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Partie 3. L’aménagement des friches en réponse aux attentes : cas d’étude, le territoire

3.1 Un territoire sélectionné pour son impact dans le territoire

Le territoire de Grande Ravine, d’une superficie de 120 ha, est divisé en 16 parcelles réparties entre 12 propriétaires. Plusieurs éléments ont été pris en compte pour argumenter le choix de ce territoire et répondre à la problématique.

3.1.1 Une superficie adéquate pour l’expérimentation

L’aménagement des friches peut se faire à différentes échelles : celle de la parcelle ou celle d’une partie de territoire, de plusieurs parcelles. Une parcelle unique se prête moins à l’aménagement du territoire en réponse aux attentes des acteurs. L’enjeu de l’aménagement de la parcelle unique n’est pas ici remis en cause, il présente une importance tout aussi grande que l’aménagement d’un ensemble de parcelles. Cependant, l’échelle plus grande permet de mener un projet de territoire dans son ensemble, afin de servir d’exemple. Les aménagements réalisés pourront ensuite être adaptés au cas par cas à une échelle plus fine.

3.1.2 Un statut de friche récemment affecté

Le projet d’irrigation du littoral Ouest a eu un impact conséquent sur la prise en considération de ce territoire en tant que terres agricoles. L’arrivée de l’eau a facilité le déclassement en zone agricole et le pouvoir d’action de la SAFER.

3.1.2.1 La mise en eau du secteur

Le secteur d’Antenne 6 sur lequel se situe le territoire de Grande Ravine est irrigué depuis 2007 (Conseil Général). Cela fait donc 10 ans que la culture est facilitée. Néanmoins, l’ancien POS de la commune de Trois-Bassins classait la zone en 2ND et bloquait toute mise en valeur agricole.

3.1.2.2 L’inexorable déclassement

La révision du PLU (Plan Local d’Urbanisme) en 2017 de la commune de Trois-Bassins a déclassé l’espace initialement zoné naturel (N) en espace agricole (A). Le passage en zone agricole facilite donc le pouvoir d’action de la SAFER et notamment de la procédure Terre Inculte qui pourra désormais s’appliquer. Cette nouvelle classification va ainsi permettre l’essor de la zone.

On peut supposer que ce déclassement découle directement de la mise en eau du secteur qui exerce une forme de pression politique.

3.1.2.3 L’analyse des orthophotos ne montre aucun signe de culture et pourtant….

L’analyse des orthophotographies historiques de 1949, 1966, 1978, 1989, 2003 et 2014 (ANNEXE 6) ne montre aucun signe d’une culture passée. Si l’on s’en tient à la définition même de la friche qui qualifie un espace dont l’activité pour laquelle il était destiné a été abandonnée, le terme de friche serait alors inapproprié pour ce territoire.

Néanmoins, on voit sur l’orthophotographie de 1978 une présence d’andains. Les andains étaient initialement créés dans les parcelles pour optimiser l’exploitation des terres, notamment pour la culture de la canne. Ainsi, entre 1966 et 1978, une culture a dû avoir lieu ou des projets de mise en culture ont dû exister mais aucune trace autre que ces amas rocheux ne peut confirmer l’existence d’une pratique agricole. En outre, entre 1949 et 1966, de nombreux enclos apparaissent, indiquant l’activité d’élevage, probablement familial, relativement élevée. En effet, on compte 7 enclos en 1966 dont 6 supplémentaires par rapport à 1949.

Une dernière source d’informations est la rencontre avec le maire de Trois-Bassins et son adjoint à l’urbanisme. Leur rencontre avec les familles d’anciens propriétaires du territoire concerné aurait fait ressurgir l’existence d’une culture de CUCURBITACEAE avant la seconde guerre mondiale. La localisation, la surface exploitée et le temps d’activité devraient être précisés lors d’une seconde rencontre sur site avec ces mêmes familles.

Ce ne sont ainsi que des suppositions de mise en culture du site qui sont faites.

Le territoire de Grande Ravine peut-il vraiment être qualifié de friche agricole sans preuve formelle de culture ? Et, quand bien même le territoire aurait été réellement cultivé, est-ce tout ou en partie, sur quelle période ? Sans ces précisions, la notion de friche reste ballante. Ainsi, nous qualifierons ce territoire de néo friche. La néo friche est définie comme telle : espace peu ou pas cultivé par le passé pour des raisons de contraintes géo pédoclimatiques ou réglementaires, aujourd’hui abandonné, mais profitant d’aménagements en vue d’une mise en culture. La néofriche s’inscrit dans un temps court entre la levée d’une contrainte ou son projet et la réception des travaux permettant l’installation d’agriculteurs et le début de leur activité. Ce terme de néo friche sur le territoire de Grande Ravine se justifie premièrement par la possibilité de mise en culture par l’apport de l’irrigation et, dans un deuxième temps par le déclassement du zonage naturel du PLU au profit d’un zonage agricole (en coupure d’urbanisation).

3.1.3 Un espace sensiblement vierge possédant un impact visuel conséquent

3.1.3.1 Les espèces envahissantes contredisent la notion de biodiversité

Aucune activité n’est recensée dans les différents documents : pas d’activités agricoles, pas d’activités de loisirs (sentiers de randonnée, aires de pique-nique, points de vue), pas même d’anciennes activités de nature qui auraient été compromises par la colonisation du site par les végétaux. L’espace semble être un vide dans le territoire, une zone noire. Son ancien zonage comme espace naturel laisse penser que le degré de biodiversité est correct. Mais c’est face à un site colonisé par des espèces exotiques envahissantes (EEE) que nous nous trouvons. Dichrostachys cinerea (Figure 15) et le Leucaena

Figure 15: Un territoire envahi par la peste végétale Dichrostachys cinerea (Source : FLR)

leucocephala appelés respectivement Kéké et Cassi ou Moza dans le langage courant sont deux plantes exotiques, de la famille des FABACEAE. Elles sont considérées comme des espèces très envahissantes selon l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Leur lutte est alors une nécessité afin de limiter leur étalement qui réduit peu à peu la biodiversité (au moins floristique) sur l’île.

On note également la présence sur le haut de la zone d’étude de Furcraea foetida, ASPARAGACEAE, connu en tant que Choca vert. Sa présence reste encore minime comparativement aux FABACEAE précédemment citées.

3.1.3.2 Une visibilité importante qui ne rend pas pour autant la friche perceptible.

La situation même du territoire, entre les deux routes principales de l’ouest : la route des Tamarins (36 240 véhicules/jour en 2012 au niveau de Trois-Bassins) et la route du Littoral (entre 9 225 véhicules/jour à Saint-Leu et 17 933 véhicules/jour à Saint- Gilles en 2012) (INSEE) en fait un territoire en devanture. Par ailleurs, les fortes pentes en direction de la mer augmentent sa visibilité depuis la route des Tamarins qui surplombe le territoire et offre de nombreux points de vue dominants depuis les ponts. Malgré ces caractéristiques, le territoire n’est pas visible pour autant. Le sentiment de déprise agricole ne transparaît pas. Etant très uniforme, et la végétation arbustive, il ne ressort pas comme un espace abandonné. A l’instar de la savane, monochrome, reconnue comme un paysage remarquable, l’uniformisation de l’espace par les plantes envahissantes ne semble pas choquer.

La transformation de ce territoire va ainsi impacter grandement les perceptions des automobilistes. D’un espace uniforme et peu visible, il va aller vers un espace aménagé, dynamique et diversifié.

Ainsi, la surface, le récent statut de friche, l’enjeu environnemental et paysager sont les principaux critères ayant motivé le choix de ce territoire. D’autres caractéristiques du site le rendent également particulier.

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