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Le développement esthétique chez deux enfants observés entre neuf mois et six ans

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Academic year: 2021

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5.5

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H SI

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FACULTE DES SCIENCES DE L'EDUCATION

THESE

PRESENTEE

A

L'ECOLE DES GRADUES

DE L'UNIVERSITE LAVAL

POUR L'OBTENTION

DU GRADE DE MAITRE ES ARTS (M.A.)

PAR

MICHELLE PELLETIER

L!L9§¥ÉLOPPEMENT_ESTHET2ÇyE

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OBSERVES

ENTRE NEUF MOIS ET SIX ANS

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(2)

PELLETIER, Michelle, Université Laval, 1981. Directeur : Andrée Boisclair. Conseiller : Louise Bourbeau-Poirier

Cette étude explore la question du développement esthétique en posant quelques jalons dans la compréhension de la dimension esthétique et en dé-crivant des comportements d'enfants qui sont considérés comme les premières manifestations du sens esthétique. L'esthétique y est abordée du point de vue de la sensibilité plutôt que du point de vue des règles de l'art et des lois de la beauté. Les cent un comportements rapportés ont été obser-vés chez deux fillettes entre neuf mois et six ans, sur une période allant de 1975 à 1980.

L'analyse a révélé que les enfants se portent activement à la rencon-tre des qualités sensibles des objets et qu'ils y réagissent soit par le geste, le mouvement, le jeu ou la parole. Chez l'enfant, comme chez l'a-dulte, l'expérience esthétique est une expérience globale où se conjuguent des composantes perceptives, Imaginatives, affectives et intellectuelles. Déjà se manifestent aussi des différences individuelles de réceptivité et d'interprétation. Deux styles de réponses esthétiques se sont révélés chez les sujets. Les différences apparaissent au niveau des sens

privi-légiés, de l'intérêt, des formes d'activité, des interprétations et des implications affectives.

L'examen des cheminements des deux enfants a fait apparaître deux éta-pes de développement esthétique. La première en est une de prise de con-tact avec les objets. Le toucher, le mouvement, les déplacements, bref, les activités sensori-motrices dominent cette étape.. Les qualités des objets sont appréciées dans l'action. L'expérience des sensations enregis-trée pendant cette étape concourt à structurer la sensibilité à la matière,

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s'accroître tout au long de la vie.

La deuxième étape est caractérisée par la création de signification symbolique à partir des qualités formelles des objets. Durant cette pério-de, des objets en évoquent d'autres ou leur sont comparés à partir

d'ana-logies de couleurs, de forme, de texture. Des particularités de configura-tion ou de structure justifient des substituconfigura-tions d'objets dans des jeux symboliques. Les images à deux dimensions (photos, illustrations, dessins, peintures) seront interprétées d'abord comme représentations d'objets con-crets, puis comme expressions de réalités affectives. A la faveur des ac-tivités de cette étape, se développe la capacité de symboliser sensations et sentiments par des formes concrètes aux qualités évocatrices. Cette capacité de représentation symbolique subjective de l'expérience sensible est essentielle à la création et à l'appréciation des oeuvres d'art. La

relation esthétique avec les objets a aussi des incidences dans les déci-sions concernant l'aménagement et la construction d'un milieu physique signi-ficati f.

A cause de ses effets sur la qualité de la vie de l'individu et de la communauté, il importe de considérer la dimension esthétique dans l'éduca-tion dès la petite enfance, puisqu'à cet âge s'établissent les premiers con-tacts avec les qualités sensibles de l'environnement et s'élabore la capaci-té d'investir de signification des formes macapaci-térielles suggestives.

Les conclusions de cette étude s'ouvrent sur des implications pédago-giques dont on devrait tenir compte dans la formation des éducateurs. L'édu-cation esthétique y est proposée comme un partage, exigeant de la part de

l'adulte une réceptivité et une ouverture â sa propre sensibilité esthétique ainsi que des instruments conceptuels lui permettant de communiquer son ex-périence et de reconnaître celle de l'enfant. L'éducation esthétique de-vrait aussi offrir à l'enfant des activités et des situations adaptées à sa sensibilité et à son mode de contact avec l'environnement ainsi que des moyens simples et progressifs d'intérioriser les expériences et de se les approprier. Cette perspective commande la recherche d'une approche nou1

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Page

TABLE DES MATIERES i

REMERCIEMENTS iii LISTE DES TABLEAUX iv

INTRODUCTION 1

Chapitre

I LES ORIGINES DE LA QUESTION ET LES RAISONS D'ETUDIER LE DEVELOPPEMENT ESTHETIQUE

1. Les circonstances professionnelles 3

2. Les raisons personnelles 4 3. La dimension esthétique et la qualité de la vie . . 6

4. Le but spécifique de la présente étude 7 Il THEORIES DE L'ESTHETIQUE ET DU DEVELOPPEMENT

1. L'art et la beauté 9 2. La connaissance sensible 11

3. Quelques éléments de la théorie piagétienne du

dé-veloppement cognitif 14 4. Une ligne de pensée en développement esthétique . . 14

III ELEMENTS METHODOLOGIQUES ET PRESENTATION DES DONNEES

1. Eléments méthodologiques 18

1 .1 La méthode 18 1.2 Les sujets observés et la cueillette des

don-nées 19 1.3 La présentation et l'organisation des données . 19

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le de Maryvonne et de Catherine 20 2.1 Petits objets à toucher, à cueillir et à

collectionner 20 2.2 Objets de grande taille 23

2.3 Espaces à occuper 24 2.3.1 Petits espaces fermés 25

2.3-2 Espaces vastes et ouverts 26 2.3-3 Accidents du terrain 27

2.4 Phénomènes visuels 27 2.4.1 L'ombre et la lumière 28

2.4.2 La couleur 29 2.4.3 La texture 30 2.5 Les images à deux dimensions 32

2.6 Les activités perceptives et les jeux de

per-ception 33 IV ANALYSE ET INTERPRETATION DES DONNEES

1. Les composantes des comportements esthétiques des

enfants 36 2. Les relations entre les composantes des

comporte-ments esthétiques des enfants et les aspects

es-sentiels de l'expérience esthétique 39 3. L'histoire esthétique des sujets 41 4. Deux styles différents de réponses esthétiques. . . 42

5. Deux niveaux de comportements esthétiques 45 6. La formation du sens esthétique entre neuf mois et

six ans 49 CONCLUSION ET IMPLICATIONS PEDAGOGIQUES

1. Conclusion 51 2. Implications pédagogiques 52

2.1 Le partage esthétique 53 2.2 Les expériences esthétiques structurantes . . . 55

ANNEXE

1. Les comportements répartis selon les cinq

composan-tes du sens esthétique 59 2. Les quatre combinaisons les plus fréquentes . . . . 60

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Ce travail a été mené sous la direction de madame Andrée Boïsclair et de madame Louise Bourbeau-Poirïer. Leurs conseils et leur soutien en ont permis la réalisation. Les observations critiques de madame Thérèse Laferrière en ont fait préciser la perspec-tive.

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Page Tableau 1. Proportions des composantes esthétiques dans les

comportements observés 38 Tableau 2. Traits caractéristiques du sens esthétique chez

Maryvonne et chez Catherine 46

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La présente recherche se veut une tentative pour éclairer la nature des premières manifestations du sens esthétique chez les enfants et le pro-cessus du développement esthétique. Le sens esthétique est entendu ici comme la capacité de percevoir les qualités apparentes de l'environnement et des oeuvres d'art et la capacité d'y réagir de façon personnelle.

La conception de l'esthétique qui a inspiré cette étude est détachée des définitions de la beauté et des règles de l'art. Elle prend pour ob-jet la capacité de sentir sous deux aspects : les sensations reçues comme

impact de l'extérieur et les sensations produites de l'intérieur.

L'étude repose sur l'hypothèse que le sens esthétique se forme, comme l'intelligence, à partir des premières actions du petit enfant et qu'il se développe dans la direction d'une plus grande spécificité et d'une plus gran-de variété.

Les comportements esthétiques de deux enfants observés pendant cinq ans sont rapportés pour illustrer cet aspect du développement de la per-sonne ainsi que ses tendances. Les observations se limitent aux sensations visuelles, tactiles et kinesthésiques. Le goût, l'ouie et l'odorat ne sont pas abordés.

L'analyse des comportements a permis d'isoler les composantes du sens esthétique et de reconnaître deux paliers du développement esthétique entre neuf mois et six ans.

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de ce travail. Le chapitre deux établira le cadre théorique où se situera l'interprétation des faits observés. Le troisième chapitre comprendra les informations sur la méthodologie ainsi que la description des données. Le quatrième chapitre sera consacré à l'analyse et à l'interprétation des don-nées de l'étude longitudinale de Maryvonne et de Catherine. En guise de conclusion, seront proposées des approches pédagogiques favorisant le déve-loppement du sens esthétique chez les enfants d'âge préscolaire.

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LES ORIGINES DE LA QUESTION ET LES RAISONS D'ETUDIER LE DEVELOPPEMENT ESTHETIQUE

1. Les circonstances professionnelles

A l'automne 1976, j'étais chargée de donner un cours de didactique des arts plastiques à l'élémentaire. Je devrais aborder avec les futurs enseignants le sujet des "caractéristiques de l'esthétique enfantine". Pour moi alors, l'esthétique enfantine signifiait "ce que les enfants trou-vent beau" et "ce que les enfants font de beau", c'est-à-dire les aspects réception et création de l'expérience esthétique.

Pour traiter de l'aspect création, je pouvais me référer à plusieurs études et théories de l'art enfantin et du développement graphique

inspi-rant et justifiant des démarches pédagogiques diverses (Luquet, 1927-1967, Widlbcher, 1965, Kellogg, 1967, Freinet, 1969-1975, Lowenfeld, 19^7-1970, Stern, 1970). Pour ce qui est de l'aspect réception, c'est-à-dire de la per-ception et de la réponse aux qualités visuelles de l'environnement et des oeuvres d'art, je ne disposais que d'une documentation limitée : études ex-périmentales portant sur un nombre limité de variables ou descriptions em-piriques des préférences ou intérêts de groupes particuliers de sujets pour des phénomènes visuels isolés (Frances, 1968) ou pour des oeuvres d'art

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tion. Il me fallait des données plus précises et une perspective plus lar-ge et plus souple pour aborder les questions du développement esthétique et de l'éducation esthétique.

En même temps que je poursuivais les recherches dans la documentation écrite, j'entrepris d'observer les enfants autour de moi et de noter toutes

les circonstances où ils diraient "c'est beau". J'étais alors entourée d'enfants en bas-âge (mes deux fillettes et les petits voisins) et de mères de jeunes enfants à qui je demandai de me rapporter les réactions esthéti-ques de leurs enfants. A ma grande surprise, nos enfants disaient rare-ment "c'est beau". Seraient-ilsinsensibles à la beauté ?

2. Les raisons personnelles

Je ne pouvais croire que les enfants ne réagissent pas aux qualités de forme, de volume, de texture, de couleur des objets et de l'espace. J'ai moi-même des souvenirs très vifs de véritables émotions esthétiques que

j'ai connues entre trois et six ans. Par exemple, je m'amusais souvent à laver des cailloux pour voir leurs couleurs se transformer et s'aviver. Quand mon père rentrait de la pêche, je trouvais les yeux des brochets si beaux que j'aurais voulu les garder pour m'en faire un diadème de mariée. Je me rappelle aussi les cuves creusées dans le roc du lit de la rivière à Saint-Jean-de-Brébeuf. J'avais tout juste l'espace qu'il fallait pour m'y asseoir dans l'eau tiédie par le soleil. J'avais l'impression que cela avait été fait juste pour moi. Je ne me souviens pas avoir dît que tout cela

é-tait beau, mais je sais aujourd'hui qu'il s'agissait d'authentiques expé-riences esthétiques.

Ces expériences naï'ves ont façonné ma vision de l'environnement et des oeuvres d'art. Au musée du Louvre, devant les pièces d'orfèvrerie du haut moyen âge, j'ai retrouvé la même sensation que devant les poissons et

les beaux cailloux de mon enfance. La même sensation mais avec des nuan-ces plus subtiles. J'avais une impression de familiarité avec nuan-ces

évangé-liaîres, ces reliquaires et ces lourds bijoux parce qu'un jour j'avais vou-lu me faire un diadème avec des yeux de brochet mais aussi parce que j'avais

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directement, immédiatement, la profondeur du bleu nuit des lapis-lazuli, leur effet sur l'or grossièrement travaillé et leur position dans l'ordre de la composition. Ma vision naVve, après être passée par l'analyse for-melle et la classification historique avait pu retrouver une subjectivité enrichie. Pour moi, l'enchantement des expériences de la petite enfance n'a jamais cessé de s'accroître et de se renouveler.

Mon propre cheminement esthétique me portait à croire que le dévelop-pement esthétique devait remonter à des expériences de la petite enfance et qu'on devait pouvoir y trouver une direction et une progression. C'est ce que je cherchais à vérifier en observant mes enfants.

La question du développement esthétique des enfants s'est encore cla-rifiée pour moi en lisant un article de Morris Weitz sur les possibilités et les limites de la recherche sur les arts et en esthétique. La recherche de la genèse de l'esthétique dans le développement de l'enfant était une des avenues prometteuses que Weitz entrevoyait :

"What we know nothing about is the genesis of the aesthetic in the growth of the child. Jean Piaget, in some classic studies, and now Jerome Bruner and his associates have in-vested a lifetime of research into the cognitive growth of the child. Why not, at this present time, the same full-scale inquiry into the genesis of the aesthetic in the child;" (Weitz, 1977, p. 1*0

Cet article m'a aussi confirmé l'importance d'étudier la question du déve-loppement esthétique et de ses implications pour l'éducation.

"Properly concieved and manned, such research could turn to - and as things pitifully are, not re-turn to - the basis, if not to the raison d'être, of easthetic educa-tion : the genesis of the aesthetic in the development of the child. That way, and only that way, lies the

road to a science of aesthetic education". (Weitz, 1977, p. 15).

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Pour moi, l'étude du développement esthétique et de l'éducation es-thétique s'inscrit aussi dans une aspiration globale à une meilleure quali-té de vie pour l'individu et pour la sociéquali-té. Des psychologues et des phi-losophes contemporains ont déjà souligné l'importance de la dimension es-thétique pour l'homme de la société post-industrielle. Hubert Bonner, par exemple, considère la dimension esthétique (Aesthetic View of Life) comme un des aspects importants de la personnalité "proactive".

"By means of his sensitive awareness of all things beau-tiful, the proactive individual succeeds in transforming the strains and distresses of daily living into a tragic vision of life's possibilities. Living not alone by cold reason but also by aesthetic feeling, the proactive indi-vidual can abandon himself to the sensuous and sensual nature of his being, without victimizing himself by con-ventional and harmful self-accusation." (Bonner, 1967,

64).

Pour sa part, Frederic Pearls (Pearls, 1951, 1977) propose d'abord des ex-périences de perception et de contact avec l'environnement dans sa méthode d'épanouissement personnel. Porter attention aux caractéristiques spéci-fiques des objets matériels est une première étape dans la prise de cons-cience de l'unicité des autres personnes et de la sienne propre. L'appro-che gestaltîste de Pearls s'appuie sur la sensibilité de l'homme conciliée avec la pensée et 1'action. Dans "Awareness", John 0. Stevens présente une démarche semblable à celle de Pearls (Stevens, 1971).

Si des psychologues considèrent la sensibilité comme une dimension importante de la personne, des philosophes contemporains ont entrevu dans la "revitalisation de la sensibilité" (Dufrenne, 1980) un espoir de vie meilleure pour l'homme moderne. Herbert Marcuse dans sa critique de

l'es-thétique marxiste accorde à la sensibilité et à la subjectivité un pouvoir de changement social :

"Ce changement ne se limite pas au développement de la conscience politique, il vise à l'instauration d'un 'nou-veau système de besoin'. Un tel système comprendrait une sensibilité, une imagination et une raison

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émanci-Marcuse considère l'art comme le langage qui évoquerait des besoins humains fondamentaux. La forme esthétique serait une critique du système en propo-sant, par son ordre propre plutôt que par son contenu, un monde idéal fic-tif où les hommes seraient heureux. L'esthétique est subversive en affir-mant la sensibilité et la subjectivité qui sont indispensables au change-ment social. Mikel Dufrenne voit aussi un espoir pour l'humanité si le sens esthétique "privé" devient une exigence communautaire.

On peut voir poindre cette exigence esthétique communautaire par exem-ple dans les actions de groupes de citoyens pour protéger les arbres d'un quartier (Boisé St-Dominique) ou un ensemble architectural unique (Couvent du Bon-Pasteur). Dans notre civilisation post-industrielle, on commence à se soucier de la qualité de la vie (Rioux, 1975). Après avoir produit des autoroutes, des satellites et des polymères, on parle aujourd'hui de sentiers écologiques, de "musée de l'homme d'ici" et de fibres naturelles. On cher-che à réconcilier le béton avec les géraniums, le plastique avec la dentelle,

la vitesse avec le sentiment.

"Les sociétés modernes ne pourront échapper à leur ennui chronique qu'en ajoutant aux valeurs technologiques les riches expériences sensorielles de la vie primitive, ex-périences dont le besoin est inscrit d'une façon indélébi

le dans le code génétique de l'espèce humaine" (Dubos, 1974, p. 159).

Si la dimension esthétique semble aussi importante pour l'individu et pour l'avenir de l'espèce humaine, il me paraît urgent d'en éclairer

le processus de développement et de commencer à songer non seulement à une pédagogie de l'esthétique mais à une pédagogie esthétique.

4. Le but spécifique de la présente étude

La visée de la présente étude n'est pas de réformer la société ni la pédagogie. Je veux seulement décrire certains comportements de deux enfants qui me sont apparus comme des manifestations de la naissance de

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l'enchantement esthétique. Les sujets étant mes propres enfants, j'ai eu la chance de participer à leurs plaisirs et d'être "le conservateur" de leurs précieuses collections de plumes, de coquillages, de feuilles séchées, de bouts de laine et autres petits trésors. S'il est intéressant pour moi de partager ces expériences familiales quotidiennes, il me semble souhaita-ble aussi de commencer l'étude du développement du sens esthétique par la recherche de ses origines.

Pour bien situer mon propos, il importe dans les prochaines pages de présenter un relevé de la littérature pertinente traitant des théories de

1'esthétique et du développement. La mention de ces théories indiquera les repères philosophiques et psychologiques qui orientent l'idée de développe-ment esthétique.

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THEORIES DE L'ESTHETIQUE ET DU DEVELOPPEMENT

Après avoir retracé, au chapitre précédent les origines et la motiva-tion de ma recherche tant dans mon expérience personnelle et professionnel-le que dans mon idéal humaniste, je vais maintenant présenter professionnel-les théories sur lesquelles elle s'appuie et qui serviront de cadre pour en interpréter

les données.

J'entends d'abord préciser l'étendue du domaine de l'esthétique en résumant les principales théories traditionnelles et contemporaines de l'esthétique et en décrivant la nature et les conditions de l'expérience esthétique. Je présenterai ensuite quelques éléments de la théorie de Pia-get à la base de l'idée de développement. Pour terminer, j'esquisserai une

ligne de pensée en développement esthétique. I. L'art et la beauté

La tradition philosophique de l'esthétique nous parle des règles de l'art, des lois du beau et du code du goût. L'histoire de l'esthétique nous révèle les fluctuations de ces conceptions à travers les âges. Pour Denis Huisman, trois grandes périodes s'imposent dans l'histoire de l'esthétique :

l'esthétique platonicienne ou l'âge dogmatique, l'esthétique critique ou l'âge du Kantisme et l'âge du positivisme avec l'esthétique expérimentale (Huisman, 1961, 1967, p. 12).

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Platon concevait le Beau comme une réalité existant en soi et trans-cendant les objets. Dans son système, les apparences ne sont que des mani-festations du Beau. La Beauté peut se présenter selon trois types hiérar-chisés : la beauté des corps, la beauté des âmes et "Pour les sages, il y a la beauté en soi" (Bayer, 1961, p. 32). Les oeuvres d'art, simples

imi-tations d'objets beaux, sont moins élevées dans la hiérarchie que les ob-jets réels. Platon assigne aux arts la fonction d'exalter et de susciter des actes moraux. L'esthétique de Platon, toute rationnelle et intellec-tuelle, a dominé la période dogmatique de l'histoire de l'esthétique.

Si pour les Platoniciens, l'essentiel résidait dans l'idée du Beau-en-soi, pour les Kantiens, tout s'organise autour de "la notion critique de jugement esthétique" (Huisman, 1961, 1967, p. 15). Le centre de référence n'est plus le Beau-en-soi, mais "le sujet sentant, goûtant et raisonnant"

(Huisman, 1961, 1967, p. 17). Ce qui compte c'est le jugement par lequel nous décidons de trouver belle une oeuvre d'art, c'est notre réaction à

l'oeuvre et la relation que nous établissons avec elle. Le sentiment du beau est engendré par "l'harmonie de l'entendement et de l'imagination" (Huis-man, 1961, 1967, p- 17). Le beau est subjectif.

Pour les scientifiques de l'esthétique expérimentale, en revanche, le beau n'est plus subjectif. On peut en dégager les grands principes en pro-cédant par induction à partir de méthodes et d'expériences appropriées. Les recherches de Fechner sur le nombre d'or par exemple sont assez célèbres

(Woodworth, 1949, p. 522-528). Frances rapporte un grand nombre de recher-ches sur les préférences pour des couleurs ou des harmonies de couleurs

(Frances, 1968, p. 17~50). Ces études sont des statistiques sur les goûts de populations données.

Ces théories de l'art et du beau offrent peu d'idées inspirantes pour aborder l'esthétique enfantine. Par contre, des penseurs contemporains

(Dewey, 1934, 1958, Langer, 1953, Reïmer, 1976, Flannery, 1977, Marcuse 1979), héritiers de Baumgarten, sont retournés au sens premier du terme "es-thétique" et ont embrassé tout le domaine de la connaissance sensible comme champ d'étude pour l'esthétique. Les sensations, les sentiments et les for-mes artistiques qui nous les rendent physiquement perceptibles sont les ob-jets de leurs études.

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2. La connaissance sensible

John Dewey a posé les bases de l'esthétique biologique qui s'expli-que par le rythme vital de l'adaptation à l'environnement. Comme les ani-maux avec lesquels il partage son milieu, l'être humain a des besoins à satisfaire. Pour les satisfaire, îl doit se mettre en accord avec son en-vironnement. Toute la vie est rythmée par des ruptures d'équilibre (quand apparaît un besoin impérieux) et par des résolutions (quand le besoin est sa-tisfait). Chaque résolution se présente comme un nouvel ordre, une nouvel-le forme que nous ressentons comme une expansion de notre être. Le senti-ment de plénitude que nous ressentons aux mosenti-ments où nous nous trouvons à

l'unisson avec notre environnement constitue le fondement de l'expérience esthétique. Quand nous percevons un objet de manière esthétique, nous nous sentons en accord avec cet objet comme nous nous sentons en accord avec no-tre environnement dans les temps de résolution du rythme d'adaptation. L'ex-périence esthétique repose sur 1'exL'ex-périence de la vie.

Suzanne Langer voit dans l'art et l'expérience esthétique un moyen de connaissance différent de celui de la logique. L'expérience esthétique nous renseigne sur le sentiment, sur l'aspect qualitatif de la vie. La percep-tion esthétique non seulement nous révèle notre vie intérieure mais façonne notre imagination de la réalité "according to the rythmic forms of life and sentience". (Langer, 1953, p. 399). La perception esthétique investit le monde d'une valeur esthétique.

Pour Langer, le langage est le système de signes qui convient le mieux à la raison. Si le discours convient à la logique, il ne rend pas toujours bien compte des sentiments, des sensations et de leur retentissement affec-tif. L'art est pour Langer un système symbolique qui rend compte de façon concrète et immédiatement perceptible de la connaissance sensible. Le lan-gage et l'art sont deux systèmes de représentation qui correspondent à deux modes de connaissance différents. L'expérience esthétique permet d'élaborer une connaissance qualitative du monde du sentiment. Elle rend possible sa mise en forme dans la réalisation des oeuvres d'art. La connaissance

esthé-tique est la connaissance sensible de l'organisation et de l'équilibre dans le monde; l'art est le système symbolique qui permet de consigner cette con-naissance. En même temps que l'art nous révèle le domaine du sensible, il

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façonne notre manière de sentir.

S'inspirant de Dewey et de Langer, Bennett Reimer définît l'expérien-ce esthétique en l'expérien-ces termes :

"Quand on perçoit les conditions de la vie incarnées dans les qualités esthétiques d'un objet et que l'on réagit au pouvoir expressif, à tout ce monde du senti-ment de ces qualités esthétiques, on peut alors parti-ciper à cette impression de vitalité que ces mêmes

qua-lités suscitent. Plus le pouvoir expressif d'une oeuvre est profond et vif, plus on arrive à le partager en per-cevant et en réagissant aux éléments qui le renferment, plus notre participation à cette forme de vie organique est profonde et vive. Cette participation à des vues

di-rectes de la nature intime de la vie par la perception des qualités et la réaction à ces mêmes qualités

s'appel-le l'expérience esthétique." (Reimer, 1976, p. 81).

L'expérience esthétique possède des caractéristiques spécifiques. Premiè-rement elle est intrinsèque, désintéressée et détachée. Elle existe pour elle-même et n'est au service d'aucun but utilitaire ou pratique. Deuxiè-mement, l'expérience esthétique est "une identification ou une projection de soi au coeur des qualités de l'objet auquel on réagit" (Reimer, 1976, p. 82). Bref, c'est une expérience empathïque. Troisièmement, l'expérien-ce des qualités esthétiques est immédiate, directe. Elle s'attache aux qualités expressives particulières et concrètes des formes plutôt qu'aux significations conventionnelles. Finalement, l'expérience esthétique pro-vient d'une participation aux qualités d'un objet perceptible. C'est une

rencontre par lessens d'un objet qui possède des qualités esthétiques aux-quelles on peut réagir.

Pour Reimer, l'expérience esthétique se compose de deux comportements fondamentaux : la perception et la réaction. La perception est objective et consiste en une foule d'activités : "quand une personne perçoit des

qua-lités esthétiques, elle adopte à la fois les comportements de la connais-sance, de la remémoration, de la relation, de l'identification, de la dif-férenciation, de l'opposition, de l'hypothèse, de la comparaison, de la distinction, de la synthèse" (Reimer, 1976, p. 88). La réaction par contre est totalement subjective. Les sentiments éveillés par la perception sont personnels bien qu'ils puissent être partagés avec d'autres personnes.

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Reimer soutient qu'on ne peut pas enseigner directement à réagir mais qu'on peut influencer la réaction en développant la perception. "Plus on arrive à percevoir ces qualités de manière vive, subtile, précise, fine et sensible, plus la réaction peut être vive, subtile, précise, fine et sensi-ble" (Reimer, 1976, p. 89). Ces distinctions aident à comprendre la nature de l'expérience esthétique. Il est cependant parfois difficile de partager ce qui est perception et ce qui est réaction dans une expérience esthétique.

Les définitions de l'esthétique et de l'expérience esthétique de Dewey, de Langer et de Reimer correspondent à la réalité ou à l'idéal de l'esthé-tique "adulte". Merle Flannery propose une vision de l'esthél'esthé-tique qui nous

rapproche plus de l'esthétique enfantine. Elle définit l'esthétique comme la capacité humaine d'être sensible (sensitive). En mettant l'accent sur la sensation reçue et éprouvée plutôt que sur l'art ou la beauté, elle per-met d'interpréter comme esthétiques toutes les expériences où une personne entre en contact avec des sensations immédiates reçues de l'environnement.

"The aesthetic is the language of feeling. Sometimes the feeling is embodied in perceptible form - what is called a work of art. Sometimes aesthetic feeling is simply experienced. As one allows one's attention to focus intensely upon the multi-faceted, multilayered presence of feeling - visual feeling, tactile feeling, olfactory feeling, kinesthetic feeling, gustatory feeling, and emotional feeling - one comes into aesthetic

cons-ciousness and into aesthetic behavior" (Flannery, 1977, p. 19).

Flannery donne pi usieursexemples de comportements esthétiques chez des enfants, mais elle n'aborde pas directement la question du développe-ment esthétique. Elle parle d'évolution, de maturation, de laisser exis-ter naturellement, de permettre. Elle souligne aussi les conséquences de "1'anesthésîe" ou de la perte de contact avec le sensible. Elle déplore

le fait que notre société et notre système d'éducation consacrent tous leurs efforts à développer la pensée conceptuelle chez les enfants et que la pensée esthétique soit négligée ou sacrifiée. Elle soutient que le contact sensoriel est à la base de la formation des concepts chez les en-fants. Au lieu de s'opposer au développement intellectuel, l'expérience esthétique le soutient. (Flannery, 1974, p. 7).

(21)

3. Quelques éléments de la théorie piagétienne du développement cognitif

Il est intéressant de rapprocher la théorie du développement cognitif

de Piaget des théories esthétiques qui reposent sur des fondements biologi­

ques ou naturalistes. Comme les théories esthétiques de Dewey, de Langer

et de Reimer, la théorie du développement de Piaget repose sur les princi­ pes de l'adaptation, de l'interaction et de l'accord avec le milieu. Dans

le domaine de l'esthétique on trouve une harmonie entre des sentiments et

des formes perceptibles. Dans celui de l'intelligence on trouve "un accord

de la pensée avec les choses" (Piaget, 1955, 1977, p. 14).

Pour expliquer comment se réalise cet accord, Piaget distingue deux

processus dans l'adaptation : l'assimilation et l'accommodation. L'assimi­ lation unît, incorpore les éléments du milieu aux éléments organisés qui

constituent la structure mentale. L'accommodation est une modification de

la structure résultant de la pression exercée par le milieu. En retour, elle

organise la réalité du milieu. Adaptation et organisation sont deux fonc­

tions mutuellement dépendantes à partir desquelles se structure progressive­

ment la pensée.

Piaget a décrit cette structuration progressive de la pensée et a mis

en lumière ses étapes successives. Les stades de développement correspon­

dent à des paliers dans la structuration de la pensée. Chaque stade est

un système de pensée organisé, consistant. Les stades se succèdent selon

une séquence invariante et s'intègrent de façon hiérarchique. (Piaget, 1972,

chap. 3)■

4. Une ligne de pensée en développement esthétique

Les notions d'adaptation et de stades de développement de Piaget peu­

vent servir de point de départ ou de comparaison pour la recherche en dé­

veloppement esthétique. S'inspirant des stades de développement cognitif

de Piaget et des stades de développement du jugement moral de Kohlberg, trois

chercheurs américains ont entrepris d'étudier les stades de développement

des réponses à des objets spécifiquement esthétiques. Ils ont tracé une li­ gne de pensée claire en développement esthétique. Pour Parsons, Johnston

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histoire de développement "distinct in the way that Kohlberg's stages of moral judgment are distinc from Pîaget's stages of scientific thought"

(Parsons, Johnston et Durham, 1978, p. 84).

Ils présentent le développement esthétique comme une suite de trans-formations dans ce qui est considéré comme significatif ou pas dans la ren-contre avec un objet esthétique. "The sense of relevance" ou ce qui comp-te pour l'individu dans une expérience esthétique est composé à la fois d'un aspect cognitif et d'un aspect affectif (judgmental and experiential). Les stades de développement esthétique seront donc pour eux des stades d'expé-rience sensible aussi bien que de jugement.

L'aspect cognitif détermine les normes de jugement et l'aspect affec-tif l'attention et la réceptivité aux phénomènes sensibles. Au cours de son développement esthétique, l'enfant percevra et répondra à plus de carac-téristiques de l'objet esthétique. La signification sera enrichie en quali-té et en étendue. D'autre part, des considérations importantes à un stade antérieur seront abandonnées ou trouvées moins significatives à un stade plus avancé.

Parsons et ses collaborateurs considèrent la notion de décentration comme sous-jacente à la définition de leurs stades de développement esthéti-que : "Each consecutive stage in our scheme requires and advance in pers-pective-taking ability". (Parsons, Johnston, Durham, 1978, p. 85). Les critères pour juger de la valeur des objets esthétiques devront apparaître comme de plus en plus pertinents et adaptés à chaque situation à mesure que l'enfant développe son sens esthétique. C'est ce que leur étude sur des étudiants de la première à la douzième année a permis de mettre en évi-dence.

Ils ont identifié des stades bien caractérisés dans les façons de

répondre aux aspects suivants de reproductions de peintures qu'ils ont présen-tées à treize sujets de chaque classe : le réalisme de la figuration, le sujet, les sentiments, les qualités de l'artiste et la couleur. Ils ont trouvé aussi quatre paliers dans le développement des critères de jugement. Pour chacune des catégories, ce qui est jugé important par les enfants se

rapproche de plus en plus des caractéristiques esthétiques uniques de l'oeu-vre à mesure que le niveau scolaire s'élève.

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N'ayant interrogé que des enfants d'âge scolaire, Parsons et ses col-laborateurs ont indiqué la possibilité de stades antérieurs et postérieurs à ceux qu'ils ont décrits.

"In some cases it is quite clear that there must be an earlier stage that the ones we report; for exemple, in ou first topic, all the children we interviewed already understood that paintings can refer to something by pic-torial ly representing it. We assume that this is an idea which must be learned, though we have no data on how or when this happens." (Parsons, Johnston, Durham, 1978, p. 8 7 ) .

Les observations que je rapporterai au chapitre suivant se situent à la période préscolaire. Elles ne porteront pas que sur des oeuvres pic-turales mais sur plusieurs aspects visibles de l'environnement. Elles ten-teront de mettre en évidence les premiers contacts avec des objets esthéti-ques, avec ce qui pourrait préparer la voie à la compréhension des images artistiques.

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ELEMENTS METHODOLOGIQUES ET PRESENTATION DES DONNEES

La première partie de ce chapitre sera consacrée à préciser les as-pects méthodologiques de la recherche : les modèles dont elle s'inspire,

les sources des données et leur organisation ainsi que les étapes de l'ana-lyse.

Dans la deuxième partie, je décrirai des comportements d'enfants qui illustrent certains aspects des premières relations esthétiques avec le mon-de extérieur. J'entendschercher les origines du sens esthétique dans les sensations et les explorations de la petite enfance.

Dans "Art as Experience", Dewey s'interrogeait en ces termes sur les origines du sens esthétique :

"How is it that the everyday making of things grows into that form of making which is genuinely artistic ? How is it that our everyday enjoyment of scenes and situations develops into the peculiar satisfaction that attends the experience which is emphatically es-thetic ? These are questions theory must answer. The answers cannot be found, unless we are willing to find

the germs and roots in matters of experience that we do not currently regard as esthetic. Having discovered

these active seeds, we may follow the course of their growth into the highest forms of finished and refined art." (Dewey, 1934, 1958, p. 12).

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Pour Dewey la question avait un sens épistémologique. Je me propose de l'a-border ici d'un point de vue génétique.

1. Eléments méthodologiques ' • ' fr.§_!T§Çhode

Les méthodes de l'étude longitudinale et de l'observation participante ont été retenues pour aborder cette étude. En plus d'avoir les sujets très près de moi puisque ce sont mes propres enfants, deux autres raisons ont mo-tivé ce choix. D'abord, l'objectif de la recherche étant d'éclairer un pro-cessus de développement plutôt que d'énumérer les comportements typiques d'un âge donné, il a semblé préférable d'étudier en profondeur un nombre li-mité de sujets pendant une longue durée plutôt que d'examiner périodiquement un plus grand nombre d'enfants. L'observation presque constante de deux en-fants en situation "naturelle" promettait une meilleure qualité de données : variété, authenticité, continuité. De plus le partage du vécu des situa-tions retenues comme significatives permettait de les saisir plus totale-ment, à la fois de l'intérieur et de l'extérieur.

Vu que cette étude se faisait avec mes propres enfants, je me devais de me donner des conditions de rigueur méthodologique afin que l'avantage de la proximité et du partage des expériences étudiées ne soit pas dévalué par l'expression incontrôlable de ma subjectivité. Pour écarter ce risque, je n'ai retenu que les observations qui respectaient rigoureusement deux critères. Tous les comportements devaient d'abord être des actions, des paroles ou des expressions extérieures, apparentes et évidentes des enfants.

Ils devaient en outre être reliés directement à des qualités visuelles ou tactiles des objets concrets des expériences. Ce critère s'inspire de la des-cription des conditions de l'expérience esthétique donnée par Reimer ( c f . chap. Il, p. 12-13). Toutes les observations qui ne répondaient pas à ces critères ont été rejetées.

En plus de me donner des règles de sélection des comportements, je de-vais aussi les traiter comme des exemples de deux cheminements individuels. Liliane Lurçat, qui a publié des monographies de l'évolution du dessin chez ses trois enfants explique cette restriction en ces termes :

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"Les grands moments de la genèse de l'acte graphique tels qu'on peut les dégager de l'observation d'un

seul enfant ne peuvent en aucun cas fournir une échelle d'âge, tout au plus un ordre d'enchaînement. Par

ail-leurs, dans l'accumulation des descriptions, certaines ont une valeur générale, d'autres sont accidentelles, plus circonstancielles et en rapport avec des particularités de

l'enfant suivi. Le risque est de transformer en général ce qui est particulier, et en nécessaire ce qui peut n'être qu'un détour dans le cheminement vers les étapes

ultérieu-res. Ces restrictions une fois admises, l'étude longitu-dinale reste une source intéressante de connaissances dans la mesure où elle permet d'éclairer des processus qui ne peuvent être saisis que par le biais de l'analyse de tout le concret d'un cheminement individuel. Les âges

indiqués sont des repères et n'ont de valeur que pour in-diquer la succession des phénomènes observés." (Lurçat,

1979, P- 15).

Les faits qui seront présentés dans ce chapitre vaudront donc comme exem-ples concrets de développement esthétique.

1.2 Les_su2§ts_observés_et_2a_çuejnette_des_d^

Les données de la présente recherche sont des comportements observés chez mes deux fillettes, Maryvonne née en avril 1973 et Catherine née en août

1974. Les observations ont été consignées sous forme de notes dans un jour-nal ou sous forme d'images photographiques datées. Pour l'année 1975, les comportements esthétiques ont été extraits d'un ensemble d'observations faites sur les deux enfants. Ils ont été interprétés comme esthétiques "a posteriori". A partir de janvier 1976, les observations sont des compor-tements rapportés spécifiquement pour leur caractère esthétique.

' -3 ____r§_ËG£§£_2Q_§____2r__Q_____2Q__'_i__S.2GQ§Ê_

Après examen des données classées selon l'ordre chronologique pour les deux sujets, six catégories se sont dégagées pour ordonner les compor-tements. Les cinq premières font ressortir les objets auxquels les enfants réagissent esthétiquement. Ce sont 2.1) les petits objets à toucher, à cueillir et à collectionner, 2.2) les objets de grande taille, 2.3) les,

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es-paces à occuper, 2.4) les phénomènes visuels tels que la lumière, l'ombre, la couleur et la texture, 2.5) les images à deux dimensions telles que les illustrations, les photos ou les reproductions d'oeuvres d'art. La sixième catégorie, d'un ordre différent, comprend les activités perceptives et les jeux de perception. A l'intérieur de ces six catégories, les comportements des deux enfants seront rapportés selon 1'ordre chronologique et commentés de manière à en faire ressortir les aspects les plus significatifs pour com-prendre leurs dimensions esthétiques.

Les expériences rapportées seront précédées des lettres MMM s'il s'a-git de Maryvonne et de CCC s'il s'as'a-git de Catherine. L'âge sera indiqué en années et en mois. Par exemple, 2-05 signifiera deux ans et cinq mois.

' •** ^anal^se_e^_P|ntergrétatjon

Dans 1'analyse des données, les composantes des comportements esthé-tiques des enfants seront identifiées et comparées aux caractérisesthé-tiques de l'expérience esthétique décrites par Reimer. Les cheminements esthétiques des deux sujets seront mis en parallèle afin d'en faire ressortir les dif-férences et les similitudes. Finalement, les phénomènes décrits seront in-terprétés comme des transformations dans la création des significations es-thétiques .

2. Présentation des données

2*' Petj_ts_obj^ets_à_toucher2 à çuejll.ir_et_à_col2ect[onner

Tendre la main vers des objets, les prendre et les palper sont les premières manifestations d'intérêt pour les objets. Les enfants touchent à tout, c'est bien connu. Ils font l'expérience des formes et de la matiè-re. En manipulant, ils apprennent à sentir les qualités des objets. Voici une séquence de comportements en rapport avec de petits objets et mettant en relief l'importance du toucher et de l'action.

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Comportement 1

Comportement 2,

Comportement 3.

Comportement 4.

A l'occasion d'une vacance à la montagne, CCC 0-09 palme délicatement des branches de cèdre lors de promenades dans la forêt.

A la même période CCC tend la main pour qu'on l'approche d'un mobile dont elle touche doucement les éléments, les faisant s'animer d'un léger balancement qu'elle suit en bougeant la tête.

Entre 0-11 et 1-00 CCC caresse des roses miniatures lors de sa promenade quotidienne en poussette. A chaque passa-ge devant les rosiers, elle manifeste le même intérêt. Elle touche les fleurs sans les arracher.

Vers 1-00 CCC et MMM ont tour à tour aimé aller caresser un chien paisible faisant la garde allongé devant la mai-son de sa maîtresse.

Connaître et apprécier les objets du bout des doigts ou de la paume de la main, c'est établir un contact immédiat avec l'environnement et élargir le

registre de ses sensations tactiles.

Comportement 5- CCC 1-03 aime cueillir les petites baies rouges d'une haie de barberis. Elle les roule entre ses doigts, les garde dans sa main... et en mange quelques-unes.

Comme pour les rosiers ou pour le chien, ce plaisir était retrouvé à cha-que promenade. Ces objets et ces sensations devenaient familiers.

Comportement 6. Comportement 7-Comportement 8.

Entre 1-10 et 2-00 CCC cueille des fleurs chaque fois qu'elle en trouve.

CCC 2-02 ramasse des samares sur le trottoir.

A l'occasion d'une sortie avec les enfants de la garde-rie, CCC 2-09 garde une fleur dans sa main toute la jour-née. Elle dormira avec durant le trajet du retour et la

rapportera à la maison.

A partir de sa troisième année, les cueillettes de CCC ne se limitent plus à l'exploration des objets. Elle veut les montrer ou les offrir.

Comportement 9- Entre 2-09 et 3-01 CCC rapporte régulièrement à la mai-son des bouquets miniatures, des champignons, des bran-ches, des papiers, des cailloux. Sa vue est perçante. Elle trouve et ramasse toutes sortes de menus objets : bou-tons, clous, petits jouets.

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Comportement 10. Entre 3-01 et 4-10 CCC mettra en sûreté dans son casier de la garderie une foule de petits trésors, bouts de pa-pier cellophane de couleur, papa-pier métallique, petits car-tons, feuilles et fleurs à l'automne et au printemps. Comportement 11. CCC 5-06 trouve dans la neige fondante quelques perles en

plastique transparent : "J'ai trouvé des vrais diamants. J'en ai donné un à Maxime. Je pourrais les montrer à Joëlle. Je vais les avoir encore quand je vais être

gran-de. Je vais tout le temps les garder. Sont beaux hein! 111

Comportement 12. Entre 5-00 et 5_08 CCC rapporte presque tous les jours de

la maternelle des bouts de laine, des boutons, des cure-dents en couleurs, des pailles, des bouchons, des échan-tillons de papier peint, etc. Le matériel à bricolage fait ses délices. Elle aime tous les matériaux et sait dé-nicher des petits bouts de dentelle ou de ruban qu'elle garde précieusement dans sa boîte de trésors ou qu'elle in-troduit dans des bricolages ou dans sa panoplie de poupées. Catherine a une prédilection pour les petits objets. Elle les ramasse et les conserve pour leurs qualités singulières. Chacun est unique et irrem-plaçable. Souvent elle exploite les caractéristiques formelles des objets dans ses jeux.

Comportement 13- CCC 5-06 fait d'une coquille d'asclépiade le berceau d'une poupée minuscule.

Comportement 14. CCC 5-07 rapporte un caillou en forme de prisme triangulai-re : "Regarde un caillou en forme de triangle".

Comportement 15- CCC 5_08 habille une "Barbie" d'une jupe faite d'une

feuil-le de chou.

Comportement 16. CCC 5_08 enfile une corolle de jonquille sur son

auricu-laire. MMM 6-11 1'imite.

Catherine manifeste beaucoup d'intérêt pour toutes les matières, mais ce qui est doux l'attire particulièrement.

Comportement 17- CCC 3-05 reçoit des pantoufles en peau de lapin qu'elle use-ra jusqu'à l'extrême limite.

Comportement 18. Faisant la queue à la banque, CCC 4-05 frôle discrètement les manteaux de fourrure des dames sans qu'elles s'en aper-çoivent.

Comportement 19- Vers la même période, CCC caresse le duvet qui recouvre la tête d'un nouveau-né. Par la suite elle aime toucher et faire toucher les petits poils duveteux à la racine de ses propres cheveux.

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Comportement 20. Entre 5-02 et 5~04 CCC a remplacé sa "petite couverte" par une peau de lapin blanc. Elle aime sentir la douce fourrure sur tout son corps. Parfois elle fait glisser le lapin sous son pyjama.

Catherine est passée du simple toucher à la cueillette, puis à la collec-tion et à l'intégracollec-tion des objets dans ses jeux. Son intérêt pour la ma-tière et pour les toutes petites choses semble une constante. Elle établit des relations intimes avec ses petits trésors. Elle les montre ou les offre aux autres (adultes et pairs) et sait les retrouver dans l'ordre com-plexe de son armoire.

Catherine semble présenter les caractéristiques du mode de perception que Lowenfeld appel le "haptic". "The haptic individual interacts with the world as a participant rather than as a spectator. He undergoes

experien-ce in a highly affective and kinesthetic way ". (Dans Eisner, 1972, p. 91)

2.2 Qbjets_de_grande_tajl.l.e

Si face aux petits objets, j'ai pu observer les comportements de tou-cher, palper, ramasser, cueillir, offrir, collectionner et transformer, j'ai constaté par ailleurs que les objets de grande taille provoquent surtout des réactions motrices telles que grimper, tourner autour, se coucher sur. Comportement 21. MMM 1-11 aime se coucher sur le ventre d'un gros ourson

moelleux.

Comportement 22. CCC 3-00 et MMM 4-04 sautent sur un matelas posé sur le sol. Découvrant les qualités particulières de légèreté et de douceur de 1'édredon, elles se déshabillent complè-tement et se roulent sur et sous 1'édredon.

Apprendre les sensations et explorer les apparences vont souvent à 1'encontre des "bonnes manières".

Comportement 23- CCC 3-11 et MMM 5*03 s'ébattent dans le Parc des Iles sur la rivière Matane. Elles grimpent et jouent à cache-cache dans les sculptures monumentales du parc. Les sculptures et les appareils de la piste d'hébertîsme sont abordés de la même façon. Une grande sculpture de Del phi s Bélanger faite de métal plié, en plus d'offrir des coins et re-coins où se cacher, offre la possibilité d'explorer les vi-brations sonores. Les enfants en frappent les parois avec

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des branches de grosseurs et de longueurs différentes, avec des roches, avec des sous et avec toutes sortes d'objets. Ces activités attirent les autres vacanciers. Grands et petits s'en donnent à coeur joie.

Souvent les explorations des petits enfants sont entraînées par celles des aînés. Les petits se joignent à l'expérience des sensations des plus grands. Le contraire se produit aussi. Les grandes personnes retrouvent avec les enfants des sensations mises en veilleuse au profit d'occupations pratiques ou intellectuelles.

Comportement 24. CCC 4-08 et MMM 6-00 escaladent les grosses pierres du Jar-din géologique de l'Université Laval. De plus, elles

sont intéressées par les textures brillantes et dorées, par l'éclat métallique de certaines roches.

Les expériences esthétiques sont souvent multi-sensorïelles comme dans le cas des sculptures musicales et des pierres à toucher et à regarder. Comportement 25- CCC 4-08 et MMM 6-09 grimpent sur les sculptures à

l'en-trée du centre commercial Place Ste-Foy. Ces ours polai-res sont juste à la hauteur des enfants. Leurs dos arron-dis et leur texture polie en font des promontoires et des glissoires irrésistibles.

Comportement 26. Depuis le départ du chien policier qui gardait la maison, MMM 7-00, CCC 5-08 et tous les jeunes du voisinage vont grimper dans un immense pommier aux branches basses. Les objets de grande taille sont assimilés aux jeux de motricité globale. Arbres, grosses pierres, grandes sculptures, grands meubles ser-vent de grimpettes et de gymnases. C'est donc par l'intermédiaire des jeux spécifiques offerts par les objets de cette nature que sont perçues leurs qualités formelles et structurales. Formes, masses et volumes de grandes dimensions sont connus de façon kinesthésîque.

2.3 Esgaces_à_occuger

Les espaces aussi sont abordés par les mouvements et les déplacements Grandeur, exiguï'té, hauteur, profondeur, ouverture, vide ou encombrement, morcellement, dénivellations sont des qualités de l'espace qui font réagir

(32)

2.3-1 Peti_s_espaçes_fermés

Comportement 27- MMM 0-12 aime s'asseoir dans une boîte en carton où elle a juste sa place.

Comportement 28. MMM 2-00 se fait des "nids" dans des amas de coussins. Parfois, suivant l'exemple d'une aînée (5 ans), elle cir-conscrit un espace sur le sol en l'entourant de coussins. Comportement 29. Vers la même période MMM joue au bateau dans un grand

ti-roir sur roulettes qui se range sous une banquette. Comportement 30. Depuis l'automne 1975 (MMM 2-07 et CCC 1-03), nous avons

eu de très grands cartons d'emballage servant de cabanes. L'intérêt pour ces maisons durait de quelques semaines à quelques mois. L'été les maisons de carton étaient rem-placées par une tente "d'indiens" montée dans la cour. D'autres constructions étaient élaborées en tendant de grands tissus maintenus par des épingles à linge entre les dossiers des chaises de jardin.

Comportement 31. MMM 3"06 aime jouer dans des trous creusés dans la neige. Ce sont des "baignoires" ou des "piscines". Elle aime aus1

si jouer dans un fort, transformant en sièges et en réfri-gérateur des bosses et des creux dans la neige.

Comportement 32. CCC 4-00 aime jouer sous la table de la salle à manger. C'est son isoloir.

Comportement 33- MMM 4-03, CCC 2-11 et leur amie 4-01 visitent "La Grande Hermine". Elles restent très longtemps dans la toute pe-tite cabine du capitaine. Elles grimpent sur les banquet-tes, se glissent et s'allongent sur leur bois poli ou res-tent simplement assises dans ce petit coin.

Comportement 34. MMM à 5-00 et CCC depuis 5-07 installent souvent leur mai-son de poupées sur le palier de l'escalier. Cet espace d'environ un mètre sur deux et fermé sur trois côtés semble être à leur mesure.

De tous temps, les enfants ont aimé les maisons de poupées dans le jardin ou les cabanes dans les arbres. Ces petits espaces sont à leur échel

le. Ils sont souvent situés en retrait et à l'abri de l'indiscrétion des grandes personnes. Cet attrait pour les petits espaces clos a servi de principe directeur pour l'aménagement d'une école située dans un sous-sol d'église à Boston. Aidés d'un architecte, les enfants de l'école ont amé-nagé une grande salle de soixante pieds sur quatre-vingt-dix en petites

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cellules individuelles d'environ quatre pieds sur quatre, réservant des allées de circulation et des espaces communautaires. Invités à façonner

leur environnement selon leurs personnalités et leurs besoins, ces enfants se sont construit des cabanes. (Wampler, 1972, pp. 129 à 142).

Comportement 35- MMM 5-06 voyage assise sur le plancher de l'auto. Elle a

juste sa place entre le siège avant et la banquette arriè-re. CCC 4-02 occupe l'autre côté. La bosse du différen-tiel sert de frontière entre les deux territoires.

Comportement 36. MMM 6-05 regarde la télévision assise dans une cuve. Comportement 37. Dans le vestiaire de la piscine du Y.W.C.A., les enfants

de 3 à 6 ans aiment bien entrer dans les casiers à la ma-nière d'un soldat dans sa guérite.

Comportement 38. CCC 5~07 vient trouver ses parents dans leur lit. Aper-cevant l'espace entre les deux elle s'exclame : "Un petit royaume!" Elle entre dans l'espace, puis s'asseoit sur un oreiller à la tête du lit. "Je suis la reine". MMM 6-11

la rejoint et s'installe entre les jambes des parents au pied du lit. "Je suis la porte". Le jeu se continue par des entrées et des sorties du "royaume". Bras et jambes deviennent la structure d'un château de couvertures et de draps.

Que ce soit pour s'y asseoir tranquilles ou pour jouer à faire sem-blant, les petits espaces fermés sont perçus comme proportionnés à la

tail-le des enfants. Ils invitent à y entrer et à s'y inclure. Les enfants répondent à leurs qualités de dimensions. Ces expériences sont à l'origi-ne du sens des proportions architecturales.

2.3.2 Espaces_vastes_et_ouyerts

Si les petits espaces enveloppants répondent aux besoins de concentra-tion, de tranquillité et d'intimité, les espaces vastes et dégagés répon-dent au besoin d'exprimer son exubérance et sa vitalité. Les enfants é-prouvent l'étendue et l'ouverture des grands espaces comme une invitation à s'y lancer â toute allure.

Comportement 39. MMM 3-10 parcourt à la course, aller et retour, une gran-de salle du Musée du Québec.

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Comportement 40. MMM 5-04 et CCC 3-11 courent aller et retour dans le

gym-nase d'une école. Elles courent dans le sens de la plus grande dimension de la salle.

Comportement 4l. CCC 4-06, avec les enfants de la garderie, court dans les couloirs sous-terrains menant du pavillon Lacerte au

P.E.P.S. de l'Université Laval.

Comportement 42. MMM 6-03 et CCC 4-11 se lancent dans une course folle sur les Plaines d'Abraham. Elles vont du parc Jeanne-d'Arc au Manège militaire sans arrêt.

Les pentes et dénivellations du terrain sont éprouvées de façon phy-siques : elles invitent à glisser ou à se rouler en bas.

Comportement 43. Depuis qu'elles peuvent marcher, CCC et MMM, â chaque vi-site chez leurs grands parents, vont se rouler en bas du talus devant leur maison. D'après les grands-parents, tous les enfants du voisinage en ont fait autant un jour ou 1'autre.

Comportement 44. Comme tous les petits Québécois, MMM et CCC glissent tous les hivers en bas des bancs de neige sur leur derrière, ou sur les grandes pentes naturelles en traîne sauvage ou en traîneau.

En présence d'espaces vastes ou exigus et d'accidents du terrain, se manifestent les comportements d'occuper, d'organiser, d'envahir, de conqué-rir ou de transformer par l'imagination. Comme pour les réactions aux ob-jets, des différences individuelles se manifestent dans la manière de sen-tir l'espace. MMM a plus tendance que CCC à s'installer dans des creux ou dans des espaces réduits. D'autre part, les réactions à l'espace ont des effets d'entraînement. Les enfants se joignent volontiers aux autres dans leurs jeux dans l'espace. CCC s'asseoit au fond de l'auto comme MMM; elle la rejoint dans une course ou embarque dans le même bateau. Au

con-tact des enfants, les adultes retrouvent parfois la sensation primitive de l'espace. Grand-maman se roule en bas du talus, papa glisse à toute allure, maman bondit dans les champs.

2.4 Phénomènes_y|sue2s

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phénomène physique isolé comme l'ombre, la lumière, la couleur, la texture ou la forme.

2.4.1 L'ombre et la lumière

Comportement 45. MMM 1-08 regarde par la fenêtre les lumières du sapin de Noël chez la voisine.

A chaque année elle réclamera des lumières pour notre sa-pin.

Comportement 46. A la même époque, MMM s'amuse à essayer d'attraper les om-bres qu'on lui projette sur le mur.

Comportement 47- CCC 5_07 projette elle-même l'ombre de ses mains sur le

mur de sa chambre. Elle observe les transformations des ombres. Couchée dans son lit, elle approche et éloigne ses mains du mur. Quand elle voit que je vais éteindre la lumière, elle immobilise sa main et guette la disparition de la forme sur le mur. (J'éteins la lumière progressive-ment en tournant un rhéostat).

Comportement 48. Le soleil entre par la fenêtre et dessine des plages de lumière sur le plancher. MMM 2-10 aime s'asseoir dans ces plages de lumière : "Je joue dans le soleil".

Comportement 49. MMM 3-01 fait bouger ses mains dans un rayon de soleil qui pénètre dans 1'auto : "Regarde, je mets mes mains dans le soleil".

Comportement 50. CCC 5-07 souffle sur des poussières qui dansent dans un

rayon de soleil. Son ami Nicolas 5_03 crache en faisant

"pfuttt" avec sa bouche pour voir les gouttelettes de salive virevolter dans la lumière.

Comportement 51- CCC 4-04 est fascinée par la lumière opalescente d'un dé-cor de clair de lune illuminant une crèche de Noël. Comportement 52. CCC 4-06, avec les enfants de la garderie, observe les

effets des lumières colorées dans les tunnels qui relient le pavillon Lacerte au pavillon de l'éducation physique et des sports : "Tu parais bleue. Tu parais toute rouge". La lumière naturelle ou artificielle est un phénomène qui fascine les enfants. Ils s'intéressent à ses effets et à ses jeux, les font durer ou se laissent transporter par sa féerie.

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2.4.2 La couleur

Comportement 53- CCC 1-07 identifie et nomme les couleurs orange et bleu A 1-08 elle identifie et nomme les couleurs brun, noir, jaune, rouge, rose, violet et blanc.

Comportement 54. CCC 2-04 assiste à une pièce de théâtre pour enfants où un pierrot lunaire vêtu et maquillé de blanc chante des chansons douces en s'accompagnant a la guitare. Pendant plusieurs mois elle parlera du pierrot tout blanc. Tous

les bonshommes-têtards qu'elle dessinera seront appelés des pierrots tout blancs; elle cherchera à s'habiller de blanc et elle répondra toujours "blanc" quand on lui deman-dera de choisir une couleur.

Comportement 55- CCC 3-01 veut conserver les feuilles roses un peu décolo-rées d'un coléus.

Comportement 56. CCC 4-08 collectionne les cailloux blancs.

Comportement 57. MMM 2-10 veut appeler son gros chien de peluche rose "Ro-sario" en l'honneur d'un visiteur attentif et chaleureux pour les enfants. La parenté des mots rose et Rosario est perçue et trouvée amusante. Les jeux de mots et les ri-me t tes sont des rapprocheri-ments perceptifs qui ravissent

les enfants.

Comportement 58. MMM 3-07 est très absorbée dans un dessin aux pastels.

Quand elle lève les yeux sur le dessin de CCC, elle est saisie par l'effet lumineux des lignes jaunes et oranges sur le fond bleu foncé : "On dirait qu'il est allumé le dessin à Catherine".

Comportement 59- MMM 4-03 sert des breuvages à ses amis dans des verres de plastique de couleurs différentes. Elle donne un verre bleu à celui qui a un gilet bleu, un verre rouge à celui qui a du rouge sur lui, et ainsi de suite.

La couleur des vêtements comme critère de sélection a inspiré plu-sieurs formulettes du type "comptines avec injonction de sortie" (Beauco-mont, 1961, 1970, p. 78). Conme par exemple : "Es-tu déjà monté dans une échelle ? - Oui - De quelle couleur était-elle ? - Bleue - As-tu du bleu sur toi ? - Oui - Alors ce ne sera pas toi". La couleur semble avoir un effet magique.

Comportement 60. MMM 4-08 me regarde habiller sa soeur. "C'est beau vert et brun parce que c'est la couleur de la terre et

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de l'herbe. Le gilet est haut; le pantalon est bas. Ca fait comme de 1'herbe et de la terre".

Comportement 61. MMM 6-08 contemplant l'habit de neige bleu électrique

qu'elle vient de choisir au magasin : "Trouves-tu que c'est un beau bleu ?"

Comportement 62. MMM 6-08 place sa nouvelle brosse à dents avec les autres : "C'est beau toutes les couleurs des brosses à dents".

Comportement 63- MMM 6-09 et son amie Sophie 6-07 s'amusent avec des échan-tillons de papiers colorés (True Print). Elles demandent à toutes les personnes présentes dans la maison de choisir

leur couleur préférée et celle qu'elles aiment le moins. Comportement 64. MMM 6-10 s'amuse à faire naviguer une petite poupée sur une

éponge dans le lavabo : "Viens voir William, il est plus beau sur l'éponge bleue" (que sur la rose).

Discrimination, identification, association perceptive, évocation et jugement de goût sont les principaux comportements que j'ai pu observer par

rapport aux couleurs des objets.

2.4.3 La_texture

Parmi les comportements rapportés pour illustrer les réactions aux pe-tits et aux grands objets, plusieurs étaient suscités aussi bien par la tex-ture que par la dimension des objets (comportements 4, 10, 11, 12, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 33). Les comportements que je décrirai ici sont plus directement orientés vers les qualités spécifiques de texture des objets. Comportement 65- MMM 2-06 est très attachée à un gilet en laine mohair.

Elle l'appelle son gilet "doux-doux".

Comportement 66. MMM 2-08 explore intensément les textures des aliments. Par exemple, elle ouvre les biscuits sandwiches et s'amu-se à faire des traces dans la crème avec sa langue. "Re-garde la belle 'léchure'."

Comportement 67. MMM 4-01 s'intéresse aux pissenlits mûrs qu'elle sème à tout vent. Elle les appelle des pissenlits "soufflants". L'exploration des textures ne se fait pas seulement avec les mains. Lécher et souffler sont aussi des contacts sensibles avec la texture.

Figure

Tableau 1. Proportions des composantes esthétiques dans les comportements  observés
Tableau 3- Les deux premiers degrés du sens esthétique.

Références

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