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Les libéralités de residuo : un mécanisme qui soulève de nombreuses questions

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Les libéralités de residuo : un mécanisme qui soulève de nombreuses questions

Auteur : Drion, Mathilde Promoteur(s) : Moreau, Pierre

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en droit, à finalité spécialisée en droit privé (aspects belges, européens et internationaux) Année académique : 2019-2020

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/9271

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Département de Droit

Les libéralités de residuo : un mécanisme

qui soulève de

nombreuses questions

Mathilde D

RION

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en Droit privé (aspects belges, européens et

internationaux)

Année académique 2019-2020

Recherche menée sous la direction de : Monsieur Pierre MOREAU

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R

ÉSUMÉ

La libéralité de residuo est un mécanisme qui ne bénéficie d’aucun statut légal et dont le régime juridique est en perpétuelle évolution.

La libéralité de residuo n’est pas une substitution fidéicommissaire car une condition de la substitution n’est pas remplie dans le chef du grevé, à savoir celle de devoir conserver les biens jusqu’à son décès. En effet, c’est uniquement le solde qui doit être remis à l’appelé. Il arrive néanmoins que les legs de residuo s’apparentent aux substitutions fidéicommissaires prohibées par l’article 896 du Code civil.

En pratique, ce mécanisme soulève de nombreuses questions qui ont une importance considérable pour les personnes concernées. Ce travail s’attachera à tenter de répondre à certaines d’entre elles en faisant notamment état de controverses ainsi que de la jurisprudence guidant les auteurs et praticiens vers diverses pistes de réflexion.

Nous observerons également l’évolution de la pensée doctrinale quant à la perception du mécanisme des libéralités résiduelles.

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R

EMERCIEMENTS

J’adresse mes remerciements les plus sincères à Monsieur le Professeur Moreau pour ses conseils avisés et si précieux, son écoute et sa disponibilité.

Je tiens à exprimer toute ma gratitude à Monsieur le Professeur Delnoy qui m’a permis de consulter certaines sources non accessibles en raison du contexte pandémique.

Plusieurs notaires m’ont consacré du temps, je tiens également à les remercier ici et plus particulièrement Maîtres Burette, Lilien et Scavée.

Je souhaite également remercier les membres de la Bibliothèque Léon Graulich pour leur bienveillance et leur aide précieuse dans ce contexte particulier.

Merci à tous ceux qui ont consacrédu tempsà la relecture de ce travail.

Enfin, mes remerciements les plus chaleureux vont à ma famille et à mes proches pour tout le soutien et l'affection qu'ils m'ont témoignés tout au long de mon parcours universitaire.

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T

ABLE

DES

MATIÈRES

INTRODUCTION……….……….……….… 10

1. Propos introductifs……….….…….. 10 2. Plan de l’étude……….…….……….…… 11 TITRE I - FONDEMENTSHISTORIQUESDE LASUBSTITUTION FIDÉICOMMISSAIRE PROHIBÉE ET

DELALIBÉRALITÉDERESIDUO……….……….……….….………. 11

TITRE II - DÉFINITIONETÉLÉMENTSCARACTÉRISTIQUESDULEGSDERESIDUO.………….. 16

TITRE III - INTÉRÊTSPRATIQUESDELALIBÉRALITÉDERESIDUO………….….……….……. 18 Chapitre I - Époux ou cohabitants sans descendants…….…..……….…….……….. 19 Chapitre II - Parents d’un enfant porteur d’un handicap qui le rend juridiquement incapable 21 Chapitre III - Familles recomposées………..……….….……. 22 Chapitre IV - Parents de deux enfants dont l’un n’a pas de descendance……..….…………. 23

TITRE IV - ANALYSE DES DIFFÉRENTES QUESTIONS QUE SOULÈVE LE MÉCANISME DES

LIBÉRALITÉSDERESIDUO……….……….…….……….….……. 23

Chapitre I - Sort du legs de residuo en cas de prédécès de l’appelé par rapport au grevé et en cas de prédécès du grevé par rapport au testateur……….24

Section I - Prédécès du grevé par rapport au testateur………….………….………. 24 Section II - Prédécès de l’appelé par rapport au grevé…….………….…….……… 25 Chapitre II - Reconnaissance d’un principe de subrogation réelle en matière de libéralités de residuo ?………..……….. 26 Section I - Position du problème……….….……….………. 26

Sous-section I - Existence d’un principe de subrogation réelle en droit commun….. 26 §1 - Définition…………..……….……… 26 §2 - Réforme du droit des biens………. 27 §3 - Conditions d’application……….……..……..……… 27 Sous-section II - Existence et utilité d’un principe de subrogation réelle en matière de libéralités de residuo ?……….……….……… 28

§1 - Intérêts et conséquences de la reconnaissance d’un tel principe..……….….. 29 §2 - État de la controverse……….……….….….. 33 A. Arguments en faveur de la reconnaissance d’un principe de subrogation

réelle en matière de libéralités de residuo…………..……….. 33 B. Arguments en défaveur de la reconnaissance d’un principe de subrogation réelle en matière de libéralités de residuo……….……… 37 §3 - Intérêt de l’insertion d’une clause de subrogation réelle…….………..….…. 39 Section II - Remèdes……….………. 42 Sous-section I - Clause de paiement d’un montant forfaitaire……….……… 42

(9)

Sous-section II - Système de répartition proportionnelle de Pitlo……….. 44

Sous-section III - Clause de limitation des pouvoirs de disposition du grevé en référence au critère du besoin……….……….. 46

Sous-section IV - Détention du patrimoine fidéicommissaire par une structure de contrôle……….…….….……….… 47

Section III - Éléments de droit comparé……….…..…….……… 48

Section IV - Approche pratique…………..……….…49

Chapitre IV - Améliorations ou dégradations des biens objets du legs de residuo….…….… 52

Section I - Améliorations apportées par le grevé aux biens objets du legs de residuo.…. 52 Sous-section I - Problématique………..……… 52

Sous-section II - Solutions avancées par la doctrine……….………….………. 53

Sous-section III - Existence d’un droit de rétention et possibilité d’exiger la restitution du bien originel ?……….……… 55

Section II - Dégradations……….……….. 56

Sous-section I - Problématique……….….………..… 56

Sous-section II - Destruction et dégradations par inadvertance ou naturelles……… 56

Sous-section III - Destruction et dégradations volontaires et incidence de la théorie de l’abus de droit……….……….………. 56

Sous-section IV - Clause testamentaire spécifique ?……..……….………. 56

Chapitre V - Liquidation d’une succession en présence d’un legs de residuo….….…….… 57

Section I - Sort des dettes du disposant et du grevé……….…….. 57

Sous-section I - Sort des dettes du disposant………..…….………… 57

Sous-section II - Sort des dettes du grevé………….…..………. 59

Section II - Traçabilité des libéralités de residuo……….………….………. 59

Section III - Recel successoral………….………..….……….…….. 61

Section IV - Legs de residuo et réserve héréditaire……….………62

Sous-section I - Courant traditionaliste……….……….……….. 62

Sous-section II - Courant progressiste………..………..…….. 65

Section V - Interprétation en cas de dispositions testamentaires équivoques………….… 66

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(11)

I

NTRODUCTION

1. Propos introductifs. Le legs de residuo, encore appelé ‘legs de eo quod supererit’ ou

‘fideicommis de residuo’ est une figure juridique dont la validité est généralement admise en 1

doctrine et en jurisprudence . 2

Le fidéicommis de residuo est presque exclusivement stipulé dans un testament. La validité d'une clause de fideicommis de residuo adjointe à un legs ne fait aucun doute . Ainsi, le legs est le 3

véhicule juridique le plus fréquemment utilisé aux fins d’introduire un tel mécanisme bien qu’il soit désormais admis que cela est également possible dans le cadre d’une donation . Dans le présent 4

travail, nous nous concentrerons sur les libéralités résiduelles à cause de mort.

Cette technique testamentaire présente la particularité de ne faire l’objet d’aucun encadrement législatif, ce qui, comme nous le verrons, entraîne une insécurité juridique croissante.

Bien que les auteurs écrivent à ce sujet depuis de nombreuses années, il s’agit d’un mécanisme encore bien trop méconnu à ce jour et qui, pourtant, présente un intérêt tout à fait considérable, notamment sur le plan de la planification successorale. Cette institution pourrait en effet répondre à de nombreuses attentes dans le cadre d’une planification patrimoniale, par exemple pour la transmission d’un patrimoine à une personne majeure juridiquement incapable. À ces avantages sur le plan civil se greffe un régime fiscal attractif, volet que nous n’aborderons cependant pas dans le présent travail.

Ce phénomène juridique dont le fonctionnement est, de prime abord, relativement aisé à saisir, regorge en vérité de nuances et d’incertitudes. Cette matière suscite de vives controverses au sein de la doctrine. Quant à la jurisprudence, nous verrons qu’elle se fait rare en la matière, attestant de la frilosité des cours et tribunaux. Le nombre de décisions récentes à ce sujet est tout à fait infime. Il n’y a donc pas ou peu de jurisprudence qui tranche les diverses polémiques qui gravitent autour du fidéicommis de residuo, ce qui rend la tâche des praticiens d’autant plus délicate. En l’absence de fondement légal, les choses ne vont pas en s’arrangeant. En effet, les positions doctrinales en tous sens créent un véritable capharnaüm.

Il s’agit de synonymes qui désignent la même figure juridique.

1

P.-J. DE DECKER, « Subrogatie binnen de rechtsfiguur van het fideïcommis de residuo : poging tot ‘Casmananalyse’ »

2

in E. ALOFS, K. BYTTEBIER, A. MICHIELSENS et A.-L. VERBEKE (eds.), Liber amicorum Hélène Casman, Antwerpen,

Intersentia, 2013, p. 137 ; J. DU MONGH et A. VERSTRAETE, « Successieplanning middels schenking met fideï-commis

de residuo » in C. CASTELEIN, A.-L. VERBEKE et L. WEYTS (eds.), Notariële clausules, Liber amicorum Johan

Verstraete, Antwerpen, Intersentia, 2007, p. 370.

C. SLUYTS et N. VANDEBEEK, « Enkele tips voor de organisatie van de nalatenschap », in C. SLUYTS et N.

3

VANDEBEEK (eds.), Het onroerend goed en de nalatenschap, Mechelen, Kluwer, 2016, p. XIV.E-550.

Ch. LOUSBERG, « Les libéralités résiduelles : aspects civils », in L’option, la condition, le terme et la substitution.

4

Effets civils et fiscaux sur l’organisation et la transmission d’un patrimoine, Limal, Anthemis, 2017, p. 107 ; M. PUELINCKX-COENE, « Over schenkingen de residuo », T.E.P., 2007/3, pp. 191-194 ; W. PINTENS, C. DECLERCK, J. DU

MONGH et K. VANWINCKELEN, « Civielrechtelijke technieken », Familiaal vermogensrecht, Mortsel, Intersentia, 2010,

p. 1189 ; J. DU MONGH et A. VERSTRAETE, « Successieplanning middels schenking met fideï-commis de residuo » in C.

CASTELEIN, A.-L. VERBEKE et L. WEYTS (eds.), Notariële clausules, Liber amicorum Johan Verstraete, Antwerpen,

Intersentia, 2007, p. 370 ; R. BARBAIX, « Last van fideï-commis de residuo » in A.-L. VERBEKE, F. BUYSSENS et H.

DERYCKE (eds.), Handboek Estate Planning – Boek 2: Vermogensplanning met Effect bij Leven: Schenking, Brussel,

(12)

Cet extrait du Traité élémentaire de droit civil belge de l’éminent juriste Henri De Page résume parfaitement la complexité de la matière : « La substitution fidéicommissaire tend à une 5

situation de fait dont l’intérêt peut se comprendre, mais aboutit en droit à des éléments à ce point inconciliables que la synthèse technique en est impossible. […] les mystères juridiques qui naissent de ces institutions autant que les inconvénients pratiques qui procèdent à l’inaliénabilité éventuelle qui en découle, suffisante à condamner l’institution dans son principe même » . 6

2. Plan de l’étude. Le premier titre de ce travail sera consacré aux fondements historiques

de la substitution fidéicommissaire prohibée et de la libéralité de residuo. Dans un deuxième titre, nous nous pencherons sur la définition ainsi que les éléments caractéristiques du legs de residuo. Le troisième titre sera consacré à l’examen des nombreux intérêts pratiques que présentent les legs de residuo. Dans un quatrième titre, nous évoquerons les différentes questions qui gravitent autour de cette institution. Nous aurons alors l’occasion de prendre conscience de toute la complexité du mécanisme. Les différents points de ces développements refléteront ces difficultés et l’absence d’analyse cohérente en la matière.

T

ITRE

I - F

ONDEMENTS

HISTORIQUES

DE

LA

SUBSTITUTION

FIDÉICOMMISSAIRE

PROHIBÉE

ET

DE

LA

LIBÉRALITÉ

DE

RESIDUO

La compréhension du mécanisme des libéralités résiduelles ainsi que de leur évolution passe nécessairement par un détour historique. C’est la raison pour laquelle, en guise de prolégomènes, il semble essentiel d’évoquer le contexte historique qui a entouré l’émergence des libéralités de residuo. Les racines du développement d’une telle figure juridique constituent notamment les bases argumentatives des conceptions doctrinales et jurisprudentielles qui n’ont de cesse d’évoluer.

Droit romain - Le fidéicommis de residuo, figure juridique très ancienne, trouve son origine dans la tradition juridique romaine. Depuis cette époque, cet instrument occupe l’esprit des juristes et les intrigue. En droit romain, il n’était pas permis à un citoyen romain de tester en faveur d’un pérégrin, ce dernier étant incapable d’hériter. Or, le citoyen romain eut la volonté de favoriser de la sorte les pérégrins. Dans ce contexte et après réflexion, les Romains imaginèrent un mécanisme consistant à demander à leurs héritiers de transmettre une partie de leur héritage à des non-citoyens. Ainsi, à ses prémices, le fidéicommis consistait en une demande formelle du testateur à son héritier de remettre tout ou partie de l’héritage à une personne incapable d’hériter . Par la suite, au fil des 7

évolutions, ce mécanisme a fait l’objet de diverses codifications en droit romain, se voyant ainsi reconnaître un véritable statut juridique. Il s’agissait alors d’une technique juridique valable utilisée aux fins de gratifier plusieurs personnes de manière successive . 8

Nous pouvons transposer, pour partie, ce raisonnement au fidéicommis de residuo qui nous occupe.

5

H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, VIII/2, Les testaments, Bruxelles, Bruylant, 1947, p. 1807.

6

M. VAN QUICKENBORNE, « Het legaat de residuo », TPR, 1972, p. 623 ; A. MONDY, « Zakelijke subrogatie bij een

7

fideicommis de residuo », Jura Falc., 2013-14, liv. 2, p. 351.

K. RUYSEN, « De erfstelling over de hand », Jura Falc., 2006-2007, p. 371.

(13)

Le fiduciarius se voyait imposer une obligation de conservation et n’était donc pas autorisé à disposer des biens objets du fidéicommis, sauf si celui-ci ne portait que sur le residuum . Même 9

dans cette hypothèse, son pouvoir de disposition était limité de plusieurs façons. Tout d’abord, il lui fallait agir de bonne foi. En outre, il n’était pas autorisé à systématiquement sauvegarder son patrimoine propre au détriment du patrimoine dont il avait hérité. Enfin, il ne pouvait point disposer du patrimoine sous forme de dons et toute disposition à titre onéreux devait reposer sur une raison fondée et légitime . 10

Ancien Régime - Laissée aux oubliettes durant de nombreuses années, cette figure juridique a été reprise par le droit français qui lui a donné sa propre interprétation . La substitution 11 12

fidéicommissaire connut une réelle renaissance sous l’Ancien Régime. Objet d’un regain d’intérêt après cette période d’oubli, ce mécanisme retrouva sa place dans le système juridique de l’époque, jouissant alors d’une faveur remarquable.

À ce stade, il est nécessaire de définir la notion de substitution fidéicommissaire. Comme l’écrivent les Professeurs P. Delnoy et P. Moreau, « une substitution fidéicommissaire est une donation entre vifs ou, plus souvent, un legs assorti de la charge pour le donataire ou le légataire - le grevé de substitution - de conserver les biens donnés ou légués et de les rendre, à son décès, à un bénéficiaire en second ordre - l’appelé - qui lui est substitué par le disposant, le second bénéficiaire pouvant ne pas être conçu au décès de l’auteur de la substitution, mais devant l’être au décès du grevé de substitution. » 13

Sous l’Ancien Régime, la substitution fidéicommissaire était une pièce maîtresse de la constitution de la noblesse . C’est grâce à cette configuration juridique que les biens étaient 14

conservés dans la famille et que le patrimoine des aristocrates (châteaux, domaines,…) n’était pas disloqué même lorsqu’ils avaient de nombreux enfants.

De plus, sous l’Ancien Régime, la substitution fidéicommissaire pouvait être perpétuelle. Un noble pouvait donc léguer tous ses biens à son fils aîné à charge pour ce dernier de conserver l’ensemble de ces biens et de les remettre, à son décès, à son propre fils aîné qui lui-même avait l’obligation de conserver les biens et de les remettre, à son décès, à son propre fils aîné et ainsi de suite. De la sorte, les patrimoines familiaux se transmettaient de génération en génération entre 15

hommes et, parmi les hommes, on choisissait le fils aîné. La fortune familiale était ainsi conservée 16

entre les mains de l’aîné de chaque génération . 17

M. VAN QUICKENBORNE, « Het legaat de residuo », TPR, 1972, p. 623 ; K. RUYSEN, « De erfstelling over de hand »,

9

Jura Falc., 2006-2007, p. 371.

M. VAN QUICKENBORNE, ibidem, p. 623 ; K. RUYSEN, ibidem, pp. 371-372.

10

E. VANTHORRE, « De zakenrechtelijk aspecten van het fideïcommis de residuo in vergelijking met de Angelsaksische

11

trust en het Franse erfrecht », Jura Falc., 2011-2012/3, p. 422. Il y avait la substitutio vulgaris et la substitutio fideïcommissaria.

12

P. DELNOY et P. MOREAU, Les libéralités et les successions. Précis de droit civil, 6e éd., Bruxelles, Larcier, 2018, n° 13

39, pp. 86-87.

P. DELNOY et P. MOREAU, ibidem, n° 39, p. 87.

14

Le sort des patrimoines familiaux était scellé pour de nombreuses générations.

15

Les femmes étaient exclues.

16

R. JANSEN et V. SAGAERT, « La subrogation réelle au cas d’un fidéicommis de residuo : quelques observations

17

comparatives à propos de l’arrêt de la Cour de cassation française du 20 février 2008 », European Review of Private Law 2010, 5 juillet 2010, p. 579.

(14)

Autrement dit, il s’agissait d’un moyen pour les familles aristocratiques de consolider le droit d’aînesse et de maintenir des biens au sein d’une même famille et ce, des générations durant. La conservation du patrimoine familial était assurée par l’inaliénabilité et l’insaisissabilité 18

frappant les biens objets d’une substitution fidéicommissaire. Le disposant empêchait ainsi la fragmentation, l’éparpillement des richesses et la dilapidation d’un patrimoine familial. Il s’agit là du principal attrait de cette configuration juridique.

On comprend aisément que les juristes virent dans la substitution fidéicommissaire un outil de planification patrimoniale tout à fait intéressant mais pas seulement. En effet, c’était également un outil à visée politique largement utilisé par la noblesse afin d’appuyer et de renforcer considérablement son pouvoir. À cette époque, pouvoir et propriété foncière étaient indubitablement liés, l’un allant de paire avec l’autre . La substitution fidéicommissaire, pilier de la pérennité de 19

l’Ancien Régime, était devenue un véritable instrument politique.

Révolution française - Lors de la Révolution française, en réaction directe contre les excès de l’Ancien Régime et car elles faisaient partie intégrante de ce dernier, les substitutions fidéicommissaires furent radicalement prohibées par les acteurs de la Révolution. Cette 20

interdiction fut officialisée par le législateur révolutionnaire de 1789 dans un décret des 25 octobre et 14 novembre 1792 . 21

L’utilisation du mécanisme des substitutions fidéicommissaires était perçu comme une menace intolérable pour le nouvel ordre public et en totale contradiction avec les idéaux du 22

régime institué par la Révolution prônant l’abolition des droits féodaux, l’égalité et la libre circulation.

C’est pour des motifs tant économiques que politiques que les substitutions fidéicommissaires et leurs effets délétères furent proscrits.

Tout d’abord, la conservation des biens au sein d’une même famille conduisait au phénomène de la mainmorte , plaçant ces biens en dehors de l’économie et du libre échange. Les 23

biens n’étaient jamais aliénés, ne rentraient jamais dans le circuit commercial, ce qui constituait une entrave à la libre circulation des biens . Ph. De Page parle à ce sujet de la ‘hantise de la 24

mainmorte’ , notamment parce que les biens perdaient ainsi une valeur économique importante. 25

Ceci constitue la raison principale de l’interdiction des substitutions fidéicommissaires. Ce système ne correspondait pas au nouveau système économique de l’équivalence des prestations.

Principalement la fortune immobilière.

18

K. RUYSEN, « De erfstelling over de hand », Jura Falc., 2006-2007, p. 372.

19

Dans toutes leurs déclinaisons, formes et variantes.

20

J. SACE, « Les substitutions fidéicommissaires et le legs de residuo », Rép. not., Tome III, Les libéralités, Livre 3,

21

Bruxelles, Larcier, 1993, p. 277.

Ch. LOUSBERG, « Les libéralités résiduelles : aspects civils », in L’option, la condition, le terme et la substitution.

22

Effets civils et fiscaux sur l’organisation et la transmission d’un patrimoine, Limal, Anthemis, 2017, p. 106. Il s’agit de l’immobilisation perpétuelle d’un bien.

23

VAN GYSEL, A.-C., « Des substitutions fidéicommissaires » in Précis du droit des successions et des libéralités,

24

Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 319.

Ph. DE PAGE, « La libéralité résiduelle - Aspects pratiques », Rev. not., 2017/2, n° 3115, p. 86.

(15)

En outre, la lutte contre l’Ancien Régime impliquait de briser le pouvoir de la noblesse qui s’appuyait notamment sur les substitutions fidéicommissaires pour renforcer le pouvoir associé à la propriété foncière . 26

Code civil - La prohibition révolutionnaire fut maintenue par les rédacteurs du Code civil de 1804 à travers l’article 896 du Code civil qui interdit sévèrement ces substitutions . Pour 27

comprendre le maintien de cette interdiction, il faut se référer à la base philosophique du Code, le principe d’égalité des citoyens. En sus, la crainte de la mainmorte et des conséquences économiques désastreuses qu’elle entraîne furent un élément déterminant . L’intervention du législateur 28

napoléonien a ainsi sonné le glas de la société de type féodal à laquelle les substitutions fidéicommissaires avaient conduit.

Cette interdiction initialement inscrite dans le Code Napoléon fut reprise par un certain nombre de pays, dont la Belgique . À l’heure actuelle, en droit belge, la prohibition est toujours 29

d’ordre public et il est de notoriété publique que les substitutions fidéicommissaires sont interdites. Aucun changement n’est à signaler à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 31 juillet 2017 modifiant le Code civil en ce qui concerne les successions et les libéralités et modifiant diverses autres dispositions en cette matière qui laisse l’article 896 du Code civil inchangé.

Notons toutefois que les auteurs du Code civil ont fait preuve de plus de modération puisqu’aux articles 1048 et 1049 du Code civil, nous retrouvons deux hypothèses dans lesquelles, par exception, et au premier degré uniquement, la substitution fidéicommissaire est autorisée . 30

Adaptation aux besoins de la pratique - L’article 896 du Code civil a d’abord été interprété de manière rigoureuse par la jurisprudence. Les revendications révolutionnaires visaient les substitutions fidéicommissaires et non les fidéicommis de residuo qui n’impliquent pas l’inaliénabilité et l’indisponibilité des biens objets du legs . Quoi qu’il en soit, selon cette 31

interprétation, le legs de eo quod supererit était englobé dans l’interdiction des substitutions fidéicommissaires.

Dans la pratique juridique, cette prohibition absolue s’est avérée trop restrictive et en décalage avec les besoins humains exprimés au travers de celle-ci. À partir de la seconde moitié du

M. PUELINCKX-COENE, « Het testament: het woord dat men na zijn dood laat klinken, een wapen van postume macht!

26

Een treffend voorbeeld: het legaat de residuo », in C. CASTELEIN, A.-L. VERBEKE et L. WEYTS (eds.), Notariële

clausules, Liber amicorum Johan Verstraete, Antwerpen, Intersentia, 2007, p. 287 ; K. RUYSEN, « De erfstelling over de

hand », Jura Falc., 2006-2007, p. 372.

J. SACE, « Les substitutions fidéicommissaires et le legs de residuo », Rép. not., Tome III, Les libéralités, Livre 3,

27

Bruxelles, Larcier, 1993, p. 277 ; R. JANSEN et V. SAGAERT, « La subrogation réelle au cas d’un fidéicommis de

residuo : quelques observations comparatives à propos de l’arrêt de la Cour de cassation française du 20 février 2008 », European Review of Private Law 2010, 5 juillet 2010, p. 579.

R. JANSEN et V. SAGAERT, « La subrogation réelle au cas d’un fidéicommis de residuo : quelques observations

28

comparatives à propos de l’arrêt de la Cour de cassation française du 20 février 2008 », European Review of Private Law 2010, 5 juillet 2010, p. 579.

R. JANSEN et V. SAGAERT, ibidem, p. 579.

29

S. NUDELHOLC, « La programmation patrimoniale en présence d'un enfant aux besoins particuliers », in Y.-H. LELEU

30

(coord.), Aspects actuels de la programmation patrimoniale dans la famille, Actes du colloque de l'association « Famille & Droit », Liège, 25 novembre 2005, Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 73 ; J. SACE, « Les substitutions

fidéicommissaires et le legs de residuo », Rép. not., Tome III, Les libéralités, Livre 3, Bruxelles, Larcier, 1993, p. 281. Inaliénabilité et indisponibilité qui, précisément, caractérisent les substitutions fidéicommissaires et en justifient la

31

prohibition, Voy J. FONTEYN et M. VAN MOLLE, « Les personnes incapables ou vulnérables et l’administration de biens

post mortem », in Ph. DE PAGE, A. CULOT et I. DE STEFANI (dir.), Les écritures testamentaires - Aspects civils et

(16)

dix-neuvième siècle, les juristes français se sont efforcés de trouver une échappatoire à cette interdiction absolue . 32

C’est dans une interprétation novatrice du second alinéa de l’article 896 du Code civil que la solution fut trouvée. Puisque le fidéicommis de residuo n’implique aucune charge de conservation, celui-ci se différencie fondamentalement de la substitution fidéicommissaire prohibée . Il n’était 33

donc plus opportun de réserver le même sort au legs de eo quod supererit. Autrement dit, nonobstant l’absence de fondement légal, la validité du fidéicommis de residuo est déduite d’une analyse a contrario de l’article 896 du Code civil.

Au vu de l’aversion pour la substitution fidéicommissaire, la jurisprudence et la doctrine ont mis l’accent sur le contraste entre le legs de residuo et la substitution prohibée, en soulignant la liberté de disposition du premier bénéficiaire . Le second bénéficiaire ne reçoit que le reliquat des 34

biens initialement légués, les biens ne sont donc pas retirés du libre échange, ce qui écarte toute crainte du phénomène de la mainmorte.

C’est ainsi qu’à compter des années septante du siècle dernier, ce mécanisme juridique ancestral fut redécouvert en tant qu’outil de planification patrimoniale . La question était alors bien 35

moins chargée politiquement, le contexte politique ayant radicalement changé, ce qui a rendu possible la reconnaissance de la validité du legs de eo quod supererit.

La doctrine fut rapidement suivie par la jurisprudence puisque la légalité du mécanisme a été consacrée dans de multiples décisions des cours et tribunaux. Citons l’incontournable arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 1976. La Cours’estexplicitement prononcée en faveur de la validité du legs de eo quod supererit de la manière suivante : « Que pareille disposition , qui n’impose pas 36

au premier bénéficiaire l’obligation de conserver les biens, ne constitue pas une substitution prohibée mais un legs de residuo valable ; qu’un tel legs de residuo n’implique pas l’inaliénabilité des biens et ne viole pas les dispositions légales… notamment l’article 900 du Code civil. » Dans 37

un récent arrêt du 8 avril 2015, la cour d'appel d'Anvers a réitéré cette position généralement admise . Le fait que les droits de l'appelé ne portent que sur le residuum relève, selon la cour, de 38

l'essence même du legs de residuo. Le fidéicommis de residuo se révèle être une exception jurisprudentielle et non légale à la substitution fidéicommissaire prohibée.

R. JANSEN et V. SAGAERT, « La subrogation réelle au cas d’un fidéicommis de residuo : quelques observations

32

comparatives à propos de l’arrêt de la Cour de cassation française du 20 février 2008 », European Review of Private Law 2010, 5 juillet 2010, p. 580 ; E. VANTHORRE, « De zakenrechtelijk aspecten van het fideïcommis de residuo in

vergelijking met de Angelsaksische trust en het Franse erfrecht », Jura Falc., 2011-2012/3, pp. 451-452.

R. JANSEN et V. SAGAERT, ibidem, p. 580 ; M. VAN QUICKENBORNE, « Het legaat de residuo », TPR, 1972, p. 625 et

33

647 ; E. VANTHORRE, ibidem, pp. 451-452.

R. BARBAIX, « Last van fideï-commis de residuo » in A.-L. VERBEKE, F. BUYSSENS et H. DERYCKE (eds.), Handboek

34

Estate Planning – Boek 2: Vermogensplanning met Effect bij Leven: Schenking, Brussel, Larcier, 2009, p. 563 ; E. VANTHORRE, « De zakenrechtelijk aspecten van het fideïcommis de residuo in vergelijking met de Angelsaksische trust

en het Franse erfrecht », Jura Falc., 2011-2012/3, pp. 451-452.

N. APPERMONT, « Het legaat de residuo als afgescheiden vermogen/oude wijn in een nieuwe zak ? », Limb. Recht.,

35

2016/3, p. 171 ; R. BARBAIX, « Last van fideï-commis de residuo » in A.-L. VERBEKE, F. BUYSSENS et H. DERYCKE

(eds.), Handboek Estate Planning – Boek 2: Vermogensplanning met Effect bij Leven: Schenking, Brussel, Larcier, 2009, p. 563.

La clause de residuo.

36

Cass., 29 mars 1976, Pas., 1976, I, p. 829, notes 1 et 2, Rev. not. b., 1977, p. 45 Voy aussi Cass., 26 février 1953,

37

Pas., 1953, I, p. 494 ; Cass., 25 juin 1959, Pas., 1959, I, p. 1106, Rev. prat. not. b.,1960, p. 140 ; Bruxelles, 29 octobre 1825, Pas., 1825, II, p. 508 ; Liège, 31 mai 1821, Pas., 1821, II, p. 134.

Anvers (3e ch.), 8 avril 2015, n° 2013/AR/211, T. Not., 2015, liv. 6, p. 436, Rev. trim. dr. fam., 2016, p. 224. 38

(17)

T

ITRE

II - D

ÉFINITION

ET

ÉLÉMENTS

CARACTÉRISTIQUES

DU

LEGS

DE

RESIDUO

Comme l’a écrit, de manière claire et concise, le Professeur P. Delnoy, « Le legs de residuo est celui qu’un testateur fait porter sur ceux de ses biens qu’il a légués à une personne et dont celle-ci n’aura pas disposé à son décès » . 39

Comme l’explique le Professeur P. Delnoy, cette figure juridique établit une relation entre trois protagonistes : 40

1. le testateur ou disposant, qui planifie sa succession en disposant de ses biens pour après sa mort ;

2. le fiduciaire de residuo ou grevé, institué en premier ordre. Il s’agit du premier bénéficiaire du legs. Il sera chargé de remettre à un second bénéficiaire désigné ceux des biens légués par le testateur dont il n’aura pas disposé à son décès ;

3. l’appelé, institué en second ordre, bénéficiaire du residuum.

Le fidéicommis de residuo présente trois caractéristiques. De l’avis général, si ces trois éléments sont rencontrés, il s’agira bien d’un legs de eo quod supererit.

Tout d’abord, il doit y avoir une disposition renfermant deux libéralités simultanées, un double legs des mêmes biens au profit de deux personnes différentes (le grevé et l’appelé). Cela, 41

de façon à ce que l’une des libéralités vienne après l’autre et qu’il y ait deux transmissions successives . Précisons d’emblée que les libéralités en soi ne sont pas successives car elles émanent 42

du même acte juridique, le testament . C’est en réalité l’exécution de ces libéralités, différée dans 43

le temps, qui présente un caractère successif, la double libéralité existant dès l’origine. En effet, le grevé bénéficiera de l’objet du legs au décès du testateur alors que l’appelé n’en profitera qu’au décès du fiduciaire de residuo. C’est un peu comme si le testateur décédait deux fois.

Ainsi, deux légataires doivent être explicitement désignés par le testateur, l’institué en second ordre est désigné ab initio . L’un des éléments essentiels du legs de residuo est que le grevé et 44

l’appelé obtiennent tous deux leurs droits directement du testateur et dans sa succession, c’est lui qui initie les deux libéralités. Le premier bénéficiaire joue uniquement le rôle d’intermédiaire. Techniquement et juridiquement, le testateur dispose de ses biens à deux reprises. D’ailleurs, selon une fiction juridique, au décès du grevé, le reliquat des biens légués revient dans la succession du testateur afin d’être attribué à l’appelé . 45

P. DELNOY, « Le legs de residuo », in Ph. DE PAGE, et A. CULOT (dir.), Actualités civiles et fiscales en droit

39

successoral, Collection Patrimoines et fiscalités, Anthémis, Louvain-la-Neuve, 2006, p. 49. P. DELNOY, ibidem, p. 49.

40

Bénéficiaires successifs.

41

Ce qui fait du fidéicommis de residuo un acte tout à fait exceptionnel.

42

Il y a donc unicité de l’acte juridique ayant pour objet les libéralités. Voy P. VANDEN EYNDE, « Legs ou donations de

43

residuo », in J.-F. TAYMANS et N. BAUGNIET (eds), Planification successorale, aspects civils et fiscaux, Bruxelles,

Bruylant, 2008, p. 451.

A. MONDY, « Zakelijke subrogatie bij een fideicommis de residuo », Jura Falc., 2013-14, liv. 2, p. 352 ; W. PINTENS,

44

C. DECLERCK, J. DU MONGH et K. VANWINCKELEN, « Civielrechtelijke technieken », Familiaal vermogensrecht,

Mortsel, Intersentia, 2010, p. 1231. A. MONDY, ibidem, p. 351.

(18)

Plusieurs décisions confirment la condition susmentionnée. On peut notamment citer deux arrêts, un de la cour d’appel de Bruxelles du 26 mars 1985 et un de la cour d’appel de Gand du 19 46

juin 1985 . 47

Ensuite, l’élément déterminant de la validité d’un legs de residuo est l’absence, dans le chef du grevé, de charge de conserver et de rendre les biens légués. Ces biens ne peuvent être rendus inaliénables et incessibles dans le chef du légataire premier appelé . Ce critère permet de 48

différencier une substitution fidéicommissaire prohibée d’un fidéicommis de residuo valable. En effet, cette charge de conserver et de rendre est, comme l’écrit le Professeur R. Pirson , « l’âme de 49

la substitution » et ce qui la rend dangereuse . Selon ce même auteur, à défaut d’obligation de 50

conservation, le fidéicommis de residuo « semble dès lors n’avoir plus de ‘fidéicommis’ que le nom. » 51

Toutefois, dans l’appréciation du respect de cette condition, face à des clauses équivoques ou imprécises, la jurisprudence belge fait preuve d’une grande souplesse . En cas de doute quant à 52

l’existence d’une obligation de conservation, tant que le testateur n’a pas explicitement imposé une telle obligation, la disposition est généralement considérée comme un fidéicommis de residuo valable . 53

À titre d’illustration, dans un jugement du 9 juillet 1913, le tribunal de première instance de Liège, chambre civile, a jugé que « pour qu’il y ait substitution prohibée, il faut une obligation de conserver ; si cette obligation peut être implicite, elle ne se présume pas et, dans le doute, elle est présumée ne pas exister. » 54

Les auteurs semblent être favorables à cette interprétation bienveillante. M. Puelinckx-Coene s’est d’ailleurs livrée à la critique d’un arrêt dissident de la cour d’appel d’Anvers du 27 55

juin 2000 confirmé par un arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2003 . Cet arrêt va à l’encontre 56 57

Bruxelles, 26 mars 1985, Pas., 1985, II, p. 99, Rec. gén. enr. not., 1987, nr. 23528.

46

Gand, 19 juin 1985, T.Not., 1986, p. 110.

47

C. DE WULF (avec la coll. de J. BAEL et S. DEVOS), « La substitution fidéicommissaire et le fidéicommis de

48

residuo », in La rédaction d’actes notariés : droit des personnes et droit des familles, Waterloo, Kluwer, 2013, n° 1097, p. 611.

Brillant civiliste belge du siècle dernier. En 1952, il a consacré au fidéicommis de residuo une étude qui, aujourd’hui

49

encore, fait autorité.

R. PIRSON, « Le fidéicommis ‘de residuo’ et la faculté de disposition de celui qui en est chargé », note sous Gand, 23

50

mai 1951, R.C.J.B. 1952, p. 192. R. PIRSON, ibidem, p. 194.

51

Ch. LOUSBERG, « Les libéralités résiduelles : aspects civils », in L’option, la condition, le terme et la substitution.

52

Effets civils et fiscaux sur l’organisation et la transmission d’un patrimoine, Limal, Anthemis, 2017, p. 108.

A. MONDY, « Zakelijke subrogatie bij een fideicommis de residuo », Jura Falc., 2013-14, liv. 2, p. 352 ; W. PINTENS,

53

C. DECLERCK, J. DU MONGH et K. VANWINCKELEN, « Civielrechtelijke technieken », Familiaal vermogensrecht,

Mortsel, Intersentia, 2010, p. 1231.

Civ. Liège, 9 juillet 1913, Pas., 1914, III, p. 89. Voy aussi Gand, 2 mai 1900, Pas., 1900, p. 326 ; Bruxelles, 15 juillet

54

1905, J.T., 1905, p. 1429 ; Cass., 16 juin 1950, Pas., 1950, p. 736.

M. PUELINCKX-COENE, « Wie is nog bang voor de erfstelling over de hand ? », NjW, nr 65, 2004, pp. 362 à 365.

55

Anvers 27 juin 2000, R.W., 2001-02, p. 96.

56

Cass., 30 mai 2003, R.W., 2003-04, p. 974.

(19)

de ce courant jurisprudentiel indulgent. Dans l’affaire en cause, le testateur gratifiait son épouse de tout ce qu’il possédait mais ajoutait qu’après le décès de cette dernière, les biens immobiliers reviendraient à un orphelinat nommément désigné. La cour avait qualifié cette disposition testamentaire contenant une charge de conservation implicite de substitution prohibée.

Enfin, étant donné que le légataire en second ordre tient ses droits du disposant, en application de l’article 906 du Code civil, il doit être capable de recevoir de sa part et donc exister, être né ou à tout le moins avoir été conçu au jour du décès du disposant . En outre, l’enfant doit naître vivant et 58

viable . Cela implique, comme l’explique le Professeur C. De Wulf, que les individus nés ou 59

conçus entre le décès du testateur et du légataire premier appelé ne peuvent prétendre au titre de légataires seconds appelés . 60

À l’encontre de cette position, certains, dont M. Puelinckx-Coene, font valoir que l’article 906 du Code civil ne s’applique pas aux legs de residuo. Pour appuyer la véracité de cette affirmation, l’auteure se fonde sur la ratio legis de cet article, à savoir éviter les biens sans maître. Or, en matière de legs de residuo, ce danger n’existe pas. À la mort du testateur, le grevé devient propriétaire des biens légués et c’est seulement à son décès que l’appelé obtiendra la propriété du residuum. Il y a deux transmissions successives. Il suffirait dès lors que la condition soit remplie dans le chef du grevé uniquement . 61

Au vu des incertitudes qui entourent cette question, il serait préférable que le testateur désigne, en qualité de grevé et d'appelé, des personnes déjà nées ou conçues.

Un quatrième élément caractéristique fait l’objet d’une controverse doctrinale. Il s’agit de la question de savoir si le legs de residuo doit se limiter à la quotité disponible ou s’il peut également s’étendre à la réserve. Nous reviendrons sur cette question dans la suite du présent travail.

T

ITRE

III - I

NTÉRÊTS

PRATIQUES

DE

LA

LIBÉRALITÉ

DE

RESIDUO

Le testament est un acte juridique unilatéral par essence révocable . Cet acte juridique 62

humainement important permet à son auteur de prendre des dispositions pour après sa mort, de conserver une certaine forme de maîtrise de ses biens par-delà la mort . Au crépuscule de sa vie, 63

voire bien plus tôt, le testateur prend le temps de réfléchir au sort qu’il souhaite réserver à ses biens.

R. PIRSON, « Le fidéicommis ‘de residuo’ et la faculté de disposition de celui qui en est chargé », note sous Gand, 23

58

mai 1951, R.C.J.B. 1952, p. 195.

W. PINTENS, C. DECLERCK, J. DU MONGH et K. VANWINCKELEN, « Civielrechtelijke technieken », Familiaal

59

vermogensrecht, Mortsel, Intersentia, 2010, p. 1231.

C. DE WULF (avec la coll. de J. BAEL et S. DEVOS), « La substitution fidéicommissaire et le fidéicommis de

60

residuo », in La rédaction d’actes notariés : droit des personnes et droit des familles, Waterloo, Kluwer, 2013, n° 1097, p. 611.

M. PUELINCKX-COENE, « Het testament: het woord dat men na zijn dood laat klinken, een wapen van postume macht!

61

Een treffend voorbeeld: het legaat de residuo », in C. CASTELEIN, A.-L. VERBEKE et L. WEYTS (eds.), Notariële

clausules, Liber amicorum Johan Verstraete, Antwerpen, Intersentia, 2007, pp. 286-287. Article 895 du Code civil.

62

Souhait tout à fait légitime, notamment quand ce patrimoine représente le travail d’une vie.

(20)

Un exemple particulièrement remarquable de cette volonté d’exercer un contrôle à titre posthume est le legs de residuo. Celui-ci permet au testateur de déterminer non pas à une reprise, mais à deux reprises, le sort qui sera réservé à son patrimoine . 64

Comme nous l’avons déjà mentionné, le legs de residuo peut utilement être envisagé dans le cadre d’un processus de planification successorale. Celui-ci est particulièrement adapté à un certain nombre de situations pratiques que nous allons examiner ci-dessous . 65

De toutes ces situations ressort un point commun, à savoir la volonté originelle du testateur d’exercer un contrôle à titre posthume, de régler la transmission de son patrimoine suite à son décès mais également suite au décès du premier légataire . 66

Chapitre I - Époux ou cohabitants sans descendants

Traditionnellement, le legs de residuo est recommandé aux conjoints ou cohabitants sans 67

enfants. Ces derniers ont généralement deux souhaits lorsqu’ils envisagent la disparition de l’un d’entre eux. Le premier est de favoriser au maximum le survivant et que ce dernier puisse 68

continuer à jouir du même niveau de vie que durant la vie commune, qu’il ne se trouve pas dans une situation précaire à la suite et en raison du décès du de cujus. Leur second souhait est généralement de conserver leurs biens au sein de leurs familles respectives. Ils préfèrent leurs propres héritiers à ceux de leur conjoint ou cohabitant et ne souhaitent donc pas, in fine, exhéréder définitivement leurs héritiers légaux respectifs.

D’aucuns avanceront que le conjoint survivant, en tant qu'héritier réservataire , a déjà droit 69

à de l’usufruit grâce à sa réserve abstraite et concrète. Quant au cohabitant légal survivant, il a droit à l’usufruit de l’immeuble affecté à la résidence commune de la famille et à l’usufruit des meubles qui garnissent cet immeuble . Cependant, la situation dans laquelle le survivant disposerait 70 71

uniquement de l’usufruit tandis que la famille du premier mourant aurait la nue-propriété n’est pas satisfaisante puisqu’elle n’offre aucun confort au survivant. En effet, celui-ci risque de se voir confronté à une demande de conversion . En outre, le risque est que l’usufruit ne suffise pas au 72

maintien du niveau de vie qui était celui du couple durant la vie commune et que le survivant se trouve dans une position incertaine face à l'avenir . En effet, à l’heure actuelle, il faut un capital 73

M. PUELINCKX-COENE, « Het testament: het woord dat men na zijn dood laat klinken, een wapen van postume macht!

64

Een treffend voorbeeld: het legaat de residuo », in C. CASTELEIN, A.-L. VERBEKE et L. WEYTS (eds.), Notariële

clausules, Liber amicorum Johan Verstraete, Antwerpen, Intersentia, 2007, p. 284. Énumération non exhaustive.

65

Ch. LOUSBERG, « Les libéralités résiduelles : aspects civils », in L’option, la condition, le terme et la substitution.

66

Effets civils et fiscaux sur l’organisation et la transmission d’un patrimoine, Limal, Anthemis, 2017, p. 109. Légaux ou de fait.

67

En l’instituant légataire universel.

68

Ce qui n’est pas le cas du cohabitant légal survivant.

69

Art. 745octies, § 1, alinéa 1 du Code civil.

70

Quant au cohabitant de fait, il ne bénéficie d’aucune protection légale sur le plan successoral.

71

Article 745quater du Code civil.

72

J. DU MONGH et A. VERSTRAETE, « Successieplanning middels schenking met fideï-commis de residuo » in C.

73

CASTELEIN, A.-L. VERBEKE et L. WEYTS (eds.), Notariële clausules, Liber amicorum Johan Verstraete, Antwerpen,

(21)

considérable pour pouvoir vivre des fruits de celui-ci, ce qui est peu fréquent . Sans pouvoir 74

disposer du capital, le survivant risque donc de ne pas avoir les ressources nécessaires pour assurer efficacement sa subsistance . Ainsi, les testaments avec legs de residuo sont souvent rédigés par 75

des époux qui n'ont pas d'enfants et souhaitent assurer, d’abord et avant tout, le confort de vie de leur conjoint survivant en lui permettant de disposer du patrimoine comme il l’entend. L'usufruit ne suffit souvent pas à cette quiétude. En outre, en ce qui concerne les époux, dans le cas où ils n’ont pas de descendants, ils ne souhaitent généralement pas limiter le conjoint survivant à sa réserve légale mais, au contraire, le gratifier le plus largement possible.

Le legs traditionnel en pleine propriété est une solution qui vient automatiquement à l’esprit mais ne permet pas de satisfaire pleinement la volonté du prémourant. En effet, il conduit à ce que les biens légués soient transmis entièrement à la famille du dernier mourant. Faute de lien de parenté, la famille du de cujus verrait ainsi ‘son’ héritage disparaître au profit des héritiers du survivant . Or, le souhait du premier mourant est qu’après avoir assuré la subsistance de son 76

conjoint, ses biens profitent à sa propre famille. Famille qui, bien souvent, aura participé à la constitution de son patrimoine . 77

L’insertion, dans le testament de chaque époux, d’une clause de residuo, est une solution médiane qui permet de combiner les deux aspirations susmentionnées. Le testateur peut ainsi favoriser à la fois le survivant en lui assurant une existence paisible, en lui permettant de pourvoir à ses besoins (premier bénéficiaire) et sa propre famille (second bénéficiaire). En effet, le survivant 78

bénéficiera de la pleine propriété du patrimoine légué jusqu’à son décès et pourra assurer sa survie tandis que le reliquat des biens légués dont le premier gratifié n’aura pas disposé reviendra à la famille du prémourant et ne profitera donc pas à une famille ‘étrangère’. La volonté du disposant, omniprésente, sera ainsi rencontrée.

Même dans ce cas, comme le souligne le Professeur Delnoy, l’usufruit peut s’avérer insuffisant si la succession, bien

74

qu’importante, est essentiellement constituée de biens non productifs de fruits et revenus. C’est le cas par exemple de meubles de valeur, tableaux de maître, oeuvres d’art, lingots d’or,… Voy P. DELNOY, « Le legs de residuo », in Ph. DE

PAGE, et A. CULOT (dir.), Actualités civiles et fiscales en droit successoral, Collection Patrimoines et fiscalités,

Anthémis, Louvain-la-Neuve, 2006, p. 51.

C. DE WULF (avec la coll. de J. BAEL et S. DEVOS), Het opstellen van notariële akten, tome I, Kluwer, 2003 (extraits

75

repris dans P. DELNOY et S. THEISSEN, « Rédaction d’actes notariés » in C.F. de la F.R.N.B., 17' Vesprée, 8 décembre

2005, Université de Liège, Kluwer, 2005, p. 22) ; J.-F., TAYMANS, Les testaments, 7' Vesprée notariale, C.F., 8 décembre

2007, p. 61.

C. DE WULF (avec la coll. de J. BAEL et S. DEVOS), Het opstellen van notariële akten, tome I, Kluwer, 2003 (extraits

76

repris dans P. DELNOY et S. THEISSEN, « Rédaction d’actes notariés » in C.F. de la F.R.N.B., 17' Vesprée, 8 décembre

2005, Université de Liège, Kluwer, 2005, p. 22) ; L. STAS, « Donation 'de residuo' : quelques réflexions civiles et

fiscales sur la façon de protéger les intérêts de l’appelé », Rec. gén. enr. not. 2018, liv. 9-10, p. 541 ; A. MONDY,

« Zakelijke subrogatie bij een fideicommis de residuo », Jura Falc., 2013-14, liv. 2, p. 352.

P. DELNOY, « Le legs de residuo », in Ph. DE PAGE, et A. CULOT (dir.), Actualités civiles et fiscales en droit

77

successoral, Collection Patrimoines et fiscalités, Anthémis, Louvain-la-Neuve, 2006, p. 50.

Les droits du grevé sont plus étendus que ceux d’un usufruitier puisqu’il peut disposer des biens légués dans les

78

limites précisées par la doctrine. Voy J.-P. DELOBBE et F. DELOBBE, « Le fideicommis de residuo » in C. BIQUET

-MATHIEU, A. DELIЀGE, P. LECOCQ, Y.-H. LELEU et M. VANWIJCK-ALEXANDRE (eds.), Liber amicorum Paul Delnoy,

Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 207-210 ; J. SACE, « Les substitutions fidéicommissaires et le legs de residuo », Rép. not.,

(22)

Chapitre II - Parents d’un enfant porteur d’un handicap qui le rend

juridiquement incapable

Le legs de residuo est une figure juridique appropriée au cas spécifique des héritiers juridiquement incapables. Nous envisageons ici plus précisément la situation d’un enfant unique atteint d’un handicap mental et sous régime d’incapacité.

Une des préoccupations majeures de parents d’un enfant handicapé est la question de la prise en charge de leur enfant quand ils ne seront plus là. Cette question est, comme chacun peut le comprendre, source de beaucoup de souffrances et de tracas. Cette préoccupation est d’autant plus pesante lorsque cet enfant handicapé est leur enfant unique et qu’il n’a donc ni frères ni soeurs qui puissent s’occuper de lui. Ils doivent alors s’en remettre à l’aide de tiers.

Les parents qui souhaitent planifier leur succession en tenant compte des besoins particuliers de leur enfant handicapé consulteront généralement leur notaire afin que ce dernier leur prodigue ses bons conseils.

Le notaire pourrait judicieusement suggérer de recourir au mécanisme du legs de residuo. Grâce à ce legs, la subsistance de l’enfant, qui n’est pas capable de subvenir à ses propres besoins, est assurée. En outre, la personne incapable n’est pas en mesure de planifier la transmission de son héritage. Pour ce qui est des biens légués, l’attribution successorale est réglée anticipativement puisque, par le biais de ce mécanisme, le sort des biens est déterminé deux fois par le testateur . Le 79

testateur pourrait désigner, comme légataire en second rang , une institution ou un soignant qui 80

prendra en charge l’enfant quand ses parents ne seront plus là. On retrouve ici le troisième avantage du recours à une clause de residuo. En effet, c’est une façon d’encourager et de récompenser l’institution ou la personne qui aura prodigué ses bons soins à l’enfant handicapé après le départ de ses parents puisque, à son décès, elle bénéficiera du residuum.

Bien que cette solution semble idéale, la réalité est quelque peu plus nuancée. En effet, la solution n’est pas pleinement satisfaisante puisque certaines problématiques subsistent.

Premièrement, la clause de residuo n’apporte pas de solution au problème de la gestion. Comme l’écrivent très justement J. Fonteyn et M. Van Molle, « le legs de residuo ne constitue pas un outil d’externalisation de la gestion de biens, mais plutôt d’organisation de la transmission de ceux-ci. » La personne incapable devient propriétaire des biens légués mais n’est pas en mesure de 81

les gérer et le legs de residuo n’offre aux parents aucune possibilité de contrôle sur l’administration des biens légués. Le problème est le même en ce qui concerne un éventuel patrimoine propre, sans compter que la transmission de ce patrimoine après le décès de la personne handicapée n’est pas organisée et qu’elle ne sera jamais en mesure de planifier cela elle-même . P. Marchal propose 82

alors de prévoir une mesure complémentaire relative à la gestion des biens légués à l’incapable . 83

F. SWENNEN et G. VELGHE, « Solutions » in Enfants fragilisés, Bruxelles, Éditions Larcier, 2013, p. 96

79

La personne handicapée étant le légataire en premier rang.

80

J. FONTEYN et M. VAN MOLLE, « Les personnes incapables ou vulnérables et l’administration de biens post

81

mortem », in Ph. DE PAGE, A. CULOT et I. DE STEFANI (dir.), Les écritures testamentaires - Aspects civils et fiscaux,

Limal, Anthemis, 2016, p. 130.

Le patrimoine propre de la personne handicapée sera transmis selon les règles de la succession légale. Voy. J. BAEL,

82

« Enkele aspecten van de planning van de nalatenschappen van de ouders van een gehandicapt kind » in C. DE WULF

(ed.), Notarieel familierecht en familiaal vermogensrecht. Het opstellen van Notariële Akten, Mechelen, Kluwer, 2011, p. 850.

P. MARCHAL, « Incapables majeurs », Rép. not., Tome I, Les personnes, Livre 8, Bruxelles, Larcier, 2007, n° 420, p.

83

(23)

Deuxièmement, les droits de l’institution ou du soignant sont différés dans le temps puisque l’un ou l’autre ne bénéficiera des actifs légués qu’au décès de la personne prise en charge. Cela implique que l’institution ne peut pas disposer de ces biens pour assurer son bon fonctionnement, sa pérennité. Il y aura potentiellement un impact sur la prise en charge de l’enfant. Il en va de même s’agissant de la personne tierce qui s’occuperait de l’enfant puisqu’il se peut que celle-ci ne dispose pas des moyens financiers suffisants à la prise en charge correcte de l’enfant . 84

Troisièmement, si la personne désignée pour prendre soin de l’enfant est également son administrateur de biens, il y a un risque qu’elle n’expose pas toutes les dépenses nécessaires au bien-être de l’enfant, préserve au maximum le patrimoine légué dans le but d’obtenir le residuum le plus important possible. Par conséquent, la prise en charge de l’enfant telle que ses parents l’avaient espérée n’est pas forcément assurée . 85

Enfin, entre le décès du disposant et celui du légataire en premier ordre, plusieurs années peuvent s’écouler et les circonstances peuvent évoluer. Pourtant, le testament qui contient la clause de residuo n’a pas perdu sa valeur juridique et devra être mis à exécution. Le residuum revient donc à la personne ou à l’institution désignée dans le testament. Or, il n’est pas impossible que ce soit, par exemple, une institution qui n’existait pas à l’époque de la rédaction du testament qui s’occupe désormais de la personne handicapée. Elle n’aura donc pas droit au résidu des biens légués. Cette problématique peut être aisément contournée par l’utilisation d’une description du type d’institution visée. On déconseillera donc au testateur de désigner nominativement la personne ou l’institution. Notons que cette description devra permettre d’identifier à qui revient le résidu, elle doit être suffisamment précise . 86

Si la personne a fréquenté plusieurs institutions au cours de sa vie, M. Puelinckx-Coene suggère l’insertion d’une clause qui prévoirait la possibilité de diviser le résidu entre ces différentes institutions au prorata des années passées dans chacune d’elles . 87

Chapitre III - Familles recomposées

Le phénomène des familles recomposées est plus que jamais d’actualité dans notre société moderne. Le but recherché ici sera de protéger les enfants issus d’une première union. Certes, la législation belge contient déjà des dispositions protectrices de ceux-ci. Néanmoins, l’insertion d’une clause de residuo, bien qu’elle puisse générer des tensions, permet de maximiser cette protection . 88

Prenons l’exemple d’un père qui fait un legs à sa nouvelle épouse qui n’est donc pas la mère de son enfant (issu d’un premier ‘lit’). Il est probable qu’il ne souhaite pas ‘sanctionner’ indirectement cet enfant en le privant de cette partie de son patrimoine. Dans ce cas, il est indiqué d’insérer une clause de residuo dans le testament. L’insertion de cette clause apporte une solution à deux problèmes. Tout d’abord, le conjoint survivant ne sera pas limité à de l’usufruit, sa subsistance

E. VANTHORRE, « De zakenrechtelijk aspecten van het fideïcommis de residuo in vergelijking met de Angelsaksische

84

trust en het Franse erfrecht », Jura Falc., 2011-2012/3, p. 427. E. VANTHORRE, ibidem, p. 427.

85

M. PUELINCKX-COENE, « Het testament: het woord dat men na zijn dood laat klinken, een wapen van postume macht!

86

Een treffend voorbeeld: het legaat de residuo », in C. CASTELEIN, A.-L. VERBEKE et L. WEYTS (eds.), Notariële

clausules, Liber amicorum Johan Verstraete, Antwerpen, Intersentia, 2007, pp. 285. M. PUELINCKX-COENE, ibidem, pp. 288-289.

87

K. RUYSEN, « De erfstelling over de hand », Jura Falc., 2006-2007, p. 389. Il faut néanmoins nuancer cette

88

(24)

sera assurée et, ensuite, l’enfant, désigné comme second gratifié, recevra, outre sa réserve, le residuum des biens légués par son père à sa seconde épouse à la place des héritiers de cette dernière . 89

Dans le prolongement de la problématique des familles recomposées, on peut également citer le cas de grands-parents qui gratifient leur enfant mais ne souhaitent pas qu’en cas de décès de celui-ci les biens légués reviennent de quelque manière que ce soit à son nouveau conjoint en sa qualité d’héritier légal. Pour éviter ceci, ils peuvent intégrer une clause de residuo qui attribuerait à leur enfant la qualité de grevé et à leurs petits-enfants la qualité d’appelés.

Chapitre IV - Parents de deux enfants dont l’un n’a pas de

descendance

Lorsque des parents qui ont plusieurs enfants dont l’un n’a pas de descendance souhaitent gratifier ce dernier, plusieurs motifs peuvent expliquer leur souhait de déterminer le sort des biens une seconde fois, pour après le départ de cet enfant. Cet objectif peut être atteint par l’insertion d’une clause de residuo prévoyant la désignation de leurs autres enfants ou les enfants de ceux-ci 90 91

comme bénéficiaires en second rang . 92

Parmi ces motifs, on retrouve notamment le souhait, si les parents sont divorcés, d’éviter qu’une partie des biens légués par l’un revienne à l’autre en cas de décès prématuré de l’enfant sans descendance et ce, en vertu d’un droit de nature successorale ou encore le souhait d’éviter qu’au décès de cet enfant, qui n’a pas de descendance, les biens légués profitent à une tierce personne désignée par lui ou à l’État . Dans ce cas, les parents devront explicitement interdire à leur enfant, 93

le grevé, de disposer des biens légués entre vifs à titre gratuit (donation) et désigner comme appelé un membre de la famille.

T

ITRE

IV - A

NALYSE

DES

DIFFÉRENTES

QUESTIONS

QUE

SOULÈVE

LE

MÉCANISME

DES

LIBÉRALITÉS

DE

RESIDUO

Le fidéicommis de residuo ne fait l’objet d’aucun encadrement légal puisque le Code civil ne traite pas de cette figure juridique. Ceci constitue la principale difficulté du mécanisme. Il s’agit d’une construction jurisprudentielle et doctrinale, ce qui crée de nombreuses incertitudes alors que le mécanisme soulève déjà un florilège de questions qui font l’objet de discussions. Les positions doctrinales en tous sens créent une véritable cacophonie, ce qui augmente considérablement l’insécurité juridique en la matière.

E. VANTHORRE, « De zakenrechtelijk aspecten van het fideïcommis de residuo in vergelijking met de Angelsaksische

89

trust en het Franse erfrecht », Jura Falc., 2011-2012/3, p. 426.

Cela permettra d’organiser, par la même occasion, une transmission fiscalement avantageuse à ses frères et soeurs.

90

Petits-enfants du testateur.

91

B. DELAHAYE, « Les enfants de mes enfants. Comment les gratifier ? » in La liquidation d'une succession : la réponse

92

à toutes vos questions, Bruxelles, Éditions Larcier, 2015, p. 88.

M. PUELINCKX-COENE, « Hoe bezwaard is de eerste begunstigde van een fideï-commis de residuo ? Is dat anders zo

93

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