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CHAPITRE 4 – Résultats

4.2. Perspectives des intervenantes sur la problématique de la concomitance

Comme mentionné plus haut, les participantes proviennent de milieux professionnels différents qui ne sont pas nécessairement spécialisés en violence conjugale. Les sections qui suivent décrivent, selon les participantes, la façon dont les femmes victimes de violence conjugale accèdent aux services de leurs organismes/centres.

4.2.1. Mode d’accès au service d’intervention de santé mentale dans le CLSC -

Haute - ville et CLSC - Basse-ville de Québec

Le Centre intégré universitaire de santé et services sociaux de Québec (CLSC-Haute- ville et CLSC-Basse-ville) offre « des services de santé et des services sociaux de proximité, intégrés et accessibles » à la population en général. Sa mission consiste à améliorer la santé globale de la population qu’il dessert. Il est aussi centré sur la qualité, la sécurité et la performance. Ses soins et ses services s’appuient sur les meilleures pratiques et l’innovation, avec la participation des usagers, de leurs proches et des personnes qui œuvrent au sein de l’organisation (Centre intégré universitaire de santé et services sociaux de Québec de la Capitale-Nationale, Rapport annuel des gestions 2016- 2017) ». Il est aussi affilié à l’Université Laval et travaille en collaboration avec d’autres établissements d’enseignement.

Ce centre n’offre pas de services d’intervention spécifique aux femmes victimes de violence conjugale. Il donne des services généraux de santé mentale à toute la population. Il faut donc posséder un diagnostic afin de bénéficier de services d’aide en santé mentale. En effet, la participante qui vient de ce centre mentionne que la majorité de leur clientèle est des femmes, par contre, la raison initiale de leur demande de service n’est pas nécessairement de recevoir de l’aide sur la violence domestique qu’elles subissent de leurs conjoints. Ces femmes se présentent pour recevoir d’abord de l’aide pour leurs enfants ou un membre de la famille. Les femmes victimes de violence conjugale se retrouvent à utiliser le service de suivi individuel après une évaluation en santé mentale de la part du psychiatre. Ce sont à la fois l’hôpital et les travailleurs sociaux

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des programmes auprès desquels ces femmes se présentent qui les réfèrent à un psychiatre pour une évaluation en santé mentale lorsqu’ils constatent la présence de plusieurs symptômes de troubles mentaux. Voici deux exemples de ce que disent les participantes sur l’accès à leurs services.

« La violence conjugale n’est pas la première raison qu’elles sont ici. C’est l’hôpital qui les réfère ou le psychiatre, surtout en parentalité. Il y a certaines qui se présentent à l’accueil par elles-mêmes, mais souvent pour un autre programme. Elles quittent le programme, puis on leur fait la référence, mais ce n’est jamais pour la violence conjugale. Tout l’aspect santé mentale parentalité, mais ils vont marquer dans leur évaluation que madame semble être victime de violence conjugale et d’exploitation financière sont souvent déjà dépistées dans les évaluations qu’on reçoit ».

« Souvent les parents vont se ramasser dans l’équipe famille, enfance, jeunesse, parce qu’ils n’ont pas le diagnostic et ils ne peuvent pas venir dans notre programme. Lorsque les intervenants réalisent qu’ils ont plein de symptômes, ils vont leur suggérer d’être évaluées en psychiatrie ».

Le service de suivi individuel en santé mentale dans les CLSC est offert aux personnes qui ont déjà un diagnostic, ce qui vient soutenir les dires de Lavis et al., (2005) sur le fait que l’approche biomédicale est maintenant au centre des interventions et des services en santé mentale. Le système de santé mentale fonctionne majoritairement en fonction des diagnostics, alors que la réponse aux problèmes de santé mentale chez les femmes victimes de violence ne devrait pas être conditionnelle à l’établissement d’un diagnostic:

« C’est ça que je trouve déplorable de notre système, tout est médicalisé maintenant. L’approche médicale, encore une fois, passe au-dessus de l’approche sociale, psychosociale et psychologique. Il y a comme une hiérarchisation, donc les psychiatres, les médecins, les psychologues, les infirmiers, les travailleurs sociaux, les ergothérapeutes, les physiothérapeutes et tous les techniciens et techniciennes. Pour moi, non, on travaille ensemble pour le bien être de ces personnes-là ».

Toutefois, certains troubles mentaux nécessitent une prise en charge et des suivis médicaux.

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Les constatations de cette intervenante sont appuyées par celles d’une participante issue d’un organisme spécialisé en violence conjugale, qui mentionne que les professionnels de santé mentale font des diagnostics concernant les femmes victimes de violence conjugale sans leur poser des questions sur leur vécu et sur les difficultés rencontrées au cours de leur vie. Voici ce qu’elle dit :

« On sait que les conséquences de la violence conjugale amènent parfois les professionnels à poser le diagnostic sans pour autant creuser loin afin de connaitre d’où viennent les symptômes que présentent les femmes victimes de violence conjugale. Il y a des femmes que moi j’appelle polytraumatisées qui ont vécu ou vivent de la violence depuis l’enfance. Alors, est-ce que qu’on dirait que ces femmes ont un trouble de personnalité limite à cause de leur comportement ou on dirait que ce sont les conséquences de l’exposition à la violence durant plusieurs années ? Les femmes qui ont été agressées sexuellement, qui ont vécu de l’inceste ainsi que d’autres formes de violence peuvent aussi présenter des conséquences similaires à certains troubles mentaux, tels que le trouble de personnalité limite, la dépression et l’anxiété ».

Nous pensons que le diagnostic de troubles de santé mentale chez les femmes victimes de violence conjugale nécessite plus d’implication de la part des professionnels afin de bien cerner leurs difficultés. En fait, ce diagnostic ne peut constituer un remède à la violence conjugale, c’est la connaissance et la compréhension de la problématique qui peut en être un. D’ailleurs, les données récoltées sur le diagnostic de santé mentale nous poussent à nous questionner sur l’avenir des services qui font un suivi individuel dans les organismes communautaires, notamment sur l’approche psychosociale puisque l’approche médicale est celle qu’ils privilégient.

Le Centre intégré universitaire de santé et services sociaux de Québec (CLSC-Haute- ville et CLSC-Basse-ville) offre des services de protection des enfants mandatés par la Loi sur la protection de la jeunesse et les travailleurs sociaux interviennent aussi auprès des femmes victimes de violence conjugale. Une participante de cet organisme rapporte qu’en contexte de violence conjugale, leur première préoccupation est la protection et la sécurité des enfants, tandis que les parents sont référés à des organismes spécialisés. Voici ce qu’elle dit à ce sujet :

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« Au niveau de la protection de la jeunesse, on n’est pas une ressource d’aide, on travaille avec une loi d’exception et on travaille avec des critères particuliers quand on juge que la situation est compromise. Par exemple, une maman qui appellerait et dirait qu’elle est victime de violence conjugale, possiblement on prendra un signalement au sens de la Loi de la protection de la jeunesse parce qu’il est arrivé quelque chose à la maison, mais en même temps, lorsqu’on a un parent qui se mobilise et protège ses enfants, on ne va pas beaucoup plus loin dans nos interventions parce que la loi de la protection de la jeunesse ne s’applique pas nécessairement. Si on a une maman qui nous dit clairement qu’elle se sépare, on va juste la référer à d’autres ressources…pour s’assurer qu’elle a tout ce qu’il faut ».

Il faut noter que même si l’intervention des travailleurs sociaux de la protection de la jeunesse ne constitue pas un suivi individuel, leur implication permet aux femmes de comprendre et de prendre des mesures afin de protéger leurs enfants contre l’exposition à toute forme de violence, car les études empiriques démontrent que le tiers des enfants exposés à la violence conjugale manifestent de grands troubles psychologiques et comportementaux, tels que l’agressivité, l’hyperactivité et la délinquance. Ces enfants peuvent aussi vivre de la dépression, de l’anxiété et présenter le trouble de stress post- traumatique (Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychologique, 2005).

4.2.2. Mode d’accès aux services des organismes spécialisés en violence

conjugale

Les femmes victimes de violence conjugale peuvent accéder à : Violence info pour avoir des services de prévention sous forme de rencontres selon les demandes et les besoins, de conférences, de kiosques d’information et matinées de sensibilisation, ou encore des services d’intervention sous forme d’écoute téléphonique, d’interventions individuelles ou de groupe (Violence Info, 2018).

La maison d’hébergement Marie-Rollet offre des suivis individuels ou de groupe, pour un programme destiné aux enfants ou un hébergement temporaire. Dans cette maison, les femmes peuvent bénéficier d’un hébergement 24 heures/7 jours, de repas, etc. (Maison d’hébergement Marie-Rollet, 2018).

Voici les extraits de participantes expliquant le mode d’accès des victimes à leurs services :

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« Les femmes qui viennent nous voir sont des femmes qui ne sont pas en mesure de se payer les services au niveau de psychologue privé, elles vont donc vers le communautaire. Beaucoup de ces femmes sont polytraumatisées, elles ont de gros vécus ».

« Pour arriver ici, une femme va faire un appel ou soit elle va être référée par les policiers, les travailleurs sociaux, les CLSC, la DPJ et les hôpitaux. On a vraiment les références d’un peu partout, je te dirais. Il y a les femmes qui s’auto-réfèrent aussi…la première étape est de vraiment appeler pour voir ce dont elle a besoin et si elle veut venir en hébergement. Ensuite, elle arrive en hébergement, on fait une rencontre d’accueil pour voir un peu en détails c’est quoi son histoire et ses besoins ».