• Aucun résultat trouvé

Hyperconnexion numérique au travail : de la compréhension des activités et vécus à la transformation par le théâtre-forum

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Hyperconnexion numérique au travail : de la compréhension des activités et vécus à la transformation par le théâtre-forum"

Copied!
332
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-03156942

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03156942

Submitted on 2 Mar 2021

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

compréhension des activités et vécus à la transformation

par le théâtre-forum

Ophelie Morand

To cite this version:

Ophelie Morand. Hyperconnexion numérique au travail : de la compréhension des activités et vécus à la transformation par le théâtre-forum. Psychologie. Institut Polytechnique de Paris, 2020. Français. �NNT : 2020IPPAT035�. �tel-03156942�

(2)

Hyperconnexion numérique au

travail : de la compréhension des

activités et vécus à la

transformation par le théâtre-forum

Thèse de doctorat de l’Institut Polytechnique de Paris

Préparée à Télécom Paris IPP

École doctorale n°626 : Ecole Doctorale de l’Institut Polytechnique de

Paris (ED IP Paris)

Spécialité de doctorat : Psychologie (psychologie ergonomique)

Thèse présentée et soutenue à Palaiseau, le 23/11/2020, par

Ophélie Morand

Composition du Jury :

Gérard Valléry

Professeur, Université de Picardie Jules Verne Président du jury

Alain Garrigou

Professeur, Université de Bordeaux Rapporteur

Irène Gaillard

Maître de conférences, IPST-CNAM Toulouse Examinatrice

Fabien Coutarel

Maître de conférences, Université de Clermont-Auvergne Examinateur

Béatrice Cahour

Chercheuse CNRS CR1, Télécom Paris IPP Directrice de thèse

Marc-Eric Bobillier-Chaumon

Professeur, CNAM Paris Co-Directeur de thèse

Vincent Grosjean

Chercheur, INRS (EPAP) Tuteur invité

NN

T

:

2

0

2

0

IP

P

A

T

0

3

5

(3)

2

Titre : Hyperconnexion numérique au travail : de la compréhension des activités et vécus à la transformation

par le théâtre-forum

Mots clés : hyperconnexion, technologies de la communication, expérience vécue, théâtre-forum, prévention,

risques psychosociaux

Résumé : La connexion numérique est essentielle

dans le monde du travail d’aujourd’hui. Elle permet d’être rapide, efficace et d’accéder à un grand nombre de personnes, de ressources et d’informations. Depuis 2016, la loi impose aux entreprises de mettre en place une négociation sur la déconnexion de ses employés. En effet, de nombreuses études soulignent les risques engendrés par une connexion numérique excessive et ses impacts sur les conditions de travail, la santé, la vie hors travail des salariés, le fonctionnement et l’organisation des collectifs.

Cette prise de conscience de la nécessité d’instaurer une régulation de la connexion nous a amené à construire cette thèse en psychologie ergonomique en trois temps. Nous avons d’abord analysé les pratiques de connexion et usages des technologies dans une grande entreprise par une étude quantitative s’appuyant sur un questionnaire diffusé auprès de plus de 400 salariés.

Nous nous sommes ensuite focalisés sur l’activité réelle et sur les vécus de la connexion en conduisant des entretiens d’explicitation auprès d’un échantillon de salariés. Il s’agissait de préciser la dynamique de ce que nous qualifions de « surconnexion » (une connexion vécue subjectivement comme douloureuse ou pénible) dans le contexte de l’activité. Le dernier volet de la thèse porte sur les effets d’un espace d’échange impliquant le corps et les émotions que nous avons mis en place dans l’entreprise (le théâtre-forum), comme voie possible vers une régulation de la connexion co-construite au niveau des collectifs.

Enfin les apports de connaissances sur la connexion et la méthode du théâtre-forum sont discutés, ainsi que des perspectives et préconisations pour limiter la surconnexion et mettre en place des espaces de discussion en entreprise.

Title : Digital hyperconnection at work: from understanding activities and experiences to transformation

through forum-theater

Keywords : hyperconnection, communication technologies, lived experience, forum-theater, prevention,

psychosocial risks

Abstract : Digital connection is essential in today's

working world. It allows workers to be fast, efficient and to access a wide range of information. Since 2016, french labour law requires companies to initiate negotiations on the “right to disconnect” for their employees. Indeed, many studies show the risks of extended connection and the consequences of overuse of communication technologies on employees’ wellbeing, work/life balance and collective organization.

This awareness of the need for effective regulation of the connection led us to conduct this thesis in ergonomic psychology in three phases. First, we focus on connection practices and uses of technologies in a large company through a quantitative study (questionnaire).

We then focus on the actual activity and the lived experiences of connection using Explicitation Interviews with employees (Vermersch, 1994). The aim was to get a first-person perspective to define the elements that lead to what might be termed "over-connection" (a connection that is subjectively experienced as too painful or distressing). The third part explored the effects of the creation of a deliberation space (based on forum-theater technics) on the regulation of collective connection.

In conclusion, we propose a discussion about the contributions of this thesis to connection at work knowledge and to the forum-theater method effects, about the perspectives of this work and recommendations for limiting over-connection and developing discussion forums in the companies.

(4)

3

Thèse financée par l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS)

Rue du Morvan

54500 Vandœuvre-lès-Nancy

Thèse réalisée et dirigée à Télécom Paris IPP

Institut Interdisciplinaire de l’innovation (I3)

19 Place Marguerite Perey

91120 Palaiseau

Thèse co-dirigée au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM)

Centre de Recherche sur le Travail et le Développement (CRTD)

41 Rue Gay-Lussac 75005 Paris

(5)

4

T

ABLE DES MATIERES

Remerciements ...10

Introduction ...11

Contexte de réalisation de la thèse ...13

Partie I : revue de littérature ...17

Chapitre 1 : Technologies de la communication, connexion et relation à la technologie ...18

1.1 Une grande diversité d’outils disponibles ...18

1.1.1 Les technologies de la communication ...18

1.1.2. Forces et faiblesses des outils de communication ...20

1.1.2.1. Le mail : symbole d’une communication virtuelle défaillante ...21

1.2. La normalisation de la connexion numérique continue ...24

1.2.1. Vers une définition de la connexion, de l’hyperconnexion et de la surconnexion numérique ...24

1.2.2. L’injonction à la connexion permanente ...26

1.2.2.1. La connexion : symbole d’engagement du cadre ...26

1.2.2.2. La connexion : une façon de mettre en visibilité son travail...28

1.2.2.3. Un facilitateur de la connexion continue : le Smartphone ...29

1.3. La relation à la technologie ...31

1.3.1. Acceptation opératoire et acceptation sociale des TIC ...31

1.3.2. La théorie de la symbiose ...31

1.3.3. Une relation incarnée à la technologie dans et par l’activité : l’acceptation située ...32

Chapitre 2 : Les incidences de l’usage des Technologies de la Communication et de la connexion numérique ...35

2.1. Atteintes à la qualité de l’activité ...36

2.1.1. Un travail déstructuré avec un ancrage spatio-temporel flou ...36

2.1.1.1. Un espace de travail étendu ...36

2.1.2. Une accélération du temps ...38

2.1.2.1. Intensification et sentiment d’urgence ...38

2.1.2.2. Une perte de sens liée à une impossibilité de prendre du recul ...39

2.1.2.3. L’anxiété provoquée par la crainte de manquer une information ...40

2.1.2.4. Les interruptions par des notifications : fragmentation de l’activité ...41

2.2. La qualité de vie au travail ...43

2.2.1. Un équilibre vie de travail / vie hors travail fragilisé ...44

2.2.1.1. La porosité des différentes sphères de vie ...44

2.2.1.2. Modèles d’interactions entre les sphères de vie ...45

2.2.2. Risques liés à la santé ...48

2.2.2.1. L’impact sur la santé ...48

2.2.2.2. Les Risques Psycho-sociaux (RPS) ...49

2.3. La nécessité d’une prise de conscience du problème de surconnexion ...52

(6)

5

2.3.2. La difficulté à exprimer ses émotions au travail ...53

2.3.2.1. L’entreprise : lieu de performance et de rationalisation ...53

2.3.2.2. Exprimer des émotions négatives au travail ...54

2.3.2.3. L’aveu d’un sentiment de surconnexion : l’aveu d’une faiblesse ? ...54

2.3.2.4. Comment aborder un sujet tabou en entreprise ? ...55

Chapitre 3 : Réguler les pratiques de connexion en entreprise ...58

3.1. Les stratégies de régulations de la connexion présentes en entreprise ...58

3.1.1. Les stratégies de régulation individuelles ...58

3.1.2. Les stratégies de régulations institutionnelles ...60

3.1.2.1. Chartes et accords ...60

3.1.2.2. Des formations pour réguler la connexion ? ...62

3.2. La mise en place d’espaces d’échanges dans l’entreprise ...63

3.2.1. Développer une pratique réflexive ...63

3.2.1.1. Transformer les pratiques en développant une réflexivité ...64

3.2.2. Transformer les pratiques en développant une réflexivité par la mise en théâtre ...67

3.2.2.1. Le psychodrame ...67

3.2.2.2. Les méthodes théâtralisées issues de l’éducation populaire ...68

3.2.2.3. L’organidrame, une variante du théâtre-forum ...70

3.3.3. Les leviers de transformation mis en œuvre par le théâtre-forum ...73

3.3.3.1. Les tensions et conflits vus comme une perspective de développement ...74

3.3.3.2. La corporalité...75

3.3.3.3. Le vécu expérientiel et les prises de conscience, sources de réflexivité ...76

3.3.3.4. La présence d’un collectif pluri-acteurs orienté compréhension et transformation de l’activité ...76

Partie 2 : Contribution empirique...79

Chapitre 4 : Stratégie de recherche ...79

4.1. Problématique ...79

4.2. Présentation du terrain : L’entreprise Orange et le service de santé au travail ...81

4.2.1. Démarche et articulation des méthodes ...82

4.2.1.1. Accord avec le Service de Santé au Travail ...82

4.2.1.2. Articulation des méthodes ...82

Chapitre 5 : Caractérisation des pratiques de connexion et de déconnexion des cadres : étude quantitative ...84

5.1. Méthodologie ...84

5.1.1. Objectifs et questions de recherche...84

5.1.2. Population ...87

5.1.3. Méthode de recueil ...88

5.1.3.1. Constitution collaborative du questionnaire ...88

5.1.3.2. Composition du questionnaire ...89

(7)

6

5.1.4. Méthode d’analyse ...91

5.2. Résultats ...92

5.2.1. Des analyses différenciées parmi la population investiguée ...92

5.2.1.1. Groupes de niveau de connexion ...92

5.2.1.2. Niveau de connexion selon les fonctions et les statuts ...94

5.2.1.3. Catégorisations par caractéristiques : genre et âge ...97

5.2.2. Travail hors horaires et ressentis ...97

5.2.2.1. Ressentis concernant la possibilité de travail hors horaires et effets sur le travail et les relations...97

5.2.2.2. Conséquences d’une connexion/déconnexion ... 101

5.2.2.3. Régulations individuelles... 102

5.2.2.4. Obstacles à la déconnexion ... 103

5.2.2.5. Liens subjectifs entre connexion et troubles de santé... 106

5.3. Discussion des résultats quantitatifs ... 108

Chapitre 6 : Activités et vécus de la connexion numérique professionnelle au travail et hors travail : étude qualitative ... 115

6.1. Méthodologie ... 116

6.1.1. Objectifs et questions de recherches ... 116

6.1.2. Population ... 118

6.1.3. Méthode de recueil ... 120

6.1.3.1. Les entretiens semi-directifs sur les pratiques et régulations de la connexion ... 121

6.1.3.2. L’explicitation de chroniques d’activités ... 121

6.1.4. Méthode d’analyse ... 124

6.1.4.1. Méthode d’analyse des entretiens non situés ... 124

6.1.4.2. Méthode d’analyse des chroniques d’activités ... 125

6.2. Résultats ... 126

6.2.1. Trois catégories de population ... 126

6.2.1.1. Détermination de critères de catégorisation ... 126

6.2.1.2. Notre échantillon ... 127

6.2.2. Usages des technologies de communication et leurs articulations dans l’activité ... 128

6.2.2.1. Les différentes Technologies de la Communication et leurs usages ... 128

6.2.2.2. La multi-activité, une pratique très courante en partie liée aux réunions ... 133

6.2.2.3. La prise en compte des sollicitations dans la planification du travail... 134

6.2.3. La connexion : essentielle pour le travail ... 136

6.2.3.1. Les pratiques de connexion sur une journée ... 136

6.2.3.2. Une connexion indispensable pour tous ... 136

6.2.3.3. Les interactions avec l’externe, source de tensions ... 138

6.2.3.4. Les interactions en interne ... 139

6.2.3.5. Les sources de mal-être liées à la connexion identifiées par les participants ... 140

(8)

7

6.2.4. Les stratégies de régulation de la connexion... 142

6.2.4.1. Les stratégies de régulation individuelles ... 142

6.2.4.2. Les régulations institutionnelles ... 143

6.2.4.3. Les régulations collectives... 144

6.2.5. L’explicitation d’une journée représentative : 4 chroniques de vécu de l’activité ... 147

6.2.5.1. Présentation des quatre études de cas... 147

6.2.5.2. Yvan : un commercial surconnecté d’une cinquantaine d’année (M50CS) ... 148

6.2.5.3. Tristan : un directeur de plateau hyperconnecté (M50TUAT) ... 152

6.2.5.4. Aline : une commerciale en agence entreprise surconnectée (F30CAE) ... 156

6.2.5.5. Elsa : Une soutien formatrice surconnectée (F50TSF) ... 161

6.2.5.6. Eléments mis en lumière par les études de cas ... 163

6.3. Discussion ... 164

6.3.1. L’évolution des usages des technologies de la communication ... 164

6.3.2. Une connexion indispensable parfois vecteur d’interactions négatives mal vécues ... 165

6.3.3. Des stratégies de régulation individuelles et institutionnelles insuffisantes... 167

6.3.4. Des régulations collectives qui permettent d’améliorer le vécu de la connexion ... 168

6.3.5. Les pratiques de connexion et le réel de l’activité ... 168

Chapitre 7 : Etude 3, l’analyse collective par le théâtre-forum, vers une transformation des pratiques problématiques liées à la connexion ... 174

7.1. Méthodologie ... 175

7.1.1. Le protocole d’intervention ... 175

7.1.2. Objectifs et questions de recherche... 177

7.1.3. Phase 1 : les séances de préparation des scènes ... 180

7.1.3.1. Population ... 180

7.1.3.2. Protocole détaillé de la phase 1 de l’intervention ... 181

7.1.3.3. Protocole de recueil de données de la phase 1 ... 183

7.1.4. Méthode d’analyse des données de la phase 1 ... 183

7.1.4.1. L’analyse de la dynamique et du contenu des échanges ... 184

7.1.5. Phase 2 : la séance de forum ... 186

7.1.5.1. Population ... 186

7.1.5.2. Protocole d’intervention de la séance de forum... 188

7.1.5.3. Méthode de recueil de données de la phase 2 ... 188

7.1.5.4. Méthode d’analyse de la phase 2 (forum) ... 189

7.1.6. Phase 3 : la séance de retours sur les transformations ... 193

7.1.6.1. Population ... 193

7.1.6.2. Protocole d’intervention ... 193

7.1.6.3. Méthodes de recueil et d’analyse ... 194

7.2. Résultats ... 196

(9)

8

7.2.1.1. Contenu des séances ... 196

7.2.1.2. L’élaboration de représentations communes ... 202

7.2.1.3. Des séquences d’interaction entremêlées ... 210

7.2.1.4. Jeu et feedbacks ... 214

7.2.1.5. Le test du forum sans public ... 217

7.2.1.6. Vécu et effets de la méthode ... 221

7.2.2. Phase 2, les séances de forum ... 225

7.2.2.1. Le déroulement de la séance : description du contenu ... 226

7.2.2.2. Analyse de la dynamique des discussions collectives des deux forums ... 237

7.2.2.3. L’analyse du contenu : compréhension du problème et émergence des solutions ... 240

7.2.2.4. Le vécu du jeu : une représentation dynamique d’une situation problématique à fort potentiel projectif ... 259

7.2.2.5. Le vécu de la méthode... 268

7.2.2.6. Evaluation des effets de la méthode ... 273

7.2.3. Phase 3, la séance de retours sur les transformations ... 280

7.2.3.1. L’après forum et les attentes pour la suite... 280

7.2.3.2. La construction collective d’une piste d’action concrète ... 283

7.2.3.3. Choix d’une proposition d’action ... 284

7.2.3.4. Les retours : entre espoir et désillusion ... 286

7.3. Discussion ... 288

Chapitre 8 : Discussion générale... 294

8.1. Apports de la thèse ... 294

8.1.1. Apport de connaissances sur les pratiques et vécus de l’hyperconnexion au travail ... 294

8.1.2. Apports sur les pratiques de connexion, de déconnexion et de surconnexion ... 295

8.1.3. Apports sur les liens entre connexion et RPS ... 297

8.1.4. Apports sur le rôle de la régulation collective sur la connexion... 297

8.1.5. Apports méthodologiques ... 298

8.1.5.1. Apports de la triangulation des méthodes ... 298

8.1.5.2. Apports d’une position basse de l’intervenant pour la prise de conscience et l’appropriation ... 299

8.1.5.3. La conscientisation, un processus au cœur de notre démarche ... 300

8.1.5.4. Apports du théâtre-forum : une méthode réflexive, délibérative et transformatrice ? ... 301

8.2. Limites de la recherche ... 303

8.2.1. La difficulté de la mise en place du théâtre-forum ... 303

8.2.2. Comment suivre les transformations ? ... 303

8.2.3. La position du chercheur-intervenant face à des demandes plurielles ... 304

8.3. Préconisations ... 305

8.3.1. Sur les difficultés liées aux réunions ... 305

8.3.2. Sur la surconnexion régulée au niveau du collectif de travail ... 305

(10)

9

8.3.4. Sur la mise en place d’une démarche de théâtre-forum en entreprise ... 307

8.3.4.1. La longueur et le format de l’intervention ... 307

8.3.4.2. Le cadre de l’intervention ... 307

8.4. Perspectives de la thèse ... 308

8.4.1. Diffuser la méthodologie du théâtre-forum comme méthode d’intervention ... 308

8.4.2. La Surconnexion depuis la pandémie... 308

Bibliographie ... 310

Liste des Tableaux et figures ... 310

Liste des tableaux ... 317

Liste des figures ... 318

Annexes ... 319

Liste des annexes ... 319

Annexe 1 : Questionnaire état de santé et pratiques de connexion des cadres ... 320

Annexe 2 : Précisions sur l’activité des participants à l’étude qualitative ... 325

Annexe 3 : Guide d’entretien ... 326

Annexe 4 : Exemple d’analyse thématique d’un entretien ... 327

(11)

10

Remerciements

Aux membres du jury Alain Garrigou, Gérard Valléry, Irène Gaillard et Fabien Coutarel d’avoir accepté de faire partie de mon jury et d’évaluer ce travail.

A ma directrice de thèse, Béatrice Cahour pour m’avoir poussée à me questionner, m’avoir soutenue et inspirée tout au long de ce parcours.

A mon co-directeur de thèse, Marc-Eric Bobillier-Chaumon pour toutes vos réflexions, apports théoriques, méthodologiques et pour avoir toujours su souligner le positif dans mon travail.

A mon tuteur à l’INRS, Vincent Grosjean, pour tous nos riches échanges sur une grande diversité de sujets et pour m’avoir ouverte à tant de nouvelles idées, concepts et expériences.

A l’INRS et au département Homme au Travail qui m’ont permis de réaliser cette thèse dans les meilleures conditions possibles.

A Benjamin Paty pour son aide précieuse dans le traitement des données quantitatives.

A mes collègues de l’INRS pour le soutien caféiné, Catherine, Evelyne, Muriel, Corinne, Mireille, Karen, pour le soutien nicotiné, Nathalie, Liên et Virginie et enfin pour le soutien musical, Jean-Jacques, Marc, Simone, Jean-Luc, Laurent et Isabelle.

A Orange et en particulier Myriam Claude et le Service de Santé au Travail et à Frédéric Plan pour notre collaboration, nos échanges et pour nous avoir fait confiance au point d’expérimenter le théâtre-forum avec nous.

A ma famille et mes amis pour avoir toujours su respecter mon désir de « déconnexion » de la thèse.

A mes relecteurs attentifs, Béatrice, Marc-Eric, Vincent, MJ et Eléonore.

A Matou pour avoir été présente aux étapes décisives de cette thèse et pour nos nouvelles perspectives.

A Eléonore pour avoir cru en moi avant même que je ne fasse quoi que ce soit et pour avoir continué par la suite.

(12)

11

Introduction

La connexion et l’usage des Technologies de la Communication (TIC) sont devenus centraux dans la réalisation du travail aujourd’hui. Ces technologies sont l’un des principaux vecteurs et facilitateurs de l’activité, en particulier dans le secteur tertiaire, alors que l’automatisation des processus dans l’industrie a engendré un important recul des effectifs du secteur industriel au profit de ce secteur tertiaire.

Le contexte économique de mondialisation pousse les entreprises vers une recherche de productivité toujours plus importante et plus rapide, entrainant une « chrono-compétition » interne, entre les salariés, et externe, entre les organisations (Chenais, 2001 ; Plihon, 2007) et ce, sans répit possible du fait d’une temporalité globale et partagée. Les cadres sont une population particulièrement exposée à cette idéologie de croissance exponentielle sans limite de temporalité, en raison « des valeurs et des exigences qui fondent leur identité de métier, comme l’adaptabilité, la flexibilité, la disponibilité et l’autonomie » (Soubiale, 2016, p.58). La disponibilité permanente fait donc partie des normes prescriptives de « l’idéologie managériale » (De Gaulejac, 2006) inhérentes au métier de cadre. C’est pourquoi nous avons choisi de travailler avec cette population.

Dans cette perspective, les TIC, vues comme « émancipatrices », sont des outils très prisés par les cadres car « elles permettent de gagner en autonomie et en efficacité » (Kouabenan, Dubois, Bobillier-Chaumon, Sarnin & Vacherand-Revel, 2013). Une étude en 2016 précise que 71% des cadres lisent leurs mails professionnels en dehors du temps de travail et 45% pendant leurs congés (Félio, 2016). La connexion et les TIC permettent donc cette disponibilité étendue et attendue pour les cadres.

Cependant, l’apparition des TIC et le recours massif à celles-ci ont fortement modifié l’activité des cadres. L’utilisation des mails de préférence à la communication en face à face, par exemple, amène souvent à court-circuiter la ligne hiérarchique habituelle pour transmettre une information. Ainsi celle-ci est transmise plus rapidement à la personne concernée sans avoir besoin d’intermédiaire. De ce fait, on assiste à une forme de déqualification de certaines professions, notamment celle des cadres de proximité, liée à une perte de son cœur d’activité au profit de tâches de gestion (rapport annuel Orange, 2010 ; Datchary & Licoppe, 2007). Les tâches qui incombent à ces cadres ne correspondent plus à de l’encadrement en tant que tel mais s’apparentent à un tri, une sélection et un enrichissement des informations afin de faire circuler un flux informationnel pertinent pour les collaborateurs

(13)

12

(Bobillier-Chaumon, 2012). De ce fait, plusieurs auteurs émettent l’hypothèse que bon nombre de fonctions d’encadrement intermédiaire pourraient disparaitre à terme (Frey & Osborn, 2017).

La nature même de l’activité est modifiée par l’usage des technologies de la communication qui permettent un travail à distance. Cela engendre une transformation de la façon d’exercer l’activité, des métiers et des compétences mobilisées. En 2016, 63% des cadres disent craindre que l’usage intensif des TIC nuise à leur santé (Félio, 2016). Aussi, le besoin de régulation de la connexion, lien entre les salariés et les TIC, devient de plus en plus évident dans le cadre du travail.

Le 8 août 2016, la loi Travail instaure « un droit à la déconnexion » qui se traduit par une obligation pour l’entreprise de négocier un accord sur la déconnexion. Auparavant, des chartes ou des formations existaient déjà sans être cadrées par la loi, elles n’ont toutefois pas apporté la preuve de leur efficience (Prost & Zouinar, 2015 ; Boudokhane-Lima & Felio, 2015 ; Créno & Cahour, 2016).

Le recours massif aux TIC entraîne l’extension des exigences de disponibilité des cadres et des effets potentiellement nocifs pour le salarié et sa santé, l’activité et les organisations. Ce constat, couplé à l’absence de régulations psychosociales de la connexion pleinement efficientes à ce jour (co-construites par les salariés et l’organisation) font de la déconnexion et des stratégies de régulations de la connexion un sujet primordial dans le domaine de la prévention des risques professionnels.

Dans une perspective de prévention des risques professionnels vis-à-vis de la connexion, nos objectifs de recherche sont pluriels :

- Nous souhaitons dans un premier temps étudier les usages, activités et vécus autour des technologies de la communication en entreprise, comprendre les enjeux et effets de la connexion et hyperconnexion professionnelle sur l’individu, les collectifs, et les organisations. - Nous souhaitons aussi investiguer les différentes formes de régulation de la connexion

présentes en entreprise et leurs effets.

- Enfin, l’ambition de cette thèse est aussi de déployer et d’évaluer en entreprise l’apport d’une méthodologie délibérative sur les pratiques de connexion, le théâtre-forum, afin d’étudier ses contributions effectives dans la perspective d’une transformation des pratiques problématiques liées à la connexion.

(14)

13

C

ONTEXTE DE REALISATION DE LA THESE

Nous souhaitions étudier les pratiques de connexion et déconnexion en situation réelle de travail, auprès de salariés soumis à de multiples contraintes et exigences (organisationnelles, technologiques, institutionnelles, clientèles…) qui peuvent avoir un impact sur l’usage des technologies de communications. Nous entendons pratiques au sens de pratiques professionnelles liées aux activités de travail qui incluent autant les conduites professionnelles individuelles et collectives que les usages des dispositifs. Par conséquent, nous avons choisi de mener l’étude dans une multinationale qui est à la fois représentative des pratiques de connexions des cadres, et qui peut laisser aussi augurer des modalités de consultation qui se développent dans les autres entreprises.

Cette thèse a ainsi été initiée et financée par l’Institut National de la Recherche en Santé et Sécurité au travail (INRS), réalisée au sein de l’INRS et de Télécom Paris, et co-encadrée à Télécom Paris, au CNAM-Paris et à l’INRS. Nous avons également collaboré avec le Service de Santé au Travail d’Orange (lieu de réalisation des études de terrain et des analyses). Ce travail présentait un double enjeu : il s’agissait d’abord de mieux comprendre les pratiques de connexion des cadres au sein d’une entreprise puis de tester une nouvelle méthodologie pour réaliser de la prévention sur la question de la connexion. D’un point de vue institutionnel, il s’agissait pour l’INRS de proposer, à terme, un nouvel outil pour réaliser de la prévention collective, et pour le Service de Santé au Travail d’Orange, d’investiguer un sujet de préoccupation et d’actualité (la surconnexion).

Notre travail se déroule dans une perspective de psychologie-ergonomique. Leplat (1997, p. 3-4) décrit cette discipline en ces termes « la psychologie ergonomique couvre les connaissances de psychologie susceptibles de contribuer à l’ergonomie, au développement de ses connaissances et de ses interventions, c’est-à-dire à l’analyse et à la solution des problèmes ergonomiques ». Ainsi, nous nous intéressons à l’analyse de l’activité réelle (« tout ce que le sujet mobilise pour réaliser une tâche spécifique », Leplat & Hoc, 1983) telle qu’elle se déroule en situation. Cette orientation peut être vue comme le « choix d’un détour conceptuel approfondi vers la connaissance du fonctionnement de l’homme en activité avant d’apporter des réponses aux questions issues du terrain, visant en particulier l’amélioration ou la transformation de la situation de travail » (Grosjean, Raufaste, Giboin, 2003). Dans cette perspective d’approfondissement de la connaissance de l’homme en activité, nous avons choisi de nous intéresser, entre autres, à la dimension subjective de l’expérience vécue de l’activité. Le courant de la psycho-phénoménologie, propose d’étudier l’expérience vécue, soit « les actions, pensées, émotions et perceptions » qui émergent pendant la réalisation de l’activité (Cahour, Salembier & Zouinar, 2016). Les approches précédentes de l’analyse de l’activité

(15)

14

focalisaient leurs intérêts sur les processus cognitifs en action pendant une tâche sans tenir compte des aspects émotionnels ou corporels. Vermersch (1994, 2000) et Theureau (2006) développent alors des méthodes qui proposent d’analyser l’expérience vécue d’un moment donné ; une activité « située » (dans un contexte qui a une influence sur celle-ci) et « incarnée » (qui mobilise le corps) (Cahour & al., 2016). Ce choix de considérer une activité située se retrouve également dans la théorie que nous adoptons pour évoquer la relation aux technologies de la communication dans notre étude. En effet, nous considérons les technologies de la communication dans une approche contextualisée : l’acceptation située (Bobillier-Chaumon, 2016). Cette théorie propose d’évaluer l’acceptabilité de la technologie non pas en fonction de critères liés à la technologie elle-même mais en fonction de quatre dimensions ; individuelle (coût cognitif et émotionnel de l’utilisation de la technologie), organisationnelle (incidences socio-organisationnelles des technologies sur l’usager et son activité), relationnelle (impacts sur les relations et les collectifs) et professionnelle (répercussions de la technologie sur l’activité en elle-même). Ces approches situées permettent d’appréhender finement et dans la globalité de l’expérience vécue par l’individu (actions, pensées, émotions, perceptions) les éléments de l’activité en lien avec les technologies de la communication qui peuvent engendrer des difficultés. En effet, comme le soulignent Garrigou, Peeters, Jackson, Sagory et Carballeda (2004) : « l’exposition d’une personne à des risques a un caractère multicausal qui met en jeu des caractéristiques de la personne, du système technique et de l’organisation » et dans une perspective de prévention, il est important de pouvoir considérer la technologie et l’activité dans un contexte. Cet objectif de prévention nous amène à vouloir analyser l’activité et les problèmes liés aux technologies, mais également à poursuivre un but de transformation des pratiques. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés aux méthodes issues de l’éducation populaire dont l’essence même est le souci d’accroitre le pouvoir d’agir des participants. Nous empruntons à Coutarel, Caroly, Vézina & Daniellou (2015) la définition de développement du pouvoir d’agir. Il consiste, selon eux, à « influencer les processus qui configurent durablement les situations de travail et les marges de manœuvre qui y sont associées. Il s’agit de développer durablement les possibilités (collectives, institutionnelles, temporelles…) de débats de normes, d’explicitation des valeurs qui les sous-tendent et d’arbitrages par ceux que ces débats traversent et affectent ». Les méthodes issues de l’éducation populaire, et en particulier le théâtre-forum, permettent de transformer les pratiques en impliquant le corps et les émotions des participants (Boal, Mellac & Rigot-Müller, 2004), deux éléments importants dans la phénoménologie. De même, la posture de l’intervenant dans ces deux courants est similaire ; il s’agit pour l’ergonome-facilitateur de faire émerger la parole sans induire et sans se positionner en tant qu’expert mais en adoptant une posture basse (Cahour & Grosjean, 2021).

Pour explorer les pratiques de connexion et évaluer les manières de les réguler, ce manuscrit de thèse va s’organiser en différentes sections.

(16)

15

Notre première partie théorique abordera trois axes d’analyse complémentaire dans l’usage des technologies et leurs incidences en matière de connexion. Le chapitre 1 distinguera ainsi les usages de différentes technologies de la communication dans les entreprises puis déterminera les enjeux d’une connexion qui peut s’avérer trop importante. Nous discuterons par la suite la relation plus ou moins bénéfique qui peut se nouer entre l’homme et la technologie : sous quelles conditions et modalités, dans quels contextes et avec quelles incidences.

Le chapitre 2 a pour objectif de préciser plus spécifiquement les effets et les conséquences psychosociales possibles de l’utilisation des technologies de la communication et de la connexion sur les individus, les collectifs, l’activité et l’organisation.

Le chapitre 3 abordera les stratégies de régulations de la connexion existantes pour gérer les problématiques de connexion (surtout individuelles et organisationnelles). Le constat d’un manque de stratégie de régulation collective de la connexion nous amènera dans un deuxième temps à nous interroger sur les méthodes issues de l’ergonomie et de l’éducation populaire permettant de déployer des espaces d’échanges et de délibération au sein de l’entreprise pour transformer les pratiques. Nous nous focaliserons alors sur les apports potentiels du théâtre-forum et les effets de cette méthode dans une perspective de transformation des pratiques problématiques.

Notre contribution empirique sera divisée en 4 chapitres. Le chapitre 4 présente notre problématique et stratégie de recherche, l’articulation des méthodes utilisées (questionnaire, entretiens et théâtre-forum) ainsi qu’une présentation de notre terrain de recherche.

Le chapitre 5 portera sur une étude quantitative (par questionnaire) des pratiques de connexion et de déconnexion des cadres de l’entreprise et les ressentis engendrés par cette connexion. Cette étude a deux objectifs ; d’abord, nous apporter une vision globale des pratiques et du niveau de connexion des cadres, puis de nous permettre d’appréhender une population particulière (celle que nous qualifions d’hyperconnectée) afin de réaliser une étude qualitative plus approfondie avec ceux-ci.

Le chapitre 6 cherche à inscrire les pratiques de connexions des cadres dans le réel de leur activité et de leur situation de vie et de travail. Des entretiens semi-directifs, études de cas, entretiens d’explicitation sont mobilisés afin de rendre compte de l’usage effectif. Nous souhaitons déterminer les usages des technologies de la communication et ressentis associés par les cadres de cette entreprise puis interroger leur relation à la connexion. Nous cherchons à déterminer l’origine et les causes de la connexion et à qualifier les sources d’inconfort ou de mal-être liés à celle-ci. Les stratégies de régulation mises en place par les individus, leur collectif et l’organisation sont également examinées.

(17)

16

La troisième et dernière étude (chapitre 7) concerne la mise en œuvre et les effets du théâtre-forum dans deux collectifs. Ce chapitre est articulé en 3 parties qui suivent le processus d’intervention que nous avons mis en place : la préparation des scènes (phase 1), le forum (phase 2) et les retours sur les transformations suite au forum (phase 3).

Le dernier chapitre, sera l’occasion de discuter de manière transversale nos résultats en particulier : les apports les préconisations concernant la connexion et surconnexion professionnelles et les perspectives pour la suite de ce travail.

(18)

17

Partie I : revue de littérature

Notre revue de littérature aborde 3 thèmes : une première partie s’intéresse aux technologies de la communication utilisées en entreprise et à la connexion professionnelle. Il s’agit pour nous de déterminer les pratiques et usages actuels et de comprendre les raisons qui pourraient pousser les cadres à une connexion importante. La seconde partie s’intéresse aux conséquences de cette connexion et des usages des technologies de la communication sur l’individu, l’activité, les collectifs et l’organisation. Nous souhaitons déterminer quels sont les points particulièrement problématiques sur lesquels une attention en matière de prévention devrait être portée. Dans un troisième temps, nous chercherons à identifier les stratégies de régulations de la connexion mises en place en entreprises ainsi que leurs effets. Nous proposerons ensuite un nouvel angle pour réguler la connexion (par le collectif et en suscitant un espace de discussion) et finirons par discuter des méthodes en ergonomie et dans l’éducation populaire qui peuvent présenter des intérêts particuliers pour réaliser cette prévention, en particulier le théâtre forum.

(19)

18

Chapitre 1 : Technologies de la communication,

connexion et relation à la technologie

Dans ce premier chapitre, nous nous interrogeons sur les différents outils de communications disponibles dans les entreprises, sur leurs usages (quel outil pour quelle fonction ?) et sur la présence de difficultés liés aux technologies en elle-même. L’objectif est de déterminer si les outils de communications peuvent être une source de difficultés et de tensions pour les cadres et pourquoi.

1.1 U

NE GRANDE DIVERSITE D

OUTILS DISPONIBLES

1.1.1 L

ES TECHNOLOGIES DE LA COMMUNICATION

Les Technologies de l’information et de la communication sont définies comme « l’ensemble des outils et des ressources qui permettent de recevoir, d’émettre, de stocker, d’échanger et de traiter les différentes informations et connaissances entre les individus » (Bobillier-Chaumon, Brangier & Fadier (2014). Dans ce cadre large, les TIC désignent à fois des outils de communications et des outils de gestion (de connaissances, de données, de projets, etc…) (Bobillier-Chaumon, Cuvillier, Sarnin, & Bekkadja, 2015). Nous nous sommes focalisés sur les technologies permettant une communication. Cela recouvre toutes les technologies qui permettent une « augmentation du partage d’information et de la collaboration dans l’organisation » (McAfee, 2006).

La diversité des outils de communication est décrite par de multiples termes dans la littérature (Wolf & Blomberg, 2020). Les deux auteurs listent ainsi plusieurs appellations : « constellations technologiques » (Rossitto, Bogdan & Severinson-Eklundh, 2014), « écologies d’artéfacts/de communications » (Turner, Qvarfordt, Biehl, Golovchinsky & Back, 2010 ; Vasiliou, Ioannou & Zaphiris, 2015), « paysage de dispositifs » (Stolterman, Jung & Siegel, 2013). Si tous ne s’accordent pas sur le terme générique de cette catégorie ; ils désignent les mêmes outils. Il s’agit de messagerie électronique, appels téléphoniques, messagerie instantanée, visioconférence et réseaux sociaux.

(20)

19

Nous avons choisi de présenter une classification proposée par Jarrahi & Sawyer (2013). Cette classification est reprise dans de nombreux articles sur le sujet et nous apparait comme complète. Nous trouvons particulièrement pertinent la mise en relation des technologies et applications avec les besoins. En effet, cette typologie permet une bonne description des besoins, caractéristiques et différences en prenant en compte une grande diversité d’outils. Nous avons ajouté dans le Tableau 1 les caractéristiques des technologies qu’ils décrivent dans la suite de leur article.

Besoin Technologies utilisées Caractéristiques et différences

Trouver une information pertinente

Référentiel de connaissances1

(portail, Sharepoint) Wikis

Source d’information, peu d’interactions interpersonnelles

Sert d’historique pour l’organisation, un seul auteur pour le référentiel et plusieurs pour le wikis

Trouver un expert

Email Forums Twitter LinkedIn

Réseaux Sociaux d’Entreprise

Poser des questions à une personne, identifier des intérêts communs grâce aux mails précédents

Poser une question à une communauté, accès à l’historique des discussions Trouver un expert en « suivant » des personnes avec des intérêts communs Communauté d’experts et élargir son réseau grâce à celui des autres personnes

Utilisé par des chefs de projet pour réunir des personnes pertinentes pour un projet

Demander de l’aide / Poser une question2

Appels téléphoniques

Emails

Messages instantanés Twitter

Solution la plus facile mais nécessite une relation relativement proche avec l’interlocuteur

Utilisé en cas d’urgence ou de problème

Permet une traçabilité et un temps de recherche avant de répondre. Utilisé pour les questions rapides et simples, permet une instantanéité. Possibilité d’avoir plusieurs interactions simultanées

Utilisé par des jeunes employés, permet de l’interactivité et l’accès à des personnes aux intérêts similaires sans se connaitre.

Socialiser

Facebook LinkedIn Twitter

Les salariés ont tendance à se connecter à la sphère personnelle via Facebook.

Utilisé pour maintenir les liens professionnels

Permet de faire connaître des intérêts communs grâce aux réponses et retweet

Elargir son horizon

Twitter LinkedIn

Utilisé pour se tenir au courant des nouveautés et innovations

Les communautés permettent de donner une idée de ce que font d’autres travailleurs dans un domaine similaire

Tableau 1: Besoins, technologies utilisées et caractéristiques (Jarrahi & Sawyer, 2013)

1 Les auteurs soulignent que pour la plupart des auteurs, le référentiel de connaissances n’est pas considéré comme une

technologie de communication (McAfee, 2009) mais qu’il apparait comme le plus propice pour trouver une information pertinente.

2 A la différence de trouver un expert, demander de l’aide requiert la connaissance préalable de la personne qui pourrait

(21)

20

Plusieurs auteurs (Turner & al, 2010, Jarrahi & Sawyer, 2013, Forsgren & Byström, 2018) soulignent que l’apparition d’un nouvel outil ne remplace pas l’outil précédent. Aussi le salarié travaille avec une multitude d’outils complémentaires, de nouveaux usages se créent en fonction des besoins de l’utilisateur et des fonctionnalités des différents outils. Il s’agit donc pour le salarié de naviguer entre plusieurs outils en fonction de ses attentes. Ce choix n’est pourtant pas toujours aisé, l’implémentation très régulière de nouveaux outils et l’absence de prescription par l’organisation provoquent parfois un flou pour le salarié quant à l’outil qu’il doit utiliser (Oostervink, Agterberg & Huysman, 2016).

1.1.2. F

ORCES ET FAIBLESSES DES OUTILS DE COMMUNICATION

Afin de mieux comprendre les différentes technologies utilisées, des auteurs classent les outils en utilisant la théorie de la richesse des médias (Clark & Brennan, 1991). Cette théorie suppose qu’une

communication médiée réussie nécessite plusieurs éléments : la visibilité, l’audibilité, la co-temporalité, la simultanéité, la séquentialité, la présence de retours et le droit à l’erreur. Les auteurs ajoutent que l’expérience de la communication médiée dépend de l’expérience de l’utilisateur (la connaissance du média et le contexte organisationnel) ainsi que d’aspects cognitifs (motivation et capacité à traiter les informations) (Robert & Dennis, 2005).

Turner & al (2010) décrivent les différents outils en fonction de leurs forces et faiblesses en utilisant 4 critères (Tableau 2) :

- Fonctionnalité (F) : signaux disponibles, connaissances préliminaires, traçabilité - Immédiateté (I) : synchronicité, disponibilité, immédiateté

- Efficience (PE) : qualité du message, efficience, expressivité, distanciation - Aspects Sociaux (SA) : caractéristiques sociales, privacité, affects…

(22)

21

Tableau 2: Forces et faiblesses des technologies de communication (Turner, Qvarfordt, Biehl, Golovchinsky, Back, 2010)

L’usage de ces technologies est parfois simultané ; c’est notamment le cas avec les messages instantanés (Reinsch, Turner & Tinsley, 2008). En 2011, une étude décrivait par exemple l’usage de la messagerie instantanée comme annonce de l’envoi d’un mail. Cette notification de transmission d’un message entraîne souvent une interruption de tâche chez celui qui la reçoit (Licoppe, Proulx & Cudicio, 2011).

Si en 2010, le mail était encore décrit par les auteurs comme un outil asynchrone ne causant pas d’interruptions du travail et ne provoquant pas de notion d’urgence, dès 2012, une étude sur le travail des cadres avec des TIC montrait que la quantité de mails reçus sur une heure de travail engendrait 36 minutes passées sur des tâches annexes induites par ceux-ci (Bobillier-Chaumon, 2012). Aussi le mail est-il devenu au fil des années « la bête noire » des salariés et des organisations.

1.1.2.1. Le mail : symbole d’une communication virtuelle défaillante

Avec 183 milliards de mails échangés tous les jours (Radicati & Levenstein, 2013) et 36 consultations de sa boîte de réception par heure (Renaud, Ramsey & Hair, 2006), l’email est devenu un véritable symbole du stress au travail. Alors que ce dispositif permettait une interaction rapide et efficace, nombre de salariés croulent aujourd’hui sous le poids de ces informations et sous la charge de la gestion de celles-ci. Dans un premier temps nous verrons comment le mail est passé d’un outil

Outil Forces Faiblesses

Appels

téléphoniques I : Clarification immédiate, retours

SA : cause des interruptions F : pas de signal non verbal

Email

F : traçabilité I : asynchrone PE : rapide et efficient

PE : permet de composer un message précis SA : ne cause pas d’interruptions

I : ne nécessite pas de réponse immédiate

I : longs délais, pas de discussion suivie

Messages

instantanés I : immédiats et peu couteux

PE : peu d’attention et difficulté à coordonner les discussions

PE : pas adapté pour de grandes discussions ou des discussions détaillées

SA : intrusif et distracteur Réseaux sociaux

PE : permet la diffusion d’information et l’observation passive des activités

F : permet de rester en lien avec des personnes à distance

(23)

22

asynchrone à un outil (quasi-)synchrone et comment des mails dits « problématiques » complexifient encore leur traitement.

Un dispositif d’interaction synchrone

A l’origine, le traitement des mails était supposé différé dans le temps, puisque cela passait par l’écrit, il ne semblait pas essentiel de répondre dans l’instant ; pourtant les chercheurs ont remarqué l’émergence d’un sentiment de nécessité de répondre dans l’urgence à ces messages. Le fait que des notifications liées aux mails soient activées chez beaucoup d’utilisateurs, à la fois sur l’ordinateur et sur le smartphone, et qu’elles apparaissent dès la réception du mail, attire l’attention de l’utilisateur (Brooks, 2015). Ainsi, bien que la personne ne veuille pas forcément répondre immédiatement à la sollicitation, la présence de cette alerte va d’une part la déconcentrer et d’autre part l’inciter ou lui suggérer de traiter cette information. A ce titre, Datchary & Licoppe (2007) parlent de messages « obstinément présents ». Le dispositif est donc devenu dans les faits synchrone car l’utilisateur ne peut ignorer lorsqu’il reçoit une notification, devenue le rappel d’une sollicitation d’autrui potentiellement urgente.

Un tri préalable nécessaire et chronophage

A cela s’ajoute un recours massif aux mails pour tous types d’échanges, les salariés engageant aujourd’hui plus de communications via des TIC qu’en face à face (Wacjman & Rose, 2011). De plus, certains mails reçus ne sont pas pertinents, plusieurs études montrent une utilisation inappropriée des fonctions de mise en copie et « répondre à tous », ce qui ajoute une tâche de tri très peu utile aux salariés et allonge le temps consacré au traitement des mails (Boudokhane-Lima & Felio, 2015). La difficulté de régulation provient du manque de temps pour répondre à ces mails mais également de la quantité d’informations reçues quotidiennement. Ce traitement nécessite des compétences particulières de classification et de repérage des messages réellement importants (Vacher, 1998). Cette quantité importante de mails, pertinents ou non, participe à la surcharge informationnelle dont disent souffrir souffrent 70% des managers (Félio, 2016).

Cette surcharge engendre cinq phénomènes définis par Créno & Cahour en 2016 :

- un allongement du temps de travail, avec un dépassement des horaires de travail établis ;

- une porosité de la frontière vie privée/vie professionnelle ;

- une dérive vers une certaine addiction : les cadres rapportent des périodes de privation douloureuse (accentuée par l’usage du Smartphone) ;

(24)

23

- un travail fragmenté par la gestion des « urgences » : les e-mails ralentissent et déconstruisent le travail en sollicitant de manière ininterrompue le travailleur ;

- une disparition progressive de toute stratégie de régulation autre qu’une tentative de limitation de la surcharge.

Nous avons décrit ici deux problèmes : la quantité de mails à traiter et les tâches annexes liées à la réception de mails. Il existe une troisième difficulté liée au contenu des mails en lui-même.

Des emails problématiques

Créno & Cahour ont décrit en 2016, suite à une étude avec des cadres, le contenu d’e-mails dits « problématiques ». Nous pouvons distinguer plusieurs catégories de problèmes :

- une inadéquation de contenu ; des emails qui n’intéressent pas directement le récepteur, comme certains mails reçus en copie ou en réponse à tous (qualifié de « mails parapluies » par ces auteures) ;

- une ambiguïté de contenu ; des mails qui nécessitent un effort d’interprétation à fournir car la rédaction est peu claire ;

- une prescription d’activité urgente ; le mail annonce une nouvelle tâche à réaliser, avec une consigne implicite ou explicite d’urgence (e.g. lire un texte avant une réunion qui a lieu sous peu) ;

- une agressivité ; mail problématique qualifié d’agressif ou d’attaque avec des phrases brèves ou mettant en copie la personne critiquée ;

- une inadéquation de forme.

Felio (2015) ajoute que les mésusages du courrier électronique (désinhibition, impulsivité, mauvaise interprétation) sont souvent évoqués pour expliquer la dégradation du climat de travail.

Nous obtenons donc quelques éléments de réponses sur les potentiels problèmes liés à l’usage des technologies de la communication. Il existe une grande diversité d’outils, ceux-ci ne sont pas toujours implémentés avec l’accord ou la consultation du salarié et ils provoquent des interactions pas toujours désirées (interruptions par messages instantanées) ou des communications pas toujours bien comprises ou vécues (emails problématiques).

Ces travaux scientifiques nous conduirons à nous interroger, dans le cadre de nos études empiriques, sur les pratiques de connexion des cadres et les enjeux psychosociaux d’une connexion professionnelle quantitativement importante.

(25)

24

1.2. L

A NORMALISATION DE LA CONNEXION NUMERIQUE CONTINUE

Dans cette partie, nous voulons en premier lieu définir la connexion, l’hyperconnexion et ce que nous entendons par « surconnexion ». Nous verrons ensuite les raisons et enjeux d’une connexion permanente pour les cadres. Notre objectif est d’identifier les dimensions qui peuvent se révéler problématiques afin d’envisager des modalité de prévention sur ces questions particulières.

1.2.1. V

ERS UNE DEFINITION DE LA CONNEXION

,

DE L

HYPERCONNEXION ET DE

LA SURCONNEXION NUMERIQUE

Nous n’avons pas trouvé dans la littérature de définition consensuelle de la connexion numérique ou de l’hyperconnexion. Aussi, nous proposons de définir la « connexion numérique» comme le fait d’être relié à un support numérique actif (ordinateur, téléphone portable, etc…) permettant d’échanger, de recevoir et d’envoyer des informations, en tout lieu et à tout moment et par quel que canal que ce soit, pour communiquer avec des collègues ou clients via des dispositifs de communication et d’information (types emails, messages instantanés (Skype entreprise, messenger, whatsapp,…), SMS, visioconférence, appels téléphoniques, etc.)

De même, vu l’absence dans la littérature de définition de l’hyperconnexion et de la surconnexion, nous définirons l’hyperconnexion comme une connexion quantitativement importante et ayant potentiellement des conséquences négatives. Nous proposons de distinguer une connexion importante (hyperconnexion) d’une connexion vécue négativement, que nous appellerons « surconnexion » ; une connexion importante en termes de quantité n’entraine pas forcément de conséquences négatives perçues et nous nous intéressons aux éléments qui peuvent rendre une connexion subjectivement pénible et augmenter la charge psychosociale. La surcharge (ou l’astreinte) psychosociale apparaît lorsque les capacités de l’individu sont insuffisantes pour faire face aux exigences (ou contraintes) de l’activité et de son environnement de travail.

Nous définissons alors la « surconnexion » comme une connexion vécue subjectivement comme trop contraignante, c'est-à-dire qui génère un coût psychique, cognitif et social important pour l’individu, et ce tant dans les sphères professionnelle que personnelle. Il ne s’agit pas forcément d’une connexion objectivement importante (en termes de temps ou de quantité d’informations échangées)

(26)

25

mais bien d’un vécu individuel des salariés qui peut varier en fonction de l’activité, du contexte et des ressources disponibles (individuelles, collectives, organisationnelles).

Des notions liées à notre notion de surconnexion sont le technostress et la télépression.

Le technostress désigne « l’augmentation de la charge psychosociale liée au travail, à partir du moment où les potentialités offertes par les nouveaux outils digitaux se transforment en pression sur le travailleur, au niveau des attentes explicites ou implicites de son employeur ou de ses collègues, des attentes ou exigences des clients, à cause de problèmes de connectivité qui perturbent le travail, ou encore sous la forme d’une dépendance à l’égard des outils digitaux, particulièrement les outils mobiles comme les smartphones et les tablettes » (Valenduc, 2017). Dans cette perspective, la connexion deviendrait donc contraignante pour le salarié pour diverses raisons ; des pressions externes (collègues, clients), des difficultés techniques ou une certaine « addiction » à la technologie. Cette augmentation de la charge psychosociale est un concept également évoqué dans la définition de la télépression.

La télépression au travail est définie par Barber et Santuzzi comme « le fait de penser aux messages

issus des TIC avec une pression ou une envie submergeant le sujet d’y répondre » (Barber & Santuzzi,

2015, p. 173). Les deux composantes de ce concept – la préoccupation et la forte envie de répondre – renvoient à l’état mental de l’utilisateur. Cette télépression est focalisée sur le maintien de relations sociales au travail grâce à une communication électronique. Les comportements liés à une hyperconnexion peuvent parfois être confondus avec ceux décrits dans le « workaholism » (Dose, Desrumaux & Rekik, 2019). Cependant, la définition de ce concept est plus large et ne fait pas systématiquement référence aux TIC. Le workaholism s’intéresse en effet à l’ensemble des comportements émis en rapport avec le travail (Van den Broeck, Vansteenkiste, & De Witte, 2008). Dans une étude portant sur la relation entre l’utilisation de la messagerie électronique et les échanges leader-membres, des auteurs proposent de mettre en lien la télépression et le sentiment de surcharge de travail (Dose, Desrumaux & Rekik, 2019). Ils expliquent en se référant à Bobillier-Chaumon et Dubois (2009), que le recours aux technologies de la communication a un impact négatif sur la charge cognitive (intensification), affective (inconfort émotionnel) et attentionnelle. Dans cette perspective, l’utilisation de TIC influencerait directement un vécu négatif de la connexion.

(27)

26

1.2.2.

L’

INJONCTION A LA CONNEXION PERMANENTE

La connexion est devenue une ressource indispensable pour le travail, elle permet en effet un accès direct et rapide aux informations. Elle permet également de pouvoir joindre ses collègues, sa hiérarchie et d’avoir accès à un réseau virtuel large (LinkedIn, Twitter, etc.). Cependant, pour les cadres, il existe une certaine injonction à se connecter ; une étude réalisée auprès de 613 cadres nous apprend ainsi que 70% d’entre eux considèrent « l’exigence de disponibilité permanente comme une norme prescrite par leur environnement professionnel » (Soubiale, 2016). De plus, des recherches montrent que toute déconnexion entraine au moins une justification de la part du salarié (Soubiale, 2016), la moitié des cadres expriment la peur de la désapprobation de leur entourage professionnel en cas de déconnexion, voire la crainte d’une sanction (Bobillier-Chaumon, 2012). Si une déconnexion entraine des conséquences si négatives, cela montre que la connexion continue s’est bien convertie en norme implicite, comme le souligne Jauréguiberry (2014).

Pourtant, la préoccupation des conséquences d’une telle pratique n’est pas nouvelle. Dès 1997, la CEE signalait qu’il fallait prêter attention aux conséquences d’une connexion permanente et la CFDT cadre a très tôt demandé une reconnaissance d’un véritable droit à la déconnexion afin d’éviter les « astreintes insidieuses3 » (Sauvajol-Rialland, 2014). En effet, si dans les professions où l’astreinte est

reconnue, tels que les médecins, le temps de travail est pris en compte dans le contrat, pour les cadres, souvent au forfait, la notion d’horaire n’existe pas. Ainsi, les salariés ayant l’opportunité de se connecter tout le temps, de subir une « astreinte numérique permanente » (ibid.), il devient difficile de définir un cadre pour réguler cette connexion. D’autant que cette opportunité peut « basculer dans l’injonction de rester en contact avec le travail » (Boudokhane-Lima & Felio, 2015).

1.2.2.1. La connexion : symbole d’engagement du cadre

Nous avons vu que les cadres étaient particulièrement touchés, du fait de cette absence d’horaires de travail définis, mais ce ne sont pas les seules raisons qui peuvent expliquer une connexion importante. La représentation du cadre dans l’imaginaire collectif français joue également un rôle, dont le dépassement des horaires de travail fait partie. En effet, Dietrich (2010, p144) souligne que

(28)

27

cela constitue « un signe distinctif des cadres, signal d’engagement professionnel et symbole d’allégeance à l’entreprise ».

Cette connexion hors horaires traditionnels, peut découler de motivations personnelles. Plusieurs auteurs ont considéré qu’il s’agissait pour les jeunes cadres de montrer leur investissement et leur détermination à réaliser leur travail (Boswell, Olson-Buchanan, Butts & Becker (2016). Les auteurs décrivent ainsi que certains salariés se connectent particulièrement en dehors des heures de travail afin de pouvoir progresser dans leurs carrières. Felio (2013) décrit ce phénomène en reprenant le verbatim d’un jeune cadre, George, qui espère faire valoir sa forte présence connectée auprès de sa hiérarchie : « mes supérieurs savent très bien que je fais ça. Enfin, j’espère que c’est donnant-donnant ». D’autres études mettent en lumière qu’il s’agit également pour les cadres seniors de montrer leur adaptation à ces nouveaux outils et de démontrer qu’ils ne subissent pas la connexion mais qu’ils font pleinement partie de ce système. (Felio, 2013, Créno & Cahour, 2016). Haroche (2004) remarquait que « la flexibilité des systèmes économiques contemporains impose l’immédiateté, l’instantanéité des relations mettent à l’écart l’éventualité de l’engagement dans le temps ». De façon plus générale, la mise en visibilité numérique sert à montrer une « hyper-adaptation » quand bien même elle serait fausse, comme l’évoque Hirigoyen (2008) : « pour être dans le coup, il faut feindre, avoir l’air battant, masquer sa fatigue ou son ras-le-bol ». Dans cette perspective, nous pouvons nous poser la question de la sincérité et de la pérennité de cet engagement.

Cette mise en visibilité de l’engagement est donc un élément poussant à se connecter car en accédant à ce statut de cadre, le salarié devient « contraint d’incarner une culture d’engagement permanent, dans un souci de productivité » (Félio, 2016).

En effet, le cadre, et les entreprises en général, sont soumis à cette contrainte de productivité dans un contexte économique de recherche de croissance sans limites. Aussi, le cadre devenant le symbole de l’engagement à l’entreprise, il se doit de devenir efficace, performant, réactif, résilient et accessible à l’image des TIC qu’il utilise. Ce phénomène est appelé « la prescription subjective du travail » dans la littérature (Bobillier-Chaumon, 2012, Bobillier-Chaumon & al., 2014).

Ainsi le cadre peut (et doit ?) se conformer aux attentes de connexion qui sont inhérentes à sa position. Les salariés interrogés à ce sujet ont répondu à 58% qu’ils adhéraient à cette pratique en raison de leur statut et de leur salaire (Soubiale, 2016). De plus, l’entreprise ne va pas forcément aller à l’encontre de ce « sur-engagement », qui peut être vu comme bénéfique en termes de productivité (bien que comportant des risques pour la santé du salarié). Dans une autre étude proposée à des DRH sur leur perception de l’hyperconnexion des cadres, les participants ont ainsi

(29)

28

expliqué cette hyperconnexion par un choix volontaire d’organisation personnelle et non par une injonction de la part de l’entreprise (Boudokhane-Lima, 2016).

1.2.2.2. La connexion : une façon de mettre en visibilité son travail

Comme nous l’évoquions précédemment, la connexion peut permettre de mettre en visibilité le travail effectué. En effet, l’introduction des TIC a modifié certaines règles du monde du travail : en permettant un travail à distance (point développé dans la partie suivante : impacts), le lieu d’exercice n’est plus un déterminant majeur de l’activité. Or, lorsque le travail est nomade, il n’est plus possible de rendre compte du travail fait, c’est pourquoi les salariés perçoivent la connexion comme un moyen de mettre en visibilité le travail réalisé via des indicateurs numériques mis en place par l’entreprise (reporting, progiciel de gestions intégré (PGI), agendas partagés) et des échanges médiatisés (en particulier le mail) qui accroissent la traçabilité de l’activité. Une part du travail actuel revient donc à montrer que l’on travaille (Bobillier-Chaumon, Sarnin & Cuvillier, 2015). Par ailleurs, cette mise en visibilité impose un travail préalable de sélection de ce qui va être montré ou non, cela amène une tension pour l’individu qui va « cacher » certains aspects de son activité (Andonova & Vacher, 2013).

Cette visibilité est décrite dans les recherches comme une condition nécessaire à la reconnaissance du travail :

- Elle permet d’être reconnu en tant qu’expert en s’exprimant sur les sujets qui concernent les salariés (Domenget, 2014) ;

- Elle permet une justification de son utilité auprès de sa hiérarchie et de ses collègues (Andonova & Vacher, 2013) ;

- D’un point de vue managérial, cela permettrait également d’asseoir son rôle d’encadrement et de montrer l’extension de sa disponibilité. (Félio, 2013).

La mise en visibilité du travail permet d’une part de justifier le travail effectué puisque l’activité n’est plus forcément réalisée sur un lieu dédié, mais également de montrer son engagement auprès de son entreprise et de ses collègues.

Ainsi, l’opportunité de connexion, bien qu’elle soit une formidable ressource, nécessite une régulation afin que chacun puisse trouver l’équilibre qui lui permettra au mieux de faire son travail et de préserver sa santé et sa sphère privée. En effet, nous ne pouvons affirmer que tous soient touchés au

Figure

Tableau 1: Besoins, technologies utilisées et caractéristiques (Jarrahi & Sawyer, 2013)
Tableau 3: Type de frontières et profils d'interactions des sphères de vie.
Tableau 5: Tentatives de régulations des emails par les entreprises.
Tableau 6: Différences enseignement classique et accompagnement de la pratique réflexive (Balas, 2013)
+7

Références

Documents relatifs

Après une école de théâtre à Nantes et des expériences auprès de différents metteurs en scène, il rencontre Monique Creteur avec qui il travaille pendant 10 ans pour

Binders specific for IgG have been isolated by ribosome display from Sac7d libraries using the human Fc region as a target.. A first study reported the sequences of several

Les pesticides émis dans l’atmosphère présentent un danger pour la santé humaine. Produits utilisé, date de traitement, GUS, DJA…. Module I phy air de la méthode

serum 25-hydroxyvitamin D concentrations in winter associated with forearm bone mineral density in healthy elderly Japanese women. Int J Vitam Nutr Res 71, 25

Ainsi, à l’intérieur d’un même forum de discussion ou plus globalement d’une même activité, Ies attentes, les habiletés et les connaissances des apprenants varieraient

Communiquez-n'lus vos réussites l!Ue nous publierons, non pas pom· l'imitation servile mais comme exemples dont s'inspir:eront d'autres claS!lel!I, Vous vous

Partenaires 2020 : ENSAI, INSA, Université Rennes 1, Centre Henri Lebesgue, IRMAR, ONISEP Bretagne, Académie de Rennes. Public : Lycéennes de 1ère, spécialité maths ou indécises

35 La même année 1607, un jésuite défend à Lyon, contre un calviniste, une représentation de tragédie sainte (André de Gaule, Conviction véritable du