à ce(s) besoin(s)

Dès le XVIIIème siècle, la valorisation des terres agricoles pour leur pleine exploitabilité est une préoccupation majeure. Des procédures de valorisation sont mentionnées (BOUSQUET, 2011). Aujourd’hui, deux procédures permettent de redonner une fonction aux espaces abandonnés ou sous-exploités.

2.2.1 La procédure Terres incultes

La cellule Terre Incultes (TI) de la SAFER a pour mission de recenser les terres en friches ou sous-exploitées puis d’inciter la remise en culture auprès du propriétaire. Cette phase incitative passe par plusieurs étapes : la médiation, l’enquête publique et peut aller, jusqu’à l’expropriation, entreprise par la DAAF, si la parcelle n’est pas remise en valeur. Depuis le 1er

septembre 2016, des primes sont également attribuées à tout propriétaire qui entreprend une remise en valeur de ses terres en les vendant à un agriculteur ayant un projet (3000 €/ha) soit en louant, le fermage (1500 €/ha).

En janvier 2016, 2263 ha de friches (en procédure) étaient comptés. Le bilan de l’année présente 647 ha de friches remises en valeur au cours de l’année à la suite de l’intervention de la cellule Terres Incultes.

Les friches sont un système mouvant. Il ne suffit pas de revaloriser une terre pour considérer les nouveaux chiffres comme acquis. La revalorisation de nouvelles terres ne contre pas le phénomène de déprise agricole mais en limite les effets en agissant sur certains facteurs de création.

2.2.2 Territoires prioritaires

Le FEADER (Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural) définit un territoire prioritaire comme suit : « Un territoire prioritaire est un périmètre homogène à vocation agricole, en friche ou sous-exploité, qui présente des enjeux environnementaux ». (FEADER). Le territoire prioritaire a un objectif de remise en valeur des terres pour développer l’agriculture en passant par des travaux d’améliorations foncières. Plusieurs aménagements sont possibles : élimination d’andains, défrichage, opérations pour favoriser la mécanisation, l’accès et le cheminement des engins agricoles, gestion des écoulements pluviaux. L’ensemble de l’étude et des travaux est financé à hauteur de 90 % par le FEADER et le Département de La Réunion. Néanmoins, un point de fonctionnement important est à soulever. Bien que ces travaux soient subventionnés, l’agriculteur doit avancer l’ensemble des frais (étude et travaux, taxes comprises) et sera remboursé après réception des travaux. Ainsi, bien qu’étant une aide, l’agriculteur doit avoir suffisamment de fonds pour pouvoir avancer le financement.

2.3 Un travail d’enquête auprès des partenaires de la SAFER pour recueillir de nouvelles attentes

Nous avons vu que les friches pouvaient être un objet socialement inacceptable. Qu’en est-il auprès des acteurs du paysage à La Réunion ? Un travail d’enquête a été mené dans le courant des mois de juin et juillet afin de connaître leur perception du paysage agricole. La mise en évidence des motifs amenant à leur vision permet de comprendre les éléments de valorisation ou de dégradation de ces paysages agricoles.

Ce travail d’enquête sur la perception des paysages agricoles est une base aux aménagements des friches. En effet, la friche étant actuellement « vierge », son aménagement peut être orienté

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pour correspondre à l’imaginaire collectif des paysages agricoles de La Réunion et répondre aux attentes.

Ces enquêtes se sont déroulées en plusieurs étapes. Dans le présent mémoire, seule une partie des résultats est présentée, l’enquête s’inscrivant dans une thématique plus large que l’objet de friche.

2.3.1 Méthodologie adoptée

Plusieurs étapes se succèdent dans le déroulement d’une enquête. De la phase préparatoire à l’analyse définitive, un certain nombre de réflexions doivent être menées pour préciser les outils et méthodes.

2.3.2 Les étapes

2.3.2.1 La phase préparatoire

2.3.2.1.1 Travail bibliographique

Le travail bibliographique consiste en l’étude de cartes, photographies et documents textes (archives, études, témoignages…) et vise à dégager un certain nombre de questions auxquelles l’enquête doit pouvoir répondre. Il sert également à appréhender l’espace d’étude.

2.3.2.1.2 Elaboration des documents

Pour mener à bien les enquêtes deux documents sont élaborés : une feuille de route réservée à l’enquêteur et le support cartographique pour l’enquêté.

2.3.2.1.3 Feuille de route (ANNEXE 3)

Sur la feuille de route sont référencées les questions à poser ou tout du moins celles pour lesquelles une réponse est attendue (l’enquêté peut y répondre de lui-même sans que la question ne lui soit posée). Elle sert également de trame pour la logique du déroulement de l’enquête. Enfin, elle est aussi le support d’uniformité des entretiens entre eux. En effet, afin de pouvoir analyser les données recensées celles-ci doivent pouvoir être « similaires ».

2.3.2.1.4 Carte support (ANNEXE 4)

Le travail cartographique nécessite une carte support. La problématique quant à l’élaboration de la carte réside dans les éléments à faire figurer : trop peu, la personne interrogée risque de ne pas pouvoir se repérer, aboutissant alors à des délimitations très grossières, et trop d’éléments peuvent inconsciemment orienter les perceptions. Le bon compromis entre le trop et le trop peu est primordial.

Ainsi, c’est une carte présentant le relief, le bâti et les voies primaires de communication qui a été choisie.

Concernant l’échelle, c’est l’île dans son intégralité qui est considérée. Le travail porte sur les paysages agricoles de La Réunion avec un intérêt un peu plus porté sur les pentes extérieures. L’agriculture des cirques étant en cœur de Parc, les leviers d’actions sur l’aménagement de ces territoires sont fortement contraints par la charte du Parc.

2.3.2.1.5 Petit matériel complémentaire

Pour optimiser le travail cartographique, le dessin des entités se fait sur calque afin de pouvoir réutiliser exactement la même carte pour tous les acteurs. On veille au préalable à repérer la position du calque par rapport à la carte (système de croix dans les angles). Des feutres de

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couleurs sont mis à disposition des personnes enquêtées leur offrant la possibilité de créer une légende et de différencier les entités.

Un dictaphone est utilisé pour éviter tout risque d’interprétation lors de la prise de notes et pouvoir retranscrire les informations dans leur plus juste valeur. L’utilisation d’un dictaphone est d’autant plus conseillée dans le cas d’entretien mené en solitaire. En effet, il est important de rester disponible pour la personne enquêtée pour qu’elle se sente à l’aise.

2.3.2.1.6 Sélection des interlocuteurs

Le choix des personnes à enquêter pour mener à bien cette étude s’est faite selon plusieurs critères, à savoir :

- Les personnes enquêtées doivent être actrices du paysage, c’est-à-dire avoir la compétence d’agir sur le territoire

- Leur champ d’intervention doit correspondre à l’échelle retenue préalablement, c’est-à-dire l’île dans sa globalité

- Les domaines d’intervention seront variés afin d’obtenir une pluralité de visions mais doivent correspondre aux domaines du paysage, de l’agriculture et de leurs thématiques inhérentes (environnement, aménagement du territoire…)

Ainsi, on peut résumer les critères de choix selon le schéma suivant (Figure 12) :

Figure 12: Les critères de choix des partenaires (Source : FLR)

2.3.2.1.7 Phase de test et réajustement

La feuille de route et les supports cartographiques définis et élaborés, une phase de test s’impose afin de s’assurer de la bonne compréhension des questions, la cohérence de l’enchaînement et déceler les éventuelles difficultés ressenties par la personne enquêtée. L’idéal est de faire tester l’entretien à des personnes connaissant peu le projet mais ayant les capacités d’y répondre, c’est-à-dire satisfaisant au moins une partie des critères de sélection des personnes à enquêter.

Des réajustements sont faits le cas échéant.

2.3.2.2 La conduite des enquêtes

Les entretiens avec les partenaires sont divisés en trois phases. Une première phase permettant d’aborder le sujet en douceur en faisant parler l’acteur de sa structure et des liens qu’il peut établir avec le paysage, une phase de travail cartographique menée sur les paysages dans leur globalité puis recentrée sur les paysages agricoles et enfin une phase de projection.

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2.3.2.2.1 Une phase d’approche et de mise en confiance

La qualité d’un entretien réside dans la confiance établie entre les deux interlocuteurs. C’est à travers cette première phase d’approche que le contact va s’établir, elle vise à connaître la structure et ses missions et à aborder le sujet de l’enquête de façon générale. Elle permet de préparer l’enquêté au travail cartographique qui va suivre.

2.3.2.2.2 Une phase de travail cartographique

L’acteur est invité à délimiter dans un premier temps ses grandes entités paysagères afin de voir si les espaces agricoles font partie de sa vision du paysage réunionnais. Si tel est le cas, il lui est demandé d’approfondir, sinon une nouvelle question est posée pour que l’acteur dessine l’emprise des paysages agricoles. Au fur et à mesure qu’il dessine les entités, il lui est demandé d’expliciter ses traits et de caractériser la zone : pourquoi ces limites, quelles sont les particularités qui l’ont mené à définir cette zone comme une unité paysagère, perçoit-il des menaces, a-t-il noté des évolutions majeures…

Une définition du paysage agricole leur est demandée avant de leur proposer d’approfondir ou de cartographier les espaces concernés.

2.3.2.2.3 Une phase de réflexion sur le futur

Enfin, une dernière série de questions est posée pour comprendre leurs attentes pour demain en termes de paysages et d’agriculture. Elles sont relevées selon deux types de questions. La première concerne leur paysage agricole idéal, afin de cerner la sensibilité de l’interlocuteur face à un espace apprécié (celui-ci faisant souvent référence à un territoire existant, tel que le tour des roches à Saint-Paul). La deuxième question, plus brute, demande directement leurs attentes pour demain. Pour les acteurs ayant du mal à en parler, une fiche avec quelques idées sommaires (ANNEXE 5) est présentée en mettant en avant l’évolution démographique prévisionnelle établie par l’INSEE pour 2040.

Dans cette partie, les personnes consultées tenaient un discours plus fonctionnel à savoir : développer l’agriculture bio, valoriser la diversification…

On peut supposer que la description de leur paysage agricole rejoint leurs attentes. Néanmoins, les personnes enquêtées exposent un paysage particulier propre à un contexte, qui ne peut pas être reproduit partout. Il est donc bon de capter les éléments qui ont retenu leur attention, provoqué l’émotion, pour les extrapoler de leurs dires. Cette extrapolation permettra de faire ressortir les composantes et dynamiques appréciées dans les paysages agricoles.

Enfin, il est arrivé que le partenaire exprime de lui-même ses volontés pour le paysage et l’agriculture de demain avant même qu’une question ne lui soit posée.

2.3.2.3 L’analyse des résultats et leur compilation

A l’instar de la conduite de l’enquête, l’analyse se déroule en plusieurs étapes.

La superposition des calques souligne les similitudes et les différences entre les différentes entités dessinées. Un réajustement peut être envisagé suivant les limites géographiques des entités. On considère une marge d’erreur dans la précision des tracés compte tenu de la taille de la carte (l’ensemble de l’île est imprimé sur une feuille A3) et du degré de connaissance varié selon la localité (les espaces de vie et de travail sont en règle générale mieux connus que le reste). L’analyse du chemin emprunté pour les dessiner et l’explication des caractéristiques de chaque entité apportent d’autres informations qui peuvent, pour une même entité, conforter ou alors opposer les visions.

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Enfin, les attentes sont également analysées afin de comprendre la profondeur des paroles, reformuler les pensées et ainsi obtenir différentes orientations.

2.3.3 Résultat : Un espace aux abonnés absents

Le recensement des définitions a permis de dégager trois grandes visions du paysage agricole : le paysage de vie, le paysage productif et l’agriculture pittoresque. Chacun de ces groupes peut être associé aux valeurs paysagères décrites par Yvon DROZ (DROZ,2010).

2.3.3.1 Le paysage de vie

Le paysage de vie fait ressortir les aspects culturels de l’agriculture. On retrouve ainsi les notions de lieu de vie, de nature jardinée et aussi les bâtiments cultuels. Cette vision de l’espace fait appel aux notions de loisir, d’habitat. L’acteur voit alors le paysage agricole comme un cadre de vie et apprécie également le potentiel « d’empaysagement ». L’empaysagement est un néologisme proposé par Bernard Debarbieux (DERIOZ) désignant la façon dont le paysage est pratiqué, la relation nature/culture. La contemplation, les activités de pleine nature, la peinture sont autant de formes d’empaysagement.

2.3.3.2 Le paysage productif

La notion de paysage productif est née des qualificatifs purement productifs de l’agriculture. Il aborde les notions de culture, d’élevage, de production dans leurs aspects fonctionnel et économique sans entrevoir d’usage parallèle à l’agriculture. Finalement c’est la filière agricole qui est vue à travers le paysage agricole. C’est ce qu’Yvon DROZ appelle la valeur productive du paysage.

2.3.3.3 L’agriculture pittoresque

L’agriculture pittoresque tire son nom des descriptions très poétiques et picturales des paysages agricoles. Les notions de couleur, de sensation et d’image sont utilisées comme si le paysage agricole était un tableau. On retrouve ainsi aisément la valeur esthétique mais aussi identitaire et patrimoniale par l’attachement que les acteurs interrogés ont face aux paysages de canne notamment. En lien avec la culture de la canne identifiée comme un paysage identitaire de La Réunion, on relève également la valeur marchande.

2.3.3.4 Conclusion des définitions

A travers l’ensemble des entretiens, la friche n’a pas été mentionnée, que ce soit de façon subjective ou non, comme un espace agricole, à l’exception de trois acteurs. Le premier exprime l’idée qu’« Un espace en friche ce n’est pas un paysage agricole ». Le second aborde les friches dans leur forme urbaine et souligne l’affection qu’il porte à la réappropriation de ces espaces par les populations. D’un espace urbain abandonné à un espace urbain cultivé, les populations contribuent à redonner une fonction aux friches.

Enfin, un troisième acteur explicite clairement l’idée que la friche n’est pas présente ou tout du moins pas perceptible « On n’a pas trop le sentiment de déprise agricole à La Réunion ». Les partenaires interrogés voient donc la friche comme un espace non valorisé. Pourtant, la friche entre bien dans les statistiques de données agricoles et est même le principal réservoir de foncier agricole (AGRESTE, 2015). Ces définitions déterminent donc un type de vision particulier du paysage agricole qui a pu être confirmé par le développement des attentes.

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2.3.4 Des attentes variées

Les données recueillies à travers la « fiche de discussion » ont été recensées (Figure 13) et combinées aux attentes exprimées spontanément au cours de l’entretien. La compilation des réponses a permis de dégager des attentes unanimes et d’autres qui divisent.

2.3.4.1 Des attentes communes sur l’avenir de la canne

2.3.4.1.1 Orienter la canne sur des marchés de niches

Aujourd’hui, plus de 90 % des produits et sous-produits de la canne à sucre partent directement à l’exportation. Peu concurrentiel face aux géants du sucre tels que le Brésil ou l’Inde (la production cannière de La Réunion, 1,8 millions de tonnes, ne représente que 0,2 % de la production brésilienne en 2014), le sucre de La Réunion est pourtant un pilier de l’économie locale. Néanmoins la suppression des quotas sucriers européens prévue au 1er octobre 2017 l’exposera à la concurrence mondiale.

Face à ce contexte, la volonté est de créer des produits d’exception, à l’instar de l’île Maurice, ou d’être innovant sur les techniques de cultures de la canne à sucre. Ainsi, au lieu de produire plus et de se confronter au marché de masse, l’attente est de produire et de transformer différemment pour se positionner sur un marché de produits à plus forte valeur ajoutée.

2.3.4.1.2 …. Mais aussi se diversifier :

Les acteurs interrogés s’accordent sur la volonté de diversifier les cultures et l’inanité d’augmenter la surface agricole et de s’orienter vers une agriculture intensive.

Bien souvent la volonté de diversifier est motivée par l’objectif d’autosuffisance, de consommation d’une production locale pour se rassurer face à une éventuelle crise (port et aéroport bloqués, hausse du cours du pétrole diminuant le fret aérien et maritime, crise politique). Cette crainte fait ressortir la notion d’isolement indissociable du contexte insulaire. L’île est actuellement autosuffisante à près de 75 % pour les fruits et légumes, 30 % pour les viandes, 100 % pour les œufs et à peine 15% pour le lait (chiffres calculés à partir des données de la chambre d’agriculture). Dans les discours, l’agriculture faisait en premier lieu référence à la production de fruits et légumes, or c’est précisément la culture pour laquelle l’île est le plus avancée. Cette contradiction est-elle due à un manque de visibilité des produits locaux sur les étals des marchés et Grandes et Moyennes Surfaces (GMS), ou est-ce le manque de visibilité des espaces de production, surtout situés dans les hauts, en amont de la canne, qui est en cause ? Outre cette crainte, le besoin d’autonomie se fait sentir comme une tendance actuelle. L’envie d’être moins tributaire des systèmes commerciaux et de l’import/export s’ajoute à l’attente d’une agriculture moins gourmande en intrants chimiques.

0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00 Agriculture urbaine Augmentation de la surface Diversification Production personnelle Polyculture élevage Agriculture intensive Jardins créoles, agroécologie

Figure 13 : Les attentes des acteurs : graphique construit à partir des réponses positives (Source : FLR)

Figure

Figure 1: Le dessin du premier découpage parcellaire,  encore très visible aujourd'hui (Source : FLR, Openstreet  Map et BD TOPO)
Figure 3: Schéma de principe de la trajectoire des friches de l'apparition de l'agriculture à la fin de l'ère du café
Figure 4: La monoculture de la canne façonne le  paysage de la Réunion depuis le XIXème siècle  (Source : Département de La Réunion)
Figure 5: D'une forêt au pâturage en passant par un  champ de géraniums, les friches trouvent de nouvelles  fonctions – (Source : FLR)
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