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Perspectives d'intervenantes sur les pratiques d'intervention à privilégier auprès des femmes victimes de violence conjugale et présentant des troubles mentaux modérés

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Academic year: 2021

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Perspectives d’intervenantes sur les pratiques

d’intervention à privilégier auprès des femmes

victimes de violence conjugale et présentant des

troubles mentaux modérés

Mémoire

Elisabeth Kitoko

Sous la direction de :

Bernadette Dallaire

Québec, Canada

©Elisabeth Kitoko, 2018

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RÉSUMÉ

Ce mémoire s’intéresse aux perspectives d’intervenantes/travailleuses sociales sur les pratiques d’intervention à privilégier auprès de femmes victimes de violence conjugale et présentant des troubles mentaux modérés. L’étude a été effectuée auprès de six intervenantes/travailleuses sociales issues de centres de différents services sociaux spécialisés de la région de Québec et possédant de nombreuses années d’expérience de travail avec des femmes victimes de violence conjugale et aux prises avec des troubles mentaux modérés. Les perspectives d’intervention de nos intervenantes reposent sur plusieurs approches, mais elles privilégient l’approche féministe puisque, selon elles, elle permet aux femmes de comprendre à la fois la dynamique et la cause sociétale de la violence conjugale à laquelle elles font face. Dans leur pratique quotidienne, les intervenantes participantes à notre étude estiment que les troubles mentaux des victimes sont mal diagnostiqués. Elles expliquent que les médecins en santé mentale traitent les symptômes de santé mentale des victimes sans vraiment tenir compte de la dynamique de violence conjugale dans laquelle elles vivent. Ce qui nous permet de déduire qu’actuellement l’approche médicale prend le dessus sur l’approche psychosociale et que les répercussions de la violence conjugale sur les victimes sont catégorisées comme de simples problèmes de santé mentale. L’exploration et l’analyse des résultats des avis des intervenantes confirment d’une part, que les conséquences sur le plan de la santé mentale sont inhérentes au vécu de victimisation et qu’une portion non négligeable des femmes victimes de violence conjugale développeront des troubles mentaux dans ce contexte; d’autre part, ils montrent que la collaboration entre les professionnels en santé mentale (médecins et psychiatres) et les intervenantes des centres spécialisés en violence conjugale est essentielle pour bien cerner cette problématique et mieux répondre aux besoins des femmes violentées.

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SUMMARY

This research focuses on perspectives of intervention practices for victims of domestic violence, with moderate mental health disorders. It was conducted among six social workers from various centers, specialized in social services in the Quebec City region, who possessed many years of experience working with victims of domestic violence affected by moderate mental health disorders. The perspectives of intervention emanating from our participants, were based on several approaches. They prioritized the feminist approach, because, from their point of view, it allows women to understand both the dynamics and societal causes of the domestic violence they face. In their daily practice, the participants of our study believe that the mental disorders of the victims are misdiagnosed. They explain that mental health physicians treat victims' mental health symptoms without really considering the dynamics of the domestic violence in which the victims live. This allows us to deduce that currently, the medical approach is taking over the psychosocial approach, and that the repercussions of domestic violence on victims are categorized as simple mental health problems. The exploration and analysis of the results of the participants’ opinions confirm, on one hand, that the mental health consequences are inherent in the victimization experience and that a significant portion of the women victims of domestic violence will develop mental disorders in this context. On the other hand, they show that collaboration between mental health professionals (doctors and psychiatrists) and the professionals of centers specialized in domestic violence, is essential to properly understand this problem and better respond to the needs of abused women.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

SUMMARY... iv

TABLE DES MATIÈRES………...v

LISTE DES ANNEXES………..viii

LISTE DES TABLEAUX………..ix

DÉDICACES ... ……….x

REMERCIEMENTS ... xi

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 – Problématique et recension des écrits ... 4

1.1. La démarche documentaire……….………4

1.2. Aperçu sur ce qu'est la violence conjugale………..5

1.3. Conséquences de la violence conjugale sur la santé en général ... 6

1.4. Troubles mentaux pouvant être engendrés par la violence conjugale ... 7

1.5. Violence conjugale et santé mentale ... 9

1.6. Description empirique des différents modèles d’intervention ... 10

1.6.1. Le modèle féministe ... 10

1.6.2. Le modèle psychodynamique ... 11

1.6.3. Le modèle psychoéducatif…...………...11

1.6.4. Le modèle cognitivo-comportemental ... 12

1.6.5. L’intervention de groupe de soutien ... 13

1.7. Similarités des modèles d’intervention... 17

1.8. Difficultés d’interactions entre intervenants et professionnels de la santé mentale... 18

1.9. Les limites des recherches existantes dans ce domaine ... 20

1.10. Objectif et pertinence et de l’étude...21

CHAPITRE 2 – Cadre conceptuel ... 23

2.1. Perspective phénoménologique ... 23

2.2. Concepts de la phénoménologie... 24

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2.4. Questions de recherche ... 27

CHAPITRE 3 - Méthodologie ... 28

3.1. Visée de la recherche ... 28

3.2. Type de recherche ... 28

3.3. Population à l’étude : échantillon et modalités de recrutement... 29

3.3.1. Population à l’étude ... 29

3.3.2. Échantillon ... 29

3.3.3. Les modalités de recrutement ... 30

3.4. Collecte des données ... 31

3.5. Traitement des données ... 32

3.6. Dispositions éthiques ... 34

CHAPITRE 4 – Résultats ... 36

4.1. Caractéristiques des participantes à l’étude ... 36

4.2. Perspectives des intervenantes sur la problématique de la concomitance violence conjugale - troubles légers de santé mentale ... 39

4.2.1. Mode d’accès au service d’intervention de santé mentale dans le CLSC - Haute - ville et CLSC - Basse-ville de Québec ... 39

4.2.2. Mode d’accès aux services des organismes spécialisés en violence conjugale ... 42

4.3. La concomitance : plus que l’addition de deux problématiques... 43

4.4. Les particularités de la concomitance violence conjugale - troubles mentaux modérés ... 43

4.5. Nature des troubles mentaux des femmes victimes de violence conjugale ... 45

4.5.1. Les troubles mentaux modérés les plus fréquents ... 46

4.5.2. Les troubles mentaux les moins fréquents ... 47

4.6. Les modèles d’intervention utilisés dans les trois centres ... 48

4.6.1. Les modèles d’intervention utilisés au Centre intégré universitaire de santé et services sociaux de Québec ... 48

4.6.2. Les modèles d’intervention de base à Marie-Rollet et Violence Info ... 50

4.7. Quelques outils utilisés dans les interventions ... 51

4.8. Similarités entre les modèles d’intervention ... 53

4.9. Points de vue des intervenantes sur les modèles d’intervention à prioriser en cas de violence conjugale concomitante avec troubles mentaux ... 54

4.10. Comparaison entre les modèles d’intervention répertoriés dans études scientifiques et ceux des participantes à l’étude... 56

4.11. Points de vue des intervenantes concernant les conséquences de la violence conjugale sur la santé mentale des victimes ... 56

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4.12. Les diverses formes de violence conjugale ... 57

4.13. Commentaires des intervenantes sur la collaboration avec les professionnels en santé mentale ... 58

4.14. Suggestions des intervenantes pour combattre la violence conjugale dans la société ... 60

CHAPITRE 5 – Discussion ... 62

5.1. Les conséquences de la violence sur la santé mentale des femmes ... 62

5.2. Comparaison et analyse des pratiques d’intervention utilisés dans les trois organismes ... 63

5.3. Analyse de l’efficacité des approches utilisées dans les trois organismes... 65

5.4. Pratiques d’intervention à privilégier en cas de concomitance de violence conjugale et de troubles de santé mentale ... 66

5.4.1. Analyse de la perspective féministe concernant la violence conjugale ... 66

5.5. Les forces de la recherche ... 67

5.6. Les limites de la recherche ... 68

CONCLUSION ... 70

RÉFÉRENCES ... 72

ANNEXE A – Affiche de recrutement ... 83

ANNEXE B – formulaire d’information et de consentement à la recherche ... 85

ANNEXE C – Guide d’entrevue ... 92

ANNEXE D – grille de codification des thèmes principaux ... 95

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LISTE DES ANNEXES

ANNEXE A – Affiche de recrutement………..83

ANNEXE B – Formulaire d’information et de consentement à la recherche………85

ANNEXE C – Guide d’entrevue………92

ANNEXE D – Grille de codification des thèmes principaux……….95

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LISTE DES TABLEAUX

TABLEAU 1 – Mode de fonctionnement des différents modèles d’intervention………..16 TABLEAU 2 – Similarités des modèles et améliorations requises selon les études

empiriques….………..18 TABLEAU 3 – Caractéristiques professionnelles des participantes………..38 TABLEAU 4 Pourcentage des troubles mentaux les plus et les moins fréquents chez les victimes………48 TABLEAU 5 – Répartition des modèles d’intervention utilisés dans les 3 centres

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DÉDICACES

Avec toute mon affection, je dédie ce mémoire à :

Ma mère, Angèle Mayamba Messi, qui a fait de moi la femme que je suis aujourd’hui. C’est grâce à elle que j’ai continué mes études supérieures, car elle a cru en mes capacités. Merci, maman, pour ton amour et ton soutien, tu as été une mère merveilleuse qui a sacrifié sa vie pour ses enfants. Tes enfants t’aiment et ne t’oublieront jamais, malgré le vide et la douleur que tu as laissés dans nos vies.

Merci également à mon père, Pablo Bafeno Kitoko pour son encouragement et son soutien tout au long de mes études. Merci pour les valeurs nobles et l’éducation que tu nous as données ainsi que pour le soutien permanent que tu nous as apporté.

Ma tante, Hélène Amba Ndumba, pour son amour et ses conseils. Nous t’aimons et ne t’oublierons jamais, malgré ton absence qui nous attriste encore.

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REMERCIEMENTS

Mon intérêt pour cette problématique remonte à il y a quelques années lorsque j’ai travaillé en maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale et constaté que les intervenantes n’étaient pas très bien outillées pour intervenir auprès des femmes victimes de violence conjugale prises avec les problèmes de santé mentale. Ces femmes étaient suivies en externe par d’autres professionnels pour le traitement de leurs problèmes de santé mentale. Pour cela, je voulais avoir une vision plus large sur les modèles d’intervention utilisés et faire une réflexion sur le sujet.

Tout d’abord, je tiens à exprimer ma gratitude à Dieu, car il m’a permis de réaliser cette recherche jusqu’à la fin, malgré les difficultés et problèmes personnels survenus durant mon parcours universitaire.

Ensuite, je prends le temps de remercier de façon toute particulière ma directrice, Madame Bernadette Dallaire, professeure à l’École de travail social et de criminologie. Elle a toute ma gratitude pour le soutien, la compréhension, la patience et la tolérance qu’elle a su démontrer à mon égard tout au long de mon cheminement. Elle a été un excellent guide dans la réalisation de ce mémoire. Sa précieuse assistance restera à jamais gravée dans ma mémoire.

Merci à mon oncle, Gabriel Bakaka Booto, mes sœurs, Hélène Mbila, Christine Kitoko, Joséphine Mwanvua, Valentine Kitoko et Jessica Kitoko, mes frères, Emmanuel Matata, Lambert Mungakali, Mugugu Beauduin et John Kitoko pour leur soutien inestimable. Je ne peux oublier de remercier également ma belle-sœur Francine Zima, une femme extraordinaire que Dieu a mise sur la route de notre famille.

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Merci à mes amis, Christine Tshuinza, Leslie Wato, Abimbola Fajobi, Pamela Amba et Samuel Kabongo. Je ne saurai jamais comment vous remercier de tout ce que vous avez su apporter à ma vie. Merci pour vos conseils, soutien et encouragement.

Enfin, j’exprime ma gratitude aux intervenantes qui m’ont permis de réaliser cette recherche. Leurs nombreuses années d’expérience m’ont permis de rédiger ce travail de fin d’études. Encore une fois, merci pour votre temps, car cette recherche n’aurait pas été possible sans votre participation.

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INTRODUCTION

Cette étude porte sur les pratiques d’intervention utilisées auprès de femmes victimes de violence conjugale dans un contexte de concomitance de violence conjugale et troubles mentaux modérés. L’intérêt pour ces pratiques dans ce domaine particulier est récent dans la littérature scientifique (Waalen, Goodwin, Spitz, Perersen et Saltzman, 2000). On sait pourtant que la violence fondée sur le sexe est l’une des violations des droits de la personne les plus répandues (Velzeboer, Ellsberg, Clavel et Garcia-Moreno, 2003). Elle touche une femme sur trois et constitue l’un des principaux problèmes sociaux auxquels fait face la santé publique dans le monde d’aujourd’hui, en raison des conséquences à court et à long termes sur la santé mentale et physique des victimes (Pico-Alfonso, Garcia-Linares, Celda-Navarro, Blasco-Ros, Echeburua et Martinez, 2006; Stewart et Robinson, 1998; Velzeboer et al., 2003). La violence conjugale est un phénomène social qui n’a pas de frontières géographiques. Elle se vit dans toutes les classes sociales, les religions, les groupes ethniques, les sociétés et les régions géographiques (Howard, Trevillion et Agnew-davies, 2010; Lee, Pomeroy et Bohman, 2007).

Au début du 20e siècle, le domaine de la santé était négativement influencé par le champ de la psychanalyse sur la façon de répondre aux besoins des victimes de la violence conjugale. En effet, les psychiatres préfreudiens diagnostiquaient les femmes violentées comme étant des personnes ayant un retard mental causé par la schizophrénie (Roberts, Williams, Laurence et Raphaël, 1999). Cette perception de la violence conjugale a eu pour effet d’éloigner les intérêts de la recherche sur ce phénomène. Ce n’est qu’au cours des années 1960 que des pédiatres et des radiologues ont commencé à s’intéresser à la violence au sein des familles, en se penchant surtout sur la maltraitance des enfants. Dans les années 1970, le mouvement de libération des femmes en a fait une priorité politique. C’est ainsi que la mise en lumière de la problématique a forcé d’autres disciplines, telle que la médecine, à s’y intéresser (Lavergne, 1998; Roberts et al.,1999).

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Par la suite, des études ont montré que les femmes violentées par leurs conjoints représentaient une grande proportion des personnes qui se présentaient aux services d’urgence. Une étude américaine du département de la justice (Bureau of Justice Statistics, 1997) indique que sur l’ensemble des patients qui sont vus aux urgences, certains vivent dans un contexte de violence qui peut influencer leur état de santé. Pour la population féminine, plusieurs enquêtes ont montré que 19 à 25% des femmes qui consultent un service d’urgence, tous motifs confondus, sont victimes de violence conjugale (Bates, Hancock et Peterkin

,

2001 ; Golberg et omlanovich, 1984). Ces études ont désormais mis de l’avant les problèmes de santé mentale des femmes violentées en les considérant comme des conséquences de la violence conjugale. Les théories qui blâmaient les femmes qui en sont victimes ont ainsi été mises de côté (Roberts et al., 1999).

Les problèmes psychologiques sont paradoxalement plus élevés chez les femmes qui ont quitté une relation abusive par rapport à celles qui y demeurent encore (Anderson et Saunders, 2003; Campbell, Jones, Dienemann, Kub, Schollenberger, O’Campo, Gielen et Wynne, 2002; Mercy, Krug, Dahlberg, et Zwi, 2003). Par ailleurs, un examen approfondi des écrits scientifiques d’Edmunds, Peterson et Underwood (cités dans Dienemann, Campbell, Landenburger et Curry, 2002) conclut que les victimes de violence conjugale, de viol et d’agression sexuelle ont généralement besoin de services de santé mentale, y compris l’intervention psychoéducative et psychothérapeutique. Ces interventions sont des éléments d’une approche globale pour aider les femmes victimes de violence conjugale (Dienemann et al., 2002).

Le présent mémoire présente les résultats d’une recherche qualitative qui vise à explorer les points de vue de professionnelles spécialisées dans l’intervention auprès de femmes victimes de violence conjugale concomitante avec des troubles mentaux modérés. Six intervenantes/travailleuses sociales issues du Centre intégré universitaire de santé et des services sociaux de Québec (CIUSSS/CLSC-Haute-ville et CLSC-Basse-ville), de la maison d’hébergement Marie-Rollet et de l’organisme communautaire Violence Info ont

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donné leurs points de vue sur les modèles d’intervention utilisés dans leurs pratiques courantes. Ces points de vue sont analysés à travers leurs discours et récits sur les conduites professionnelles qu’elles adoptent auprès des femmes victimes de violence conjugale et ayant développé des troubles mentaux modérés.

Dans le premier des cinq chapitres de ce mémoire, nous nous intéressons à la problématique de la recherche à travers la recension d’écrits sur la violence conjugale et ses conséquences en matière de santé mentale. Nous abordons ensuite la description empirique et les similarités des différents modèles d’intervention, puis les difficultés d’interactions entre des champs d’intervention en santé mentale et en violence conjugale. Finalement, nous citons les limites de certaines études scientifiques et soulignons l’objectif et la pertinence de la nôtre.

Le deuxième chapitre porte sur le cadre conceptuel de la recherche, à savoir l’approche phénoménologique. Nous en faisons d’abord un survol de la perspective phénoménologique, suivi de ses concepts. Nous expliquons ensuite la phénoménologie de l’intervention individuelle et nous suggérons les questions de recherche. Dans le troisième chapitre, nous présentons les démarches méthodologiques effectuées lors de notre recherche. Nous précisons la visée de la recherche dans un premier temps, puis le type de notre recherche. Dans un troisième temps, nous décrivons la population à l’étude, l’échantillon et les modalités de recrutement, le mode de collecte des données, le mode de traitement des données et les dispositions éthiques.

Dans le chapitre 4, nous présentons les résultats portant (a) sur les perspectives des intervenantes sur la problématique de la violence conjugale, (b) sur les conséquences de cette violence sur la santé mentale des victimes et (c) sur les pratiques d’intervention à privilégier dans ces cas. Dans le chapitre 5, nous présentons une discussion sur les résultats, ce qui implique une interprétation des résultats en faisant des liens avec les conclusions d’autres études scientifiques sur le sujet. Finalement, nous présentons un résumé sur l’ensemble de la recherche et nous rapportons les pistes de suggestions des intervenantes qui rendraient les interventions plus bénéfiques pour les victimes.

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CHAPITRE 1 – Problématique et recension des écrits

Ce chapitre porte sur la problématique de recherche dans laquelle la recension des écrits est d’abord expliquée. Ensuite, un aperçu sur ce qu’est la violence conjugale est donné, suivi de ses conséquences sur les victimes. Vient ensuite la description des troubles mentaux engendrés par la violence conjugale et ses conséquences sont décrites. Puis, différents modèles d’intervention empiriques sont présentés. La description et les similarités entre les modèles d’intervention sont ensuite répertoriées. Dans un quatrième temps, les difficultés rencontrées par les intervenantes dans leur champ d’intervention sont soulevées. Nous poursuivons par une description des limites de certaines études qui se sont intéressées à la question de la concomitance violence conjugale — troubles mentaux modérés. Finalement, nous traitons de la pertinence scientifique et sociale de notre démarche de recherche.

1.1. La démarche documentaire

Pour avoir une idée sur ce que rapporte la littérature sur notre sujet, nous avons consulté le site de la bibliothèque des sciences humaines et sociales, les banques de données Francis, Repère (articles de périodiques québécois) et Social Services Abstracts, Social Work Abstracts, PsycINFO, Family & Society studies and Society Studies Worldwide. La période concernée couvrait 2013-2018. Outre ces banques de données, nous avons également utilisé la recherche documentaire sur Google, les listes de références de certains articles scientifiques afin de solidifier la documentation pour notre travail de recherche. Les mots clefs suivants ont été utilisés : domestic violence, mental health and interventions or counseling, domestic violence and mental health, domestic violence and mental health best practices, violence conjugale et troubles mentaux, troubles transitoires ou modérés en santé mentale, troubles mentaux, violence conjugale, Statistique Canada, le modèle féministe, les modèles d’intervention en santé mentale et en violence conjugale, les modèles d’intervention en violence conjugale, les modèles d’intervention en santé mentale, les conséquences de la violence conjugale, les effets de la violence conjugale, consequences of domestic violence, conséquences physiques, conséquences

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psychologiques, thérapie féministe, concomitance, coocurrence, les particularités de la violence conjugale et troubles mentaux.

1.2. Aperçu sur ce qu’est la violence conjugale

Au Canada, la violence faite aux femmes a émergé en tant qu’enjeu public durant les années 1970, dans la foulée du mouvement féministe et des groupes de conscientisation. Cet enjeu a poussé les porte-paroles à créer pour la première fois des maisons de transition et des centres d’aide pour les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants. Elles se sont centrées sur l’acquisition de l’autonomie par laquelle les femmes doivent croire en elles-mêmes, s’entraider et collaborer pour aider les femmes violentées à se libérer de la violence qui leur est infligée par les partenaires (Garceau et Dupont, 2007). C’est le mouvement féministe qui a défini la violence faite aux femmes comme étant un problème social et politique nécessitant des réformes sociales et structurelles (Denham et Gillespie, 1999). Ainsi, on considère qu’il y a violence sur une femme lorsqu’elle est victime d’abus de pouvoir provenant de conjoint, d’ex-conjoint, de partenaire ou d’ex-partenaire (homme ou femme). Ces abus causent chez les femmes la perte de leur dignité, de leur pouvoir et de leur sécurité tout en créant un sentiment d’impuissance qui fait que la femme soit victime de la violence psychologique, la violence économique, la violence physique, la violence verbale, la violence sexuelle et la violence spirituelle (Denham et Gillespie, 1999).

Au cours des siècles, la violence conjugale était considérée comme une expérience interpersonnelle relevant du domaine privé. Elle a donc longtemps été à la fois tolérée, niée et stigmatisée. Toutefois, les mouvements sociaux des dernières décennies, le mouvement féministe en particulier, ont fait évoluer les définitions et les discours. La violence entre conjoints a ainsi été criminalisée et renommée : de « femmes battues » à « violence conjugale ». La violence conjugale est sans aucun doute le terme le plus couramment employé ces dernières années et peut aussi, dans un sens, encadrer la violence entre les membres du couple autres que les partenaires hétérosexuels ou homosexuels (Allen, 2013). Selon Hammons (dans Allen, 2013), la désignation

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particulière « violence faite aux femmes » indique que l’inégalité structurelle entre les hommes et les femmes constitue la base de cette forme de violence.

Avant d’aborder les stratégies et les modèles d’intervention à prioriser face aux femmes ayant des troubles mentaux dus à la violence conjugale, donnons d’abord une définition de cette problématique selon des sources gouvernementales, d’une part, et des spécialistes de ce sujet, d’autre part. La violence conjugale comprend des agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que des dominations sur le plan économique. Elle ne résulte pas d’une perte de contrôle, mais constitue, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. Elle peut être vécue dans une relation maritale, extra maritale ou amoureuse, à tous les âges de la vie (Gouvernement du Québec, 1995). La violence conjugale se caractérise par l’intention de contrôle et par la recherche de pouvoir sur l’autre (Saint-Jacques, Drapeau, Cloutier et Turcotte, 2004). Ce terme incorpore toutes les formes de violence : la violence physique, la violence psychologique, la violence verbale ou émotionnelle et la violence économique (Humphreys et Thiara, 2003). En recherche, la désignation « violence conjugale » réfère à toute conceptualisation de la violence utilisée sur les partenaires (les couples mariés ou non mariés et les personnes dans les relations hétérosexuelles ou homosexuelles) telle que la violence physique, la violence psychologique, la violence verbale et la violence sexuelle (Mears, 2003).

1.3. Conséquences de la violence conjugale sur la santé en général

Les conséquences de la violence conjugale dépendent du type de violence infligée à la personne (Kumar, 2012). De nombreuses études ont essayé d’évaluer ses effets sur la femme. Certaines ont identifié le type de blessures que subissent les femmes lors des agressions, tandis que plusieurs autres ont documenté l’état général de la santé mentale et physique de la femme (Turgeon, 2003). Les conséquences psychologiques sont autant sinon plus marquantes que les effets physiques (Kumar, 2012). Un nombre important de femmes victimes de violence conjugale souffrent de problèmes psychologiques. La dépression, les symptômes de stress post-traumatique, l’isolement et la perte de l’estime

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de soi sont vécus par les femmes vivant ou qui ont vécu dans une relation abusive (Campbell et al., 2002 ; Mercy et al., 2003). Plus récemment, en 2015, une équipe de chercheurs de l'Institute of Psychiatry, Psychology and Neuroscience du King's College de Londres en Angleterre, de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM) et de l'Université de Montréal, a confirmé qu’en plus d'en subir les séquelles physiques, les femmes victimes de violence conjugale sont plus à risque de vivre des problèmes de santé mentale, tels que la dépression et des symptômes psychotiques (voir notamment :http://nouvelles.umontreal.ca/article/2015/03/31/impact-de-la-violence-conjugale-sur-la-sante-mentale-des-femmes/). De plus, elles peuvent ressentir la peur de devenir elles-mêmes violentes envers les enfants ou de les perdre. Plusieurs présentent aussi des problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie. Elles ont davantage de pensées suicidaires (elles peuvent parfois même se suicider) et des pensées d’homicide comparativement à celles qui ne sont pas victimes de violence (Garceau et Dupont, 2007 ; Kumar, 2012). Pour ce qui est de conséquences physiques, ces femmes ont des problèmes de santé à cause des blessures infligées (ecchymoses, fractures, coupures, incapacités fonctionnelles pour le reste de leur vie etc.), des insomnies, des besoins de soins médicaux ou d’hospitalisation, de l’arrêt d’activités quotidiennes ou du travail et la crainte que l’on attente à leur vie (Garceau et Dupont, 2007).

1.4. Troubles mentaux pouvant être engendrés par la violence conjugale

Tout d’abord, définissons les notions de santé mentale, troubles mentaux et troubles mentaux modérés. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé mentale « est un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté » (OMS, 2010). Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) définit la santé mentale comme étant la capacité de l’individu, du groupe et de l’environnement d’avoir des interactions qui contribuent au bien-être subjectif, au développement et l’emploi optimal des capacités mentales de la personne, à la réalisation des buts individuels et collectifs justes et à la création des conditions d’égalité fondamentale (MSSS, dans comité régional en développement social Centre-du-Québec, 2008).

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Les troubles mentaux sont des maladies diagnostiquées qui causent des détériorations sur le plan cognitif, affectif ou comportemental pouvant nuire au fonctionnement social de l’individu (Direction de la Santé publique de Montréal-Centre, 2001). Il y a les troubles mentaux graves (connus auparavant comme sévères et persistants) et que Kissling, McGrath et White (2010) associent à un niveau d’incapacité qui interfère de façon significative dans les relations interpersonnelles, les compétences sociales de base et la capacité fonctionnelle dans la production d’un travail. Par exemple, la schizophrénie est un trouble mental grave, car elle affecte la manière dont les personnes ressentent et perçoivent le monde. Au Québec, on peut affirmer que 2 à 3 % de la population adulte présente un trouble mental grave (Centre de santé et de services sociaux de Saint-Léonard et Saint-Michel, 2006).

Les troubles mentaux modérés sont généralement moins handicapants que les troubles mentaux graves, mais beaucoup plus fréquents. Le Plan d’action ministériel cible les troubles anxieux et ceux de l’humeur et les définit comme étant des troubles mentaux très fréquents associés à un fardeau individuel, social et économique élevé. De plus, ils sont en voie d’augmentation. Au Canada, les prévalences à vie pour la dépression majeure et pour les troubles anxieux sont respectivement de 10 et de 21 % » (Centre de santé et de services sociaux de Saint-Léonard et Saint-Michel, 2006).

Lorsqu’on parle de santé mentale, on se réfère aux pensées, aux sentiments et aux agissements d’une personne. Celle-ci joue un rôle très important dans les interactions entre les individus, dans la manière dont ils surmontent les problèmes, les difficultés, le stress ainsi que la façon dont ils relèvent les défis. Les troubles mentaux, graves ou modérés, sont des maladies diagnostiquées par un médecin ou un psychiatre et qui demandent des traitements, des suivis thérapeutiques ou des interventions (Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), 2012).

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9 1.5. Violence conjugale et santé mentale

Auparavant, les recherches menées sur les conséquences de la violence conjugale étaient davantage centrées sur la violence physique que sur la violence psychologique. Les études sur la violence psychologique étaient centrées sur la psychométrie et traitaient de la complexité de la mesure de cette forme de violence plutôt que de chercher à comprendre son impact sur la santé mentale des victimes (Maiuro, 2001), malgré le fait que les femmes mentionnaient que c’est la violence psychologique qui leur causait le plus de détresse émotionnelle (Mechanic, Weaver et Resick, 2008). Des recherches américaines, canadiennes et québécoises des deux dernières décennies ont démontré qu’il existe une solide corrélation entre la violence conjugale et la dépression, l’anxiété, le stress post-traumatique, la somatisation, la tentative de suicide, l’alcoolisme et la toxicomanie (Roberts et al., 1999). D’autres études ont mis davantage l’accent sur les conséquences de la violence psychologique pour mieux aider les femmes (Basile, Arias, Desai et Thompson, 2004 ; Dutton, Goodman, Bennett, 1999).

Certains chercheurs soutiennent que la violence conjugale cause des problèmes de santé mentale chez les femmes violentées, en particulier la dépression, l’anxiété, le stress post-traumatique, l’isolement et la perte d’estime de soi (Campbell et al., 2002 ; Mercy et al., 2003 ; Roberts et al., 1999). La dépression et les symptômes de stress post-traumatique affectent les activités ou les tâches quotidiennes des femmes violentées et limitent leur capacité d’être autonomes (Brush, 2000 ; Constantino, Sekula, Rabin, et Stone, 2000 ; Gilson, DePoy et Cramer, 2001). Une étude menée aux États-Unis par Basile et al. (2004) à partir de sondages téléphoniques National Violence Against Women

Survey (NVAWS), confirme que la violence physique et psychologique et le harcèlement

sont les causes des symptômes de stress post-traumatique chez les participantes. Du côté des études québécoises, celle de Rinfret-Raynor, Cantin et Marquis (1994) montre que la proportion de symptômes psychotiques est plus grande chez les femmes violentées par rapport à celle des femmes non violentées et que les conséquences de la violence conjugale persistent très longtemps. Sur le même sujet, Kérouac et Taggart (1994) obtiennent des résultats similaires.

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1.6. Description empirique des différents modèles d’intervention

La nécessité d’avoir différents moyens d’intervention pour aider les femmes victimes de violence conjugale ne fait plus de doute. Au cours des trois dernières décennies, plusieurs modèles d’intervention individuelle et de groupe ont été développés pour répondre aux besoins des femmes victimes de violence conjugale et ayant développé des problèmes de santé mentale. Selon plusieurs analyses, ces modèles ont été construits sur différentes bases idéologiques avec pour toile de fond commune le contexte individualiste des sociétés occidentales (Dutton, 1992 ; Hansen et Goldenberg, 1993 ; Harway et Hansen, 1993). Ces modèles incluent les approches psychothérapeutiques ainsi que l’approche féministe. Cette dernière étant la plus privilégiée par les professionnels dans ce domaine (Haj-Yahia, 2011).

1.6.1. Le modèle féministe

L’intervention féministe découle de la thérapie féministe, apparue vers les années 1970 en réponse aux approches thérapeutiques nord-américaines qui avaient été développées principalement par des hommes et pour répondre aux besoins des hommes (Corbeil et Marchand, 2010). Le terme « thérapie féministe », plus utilisé aux États-Unis, est défini comme « une forme alternative au sexisme en thérapie » (Coderre et Hart, 2003). Cette approche permet aux femmes d’examiner les causes sociétales de domination (Dieneman et al., 2002 ; Sharma, 2001). L’intervention féministe permet de comprendre les problèmes vécus par les femmes ainsi que les structures sociales opprimantes. Ce modèle d’intervention s’éloigne des dimensions psychique et individuelle des problèmes parce qu’il permet de faire une analyse sociopolitique. Cette approche opte pour le changement social et structurel et consiste à dénoncer toutes les formes de violences et de discrimination faites aux femmes. Son objectif principal est de considérer les problèmes des rapports sociaux de genre et leurs manifestations dans chaque sphère de l’histoire de vie. Cette approche s’oppose à toutes les approches qui ne tiennent pas compte de l’impact de rapports de pouvoir entre les sexes et de leurs conséquences sur les femmes et leur environnement, leur représentation d’elles-mêmes et sur le contrôle de leur vie (Corbeil et Marchand, 2010).

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11 1.6.2. Le modèle psychodynamique

L’approche psychodynamique est un ensemble de pratiques qui englobent la psychanalyse traditionnelle et les psychothérapies. Elle permet d’intervenir sur les plans individuel et familial en se centrant sur le développement des personnes (Bornstein, 2005). C’est une version modifiée de la psychanalyse développée par Freud (Bornstein, 2005), le premier professionnel en psychothérapie à traiter des problèmes de santé mentale en utilisant la thérapie de la parole (Dombeck et Wells-Moran, 2006). Selon l’approche psychodynamique, la violence conjugale « est un symptôme du développement pathologique de la personnalité de l’agresseur, de la victime ou encore des deux partenaires » (Ayotte, Brisson, Prud’homme et Tremblay, 2007). Cette approche considère que les traits masochistes d’une victime peuvent faire en sorte qu’elle provoque la violence de son partenaire (Ayotte et al., 2007). Elle suppose aussi que la violence a été particulièrement provoquée par des traumatismes vécus par une personne durant son enfance (par exemple, si elle a été témoin de la violence d’une personne très importante dans sa vie). Ceci fait que la colère et le traumatisme de l'enfance surgissent dans ses relations d’adulte (Saunders, 1996). En général, cette approche aide les femmes à comprendre les problèmes psychologiques causés par la violence (Goodman et Espstein, 2008).

1.6.3. Le modèle psychoéducatif

L’intervention psychoéducative renseigne les femmes sur les stratégies d’adaptation permettant de faire face aux conséquences de la violence conjugale (Goodman et Espstein, 2008). Cette approche provient du programme Duluth Domestic Abuse

Intervention Project, souvent appelé « modèle de Duluth » (Pence et Paymar, 1993).

D’après ce modèle, la cause principale de la violence conjugale est l’idéologie patriarcale des sociétés dans lesquelles les hommes exercent le pouvoir et le contrôle auprès des femmes. Ce programme a été développé à partir d’une perspective du service social qui ne tient pas compte des catégories nosologiques du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) et ne considère pas cette référence comme un outil thérapeutique. Au contraire, les animateurs des programmes psychoéducatifs font faire des exercices de prise de conscience aux femmes pour qu’elles remettent en question la

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perception des hommes qui leur octroie le droit de contrôler et de dominer leur partenaire. L’outil fondamental de ce modèle est « le pouvoir et la roue de commande » (Power and

Control Wheel), qui démontre que la violence fait partie d’un modèle de comportement

(qui inclut les privilèges des hommes, la violence économique, l’intimidation, l’isolement et l’émotion), et donc ne se contente pas de considérer les incidents de violence ou les agissements violents de façon isolée (Pence et Paymar, 1993).

1.6.4. Le modèle cognitivo-comportemental

Le modèle cognitivo-comportemental a été principalement développé par des psychologues qui identifient la violence comme cible principale de leur traitement (Babcock, Green et Robie, 2002). Les pratiques d’intervention de ce modèle proviennent des théories de l’apprentissage : le conditionnement opérant, le conditionnement classique et la théorie de l’apprentissage social. Selon ces théories, le comportement est un processus d’apprentissage qui se fait dans l’interaction entre les individus et leurs environnements microsociaux. Ces cadres théoriques ont ouvert la voie à plusieurs stratégies, telles que la désensibilisation systématique pour traiter l’anxiété et les phobies, la thérapie d’aversion pour éliminer le comportement indésirable, le renforcement positif et négatif pour augmenter ou réduire les comportements ciblés et le rôle de la modélisation des comportements adaptatifs (Babcock et al., 2002).

Ce modèle considère la violence comme un comportement appris, le contraire, c’est-à-dire la non violence, peut s’apprendre aussi. Donc, la violence chez un agresseur est interprétée comme un moyen qui lui permet soit de réduire ses tensions corporelles soit de mettre fin à une situation inconfortable ou qui lui donne un sentiment de puissance et de pouvoir. Lorsque les aspects fonctionnels de la violence sont repérés, l’intervention cognitivo-comportementale permet de mettre en évidence les avantages et les inconvénients de ce type d’agressivité. En outre, les professionnels utilisent les connaissances acquises sur la communication, sur l’affirmation de soi, ainsi que sur les techniques de gestion de la colère pour pouvoir sensibiliser les participants aux alternatives à la violence (Babcock et al., 2002). Dans le cas des femmes victimes de

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violence conjugale, l’intervention cognitivo-comportementale met l’accent sur les façons dont le traumatisme perturbe les croyances positives des femmes sur elles-mêmes et sur le monde. Aussi, elle permet de remplacer les croyances inadaptées, qui font que les femmes se considèrent comme étant responsables de la violence (Goodman et Espstein, 2008).

1.6.5. L’intervention de groupe de soutien

Selon plusieurs études, le groupe de soutien favorise le processus de rétablissement des victimes, plus particulièrement celles appartenant aux groupes des minorités ethniques et culturelles (Kocot et Goodman, 2003 ; Mburia-Mwalili, Clements-Nolle, Lee, Shadley et Yang, 2010; Sullivan et Bybee, 1999 ; Yoshioka, Gilbert, El-Bassel et Baig-Amin, 2003). Cette méthode d’intervention est moins didactique et moins structurée comparativement à d’autres modèles de psychothérapie et se centre plus sur les processus émotionnels (Tutty, Bidgood et Rothery, 1993). En général, l’intervention de groupe de soutien permet en premier lieu aux femmes de reconnaître et de partager leurs expériences, puis d’apprendre des expériences des autres pour faire face aux conséquences. Dans l’ensemble, il offre aux femmes des possibilités d’inclusion et de respect tout en reconnaissant leurs capacités de contribuer au bon fonctionnement du groupe et les possibilités de l’aide mutuelle selon les besoins de chacune. En outre, cette approche permet d’éduquer les femmes, de briser l’isolement et de mettre en place diverses activités misant sur leurs forces et leur résilience afin de faciliter le changement émotionnel et comportemental (Liu, Morrison-Dore et Amrani-Cohen, 2013). Elle est considérée comme un moyen d’intervention psychosociale qui répond adéquatement aux besoins des femmes victimes de violence conjugale (Tutty Bidgood et Rothery, 1996 ; Tutty et al., 1993). Ce modèle regroupe généralement les personnes qui vivent la même situation stressante ou le même problème afin qu’elles puissent s’échanger et se soutenir les unes et les autres en utilisant leurs capacités d’adaptation (Home, 1988 ; Turcotte et Lindsay 2008). Le groupe de soutien permet aussi aux femmes violentées de réaliser qu’elles ne sont pas les seules à vivre ce problème et que plusieurs autres options leur sont offertes pour les aider (Davis et Srinivasan, 1995 ; Tutty et al., 1993).

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Dans leur ouvrage sur l’intervention sociale auprès des groupes, Turcotte et Lindsay (2008) distinguent cinq types de groupes de traitement : le groupe de thérapie, le groupe de soutien, le groupe d’éducation, le groupe de croissance et le groupe de socialisation. Ces sous-groupes se distinguent les uns des autres par le but, le rôle de l’intervenant, la clientèle ciblée et leur intérêt, les formes d’intervention et le moyen de communication. Les deux auteurs croient que le groupe de soutien est une forme d’intervention applicable auprès de femmes victimes de violence conjugale, car il est orienté beaucoup plus sur le développement que sur le changement personnel (Home, 1988).

Résumé des avantages du groupe de soutien :

- « Réduire l’isolement et permettre aux femmes de se rencontrer et de partager leurs expériences communes.

- Partager des informations, s’entraider et se fournir un soutien affectif. Explorer les possibilités d’action et les stratégies de prise de pouvoir sur leur vie.

- Comprendre les modèles de pouvoir et de contrôle qui sont à la source de la violence. Comprendre comment l’expérience des femmes violentées se rattache aux expériences des femmes en général et découvrir les démarches que peuvent entreprendre les femmes pour changer la situation.

- Déterminer les effets de la violence pour rehausser l’estime personnelle et regagner la confiance en soi. En aidant une femme violentée à se recentrer sur ses propres besoins et valeurs, la participante peut reconnaître ses forces et ses réalisations grâce à l’encouragement et au soutien des membres du groupe » (Collection Entraide Canada, 1993).

Les inconvénients de ces modèles : Goodman et Espstein (2008) mentionnent que des recherches sur les traumatismes psychologiques démontrent que les modèles psychodynamique, psychoéducatif et cognitivo-comportemental aident à atténuer les symptômes de stress post-traumatique et la dépression chez les victimes. Par contre, aucun de ces modèles n’intègre dans son cadre conceptuel les conditions sociales qui créent et maintiennent la violence conjugale.

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Certains auteurs soutiennent que lorsque l’ensemble des conditions qui facilitent la violence conjugale est négligé, les modèles d’intervention ne tiennent pas pleinement compte de l’ensemble des besoins de la femme (Goodman et Espstein, 2008). Plusieurs intervenants croient que les modèles d’intervention doivent se concentrer davantage sur les défis majeurs que vivent les victimes de violence conjugale : dépendance économique, manque de logement, chômage, isolement de la famille et de la communauté. À l’opposé, d’autres professionnels considèrent que les modèles qui incorporent tous ces problèmes dépassent les limites du champ de pratique de la santé mentale, même s’ils reconnaissent que le bien-être émotionnel des femmes ne peut pas s’améliorer sans porter attention aux conditions matérielles et sociales. Les théoriciens et praticiens Grigsby et Hartman (cités dans Goodman et Espstein, 2008) expliquent que le fait de demander aux thérapeutes en santé mentale de reconnaitre les obstacles auxquels les femmes font face dans la société revient à exiger d’eux d’avoir une autre vision du monde étant donné qu’ils ont été traditionnellement formés pour traiter les problèmes individuels et non pas sociaux. Il reste qu’il est important d’agir aussi sur le plan populationnel. Travailler sur la pathologie individuelle, c’est bien, mais il est encore plus efficace d’agir sur le bien-être de la population opprimée (Goodman et Espstein, 2008). Ces praticiens vont plus loin et veulent non seulement protéger et soutenir les victimes, mais mettre de la pression sur les partenaires violents afin qu’ils reçoivent les traitements et les conseils appropriés pour les aider à changer leurs comportements (Haj-Yahia et Sadan, 2008 ; Haj-(Haj-Yahia 2011; Register, 1993).

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Tableau 1. Mode de fonctionnement des différents modèles d’intervention

Les différents modèles

d’intervention Cadre conceptuel Principes de fonctionnement

Le modèle féministe Utilisé majoritairement

dans les maisons d’hébergement.

Son idéologie est devenue minoritaire.

Met l’accent sur les forces et les capacités de la femme violentée sans tenir compte des conditions qui créent et maintiennent la violence conjugale. Principale approche pour répondre aux besoins des femmes victimes de violence conjugale, mais elle ne reconnaît pas la diversité des

caractéristiques des femmes, notamment sur les plans de la « race », de l’origine ethnique, de la religion et de l’orientation sexuelle.

Le modèle psychodynamique Utilise l’approche psychodynamique, qui est un

ensemble des pratiques englobant la psychanalyse traditionnelle et les psychothérapies.

N’intègre pas les conditions sociales qui créent et maintiennent la violence conjugale, mais : - Il permet d’intervenir sur les plans individuel et familial en se centrant sur le développement des personnes.

- Aide les femmes à comprendre les problèmes psychologiques causés par la violence conjugale.

Le modèle psychoéducatif Se base surl’idéologie patriarcale des sociétés

dans lesquelles les hommes exercent le pouvoir et le contrôle auprès des femmes.

Il apprend aux femmes les stratégies d’adaptation qui permettent de faire face aux conséquences de la violence conjugale. Permet aux femmes de prendre conscience pour remettre en question la perception des hommes qui leur octroie le droit de contrôler et de dominer leur partenaire.

Le modèle cognitivo-comportemental

A été principalement développé par des psychologues qui ont la violence comme cible principale de leur traitement.

Utilise les connaissances acquises sur la communication, sur l’affirmation de soi, ainsi que sur les techniques de gestion de la colère pour sensibiliser les participantes aux alternatives à la violence.

N’intègre pas dans son cadre conceptuel et dans ses cibles d’intervention les conditions sociales qui créent et maintiennent la violence conjugale, mais :

- Il traite l’anxiété et les phobies, la thérapie d’aversion pour éliminer le comportement indésirable, le renforcement positif et négatif pour augmenter ou réduire les comportements ciblés et le rôle de la modélisation des comportements adaptatifs ;

- Permet de remplacer les croyances inadaptées qui font que les femmes se considèrent comme étant responsables de la violence.

Le groupe de soutien Se subdivise en groupe de thérapie, groupe de

soutien, groupe d’éducation, groupe de croissance et groupe de socialisation.

Ce modèle est largement utilisé sur le terrain auprès des femmes victimes de la violence conjugale, cependant :

- Il est moins didactique et moins structuré par rapport à d’autres modèles de psychothérapies et se centre plus sur les processus émotionnels; - Orienté beaucoup plus sur le développement que sur le changement personnel;

- Regroupe généralement les personnes qui vivent la même situation stressante ou le même problème afin qu’elles puissent s’échanger et se soutenir les unes et les autres en utilisant leurs capacités d’adaptation;

- Favorise le processus de rétablissement des victimes, plus particulièrement celles appartenant aux groupes des minorités ethniques et culturelles;

- Réduit l’isolement et permet aux femmes de se rencontrer et de partager leurs expériences communes;

- Facilite le changement émotionnel et comportemental des victimes.

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17 1.7. Similarités des modèles d’intervention

La littérature répertorie quelques similarités entre les modèles d’intervention existants. Ce sont des éléments qui ne découlent pas des pratiques d’intervention dans les milieux professionnels, mais des constantes de ces modèles. Tous les modèles ont pour principe que « rien ne peut justifier la violence exercée auprès des femmes » (Dutton, 1992). Selon ce principe, les femmes, leur famille, leur entourage et les milieux professionnels doivent être sensibilisés à la problématique de la violence conjugale et ses conséquences sur la santé mentale. Tous ces gens doivent faire de leur mieux pour aider les victimes à connaitre non seulement les ressources mises à leur disposition, mais aussi à ne pas tolérer la violence contre elles, et leur procurer tous les outils nécessaires (Haj-Yahia, 2011). Ils mettent tous l’accent sur « les forces et les capacités des femmes victimes de violence conjugale ». Ce qui signifie qu’ils ne se concentrent pas sur les raisons qui font que les femmes victimes continuent de demeurer dans une relation abusive. Ce postulat a été critiqué dans plusieurs études, car selon plusieurs chercheurs, l’accent devrait plutôt être mis sur les conséquences que cette problématique engendre chez les victimes : peur, anxiété, solitude, détresse psychologique, etc. Une intervention guidée par ce principe permettra aux femmes de ne plus se sentir responsables de la violence exercée contre elles et de développer les mécanismes de contrôle pour surmonter ces sentiments. Les femmes seront par la suite capables d’identifier et d’exprimer les sentiments ambivalents d’amour et de colère que leurs partenaires éveillent en elles (Dutton, 1992 ; Haj-Yahia et Sadan, 2008 ; Haj-Yahia, 2011).

La troisième similarité réside dans le principe selon lequel « les femmes victimes de violence conjugale doivent comprendre leur contexte familial et social », c’est-à-dire, le fait qu’elles sont considérées inférieures dans la sphère privée (mariage et famille) et éventuellement dans la sphère publique. Ce qui peut contribuer à affaiblir leur estime de soi. Les femmes doivent comprendre que les sentiments négatifs tels que l’impuissance et le désespoir sont dus au processus de socialisation du rôle sexuel (épouse et mère) qu’elles exercent dans la société (Haj-Yahia et Sadan, 2008 ; Register, 1993). Le tableau1.2 résume ces similarités.

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Tableau 2. Similarités des modèles et améliorations requises selon les études empiriques

1.8. Difficultés d’interactions entre intervenants et professionnels de la santé mentale

Les problèmes de santé mentale sont considérés comme un domaine qui nécessite l’intervention d’un professionnel (travailleur social, psychologue, médecin, etc.) (Barron, 2004). Ces professionnels interviennent sur le plan individuel en utilisant différents modèles, tels que l’approche cognitive comportementale et l’approche psychodynamique, pour répondre aux problèmes de santé mentale (Humphreys, 2008 ; Lindy, 1996 ; Marmar, Weiss et Pynoos, 1995).

La complexité des deux problématiques (violence conjugale concomitante avec troubles mentaux) démontre qu’aucun modèle d’intervention ne peut répondre à lui seul de façon

Similarités des modèles Améliorations requises

Principe de base : rien ne peut justifier la violence conjugale exercée contre les femmes.

- Aider les victimes à ne pas se sentir responsable de la violence exercée contre elles.

- Agir sur le contexte de la violence conjugale.

- Outiller les femmes victimes à identifier et reconnaitre la violence conjugale qu’elles subissent.

- Outiller les professionnels de la santé pour mieux aider les victimes et les orienter vers les ressources

adéquates. Mettent tous l’accent sur les forces et les

capacités des femmes victimes.

Mettre l’accent sur :

- Le sentiment de désespoir et

d’impuissance des victimes et sur les problèmes de santé mentale qui en découlent.

- Sensibiliser les victimes à ne pas se sentir responsables de la violence subie.

Tiennent compte du fait que les femmes sont considérées comme des êtres inférieurs dans la sphère privée.

Aider les femmes à surmonter les sentiments négatifs dus à la socialisation de leur rôle en tant qu’épouses et mères.

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adéquate aux besoins des femmes victimes. Il arrive souvent que les outils utilisés par les professionnels de ce domaine ne permettent pas de repérer ou de bien interpréter la violence conjugale. Ce qui peut conduire à des interventions inappropriées qui peuvent aggraver le problème des femmes et compromettre leur sécurité (Humphreys et Thiara, 2003 ; Laing, Irwin et Toivonen, 2012). Howard et al. (2010) constatent que même lorsque les professionnels en santé mentale arrivent à détecter que la femme est victime de violence conjugale, ils n’abordent généralement pas cette problématique, et celle-ci n’est pas incluse dans leur plan d’intervention. Ils ont donc tendance à référer ces femmes auprès des services spécialisés en violence conjugale. En même temps, les professionnels intervenants en violence conjugale se sentent souvent mal équipés et sous-financés pour répondre aux besoins de femmes qui présentent également des problèmes de santé mentale (Warshaw, Moroney et Barnes, 2003). La collaboration entre ces services et celui de la santé mentale s’avère donc primordiale. Or, la conciliation ou la mise en commun des compétences, des différences historiques, des connaissances et des cultures organisationnelles des deux secteurs implique des défis importants en regard du développement de relations de travail efficaces et du partage des expertises (Gondolf, 1998). L’approche biomédicale qui guide les interventions et les services en santé mentale est très différente de l’activisme et du contexte sociopolitique du féminisme de la deuxième vague, qui a façonné la philosophie de justice sociale et a marqué les services communautaires en violence conjugale. Par exemple, le diagnostic est au cœur de l’approche médicale et le médecin est dans son rôle d’expert en relation avec le patient. En comparaison, une approche féministe insiste sur l’importance que la femme nomme elle-même l’abus dans ses propres termes, plutôt qu’à travers les catégories diagnostiques de la nosologie médicale (Lavis, Horrocks, Kelly et Barker, 2005). Malgré ces différences, il est recommandé pour ces deux domaines d’établir des relations intersectorielles, car il n’existe pas encore de modèles d’intervention clairs qui incorporent bien les deux problématiques (Howard, et al., 2010 ; Ramsay, Feder et Rivas, 2005).

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1.9. Les limites des recherches existantes dans ce domaine

La violence conjugale et la santé mentale sont deux problématiques qui nécessitent des actions tant préventives que curatives, ainsi qu’un changement social. Les études répertoriées dans le cadre de cette recherche confirment l’existence d’une forte corrélation entre la violence conjugale et les troubles mentaux, d’où la nécessité de poursuivre la recherche dans ce domaine.

L’objectif principal de cette étude est de documenter les pratiques d’intervention privilégiées par des intervenantes dans un contexte de concomitance de violence conjugale - troubles de santé mentale. Dans notre démarche documentaire, nous avons constaté que certaines études se sont intéressées à la violence conjugale et ses conséquences sur la santé mentale et d’autres aux modèles d’intervention. Cependant, la rareté des recherches basées sur les perspectives des professionnels en santé mentale et en violence conjugale, qui interviennent auprès des femmes violentées, a été confirmée par de nombreux chercheurs (Iliffe et Steed, 2000). Par exemple, dans leur étude sur les interventions de dépistage dans les hôpitaux en contexte de violence conjugale et de santé mentale, Waalen et al. (2000) soulèvent le manque de recherches traitant de façon claire les pratiques d'interventions utiles auprès des femmes violentées ayant des problèmes de santé mentale. Avec ces constats, Iliffe et Steed (2000) insistent sur l’importance de poursuivre les études spécifiquement sur les perspectives professionnelles des meilleures pratiques, car peu d’intérêt a été donné aux intervenants qui œuvrent auprès de personnes ayant des problèmes de santé mentale et victimes de violence conjugale. Un manque de modèles théoriques et de modèles d’intervention intégrant avec succès les deux problèmes a été observé (Goodman et Epstein, 2008). Les études traitant des perspectives des intervenantes sur les meilleures pratiques en ce domaine étant peu nombreuses, cela justifie l’importance de documenter les modèles d’intervention qui combinent les deux problématiques.

Les modèles d’intervention proposés dans la littérature comportent des limites. Par exemple, le modèle féministe a tendance à représenter davantage les femmes de race

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blanche, excluant ainsi la compréhension de la réalité des femmes immigrantes et des minorités visibles. Ces écoles de pensée sont pourtant reconnues universellement. Ces limites empêchent donc de répondre entièrement aux besoins des femmes immigrantes ou appartenant à des minorités visibles (Carter, 2007 ; Sharma, 2001).

Notre tour d’horizon de la production scientifique, récente et moins récente, constate que s’il existe un vaste corpus d’études portant sur les perspectives des femmes victimes de violence, peu d’études portent sur celles des intervenants. C’est sur cette base que plusieurs recommandent que les travaux futurs portent sur les modèles d’intervention appliqués sur le terrain ainsi que sur les expériences des professionnelles en violence conjugale et en santé mentale. Notre étude s’inscrit dans ce cadre, car elle s’intéresse aux perspectives des intervenantes qui œuvrent auprès de femmes victimes violence conjugale ayant développé des troubles mentaux modérés.

1.10. Objectif et pertinence et de l’étude

Les défis que nous avons rencontrés en travaillant auprès de femmes victimes de violence conjugale ayant développé des troubles de santé mentale nous ont amenés à explorer les pratiques d’intervention qui répondent avec succès à ces deux problématiques. C’est d’ailleurs cela l’objectif de notre étude. Les perspectives des participantes à notre étude sur les pratiques à privilégier avec ce groupe de femmes qui vivent avec des problèmes concomitants de violence conjugale et de santé mentale sont la base de l’objectif de notre étude.

La pertinence sociale de notre recherche est de d’identifier les meilleures pratiques d’intervention afin de contribuer à offrir une aide plus efficace aux femmes victimes de violence conjugale, car des lacunes ont été constatées dans la manière dont les professionnels en santé mentale répondent aux besoins des réalités de femmes violentées : un manque de modèles théoriques et de modèles d’intervention intégrant avec succès les deux problèmes (la violence conjugale et la santé mentale) a été observé (Goodman et Epstein, 2008). Dans leur étude sur les interventions de dépistage dans les hôpitaux, en contexte de violence conjugale et de santé mentale, Waalen et al. (2000)

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vont dans le même sens et soulignent le manque de recherches traitant de façon claire les pratiques d'intervention utiles auprès des femmes violentées ayant des problèmes de santé mentale. La rareté des recherches basées sur les perspectives des professionnels en santé mentale et en violence conjugale, qui interviennent auprès des femmes violentées, a été soulevée par de nombreux chercheurs (Iliffe et Steed, 2000). Quant à la pertinence scientifique de notre étude, c'est de remédier à ces limites en documentant et en explorant les pratiques d’intervention existantes à partir de points de vue d’intervenantes travaillant dans des contextes où violence conjugale et troubles mentaux modérés sont concomitants.

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CHAPITRE 2 – Cadre conceptuel

Le chapitre 2 porte sur le cadre conceptuel de la recherche, à savoir l’approche phénoménologique. Cette section présente d’abord un survol sur la perspective et les concepts phénoménologiques. Ensuite, la phénoménologie de l’intervention et les questions de recherche sont décrites.

2.1. Perspective phénoménologique

La phénoménologie constitue la base de notre cadre conceptuel. Elle est à la fois une approche, une épistémologie et une méthode empirique. Par exemple, lorsqu’elle est appliquée en psychologie, elle permet d’analyser les expériences humaines et comportementales (Meyor, 2007 ; Wertz, 2005). Son but est d’éclairer le spécifique, puis d’identifier les phénomènes par rapport à la façon dont ils sont perçus par les acteurs dans une situation donnée, ce qui correspond à la démarche de notre étude. Les approches phénoménologiques s’inscrivent, d’une part, dans un paradigme de connaissance personnelle et de subjectivité, et d’autre part, elles soulignent l’importance de la perspective et de l’interprétation personnelle. Ces approches tirent leur force du fait qu’elles permettent de comprendre l’expérience subjective tout en ayant un aperçu des motivations et des actions des gens, et qu’elles peuvent aider à déconstruire certains à

priori qui ne sont pas toujours fondés (idées préconçues ou « sagesse conventionnelle » ;

Lester, 1999).

Selon Husserl, la phénoménologie est « La science des phénomènes, de ce qui apparaît à la conscience ; c’est l’étude descriptive de tous les phénomènes qui s’offrent à mon expérience de sujet ». Schématiquement, elle : (1) prend en considération ce qui se présente consciemment à nous ; (2) s’intéresse au vécu du sujet plutôt qu’aux objets du monde extérieur ; (3) repose sur la définition de l’intentionnalité qui affirme que la conscience est toujours « conscience de quelque chose » ; (4) tente d’appréhender les phénomènes dans leur plus simple expression sans jugement à priori (être neuf face à

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l’expérience vécue) » (Voir notamment : http://www.diffusion-focusing.org/doc/boutin/phenomenologie.pdf).

Sur la base de cette définition, nous pouvons dire que la phénoménologie se centre sur l’exploration des structures de la conscience dans l’expérience humaine (Polkinghorne, 1989). C’est l’étude scientifique du vécu subjectif de la réalité et de ses objets tels qu’ils se présentent à notre conscience. Les « phénomènes » qui sont l’objet central de l’approche sont donc constitués par la rencontre entre le réel et son appréhension par le sujet. La phénoménologie ne se préoccupe pas des questions basées sur des faits (ontologie objectiviste), mais cherche plutôt à découvrir la signification des phénomènes pour ceux qui y sont confrontés (ontologie subjectiviste). Une étude phénoménologique consiste donc à décrire un phénomène particulier, tel que vécu par des personnes (Creswell, 2007). Elle est une première méthode de connaissance, parce qu’elle commence par le phénomène lui-même et non pas une émanation du phénomène étudié (Moustakas, 1994). Pour Giorgi (1989), c’est un processus descriptif qui examine la relation entre les personnes et les situations, et fournit les connaissances des essences psychologiques, qui sont des structures de sens inné de l’expérience humaine. Ceci se fait grâce à la réduction phénoménologique ou transcendentale, qui est une méthode développée par Husserl pour rendre les résultats de recherche plus précis. Selon Giorgi (1997a : 346), le processus de réduction phénoménologique signifie : « (a) se baser sur des connaissances antérieures d’un phénomène afin de les raconter et les décrire comme une intuition ou expérience ; et (b) considérer précisément ce qui est donné comme il est donné, comme présence ou comme phénomène ».

2.2. Concepts de la phénoménologie

La phénoménologie se caractérise par plusieurs concepts, dont ceux qui s’appliquent à notre étude :

- La phénoménologie permet de trouver les significations aux apparences des choses à partir de l’intuition et de la réflexion. Elle conduit donc à des idées, des concepts, des jugements et des interprétations.

(36)

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- Elle s’engage dans la description des expériences et non dans l’explication. - Elle s’ancre dans les thèmes de base d’une étude et dans les questions qui

donnent un sens et se concentre sur ce sens.

- Elle se préoccupe de la totalité des concepts de l’étude et examine les phénomènes sous plusieurs angles jusqu’à ce qu’une vision unifiée soit atteinte.

- Elle permet de comprendre les choses comme elles sont présentées.

- La perception du chercheur sur le phénomène à l’étude et son expérience personnelle doivent concorder afin de faire de l’objectif son subjectif.

- La perception des phénomènes doit se baser sur le sens personnel de l’expérience du chercheur.

- La réflexion et le jugement du chercheur sont considérés comme les modalités principales de la démarche de recherche phénoménologique.

- Les questions de recherche doivent être construites prudemment afin de s’assurer que les preuves principales (pensée, intuition, réflexion et jugement du chercheur) s’y retrouvent et guident le processus phénoménologique vers le réfléchir, le savoir et le voir (Gonzalez, 2010).

En plus de ces concepts clés, Moustakas (1994) croit que les questions de recherche phénoménologique émergent des expériences du chercheur lui-même. En d’autres termes, ce sont les questions qui se dégagent de la curiosité, des expériences ou du fait de vouloir approfondir la connaissance sur le sujet à l’étude. Ces questions ne visent pas une réponse spécifique, mais cherchent plutôt à mieux comprendre le sujet à l’étude et à capturer l’essence de l’expérience (Moustakas, 1994).

La phénoménologie est une approche d’analyse appropriée à notre projet de recherche, qui se base sur les points de vue et l’expérience des intervenantes.

Figure

Tableau 1. Mode de fonctionnement des différents modèles d’intervention
Tableau 2. Similarités des modèles et améliorations requises selon les études  empiriques
Tableau 3. Caractéristiques professionnelles des participantes Employeur  Code attribué
Tableau 4. Pourcentage des troubles mentaux les plus et les moins fréquents  chez les victimes

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