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Quand les interactions avec les professionnels orientent le choix des sources de soutien des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d'un trouble de l'humeur

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Academic year: 2021

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Quand les interactions avec les professionnels orientent

le choix des sources de soutien des proches aidants

accompagnant à domicile une personne âgée atteinte

d’un trouble de l’humeur

Mémoire

Dominique Stibre

Maîtrise en service social

Maître en service social (M. Serv. Soc.)

Québec, Canada

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Quand les interactions avec les professionnels orientent

le choix des sources de soutien des proches aidants

accompagnant à domicile une personne âgée atteinte

d’un trouble de l’humeur

Mémoire

Dominique Stibre

Sous la direction de :

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iii

Résumé

Cette recherche qualitative exploratoire porte sur l’expérience de proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Elle vise à 1) explorer les sources de soutien mises à leurs dispositions pour les aider à cheminer tout au long de leur parcours d’aidant; et 2) explorer les répercussions des interactions entre le proche aidant, son aidé et le système de santé dans l’utilisation ou la non-sélection des sources de soutien. Les données proviennent d’entrevues individuelles semi-dirigées réalisées auprès de neuf proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur dans la perspective théorique de l’interactionnisme symbolique de Blumer (1969). L’analyse des données inspirée de la théorisation ancrée propose quatre thèmes principaux : la trajectoire des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur, les interactions, l’utilisation des sources de soutien et le type de proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Les résultats de cette étude ont permis de développer une typologie du proche aidant accompagnant un aidé âgé atteint d’un trouble de l’humeur à domicile selon les motifs de la prise en charge. Il en ressort 4 types d’aidant : 1) le Surmené, 2) l’Obligé, 3) le Collaborateur et 4) l’Accompli. Finalement, les résultats ont permis de dévoiler quatre attitudes à adopter par les professionnels de la santé favorisant l'utilisation des services de soutien de la part des proches aidants : 1) les interactions harmonieuses, 2) l’instauration d’une relation coopérative, 3) la stabilité de la relation et 4) l’adaptabilité situationnelle.

Mots-clés : aidants, troubles de l’humeur, personne âgée, théorisation ancrée,

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iv

Abstract

This exploratory qualitative research documents the reality of caregivers accompanying at home an elderly person with mood disorder. It aims to 1) explore the sources of support available in order to help them to walk through their journey as a caregiver; and to 2) explore the impact of interactions between caregivers, elderly and the health system in the use or the non-selection of these sources of support. The data comes were collected from individual semi-directed interviews with nine caregivers accompanying at home an elderly person with mood disorder. Theoretical perspective uses is Blumer’s symbolic interactionism (1969). Analysis of data, inspired by grounded theory, proposes four main themes: the trajectory of the family caregivers accompanying at home an elderly person with mood disorder, interactions, the use of sources of support and the type of family caregivers accompanying at home an elderly person achievement of a mood disorder. The results of this study allow to develop a typology of the caregiver accompanying an elderly with mood disorder at home. It shows four types of caregiver: 1) Overworked 2) Forced 3) Volunteer and 4) Accomplished. Finally, the results reveal four attitudes use by health professionals to promote use of support services by caregivers: 1) harmonious interactions, 2) establishing a cooperative relationship, 3) the stability of the relationship, and 4) situational adaptability.

Keywords: Caregivers, mood disorders, elderly, grounded theory, symbolic interactionism, interactions, sources of support

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v

Table des matières

Résumé………...iii

Abstract………...…..iv

Table des matières………..v

Liste des tableaux……….…...viii

Liste des figures………....ix

Liste des acronymes………...x

Remerciements……….xii

Introduction………....1

Chapitre 1 : La problématique de recherche………..3

1. L’objet d’étude………...4

1.1. L’état des connaissances des concepts clés de la recherche………4

1.1.1. Le phénomène du vieillissement………...4

1.1.2. La santé mentale………5

1.1.3. Les troubles de l’humeur………...6

1.1.4. Le phénomène des proches aidants………...8

1.2. La pertinence de la recherche………..9

1.2.1. La pertinence sociale……….9

1.2.2. La pertinence disciplinaire………...11

1.2.3. La pertinence scientifique………....12

Chapitre 2 : La recension des écrits………..14

2. La démarche documentaire………...14

2.1. Les interactions entre le proche aidant et le système de santé et des services sociaux ... 15

2.1.1. La théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) ... 15

2.1.2. La typologie de Noelker et Bass (1989) ... 16

2.2. La perception des intervenants des proches aidants : le modèle de Twigg (1989) .... 19

2.3. Le soutien offert aux proches aidants ... 21

2.4. La réticence à l’utilisation des sources de soutien ... 24

2.4.1. Les facteurs influençant l’utilisation des sources de soutien ... 25

2.5. Les limites des études actuelles ... 26

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vi

3. L’interactionnisme symbolique comme théorie………28

3.1. L’interactionnisme symbolique appliqué à la situation des proches aidants d’aînés atteints d’un trouble de l’humeur ... 31

Chapitre 4 : La méthodologie……….36

4. Les visées, le but et les questions spécifiques de l’étude………..36

4.1. Le type de recherche : exploratoire ... 36

4.2. L’approche privilégiée : qualitative ... 37

4.3. La population à l’étude ... 38

4.4. L’échantillonnage ... 39

4.5. Procédure de recrutement des participants ... 39

4.6. Les considérations éthiques ... 40

4.7. Les procédures de collecte des données ... 41

4.8. Les stratégies favorisant l’expression des participants ... 42

4.8.1. Les compétences techniques ... 42

4.8.2. Les compétences relationnelles ... 43

4.8.3. Les compétences professionnelles ... 43

4.9. Procédure de l’analyse des données ... 43

4.9.1. Le processus de la théorisation ancrée ... 44

4.9.2. Les procédures de codage ... 44

4.9.3. Validation interjuges ... 46

Chapitre 5 : Présentations des résultats………47

5.1 Le profil sociodémographique des participants ... 47

5.2. La trajectoire de proche aidant accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. ... 48

5.2.1. Les identités et les rôles du proche aidant ... 48

5.2.2. Le phénomène du prendre soin : une réalité de nature complexe ... 51

5.3. Les interactions ... 53

5.3.1. La perception des proches aidants des interactions avec le réseau formel... 55

5.3.2. L’influence des interactions avec le réseau formel dans l’utilisation des sources de soutien... 57

5.3.3. La perception des proches aidants des interactions avec le réseau informel ... 59

5.4. Les sources de soutien des proches aidants ... 60

5.5. L’utilisation des sources de soutien : une question de lien de proximité ... 63

5.5.1. La réticence à l’utilisation des sources de soutien ... 64

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vii

5.6. Les types d’aidants accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de

l’humeur ... 68

Chapitre 6 : Conclusion………..71

6.1. Les faits saillants de l’étude. ... 71

6.2. L’apport de cette recherche au service social ... 75

6.3. Les limites de la recherche ... 76

6.4. Les perspectives pour la recherche ... ………77

Références bibliographiques……….79

Annexe 1 : Guide d’entrevue………90

Annexe 2 : Questionnaire sociodémographique………...92

Annexe 3 : Les étapes de la théorisation ancrée………...94

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viii

Liste des tableaux

Tableau 1. Typologie du proche aidant accompagnant un aidé âgé atteint d’un trouble de l’humeur à domicile selon les motifs de la prise en charge………...70

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Liste des figures

Figure 1. L’interdépendance des proches selon Noelker & Bass (1989)…………..……....16 Figure 2. Spécialisation des services formels selon Noelker & Bass (1989)…...………….17 Figure 3. La double spécialisation selon Noelker & Bass (1989)………….………18 Figure 4. Le lien supplétif selon Noelker & Bass (1989)……….18 Figure 5. La catégorie centrale : le phénomène du prendre soin………...…53 Figure 6. Matrice des interactions entre le proche aidant et les réseaux formel et informel………...………..55

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Liste des acronymes

ACSM AFS

Association canadienne pour la santé mentale Auxiliaire familial et social

ASPC

AVD Agence de la santé publique du Canada Activités de la vie domestique AVQ

CSBE CERUL DSM

Activités de la vie quotidienne

Commissaire à la santé et au bien-être du Québec Comité éthique de la recherche de l’Université Laval Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders EÉSAD

FCSDSQ ICIS IS

Entreprise d’économie sociale en aide à domicile

Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec

Institut canadien d’information sur la santé Interactionnisme symbolique

ISQ MFA

Institut de la statistique du Québec Ministère de la Famille et des Aînés

MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux OMS

OPHQ Organisation mondiale de la santé Office des personnes handicapées du Québec RHDCC

SABV SAD

Ressources humaines et Développement des compétences Canada Service Amical Basse-Ville

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Quelque part, quelque chose d’incroyable attend d’être connu.

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Remerciements

Chaque parcours de production d’un mémoire est unique. Sa réalisation nécessite de la rigueur intellectuelle et de la persévérance. Afin d’aboutir à la fin d’un aussi long processus, il faut s’entourer de personnes exceptionnelles qui collaboreront à son succès.

Je tiens d’abord à remercier ma directrice de recherche, madame Sophie Éthier, professeure agrégée. Arrivée à son bureau avec un objet de recherche peu exploré, elle a cru dès le départ en mon potentiel. Son accompagnement exceptionnel, sa compréhension, sa disponibilité et son expertise m’ont permis de me dépasser. Elle m’est source d’inspiration. Elle a développé chez moi le goût de la recherche et mes compétences dans ce domaine. Merci d’avoir été le phare m’apportant à bon port dans cette folle aventure.

Mes plus sincères remerciements à trois organisations qui ont contribué en partie au recrutement de mon projet de mémoire : L’Appui de la Capitale-Nationale, Le Cercle polaire et La Boussole. Un merci particulier à Mesdames Isabelle Daigle, Marie-Claude Turgeon et Hélène Lévesque. Votre ouverture à la recherche m’a permis d’accéder à un bassin de proches aidants. Un immense merci à chacun des participants aux entrevues, car sans vous ce mémoire n’existerait pas. La conciliation travail-étude est un gros défi. C’est pourquoi je remercie mon équipe de travail du SABV. Votre soutien m’a été précieux.

Enfin, un merci aux personnes qui sont ma raison d’être au quotidien : ma famille et mes amis. Ma maman, proche aidante au quotidien depuis 1999, est ma source d’inspiration première. Je ne peux passer sous silence le décès de mon père au cours de ce processus de recherche. Pour lui, j’ai tenu ma promesse. Je me suis rendue au bout de cette aventure. Papa, merci infiniment d’avoir cru en moi durant ta trop courte existence. Chers parents, votre confiance et votre soutien ont contribué à ce que je suis devenue. Je vous suis redevable pour cela. Merci aussi à mes amis tout spécialement Nadine. Tes encouragements m’importaient! En définitive, je tiens à remercier Etienne, mon ange gardien partageant depuis une décennie mon quotidien. Merci de faire la différence dans ma vie!

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Introduction

Claudine a 60 ans. Elle demeure en appartement avec sa mère âgée de 83 ans atteinte de trouble de santé mentale. Elle dépose un verre d’eau avec un sourire. Elle répète cette tâche quotidienne à maintes reprises depuis cinq ans. Elle y voit une occasion unique de partager un moment avec elle. Elle perçoit le vieillissement de sa mère comme son récit de vie. La société la nomme proche aidante. Plusieurs fois par mois, elle interagit avec les différents professionnels de la santé. Certaines questions demeurent sans réponse. Quelles sont les répercussions de ses interactions avec les professionnels dans le choix des sources de soutien retenues? Est-elle considérée comme une cliente ou plutôt comme une ressource éventuelle au maintien à domicile de sa mère? De fait, l’accompagnement d’un aîné est une expérience positive, mais parfois négative. Claudine se nourrit sur le pouce. Elle ne se repose plus. Elle ne sort plus depuis longtemps. Rarement, elle prend conscience de son état. C’est parfois une question de vie ou de mort. À bout de souffle, Claudine témoigne couramment de sa crainte de mourir avant sa mère dont elle prend soin. Qui s’en occupera si elle n’est plus là? Le vieillissement accéléré de la population du Québec soulève divers questionnements sur les difficultés associées à ce phénomène croissant. La réalité des proches aidants en fait partie. Les politiques actuelles valorisent et considèrent le rôle de la famille dans le soutien à domicile des aînés (Ministère de la Famille et des Aînés et Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2012; Rousseau, Lavoie, Guberman, Fournier, Béland & Grenier, 2008). Honte et culpabilité sont des sentiments présents chez Claudine. Elle veut que sa mère demeure à domicile, mais parfois, elle en a assez. Elle vit un conflit interne malgré les bienfaits de cet accompagnement. Épuisée, celui-ci la rend vulnérable. Elle peut exploser à tout moment. Claudine, au fond de son être, crie : « Aidez-moi! »

Le thème de ce mémoire est l’expérience avec les sources de soutien des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Cette recherche qualitative comporte deux objectifs. Le premier vise à explorer les sources de soutien mises à leurs dispositions afin de les aider à cheminer tout au long de leur parcours

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d’aidant; et le deuxième, à explorer les répercussions des interactions entre le proche aidant, son aidé et le système de santé dans l’utilisation ou la non-sélection des sources de soutien. La question guidant l’ensemble de cette recherche est la suivante : comment l’interaction des proches aidants d’une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur avec le système de santé contribue-t-elle à l’utilisation des sources de soutien?

Ainsi, ce mémoire de recherche s’intéresse aux expériences subjectives d’accompagnement à domicile d’un aîné atteint d’un trouble de l’humeur dans une perspective constructiviste. Effectivement, la réalité et la connaissance sont un ensemble de constructions mentales plus ou moins consensuelles de la part des individus directement ou indirectement impliqués dans le phénomène (Guba & Lincoln, 1994). Conséquemment, la perspective de l’interactionnisme symbolique encadre la démarche scientifique de ce mémoire. Celle-ci apporte une meilleure compréhension et une interprétation de l’influence de la triade proche aidant, aidé et système de santé sur les sources de soutien utilisées.

Ce mémoire se compose de six chapitres exposant ainsi la démarche de recherche et ses résultats obtenus. Pour ce faire, le premier chapitre sera consacré à la problématique de la recherche. Celui-ci contient, entre autres, l’objet d’étude, la prévalence du vieillissement de la population, des troubles de l’humeur et des proches aidants. Il se termine par l’exposition de la pertinence sociale, disciplinaire et scientifique de cette recherche. La recension des écrits et les limites des recherches actuelles forment le second. Le troisième chapitre expose la perspective de l’interactionnisme symbolique encadrant la démarche scientifique de la recherche. Le quatrième chapitre décrit la méthodologie de la recherche. Le cinquième chapitre expose les principaux résultats recueillis de l’analyse des données qualitatives et du questionnaire sociodémographique. Le sixième et dernier chapitre conclut ce mémoire de recherche par une discussion sur les faits saillants des résultats de l’étude. Celui-ci expose également l’apport de la recherche au niveau du service social, les biais rencontrés en cours d’étude et les perspectives d’études futures.

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Chapitre 1 : La problématique de recherche

Différentes recherches abordent, entre autres, l’expérience reliée à l’accompagnement à domicile d’un aîné atteint de la maladie d’Alzheimer (Black, Gauthier, Dalziel, Keren, Correia, Hew & Binder, 2010; Éthier, 2012) de la schizophrénie (Suro, &Weisman De Mamani, 2013) ou encore de la maladie du Parkinson (Oguh, 2012). À ma connaissance, une seule étude canadienne aborde l’accompagnement d’une personne âgée dépressive par un membre de sa famille (Sewitch, McCusker, Dendukuri, & Yaffe, 2004) et quelques études françaises traitent très brièvement de l’accompagnement d’un aîné atteint d’un trouble bipolaire (Ellouze, Ayedi, Cherif, Ben Abla, & M’Rad, 2011; Mouchabac, 2011). Pourtant, la dépression est souvent perçue comme une maladie récurrente chez cette clientèle (Tuma, 2000). Ses manifestations sont une source de détresse pour les personnes âgées, mais également pour leurs proches aidants (Scazufca, Menezes, Osvaldo, & Almeida, 2002). Il en est de même pour l’accompagnement d’un proche âgé atteint d’un trouble bipolaire. Selon Mouchabac (2011), les proches aidants de celui-ci connaissent des risques pour leur santé puisqu’ils sont jugés plus fragiles et plus âgés. Par conséquent, les accompagnements deviennent plus intensifs. Le peu de documentations scientifiques sur l’accompagnement des aînés atteints d’un trouble de l’humeur démontre la nécessité d’approfondir ce sujet (Leinonen, Korpisammal, Pulkkinen, & Pukuri, 2001; Sewitch et al., 2004). Il importe de s’en soucier dès maintenant, car les proches aidants sont des éléments constituant la « colonne vertébrale » de notre collectivité et de notre système de santé (Silverman, 2009 : 11). Par ailleurs, comme les troubles de l’humeur peuvent aussi les affecter, il devient doublement judicieux de leur offrir le droit de parole afin d’enrichir les connaissances que nous possédons pour le moment. Dans le cadre de cette étude, les proches aidants visés n’ont pas de distinction de rôle.

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1. L’objet d’étude

L’objet d’étude de ce mémoire porte sur les influences des interactions entre les proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur avec le système de santé et des services sociaux du Québec dans le choix des sources de soutien. Notons brièvement que la catégorie de personnes qualifiées de « personnes âgées » varie selon les cultures et les contextes (Sashi, 2007). La plupart des études québécoises et canadiennes se réfèrent au critère de l’âge, soit 65 ans et plus, afin de cibler cette population (Black et al., 2010; Ducharme & Trudeau, 2002; Thomas, Hazif-Thomas, & Billion, 2011). D’autres études mentionnent l’âge de 60 ans comme seuil d’entrée à la vieillesse (Depla, Graaf, Bussbachbach & Heeren, 2003; Reid, Jonhson, Bebbington, Kuipers, Scott & Thornningcroft, 2001). Cependant, il est reconnu que les études sur les personnes âgées atteintes de troubles de santé mentale graves ciblent l’âge de 60 ans, voire à 55 ans, comme entrée dans la vieillesse considérant leur vieillissement précoce dans des conditions difficiles (Dallaire, McCubbin, Provost, Carpentier & Clément, 2010).

1.1. L’état des connaissances des concepts clés de la recherche

L’objet d’étude est étroitement lié à trois concepts importants : le vieillissement de la population, les troubles mentaux plus précisément les troubles de l’humeur (dépression et trouble bipolaire) et la réalité des proches aidants. Ils forment ensemble le fil conducteur de ce mémoire. Par conséquent, il importe d’approfondir leur prévalence respective avant d’examiner la pertinence de ce thème de recherche.

1.1.1. Le phénomène du vieillissement

Le vieillissement des sociétés occidentales est un phénomène planétaire en expansion. Actuellement, au Canada, la prévalence des aînés devrait doubler d’ici 2036 et atteindre 10,4 millions de personnes (Ressources humaines et Développement des compétences Canada [RHDCC], 2011). Le Québec n’y fait pas exception. Selon l’Institut de la statistique du Québec [ISQ], la proportion des aînés de 65 ans et plus se situait à près de

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18 % en 2015, et est estimée à environ 27 % pour 2046 (Girard, et al., 2013). Avec le vieillissement de la population, l’incidence des problèmes de santé touchant les personnes âgées augmentera (Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2005a). Cette nouvelle réalité démographique entraînera une croissance du nombre d’aînés atteints de troubles mentaux (principalement la schizophrénie, les troubles psychotiques, les troubles bipolaires et les dépressions chroniques) dans la population (Bartels, Levine, & Shea, 1999 ; Cohen, 2000; Goldman & Manderscheid, 1987).

1.1.2. La santé mentale

La santé mentale implique qu’une personne possède la capacité de penser, d’agir et de ressentir afin d’accroître son bien-être tout en ayant les aptitudes à faire face aux diverses situations quotidiennes (Gouvernement du Canada, 2006; Organisation mondiale de la santé [OMS] 2013). Elle favorise l’émergence d’émotions positives tant sur le plan émotionnel que spirituel accordant ainsi de la considération aux interactions sociales, à la diversité culturelle et à la dignité personnelle (Gouvernement du Canada, 2006). Cependant, certains individus éprouvent « […] un [degré] d’incapacité qui interfère de façon significative dans les relations interpersonnelles, les compétences sociales de base et la capacité fonctionnelle dans la production d’un travail » (MSSS, 2005b). Ils sont alors atteints de troubles mentaux. Le Gouvernement du Canada (2006) estime que 20 % des Canadiens seront atteints d’un trouble mental au cours de leur vie. En 2006, plus de 95 000 Québécois souffraient d’une incapacité d’ordre mental dont 1 625 étaient des aînés de 65 ans et plus demeurant dans la région de la Capitale-Nationale (Office des personnes handicapées du Québec [OPHQ], 2006).

Le virage ambulatoire a provoqué, entre autres, la diminution de la durée des hospitalisations (Gagnon, Guberman, Côté, Gilbert, Thivierge & Tremblay, 2001). C’est pourquoi les familles prodiguent des soins beaucoup plus complexes à domicile (Ducharme, Pérodeau, Paquet, Legault & Trudeau, 2004). En effet, depuis les années 1960, les personnes atteintes de problèmes de santé mentale demeurent majoritairement à domicile. Cette nouvelle réalité provient du mouvement de la désinstitutionalisation. Que ce

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soit au Canada ou au Québec, celui-ci les a sortis des hôpitaux psychiatriques. Cela a contribué, en partie, à l’augmentation des aînés de 60 ans et plus atteints de problèmes de santé mentale à domicile (Depla et al., 2003; Reid et al., 2001). D’ailleurs, des enquêtes épidémiologiques, nationales et internationales, révèlent une augmentation de la prévalence de ces problèmes (Commissaire à la santé et du bien-être au Québec [CSBE], 2012). Selon le CSBE (2012), cette dernière représentait 11 % du poids de l’ensemble des maladies en 1990 et ce taux devrait s’élever à 15 % en 2020. Les problèmes de santé mentale constituent l’une des premières causes de morbidité et de mortalité précoce chez les personnes âgées et ils représentent 60 % des sources d’incapacités liées au vieillissement (Limosin, 2014). Ces changements démographique et organisationnel amplifient la possibilité que des aînés soient atteints de troubles de l’humeur à domicile.

1.1.3. Les troubles de l’humeur

Les troubles de l’humeur correspondent à des troubles amenant les personnes affectées à ressentir d’intenses émotions, et ce, de manière prolongée ayant des conséquences négatives sur leur bien-être mental, leur santé physique, leurs relations interpersonnelles et leurs actions (Association canadienne pour la santé mentale [ACSM], 2016). Ceux-ci figurent parmi les troubles mentaux les plus répandus dans la société (Gouvernement du Canada, 2006). En 2014, près de dix pour cent des Canadiens étaient atteints, dans une période de leur vie, d’un trouble de l’humeur (ACSM, 2014). Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéressons plus spécifiquement aux personnes âgées souffrant d’une dépression d’un trouble bipolaire accompagnées par des proches aidants. Abordons ces deux types de trouble de l’humeur.

1.1.3.1. Les troubles dépressifs

La dépression est une maladie mentale courante touchant au moins 350 millions de personnes dans le monde (OMS, 2015). Elle se caractérise par une tristesse, une perte d’intérêt ou de jouissance, des émotions de culpabilité ou de dévalorisation de soi, un sommeil ou un appétit perturbé, une certaine fatigue et des problèmes de concentration

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(OMS, 2016). Lorsqu’elle est non traitée, elle peut s’aggraver. Selon les critères du

Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders 5 [DSM], les troubles dépressifs

majeurs sont caractérisés par un ou plusieurs épisodes dépressifs sans pour autant avoir un historique de manie, de troubles bipolaires ou d’épisodes hypomaniaques (American Psychiatric Association, 2013). Bien que la dépression puisse être vécue par les aînés à domicile, elle est vraisemblablement sous-diagnostiquée et, au moment du diagnostic, souvent sous-traitée (Østbye, Kristjansson, Hill, Newman, Brouwer & McDowell, 2005). Ce phénomène est fréquent auprès de ceux ayant plusieurs atteintes psychiques. Effectivement, la dépression est non détectée chez environ 65 % des cas d’aînés atteints de démence (Kales, Chen, Blow, Welsh & Mellow, 2005). Ce sous-diagnostic demeure la cause d’un traitement inadéquat. Selon les auteurs de cette étude, la prévalence globale de la dépression majeure chez les personnes âgées de 65 ans s’estime à de 2.4 % (Kales et al., 2005). Finalement, Østbye et ses collaborateurs (2005) soulignent dans leur étude que la prévalence de toutes les formes de dépressions s’élève à 12.3 % pour ce même groupe d’âge.

1.1.3.2. Le trouble bipolaire

Le trouble bipolaire est un trouble affectant l’humeur. Les personnes atteintes traversent des épisodes de dépression et de manie. Selon le DSM 5, les troubles bipolaires se divisent ainsi : le trouble bipolaire de type I, le trouble bipolaire de type II et le trouble bipolaire non spécifié (American Psychiatric Association, 2013). Malgré la présence de cette maladie mentale auprès des personnes âgées de 65 ans et plus, peu d’études abordent le fait que ces personnes sont parfois accompagnées d’un proche. Seulement deux études françaises s’y sont intéressées (Ellouze, et al., 2011; Mouchabac, 2011). Pourtant, ce type d’accompagnement entraîne parfois des problèmes physiques et psychiques chez les proches aidants (Ellouze et al., 2011; Mouchabac, 2011). Tout comme la dépression, les troubles bipolaires sont généralement sous-diagnostiqués chez les personnes âgées (Mouchabac, 2011). Au Québec, les proportions de personnes ayant vécu un trouble bipolaire au cours de leur vie ou au cours des 12 mois précédant l’enquête se situent autour de 2 % et 1 % respectivement (Biraldi, Joubert, Bordeleau & Plante, 2015).

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Que l’aîné soit atteint de troubles dépressifs ou bipolaires, il semble essentiel de s’interroger sur les impacts de ces maladies mentales sur la vie des aidants. Abordons la prévalence de ces proches aidants au Canada et au Québec.

1.1.4. Le phénomène des proches aidants

Le terme « proche aidant » englobe une multitude de personnes diversifiées ignorant qu’une telle notion définit leurs responsabilités vécues au quotidien (Silverman, 2009). Ce dernier remplace l’expression « aidant naturel » à la suite d’une prise de conscience individuelle et collective de l’aspect peut-être pas toujours naturel de l’aide (Ducharme, 2012; Saint-Charles & Martin, 2001; Silverman, 2009). Il est difficile d’établir le moment exact où la personne devient proche aidante. Il s’agit d’une transition apparaissant habituellement lorsqu’un membre de la famille ou un ami contribue au fonctionnement normal de l’aidé (Silverman, 2009). Une certitude demeure cependant. Le soutien offert par les aidants va au-delà des responsabilités habituelles impliquant les liens familiaux, affectifs ou amicaux. Ce rôle se compose « de tâches multiples : appels téléphoniques réguliers, soutien moral, prise de rendez-vous, soins infirmiers, tâches domestiques, supervision quotidienne permanente » (Silverman, 2009 : 16). Plusieurs raisons motivent un tel soutien de la part des aidants : l’amour, le devoir, la culpabilité, la reconnaissance envers une personne ayant pris soin de soi antérieurement (Éthier, 2012).

Selon l’enquête sociale générale de 2012, plus de 25 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus ont fourni des soins à un membre de la famille ou à un ami ayant un problème de santé chronique, une incapacité ou des problèmes liés au vieillissement au cours des 12 mois précédant l’enquête (Sinha, 2013). Cela équivaut à environ 8,1 millions de Canadiens (Sinha, 2013). Au Québec, 1 675 700 Québécois, soit environ 25 %, ont fourni des soins en 2012 à un membre de la famille ou à un ami malade, ayant une incapacité ou des problèmes liés au vieillissement au cours des 12 mois précédant l’enquête (Lecours, 2015; Sinha, 2013). De ce nombre, 965 700 étaient des femmes et 710 000 des hommes (Lecours, 2015).

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Ces chiffres exposent la prédominance des femmes en ce moment dans la prestation des soins à un proche. Effectivement, selon un sondage effectué par Santé Canada en 2004, la majorité des proches aidants était des femmes (70 %) (Cranswick et Dosman, 2008). L’enquête sociale de 2012 corrobore également ce fait puisqu’elles représentent maintenant 54 % de l’ensemble des aidants (Sinha, 2013).

Par ailleurs, 64 % des proches aidants sont âgés de 55 à 64 ans (Santé Canada, 2004). Selon l’Institut canadien d’information sur la santé [ICIS], près de 20 000 d’entre eux (16 %) soutenant des aînés et recevant des services à domicile éprouvaient de la détresse associée à leur rôle (ICIS, 2010). De ce fait, les taux de détresse sont supérieurs chez les proches aidants fournissant « plus de 21 heures de soutien par semaine (28 %) » et pour ceux qui « aidaient des personnes âgées présentant des symptômes de dépression (32 %) » (ICIS, 2010 : 2). Selon l’OMS, la dépression représentera la principale cause de morbidité d’ici 2030 (OMS, 2011). En définitive, au Québec comme au Canada, les proches aidants sont des millions à accompagner une personne de leur entourage. Majoritairement du sexe féminin, ces personnes souffrent parfois de problèmes de santé mentale lorsqu’ils accompagnent une personne pendant plus de 21 heures par semaine.

1.2. La pertinence de la recherche

Plusieurs raisons, tant sur le plan social, disciplinaire que scientifique soutiennent la réalisation d’une recherche auprès des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Abordons ces diverses raisons.

1.2.1. La pertinence sociale

Le vieillissement démographique entraîne un contexte culturel encourageant la proche aidance (Ducharme, 2012). En guise d’exemple, la Politique Chez soi : le premier choix favorise le soutien dans le milieu de vie de la personne (MSSS, 2003). Cela accroît les possibilités des aînés de demeurer plus longtemps qu’auparavant à domicile. Néanmoins, selon Préville et ses collaborateurs (2007), 42,9 % d’entre eux éprouvent des signes élevés

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de détresse psychologique. De fait, une proportion non négligeable de ces aînés risque de souffrir également d’un trouble de l’humeur. Dans certains cas, ils nécessiteront un soutien soutenu de proches aidants (Ellouze et al., 2011; Mouchabac, 2011; Sewitch et al., 2004; Zergaw, Hailemariam, & Alem, 2008). C’est pourquoi il est justifié de s’attarder à ce type d’accompagnement puisque, tel que mentionné auparavant, les troubles de l’humeur sont sous diagnostiqués (Mouchabac, 2011; Østbye et al., 2005) et à risque de créer des conséquences néfastes autant chez l’aidant que chez la personne âgée (Mouchabac, 2011, Sewitch et al., 2004; Zergaw et al., 2008).

D’ailleurs, l’accompagnement des troubles psychopathologiques des aînés demeure un enjeu majeur (Limosin, 2014). Incontestablement, après les troubles cognitifs, les troubles dépressifs sont reconnus pour être le problème le plus inquiétant chez la personne âgée à cause de leur prévalence élevée et leurs associations avec les incapacités fonctionnelles, la mortalité et l’utilisation élevée des services de santé (Préville, Hébert, Boyer, Bravo & Seguin, 2005; Smit, Ederveen, Cuijpers, Deeg & Beekman, 2006).

Une autre considération sur le plan social porte sur le phénomène de la « double stigmatisation » du vieillissement et de la maladie mentale (Dallaire et al., 2010). Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (Mendonça, Levav, Jacobsson & Rutz, 2003) et la Commission de la santé mentale du Canada (Kirby & Keon, 2006) dénoncent ce phénomène ayant des répercussions sur « l’organisation et la prestation des services ainsi que les conditions de vie imposées aux personnes âgées (...) » (Nour, Dallaire, Regenstreif, Hébert & Moskovitz, 2010 : p.268). Cette situation entraîne des lacunes sur le plan des services et, par le fait même, augmente le fardeau des proches aidants devenant ainsi une population à risque. En guise d’exemple, la dépression est liée à changements chez les personnes âgées au niveau de l’humeur et les comportements quotidiens peuvent être similaires à ceux observés chez celles atteintes de démence (Scazufca et al., 2002). Par exemple, certains aidants accompagnant un aîné dépressif vivront de la détresse lié à l’accompagnement de leur proche (Scazufca et al., 2002). Le vieillissement de la population entraîne une augmentation du nombre de personnes âgées atteintes de troubles de l’humeur et le risque de développer le phénomène de la « double stigmatisation. »

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Conséquemment au phénomène de la « double stigmatisation. », cette recherche est pertinente socialement en raison de la nécessité de s’attarder aux interventions auprès des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte de la dépression

(Sewitch et al., 2004) ou d’un trouble bipolaire (Ellouze, et al, 2011; Mouchabac, 2011)

puisqu’ils sont « le pivot du maintien à domicile » (Paquet, 2008 : 55). Effectivement, de

nos jours, la famille devient une source de soutien permettant aux aînés de bien vieillir à leur domicile (Ducharme, 2006). Elouze et ses collaborateurs (2011) soulignent l’importance d’octroyer du temps de parole supplémentaire aux proches aidants accompagnant une personne atteinte d’un trouble bipolaire afin qu’ils puissent s’exprimer sur leur réalité autant les aspects négatifs que positifs. Ces mêmes auteurs soulignent l’importance de valoriser leur rôle dans l’aide d’une personne atteinte d’un trouble bipolaire (Ellouze, et al, 2011).

1.2.2. La pertinence disciplinaire

Chaque chercheur accorde de l’importance à un sujet précis pour des raisons tant professionnelles que personnelles. Étant donné que l’étudiante chercheuse est une travailleuse sociale, le choix de son objet d’étude n’est donc pas le fruit d’un hasard. La pertinence disciplinaire de cette recherche prend racine dans le fait que les thèmes du vieillissement, des troubles de l’humeur, des proches aidants et les sources de soutien offertes par le réseau de la santé et des services sociaux sont tous étroitement liés à la pratique professionnelle quotidienne des travailleurs sociaux. Plus spécifiquement, cette recherche s’attarde aux interactions entre ces proches aidants et le système de santé et à l’utilisation des sources de soutien disponibles pouvant répondre autant à leurs besoins qu’aux exigences d’un accompagnement à domicile d’une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. De plus, elle permettra sans doute de sensibiliser les professionnels de la santé mentale sur la réalité des troubles mentaux vécue par nos aînés québécois et des répercussions sur leurs familles. Cela cadre directement avec les raisons d’être d’une recherche en service social.

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12 1.2.3. La pertinence scientifique

En ce qui a trait à la pertinence scientifique, il faut savoir que très peu d’études québécoises ont tenté, à ce jour, d’aborder concrètement le phénomène de l’accompagnement d’un proche âgé de 65 ans et plus atteint d’un trouble de l’humeur. Beaucoup d’études traitent des troubles de l’humeur auprès des aînés, mais pas spécifiquement l’accompagnement de leurs proches (Limosin, 2014; Nour et al., 2010; Préville et al., 2005; Préville et al., 2007;). C’est pourquoi cette recherche peut apporter des retombées scientifiques et ainsi contribuer à l’amélioration des connaissances dans ce domaine. Bien que certaines recherches canadiennes et européennes aient effleuré le sujet, très peu abordent directement la réalité des proches aidants accompagnant ce type de clientèle précisément (Ellouze et al., 2011; Leinonen et al., 2001; Mouchabac, 2011; Sewitch et al., 2004), ce sujet n’est pas spécifiquement abordé au Québec. Pourtant, les troubles de l’humeur sont des maladies mentales présentes chez les personnes âgées. Effectivement, la Fondation des maladies mentales (2012) affirme qu’au Québec 100 000 personnes de 65 ans et plus demeurant à domicile souffrent de troubles anxieux ou de troubles de l’humeur. Cette situation demeure inquiétante sachant que la dépression est la principale cause de suicide et qu’au Québec 10 aînés par mois s’enlèvent la vie (Fondation des maladies mentales, 2012). Or, la majorité des études concernant les proches aidants examinent la situation des soins aux personnes âgées atteintes de démence (Scazufca et al., 2002).

L’originalité de cette recherche provient du fait qu’elle explore la réalité des proches aidants accompagnant une personne âgée de 65 ans atteinte d’un trouble de l’humeur. Celle-ci contribuera à mieux connaître les interactions entre les proches aidants et les professionnels de la santé selon le point de vue de ces proches aidants et leur influence dans le choix des sources de soutien. Enfin, la pertinence scientifique se voit également dans la nécessité d’effectuer d’autres recherches concernant la prise en charge de cette clientèle (Leinonen et al., 2001; Mouchabac, 2011; Sewitch et al., 2004). En outre, les recherches recommandent d’axer l’intervention auprès des professionnels de la santé entourant des proches aidants accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur sur la prévention. Cela établit la raison d’être de cette recherche visant à 1) explorer les sources de soutien mises à leurs dispositions afin de les aider à cheminer tout au long de leur

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parcours d’aidant; et à 2) explorer les répercussions des interactions entre le proche aidant, son aidé et le système de santé dans l’utilisation ou la non-sélection des sources de soutien.

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Chapitre 2 : La recension des écrits

Ce second chapitre expose la recension des écrits. Celle-ci est étroitement liée à la question de recherche suivante : comment l’interaction des proches aidants d’une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur avec le système de santé contribue-t-elle à l’utilisation des sources de soutien? Ainsi, elle se compose des interactions avec le système de santé et des services sociaux en abordant par le fait même la théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) et la typologie de Noelker et Bass (1989). Elle aborde brièvement la perception des professionnels de la santé des proches aidants selon le modèle de Twigg (1989), le soutien qui leur est offert, la réticence à l’utilisation des sources de soutien, les facteurs expliquant l’utilisation ou la non-utilisation des services de même que les limites dans les études actuelles.

2. La démarche documentaire

Afin de rédiger la recension des écrits, quatre bases de données de diverses disciplines ont été consultées, soit « AgeLine », « Pubmed », « PsychInfo » et « Social Sciences

Abstracts. » Les principaux concepts utilisés sont : aidants, aidants naturels, proches

aidants, aidants familiaux (carer, caregiver, caregivers); soutien social (home care

services); dépression (depression, burden, mental health); trouble de l’humeur (mood disorder); trouble bipolaire (bipolar disorder); interactions (formal, informal, linkages,

network,) et personne âgée, vieillissement, gérontologie (older adults, elderly, aging,

gerontology). Les articles sélectionnés en raison de leur pertinence s’échelonnent sur une

période d’un peu plus de 30 ans soit de 1985 à 2016. Néanmoins, à la connaissance de l’étudiante chercheuse, la documentation scientifique aborde actuellement peu l’accompagnement d’un aîné atteint d’un trouble de l’humeur. Ainsi, les recherches recensées ici représentent davantage la réalité du parcours d’un aidant accompagnant une personne âgée en général. Nous présenterons plus spécifiquement les interactions entre le proche aidant et le système de santé; la perception des intervenants des proches aidants; le soutien offert aux aidants; et les raisons de leur réticence à utiliser les services offerts.

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2.1. Les interactions entre le proche aidant et le système de santé et des services sociaux

Les différents besoins rencontrés par les proches aidants les contraignent à interagir avec divers professionnels du système de santé et des services sociaux du Québec. Effectivement, les transitions dans le parcours de vie de la personne âgée présentent à la fois des occasions et des défis pour les proches aidants l’accompagnant à domicile. Plusieurs études se sont intéressées aux interactions entre les acteurs liés à l’accompagnement d’un aîné (le réseau formel et le réseau informel). Celles-ci ont contribué à développer une théorie et des typologies afin de décrire et d’augmenter la compréhension des contributions et des relations entre les divers acteurs engagés à soutenir un aîné à domicile. Les interactions sont ainsi classifiées selon les tâches ou les relations effectuées par ces derniers. Les prochaines sections présentent la théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) et la typologie de Noelker et Bass (1989).

2.1.1. La théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985)

La théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) concerne les relations existantes, ou non, entre les réseaux formel (les professionnels du réseau de la santé) et informel (la famille). Selon cette théorie, les différents acteurs impliqués provenant des deux réseaux coordonnent leurs efforts. Ceux-ci contribuent au maintien à domicile de la personne âgée. Les tâches accomplies par ces réseaux demeurent complémentaires et interdépendantes de la structure de chaque groupe (Litwak, 1985). C’est en fait le postulat de base de cette théorie. Le réseau informel est associé aux dimensions des soins ne requérant pas de connaissances techniques (Litwak, 1985). Les organisations à domicile formelles sont quant à elles associées aux tâches nécessitant des connaissances techniques, un savoir professionnel et spécialisé (Litwak, 1985). La théorie des tâches spécifiques a démontré sa pertinence (Wilcox & Taber, 1991), mais elle a également fait l’objet de critiques (Noelker & Bass, 1989; George, 1987). À titre d’exemple, George (1987) considère la perspective théorique de Litwak comme étant « idéale », mais, au plan de la pratique, la division des tâches ne se réalise pas précisément entre les deux réseaux impliqués. Un bel exemple de

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cela : le virage ambulatoire au Québec contraint des aidants à fournir des soins spécialisés et infirmiers à leur proche (Lavoie & Guberman, 2007).

2.1.2. La typologie de Noelker et Bass (1989)

Noelker et Bass (1989) décrivent pour leur part, les différentes relations s’établissant entre les secteurs formel et informel auprès d’une personne âgée à domicile. Ayant pris en considération les particularités des aînés et des aidants, ces auteurs ont développé une typologie basée sur la participation de 500 proches aidants (Noelker & Bass, 1989). Cette typologie a trait aux différentes relations par lesquelles les aidants et l’État participent collectivement ou distinctement au soutien de la personne âgée à domicile. Ces chercheurs ont ainsi dégagé quatre types de relations, soit 1) l’indépendance des proches 2) la spécialisation des services formels 3) la double spécialisation et 4) le lien supplétif (Noelker & Bass, 1989).

Le premier type de relation, l’indépendance des proches, se manifeste lorsque la personne âgée possède peu d’incapacités physiques (Noelker & Bass, 1989). Ainsi, elle demeure autonome, car elle subvient seule à ses besoins. Dans d’autres situations, l’indépendance apparaît lorsque l’aîné ou son aidant méconnaissent l’existence des services offerts par le réseau formel. Conséquemment, aucun point de jonction n’existe entre les réseaux formel et informel et l’aîné. La figure 1, telle qu’exposée par Vézina et ses collaborateurs (1993), démontre clairement l’absence de lien entre les différents acteurs impliqués.

(Source : Vézina, Vézina & Tard, 1993).

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Pour le deuxième type de relation, la spécialisation des services formels (Noelker & Bass, 1989), l’aidant effectue généralement les principales tâches d’AVD et d’AVQ. Cependant, les tâches spécialisées nécessiteront les compétences des professionnels de la santé puisque l’aidant sera incapable de les réaliser. C’est pourquoi les services formels, en substitution de la famille, déploieront leurs ressources dans le but de répondre à l’ensemble des besoins de l’aîné. La figure 2 démontre que le réseau informel, c’est-à-dire le proche aidant, sera impliqué spécifiquement dans la prestation de soins à la personne âgée à domicile.

(Source : Vézina et al., 1993).

Figure 2. Spécialisation des services formels selon Noelker & Bass (1989)

Le troisième type de relation est la double spécialisation (Noelker & Bass, 1989). Le réseau formel interviendra dans la prestation de soins spécialisés tandis que le réseau informel interviendra quotidiennement dans les situations imprévues avec des tâches non spécialisées (Vézina et al., 1993). Ce type de relation représente la conceptualisation de Litwak (1985) concernant les aidants et les professionnels de la santé accomplissant des tâches complètement séparées. Nous y reviendrons plus tard. La double spécialisation des tâches se retrouve habituellement chez les proches aidants de sexe masculin (conjoint), chez les proches aidants ayant un degré de stress moindre associé à la dispensation des soins et chez l’aîné ayant peu d’incapacités fonctionnelles (Vézina et al., 1993). La figure 3 expose la double spécialisation.

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(Source : Vézina et al., 1993)

Figure 3. La double spécialisation selon Noelker & Bass (1989)

Le quatrième type de relation concerne le lien supplétif (Noelker & Bass, 1989). Dans cette situation, les réseaux formel et informel travaillent conjointement à dispenser des soins à la personne âgée. Les réseaux s’engagent à soutenir la personne âgée dans un champ d’aide similaire. Il s’agit là d’un supplément offert par le réseau formel aux efforts fournis par le proche aidant (Noelker & Bass, 1989; Vézina et al., 1993). La figure 4 illustre ce type de relation.

(Source : Vézina et al., 1993).

Figure 4. Le lien supplétif selon Noelker & Bass (1989)

Mentionnons que le lien supplétif n’empêche pas le proche aidant de contribuer au soutien de l’aîné à domicile. Celui-ci participera aux tâches non assumées par le réseau formel.

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Cette situation entraîne une charge de travail supplémentaire aux aidants. Par conséquent, ils vivront une diminution de leurs temps libres (Vézina et al., 1993).

En résumé, cette section aborde la théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) et la typologie de Noelker et Bass (1989). La théorie des tâches spécifiques de Litwak illustre la complémentarité et l’interdépendance des tâches réalisées par les secteurs formels et informels. Cela démontre l’importance de la collaboration entre les réseaux formels et informels afin d’offrir un meilleur soutien à la personne âgée vivant à domicile. Litwak (1985) dégage quatre types de relations possibles dans sa théorie: soit 1) l’indépendance des proches 2) la spécialisation des services formels 3) la double spécialisation et 4) le lien supplétif. Il existe des liens entre cette théorie et cette typologie. La théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) et la typologie de Noelker et Bass (1989) présentent différentes formes de relations existantes ou non pouvant s’établir entre les acteurs du SAD des personnes âgées. Elles se rejoignent lorsqu’il est question de la double spécialisation de la typologie de Noelker et Bass (1989). Effectivement, la double spécialisation illustre la théorie de Litwak (1985) selon laquelle chaque réseau accompli les tâches spécifiques allant de pair avec sa raison d’être. Les relations s’établissent donc selon les tâches réalisées ou non par ces réseaux. Cela influence les perceptions des intervenants œuvrant avec la clientèle des proches aidants.

2.2. La perception des intervenants des proches aidants : le modèle de Twigg (1989)

Les chercheurs abordent depuis plusieurs années diverses pistes de réflexion concernant la relation entre les organisations formelles et les proches aidants. Twigg (1989) expose trois modèles mettant l’accent sur la perception des intervenants des aidants. Ainsi, ils sont perçus comme 1) des ressources, 2) des partenaires et 3) des clients secondaires

Le premier modèle considère l’aidant comme une ressource. Son point central est la personne aidée. Dans cette perspective, les professionnels de la santé perçoivent le proche aidant comme une ressource importante, sans toutefois être une préoccupation (Twigg,

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1989). Son bien-être est marginalisé. Il est considéré comme un élément du contexte séparé et à la disposition des professionnels de la santé. L’aide informelle demeure parfois invisible (ou survisible) aux intervenants (Clément, 1996). Elle est perçue comme une normalité allant de soi (Clément, 1996). La manière d’intervenir de certains professionnels de la santé est le reflet des politiques de services à domicile. Les proches aidants apparaissent, dans ces dernières, comme des ressources importantes au maintien à domicile des personnes fragilisées (Lavoie, Pepin, Lauzon, Tousignant, & Belly, 1998). Selon ce modèle, certaines responsabilités familiales sont non assumées par le réseau formel. Cette situation développe des tensions entre les professionnels de la santé et les proches aidants (Twigg, 1989). Des études plus récentes abondent dans ce sens. Les intervenants offrent, aujourd’hui, un certain soutien psychosocial, éducatif ou de répit pour les proches aidants. L’objectif premier de ces interventions vise leur mobilisation afin de collaborer davantage et fournir de meilleurs soins (Béland & Arweiler, 1996). Les intervenants considèrent donc ici l’aidant comme « personne-ressource » (Guberman & Maheu, 2002).

Le second modèle représente les proches aidants comme partenaires. Le secteur formel et informel travaille en parallèle visant ainsi à développer une relation complémentaire et de coopération. L’objectif premier est de réunir cette séparation (Twigg, 1989). Ce modèle semble intéressant, mais il contient des lacunes. Il comprend l’intérêt de l’aidant et le moral de ce dernier à l’intérieur de ses préoccupations se basant essentiellement sur un motif instrumental (Twigg, 1989). Cette stratégie vise une continuité de l’aide apportée par le proche aidant à la personne dépendante. Les conflits sont alors repoussés o u négociés entre les professionnels de la santé et ces derniers.

Le dernier modèle perçoit les proches aidants comme clients secondaires. La signification d’un « client » demeure encore complexe au sein des services sociaux (Twigg, 1989). Il existe cependant une particularité lorsqu’il s’agit d’un accompagnement d’un aîné. Certains proches aidants demeurent volontaires. Ce volontarisme est à la fois une réalité de la vie sociale, et un principe moral reconnus par les organisations dans leurs relations avec eux. Dans le cas d’adulte, ils peuvent être considérés comme l’unité d’intervention. Dans ce modèle, les conflits d’intérêts entre les réseaux sont totalement reconnus. Récemment la

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Chaire Desjardins en soins infirmiers aux personnes âgées et à la famille a produit un mémoire dans le sens de reconnaître le proche aidant comme client du système de santé et non plus seulement son proche (Ducharme, Lévesque, Bourbonnais, Dubé, Saulnier, 2013). Celle-ci démontre qu’une démarche favorable à l’ouverture d’un dossier client au nom du proche aidant permettrait aux intervenants d’optimiser leurs actions envers la clientèle des proches aidants (Ducharme, Lévesque, Bourbonnais, Dubé, & Saulnier, 2013).

Ces paradigmes font référence à l’ensemble des valeurs, des croyances et des représentations, plus ou moins conscientes, orientant la perception de la réalité des professionnels envers les aidants (Lavoie et al., 1998). Ces représentations s’avèrent fondamentales, car elles peuvent influencer les décisions relatives à la mise en place des services et l’élaboration des règles et des normes les sous-tendant (Lavoie et al., 1998). Lavoie et ses collaborateurs (1998) citent en exemples les outils d’évaluation des besoins, les critères d’admission et de priorisation des services.

En bref, cette section explique les trois modèles des proches aidants énumérés par Twigg (1989) : personnes ressources, partenaires ou clients secondaires. Ils fournissent des éléments riches apportant une meilleure compréhension de la relation entre le réseau formel et le réseau informel. Nous nous en distinguons quelque peu puisque la spécificité de ce mémoire comprend la description de la qualité du soutien reçu ainsi qu’une brève compréhension de l’influence des interactions entre le proche aidant et le système de santé dans le choix des sources de soutien utilisées. Abordons maintenant le soutien offert aux proches aidants.

2.3. Le soutien offert aux proches aidants

Le gouvernement du Québec soutient les besoins des proches aidants dans au moins deux de ces politiques : premièrement, au sein de la première politique québécoise de soutien à domicile Chez soi : le premier choix (MSSS, 2003). Cette politique considère les aidants comme des clients ayant droit à des services, des partenaires dans les soins et des citoyens

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remplissant leurs obligations. Elle propose une vision des proches aidants comme n’étant pas uniquement des ressources dans le but de favoriser le soutien à domicile des personnes âgées. Deuxièmement, une Politique relative au vieillissement a été adoptée : Vieillir et

vivre ensemble, chez soi, dans sa communauté, au Québec (MFA & MSSS, 2012). Cette

politique montre la nécessité de développer diverses actions, notamment pour soutenir les proches aidants. Cette politique vise, entre autres, à améliorer la reconnaissance, le soutien et l’accompagnement dont ils ont besoin (MFA & MSSS, 2012).

Les proches aidants sollicite1nt de temps à autre du soutien afin de répondre à leurs besoins. Par contre, une étude canadienne de Black et ses collaborateurs (2010), réalisée auprès de 398 aidants, indique que 64 % ne bénéficieraient pas d’intervention formelle touchant leur rôle d’aidant. Paquet (2001) appuie cette vision en explicitant les raisons de leurs réticences à utiliser les services offerts. Pourtant, cela ne signifie pas qu’ils ne les nécessitent pas. Nous y reviendrons plus loin. De plus, les professionnels de la santé reconnaissent peu les proches aidants comme clientèle cible et, par conséquent, ils ne cherchent pas à répondre à leurs besoins spécifiques (Ducharme, Lebel, Lachance, & Trudeau, 2006). Ainsi, en dépit des politiques et des écrits scientifiques, les aidants sont encore le plus souvent considérés dans les faits comme des ressources utiles pour les soins à la personne vieillissante (Lavoie et al., 1998) et non comme des personnes ayant elles-mêmes des besoins spécifiques reliés à leur responsabilité d’aide.

En pratique, les proches aidants obtiennent également du soutien individuel. La documentation scientifique démontre des résultats significatifs à court terme chez la clientèle des proches aidants lorsqu’il est question d’interventions individuelles ciblées (Ducharme, 2006) comme les thérapies brèves (Antoine, Quandalle, & Christophe, 2010; Ducharme et Trudeau, 2002; Thompson, 1996), la psychothérapie, et une combinaison de plusieurs de ces types d’interventions (Antoine et al., 2010; Ducharme, 2006). Il est en outre possible pour les proches aidants d’obtenir des interventions téléphoniques. Les interventions à long terme, chez les proches aidants, favorisent également des résultats bénéfiques (Ducharme, 2006) surtout lorsque leur expérience d’aidant est vécue comme un fardeau (Sörensen, Pinquart, Habil, & Duberstein, 2002). Le programme d’intervention

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individuelle de gestion de stress tel qu’élaboré par Ducharme et ses collaborateurs (2006) diminue quelquefois la détresse psychologique vécue par certains aidants (Antoine et al., 2010; Ducharme & Trudeau 2002). Ces divers modèles d’intervention individuelle sont offerts en CLSC ou dans des organisations communautaires. En parallèle, le réseau social informel se constitue des familles de l’aidant et de la personne âgée, des voisins et des amis lesquels contribuent aussi à soutenir les proches aidants pour surmonter différentes épreuves (Ducharme, 2006) liées à leur rôle.

Certains proches aidants reçoivent en outre du soutien par leurs participations à différents groupes, lesquels ont fait l’objet d’un plus grand nombre de travaux (Ducharme, 2006). Les programmes de groupes psychoéducatifs sont le plus fréquemment employés auprès des aidants (Ducharme, Trudeau, & Ward, 2005). Ils visent surtout l’enseignement « d’approches permettant aux aidants de mieux gérer les situations stressantes liées à la prise en charge de leur proche » (Ducharme, 2006 : 70). Le second groupe le plus documenté est le groupe de soutien. Celui-ci permet de renseigner les proches aidants sur le problème de santé de leur proche, de connaître les différentes sources de soutien disponibles, mais surtout de pouvoir exprimer leurs émotions et de discuter entre pairs des difficultés rencontrées au quotidien (Ducharme, 2006). Malgré tout cela, les effets bénéfiques sur les proches aidants de ces interventions sont modestes (Sörensen et al., 2002). Un programme psychoéducatif de groupe pour les aidants de personnes démentes vivant à la maison a été évalué par Hébert et ses collaborateurs (2003). D’autres programmes d’interventions de groupe axés sur la gestion du stress ont été évalués par différents auteurs (Acton & Kang, 2001; Zarit, Gaugler, & Jarrott, 1999). En général, ces programmes de groupe donnent des résultats modestes en ce qui concerne l’amélioration du bien-être des proches aidants (Acton & Kang, 2001; Gaugler, & Jarrott, 1999). D’autres limites sont soulevées. Ces programmes sont majoritairement centrés sur les aspects négatifs associés au rôle d’aidant et ne prennent pas en considération les aspects positifs (Carbonneau, Caron, & Desrosiers, 2009). Ces mêmes auteures montrent les possibilités d’améliorer le bien-être des proches aidants par le biais des aspects positifs associés à leur rôle. Leur programme d’éducation au loisir adapté vise, entre autres, le rehaussement de

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moments de plaisir dans la relation entre le proche aidant et l’aidé âgé, ce qui permet de renforcer la qualité des temps libres ou des visites.

Finalement, les proches aidants accèdent également à des services offerts par les entreprises d’économie sociale en aide domestique [EÉSAD] (FCSDSQ, 2016). Selon la FCSDSQ (2016), les EÉSAD se composent de coopératives de services à domicile de même que d’organismes à but non lucratif de services à domicile. Elles offrent des services de SAD plus spécifiquement auprès des personnes âgées. Leurs services proposés sont des services d’entretien ménager : travaux légers et lourds, lessive, préparation de repas, approvisionnement, etc. (FCSDSQ, 2016). Plus encore, les proches aidants ont également accès à des services d’accompagnement le jour, le soir et la nuit; des services de répit et de la présence-surveillance de leur proche.

Cette section expose deux politiques mises en place par le gouvernement du Québec afin de soutenir les proches aidants : Chez soi : le premier choix (MSSS, 2003) et la Politique

vieillir et vivre ensemble : Chez soi, dans sa communauté, au Québec (MSSS, 2012). Une

question demeure : est-ce suffisant? Ces politiques affirment leur volonté de soutenir les proches aidants, ceux-ci demandent de l’aide pour les soutenir, mais des limites persistent en ce qui concerne l’accès, la qualité ou la continuité dans les services. Les interventions individuelles semblent obtenir de meilleurs résultats, selon les indicateurs mesurés. Les programmes de groupes rencontrent quant à eux diverses limites : ils axent trop souvent l’intervention sur les aspects négatifs du rôle d’aidant et leurs résultats, basés sur l’évaluation des effets sur le fardeau, semblent pour le moment plutôt modestes.

2.4. La réticence à l’utilisation des sources de soutien

Une variété d’études démontrent que les proches aidants utilisent peu ou tardent à utiliser les services (Brodaty, Thomson, Thompson, & Fine, 2005; Brown & Chen, 2008; Lim 2012; Paquet, 1997). Il s’agit là du phénomène de la « réticence » à l’utilisation des sources de soutien. De nombreux facteurs sont à l’origine de celle-ci et il demeure pertinent de s’y attarder.

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2.4.1. Les facteurs influençant l’utilisation des sources de soutien

Diverses raisons entourent l’utilisation et la non-utilisation des sources de soutien offertes aux proches aidants (Brodaty, Thomson, Thompson, & Fine, 2005; Brown & Chen, 2008; Kosloski, Montgomery & Youngbauer, 2001; Lévesque, Cossette, Potvin & Beenigeri, 2000). La plupart de ces auteurs se sont inspirés grandement du modèle d’Anderson et Newman (1974) qui inclut trois facteurs expliquant l’utilisation des services : 1) les caractéristiques du système de santé; 2) des changements dans la technologie médicale et des normes sociales relatives à la définition et le traitement de la maladie et 3) les déterminants individuels de l’utilisation modifié par Bass et Noelker (1987). Ce modèle est construit sur l’élaboration des quatre facteurs suivants : 1) facteurs prédisposants, 2) facteurs de risque, 3) facteurs liés à l’aidant, 4) facteurs liés à l’aidé. Abordons les facteurs de Bass et Noelker (1987).

Les facteurs prédisposants sont l’ensemble des caractéristiques sociodémographiques et identitaires d’un individu : son âge, son sexe, son niveau de scolarité, etc. À titre d’exemple, l’étude de Kosloski et ses collaborateurs (2001) effectuée auprès de 458 proches aidants d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer démontre que les aidants plus scolarisés utilisent davantage les services. Les facteurs de risques se composent, entre autres, du réseau social du proche aidant et des services qui leurs sont offerts. Par exemples, un réseau social absent ou inexistant et des services ne correspondant pas aux besoins immédiats de l’aidant font en sortent qu’il sera à risque de ne pas utiliser les services. Toutefois, des études démontrent que lorsque le soutien informel est suffisant, ils n’utilisent pas les services (Kosloski, et al., 2001; Paquet, 1997). Pourtant, l’étude de Lévesque et ses collaborateurs (2000) illustre qu’un imposant réseau informel offre la possibilité aux aidants de mieux connaître les services et d’ainsi les utiliser. Les facteurs liés à l’aidant proviennent de leurs conditions physique et psychologique (Bass & Noelker, 1987). Finalement, les facteurs liés à l’aîné concernent le degré d’autonomie, mais également son acceptation des services qui lui sont offerts. Ces différents facteurs influencent l’utilisation des services. Malgré cela, il faut aussi considérer les caractéristiques des services. Celles-ci influenceraient aussi l’utilisation des sources de soutien. L’étude de Bruce et Paterson (2000) illustre que lorsque les aidants effectuent les démarches afin d’obtenir les services,

Figure

Figure 1. L’interdépendance des proches selon Noelker & Bass (1989)
Figure 2. Spécialisation des services formels selon Noelker & Bass (1989)
Figure 3. La double spécialisation selon Noelker & Bass (1989)
Figure 5. La catégorie centrale : le phénomène du prendre soin
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Références

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