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Le chapitre 2 porte sur le cadre conceptuel de la recherche, à savoir l’approche phénoménologique. Cette section présente d’abord un survol sur la perspective et les concepts phénoménologiques. Ensuite, la phénoménologie de l’intervention et les questions de recherche sont décrites.

2.1. Perspective phénoménologique

La phénoménologie constitue la base de notre cadre conceptuel. Elle est à la fois une approche, une épistémologie et une méthode empirique. Par exemple, lorsqu’elle est appliquée en psychologie, elle permet d’analyser les expériences humaines et comportementales (Meyor, 2007 ; Wertz, 2005). Son but est d’éclairer le spécifique, puis d’identifier les phénomènes par rapport à la façon dont ils sont perçus par les acteurs dans une situation donnée, ce qui correspond à la démarche de notre étude. Les approches phénoménologiques s’inscrivent, d’une part, dans un paradigme de connaissance personnelle et de subjectivité, et d’autre part, elles soulignent l’importance de la perspective et de l’interprétation personnelle. Ces approches tirent leur force du fait qu’elles permettent de comprendre l’expérience subjective tout en ayant un aperçu des motivations et des actions des gens, et qu’elles peuvent aider à déconstruire certains à

priori qui ne sont pas toujours fondés (idées préconçues ou « sagesse conventionnelle » ;

Lester, 1999).

Selon Husserl, la phénoménologie est « La science des phénomènes, de ce qui apparaît à la conscience ; c’est l’étude descriptive de tous les phénomènes qui s’offrent à mon expérience de sujet ». Schématiquement, elle : (1) prend en considération ce qui se présente consciemment à nous ; (2) s’intéresse au vécu du sujet plutôt qu’aux objets du monde extérieur ; (3) repose sur la définition de l’intentionnalité qui affirme que la conscience est toujours « conscience de quelque chose » ; (4) tente d’appréhender les phénomènes dans leur plus simple expression sans jugement à priori (être neuf face à

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l’expérience vécue) » (Voir notamment : http://www.diffusion- focusing.org/doc/boutin/phenomenologie.pdf).

Sur la base de cette définition, nous pouvons dire que la phénoménologie se centre sur l’exploration des structures de la conscience dans l’expérience humaine (Polkinghorne, 1989). C’est l’étude scientifique du vécu subjectif de la réalité et de ses objets tels qu’ils se présentent à notre conscience. Les « phénomènes » qui sont l’objet central de l’approche sont donc constitués par la rencontre entre le réel et son appréhension par le sujet. La phénoménologie ne se préoccupe pas des questions basées sur des faits (ontologie objectiviste), mais cherche plutôt à découvrir la signification des phénomènes pour ceux qui y sont confrontés (ontologie subjectiviste). Une étude phénoménologique consiste donc à décrire un phénomène particulier, tel que vécu par des personnes (Creswell, 2007). Elle est une première méthode de connaissance, parce qu’elle commence par le phénomène lui-même et non pas une émanation du phénomène étudié (Moustakas, 1994). Pour Giorgi (1989), c’est un processus descriptif qui examine la relation entre les personnes et les situations, et fournit les connaissances des essences psychologiques, qui sont des structures de sens inné de l’expérience humaine. Ceci se fait grâce à la réduction phénoménologique ou transcendentale, qui est une méthode développée par Husserl pour rendre les résultats de recherche plus précis. Selon Giorgi (1997a : 346), le processus de réduction phénoménologique signifie : « (a) se baser sur des connaissances antérieures d’un phénomène afin de les raconter et les décrire comme une intuition ou expérience ; et (b) considérer précisément ce qui est donné comme il est donné, comme présence ou comme phénomène ».

2.2. Concepts de la phénoménologie

La phénoménologie se caractérise par plusieurs concepts, dont ceux qui s’appliquent à notre étude :

- La phénoménologie permet de trouver les significations aux apparences des choses à partir de l’intuition et de la réflexion. Elle conduit donc à des idées, des concepts, des jugements et des interprétations.

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- Elle s’engage dans la description des expériences et non dans l’explication. - Elle s’ancre dans les thèmes de base d’une étude et dans les questions qui

donnent un sens et se concentre sur ce sens.

- Elle se préoccupe de la totalité des concepts de l’étude et examine les phénomènes sous plusieurs angles jusqu’à ce qu’une vision unifiée soit atteinte.

- Elle permet de comprendre les choses comme elles sont présentées.

- La perception du chercheur sur le phénomène à l’étude et son expérience personnelle doivent concorder afin de faire de l’objectif son subjectif.

- La perception des phénomènes doit se baser sur le sens personnel de l’expérience du chercheur.

- La réflexion et le jugement du chercheur sont considérés comme les modalités principales de la démarche de recherche phénoménologique.

- Les questions de recherche doivent être construites prudemment afin de s’assurer que les preuves principales (pensée, intuition, réflexion et jugement du chercheur) s’y retrouvent et guident le processus phénoménologique vers le réfléchir, le savoir et le voir (Gonzalez, 2010).

En plus de ces concepts clés, Moustakas (1994) croit que les questions de recherche phénoménologique émergent des expériences du chercheur lui-même. En d’autres termes, ce sont les questions qui se dégagent de la curiosité, des expériences ou du fait de vouloir approfondir la connaissance sur le sujet à l’étude. Ces questions ne visent pas une réponse spécifique, mais cherchent plutôt à mieux comprendre le sujet à l’étude et à capturer l’essence de l’expérience (Moustakas, 1994).

La phénoménologie est une approche d’analyse appropriée à notre projet de recherche, qui se base sur les points de vue et l’expérience des intervenantes.

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2.3. Phénoménologie et intervention individuelle

Edwards (2001) insiste sur les rapprochements à faire entre l’approche phénoménologique et l’intervention en psychothérapie. Comme nous l’avons expliqué plus haut, la phénoménologie est une méthode qui s’intéresse à la description de l’expérience d’un phénomène particulier. En outre, elle peut être décrite comme une approche ou une méthode dans laquelle on tente de suspendre toutes les idées préconçues afin de comprendre la réalité du phénomène étudié. Dans une intervention, la phénoménologie apporte un changement bénéfique auprès des chercheurs, des participants à la recherche, des thérapeutes et des clients, car son implication permet de faire des interventions afin d’aider les individus soit à résoudre le problème, soit à améliorer ou accepter le changement ayant survenu dans leur vie (Edwards, 2001).

L’approche phénoménologique vise donc à explorer l’expérience humaine, telle qu’elle est vécue dans la vie quotidienne d’une manière à la fois rigoureuse et systématique. Selon Giorgi (1986), un phénoménologue s’intéresse à « comprendre le comportement dans le cadre de l'expérience ». Le but est de révéler la structure de l’expérience grâce à des techniques descriptives. Ainsi, on constate un certain nombre de similitudes entre la démarche phénoménologique et le processus de la psychothérapie (Kruger, 1988). Par exemple, l’accent est mis à la fois sur la qualité de l’expérience, la signification des symptômes, la recherche de thèmes essentiels, et ainsi de suite. Compte tenu de ces paramètres, il est évident que la recherche phénoménologique a beaucoup à offrir en ce qui concerne la compréhension de diverses expériences humaines (Gonzalez, 2010 ; Joseph, Govender et Bhagwanjee, 2006).

L’intervention implique également une action intentionnelle qui amène un changement bénéfique immédiat et effectif. Par exemple, dans la littérature psychologique, « l’intervention de crise » réfère à une forme de psychothérapie brève, c’est-à-dire une intervention qui implique la sécurité de la personne, la résolution de problèmes et la mobilisation du soutien social. Elle est vue, en même temps, comme pouvant déboucher sur des opportunités de croissance à long terme (Gilliland et James, 1997).

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Malgré des différences sur le plan de la finalité des démarches, des parentés entre l’analyse phénoménologique et l’intervention psychothérapeutique ont été soulignées par certains auteurs. Ainsi, Van den Berg (1980) (cité dans Edwards, 2001) compare la phénoménologie à la psychothérapie, car, selon lui, ces deux approches apporteraient la résolution des problèmes aux individus. Edwards (2001) explique que la recherche phénoménologique et l’intervention psychothérapique sont à la fois descriptives, qualitatives, participatives et dialogiques (Edwards, 2001).

2.4. Questions de recherche

Comme notre étude est de nature exploratoire et descriptive, la démarche employée est basée sur une série de questions plutôt que sur des hypothèses ou des propositions de recherche.

Notre question principale est la suivante : Quelles sont les perceptives des intervenantes sur les pratiques d’intervention à privilégier lors d’une intervention auprès de femmes dans un contexte de concomitance de violence conjugale et de troubles mentaux modérés ?

Trois sous-questions abordent les perspectives des intervenantes :

1. Comment les pratiques privilégiées par les intervenantes peuvent-elles atténuer les troubles mentaux modérés que développent des femmes victimes de violence conjugale ?

2. Quelles sont les caractéristiques de ces modèles d’intervention ?

3. Est-ce que ces modèles d’intervention sont applicables à toutes les femmes victimes de violence conjugale ?

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