HAL Id: tel-02982521
https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-02982521
Submitted on 28 Oct 2020HAL is a multi-disciplinary open access
archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.
du tourisme et sites européens du patrimoine mondial
(Laponia et Pyrénées-Mont Perdu)
Florence Revelin
To cite this version:
Florence Revelin. Montagnes à vivre, à voir et à préserver : dynamiques du tourisme et sites eu-ropéens du patrimoine mondial (Laponia et Pyrénées-Mont Perdu). Anthropologie sociale et ethnolo-gie. Muséum National d’Histoire Naturelle, 2013. Français. �tel-02982521�
MUSÉUM NATIONAL
D’HISTOIRE NATURELLE
Ecole Doctorale Sciences de la Nature et de l’Homme – ED 227
Année 2013
N°attribué par la bibliothèque
|_|_|_|_|_|_|_|_|_|_|_|_|
THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DU MUSEUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE
Spécialité : Anthropologie de l’environnement
Présentée et soutenue publiquement par
Florence Revelin
Le 23 septembre 2013
Montagnes à vivre, à voir et à préserver :
Dynamiques du tourisme et sites européens du Patrimoine mondial (Laponia et Pyrénées-Mont Perdu)
Sous la direction de : Madame Marie Roué, Directrice de Recherche
JURY :
Marie Roué Directrice de Recherche, CNRS, Muséum national d’histoire naturelle, Paris (075) Directrice de Thèse
Igor Babou Professeur, Université de la Réunion, Saint-Denis (974) Rapporteur
Yves Luginbühl Directeur de Recherche, CNRS, LADYSS, Paris (075) Rapporteur
Serge Bahuchet
Professeur, Muséum national d’histoire naturelle, Paris (075)
Examinateur Saskia Cousin Maîtresse de Conférences, Université Paris I – Panthéon Sorbonne, Paris (075) Examinatrice
R
EMERCIEMENTS
J’ai toujours eu plaisir à me souvenir des petites anecdotes qui font les grands tournants de la vie. Au printemps 2007, je terminais ma licence à l’Université de Dijon et décidais de m’orienter vers le Master en anthropologie de l’environnement du Muséum. Je me revois appréhender à composer le numéro de la personne à contacter pour les inscriptions, Madame Jeanne le Duchat d’Aubigny. Ce jour-‐là, j’ai bien fait de me faire violence : ce fut le début d’une grande aventure, dans laquelle s’inscrit cette thèse, et qui représente pour moi une période très intense de ma vie, émotionnellement, intellectuellement et humainement. Il me tient à cœur de débuter ce manuscrit en adressant ma reconnaissance à tous ceux qui y ont contribué.
Je tiens à remercier le Muséum national d’histoire naturelle, les membres de la commission d’attribution des contrats doctoraux de l’année 2009, l’UMR Eco-‐anthropologie et ethnobiologie et ma directrice de thèse, Marie Roué, pour avoir mis à ma disposition les moyens de réaliser cette thèse.
Marie Roué a d’abord dirigé mes travaux de Master I & II avant de diriger mon doctorat. Travailler à ses côtés m’a beaucoup appris et je souhaite lui adresser toute ma gratitude pour son accompagnement dans cette aventure intellectuelle. Je considère comme précieuse la chance d’avoir partagé son expérience de terrain chez les Samis et d’avoir bénéficié de sa confiance et de ses conseils au cours de cette entreprise.
J’adresse mes sincères remerciements aux spécialistes qui ont accepté d’évaluer mon travail. Merci à mes deux rapporteurs, Igor Babou et Yves Luginbühl, et à mes trois examinateurs, Serge Bahuchet, Saskia Cousin et Bernard Debarbieux de me faire bénéficier de leurs regards experts. Depuis plusieurs années, j’ai suivi le séminaire TRIP co-‐organisé par Saskia Cousin. Cet espace d’échange m’a offert une ouverture de grande valeur à l’étude anthropologique du tourisme. Je la remercie pour son accueil.
Je remercie très chaleureusement Jeanne, la dame du premier coup de fil -‐ et du dernier coup de pouce -‐ pour avoir été présente du début de mon Master jusqu’à la fin de ma thèse, autant pour partager les moments ensoleillés que pour me soutenir dans les houles tempétueuses. Je me souviens d’un après-‐midi sombre où elle m’a cité Mark Twain pour chasser des pensées anxiogènes : « ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait », citation certainement la plus appropriée selon moi à l’expérience d’une thèse. Jeanne maîtrise naturellement l’art de la maïeutique et je lui dois beaucoup de la production de ce travail. Des heures passées à discuter des belles choses de la vie en riant, à celles consacrées à traquer la moindre virgule mal placée, les anglicismes laids, les erreurs de syntaxe et les incohérences de plan ou de Power Points, son soutien a été une grande source d’apprentissage et d’enrichissement, et toujours dans la bonne humeur. Je l’en remercie du fond du cœur. Je remercie aussi Bernard d’avoir toléré avec patience l’intrusion de mes manuscrits dans les soirées, les week-‐ends et les vacances en famille et même parfois dans le lit. Un grand merci à Richard Dumez pour l’accompagnement et le soutien qu’il m’a offert tout au long de ma thèse et pour sa participation à mon comité de thèse. Richard souhaite s’associer à Jeanne
pour fonder le bien nommé cabinet « Le-‐Chat-‐du-‐Mèz -‐ coaching et gestion du stress ». En tant que bonne cliente, je ne saurais que les encourager dans ce projet.
Les longs mois passés sur le terrain m’ont enseigné beaucoup, et notamment combien ce qui compte pour moi dans une grande aventure, c’est tout autant l’expérience unique que ceux avec qui je la partage. Merci à tous mes compagnons doctorants et docteurs et en particulier à Aline, Alix, Cindy, Anne, Vanessa, Jonathan, Hélène, Marine, Nicolas, Alan, Pierre, Victor, Samuel, Fanny, Aurélie, Marie, Pauline, Sarah, Sandrine, Noëlie, Elise, Carole, Emeric et Jean-‐Tristan. Et bien sûr, merci à la « cellule-‐psy » des doctorants pour les petits coups de pouce et l’ambiance sympathique du jeudi midi. Une mention spéciale à mes colocs’ de bureau, Alix, Sandrine, Aurélie et Samuel ; j’ai eu la chance de partager avec vous bien plus que ce petit espace de travail « mysigt », que vous avez rendu à la fois convivial, stimulant et fort riche en échanges scientifiques et humains. Une autre mention toute particulière pour Aline, qui a été d’un soutien précieux en m’accueillant les derniers mois dans l’appartement le plus agréable de Paris, prenant soin de moi les dernières semaines comme une petite maman. Et enfin, une dernière mention spéciale pour mes relecteurs de l’extrême, présents contre vents et marées pour m’aider et pour m’encourager jusqu’au dernier carat : Alix, Aline, Vanessa, Cindy et Jonathan.
J’adresse toute ma gratitude à Serge Bahuchet pour son accueil dans le département et dans l’UMR, sa disponibilité et la grande qualité de ses conseils à tous égards. Je souhaite également remercier mes collègues de l’UMR Eco-‐anthropologie et ethnobiologie, à la fois l’équipe scientifique pour partager la richesse de leurs travaux, et particulièrement Vincent Battesti qui m’a fait bénéficier de ses conseils avisés dans le cadre de mon comité de thèse, et le personnel administratif, Florence, Farida et Taouès, qui mettent la meilleure volonté à faciliter les démarches pour les missions de terrain.
Sans terrains, cette thèse ne serait pas. Je suis profondément reconnaissante à tous ceux qui m’ont accueillie, en Suède et dans les Pyrénées, pour m’accompagner et m’aider dans ce projet, partager leur temps et leurs expériences et répondre à mes questions. En Suède, je souhaite particulièrement remercier la famille Junkka, qui, lors de ma toute première mission, m’a offert l’hospitalité un soir de tempête alors que je dormais sous ma tente, et m’a dès lors assurée de tout son soutien et de son amitié, m’ouvrant aussi de nombreuses portes sur le terrain. Je suis également redevable aux offices de tourisme de Gällivare et Jokkmokk qui ont accueilli très favorablement ma démarche de recherche et m’ont aidée à établir des contacts pour mes enquêtes de terrain. Dans les Pyrénées, terrain nouveau pour notre équipe, j’ai bénéficié d’une aide précieuse de la part de l’office de tourisme de Gavarnie-‐Gèdre et de son directeur, Lionel Mata, accompagnée d’un accueil chaleureux par les employées. Ils m’ont offert un espace de travail et ouvert de nombreuses portes pour mener à bien mes missions de terrain alors que les contraintes de temps et de logistique n’étaient pas forcément favorables. Je remercie également Olivier et Fabienne du Gypaète, qui au-‐delà de leur sympathie, m’ont aidée dans mes enquêtes, à la fois en étant eux-‐mêmes des informateurs précieux mais aussi en me facilitant l’accès à de nombreux interlocuteurs.
J’ai eu la chance de séjourner à deux reprises comme doctorante invitée au département de recherches en Tourisme de la Mittuniversitetet, à Östersund (en Suède), où j’ai bénéficié d’un accueil hors pair et d’un environnement de travail idéal pour m’immerger dans une approche interdisciplinaire du tourisme, m’initiant notamment à de nombreux travaux de géographie. Je remercie en particulier Robert Pettersson, membre de mon comité de thèse, qui m’a soutenue
durant ma thèse et a partagé avec moi son expérience du terrain, tout en m’offrant les meilleures conditions pour faire de ces séjours académiques en Suède une expérience très riche.
Je remercie la Société des Amis du Musée de l’Homme de m’avoir attribué le prix Leroi Gourhan pour mon travail. Cette reconnaissance représente pour moi un encouragement de grande valeur, d’autant plus précieux qu’il est intervenu durant la longue épreuve d’endurance que constitue la rédaction.
Enfin, last but not least comme le disent si justement les Anglais, je tiens à remercier le plus chaleureusement mes proches qui, durant toute l’aventure, m’ont rappelé qu’il existe une vie en dehors de la thèse, tout en étant d’un soutien inconditionnel pour m’aider à mener ce projet. Mathieu, qui a subi dans la plus grande patience ces années de distance tout en m’entourant de son soutien et de son amour quotidien. Ma famille, Papa, Maman, Benoit, Nicolas, Thomas et Vincent, et mes deux nièces Zoé et Ninon. Une pensée émue pour ma grand-‐mère à qui je n’ai pas eu le temps de dire au revoir pour avoir été sur le terrain lorsqu’elle nous a quittés. Et enfin mes amis de longue date, la clique du lycée, Juliette, Alicia, William, Nico, mais aussi Yannick, Marine, Audrey et Yoann, qui ont toujours su trouver les bons mots pour m’encourager.
N
OTE AU LECTEUR
A PROPOS DES CITATIONS
Les langues utilisées pour les entretiens
Les entretiens, formels et informels ont été réalisés en trois langues, selon les terrains : l’anglais, le français et le suédois.
En Suède, l’anglais a été majoritairement utilisé pour les enquêtes de terrain. Les Suédois ont en général une très bonne maîtrise de l’anglais comme seconde langue. Pour les Samis, l’anglais est souvent la troisième langue : ils parlent d’abord sami et suédois, puis anglais. J’ai appris le suédois dès 2009 afin de favoriser mon immersion sur le terrain. Me familiariser avec cette langue m’a permis de mieux comprendre les subtilités du terrain, d’affiner mes observations, d’accéder aux discours informels, d’interroger des Suédois ou des Samis non anglophones et de lire, au moins sommairement, le suédois (ce qui donne accès à la fois à la littérature grise et à certaines productions scientifiques en suédois).
J’ai interviewé la majorité des touristes en anglais, quelle que soit leur nationalité, sauf les francophones désireux de s’exprimer en français. Quelques touristes allemands ont été interrogés en suédois. Précisons ici qu’il existe une forte tradition de tourisme allemand en Suède, et certains touristes qui voyagent en Suède depuis des années maitrisaient mieux le suédois que l’anglais ; il existe notamment en Allemagne des clubs pour apprendre le Suédois et qui organisent annuellement des voyages en Suède.
En France, le français a été la principale langue utilisée pour les enquêtes. Le terrain pyrénéen représente une part moins conséquente de ce travail de recherche que le terrain lapon. Cela explique mon choix de ne pas apprendre une langue supplémentaire, l’espagnol, malgré la proximité du terrain avec l’Espagne et l’affluence de touristes hispanophones sur le versant français des Pyrénées. Pour quelques entretiens cependant où la langue constituait une réelle barrière, j’ai sollicité l’aide d’un traducteur. L’anglais a également été utilisé pour interviewer les informateurs anglophones (principalement des touristes).
Les transcriptions des entretiens ont été réalisées dans les langues utilisées lors des enquêtes et j’ai choisi de conserver ces transcriptions d’origine (sans corriger les fautes – sauf si elles nuisent particulièrement à la compréhension) pour les extraits cités dans cette thèse. Pour le français, ce choix est évident. Pour l’anglais, privilégier les extraits originaux à leurs traductions permet de mieux restituer la richesse des données, même si cela complique par ailleurs la lecture du texte. Le suédois est systématiquement traduit vers le français et l’extrait d’origine est indiqué en note de bas de page.
L’anglais, en particulier, constitue une seconde langue pour mes interlocuteurs et pour moi-‐même, ce qui peut parfois être une limite à l’expression des idées ou au contenu du discours en comparaison à l’utilisation naturelle de la langue maternelle ; notamment lorsque qu’il s’agit de mobiliser un vocabulaire très spécifique, relatif par exemple à l’expression des émotions et des sentiments – dans certains cas d’ailleurs, le vocabulaire de la langue maternelle vient compléter le
propos pour préciser l’idée. Substituer ces extraits originaux par leur traduction française aurait donc risqué d’appauvrir les données.
Les informateurs
Tout travail anthropologique pose inévitablement la question délicate de l’anonymisation ou non des extraits cités. Dans cette thèse, j’ai choisi de mentionner mes interlocuteurs par leur prénom (lorsque connu), suivi de l’initiale de leur nom. Dans ce cas, cela signifie que leur consentement m’a été donné d’associer leur nom à leur témoignage. Lorsque ce n’est pas le cas, je ne mentionne alors qu’une initiale.
Les extraits d’ouvrages
Dans le souci d’harmoniser le texte, j’ai retenu pour les citations d’ouvrages la même logique que celle adoptée pour les extraits d’entretien. Les textes français sont cités en français, l’anglais en anglais, et le suédois est traduit vers le français, avec une mention en note de bas de page de la citation d’origine.
A PROPOS DES ILLUSTRARTIONS
Les photographies
La plupart des photographies sont celles de l’auteure. Par soucis d’anonymat, les photographies sélectionnées pour illustrer la thèse évitent volontairement de présenter des personnes reconnaissables aisément.
A PROPOS DE L’USAGE DU TERME « SAMI »
La neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie française préconise d’utiliser l’orthographe qui suit : « sami », pour désigner le peuple sami (ou lapon). J’ai choisi de retenir cette orthographe pour l’usage du terme dans cette thèse. Selon ce dictionnaire, on utilise une majuscule pour les personnes : un Sami, une Samie, des Samis, des Samies. On n’utilise pas de majuscule aux adjectifs et au nom de la langue : « Les Samis vivent dans des tentes samies et parlent le sami ».
L
ISTE DES ACRONYMES
,
SIGLES
&
ABREVIATIONS
BLT Badjelanta Laponia Turism
CAF Club alpin français
GR 10 Chemin de Grande Randonnée (traversant les Pyrénées d’ouest en est) HRP Haute route pyrénéenne
ICOMOS Conseil international des monuments et des sites LKAB Luossuavaara Kirunavaara Aktiebolaget
MPPM Mont-‐Perdu-‐Patrimoine-‐mondial OMT Organisation mondiale du tourisme STF Svenska Turistföreningen
TCF Touring club de France
TRIP Tourisme, recherches, institutions, pratiques
UICN Union international pour la conservation de la nature
UNESCO Organisation de Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. WTO World Tourism Orgasition
S
OMMAIRE
Remerciements ... III
Note au lecteur ... VII
Liste des acronymes, sigles & abréviations ... IX
Sommaire ... XI
Introduction et contexte de l’étude ... 1
1.
Tourisme et sites naturels et culturels du Patrimoine mondial ... 1
2.
Une démarche qualitative et holistique ancrée dans l’anthropologie ... 17
3.
Enquêtes ethnographiques : méthodes et corpus de données ... 24
4.
Organisation de la thèse ... 43
PARTIE I. L’Invention du Tourisme et de ses Sites ... 45
Des origines occidentales du tourisme à sa critique sociale ... 47
Chapitre 1 1.
Une pratique distinctive ... 47
2.
Une construction sociale du regard du touriste ... 49
3.
Une démocratisation massive ... 51
4.
Vices et vertus ... 53
5.
Des critiques sociales et scientifiques ... 61
Conclusion ... 65
Tourisme, nature et bons usages ... 67
Chapitre 2 1.
Des impacts environnementaux du tourisme à la dialectique environnement -‐ tourisme .... 67
2.
La nature comme dimension sine qua non – la conservation comme objectif ... 69
3.
L’écotourisme : un archétype des formes alternatives de tourisme ? ... 73
4.
Le tourisme de nature comme une catégorie englobante ... 81
Conclusion ... 83
PARTIE II. LE TOURISME REVELATEUR DU RAPPORT DEVELOPPEMENT-‐CONSERVATION ... 85
Genèse du tourisme dans les montagnes lapones suédoises et dans les Pyrénées Chapitre 3 françaises ... 87
1.
L’histoire du tourisme comme témoin de la valeur du patrimoine ... 87
2.
Des expéditions naturalistes à la contemplation des paysages ... 91
3.
Le rôle des clubs montagnards et des sociétés savantes dans la diffusion des pratiques touristiques ... 111
4.
Deux spécificités suédoises essentielles pour comprendre les traditions touristiques : le
friluftsliv et l’allemansrätt ... 122
Conclusion ... 126
Le Pays Toy entre agro-‐pastoralisme, tourisme, hydroélectricité et conservation de la Chapitre 4 nature ... 129
1.
Le pays Toy ... 129
2.
Ouverture du Pays Toy et développement du tourisme ... 136
3.
« Gavarnie, le nom » : histoire d’une mémoire collective ... 141
4.
La communauté de communes Gavarnie-‐Gèdre , « la poule aux œufs d’or » ... 152
5.
Conservation de la nature, protection des paysages et tourisme ... 158
Conclusion ... 169
Tourisme, conservation de la nature et extraction en terres samies ... 171
Chapitre 5 1.
Les Samis éleveurs de rennes ... 171
2.
L’industrialisation du nord de la Suède à partir du XIXe siècle : des activités extractives à la conservation de la nature ... 180
3.
Les enjeux du développement du nord vus par les Samis ... 191
Conclusion ... 197
PARTIE III. LES ENJEUX TOURISTIQUES D’UNE LABELLISATION « SITE NATUREL ET CULTUREL
DU PATRIMOINE MONDIAL » ... 199
Introduction ... 199
1.
Deux sites mixtes du Patrimoine mondial de l’Unesco ... 199
2.
Processus de candidature et conditions du classement ... 200
3.
Critères retenus pour les deux sites étudiés ... 201
Pyrénées-‐Mont Perdu : des conflits paralysants ... 205
Chapitre 6 1.
L’éloquence de la méfiance ... 205
2.
Un projet né de la sensibilité paysagère d’intellectuels ... 207
3.
Une inscription aux conditions tacites ... 215
4.
Le conflit autour du festival de Gavarnie : vision intellectuelle versus réalités touristiques locales ? ... 222
5.
Des visions équivoques du lien entre site du Patrimoine mondial et tourisme ... 236
Conclusion ... 239
Laponia -‐ du paysage naturel suédois au paysage culturel sami, une labellisation Chapitre 7 combinant des visions opposées ... 241
1.
Genèse d’un projet controversé ... 241
2.
Cadre de vie ordinaire ou paysages remarquables à promouvoir? ... 245
3.
Les évolutions récentes : replacer le paysage culturel sami au cœur de la gestion de Laponia 262
Conclusion ... 275
Conclusion de la partie III ... 277
PARTIE IV. VIVRE DU TOURISME ET VIVRE AVEC LE TOURISME DANS DES SITES CLASSÉS 281
Introduction ... 281Se représenter le tourisme ... 285
Chapitre 8 1.
De l’opportunisme à l’organisation du tourisme dans les villages pyrénéens ... 285
2.
Du tourisme de nature dans les montagnes protégées de Laponia au tourisme culturel dans les villes : une organisation polarisée ... 296
Conclusion ... 305
Promouvoir et organiser le tourisme. Stratégies et pratiques dans le site Laponia .. 307
Chapitre 9 1.
Représenter une destination de tourisme : images, enjeux et stratégies de promotion .... 307
2.
Accueillir les touristes dans la montagne : stratégies, pratiques et représentations contrastées ... 339
Conclusion ... 384
Combiner agro-‐pastoralisme et tourisme ... 387
Chapitre 10 1.
Mobiliser la rencontre avec les touristes comme une arène ouverte sur le monde ... 387
2.
Les dilemmes d’une économie secondaire pour les Samis ... 395
3.
La pluriactivité au cœur de la vie montagnarde des Pyrénées ... 403
Conclusion ... 409
Conclusion Générale ... 413
Liste des Cartes ... 423
Liste des Photos ... 425
Liste des Figures ... 431
Liste des Tableaux ... 435
Bibliographie ... 437
I
NTRODUCTION ET CONTEXTE DE L
’
ETUDE
1. Tourisme et sites naturels et culturels du Patrimoine mondial
Juin 2008. Le sol est encore gorgé d’eau après le dégel et les pluies du printemps mais je trouve un endroit confortable, tapissé d’arbustes nains typiques de la toundra, pour installer ma tente. C’est la première fois que je me rends en Laponie, au nord de la Suède. Je viens d’arriver à Saltoluokta, une petite station touristique des montagnes lapones. Je débute une recherche de terrain sur le thème du tourisme dans un site du Patrimoine mondial, classé sur la base de critères mixtes, c'est-‐à-‐dire naturels et culturels. Je suis alors étudiante en Master et ce premier terrain dans le site Laponia est relativement court (deux mois) et prospectif, pour contribuer au projet de recherche dirigé par Marie Roué, « Paysages culturels et naturels : changements et conservation », réalisé dans le cadre du programme « Paysages et développement durable » et financé par ministère de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie.
Photo 1. Station touristique de Saltoluokta en Laponie suédoise, le 26 juin 2008. Photo : F. Revelin.
L’objectif initial de ce travail est d’étudier les dynamiques combinées de la protection et de la valorisation de paysages naturels et culturels dans le cadre de leur mise en tourisme, en explorant notamment les différents usages et représentations des paysages par les acteurs qui les investissent. Je m’intéresse alors à la place du label « Patrimoine mondial » dans la réalité touristique du site : à quoi renvoient sur le terrain les valeurs portées par ce classement pour les différents usagers de ces paysages? Comment ce label est-‐il promu localement ?
Ma première mission de terrain aboutit au constat suivant : en 2008, douze ans après son classement1, le site Laponia, en tant que Patrimoine mondial de l’Unesco, est très peu promu (dans
l’enceinte du périmètre classé et à ses abords) et les touristes ignorent largement que ce statut est associé à leur destination. Mes enquêtes auprès des touristes montrent parallèlement que leurs motivations, leurs pratiques et leurs représentations de cette région reposent principalement sur la dimension naturelle des paysages, c’est-‐à-‐dire sur les qualités d’une nature perçue comme sauvage et associées à l’idée de wilderness (Revelin, 2009 ; Revelin & Roué, 2012). Une vision qui occulte la dimension culturelle valorisée dans la double reconnaissance par l’Unesco. En enquêtant auprès des acteurs locaux du tourisme, je comprends par ailleurs que si ce classement est peu valorisé, laissant quasiment dans l’oubli son potentiel de publicisation d’un point de vue touristique, c’est en partie parce que des négociations difficiles se jouent alors autour de la gouvernance du site et de la légitimité des Samis -‐ peuple autochtone vivant dans cette région septentrionale d’Europe -‐ à participer à sa gestion. L’intérêt des Samis se situe à un niveau plus politique et le tourisme, en tant qu’usage de leurs terres ancestrales, coexistant avec leurs activités traditionnelles (l’élevage de rennes, la chasse, la cueillette et la pêche), n’apparaît pas, à ce moment-‐ là, comme une question prioritaire dans les débats qui touchent à la future gestion du site – mais elle est néanmoins abordée. Pour d’autres interlocuteurs au contraire, et notamment pour les autorités suédoises, la question du tourisme est essentielle et l’évocation du Patrimoine mondial ressort en partie à travers l’idée d’un label positif pour le développement du tourisme, tel que cela est remarqué dans le cas de bien d’autres sites (Prud’homme, 2008). En effet, si la vocation initiale de la
Convention du patrimoine mondial (1972) est avant tout liée à la sauvegarde du patrimoine reconnu
pour sa « valeur universelle exceptionnelle » (Convention du patrimoine mondial de l’Unesco, 1972), le rapport entre site classé et tourisme est aujourd’hui largement admis.
Etudier ce nexus tourisme/Patrimoine mondial2 fait l’objet d’un intérêt croissant au sein de la communauté scientifique (Gravari Barbas et al., 2012, Di Giovine, 2008 ; Hall & Piggin, 2001). Plusieurs évolutions sont clairement identifiées comme responsables d’un tel rapprochement. Gravari Barbas et al. (2012 : 1-‐2) en retiennent quatre principales : d’abord le succès de la Convention
du patrimoine mondial, convention internationale comptant parmi les plus ratifiées au monde, qui
incite les Etats à produire de plus en plus de sites ; deuxièmement la fascination pour les sites du Patrimoine mondial comme une reconnaissance de haut rang, au-‐delà des patrimoines nationaux ou
1 Le site Laponia est classé sur la Liste du Patrimoine mondial en 1996.
2 Je nomme ici nexus l’ensemble des liens complexes qui relient les concepts de tourisme et de patrimoine mondial. L’idée
de nexus fait autant référence à l’ensemble des connexions existantes qu’à la nature de ces connections (Davidov & Büscher, 2013).
locaux ; troisièmement la perception romantique de la finitude d’un monde qui disparaît ; et enfin, la croissance des mobilités internationales qui favorise le phénomène touristique valorisant la visite des hauts lieux, parmi lesquels ces auteurs soulignent que les « sites du Patrimoine mondial occupent sans doute des sommets » (op.cit.).
1.1. Etudier le rapport tourisme -‐ Patrimoine mondial d’un point de vue local
Il n’est cependant pas évident d’aborder frontalement le rapport entre tourisme et sites du Patrimoine mondial, compte tenu de ses ambigüités et du caractère complexe des deux objets. Cependant, la labellisation Unesco crée des situations intéressantes à étudier et mes enquêtes prospectives dans le site Laponia (Revelin, 2009) m’ont amenée à poser la question suivante : comment les enjeux touristiques mettent-‐ils les acteurs locaux en mouvement autour de l’inscription de leur environnement comme un site du Patrimoine mondial ?
Cette labellisation de rang mondial crée un cadre dans lequel s’affirment les valeurs de certaines propriétés d’un environnement naturel et de pratiques anthropiques qui lui sont associées (pour les biens mixtes -‐ naturels et culturels -‐ comme c’est le cas de Laponia), faisant patrimoine au sens défini par les critères de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972. Ce qui a retenu mon attention à l’issue de mon premier terrain est que l’on décide à la fois dans ce cadre de conserver un lieu pour sa valeur patrimoniale, et de le développer en bénéficiant de la mise en lumière obtenue grâce à ce classement de niveau mondial. Cette thèse s’attache à étudier de manière plus approfondie ces dynamiques. Comment cette force symbolique du label est-‐elle perçue, interprétée et mobilisée par les acteurs locaux face aux enjeux du développement de leur région et en particulier les enjeux liés au tourisme ?
Dans le cas de Laponia, la justification de l’inscription fournie par le Centre du patrimoine mondial en 1996 illustre le premier niveau que je viens d’évoquer, c'est-‐à-‐dire l’identification des valeurs patrimoniales d’un site, au sens des conceptions de l’Unesco reposant sur l’idée d’une « valeur universelle exceptionnelle » :
« Le Comité a considéré que le site possédait une valeur universelle exceptionnelle car il contient des
exemples de processus géologiques, biologiques et écologiques en cours, une grande variété de
phénomènes naturels d'une beauté exceptionnelle et une importante diversité biologique comprenant
notamment une population d'ours bruns et une flore alpine. Il a été noté que le site remplissait toutes
les conditions d'intégrité. Le site a été occupé de manière continue par la population samie depuis la
préhistoire, et est l'un des derniers exemples, et incontestablement le plus vaste et le mieux préservé,
de zone de transhumance faisant intervenir le pâturage de grands troupeaux de rennes, pratique jadis
très répandue et remontant à un stade très ancien du développement économique et social de la société
humaine. Le Comité a souligné l'importance de l'interaction entre l'homme et l'environnement
naturel ». (La Liste du patrimoine Mondial, site officiel du Centre du patrimoine
Sans entrer ici dans le détail du long processus et des négociations qui ont abouti à ce classement, on remarque que sont mis en exergue la conservation d’un environnement naturel exceptionnel, reconnu pour ses valeurs écologiques et esthétiques, et l’héritage culturel de pratiques pastorales intrinsèquement liées à cet environnement, dont la continuité historique est attestée par des preuves archéologiques. Environ quinze ans après ce classement, il apparait intéressant d’étudier le processus dynamique dans lequel s’inscrit cet événement : il s’agit de comprendre comment ce processus engage les sociétés locales à expliciter leurs positions, et même à identifier des portes paroles vis-‐à-‐vis des enjeux et des visions charriés par le classement, et plus particulièrement des enjeux de gestion du site devenu une entité en soi. Cette thèse aborde ces questions à travers le prisme du tourisme.
Pour étudier les rapports entre Patrimoine mondial et tourisme, certains auteurs focalisent leur analyse sur l’expérience touristique du Patrimoine mondial -‐ les travaux de Michael Di Givione (2008) apportent de ce point de vue une contribution majeure. Je propose ici de me placer dans une approche plus endogène en m’intéressant de plus près aux expériences des sociétés locales et des acteurs impliqués dans la gestion d’un site, pour comprendre comment s’articule, de leurs points de vue et à travers leurs propres vécus, cette dialectique entre Patrimoine mondial et tourisme.
1.2. Une approche comparative : Laponia et Pyrénées-‐Mont Perdu
« On n’explique qu’en comparant ». (Durkheim, Le Suicide, 1897 : 1)
L’approche comparative présente l’intérêt de discerner avec plus d’acuité les singularités et les universaux émergeant de situations qui présentent a priori des caractères communs (Remaud et al., 2012). C’est pourquoi cette thèse a opté pour la comparaison de deux sites.
Le comparatisme imprègne largement la posture de recherche en sciences sociales, particulièrement en anthropologie, et intervient diversement dans la démarche des chercheurs (Vigour, 2005 ; Verdalle (de) et al., 2012). Il est souvent envisagé comme une posture latente, que Jean Pierre Olivier de Sardan (2008) nomme « le comparatisme distrait », qui renvoie à l’idée de comparaisons routinières émanant d’un vaste fond d’érudition ou d’expériences propres à chaque chercheur, qui lui sert à penser la spécificité de ce qu’il étudie. Il s’agit également, résument Olivier Remaud et al. (2012) de la « tâche réflexive » propre aux sciences humaines et sociales. Mais comparer peut aussi renvoyer à une posture plus volontaire, théorisée par Olivier de Sardan (2008) comme « le comparatisme raisonné », qui correspond à une démarche délibérée, préméditée et systématique. Ces deux niveaux font écho aux conclusions de l’ouvrage de Cécile Vigour sur La comparaison dans
envisagée d’une part comme une posture générale, c'est-‐à-‐dire une manière de regarder les objets des sciences humaines et sociales, et d’autre part comme une méthodologie qui va offrir des outils pour la production des données et leur analyse. Je me suis placée ici dans cette dernière perspective, en décidant, à l’aube de mon projet de thèse, de comparer deux sites possédant a priori certains traits communs et en envisageant leur comparaison comme un pivot de la politique du terrain. La réflexion que je propose de mener s’inscrit par conséquent dans le cadre d’un « comparatisme interne » (Olivier de Sardan, 2008), c'est-‐à-‐dire dans une démarche qui influence à la base le choix des observations, des entretiens et des cas, par opposition à l’idée de « comparatisme externe » (ibid.) où la mise en relation des différentes monographies se ferait a posteriori .
1.2.1. Un statut commun
Le choix des deux sites, Laponia et Pyrénées Mont Perdu, résulte d’une réflexion sur des unités de comparaison possédant un caractère commun marquant face aux questionnements de cette recherche : ils sont tous deux l’objet de dynamiques combinées de conservation et de valorisation de leur patrimoine naturel et culturel, et sont classés comme sites du Patrimoine mondial dans la même catégorie, celle des biens mixtes. Sur les 962 biens listés au total depuis l’entrée en vigueur de la
Convention du le patrimoine mondial en 1975 consécutive à son adoption en 19723, 745 le sont dans
la catégorie des biens culturels, 188 dans celle des biens naturels, et seulement 29 sont des biens mixtes, renvoyant à une juxtaposition de lieux ou monuments à la fois culturels et naturels.
Nombres de biens inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial de
l’UNESCO en 2013 Total
Catégorie des biens mixtes 29
962
Catégorie des biens naturels 188
Catégorie des biens culturels 745
Tableau 1. Tableau récapitulatif des biens classés sur la Liste du patrimoine mondial en 2013.
La catégorie « biens mixtes » est le fruit de l’intégration progressive par le Centre du patrimoine mondial de l’Unesco des sensibilités patrimoniales des sociétés, et des évolutions des représentations de l’histoire universelle où l’idée de nature vierge s’estompe progressivement au profit d’une vision plus contrastée qui intègre davantage les relations nature-‐sociétés. Cette
3 Le nombre de biens listés correspond à l’année 2013. Chronologiquement, il faut noter que les toutes premières initiatives
de préservation du Patrimoine mondial préexistent à la Convention de 1972. Le premier projet de sauvegarde de patrimoine en péril par l’Unesco remonte en effet aux années 1960 et concerne les temples d’Abou Simbel en Egypte, menacés par le grand projet de barrage hydroélectrique sur le Nil. La Convention concernant la Protection du Patrimoine mondial naturel et culturel est donc adoptée près d’une décennie plus tard, en 1972, et entre en vigueur en 1975 après que les vingt premiers Etats Parties l’aient ratifiée. Le Centre du Patrimoine mondial est son organe de gestion opérationnel et ses bureaux sont basés à Paris.
évolution aboutit d’ailleurs à la création de la catégorie de « paysages culturels » en 1992, pour désigner « les œuvres combinées de l’homme et de la nature [qui] expriment une longue et intime relation des peuples avec leur environnement» (site du Centre du patrimoine mondial, 2012). S’en différencie cependant la catégorie des biens mixtes, qui lui préexiste, en ce qu’elle définit des ensembles qui ne sont pas uniquement le fruit d’une co-‐évolution entre un substrat naturel et un groupe social, mais peuvent être des ensembles plus hétérogènes où une partie du territoire est reconnue pour ses caractéristiques culturelles tandis qu’une autre l’est pour ses caractéristiques naturelles. Laponia et Pyrénées-‐Mont Perdu relèvent donc tous deux de cette catégorie mixte, et Pyrénées-‐Mont Perdu présente les particularités d’appartenir également à la catégorie des paysages culturels et d’être un site transfrontalier entre la France et l’Espagne. Sa labellisation par l’Unesco réunifie les deux versants du massif -‐ scindés par une frontière internationale -‐ en asseyant la justification de la valeur universelle exceptionnelle du site sur leur complémentarité, tant d’un point de vue naturel que culturel :
« Ce paysage de montagne exceptionnel, qui rayonne des deux côtés des frontières nationales actuelles
de France et d'Espagne, est centré sur le pic du Mont-Perdu, massif calcaire qui culmine à 3 352 m.
Le site, d'une superficie totale de 30 639 ha, comprend deux des canyons les plus grands et les plus
profonds d'Europe sur le versant sud, du côté espagnol, et trois cirques importants sur le versant
nord, plus abrupt, du côté français – formes géologiques terrestres classiques. Ce site est également un
paysage pastoral qui reflète un mode de vie agricole autrefois répandu dans les régions montagneuses
d'Europe. Il est resté inchangé au XX
esiècle en ce seul endroit des Pyrénées, et présente des
témoignages inestimables sur la société européenne d'autrefois à travers son paysage de villages, de
fermes, de champs, de hauts pâturages et de routes de montagne ». (Description brève du site
PMP, Centre du patrimoine mondial, 2012)
Cela dit, dans les deux cas, la dimension naturelle du patrimoine apparaît de manière plus évidente que la dimension culturelle, car elle est très largement mise en exergue, comme en témoignent les deux brochures touristiques ci-‐dessous -‐ les seules diffusant l’information à propos de ces deux sites dans les structures d’accueil touristiques des deux terrains. Les images sélectionnées, comme on le voit sur la figure 1 ci-‐contre, sont des paysages naturels emblématiques. Pour le site Laponia, il s’agit de la vallée de Rapa, située dans le parc national de Sarek, l’un des Parcs nationaux que recouvre le site. Pour le site Pyrénées-‐Mont Perdu, sont figurés à gauche le canyon d’Ordesa, situé sur le versant espagnol du site (Parc national d’Ordesa et du Mont Perdu), et à droite, la cascade du cirque de Gavarnie (Parc national des Pyrénées, sur le versant français).
Figure 1.Les deux brochures touristiques donnant les informations de base sur les sites du Patrimoine mondial de Laponia (à gauche)
et de Pyrénées Mont-‐Perdu (à droite), distribuées dans les offices de tourisme sur les deux sites et dans les « Maisons du Parc national des Pyrénées4 » pour le second site.
C’est de la structure des sites même que naît cette première lecture centrée sur leur dimension naturelle, puisque contrairement au classement très localisé d’un monument par exemple, il s’agit ici de grandes étendues de nature. Mais ce sont surtout leurs statuts antérieurs d’aires naturelles protégées qui corroborent cette apparence : la quasi totalité des territoires classés recouvre le périmètre de Parcs nationaux et de réserves naturelles préexistant aux sites Unesco. Laponia compte en effet quatre Parcs nationaux, dont deux parmi les plus anciens d’Europe, et deux réserves naturelles. Pyrénées-‐Mont Perdu couvre partiellement deux Parcs nationaux (mis au premier plan sur la brochure ci-‐dessus) et une réserve naturelle. Attestant de l’emprise des politiques de conservation de la nature sur ces régions, ces entités sont également garantes de la protection du patrimoine naturel des sites reconnus par l’Unesco. Cette dernière institution ne dispose en effet d’aucun outil opérationnel sur le terrain pour organiser la gestion des sites, mais contrôle simplement leurs
4 Les Maisons du Parcs national des Pyrénées sont des structures d’accueil destinées aux visiteurs et situées aux abords du
Parc national qui couvre le versant français de Pyrénées Mont Perdu. Elles ont une mission informative et pédagogique à destination du public et présentent le parc, ses activités, et les statuts de protection des espèces naturelles présentes dans l’enceinte du parc à travers des mini-‐expositions.