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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Risques de la diffusion des connaissances de médecine et de santé publique vers le public non spécialisé

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Academic year: 2021

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RISQUES DE LA DIFFUSION DES CONNAISSANCES

DE MÉDECINE ET DE SANTÉ PUBLIQUE

VERS LE PUBLIC NON SPÉCIALISÉ

André KIRN

A.N.R.S., Fac. Médecine, Strasbourg

MOTS-CLÉS: COMMUNICATION -

RISQUES-RECHERCHE BIOLOGIQUE ET MÉDICALE

RÉSUMÉ: La diffusion des connaissances dans le domaine de biologie et de médecine est aujourd'hui une nécessité. La surinformationàlaquelle sont soumis les citoyens dans le domaine biologique et médical présente un certain nombre de risques, soit par la diffusion d'informations erronnées, soit par la mauvaise interprétation des données. Différentes dispositions peuvent être prises pour corriger ces biais, telles la formation des chercheurs

à

la communication vers le grand public, l'éducation de ce publicàrecevoir cette information et une action sur les médias.

SUMMARY : Divulging information in the fields of biology and medicine is essential in this day and age. Over-information of the public in these areas is, however, somewhat risky, either on account of erroneous or in complete information, or because of a wrong interpretation of the facts. Different measures can be taken to counter this state of affairs such as training research workers to communicate with the general public, educating the public to better apprehend the faets and eneouraging the media to aet with more diseemment.

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1. INTRODUCTION

La diffusion de connaissances de médecine ou de santé publique vers la société constitue une revendication légitime des citoyens. Elle n'est cependant pas dénuée de risques comme divers exemples récents l'ont montré:

- espoirs irraisonnés de guérison après l'annonce de la mise au point imminente d'un nouveau médicament,

- panique qui s'est emparée de la population après les révélations sur la crise de la "vache folle", - spéculations hystériques sur d'éventuelles applicationsàl'homme après l'annonce du clonage réussi de Dolly.

Au cours de cet exposé, je voudrais analyser avec vous les raisons qui conduisent

à

cet état de faits, rechercher quelles en sont les répercussions et imaginer les solutions qui se présentent.

2. SPÉCIFICITÉS DE LA RECHERCHE BIOMÉDICALE

La recherche biomédicale est une recherche finalisée dont le but ultime est de conserver ou de restaurer l'état de santé. Elle concerne autant la santé individuelle que la santé publique. Son budget est assuré par un financement public et par des financements privés souvent très importants. 100)Le Budget civil de la recherche (B.C.R.D.) pour 1997 est de 52,3 milliards de F et représente 2,38% du P.I.B. ; 31,146 milliards de ce budget proviennent du Ministère chargé de la recherche. Les crédits de la recherche biomédicale sont attribués aux Universités, aux organismes I.N.S.E.R.M. et C.N.R.S. et aux agences (A.N.R.S., Généton), directement par le Ministère chargé de la recherche sous forme de dotations et d'actions ciblées. D'autres ministères: santé, environnement, défense etc... participent égalementàalimenter ce budget.

200 )La hauteur du financement industriel est difficileàapprécier. Les recherchesàcaractère industriel s'effectuent dans les propres laboratoires de recherche des groupes ou sont sous-traitées aux Universités et aux organismes de recherche par l'intermédiaire de contrats et de bourses.

300 ) L'organisation de collectes par les associations caritatives de type F.R.M., E.C.S., L.F.C. sous forme de léléthon, sidaction etc... est un phénomène nouveau en France. Si ces opérations permettent souvent de récolter des sommes imponantes et conduisentàresponsabiliser les citoyens. elles ne sont cependant pas dénuées de risques par le poids des donateurs dans la répanition des fonds, le déséquilibre entre crédits publics et crédits privés (le budget Sidaction équivalait en 1995à1.5 x celui de l'A. N.R.S.) et la difficulté du contrôle financier (affaire de l'A.R.C.).

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3. DÉFINITION DES ORIENTATIONS QUI CONDUISENT À DÉGAGER LES PRIORITÉS DE RECHERCHE

Au niveau ministériel, ces orientations sont fixées par le comité interministériel de la recherche scientifique et de la technologie. En 1997, ces priorités sont la lutte contre le cancer, les maladies infectieuses, les maladies cardio-vasculaires, les maladies dégénératives et les maladies neuro-sensorielles. D'autre part, deux programmes fédérateurs stratégiques, biotechnologies et microbiologies, ont été définis. Les organismes de recherche et les Universités par l'intermédiaire de leurs commissions, conseils, directions et missions scientifiques fixent leurs propres priorités. Il existe, d'autre part, une demande sociale qui est très forte pour tout ce qui a traità la santé. Cette demande influence directement ou indirectement les choix des décideurs.

Les pressions exercées par les associations de malades constituent un fait nouveau. Celles-ci sont capables d'infléchir la politique scientifique par un apport important de crédits (collectes) et par du lobbying auprès des politiques.

Enfin, la valorisation, dans le cas de la recherche biomédicale, est particulièrement importante par les bénéfices considérables qui peuvent être dégagés de l'application des recherches notamment avec les médicaments et les vaccins.

4. IMPORTANCE DE LA COMMUNICATION ENTRE LES SCIENTIFIQUES ET LA SOCIÉTÉ

L'accroissement important des moyens et du nombre de chercheurs au cours des dernières années a conduit à une accumulation remarquable de connaissances scientifiques, en particulier dans le domaine biomédical. Les moyens d'information et de communication se sont multipliés. Ils deviennent plus sophistiqués de jour en jour.À côté des médias classiques comme la presse écrite, la radio, la télévision, sont apparues la télématique et l'informatique (Internet) ; la mise en œuvre des autoroutes de l'information est pour un futur proche.

Le développement des échanges entre les scientifiques et la société résulte essentiellement de trois types de demandes:

Une demande sociale qui Èmane des "usagers", des malades et de différents groupes socio-économiques tels que les travailleurs. les scolaires et universitaires, les clubs de seniors par exemple.

Une demande émanant des autorités politiques leur permettant d'expliquer la politique sanitaire notamment pour justifier des réformes telles que celle de la S.S.

Une demande provenant des autorités sanitaires destinéeàfaciliter ses actions de prévention: 1une contre le tabagisme, 1utte contre les toxicomanies (le budget "1 utte contre les toxicomanies" estiméà 4,72 Milliards de F. en 1995 représente 0,3% du budget de l'État et 9% du budget de la recherche)

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5. LES CIRCUITS DE LA COMMUNICATION

Ce sont les milieux de la recherche publique et privée qui constituent la principale source des connaissancesàla base de la communication. Les cibles de la communication varient en fonction du but recherché. Dans le cas dîactions larges de prévention, comme les relations entre le cancer du poumon et le tabagisme ou l'utilisation du préservatif dans la prévention des M.S.T. et du S.I.D.A., c'est l'ensemble de la société qui constitue la cible.

La communication s'adresse au contraireàun public spécialisé comme les associations de malades (séropositifs, myopathes) ou les groupes à risques (toxicomanes, homosexuels) lorsqu'il s'agit d'actions ciblées.

6. DYSFONCTIONNEMENTS DE LA COMMUNICATION LIÉS AUX COMMUNICATEURS

L'absence de culture "médicale" de nombreux chercheurs les conduit souvent àextrapoler des résultats, souvent encore au stade expérimental,àcelui de la clinique. Il y a, en effet, un nombre important de chercheurs d'origine "scientifique" dans les organismes de recherche comme l'I.N.S.E.R.M. Cela est dû au fait que les études sont plus longues pour les médecins que pour les scientifiques et que ces derniers remplissent plus rapidement les conditions pOUT présenter leur candidature dans un organisme de recherche. Ces chercheurs n'ont jamais vu de malades et ne sont pas formés pour raisonneràl'échelle de l'organisme (ex: importance du facteur psychologique dans les essais thérapeutiques, biodisponibilité des médicaments, etc...).

La priorité donnéeàla biologie moléculaire sur les autres disciplines a conduit à un réductionnisme dangereux. Pendant très longtemps l'axiome de1.MONOD "ce qui est vrai pour le colibacille est vrai pour l'éléphant" a fait force de loi. Cela est le cas pour les règles fondamentales de la biologie; F. JACOB dans un ouvmge récent rappelle que les gènes du développement sont les mêmes chez la mouche et chez l'homme. Cela n'est certainement pas vrai pour les maladies: les maladies de l'éléphant sont différentes de celles du colibacille et de la souris comme le sont leur alimentation, leur environnement, les agents infectieux qui les atteignent. Il est clair que contrairementàce qui prévalu pendant longtemps, on n'est pas autoriséàextrapoler les résultats obtenus dans un tubeàessai à l'homme.

L'absence de formation des scientifiques pour la communication avec les médias est un autre handicap important. Les tentations du micro tendu ou de la caméra "non cachée" sont grandes pour les chercheurs qui du fait de leur inexpérience dans ce domaine sont facilesà"manipuler" pour un journaliste tant soit peu expérimenté. La recherche d'une médiatisation à outmnce a conduit certains chercheursàcommuniquer des résultats préliminaires non validés, voire frauduleux.

Les exemples documentés de fraudes scientifiques sont nombreux. Ainsi Burt, psychologue britannique s'appuyant sur des recherches faites sur des jumeaux est parvenu à la conclusion que l'inné l'emportait sur l'acquis. La publication de ces résultats a conduitàune modification du système

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d'enseignement en Grande- Bretagne en favorisant la sélection. En fait les résultats de Burt avaient été falsifiés. L'appareil de Prioré sensé guérir le cancer a constitué une véritable imposture scientifique dans les années 70. Plus près de nous on se souvient du scandale qui a entouré la découverte du virus du S.I.D.A. et dans lequel étaient impliqués deux scientifiques américains, Gallo et Popovic. Enfin, tout récemment en Afrique du Sud des scientifiques ont dû publier un démenti

à

propos d'un médicament guérissant le S.LD.A. quelques jours seulement après avoir présenté leurs résultats au Président Mandella

7. DYSFONCTIONNEMENTS DE LA COMMUNICATION LIÉS AUX MÉDIAS

Il est rare que le chercheur s'adresse directement au citoyen d'où l'intérêt des journées comme "la science en fête" ou "le festival des sciences" de Chamonix. Dans la majorité des cas ce sont les médias qui assurent le rôle d'intermédiaire.

La "pratique" journalistique est souvent biaisée. Le journaliste cherche le scoop et dans la majorité des cas le scientifique se trouve dans l'impossibilité de relire une interview. Il est courant, d'autre part, que des coupures inopportunes soient faites dans un article et que les faits rapportés soient sortis de leur contexte, ce qui rend le contenu de l'article incompréhensible ou erroné. La charte des devoirs professionnels des journalistes français (texte adopté en 1918 par le S.NJ. et révisé en 1933) ne semble pas suffisamment contraignant pour éviter certains dérapages. Il convient également de citer le rôle des agences de presse qui amplifient l'information. Le public a, en effet, tendanceàpenser que si l'information est rapportée par plusieurs journaux, on peut lui porter plus de crédit. On peut aussi relever une complaisance de certaines rédactions pour des sujets provoquants.

C'est ainsi que Le Monde a consacré récemment 3 doubles pagesàl'histoire de la mémoire de l'eau en terminant ainsi: "Reste aussi l'hypothèse que tout cela soit vrai". Il est peut-être bon de rappeler que les résultats des travaux qui sont à l'origine de celle "thÈorie" n'ont jamais pu être vérifiés par des équipes sérieuses et que cette histoire a fait un tort considérable à la science française.

Les médias se font également complaisamment l'écho d'hommes célèbres, faisant appel àdes pratiques médicales non conventionnelles (médecines dites douces ou médicaments sans a.m.m.). C'est notamment le cas d'acteurs venant en France pour y subir un traitement et récemment d'un chef d'État ayant fait soigner son cancer avec une préparation n'ayant pas reçu l'autorisation de mise sur le marché et dont l'inefficacité avait été prouvée expérimentalement.

8. DYSFONCTIONNEMENTS DE LA COMMUNICATION LIÉS À LA SOCIÉTÉ

La demande sociale est particulièrement importante sur des questions spécifiques qui ne sont pas nécessairement les problèmes médicaux ou de santé publique les plus importants etàpropos desquels de nombreuses questions ne sont pas résolues. Tel est le cas du S.LO.A. et des maladiesàprions dont la prévalence est cependant largement inférieure à celle des suicides et des accidents.

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La formation scientifique des citoyens est souvent insuffisante ou dépassée, l'empêchant ainsi de recevoir les infonnations avec l'esprit critique nécessaire.

Enfin, panni les causes de dysfonctionnements liésàla société, il convient de relever les causes idéologiques et politiques

- le public est influencé par le discours tenu par les hommes politiques ou les candidatsà une élection, sur la santé et la politique de santé à mener,

- certaines associations de malades ont biaisé les données scientifiques concernant les pathologies qui les intéressent.

9. RISQUES LIÉS À CES DYSFONCTIONNEMENTS

Les risques liés au dysfonctionnement de la communication entre les scientifiques et les citoyens sont de divers ordres. Il existe d'abord des risques pour la santé publique par la diffusion d'infonnations incomplètes ou erronées. Ceci a été notamment le cas lors du passage du nuage de Tchernobyl sur la France, oû l'organisme chargé de la surveillance a minimisé, voire ignoré, les faits.

1\y a, d'autre part, des risques pour la santé des malades. Certains ont en effet tendance à abandonner des traitements efficacesàla suite de rumeurs sur un nouveau médicament distribué sous le manteau. On a également vu des personnes décidéesà abandonner des vaccinations qui avaient fait leur preuve suiteàdes bruits évoquant des accidents secondaires (sclérose en plaque après vaccination contre l'hépatite B).

On peut également citer le rôle néfaste joué par certaines associations pratiquant un véritable terrorisme intellectuel. On connaît ainsi des associations contre l'expérimentation animale qui portent une lourde responsabilité dans le retard qu'a pris la France dans les domaines dans lesquels l'utilisation d'animaux: est indispensable et ne peut pas être remplacée par les "systèmes expérimentaux alternatifs". C'est ainsi que notre pays a dû procéderà des expériences de mise au point de nouveaux vaccins dans des animaleries américaines. Pourtant, lorsque ces vaccins seront au point, les malades anti-expérimentalistes ne les refuseront certainement pas.

Certaines "découvertes" comme la mémoire de l'eau ont pendant un temps jeté le discrédit sur la communauté scientifique de notre pays.

Les conséquences judiciaires ne sont pas moins importantes. Ainsi, les instructions des différentes "affaires" touchantà des problèmes de santé publique telles les affaires du sang contaminé, de l'honnone de croissance soulèvent des passions parmi les citoyens qui les empêchent de poner un jugement objectif sur les faits (démo('Tatie d'opinion).

Citons enfin les conséquences économiques pouvant être désastreuses. L'affaire de la "vache folle"à laquelle les médias ont donné une publicité hors de commun, et aussi hors de proportion, a provoquÈ un effondrement du marché de la viande bovine et de celui des abats.

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10. REMÈDES À APPORTER

Il convient d'abord d'analyser la situation sans complaisance puis d'édicter un certain nombre de règles déontologiques simplesà l'attention des communicateurs scientifiques. La formaùon des chercheursàla communicaùon et notamment celle des directeurs de laboratoires responsables de la communicaùon dans leur groupe est une nécessité absolue. Une autre formation qu'il convient de ne pas négliger est celle des citoyens de façonàleur permettre de recevoir et d'interpréter l'information de façon critique. Une action sur la presse scientifique et sur les médias. si elle est souhaitable, semble quant

à

elle paniculièrement difficile à mener

à

bien.

11.

CONCLUSIONS

La communication entre les chercheurs et les citoyens s'est fortement accrue au cours des dernières décennies, notamment dans le cadre de la recherche biomédicale. Les médias jouent un rôle important dans le transfert des informations scientifiques vers les citoyens.

Les dysfonctionnements que nous avons énumérés sont loin d'être négligeables et peuvent être corrigés. d'une part. par des mesures ponctuelles (règles simples de déontologie), d'autre pan, par des mesures à longue haleine (formation des citoyens et actions sur les médias).

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