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De l'idee au projet: les parcours des createurs d'entreprise - E-book - Livres pour tous | Livres gratuits

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Université Paris 8 - Vincennes Saint-Denis Ecole doctorale de Sciences Sociales

Paméla ROSER PARMENTIER

Thèse de doctorat Sociologie

DE L’IDEE AU PROJET : LES PARCOURS DES CRÉATEURS

D’ENTREPRISE JEUNES ET SENIORS

Sous la direction de Mme Régine BERCOT Soutenue le 17 novembre 2015

Membres du jury :

- Daniel BACHET Professeur de Sociologie à Evry

- Régine BERCOT Professeure de Sociologie à Paris VIII

- Danièle LINHART Sociologue, Directrice de Recherche émérite CNRS-Paris X

- Marc LORIOL Chercheur au CNRS- IDHES Université de Paris I Panthéon-Sorbonne

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L'entreprise est la première institution humaine qui a été conçue pour

créer le changement.

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Résumé

Cette thèse porte sur les créateurs d’entreprise, jeunes et seniors, qui à un moment donné de leur carrière professionnelle, ont effectué un changement de parcours au cours duquel ils ont décidé de construire et de développer leur entreprise. Cette étude nous apprend que "monter sa boite" ne relève pas du coup de tête, mais fait l’objet d’un processus réfléchi et réaliste, processus risqué qui est analysé ici comme une action autant sociale qu’individuelle, et comme le fruit d’un cheminement personnel, cheminement allant jusqu’à la transformation et au repositionnement identitaire. Nous montrons que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’une activité individuelle. Si elle est pour une part solitaire, l’action des entrepreneurs se construit en lien et souvent en coopération tant avec des institutionnels qu’avec des réseaux plus informels. Des entretiens avec les institutionnels, une observation participante dans une formation ont permis de mettre en évidence le contenu des accompagnements sociaux institutionnalisés. Les entretiens avec les créateurs montrent l’apport différencié des réseaux sociaux, ceux des liens forts et ceux des liens faibles.

Dans cette thèse, nous analysons le cheminement de l’idée originelle de l’individu jusqu'à l’élaboration du projet puis sa mise en place. De l’idée initiale, au projet abouti, il existe un certain nombre d’étapes qui sont nécessaires et importantes, demandant au porteur du projet une adaptabilité et une capacité de changement. Le porteur de projet en passant par ces différentes étapes sera confronté à des phases de doutes générant des remises en question. Il s’agit de comprendre comment les futurs entrepreneurs se projettent dans leur nouveau statut, évaluent ce "challenge" professionnel. Habiter ce nouveau statut, passer du monde salarial au monde patronal, leur demande une véritable réflexion sur l’orientation de la carrière et une prise de conscience des risques familiaux, financiers et identitaires. La thèse explicite des configurations de trajectoires professionnelles, leur articulation à la vie familiale et sociale. Elle met en évidence les différences de parcours mais aussi de sens que la création d’entreprise revêt selon l’âge. Les séniors et les jeunes ne sont pas non plus armés de la même manière. Ainsi les savoirs d’expérience et de formation s’articulent différemment selon les parcours. Ce choix, cette mise en action constitue pour eux une "seconde carrière". Les manières de construire et de mener les projets révèlent également des différences selon le genre.

Mots clés : entrepreneur, réseau social, compétence, identité, expérience, socialisation, capital.

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Abstract

This doctoral thesis deals with young and over-fifties business creators who, at a time during their professionnal career have decided of a change so as to start and develop their own business.

This research tells us that "starting up one's own place" is far from being a whim, but it is the result of a realistic and thoughtful project ; a risked process which is seen here both as a social and personal action and as the result of a personal development. This development is going up to a personal change and to an identity repositioning. We prove that, the process is not the result of an individual activity only. Of course, it's partly an individual action, but this action is also built in link and in cooperation with both institutions and more informal networks. Conversations with institutions as well as participating observations in a training period have revealed the contents of the institutionalized social supports. Conversations with the creators show the different contributions of the social networks, those with strong links and those with weak links. In this thesis, we analize the progress from the original idea in the individual's mind until the elaboration of the project and finally to its ' setting up'. From the initial idea to the accomplished project, there is a number of stages which are both necessary and important; as a consequence, the leader of the project must be able to adapt and to have a change capacity. Getting through these various stages, the leader of the project will have to face periods of doubt generating questionings.

It's a question of understanding how the future entrepreneurs fall in the new statute and estimate this professional chalenge. Living this new statute and passing from the wage world to the employers' world, asks them a real thought on the orientation of their career as well as the awareness of the family, financial and identical risks.

The thesis explains configurations of careers and their link with social and family life. It reveals the differences of careers and of sense that the new business involves according to the age. The over-fifties and the young people are differently equipped. Thus, the experience and training knowledge link differently according to the careers. This choice, the action constitute "a second career" for them. The way the projects are built and led also reveals differences according to the gender.

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Remerciements

Avant de commencer cette thèse, je ne pensais pas passer par autant de stades de doutes, de remises en question et de solitude. Un chercheur est seul face à son sujet, bien que très intéressant et enrichissant cette thèse a été à la fois le fruit d’une longue introspection et m’a révélé certaines capacités que je ne me connaissais pas. Cette thèse est très actuelle par l’engouement médiatique et la manière dont les individus souhaitent se réapproprier leur travail, leur façon de travailler et donner une nouvelle perspective à leur carrière professionnelle. L’entrepreneuriat est une aventure délicate, où l’individu doit non seulement se positionner face à un marché de plus en plus concurrentiel mais également avoir une capacité de compréhension du marché, de réactivité et de remise en question dans ses manières de faire ou de réagir. C’est sur ce point que je pourrais rapprocher, de manière très humble, l’aventure entrepreneuriale du travail de thèse. En effet, ces deux parcours semblent d’un point de vue global très divergents. Cependant, le créateur d’entreprise et l’étudiant en thèse se positionnent tous les deux dans une aventure difficile, où la volonté et la ténacité sont des qualités essentielles afin d’amorcer et de poursuivre leur but. Si les deux pensent être seuls face à ce projet qui leur semble fastidieux, ils ont des personnes référentes, des appuis sur lesquels s’appuyer.

C’est ainsi que je souhaite exprimer toute ma gratitude à ma Directrice de thèse, Régine Bercot, qui m’a accompagnée et soutenue dans cette longue aventure, ses observations, ses conseils et son écoute attentive m'ont été très précieux. Il est également important pour moi d’exprimer ma reconnaissance à Monsieur Verstraete et aux organisateurs du séminaire sur l’entrepreneuriat à Bordeaux qui m’ont permis de mieux comprendre la démarche entrepreneuriale. Je n’oublie pas les organismes d’accompagnement et les entrepreneurs interrogés sur leur activité qui m’ont donné une vision complémentaire du travail de chef d’entreprise.

Enfin, je tenais également à remercier mes parents, mon mari et mes amis (es)pour leur dévouement et leur compréhension lorsque j’avais des moments de doutes ou de découragement.

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TABLE DES MATIERES

Introduction générale 11

1- Les représentations du travail entrepreneurial 21

2- Comprendre le sens de cette mise en action 25

3- Problématique, hypothèses, méthodes 27

Première partie : La création d’entreprise : Le processus entrepreneurial en question 57

Introduction de la partie 1 58

Chapitre 1 : Le monde entrepreneurial : un univers à comprendre 59

1.1 La notion d’entrepreneuriat au fil du temps 59

1.2 Les accompagnants : différence dans les statuts et les rôles 97

1.3 Quelle adéquation des logiques d’action des organismes référents avec celles des entrepreneurs 111

1.4 Panorama des créateurs : producteurs de richesses 117

1.5 Devenir entrepreneur : le statut au travers du regard social 131

Conclusion du chapitre 1 148

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Chapitre 2 : L’entrepreneuriat comme une chance ? 149

2.1 Intérêts et avantages que présente la création d’entreprise 149

2.2 La notion de qualification dans l’entrepreneuriat 167

2.3 L’expérience par rapport au diplôme : gage pour une efficacité ? 187

2.4 De la trajectoire au parcours professionnel : les tenants de la mobilité 207

Conclusion du chapitre 2 232

Chapitre 3 Des individus formés et informés de la démarche 233

3.1 L’accompagnement dans la création par les institutionnels : une méthodologie à respecter 235

3.2 Regard critique concernant l’accompagnement des institutionnels 247

3.3 La part du risque dans le projet entrepreneurial 259

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Deuxième partie : Les modes d’inscription et les logiques d’action des

entrepreneurs 277

Introduction de la partie 2 278

Chapitre 4 : Une démarche personnelle et collective relative à la création d’entreprise 279

4.1 La différence par le genre dans la création 279

4.2 Les motivations des acteurs sociaux : la décision d’entreprendre 299

4.3 La dynamique du réseau social : un atout pour le créateur 327

Conclusion du chapitre 4 351

Chapitre 5 : Choix d’une nouvelle vie professionnelle et transformation de soi 353

5.1 L’identité professionnelle mise en avant : lorsque l’entreprise devient un révélateur 353

5.2 Lorsque l’identité devient incomprise et imposée à l’entrepreneur 359

5.3 Les formes d’enchantements et les faces sombres de l’entreprenariat 361

5.4 La reconstruction du « soi » par le travail entrepreneurial 373

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Chapitre 6 : Portrait des interviewés : Existe-t-il une figure unique de

l’entrepreneur? 391

6.1 Les dynamiques entrepreneuriales 393

6.2 La confrontation entre les réussites et les erreurs : l’importance de la réflexivité 405 Conclusion du chapitre 6 416 Conclusion Générale 417 Bibliographie 427 Annexes 439 Annexe 1 – Séminaire sur l’entrepreneuriat-Bordeaux 440

Annexe 2 – Grille d’entretien jeune 455

Annexe 3 - Grille d’entretien senior 461

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L’entrepreneuriat : un phénomène social actuel

L’INSEE nous propose une définition de la création d’entreprise depuis 2007, date à laquelle s’est faite l’harmonisation européenne : "La notion de création d'entreprise s'appuie sur un concept harmonisé au niveau européen pour faciliter les comparaisons : une création d'entreprise correspond à la mise en œuvre de nouveaux moyens de production".

Depuis la crise pétrolière de 1974 qui a touché la France, les pouvoirs publics ont envisagé de faciliter un mode de travail indépendant, proposant aux individus de s’affirmer par leur choix de carrière et de confirmer professionnellement leur mode de pensée afin de compenser le phénomène géo-politico-économique existant. De ce fait, en décembre 1976, Raymond Barre, dans un souci d’inspiration économique et de politique sociale, donne un coup d’accélérateur au projet professionnel. En janvier 1976, ce dernier annonce sa volonté en Conseil des ministres, de créer un dispositif d’aide pour favoriser et aménager la création d’entreprises en France, nommé sous l’appellation Accre (Aide aux Chômeurs Créateurs et Repreneurs d’Entreprise). Dès 1979, ce dispositif sera créé et il consistera à maintenir les revenus de réversion chômage et offrir aux individus, demandeurs d’emploi, une couverture sociale, si ces derniers se proposent de créer leur travail d’indépendant. Trente ans plus tard, à l’été 2009, Hervé Novelli conçoit un nouveau dispositif, renforçant la possibilité de créer son entreprise. Il incite les individus à s’investir dans ce mode d’auto-emploi. Depuis et jusqu’à ce jour, l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (Accre) est l’une des mesures du dispositif d’appui à l’initiative économique, gérée par le ministère en charge de l’Emploi, au bénéfice de demandeurs d’emploi, salariés licenciés, jeunes, personnes en difficulté. Ce dispositif vise à faciliter tant la structuration des projets de création ou de reprise d’entreprise, que le développement des activités ainsi créées, sous forme individuelle ou en société.

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La création d’entreprise est un fait social qui depuis ces dix dernières années est régulièrement mis au devant de la scène médiatique. Plus qu’un emploi que l’acteur social se construit, elle devient une solution parmi d’autres afin d’éradiquer le chômage. Les facultés, les organismes de réinsertion, les pouvoirs publics, plébiscitent ce statut professionnel qui serait intéressant et bénéfique, non seulement d’un point de vue politico-économique mais également d’un point de vue social. L’acteur se construit et définit lui-même les modalités d’un nouvel emploi qui serait susceptible d’en créer d’autres par la suite, parallèlement il s’affirme et engage un savoir faire qui fait de lui, un individu compétent et davantage sûr de lui sur le marché du travail. Depuis près de dix ans, les Français s’intéressent davantage à la création d’entreprise. En effet, depuis la loi de Modernisation de l’Economie en date d’août 2008, entrée en vigueur le 1er

janvier 2009 et favorisant le dispositif du statut d’auto entrepreneur, le nombre de créations a depuis considérablement augmenté. Ce nouveau statut possède des avantages certains comme l’allégement des procédures d’enregistrement de l’entreprise et une simplification du paiement des charges et cotisations sociales. En nous appuyant sur les données de l’INSEE, nous apprenons que trois auto-entrepreneurs sur quatre n’auraient pas créé d’entreprise sans ce régime, "ils déclarent avoir voulu par ce biais développer une activité de complément ou assurer leur emploi"1. De même, nous remarquons, d’après le rapport de l’APCE sur la création d’entreprise en 2011 : « Le nombre de créations d’entreprises a quasiment triplé entre 2002 et 2010 dont une première croissance de 54% entre 2002 et 2008 et une seconde de 88% entre 2008 et 2010. Les années 2009 et 2010 ont donc battu des records en matière de création d’entreprises ». Ce même rapport nous informe que près d’un million d’entreprises créées ont demandé ce régime (soit 55% de l’ensemble des créations pour la période 2011). Ci-dessous, nous comprenons l’importance de cette loi de Modernisation, illustrée par un graphique représentant le nombre de création d’entreprises sous le régime d’auto entrepreneur. Le troisième tableau représente les défaillances d’entreprises allant de 2003 à 2013.

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Graphique 1

Source INSEE-APCE, Base de données sirène, avril 2011

Tableau 2

Source INSEE-APCE, Base de données Sirène, avril 2011

Graphique 3

Graphique 3

D’après le graphique 1, l’Observatoire de l’APCE intitulé « La création d’entreprise en France en 2010 », rapporte que l’année 2010 a enregistré un nombre record de création d’entreprises avec 622039 nouvelles unités, soit une augmentation de 7,2% par rapport à 2009. Le tableau 2 montre que l’année 2011 s’accompagne d’une baisse du nombre de créations inscrites sous le régime de l’auto entrepreneur. Ces entreprises auraient changés de régime.

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Source : Baromètre Altares, cité par le Figaro : « La France n’a jamais autant fermé de commerces

qu’en 2013 »,16 janvier 2014.

Le graphique 3 montre les défaillances d’entreprises. La défaillance ou dépôt de bilan est l’événement juridique qui officialise une cessation de paiement. Chaque mois, l’INSEE mesure le nombre d’entreprises sujettes à une procédure de redressement judiciaire. Les TPE (Très petites entreprises) seraient les plus touchées, et parmi ces structures les commerces (alimentation générale, bricolage, équipement du foyer et habillement) comptent de chiffres record de dépôts de bilan. Les statistiques Altares de défaillances d’entreprises et de sauvegardes comptabilisent, au niveau du territoire national,

l’ensemble des entités légales disposant d’un numéro SIREN (entreprises individuelles, professions libérales, sociétés, associations) et ayant fait l’objet d’un jugement d’ouverture de procédure prononcé par un tribunal de commerce ou de grande instance. Altares

collecte l’ensemble des jugements auprès des greffes des Tribunaux de commerce ou des Tribunaux d’Instance ou de Grande Instance.

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Si la création d’entreprise a fortement augmenté ces dernières années, passant de 216 056 entreprises crées en 2000 à 549 805 en 2011 (pic de 622039 en 2010), nous constatons néanmoins que la pérennité des entreprises est très fragile. Il existe un fort « turn over » dans ce statut où les acteurs sociaux peinent à se maintenir, la concurrence et les crises successives étant principalement des causes de défaillances et de faiblesses des entreprises.

L’allongement de la durée de vie est une réalité scientifique, la médecine progresse, faisant reculer le vieillissement physique et l’âge du "désengagement" social. L’âge de la vieillesse n’a pas cessé de reculer. Il est passé de 60 ans pour les hommes et 65 ans pour les femmes dans les années 1930, à 71 ans pour les hommes et 77 ans pour les femmes de nos jours2. Dans un même temps, l’emploi connaît actuellement de telles difficultés, que les salariés les plus âgés n’arrivent plus à réintégrer une entreprise lorsqu’ils ont perdu leur emploi. De même, les jeunes diplômés connaissent de véritables difficultés lorsqu’il s’agit de trouver un emploi. Ils n’ont pas d’expérience et ne vont pas se sentir reconnus dans leur travail salarial. Ces deux populations sont à la fois victimes de leur âge, mais également de l’évaluation parfois arbitraire de leurs compétences, de leurs dispositions et de leur capacité de travail qui sera évaluée par leur employeur potentiel.

La question de l’employabilité des personnes de plus de cinquante ans devient alors importante, car si elles ont des problèmes à retrouver un emploi, c’est parce qu’elles sont déconsidérées par rapport à d’autres groupes salariés. Anne -Marie Guillemard note que l’Union Européenne a érigé cette question des salariés vieillissants comme un élément majeur de l’agenda politique. Par ailleurs, dans son rapport sur "Le Marché du travail européen à la lumière des évolutions démographiques", cette dernière identifie le groupe d’âge 50-64 ans comme le réservoir principal de main-d’œuvre pour l’avenir. En conséquence, il est devenu essentiel de préserver son employabilité et de prévenir son exclusion du marché du travail. (Commission Européenne 1999). La place des seniors dans la société de travail devient une interrogation sociale importante, du fait notamment des problèmes financiers des caisses de retraite : allongement de la durée du travail et suppression des préretraites pour allonger la durée de vie au travail.

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Ainsi et depuis 1990, on assiste à l’émergence de la catégorie des "seniors" qui désigne les personnes de 50 ans et plus. Ces seniors sont issus d’un déséquilibre démographique de la fin de la dernière guerre mondiale avec le baby-boom. On constate aujourd’hui un déséquilibre qui est également économique avec le papy boom, car le système des retraites est en effet mis en difficulté. Sous l’effet de la poursuite du vieillissement de la population et du rallongement favorable de l’espérance de vie, le déficit des retraites pourrait empirer ; atteignant près de 15.1 milliards d’euros en 2017 et non pas les 9 milliards prévus et annoncés fin décembre 2014 par le Conseil d’orientation des retraites.3

Nous pouvons également noter que le développement de l’emploi des seniors se heurte encore à un certain nombre de préjugés et à des représentations négatives les concernant : l’âge du travailleur est souvent stigmatisé, l’image du salarié vieillissant est renvoyée à celle d’une personne qui ne veut plus se former, trop âgée pour apprendre et pour s’adapter. Ainsi nous sommes face à un paradoxe. Les seniors sont des personnes qualifiées et dotées d’expérience, mais ce qui devrait être considéré comme des atouts majeurs devient des faiblesses dans la mesure où on les associe non pas à la maturité, à la sagesse ou encore à la responsabilité, mais à une incapacité d’adaptation.

Toutefois, l’analyse effectuée par Catherine Teiger renforce le point de vue optimiste concernant les salariés les plus âgés ; elle effectue une analyse de 60 études portant sur la relation entre l’âge et les attitudes au travail et en déduit "qu’il n’y a pas de relation démontrée entre âge/attitudes au travail et performance. En conséquence, on peut en conclure que les décisions basées sur les stéréotypes de l’âge peuvent conduire à une sous utilisation d’employés plus âgés, expérimentés et motivés". On constate de même, que l’expérience et la résistance aux changements sont souvent liées, à tort, aux quinquagénaires, alors qu’on associe l’innovation et la compétence à la jeunesse4.

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Guillaume Guichard, Le Figaro Economie, « En 2017, le déficit des retraites pourrait être bien pire que prévu », 6 janvier 2015

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Alors qu’en alliant leur expérience à leur capacité d’expertise, les seniors révèlent un potentiel d’adaptabilité, permettant de dissiper les représentations négatives du travailleur âgé.

Les jeunes sont également soumis à des préjugés concernant leur inexpérience dans le domaine d’activité dans lequel ils évoluent. Si les dirigeants d’entreprises leur concèdent les qualités d’adaptation et de dynamisme dans la sphère professionnelle, ils estiment néanmoins qu’il leur manque des bases solides afin de pouvoir profiter d’une assise décisionnaire mettant en avant leur créativité et leur besoin de responsabilités. Manquant souvent de recul dans le domaine dans lequel ils évoluent, ils font le choix de vouloir apprendre davantage du métier avant de créer leur entreprise.

Nous pouvons penser que cette décision est le fruit d’une logique réfléchie et rationnelle dans la mesure où ils souhaitent avant tout se doter d’expériences et de références professionnelles avant de s’engager dans cet univers complexe. La création d’entreprise à l’instar du monde salarial devient alors pour les jeunes, un moyen d’affirmer leur envie de réussite et la volonté de se réaliser professionnellement différemment. Aussi, nombre d’entre eux décident de créer leur propre entreprise. C’est à ce processus que nous avons décidé de consacrer notre thèse. Nous allons maintenant aborder les représentations du travail entrepreneurial ainsi que le sens donné à la création d’entreprise.

L’entrepreneuriat peut revêtir une multitude de représentations, parfois erronées du statut et du rôle du chef d’entreprise. Tantôt idéalisé, tantôt critiqué, ce statut se révèle pour les jeunes entrepreneurs, bien plus complexe qu’ils ne le pensaient. Il est important de comprendre pourquoi l’individu souhaite s’orienter vers la création d’entreprise. Ce passage comporte de nombreux risques que nous expliciterons, il est aussi synonyme de changement aussi bien dans la façon de concevoir le travail que dans la perception qui se dégage de la condition de travailleur de chacun. La création d’entreprise sera étudiée en lien avec une double trajectoire professionnelle et familiale propre à chaque individu. Ce choix, en lien avec le contexte bien précis dans lequel évolue l’acteur social, se présente sous la forme d’une opportunité, d’une volonté de s’émanciper, et/ou de construire son propre univers professionnel. Qu’est-ce qui est à l’origine de cette décision ? Comment l’individu s’approprie ce monde nouveau et comment le gère-t-il ?

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Nous verrons que ce choix s’articule à la trajectoire antérieure. Notamment celle-ci influe sur la décision d’entamer une bifurcation professionnelle ou de continuer et d’élargir l’activité dans le domaine initial. De même, une différence selon le genre apparaît dans la manière de concevoir et de s’approprier le projet de création. Nous verrons comment le créateur envisage son projet d’entreprise et comment il s’entoure dans l’élaboration de l’entreprise.

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1. Les représentations du travail entrepreneurial

L’entrepreneuriat peut revêtir un sens idéalisé du travail, car ce statut offre une autre manière de travailler qui est propre à chaque individu, elle offre cette liberté de penser et d’agir. Il existe ainsi une sorte de « mythe » du créateur, car en devenant chef d’entreprise, l’individu accède à un statut social valorisé ; le caractère indépendant de la fonction procure un sentiment de liberté. Cependant l’entrepreneuriat révèle des réalités bien différentes qui s’imposent peu à peu à l’individu. Etre chef d’entreprise est un travail quotidien où se côtoient des responsabilités, des négociations avec des organisations multiples. L’acteur doit sans cesse se remettre en question, trouver des opportunités, innover constamment afin de rester compétitif face à une concurrence toujours plus accrue. De plus, le créateur doit faire un travail sur lui-même afin de se dépasser et s’adapter aux situations, mobiliser ses compétences et renouveler ses acquis professionnels. De ce fait, la création d’entreprise par les jeunes et les seniors dévoile tout à la fois une réflexion et une éthique personnelle. Toute création peut être analysée comme une conception et un itinéraire d’aménagements, correspondant à des logiques d’actions diverses. On peut les repérer en travaillant à la fois sur les pratiques et les types de justification mises en avant par chaque entrepreneur. L’entrepreneuriat correspond tout à la fois à la volonté de combattre le chômage et de refuser un assistanat forcé et la possibilité de trouver un équilibre satisfaisant entre le travail quotidien et l’adéquation de ses techniques et de ses capacités professionnelles. L’importance du travail comme inscription sociale de reconnaissance a été mis en évidence par de nombreux auteurs. Il est une valeur, structure les rapports sociaux et fonde une partie de l’identité d’une personne. L’emploi d’un individu est une partie intégrante de son identité, de la conception qu’il possède de lui-même. En effet, pour Luc Boltanski5, le rapport salarial est devenu progressivement le rapport hégémonique. Avec le statut salarial, il est devenu attractif et a servi, au moins jusqu’au milieu des années 1970, de modèle d’identification pour les cadres. Le travail salarié s’est donc affirmé comme la matrice structurante des rapports sociaux,

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comme facteur d’intégration à la société globale. Il procure un statut à l’individu et une place dans la société; il fournit une identité sociale. Il inscrit l’individu dans un collectif, dans des réseaux sociaux. Il permet ensuite d’accéder à un revenu qui est davantage que l’obtention de moyens d’existence. Serge Paugam dira que les études portant sur la satisfaction au travail constituent une part prépondérante de la sociologie du travail et dérivent de trois paradigmes6 :

 L’homo faber : la satisfaction au travail découle de l’acte de travail en lui-même ;

 L’homo sociologicus : la position occupée dans un cadre social implique une certaine relation et en découle une forme de reconnaissance qui est source de satisfactions importantes ;

 L’homo œconomicus : la rétribution sous forme de salaire, matériel, est à la base de la satisfaction.

Les analyses préliminaires issues de l’étude commencée en Master II, nous avaient montré que la décision d’entreprendre est un moment choisi, décidé dans le temps et préalablement réfléchi. Nous pouvons faire une première hypothèse selon laquelle la création d’entreprise intervient à un moment précis dans la trajectoire de l’individu. De plus, nous avions perçu une différence genrée et contextuelle qui existait dans les motivations à entreprendre et à vivre cette aventure. Nous pouvons donc faire une deuxième hypothèse selon laquelle les hommes et les femmes ont des approches différenciées dans la manière d’appréhender la création d’entreprise et dans ses objectifs. En fonction des analyses déjà effectuées en master 2, nous nous apercevons que les hommes créeraient plus volontiers dans leur ancienne branche alors que les femmes n’hésitent pas à changer d’orientation professionnelle pour l’activité de leur entreprise. Comment l’homme chercherait à optimiser la rentabilité de son entreprise et à trouver un confort matériel équivalent à son ancienne activité ? Les femmes sont, elles, plus dans une optique de réalisation de soi par le travail ? Nous pouvons nous demander si le travail généré par la création, est marqué par un intérêt de concrétisation de soi et de l’image qu’elles veulent renvoyer. L’entreprise deviendrait alors un lieu de consécration de leurs valeurs et de leurs désirs

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personnels. Nous supposons que les femmes retrouveraient ainsi leur indépendance, l’entreprise serait le choix d’une nouvelle vie.

A travers cette étude préliminaire, nous avions également relevé plusieurs "profils". Des constatations importantes permettaient de les classer selon trois catégories :

- L’entrepreneur qui a une opportunité et dont l’entreprise repose sur des pré acquis. Il reprend ou réoriente une entreprise existante ou encore crée son entreprise avec une clientèle déjà acquise ou une activité bien rodée ;

- L’entrepreneur qui a connu une période d’inactivité ou un sentiment d’insatisfaction et dont l’entreprise constitue une chance d’accéder à une certaine autonomie, de se "reprendre en main" en créant son propre emploi. Cette création réclame beaucoup plus d’investissement personnel mais s’impose pratiquement à son créateur ;

- L’entrepreneur qui souhaite élargir, renouveler ou montrer ses capacités en créant une entreprise "créative", relevant d’une passion personnelle. C’est dans ce cas, que l’implication semblait la plus importante, et pour lequel on avait remarqué une différence significative suivant le genre du créateur.

Nous chercherons à vérifier ces premiers résultats.

Parallèlement aux porteurs de projet, nous avons cherché à savoir si les aides institutionnelles mises en place étaient adaptées, compte tenu des doutes soulevés, des questions que les créateurs se posent et des étapes nécessaires à la création. Comment ces professionnels de la création accompagnent-ils et conseillent-ils les porteurs de projet, comment les interrogent- ils, évaluent-ils les différents projets par rapport aux acteurs sociaux ayant la volonté et l’envie de s’y engager. S’intéresser à la catégorie de population des seniors et des jeunes n’a pas été un choix décidé au hasard.

Bien que la création d’entreprise touche toute personne désireuse de "monter sa boîte", la catégorie des seniors est intéressante à analyser dans la mesure où ces derniers ont acquis un savoir-faire et une expérience tout au long de leur vie professionnelle. Nous analyserons les motivations qui les ont amenés à entreprendre

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parallèlement à leur trajectoire de vie. Nous partirons donc d’une première hypothèse selon laquelle la création d’entreprise pour les plus de 50 ans prend son sens dans une trajectoire antérieure, marquée par une durée d’expérience, par la constitution d’un réseau social et dans un moment que l’on privilégiera, celui où se prend la décision.

De même, un jeune va vouloir tenter cette expérience au vu d’une opportunité ou d’un souhait de changement rapide de statut, qui correspond à une valorisation du travail. Notre deuxième hypothèse consiste à envisager que l’individu anciennement chômeur ou salarié, va, à un moment donné de sa vie, par rapport à son parcours, se décider à "monter son entreprise". Nous nous apercevrons que ce type de trajectoire constitue une rupture. En effet, l’individu, ancien salarié ou chômeur, va se préparer, quelle que soit sa situation, à un temps de réflexion durant lequel il va déterminer la meilleure solution à adopter par rapport à ses connaissances, sa formation et ses capacités financières. Chacune de ces deux populations va se confronter à ce lourd projet avec plus ou moins de réticences, de soucis d’organisation.

Une troisième hypothèse consiste à concevoir que les créateurs peuvent s’engager dans cette démarche pour des motifs totalement éloignés de leur ancien parcours professionnel. Ils entament une dynamique conforme à leur nouveau choix, choix qui représente une rupture avec leur passé professionnel et qui constitue ainsi un nouveau départ. L’entrepreneuriat s’apparente donc à une coupure professionnelle ou à un renouveau dans la dynamique professionnelle, une "seconde carrière".

Nous soumettrons ainsi une quatrième hypothèse où nous estimerons aussi qu’il ne s’agit pas d’une décision et d’une action uniquement individuelles, les individus entretiennent un réseau de relations qu’ils mettent différemment à profit dans ce projet. Créer son entreprise constitue pour chaque entrepreneur, et particulièrement pour le senior mais aussi pour le jeune, une prise de risque. Nous posons la question de savoir quels sont ces risques pluriels et comment sont-ils perçus par les entrepreneurs? Sils intégrés et étudiés dans le projet de création initial et en ont-ils réellement conscience ?

Il est bien évident que ces deux types de population ne sont pas soumis à un risque équivalent. D’un coté, il existe un risque identitaire et des difficultés pour s’identifier à

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son nouveau statut et son nouveau rôle. La reconnaissance par autrui peut devenir une référence importante pour le porteur du projet.

D’un autre coté, le risque financier n’est pas de la même nature que l’on soit jeune ou senior, car la question de l’emprunt peut être plus importante pour les premiers selon le projet présenté. Le travailleur doit mesurer tous les avantages et les risques inhérents à la création de ce projet, notamment la viabilité de l’entreprise, compte tenu des ressources mises en œuvre. De plus, appréhender la création sous cet angle diachronique, me permet également de comprendre les représentations des seniors et des jeunes, vus sous l’angle des institutionnels et des enquêtés eux-mêmes.

Afin d’appréhender le travail et l’investissement des deux types de protagonistes interrogés, je me suis intéressée à cette rencontre entre ces acteurs interférant sur le pouvoir de création : les organismes d’aide et d’accompagnement et les créateurs. Ceci afin de comprendre si l’appui des premiers, constitue une ressource opportune pour les demandeurs, ou au contraire s’il subsiste des manques, connaître comment et sur quelles bases les individus envisagent cette seconde carrière et avec quels apports financiers, expérience professionnelle, sociale ou familiale. Comprendre de quelle manière les acteurs sociaux, ayant une véritable envie de créer et de partager un projet, amorcent leur souhait de création.

2. Comprendre le sens de cette mise en action

Créer son entreprise suppose une réflexivité de l’acteur sur son parcours et sur le chemin qu’il va parcourir, avec la formation d’un nouveau mode de pensée patronale. Au travers de cette recherche, il s’agit pour nous de comprendre le sens personnel que revêt la création, autrement dit, ce qui est à l’origine de la décision d’entreprendre. Elle vise à comprendre de quelle manière l’individu conduit ce projet en référence à sa trajectoire de vie, ses aspirations et ses ressources personnelles, professionnelles et financières. Notre objectif est d’interroger la manière dont on devient entrepreneur, les raisons pour lesquelles un individu décide d’entreprendre, mais surtout la façon dont il monopolise ses ressources et pense le projet par rapport

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à sa trajectoire et enfin comment ce dernier s’identifie comme un "patron". Nous verrons que les trajectoires qui conduisent à ce statut sont diverses. Nous interrogerons notamment les origines sociales des entrepreneurs, leurs qualifications, mais également s’il existe une différence dans la manière de créer et les origines de cette décision par rapport à leur âge et à leur sexe.

Les acteurs interrogés passent, pour la plupart, par une période plus ou moins longue de salariat. Passer de ce statut à l’entrepreneuriat demande à l’acteur des ajustements sur sa manière de travailler. Construit-il ce projet seul ou a-t-il bénéficié d’appuis ou de soutien de ses proches? Nous nous intéresserons également aux avantages qu’ils ont perçus, aux difficultés qu’ils ont rencontrées et aux divers risques encourus. Créer, suppose et exige une relation entre le créateur et l’objet créé. Cette relation est intrinsèquement liée aux motivations pour l’objet : créer quelque chose de neuf, qui n’existait pas auparavant. Le vocabulaire utilisé dans la création d’entreprise s’apparente souvent à celui du monde artistique, communément employé en matière d’art, tels que la peinture, la danse, la sculpture etc. Cette thèse a également pour objectif de comprendre l’engagement de l’individu dans cette aventure, a-t-il eu l’impression de se sentir libre et épanoui en tant que chef d’entreprise, son regard sur ce statut a-t-il changé et comment ?, comment vit-il ce changement, regrette-t-il son choix ?

Enfin, nous pouvons nous poser la question de savoir quelle importance la création occupe dans l’espace économique. Pour l’acteur, créer se traduit par la possibilité de générer du profit, avec la création et la mise en place d’un nouveau marché qui va alimenter le circuit économique de façon durable. Ce n’est plus une création matérialisée par un objet, mais une idée nourrie par un intérêt capitalistique. La création induit donc l’idée de nouveauté: une action volontaire d’où va jaillir un projet. La décision d’entreprendre dépend de la situation socio-économique de l’individu. Ce dernier va à un moment précis de sa vie, se positionner dans une nouvelle perspective d’orientation personnelle, davantage microsociologique. Mais il va également se situer dans l’espace macrosociologique, dans le sens où il va intégrer la chaîne économique, il va faire partie de tout le rouage financier et participer au marché capitaliste tel qu’on le connaît aujourd’hui. La création d’entreprise suppose

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un renouveau en matière de production, de richesses, mais également l’éventuelle création d’emplois.

Elle permet à l’individu de s’affranchir en exploitant ses compétences, mais lui offre également un nouveau souffle en matière de construction de projet.

3.

Problématique, hypothèses, méthodes

Contexte de l’étude

La création d’entreprise est un objet sociologique. Bien que de prime abord considérée comme un fait économique, tournée vers les sciences de gestion et de management, elle peut également être pensée comme un univers professionnel à analyser et à comprendre. En effet, le phénomène entrepreneurial est un thème largement développé dans la presse, relayé par les médias et il est intégré dans plusieurs formations et disciplines. Traiter de la création d’entreprise est un choix construit. Il constitue un fait, non pas nouveau, mais qui s’inscrit aujourd’hui dans une nouvelle perspective d’approche lorsque l’on étudie le travail et ses nouveaux processus d’appropriation. Aujourd’hui, l’acteur social est confronté à plusieurs types de situations dans sa vie active et post-active. L’intérêt de cette thèse, qui souhaite traiter la question de l’entrepreneuriat comme un fait sociologique, est de chercher à comprendre en quoi le fait d’être entrepreneur ne s’improvise pas. En effet, il intervient dans un contexte particulier et suggère d’avoir un comportement et des qualités de chef d’entreprise. L’art d’entreprendre ne suppose t-il pas un "esprit" entrepreneurial, une manière de faire, d’agir, et d’évaluer son parcours ?

Décider de créer son entreprise suppose un choix rationnel, pensé et évalué en fonction d’aspirations personnelles. L’individu crée-t-il pour soi ? pour son devenir ? Nous pouvons nous demander quelles sont les motivations et ses impacts dans le

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projet. Si la création d’entreprise peut s’apparenter à une belle aventure, à l’aboutissement d’un projet conquis par un travail permanent et soutenu, elle n’en est pas moins source de doutes et de difficultés qu’il a fallu surmonter et dépasser. Développer son entreprise s’apparente à un objectif "pour soi", à travers ce projet, l’individu développe ce que l’on appelle un "esprit d’entreprise". Nous choisissons de définir ici ce terme, car il est important en ce qui concerne l’acte d’entreprendre en lui-même. En effet, cette notion correspond à un ensemble d’attitudes et d’aptitudes construites dans une trajectoire propre. Nous faisons l’hypothèse qu’au travers de l’acte d’entreprendre, l’individu va donner un sens nouveau à son travail et développer sa propre culture d’entreprise, c'est-à-dire l’orientation donnée à sa façon de travailler et faire coïncider ses valeurs avec l’image de son entreprise. Christine Benoît travaille sur ce concept et décrit la culture d’entreprise comme : "l’âme de l’entreprise ; elle détermine sa mission et les valeurs identitaires connues de tous et partagées par tous. Elle donne des repères idéologiques, philosophiques et de valorisation sociale. C’est autour de la culture d’entreprise que se forme la cohésion, les rites sociaux, le langage spécifique aux échanges internes, les signes de reconnaissance, les croyances de l’entreprise. C’est par elle que l’individu trouve sa place et ses repères."7

L’entrepreneur sera considéré comme agent socialisé par sa position et par ses représentations de l’entreprenariat, qui sont liées à des clichés présents dans la société. C’est également pour nous un acteur stratégique cherchant à maximiser une rationalité économique. La création d’entreprise dévoile tout à la fois une réflexion et une éthique personnelle.

Toute création peut aussi être analysée comme une conception et un itinéraire d’aménagements, correspondant à des logiques d’actions diverses. On peut les repérer en étudiant à la fois les pratiques, les références présentes dans les discours, et les types de justification mis en avant par chaque entrepreneur.

L’importance du travail, comme inscription sociale de reconnaissance et de valorisation identitaire, a été mis en évidence par de nombreux auteurs tels que Régine Bercot, Dominique Méda, Michel Gollac ou Danielle Linhart. Le travail représente une valeur, structure les rapports sociaux et fonde une partie de l’identité

7

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d’une personne. L’emploi d’un individu est une partie intégrante de son identité, de l’image qu’il possède de lui-même.

Avec le statut salarial, le travail est devenu attractif et a servi, au moins jusqu’au milieu des années 1970, de modèle d’identification pour les cadres. Le travail salarié s’est donc affirmé comme la matrice structurante des rapports sociaux, comme facteur d’intégration dans la société globale. Il procure un statut à l’individu et une place dans la société ; il fournit une identité sociale.

Il inscrit l’individu dans un collectif, dans des réseaux sociaux. Il permet d’accéder à un revenu qui représente pour lui, davantage que l’obtention de moyens d’existence. Nous pouvons nous interroger sur le caractère parfois idyllique du statut salarié, permettant à l’individu de s’inscrire dans un cadre de travail concret où il pourrait s’épanouir professionnellement tout en n’étant pas contraint d’assumer de grandes responsabilités managériales. Or les rapports sociaux inscrits dans le statut salarial peuvent aussi être sources de conflits, de désorganisation même dans les relations professionnelles. De même, les possibilités de s’affirmer et d’évoluer dans son activité peuvent être réduits, faisant passer la performance et la productivité au premier plan. A travers notre recherche, nous souhaitons comprendre le sens personnel que revêt cette création, autrement dit, ce qui est à l’origine de la décision de la création d’entreprise.

Serge Paugam dira que les études portant sur la satisfaction au travail, constituent une part prépondérante de la sociologie du travail et dérivent de trois paradigmes8 :

 L’homo faber : la satisfaction au travail découle de l’acte de travail en lui-même ;

 L’homo sociologicus : la position occupée dans un cadre social implique une certaine relation et il en découle une forme de reconnaissance, qui est source de satisfactions importantes ;

 L’homo œconomicus : la rétribution sous forme de salaire, élément matériel, symbolique qui est à la base de la satisfaction.

Nous chercherons à comprendre comment l’individu conduit son projet en lien avec sa trajectoire de vie. La situation de chômage, l’insatisfaction dans le cadre salarial sont des déterminants majeurs dans la création, des déclencheurs de la décision,

8

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une solution palliative à un mal-être individuel relayé par un sentiment d’inutilité, voire d’exclusion sociale.

Nous appréhenderons également les ressources sur lesquelles s’appuient les personnes qui cherchent à promouvoir leur projet. Nous chercherons à savoir si les aides institutionnelles mises en place, sont adaptées, compte tenu des doutes soulevés et des questions que les créateurs se posent. Nous observerons comment ils arrivent à les surmonter. Notre problématique se positionne sur les dispositions des seniors et des jeunes, à savoir comment ils créent leur entreprise, par quels moyens, mais également les motivations rattachées à celle-ci. Nous nous sommes donc intéressés à ces personnes qui décident de créer leur entreprise, avec la volonté de comprendre comment se construit leur décision d’entreprendre et aussi de savoir sur quel parcours antérieur ils s’appuient.

En fonction de l’âge, le sens diffère. Nous faisons des hypothèses selon l’âge des entrepreneurs. De ce fait, nous sommes partis de l’idée que la création d’entreprise pour les plus de 50 ans prend son sens dans une trajectoire antérieure, marquée par une durée d’expérience, de similitude professionnelle, familiale, de constitution d’un réseau social, et, dans un moment que l’on privilégiera, celui, durant lequel, se prend la décision. Les jeunes s’appuient sur une opportunité ou sur un problème hiérarchique antérieur, pour se décider à se lancer dans ce projet. De même, la dimension du genre est notamment essentielle à prendre en cause, dans la mesure où nous partons de l’hypothèse que l’appartenance de "sexe" et les spécificités de l’éducation selon le genre, peuvent marquer une différence dans la manière de concevoir et de gérer ce projet entrepreneurial. La personne motivée qui se lance dans ce que l’on nommera une aventure, a évalué les risques, a pesé les inconvénients de sa situation par rapports aux bénéfices financiers, intellectuels, sociaux et personnels, générés par le capital relationnel et émotionnel (expérience quotidienne et personnelle intense), qu’elle peut lui procurer. Devenir chef d’entreprise suppose une décision avec l’objectif de vouloir gérer sa vie professionnelle, et en maîtriser les paramètres. Cela se fait plus ou moins facilement selon les individus par rapport à la nature de leurs projets et les soutiens extérieurs qu’ils ont à leur disposition. Cette nouvelle manière de gérer sa vie professionnelle réclame parfois une véritable remise en question des savoirs acquis. Il est essentiel

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de saisir ce qui s’opère entre la formation initiale de l’individu et la décision finale d’entreprendre.

En outre, le projet se construit dans la durée et en interaction avec autrui ; avec les aides et accompagnements institutionnels, mais également avec l’environnement social, qui constitue un appui considérable. En analysant le problème du chômage des seniors et de leur réinsertion professionnelle, nous nous apercevons que nombre d’entre-eux ont entrepris une formation, sur le conseil des agents ANPE, afin de retrouver rapidement un emploi et de reprendre leur vie "en main". Certains se lancent même alors dans un projet personnel afin d’éviter le chômage, avec des aides et des soutiens institutionnels multiples. La création d’entreprise devient peu à peu un véritable marché qui s’agrandit, des réseaux vont se tisser. De nombreux acteurs publics ou privés conditionnent et alimentent cette organisation. Ainsi, les cabinets de conseils, les organismes de formation et d’aide, les pépinières d’entreprises, les banques, se mobilisent afin de favoriser et de recevoir toutes formes de demandes liées à ce projet. Il était intéressant d’étudier pourquoi et comment les porteurs de projet décident ou non de faire appel à ces appuis, de quelle manière ils élaborent et construisent ensemble le projet entrepreneurial et les liens qu’ils entretiennent.

L’individu anciennement chômeur ou salarié va à un moment donné de sa vie et compte-tenu de son parcours personnel, se décider à "monter son entreprise". Besoin d’indépendance, de maîtriser, de gérer différemment sa vie professionnelle ou encore retrouver les motivations de la vie active et ses apports positifs ; chacun se dote d’arguments, de motivation, pour aménager son projet personnel. Avec cette aventure, nous comprenons que l’individu invente et réinvente son quotidien, souhaite dépasser les visions négatives que la société active lui attribue. Il entame une dynamique conforme à son nouveau choix, choix qui représente une rupture avec leur passé professionnel et qui constitue ainsi un nouveau départ.

Nous défendons la thèse selon laquelle ce type de trajectoire constitue une rupture. En effet, quelle que soit sa situation, l’individu va se préparer à devenir un entrepreneur. Il y aura un temps de réflexion durant lequel il va déterminer la meilleure solution à adopter compte tenu de ses connaissances, sa formation et ses capacités financières. Cette rupture est plus ou moins grande selon la situation de

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départ, selon qu’il décide de créer son entreprise pour créer son propre emploi, mais reste néanmoins dans son domaine d’activité ou selon qu’il est porté vers un projet d’une autre nature, comme par exemple un changement d’activité complète. L’ampleur de la rupture varie également selon qu’il souhaite poursuivre dans sa propre activité ou changer de secteur d’activité, mais également par la manière dont l’entourage de l’entrepreneur va appuyer son projet. Ayant une position spécifique sur le marché du travail, le porteur de projet, qu’il soit jeune ou senior, est souvent à la recherche d’une indépendance professionnelle et d’une valorisation de ses compétences, fondées sur ses capacités de changement.

Nous pouvons cependant constater que la mobilité professionnelle n’est pas forcément une mobilité sociale ascendante. En effet, le passage de cadre à chef d’entreprise indépendant, se traduit parfois par une baisse de salaire et constitue le plus souvent une prise de risque. Nous nous poserons la question de savoir sur quel type de capital social, culturel et symbolique les acteurs peuvent s’appuyer. Ces capitaux ont pu être hérités de leur milieu social d’origine (leurs ascendants), ils peuvent également avoir été constitués au cours de leur trajectoire de vie.

Il est intéressant de remarquer que les situations au moment de la création d’entreprise du senior et du jeune sont paradoxales, et constituent en cela un enjeu sociologique de l’étude. Les seniors connaissent des difficultés à trouver un emploi conforme à leurs compétences, à s’insérer ou se réinsérer dans la vie active. Bien qu’ ils possèdent des qualités essentielles à offrir : leur savoir-faire, leur expérience et leur détermination, ils peinent à trouver un emploi car leur formation n’est plus suffisamment adaptée ou complète. On leur reproche leur manque d’ouverture ou de réactivité ou tout simplement une inadéquation entre l’image que le dirigeant souhaite donner à l’entreprise et l’âge des salariés. Les jeunes, quant à eux, peuvent posséder cette formation initiale "à la pointe" marquée par un enseignement récemment reçu, mais cela ne suffit pas. Dans d’autres configurations, les ambitions des jeunes sont freinées par leur supérieur, ce qui peut les amener là, à reconsidérer leur position dans la société productive.

Une des hypothèses consiste également à concevoir que les créateurs peuvent s’engager dans la démarche de la création pour des motifs totalement éloignés de leur ancien parcours professionnel :

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- L’individu souhaite se libérer d’un contrat salarial oppressant ou de relations nuisibles ;

- L’individu veut confirmer ses capacités professionnelles et accéder à un statut jugé supérieur ;

- L’individu s’engage par opportunité.

Selon une note de l’APCE, il n’y a pas d’âge pour créer une entreprise ; en 2006, 16% des créateurs sont le fait de personnes de 50 ans. Ils estiment que plus de 50 000 personnes d’au moins 50 ans ont créé une entreprise en 2008.9

Selon cette même source, nous apprenons que la création d’entreprise est un acte réfléchi, pensé et non spontané.

Avant de préciser l’importance des acteurs dans cette recherche, il est nécessaire, de clarifier la notion de "catégorie d’âge". En effet, en sociologie des âges, cette définition est complexe, incertaine, car l’âge est une notion difficile à définir dans sa globalité. Elle correspond et se définit par rapport à une situation sociale, un contexte historico-géographique ainsi qu'en fonction d’un environnement professionnel. Je m’appuie sur les travaux d’Olivier Galland qui explique que l’âge correspond à des phases dans la vie de l’individu, des stades de passages obligés, où l’individu acquiert certaines dispositions qu’il va mobiliser en fonction des paliers qu’il traverse10. Pierre Bourdieu rappelle que la question de l’âge est arbitraire et socialement construite. La classification par âge produit donc un ordre auquel l’individu est cantonné et obligé de se plier, enfermé dans un schéma qui le dépasse. Il dit de la classification des jeunes: "Quand je dis jeunes/vieux, je prends la relation dans sa forme la plus vide. On est toujours le vieux ou le jeune de quelqu’un(…) L’âge est une donnée biologique socialement manipulée et manipulable ; et le fait de parler des jeunes comme d’une unité sociale, d’un groupe constitué, doté d’intérêts communs, et de rapporter ces intérêts à un âge défini biologiquement, constitue déjà une manipulation évidente"11.

9

APCE, Observatoire de la création, "Entreprendre le choix d’une deuxième vie", Janvier 2009

10

Olivier Galland, "Sociologie de la jeunesse" Armand Colin, mai 2011

11

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Si nous regardons les catégories d’âge dans le processus entrepreneurial, nous comprenons que les porteurs de projet sont de jeunes entrepreneurs dans la mesure où ils réorientent leur carrière de cette manière pour la première fois.

Pour les seniors qui étaient salariés ou demandeurs d’emploi, la création d’entreprise est devenue une évidence par rapport à la situation qu’ils vivaient : un changement professionnel, une situation salariale peu satisfaisante, ou encore un licenciement, auront été autant d’éléments déclencheurs qui les ont poussés à s’aventurer dans la création. L’étude nous laisse penser que plusieurs éléments deviennent des moteurs et favorisent la création. Avant tout, avoir le désir d’entreprendre et d’être son propre patron, c'est-à-dire être libéré des contraintes salariales ; le fait de vouloir rester actif et de pratiquer une activité est un autre moteur de la création. Enfin, la reconnaissance de l’entourage est fortement recherchée dans l’engagement entrepreneurial. Nous savons qu’avec le boom démographique datant de la fin de la deuxième Guerre Mondiale, la crise économique, les problèmes du chômage massif, rendent difficile un retour à l’emploi. L’abaissement de l’allocation des retraites et un certain nombre d’éléments socioéconomiques rendent nécessaire le retour à l’emploi, pour des populations qui autrefois auraient eu le droit de se reposer ; ce sont les seniors. Pour ces raisons, cette catégorie de personnes se remet au travail, non pas sans difficultés, car nous pouvons noter que le développement de l’emploi des seniors se heurte encore à un certain nombre de préjugés et à des représentations négatives. En effet, l’âge du travailleur est encore souvent stigmatisé, l’image du salarié vieillissant est renvoyée à celle d’une personne qui ne veut plus se former, trop âgée pour apprendre et pour s’adapter, mais également trop chère du fait de son ancienneté ou encore par le coût de sa remise à niveau de formation. Toutefois, on note que les seniors ont changé et les représentations que l’on se fait de cette catégorie ont profondément évolué. En effet, conjoncture économique oblige, les mentalités se sont modifiées : ils deviennent dorénavant maîtres de leur devenir, la société les encourage sans cesse à s’investir vers l’extérieur, à se surpasser et à prouver leur utilité sociale, leur productivité, avec effet de miroir pour les plus jeunes.

En outre, nous pouvons noter que la période de pré-retraite est dorénavant reconsidérée par les seniors car cette situation suppose un amoindrissement du salaire. Si les jeunes ont à prouver leurs compétences, les seniors ont à démontrer

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leur détermination. Nous nous posons donc la question de l’employabilité pour ces tranches de population. En effet, cette notion est importante car elle représente l’aptitude d’un individu à travailler, compte tenu des exigences, des contraintes, des apports du marché de l’emploi12

. Il convient de souligner comme le signale Bastin13, que l’employabilité comprend deux composantes : l’une, "intrinsèque", qui correspond aux trajectoires et caractéristiques des chômeurs, aux réactions, à l’expérience du chômage qui dégrade ou modifie l’employabilité comme par exemple la crise de confiance en ses propres capacités, la perte de réseaux relationnels, perte d’accès à l’emploi et érosion des compétences professionnelles; l’autre, "extrinsèque", qui correspond à la transformation du marché du travail, à un déséquilibre des emplois, une évolution des normes d’emploi, à un phénomène de sélectivité.

En alliant leur expérience à leur capacité d’expertise, les seniors révèlent un potentiel d’adaptabilité, permettant de dissiper les représentations négatives du travailleur âgé. C’est pourquoi, nombre d’entre eux décident de créer leur propre entreprise. Il est intéressant de se pencher sur le fait que les seniors, par leurs capacités d’appréciation, d’analyse et leurs acquis, sont aptes à entreprendre. Ce sera leur esprit entrepreneurial qui développera chez eux une capacité d’adaptation aux changements, une prise d’initiative et une logique d’action efficace, qui suppose de pouvoir se remettre en question, démontrant par là même le manque de fondement des faiblesses que les entreprises déplorent chez eux.

L’enjeu sociologique est donc multiple ; il concerne tout à la fois la place qui peut être faite aux seniors et aux jeunes dans la vie active, la manière dont la société appréhende le vieillissement et les compétences nécessaires à l’entreprise.

12

Pelosse J, Sauret C, Thierry D, "Employabilité, définition et enjeu", ANDCP, n° 369, Paris, 1996

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Méthode d’enquête

Afin de mener à bien cette recherche, aussi vaste en questionnements, je me suis attachée à suivre une démarche réflexive portant sur le début de la création, c'est-à-dire la phase de démarrage de l’entreprise. Il est important de comprendre dans quelle situation l’individu se trouve au moment de la création, à savoir les conditions qui ont permis à l’acteur social de créer son entreprise, de connaître sa situation économique, familiale et sociale.

Faire de la création d’entreprise un objet sociologique revient à considérer ce phénomène comme une action sociale construite et par conséquent à s’intéresser dans un premier temps à la démarche des individus qui accomplissent cet acte. J’ai choisi d’employer la méthode qualitative et de mener des entretiens semi directifs, afin de connaître la manière dont les individus entreprennent leur projet et le construisent. En effet, il n’est pas anodin, pour tout individu, de vouloir débuter une nouvelle vie professionnelle dans laquelle, outre la possibilité de devenir son propre patron, il devient également décideur en dirigeant lui-même sa vie professionnelle. La création révèle une profonde envie de vouloir gérer et organiser sa vie à travers un vécu. Toute initiative de création d’entreprise répond à une logique rationnelle et personnelle de l’individu selon un contexte particulier. Comme le soulignent Alain Blanchet et Anne Gotman "L’enquête par entretien est particulièrement pertinente lorsque l’on veut analyser le sens que les acteurs donnent à leur pratiques, aux événements dont ils ont pu être les témoins actifs ; lorsque l’ont veut mettre en évidence les systèmes de valeurs et les repères normatifs à partir desquels ils s’orientent et se déterminent. (…) la valeur heuristique de l’entretien tient donc à ce qu’il saisit la représentation articulée à son contexte expérientiel et l’inscrit dans un réseau de significations. Il ne s’agit pas alors seulement de faire décrire, mais de faire parler sur"14.

Au travers des divers entretiens effectués, il m’a été permis d’appréhender différents types d’entrepreneurs, avec leurs caractéristiques familiales et sociales, leur vision et leurs objectifs, leurs opportunités et leurs motivations, mais également la multiplicité

14

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des ressources qu'ils ont déployées pour parvenir à leur objectifs. De plus, le futur entrepreneur possède l’opportunité, s’il le souhaite, de s’entourer d’acteurs spécialisés dans l’entrepreneuriat. Leur rôle est de faciliter les démarches et de répondre à leurs problèmes ou aux interrogations. Les entretiens nous donnent un aperçu sur la manière dont ces institutionnels de l’accompagnement travaillent avec le porteur de projet, mais aussi sur les liens professionnels qu’ils tissent, afin d'obtenir une coopération maximale pour gérer efficacement l’accompagnement de la personne. Pour comprendre et analyser le phénomène entrepreneurial dans son ensemble, je me suis donc tournée vers trois types de population qui composent cette étude. J’ai interrogé des organismes d’aide et d’accompagnement à la création, des "jeunes" porteurs de projet et des "seniors".

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Prénom Fonction dans l’organisme Type d’organisme Objectif de l’organisme Partenariat avec d’autres organismes Nadège Chargée d’affaires d’une pépinière d’entreprise 57 Société Anonyme

Rémunérée par le loyer, les ateliers et la communauté d’agglomération

Accueil et conseil. Location de bureaux et de locaux. Réunions d’informations collectives et entretiens individuel avec des conseillers.

Liens de partenariat : référencé par le Conseil Général, Régional, Mairie, communauté d’agglomération

Danielle Chef de service du CCI

Moselle

Etablissement public et administratif de l’Etat

Porte d’entrée du créateur, propose un parcours d’accompagnement (infos générales et principales étapes)

Complémentaire (convention de partenariat), Réseau entreprendre, Chambre des Métiers, plateformes locales Thierry Directeur du département conseil et développement Chambre de Métiers 88

Etablissement public et administratif de l’Etat

Financé par les taxes, CFA, subventions, formations

Formations initiales (CFA), développement de l’artisanat. contrat d’apprentissage, fait toutes les formalités adm. Sensibilisation au développement durable (notamment filière bois).Accompagnement et suivi post création

Partenariat avec pôle emploi, DDT, avocats, communauté de

communes, Mairie.

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financée par adhésion des structures et aides régionales et

départementales

Accueil, accompagnement diagnostic, montage de dossiers, Pas de suivi, orientation vers d’autres structures, donne le panorama des aides. Mise en place d’un numéro unique

Fait parti d’un réseau « pole création » avec Carep, Alaca, CCI 54, Conseil Général, conseil de pays du Val de Lorraine. Partenariat avec le pôle création, CCI, banques et communauté de communes.

Monique Directrice d’Alaca 54 Association

1er contact, viabilité du projet, parcours antérieur, étape de la création

(statut, finances, aides..)

Rendez vous tripartite avec des organismes financiers et travailleurs sociaux.

CCI 54, Adie, Agefip, banques, cbres consulaires, CAPEM, Handi 54, Direction Départementale du Travail, Lorraine active, Mairies, Conseil Régional, mission locales, pôle emploi

Figure

Tableau des institutionnels interrogés

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