• Aucun résultat trouvé

Partie I : revue de littérature

Chapitre 2 : Les incidences de l’usage des Technologies de la Communication et de la connexion numérique

2.3. La nécessité d’une prise de conscience du problème de surconnexion

2.3.2. La difficulté à exprimer ses émotions au travail

2.3.2.4. Comment aborder un sujet tabou en entreprise ?

Afin d’éviter d’aborder frontalement les émotions, la discussion pourrait partir de l’objet technique comme base de débat (Bobillier-Chaumon, 2013), si on ne s’axe pas sur les émotions liées à la connexion, il sera plus facile d’engager une discussion. Cahour (2006) suggère que ces émotions masquées peuvent être rendues visibles par un entretien mené par un chercheur, dans un « cadre de second degré15 ». Elle propose l’utilisation d’entretien d’explicitation (Vermersch, 1994) pour

approfondir un événement particulier susceptible d’avoir engendré des affects pré-réfléchis. Le chercheur, en utilisant des relances particulières et en resituant le salarié dans la situation évoquée va pouvoir investiguer les émotions, sensations et pensées survenus en lien à l’activité qui n’étaient pas forcément conscientisés par la personne. Dans un autre registre, le théâtre-forum peut permettre d’exprimer ses émotions sous couvert d’un rôle, la personne peut donc se sentir moins directement exposée, elle s’affranchit du jugement grâce au cadre qu’offre cette méthodologie. Ces deux méthodes permettraient d’avancer dans la mise en débat des émotions et ouvrirait à une discussion en collectif d’un problème qui reste souvent camouflé dans l’intimité du travailleur.

Le manque de régulation de la connexion semble évident mais la nécessité d’une déconnexion n’apparaît pas à tous. En effet, les conséquences d’une surconnexion sont importantes : burn-out,

14 Traduction personnelle

15 Le cadre de second degré est décrit comme un cadre où les acteurs se retrouvent qui n’est pas le cadre habituel de

56

débordement cognitif, surcharge, syndrome d’hyperactivité. Il semblerait également que ce ne soit pas tant les TC ou la connexion qui soient la cause d’une sensation de surconnexion mais bien les interactions et informations qu’elles portent (leur nature, leur fréquence, leur valeur…) et surtout les intrusions/effets de désorganisation sur l’activité qu’elles suscitent (dispersion, conflits de rôle, empêchement de l’activité, incapacité à la prise de recul…). Aussi lorsqu’une interaction est négative, il est bien plus difficile d’être connecté à cet objet en permanence. Et même si tous ne réagissent pas de la même façon face à cela, il semble important d’essayer d’amener une réflexion collective sur la régulation de la connexion.

57

Synthèse

Nous considérons les impacts de l’usage des technologies de la communication selon trois dimensions : la qualité de travail, la qualité de vie au travail et la qualité de vie hors travail. Nous avons vu dans la littérature que le travail connecté pouvait être effectué partout (télétravail, travail nomade) et à tout moment. Si cela permet aux salariés de gagner en flexibilité et en souplesse d’organisation, il peut y avoir des conséquences négatives. En premier lieu l’isolement du télétravailleur qui, coupé de son collectif, a moins d’interactions qu’auparavant. De plus, le fait de travailler à distance entraîne la nécessité de développer de nouvelles compétences pour basculer entre des modalités de communication et de management. Le deuxième aspect qui peut dégrader la qualité du travail est l’intensification liée aux TC doublée d’un sentiment d’urgence. Des auteurs pointent que ce rythme de travail, couplé à de fréquentes interruptions liées à des notifications, ne permet plus de prendre du recul par rapport au travail, et qu’à terme cela peut provoquer une perte de sens. De plus la frontière entre vie hors travail et vie de travail semble s’estomper. Cela peut avoir des avantages (effets positif des communications personnelles sur son lieu de travail) et des inconvénients (débordement subi de la vie de travail sur la vie personnelle). Des auteurs distinguent des profils en fonction de la perméabilité ou de la flexibilité de la frontière établie entre les sphères de vies, on retrouve ainsi 4 profils en fonction de la perméabilité des frontières ; une frontière fermée correspond à un profil de segmentation, une frontière flexible à des profils d’intégration, d’hybridation ou d’autonomie selon les auteurs, et enfin une frontière perméable engendre un débordement ou des interférences entre les sphères de vies.

Nous avons exploré ensuite les risques pour la santé que génèrent l’usage des TC et une surconnexion. En recoupant les facteurs de risques psychosociaux décrits dans plusieurs rapports et les différents impacts liés à l’usage des technologies, nous nous apercevons que chaque facteur est concerné par l’omniprésence des TIC. Ainsi, les rapports décrivent 6 facteurs de risques : l’intensité du travail (intensification, densification avec les TC), les exigences émotionnelles (infobésité, FOMO), le manque d’autonomie (technologies prescriptives, fragmentation, infobésité), la mauvaise qualité des rapports sociaux (isolement en télétravail, dégradation du collectif), la souffrance éthique (perte de sens) et l’insécurité de la situation de travail (disparition des emplois intermédiaires).

Enfin, nous avons vu que pour mettre en place une prévention sur la question de la connexion, il importe dans un premier temps de sortir du tabou autour de cette question. Plusieurs auteurs affirment en effet que les cadres ne sont pas une population qui exprime leurs émotions ou faiblesses et, lorsqu’ils le font, ne sont pas toujours pris au sérieux ou sont dénigrés dans leur identité de cadre. Aussi il s’agit dans un premier temps de trouver un moyen d’accéder aux ressentis des cadres au sujet de la connexion pour pouvoir ensuite provoquer une prise de conscience de ce problème de connexion.

58

Chapitre 3 : Réguler les pratiques de connexion en

Documents relatifs